RIVALITÉ DE FRANÇOIS Ier ET DE CHARLES-QUINT

TOME SECOND

 

CHAPITRE VIII. — CAPTIVITÉ DE FRANÇOIS Ier. - NÉGOCIATIONS PROLONGÉES. - TRAITÉ DE MADRID. - DÉLIVRANCE DE FRANÇOIS Ier.

 

 

I

François Ier était prisonnier de Charles-Quint. Quel traitement le politique vainqueur réservait-il au chevaleresque vaincu, et quelle suite aurait pour le royaume de France la captivité du roi ? Dans un pays dont toutes les parties avaient été jointes ensemble par l'ambition entreprenante et l'habileté attentive de ses princes, qui en avaient concentré le gouvernement entre leurs mains comme ils en maintenaient le territoire sous leur domination, les destinées de la monarchie étaient étroitement unies au sort du monarque. L'intégrité de la France semblait subordonnée à la puissance du roi. On avait vu, après la funeste bataille de Poitiers et la prise du roi Jean par le Prince Noir, le royaume, livré au désordre, exposé au démembrement, tomber dans la faiblesse de la désunion et sous la dépendance de l'étranger. N'était-il pas à craindre que la défaite de Pavie et la captivité de François Ier ne fussent suivies de calamités semblables, et que les Espagnols ne devinssent en 1525 pour la France ce que les Anglais avaient été pour elle en 1356 ?

Le royaume était placé sous l'administration d'une femme, Louise de Savoie, duchesse d'Angoulême, que son fils avait nommée régente en partant pour l'Italie, et dont l'influence avait plus montré jusqu'alors l'avidité que la capacité. Des trois enfants de François Ier, le plus âgé avait à peine huit ans. L'autorité, si nécessaire en ces conjonctures menaçantes, ne résidait avec force nulle part. L'argent manquait dans l'État épuisé. Les troupes avec lesquelles on aurait pu repousser les agressions extérieures avaient été détruites ou dispersées, les meilleurs chefs de guerre étaient morts ou captifs. On semblait également dépourvu des moyens de garder le royaume sans trouble, si le roi en restait longtemps éloigné, de le préserver d'un démembrement, s'il était envahi. La grande infortune de Pavie laissait redouter de plus grands malheurs encore pour la France.

Le lendemain de leur victoire, les chefs des troupes impériales annoncèrent à Charles-Quint cet éclatant succès de ses armes et les résultats immenses qu'il avait pour lui. Le vice-roi de Naples fit partir le commandeur Peñalosa, et le duc de Bourbon dépêcha Le Peloux, qui tous deux avaient pris part à la bataille, afin qu'ils en rendissent compte à l'empereur. Lannoy obtint de François Ier que le commandeur Peñalosa traversât la France avec un sauf-conduit pour arriver plus vite en Espagne. C'est du camp de Saint-Paul, d'où l'avant-veille encore il espérait maîtriser l'Italie, que le monarque prisonnier écrivait à la régente sa mère ces nobles et touchantes paroles : Madame, pour vous faire savoir comment se porte le reste de mon infortune, de toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie, qui est saulve. Il la conjurait d'user de prudence et il lui recommandait ses petits enfants. Il la priait d'accorder libre passage au commandeur Peñalosa, qui va, disait-il[1], devers l'empereur pour savoir comment il voudra que je sois traité.

Charles-Quint était dans son château de Madrid, fort inquiet sur le sort de son armée. Il savait qu'on n'avait pas d'argent pour la payer, qu'on y mourait de faim, que ses soldats ne pouvaient pas supporter plus longtemps les extrémités auxquelles ils étaient réduits[2], qu'il fallait ou qu'ils se dispersassent, s'ils ne combattaient pas, ou qu'ils s'exposassent à une déroute, s'ils attaquaient le roi de France dans ses fortes positions. Il était livré à ces pensées alarmantes lorsqu'arriva l'envoyé du vice-roi, qui, l'instruisant de la grande nouvelle qu'il apportait, lui dit : Sire, la bataille a été livrée près de Pavie ; les troupes de Votre Majesté ont remporté la victoire, le roi de France lui-même a été pris et se trouve au pouvoir de Votre Majesté[3]. A cette annonce inespérée, l'empereur éprouva un saisissement. Il resta quelques instants pâle et muet ; puis il s'écria, comme s'il avait besoin de le répéter pour le croire : Le roi de France est en mon pouvoir ; la bataille a été gagnée par moi ! Après ces mots, il entra seul dans sa chambre, se mit à genoux dans son oratoire, et resta longtemps à remercier Dieu de lui avoir accordé une aussi grande faveur[4].

Le soir même, l'ambassadeur de son allié le roi d'Angleterre, le docteur Sampson, étant venu le féliciter, Charles-Quint se montra aussi modéré dans son langage que modeste dans son attitude. Il attribua cette victoire au suprême dispensateur des événements humains, assura qu'elle pouvait être suivie d'une paix universelle qui établirait dans la chrétienté un repos solide, et permettrait de repousser de ses frontières orientales les attaques des infidèles, d'opérer dans son sein une réformation nécessaire en réprimant de dangereuses erreurs, en remédiant à de grands abus ; qu'il ferait profiter de cette victoire ses amis beaucoup plus qu'il n'en profiterait lui-même, parce qu'il n'ambitionnait rien de plus que ce qu'il avait ; que, reconnaissant que tout lui venait de la main et de la grâce de Dieu, son intention était d'user d'une telle modération qu'on ne trouvât en lui aucune pensée de ressentiment contre son adversaire abattu.

Il ne paraissait pas plus de joie sur le visage immobile de ce vainqueur de vingt-cinq ans qu'il ne perçait d'ambition dans ses pacifiques paroles. Sa conduite répondit d'abord à sa contenance et fut aussi humble qu'elle. On lui proposait de célébrer avec pompe cet heureux triomphe ; il s'y refusa. Il voulut seulement qu'il fut fait le lendemain une procession générale pour en remercier Dieu. Il la suivit à pied, simplement vêtu d'une cape de frise noire, jusqu'à la chapelle de Notre-Dame d'Atocha, où fut dite une messe solennelle. Il défendit au prédicateur qui prit pour texte de son discours : Laudamini nomen Dei vestri, qui fecit nobiscum mirabilia, de le louer d'aucune manière et d'aucune manière aussi de jeter le blâme sur ses ennemis.

Malgré ces premières manifestations de désintéressement, l'empereur cherchait quels avantages il retirerait de sa victoire. Trois moyens semblaient s'offrir à lui d'arriver diversement à ses fins. Il pouvait, poursuivant sans retard ses succès, opérer par plusieurs côtés et de concert avec le roi d'Angleterre l'invasion de la France affaiblie et l'accabler sans rencontrer beaucoup de résistance ; il pouvait négocier une paix qu'il croirait rendre solide en amoindrissant la puissance du roi captif par des cessions de territoire exigées comme conséquence de sa défaite et comme rançon de sa liberté ; il pouvait enfin s'assurer de l'amitié de François Ier et l'avoir à jamais pour allié aussi dévoué que reconnaissant en usant de magnanimité et en le délivrant sans le dépouiller ni l'humilier. Il mit en délibération le parti qu'il prendrait et comment il agirait envers son prisonnier.

 

II

Pendant que Charles-Quint délibérait, l'implacable duc de Bourbon voulait profiter de l'occasion pour pénétrer en France. Il était d'avis de continuer la guerre et d'exécuter l'entreprise qu'il avait quatre mois auparavant proposée par Beaurain au roi d'Angleterre. Il fit dire à ce prince que, s'il le voulait, il mettrait maintenant la couronne de France sur sa tête. Il proposait de pénétrer en France par le Dauphiné, traînant après lui des canons tirés d'Italie et suivi de douze mille hommes de pied et de cinq cents hommes d'armes qui seraient payés pour deux mois par Henri VIII. Il se chargeait ensuite de pourvoir à leur solde. Dans le cas où le roi d'Angleterre préférerait qu'il envahît la France par la Bourgogne, il demandait que l'archiduc Ferdinand lui préparât de l'artillerie et des munitions dans la ville de Brisach, et que le roi de son côté, abordant à Calais avec une armée anglaise, lui indiquât le lieu où il pourrait le joindre. Sir John Russell, qui transmettait de Milan ces propositions à Henri VIII, ajoutait : Le duc dit que le moment est venu pour Votre Altesse de recouvrer son droit et de reprendre son héritage, que détient le roi de France. Jamais plus belle occasion ne s'est offerte ; mais il faut user de diligence. Avec les pertes que les Français ont faites en Italie, ils ne peuvent pas de quelque temps résister à une attaque en France. Si les deux armées y entrent promptement, ils n'auront pas le loisir de trouver des moyens de défense, encore moins de se pourvoir de bons capitaines[5].

Le roi Henri VIII et son tout-puissant ministre le cardinal Wolsey n'étaient pas cette fois disposés à rejeter le projet d'une invasion, comme ils l'avaient fait cinq mois auparavant. Depuis quelque temps, ils s'étaient singulièrement refroidis à l'égard de Charles-Quint. A partir de l'expédition manquée de 1523 et surtout du siège de Marseille levé en 1524, les liens de leur amitié s'étaient plus que relâchés. Ils accusaient l'empereur de n'avoir tenu aucun des engagements qu'il avait pris ; ils lui reprochaient d'avoir seul profité de l'alliance à l'aide de laquelle il avait recouvré Fontarabie et était devenu victorieux en Italie, d'avoir reçu d'eux des sommes qu'il n'avait pas rendues, de les avoir privés des pensions qu'ils tiraient de la France, et d'avoir fait rompre en pure perte le mariage de la princesse d'Angleterre avec le Dauphin de France. Ils attribuaient au duc de Bourbon l'échec subi devant Marseille, et ne voulaient plus entendre parler de donner un denier pour des entreprises à leurs yeux également onéreuses et inutiles.

Aussi Wolsey avait fort mal reçu Beaurain, qui était venu en Angleterre, au mois de novembre précédent, proposer de la part du duc de Bourbon, d'accord avec l'archiduc Ferdinand, d'attaquer, entre la Lorraine et la Franche-Comté, la France, alors dégarnie de troupes, avec une armée que le duc lèverait en Allemagne, et que le roi d'Angleterre solderait en fournissant 200.000 écus d'or. Il s'était même servi d'expressions offensantes et grossières, et il avait dit que l'empereur était un menteur, l'archiduchesse Marguerite une ribaude, l'archiduc Ferdinand un enfant, et le duc de Bourbon un traître[6]. Accusant Charles-Quint d'aspirer à la monarchie universelle de l'Europe, il avait ajouté que le roi son maître devait s'opposer à une pareille ambition[7]. Beaurain n'avait pas pu voir Henri VIII, et Wolsey avait défendu à sir John Russell de remettre à l'armée impériale, dans ce moment dénuée de tout, l'argent qu'il avait porté en Italie. L'irrité cardinal avait même engagé des négociations avec la régente de France.

Le président Brinon, chancelier d'Alençon, et l'Italien Jean-Joachim Passano, sieur de Vaulx, ambassadeurs de Louise de Savoie, s'étaient rendus auprès du cardinal pour traiter d'un accord entre la France et l'Angleterre. L'accord se serait conclu, si le prix auquel Wolsey mettait l'alliance de l'Angleterre n'avait pas été jugé trop haut. Il demandait les comtés de Boulogne et de Guines avec la ville d'Ardres comme cession territoriale, 1,500.000 écus d'or comme représentant les arrérages dus pour la cession de Tournay, et les pensions suspendues depuis la rupture. La régente avait refusé d'abandonner la moindre parcelle de territoire[8]. Quant à l'argent, elle allait jusqu'à 1.100.000 écus ; mais le cardinal répondit qu'il faisait moins d'estime de ces 1.100.000 écus que de son rochet[9], et que le point principal pour obtenir la paix était la cession des terres demandées. Comme les négociateurs de la régente n'avaient pas le pouvoir d'y consentir, Wolsey les renvoya en leur disant qu'ils eussent à partir bien vite, parce qu'il commençait à être suspect et qu'on le traitait de Français. Il ajouta avec une précision singulière qu'à cette heure on avoit donné la bataille au roy devant Pavie, et que le roi estoit deffaict ou pris.

Lorsque la nouvelle du grand revers de François Ier arriva en Angleterre, Wolsey et Henri VIII se tournèrent du côté de l'empereur avec une ambitieuse agilité. Le roi d'Angleterre réclama sa part de la victoire, à laquelle il était resté complètement étranger. Il envoya en Espagne, vers son allié naguère délaissé, l'évêque de Londres Tunstall, garde de son sceau privé, et sir Richard Wingfeld, chancelier du duché de Lancastre, pour lui proposer la conquête et le morcellement de la France[10]. Cela est maintenant aisé, disait-il, son roi étant captif, son armée étant vaincue, ses nobles étant tués ou pris. Sans tête, sans conseil, sans force, elle est incapable de leur résister si, conformément aux accords précédents, ils y pénètrent tous les deux en personne par une invasion simultanée et depuis longtemps convenue. Ils marcheront, chacun de son côté, vers le cœur du royaume en négligeant les forteresses et les lieux fermés. Arrivés l'un et l'autre à Paris, Henri VIII s'y fera couronner, et il accompagnera ensuite jusqu'à Rome Charles-Quint, à qui il donnera 200.000 écus d'or pour l'aider dans son voyage d'Italie, où il ira prendre la couronne impériale et rétablir l'empire dans sa dignité ancienne et dans toute sa grandeur. L'empereur, disait-il encore, sera bien près d'avoir la monarchie de toute la chrétienté. Au royaume d'Espagne, à une grande partie de l'Allemagne, aux royaumes de Sicile et de Naples, à la Flandre, à la Zélande, à la Hollande, au Brabant, au Hainaut et au reste des Pays-Bas qu'il possède par héritage, il joint par élection l'empire et tout ce qui en dépend soit en Italie, soit en Allemagne, et il aura par le mariage avec la princesse Marie, sa fille unique et son héritière, l'expectative de l'Angleterre, de l'Irlande, de droits éventuels sur l'Écosse, et la réversion de la France.

Prévoyant le cas où l'empereur se refuserait à opérer l'invasion en personne, Henri VIII demandait qu'elle fût conduite par le duc de Bourbon, qui y emploierait l'armée d'Italie. Le duc de Bourbon prendrait la route qu'il avait indiquée lui-même à sir John Russell, et trouverait à Brisach le secours d'artillerie demandé à l'archiduc Ferdinand. L'empereur inviterait la gouvernante des Pays-Bas à tenir prêts trois ou quatre mille chevaux et autant de fantassins qui viendraient se joindre à l'armée du roi d'Angleterre descendue sur les côtes de France, et il obligerait le pape, les Vénitiens, les Florentins, le duc de Ferrare, à fournir une contribution convenable, tandis que, lui, donnerait 150.000 couronnes au duc de Bourbon. L'invasion ayant réussi, Henri VIII manifestait l'intention de ne pas garder tout entier le royaume de France, dont il laisserait à l'empereur et au duc de Bourbon des parties capables de les contenter. En même temps qu'il restituerait à l'empereur la Bourgogne, il lui céderait la Provence et le Languedoc jusqu'à Toulouse. Il accorderait le Dauphiné au duc de Bourbon, qui réunirait cette province à ses anciens États patrimoniaux recouvrés. Il conserverait le reste de la France ainsi réduite, qui écherrait plus tard à l'empereur, auquel il remettrait sa fille dans Paris même afin qu'il l'épousât.

Si Charles-Quint trouvait cette ambition excessive de la part d'un allié qui était demeuré inactif, s'il n'entendait pas exécuter l'invasion convenue par le traité de Windsor, s'il ne se décidait point à déposséder François Ier de sa couronne, Henri VIII espérait au moins qu'il ne laisserait à François Ier abaissé qu'un royaume fort amoindri. Il demandait alors subsidiairement tout ce qui avait appartenu aux rois d'Angleterre ses prédécesseurs, les duchés de Normandie, de Gascogne, de Guyenne, d'Anjou, le Poitou, le Maine, en y ajoutant la Bretagne. En cas que ces prétentions fussent réputées encore trop considérables, il les réduisait successivement en désignant les provinces qui étaient le mieux à sa convenance, et qu'il lui aurait été le plus avantageux d'acquérir. Ainsi Henri VIII revendiquait le royaume de France, dont une partie serait attribuée à l'empereur et au duc de Bourbon, ou bien une vaste étendue du pays, dont la couronne déshonorée et la puissance affaiblie seraient laissées à François Ier et à sa race.

 

III

Au moment où ces sinistres propositions furent adressées à Charles-Quint, qui savait que son tiède allié avait été sur le point de lui être infidèle, Charles-Quint avait déjà pris son parti. Deux avis contraires avaient été exprimés et soutenus dans ses conseils. De ses conseillers, les uns pensaient qu'il devait poursuivre ses avantages par les armes et accabler à tout jamais son ennemi vaincu[11]. Les autres, à la tête desquels était le chancelier Mercurin de Gattinara, son principal et son plus habile ministre, le dissuadaient de rechercher parla continuation de la guerre ce qu'il se procurerait aisément par un traité de paix. Gattinara assurait que les avantages territoriaux et politiques auxquels l'empereur pouvait prétendre seraient l'inévitable résultat de la victoire de Pavie, le prix forcé de la délivrance du roi. Fixant les conditions de la paix avec non moins de rigueur que de précision, Gattinara avait engagé d'avance l'empereur à repousser l'entreprise que le roi d'Angleterre proposerait contre la France en répondant qu'il ne trouverait pas de son honneur de faire la guerre à quelqu'un qui, devenu son prisonnier, ne saurait désormais se défendre, et duquel il pourrait obtenir satisfaction sans recourir à la force des armes[12]. Gattinara ne ménageait pas François r, mais il détournait Charles-Quint de rendre Henri VIII plus puissant et de l'élever plus haut. Henri, disait-il, qui s'appelle roi de France et qui prétend avoir des droits à ce royaume, pourrait devenir un jour nuisible aux Pays-Bas et à l'Espagne, tandis que, si la paix est conservée avec la France sous les conditions mentionnées, la France sera mise tellement bas qu'elle n'aura plus les moyens de nuire.

Charles-Quint adopta de tout point l'avis de son chancelier. Il projeta de traiter avec le monarque captif en le soumettant aux plus durs sacrifices. Il fit partir pour l'Italie Beaurain avec ses propositions de paix, et, tandis qu'il y montrait les exigences les plus énormes, il y affectait la plus généreuse modération. Afin de ne pas être, disait-il, ingrat envers Dieu, qui a fait tomber le roi de France en notre pouvoir, ayant plus égard à son service et au bien de la chrétienté qu'à notre particulier profit, et voulant plutôt user de douceur que de rigueur... avons pensé être plus convenable de surseoir à l'exécution de la guerre jusqu'à ce que nous sachions si le roi de France se voudra condescendre aux conditions de paix raisonnables et propres à satisfaire nous, nos sujets, nos alliés, confédérés et amis[13].

Il aurait pu, prétendait-il, revendiquer le royaume de France ou tout au moins plusieurs de ses provinces ; mais il se contenterait de reprendre les possessions récemment soustraites à la maison de Bourgogne. Il demandait donc que le roi de France, s'il désirait la paix et voulait sa délivrance, rendît le duché de Bourgogne, accordé par le roi Jean à Philippe le Hardi et à toute sa postérité, les comtés d'Auxerre, de Mâcon, la vicomté d'Auxonne, le ressort de Saint-Laurent, la seigneurie de Bar-sur-Aube et les autres terres cédées à ses bisaïeuls les ducs Philippe et Charles par les traités d'Arras, de Conflans et de Péronne ; abandonnât la ville de Thérouanne avec la ville et le château de Hesdin ; perdit ses droits de suzeraineté sur la Flandre et sur l'Artois ; renonça à toutes ses prétentions sur le royaume de Naples, le duché de Milan, le comté d'Asti, la seigneurie de Gênes ; cédât- la Provence au duc de Bourbon, qui la réunirait à ses anciens États pour en former un royaume indépendant, et dont tous les complices, rendus à la liberté, seraient remis dans leurs biens ; restituât au roi d'Angleterre tout ce qui lui revenait en France, et acquittât en outre lui-même toutes les indemnités pécuniaires que Charles-Quint avait promis de payer à Henri VIII ; enfin rétablît le prince d'Orange dans sa principauté confisquée. François Ier devait, avant der sortir de prison, faire ratifier ce traité par les États de son royaume, qui en jureraient la perpétuelle observation, obtenir qu'il fût enregistré par ses parlements, et le sanctionner de nouveau quand il serait devenu libre.

En abattant ainsi son adversaire vaincu, Charles-Quint se flattait d'établir une paix universelle et durable dans les pays chrétiens. Il espérait faire de François Ier une sorte de vassal qui unirait ses armes aux siennes pour l'aider à extirper l'hérésie en progrès dans les pays d'Allemagne et à combattre les Turcs, qui s'avançaient de plus en plus sur le territoire de l'Europe. Chacun d'eux fournirait quinze mille hommes de pied et cinq mille chevaux, afin de chasser de la Hongrie les armées de Soliman par une expédition que le Pape et les autres princes chrétiens seraient appelés à seconder, et que conduirait l'empereur en qualité de capitaine général.

Charles-Quint faisait dépendre la paix avec la France de l'acceptation prompte et complète des conditions qu'il imposait au roi prisonnier et à la régente sa mère. S'ils les rejettent, écrivait-il à son frère l'archiduc Ferdinand[14], ce que nous saurons dans l'espace de six semaines, je pense alors à poursuivre ma bonne fortune et à m'adresser aussi à tous mes amis et alliés pour qu'ils se mêlent de l'affaire. Il avait, en ce cas, le projet, comme il le mandait à ses généraux en Lombardie, de descendre lui-même en France par le Roussillon et le Languedoc et d'opérer sa jonction à Avignon sur le Rhône avec l'armée d'Italie, qui passerait de nouveau les Alpes. Il prévenait en même temps de ses intentions Louis de Praet, son ambassadeur en Angleterre. Il le chargeait d'annoncer à Henri VIII qu'il ne désarmait pas et qu'il le priait de ne pas désarmer lui-même, afin d'être prêt à attaquer la France en cas de refus des satisfactions qu'il exigeait pour ses alliés comme pour lui. Le vice-roi de Naples et le duc de Bourbon informeraient directement le roi d'Angleterre de la réponse que ferait François Ier aux articles portés par Beaurain, et, s'il ne les acceptait pas, on entrerait sur-le-champ en campagne. Beaurain eut ordre de passer par la France et de faire connaître ces conditions à la régente avant de les porter au roi son fils.

 

IV

La duchesse d'Angoulême était à Lyon, où elle avait établi son séjour lorsque François Ier était descendu en Italie, pour être plus à portée de lui envoyer des secours. En apprenant sa défaite et sa captivité, elle en avait été bouleversée, mais elle ne s'en était point laissé abattre. Comme elle le dit avec vérité, en voyant l'urgent besoin de pourvoir aux affaires et à la défense du royaume, elle ne perdit pas le cœur[15]. Elle annonça partout ces funestes événements dans les termes les plus propres à raffermir les courages, et elle prescrivit à tous ceux qui exerçaient quelque autorité dans l'État de veiller à ce qu'ils n'eussent pas de dangereuses suites. Elle appela auprès d'elle les princes et seigneurs du sang, les gouverneurs des provinces, les délégués des parlements et quelques notables personnages de la ville de Paris, pour l'aider de leurs conseils en ces difficiles conjonctures. Elle les adjoignit à ses ministres, dont les deux principaux furent le trésorier Florimond Robertet et le chancelier Antoine Du Prat. Il fallait mettre le pays en garde contre les menaces de l'ennemi, en l'empêchant surtout de tomber dans le ruineux désordre des pillages militaires et des soulèvements intérieurs. Louise de Savoie prit diligemment toutes les mesures que commandait le danger public.

Le royaume la seconda avec un accord tout à fait inusité et par un patriotisme jusqu'alors inconnu dans des circonstances semblables. Il fut ému sans être découragé, et l'agitation ne le jeta point dans la désobéissance. Pour la première fois la royauté affaiblie obtint la fidélité qui ne s'accordait auparavant qu'à la royauté puissante. La France, unie et soumise, ressemblait à une vraie nation qui sent, pense, agit avec ensemble, et que la vue de l'intérêt public conduit à des résolutions communes. On se serra autour de ceux qui, soit au centre, soit aux extrémités du pays, étaient investis de l'autorité royale. Les fragments réunis du territoire avaient formé un État, et ses habitants rapprochés étaient devenus un peuple.

La capitale donna l'impulsion au royaume. Le parlement de Paris, auquel les villes de Picardie avaient envoyé des députés[16], établit un utile concert pour assurer le bon ordre et la défense générale. Afin de prévenir les réunions dangereuses et d'éviter les tumultes, il provoqua la formation d'une assemblée publique qui fut régulièrement chargée de tout diriger. Il désigna plusieurs de ses membres pour entrer dans cette assemblée, à laquelle furent appelés les députés de la cour des comptes, ceux de l'Église et de la municipalité de Paris, et qui tint ses séances au Palais-de-Justice, où se rendirent au milieu d'elle l'archevêque d'Aix, gouverneur de Paris, et le seigneur de Montmorency, père du maréchal et le plus puissant feudataire du voisinage[17]. On y résolut de fermer les portes de Paris comme en temps de guerre ; on en répara les murs, et, si l'on n'en fit point sortir les étrangers à cause de l'université, qui avait le privilège de les recevoir en tout temps, on n'y laissa point entrer ceux qui pouvaient y venir avec de mauvaises intentions et y apporter du trouble. La rivière, qui traversait la ville et qui était comme une voie toujours ouverte, fut soigneusement surveillée. La garde bourgeoise fut promptement organisée, et personne n'en fut exempt. Les présidents et les conseillers de la cour s'y enrôlèrent comme les autres, et le guet dut parcourir les rues toute la nuit[18]. Il y eut de plus à l'Hôtel-de-Ville une assemblée dont firent partie, avec le prévôt des marchands, les quatre échevins et les vingt-quatre conseillers, plusieurs notables habitants, extraordinairement élus dans chaque quartier. Cette assemblée de l'Hôtel-de-Ville fut surtout chargée de l'exécution des mesures prises par l'assemblée supérieure siégeant au Palais-de-Justice.

Dans la province la plus voisine de Paris, et par cela même la plus importante de France, il y eut une entente semblable. L'archevêque, le chapitre, le bailli et les notables de Rouen, l'évêque de Lisieux et les principaux personnages de la Normandie, convoqués par le parlement, se réunirent en conseil au Palais-de-Justice. D'accord avec le grand sénéchal de Normandie, ils pourvurent à la sûreté de Rouen et à la défense des villes frontières du duché. Ils envoyèrent ensuite des députés vers le parlement de Paris, comme étant la première cour instituée et la cour capitale du royaume, et lui offrirent, dans l'intérêt public, leur service et leur obéissance[19].

Celui que la' trahison du connétable avait fait le chef de la maison de Bourbon, et que la mort du duc d'Alençon allait rendre le premier prince du sang, le duc de Vendôme, vint montrer sa fidélité aux Parisiens et les louer de la leur. Après avoir mis en état de défense les villes de son gouvernement de Picardie et surtout celles de Montreuil, de Boulogne, de Thérouanne, qui faisaient face aux possessions continentales des Anglais, ou qui se trouvaient placées au débouché des Pays-Bas, il traversa Paris en retournant à Lyon. Il se présenta à l'assemblée de l'Hôtel-de-Ville, qu'il félicita des loyaux sentiments dont elle avait été animée : Si, dit-il aux représentants de la patriotique cité, si vous avez été par ci-devant bons serviteurs du roi, continuez à l'être ; restez unis et soyez exemple aux autres du royaume, car par vous tout se réglera. Je suis ici venu pour soutenir les affaires et la chose publique. Je m'en vais en cour devers Madame, et là je ferai rapport de la bonne volonté que vous avez eue envers le roi et avez de présent plus que jamais. Je m'emploierai afin qu'elle vous écrive de ce qui sera avisé pour le bien de la ville[20].

Tandis que sur les divers points de la France on s'unissait pour se défendre, la régente pourvoyait avec une activité habile à la sécurité générale. Elle avait recueilli autour de Lyon les débris de l'armée fugitive. Elle ménagea si bien les finances qu'elle put bientôt donner un quartier de leurs gages aux gentilshommes de la maison du roi, aux archers de ses gardes et aux gens d'armes de ses ordonnances. Sur les trois mille neuf cents hommes d'armes qu'entretenait la couronne, elle en cassa un cinquième — c'est-à-dire vingt par compagnie, qui furent renvoyés chez eux après avoir été payés —, tandis que les autres, payés aussi, restèrent sous le drapeau. Elle cassa également une partie des gens de pied étrangers et garda l'autre, en ayant soin de s'acquitter envers ceux qui étaient licenciés et de solder ceux qui étaient retenus[21]. La cavalerie et l'infanterie, qui furent conservées, formèrent l'armée de défense concentrée autour de Lyon, ou gagnèrent les villes frontières, afin d'y tenir garnison et de les mettre à couvert d'une attaque. Gardant auprès d'elle le maréchal de Lautrec, qui aurait commandé l'armée en cas de besoin, la régente envoya le comte de Guise dans la Bourgogne et la Champagne pour veiller à la protection de ces deux importantes provinces, comme le duc de Vendôme l'avait fait en Picardie. Elle ne se borna point à prendre ces mesures de bon ordre et de sûreté, elle sut conserver au royaume l'appui des cantons suisses, qui touchèrent avec une exactitude inaccoutumée une partie de ce qui leur était dû et reçurent en peu de temps jusqu'à 300.000 livres. Elle invoqua même l'assistance de Soliman II, que François Ier avait déjà sollicité d'opérer une diversion dans les États héréditaires d'Autriche[22], en attendant qu'elle engageât, comme elle le fit bientôt, les plus utiles négociations, soit au-delà des Alpes, soit de l'autre côté de la Manche. Après que toutes ces dispositions militaires eurent été prises, et qu'il eût été pourvu à la sécurité de la Normandie, de la Picardie, de la Champagne, de la Bourgogne, du Dauphiné, de la Provence, etc., la régente se sentit moins en crainte du côté de l'ennemi, et eut une pleine confiance dans la persévérante fidélité du royaume.

Ce fut sur ces entrefaites que Beaurain arrivait à Lyon. Il apportait à la duchesse d'Angoulême mie lettre froide et sèche de l'empereur en réponse à de touchantes supplications et à de maternelles instances qu'elle lui avait adressées par le commandeur Peñalosa[23]. Beaurain communiqua en même temps les conditions auxquelles l'empereur conclurait la paix avec la France et consentirait à la délivrance du roi. La régente était entourée des personnages qu'elle avait appelés à Lyon et qui formaient auprès d'elle comme une petite assemblée d'États. D'accord avec eux, elle rejeta sans hésiter, et avec des paroles altières, les dures et humiliantes exigences de l'empereur. Elle dit que, si l'empereur voulait traiter de la rançon du roi, on prêterait l'oreille à ses propositions, mais quant à céder un pied de terre, la France n'était pas assez bas pour le faire, et le royaume était prêt à se défendre, quoique le roi fût prisonnier[24].

 

V

Les demandes de Charles-Quint ne devaient pas paraître moins exorbitantes à François Ier. Peu de jours après la bataille de Pavie, le monarque captif avait été conduit dans la forteresse de Pizzighettone, sur l'Adda, entre Lodi et Crémone. Le vice-roi de Naples et le duc de Bourbon l'y avaient laissé sous la garde du capitaine Alarcon et d'une troupe choisie d'arquebusiers espagnols. Il y était soumis à la plus étroite surveillance, bien qu'il y fût entouré des plus grands respects. On ne parvenait jusqu'à lui qu'avec la permission et en la présence de son vigilant gardien, qui avait ordre de lire tout ce qui lui était adressé. De nuit comme de jour, on entrait dans sa chambre afin de s'assurer qu'il n'en avait pas disparu, et son sommeil était souvent troublé par ces visites défiantes. Rien n'était négligé pour rendre impossible son évasion. Sans être tombé dans l'abattement, François Ier ne se consolait pas d'avoir été vaincu et de demeurer prisonnier. Constamment occupé jusque-là de la guerre ou de la chasse, accoutumé aux plaisirs d'une cour qu'il animait de son esprit et que les séductions de l'homme remplissaient encore plus que les commandements du roi, il s'accommodait mal d'une immobile et sévère captivité. Il se levait tard, jouait de temps en temps à la paume[25] pour prendre quelque exercice, et restait le plus souvent livré à ses pénibles pensées. Dans sa mélancolique solitude, il composait la triste épopée de sa campagne et de sa défaite. Il adressait à sa sœur Marguerite et à sa mère, qu'il unissait dans ses vers comme dans sa tendresse, des rondeaux et des sonnets où les plus heureux accents se trouvaient à côté de paroles obscures ou vulgaires. Ses chevaleresques regrets et ses ardentes effusions étaient surtout pour la dame maîtresse de son cœur, pour celle dont il portait la devise sous son armure dans la journée de Pavie, à laquelle il avait promis de ne pas fuir et avait obéi autant qu'à l'honneur en combattant jusqu'à ce qu'il fût pris[26]. Délicat de sentiment plus que de langage, il était parfois commun, bien qu'avec esprit, quintessencié, non sans un certain naturel. La recherche de l'expression, qui n'était pas toujours claire, et qui même de temps en temps était grossière, n'empêchait pas ses mouvements d'être vrais, ses pensées d'être nobles. Il s'entretenait ainsi dans ses tristesses en les écrivant.

Un mois après qu'il eut été enfermé à Pizzighettone, il fut visité par le nonce du pape, qui lui apportait une lettre de Clément VII, consterné de son revers et craignant que la défaite de la France ne conduisît à l'asservissement de l'Italie. Au moment où le roi allait à la messe, le nonce, évêque de Pistoja, suivi d'Alarcon et d'un assez grand nombre d'Espagnols, lui présenta le bref du souverain pontife. En le voyant, François Ier fit effort pour montrer un visage riant. Il lut fort attentivement la lettre du pape et la remit, après l'avoir lue, à Alarcon, s'excusant d'y être contraint. Le nonce lui exprima au nom de Clément VII des condoléances générales, ne pouvant pas lui parler plus confidemment à cause de la présence d'Alarcon et des Espagnols. Le roi lui répondit que Sa Sainteté n'avait pas une moindre raison de le plaindre de son malheur que de féliciter le vice-roi de la victoire de l'empereur, car, il le savait, le bon accord qui existait entre lui et Sa Sainteté existait aussi entre Sa Sainteté et l'empereur. Il priait le pape, puisqu'il était déjà intervenu avec zèle pour rétablir la paix, d'y travailler maintenant de tout son pouvoir. Il acceptait d'un cœur très-reconnaissant ses offres et le suppliait de s'employer auprès de l'empereur pour obtenir sa délivrance.

François Ier se rendit ensuite dans la chapelle, qui était tendue de noir ; il avait un vêtement couleur de cendre, fourré de peaux de martres communes, qu'il avait pris après sa défaite et qu'il ne voulait pas quitter tant que durerait sa captivité. A l'évangile, il se leva, posa sa main droite sur sa tête, qu'il pressa en la secouant ; il ne donna pas d'autre signe des préoccupations qui l'agitaient. La messe finie, il sortit de la chapelle toujours accompagné d'Alarcon et de ses gardes ; toutefois le nonce put lui parler quelques instants sans témoins. François Ier ignorait encore le sort du corps d'armée qu'il avait envoyé vers le royaume de Naples ; il demanda vivement alors à l'archevêque de Pistoja ce qu'était devenu le duc d'Albany. Le nonce lui raconta toutes les lenteurs apportées dans cette expédition, et il ajouta que le duc d'Albany avait sans doute remis à la voile et quitté l'Italie. En perdant cette dernière espérance d'une diversion, le roi resta quelque temps comme interdit, puis il s'écria en français : Est-il possible ? Il demanda des nouvelles de Jean de Médicis, qui avait reçu une grave blessure à son service quelques jours avant la bataille de Pavie. Le nonce lui répondit qu'il pourrait bientôt monter à cheval, en ajoutant que du reste tout était désespéré. Ces paroles émurent beaucoup le roi, et il dit qu'il ne fallait pas s'attendre à autre chose. Le nonce ajouta alors : Percutiam pastorem et dispergentur oves. Après avoir assisté au dîner du roi, qu'Alarcon servit à table, le nonce prit congé de lui en demandant ses ordres auprès du pape. — Pas d'autres, lui répondit François Ier en italien, que de recommander à notre très-saint père mon infortune. — En même temps il détourna les yeux pour ne pas le voir sortir[27]. François Ier avait déjà écrit à Charles-Quint une lettre dans laquelle il exprimait l'espoir que l'empereur userait généreusement de sa victoire et ne voudrait le contraindre à rien qui ne se dût. Je vous supplie, disait-il, de juger en votre propre cœur ce qu'il vous plaira faire de moi, étant sûr que la volonté d'un prince tel que vous êtes ne peut être accompagnée que d'honneur et de magnanimité. Il lui demandait de fixer avec une miséricordieuse convenance ce qu'il fallait pour la libération d'un roi de France, en voulant le gagner comme ami et non le désespérer. Il lui proposait de l'acquérir ainsi entièrement, et il ajoutait avec une intention touchante, mais dans un langage trop soumis : Vous-pouvez être sûr, au lieu d'un prisonnier inutile, de rendre un roi à jamais votre esclave[28].

La lettre dans laquelle François Ier faisait appel à une magnanimité qui eût été de la part de Charles-Quint le plus habile des calculs était à peine partie qu'arrivèrent les dures conditions que le froid empereur mettait à la paix et à sa délivrance. Le duc de Bourbon et le vice-roi de Naples accompagnèrent Beaurain à Pizzighettone pour les communiquer au roi et connaître sa réponse. Elles parurent exorbitantes au prisonnier déçu. Le seigneur roi, écrivirent Bourbon et Lannoy à Charles-Quint[29], les a trouvées bien difficiles. Cependant il déclara s'en remettre à la régente, et par le retour de Beaurain il écrivit à l'empereur : J'ai mandé à madame ma mère la résolution de ce qu'il me semble qu'elle doit faire pour ma délivrance, vous suppliant la vouloir recevoir et juger en cœur d'empereur qui désire plutôt se faire honneur que me faire honte[30].

Il ne semblait disposé à aucune concession humiliante ou funeste. Ayant appris la ferme contenance et le fidèle dévouement de tous les habitants de son royaume, il leur en avait, de Pizzighettone, exprimé sa vive satisfaction. Entre tant d'infélicités, leur disait-il, je n'ai reçu nul plus grand plaisir que sçavoir l'obéissance que portez à Madame en vous montrant loyaux sujets et bons François, la vous recommandant toujours et mes petits enfans, qui sont les vôtres et de la chose publique[31]. Il ajoutait qu'en continuant ainsi ils donneraient à ses ennemis beaucoup plus l'envie de le délivrer que de lui faire la guerre. Il finissait cette lettre à ses sujets, qu'il appelait ses amis, par des déclarations admirables de sentiment et de langage. Comme pour mon honneur et celui de ma nation, leur disait-il, j'ai plutôt élu l'honnête prison que la honteuse fuite, soyez sûrs qu'il ne sera jamais dit que, si je n'ai été si heureux de faire le bien à mon royaume, pour envie d'être délivré, j'y fasse mal. Il affirmait qu'il aimerait mieux rester toute sa vie en prison que de causer un détriment à son pays.

Néanmoins, à la persuasion du vice-roi de Naples, qu'il appela auprès de lui, il offrit bientôt des concessions qui ne s'éloignaient pas beaucoup des exigences de l'empereur. Comme il avait perdu la reine Claude sa femme, il proposa d'épouser la reine Éléonore, sœur de Charles-Quint. Il demanda que le différend relatif au duché de Bourgogne fût soumis à la décision de la justice. Si le duché était reconnu appartenir à l'empereur, il le lui restituerait. Sinon, il serait donné en dot à la reine de Portugal, et les enfants mâles que le roi aurait de son mariage avec elle en hériteraient. Dans le cas où elle mourrait sans enfants mâles, le second fils de l'empereur y succéderait, et à défaut il reviendrait au second fils du roi, qui se marierait avec une fille de l'empereur. Rien de cela ne se réalisant, le duché de Bourgogne devait retomber en la possession du Dauphin. Ces combinaisons étaient singulières, et le roi croyait sans doute, en les proposant, que la cour des pairs n'attribuerait point une province apanagée au descendant d'une femme incapable, d'après la loi française, d'en être l'héritière, et que cette province ne sortirait pas de la maison de France.

Mais il renonçait pleinement au duché de Milan, à l'État de Gênes, au royaume de Naples, à la pension de 100.000 ducats et aux arrérages qui lui en étaient dus sur ce royaume, à la suzeraineté de la Flandre et de l'Artois ; il adhérait à la restitution de Hesdin et il abandonnait toute prétention sur Tournay. Lorsque l'empereur irait se faire couronner en Italie, ou lorsqu'il exécuterait quelque entreprise en Allemagne., François Ier consentait à fournir la moitié de l'armée et à payer la moitié de la dépense. Si l'entreprise était dirigée contre les Turcs, il y prendrait part avec le même contingent de troupes, qu'il entretiendrait de ses deniers et qu'il conduirait en personne. Se substituant à l'empereur dans les engagements que l'empereur avait pris envers le roi d'Angleterre, il payerait à Henri VIII tout ce qui lui était dû. Il rendrait au duc de Bourbon ses Etats, ses pensions, ses offices, c'est-à-dire de vastes provinces, des sommes considérables, les grandes charges de chambrier et de connétable, et de plus le gouvernement du Languedoc. Comme il demandait pour lui-même la sœur de Charles-Quint, promise au duc de Bourbon, il offrait de donner en mariage au duc de Bourbon la princesse Renée, fille de Louis XII. Il lui permettait même de poursuivre en justice le droit qu'il prétendait avoir sur le comté de Provence, et il annonçait le dessein de reconnaître ce rebelle, jusque-là détesté, comme son lieutenant général, en le plaçant à la tête de l'armée qu'il enverrait au secours de l'empereur, s'il ne la commandait pas en personne[32].

Écrites sous la dictée de François Ier, en présence du vice-roi de Naples[33], ces propositions devaient être portées à Charles-Quint par don Ugo de Moncada, prieur de Messine, qui commandait la flotte espagnole avant la bataille de Pavie, avait été fait prisonnier et venait d'être échangé avec le maréchal Anne de Montmorency. En les transmettant à l'empereur, Lannoy le suppliait de conclure une paix qui attacherait pour toujours à lui le roi de France[34]. Il lui rappelait le danger où avaient été ses affaires, la peine qu'il avait eue tant avec ses sujets qu'avec ses ennemis, et il l'engageait à saisir l'occasion d'imposer la loi à ceux qui voulaient la lui donner. Mais les offres portées par Ugo de Moncada, que la régente de France et son conseil repoussèrent comme excessives[35], l'empereur les regarda comme insuffisantes[36].

Déjà sur le refus de ses propositions, Charles-Quint se préparait à reprendre la guerre. Il avait envoyé le commandeur Peñalosa en Angleterre pour resserrer l'union un peu relâchée avec Henri VIII, et obtenir de lui l'argent sans lequel ses troupes ne pouvaient pas être mises en mouvement[37]. L'armée d'Italie, à laquelle il était dû plus de 600.000 ducats au moment de la bataille[38], n'avait pas été entièrement payée après la victoire, bien qu'il lui eût fait parvenir 80.000 ducats, et que ses généraux eussent imposé aux États italiens des contributions de guerre considérables en châtiment de leur abandon ou de leur infidélité[39].

Dispersée dans le haut de la péninsule, qu'elle pressurait, elle avait besoin d'être renforcée pour entrer en campagne. Charles-Quint le savait, et il cherchait de l'argent partout. Il en demandait à son clergé et à ses ordres de chevalerie, qui refusaient de payer la crusade, dont le pape n'avait pas autorisé la levée. Il s'adressait aux cortès afin que les procuradores des villes ajoutassent au servicio de 400.000 ducats qu'ils avaient voté. Ses sujets se montraient disposés à lui en accorder davantage, s'il consentait à se marier promptement afin d'assurer la succession aux couronnes d'Espagne en épousant une princesse qui pût lui donner tout de suite des enfants. Décidé à suivre leur vœu, il recherchait l'infante Isabelle de Portugal, qui devait lui apporter en dot un million de ducats d'or[40] ; mais, avant de s'engager avec elle, il avait à se dégager envers la princesse Marie d'Angleterre, trop jeune encore pour être mariée, et il ne pouvait le faire qu'en la demandant sur-le-champ au roi son père et en ne l'obtenant pas. Il espérait que la rupture ainsi amenée d'un mariage depuis longtemps convenu ne conduirait pas à la rupture de l'alliance qui lui était plus que jamais nécessaire afin de soumettre la France par la guerre, puisque la France ne cédait point à ses volontés par la voie des négociations.

Le commandeur Peñalosa eut l'ordre de demander au roi d'Angleterre que la princesse sa fille fût remise à l'empereur avec sa dot de 600.000 ducats, dont 200.000 seraient immédiatement comptés et 400.000 le seraient de mois en mois. A l'aide de cet argent, l'empereur se proposait d'entrer en France par les Pyrénées à la tête d'une armée et d'y faire entrer par les Alpes l'armée d'Italie. Henri VIII était requis en même temps, aux termes du traité de Windsor, d'opérer par Calais une descente avec ses troupes, auxquelles se joindraient trois mille hommes de cavalerie et mille hommes de pied des Pays-Bas[41]. En cas que le roi d'Angleterre ne voulût pas envoyer encore la princesse sa fille en Espagne et remettre sa dot à l'empereur, le commandeur Peñalosa devait réclamer tout au moins en prêt la somme de 400.000 ducats, sans laquelle il lui serait impossible d'effectuer l'invasion de la France. Charles-Quint faisait dire à Henri VIII qu'il était désireux de conduire sa dernière victoire à une parfaite conclusion et ne pas laisser son ennemi sans le confondre[42].

L'orgueilleux Henri VIII était en ce moment dans des dispositions bien différentes. Après l'étourdissement de la victoire de Pavie, qui avait ranimé son avidité et lui avait donné la chimérique espérance d'obtenir le royaume de France ou de recouvrer les provinces que les rois ses prédécesseurs avaient autrefois possédées sur le continent, il avait compris que l'empereur songeait presque uniquement à accroître sa propre puissance. La paix que Charles-Quint avait d'abord proposé de conclure n'apportait aucun avantage certain à l'Angleterre ; la guerre qu'il voulait maintenant reprendre ne pouvait se faire qu'avec l'argent demandé à Henri VIII sous la forme d'une dot ou d'un emprunt. Cet argent même, Henri VIII ne l'avait pas. Il avait essayé de lever des impôts extraordinaires qui avaient provoqué de dangereux soulèvements dans plusieurs comtés de son royaume. Malgré ce qu'il avait de hauteur et ce qu'il affectait de pouvoir, il s'était vu contraint de renoncer à ces levées extraordinaires et d'annoncer par une proclamation qu'il n'en exigerait jamais de semblables. Une politique mieux avisée le détourna de concourir à rendre plus puissant l'empereur, qui l'était déjà trop. L'injurieuse autorisation que Charles-Quint lui demanda de rompre les engagements anciens pris envers la princesse d'Angleterre, pour en contracter de nouveaux avec l'infante de Portugal, le décida enfin à abandonner l'allié qui ne voulait plus devenir son gendre. Le dégageant de la promesse qu'il avait faite d'épouser sa fille[43], il lui refusa tout argent pour continuer la guerre. Il répondit qu'il en avait trop fourni pour des entreprises qui avaient été profitables à l'empereur seul, lequel devait à son amitié le gain de Tournay, de Milan, de Fontarabie, la décharge de la pension de 100.000 écus sur le royaume de Naples, la victoire de Pavie et la capture du roi de France, tandis que lui n'avait retiré de l'amitié de l'empereur que des pertes et des dépenses. Il rappelait les sommes qu'il avait prêtées à Charles-Quint et qui ne lui avaient pas été remboursées, le mariage de sa fille avec le Dauphin qu'il avait rompu[44] pour un autre mariage qui maintenant ne devait plus se faire, les pensions considérables qu'il tirait de la France, et auxquelles il avait renoncé sans recevoir aucun des dédommagements qui lui avaient été promis. Henri VIII se montra donc bien éloigné de s'unir à l'empereur, soit pour imposer la paix à François Ier en l'accablant, soit pour envahir ses États en reprenant la guerre.

 

VI

Pendant ce temps, le peu de succès des négociations entamées de loin avec le roi prisonnier avait amené un changement, sinon dans sa position, du moins dans son séjour. François Ier avait été enfermé près de trois mois dans Pizzighettone. Quoique cette forteresse fût inabordable et que François Ier ne pût ni s'en évader par surprise, ni y être délivré de vive force, ceux qui étaient chargés de le garder songèrent à le placer dans un lieu encore plus sûr. L'empereur avait fait recommander par Beaurain au duc de Bourbon et à Lannoy de veiller avec le plus grand soin sur son prisonnier et de le conduire au besoin dans le royaume de Naples[45]. Bourbon, Lannoy, Pescara, Antonio de Leiva et l'abbé de Najera, provéditeur général de l'armée impériale, tinrent conseil à ce sujet et décidèrent que le roi de France serait conduit dans le sud de l'Italie. Ils jugèrent qu'il ne serait nulle part plus sûrement que dans le Château-Neuf de Naples, construit sur une bande de terre s'avançant au milieu de la mer, et ils prévinrent l'empereur de cette résolution.

Le 18 mai, Lannoy alla chercher François Ier à Pizzighettone[46]. Sous l'escorte d'Alarcon et d'environ deux mille hommes, il le conduisit par le haut du Milanais, en évitant les villes, jusqu'à Gênes. Après six jours de marche, il pénétra par le dehors de la ville, sans même traverser les faubourgs, dans la citadelle avec son prisonnier. Il l'y laissa peu de temps, et le 31 mai, la flotte espagnole étant prête à quitter le port, il fit descendre de grand matin, du château au môle, François Ier, qui, toujours suivi d'Alarcon et de ses arquebusiers, monta sur la galère capitane de Castille.

Les seize navires composant la flotte, et sur lesquels furent distribuées les troupes espagnoles, se dirigèrent vers Porto-Fino, où les retint le temps contraire. Le roi éprouvait un grand déplaisir de cette translation. Il redoutait le climat de Naples, et disait que le mener au bord de la mer, c'était vouloir le faire mourir[47]. Instruit de bonne heure qu'il devait être conduit dans l'Italie méridionale, il avait cru pouvoir recouvrer sa liberté dans le passage de Gênes à Naples. L'armée navale de la France était plus forte que celle de l'Espagne. Les navires réunis d'André Doria, du baron de Saint-Blancard, du frère hospitalier Bernardin, montés par quelques troupes résolues, pouvaient attaquer les navires ennemis et l'enlever à ses gardiens. Dès le 12 mai, François Ier était parvenu à donner secrètement des informations à la régente, et lui avait écrit qu'on n'aurait à combattre que quatorze galères et dix-huit cents arquebusiers espagnols. Il avait ajouté, avec une confiance un peu téméraire, qu'il n'y avait qu'à user de diligence, car si elle est faite, disait-il à sa mère[48], j'ai espérance que bientôt vous pourrez revoir votre très-humble et très-obéissant fils. Les préparatifs pour le délivrer s'étaient poursuivis avec promptitude. Une partie de la flotte française devait se rendre le 31 mai dans les eaux de Gênes, où la joindraient successivement les autres navires qu'on armait. Le maréchal de Montmorency, échangé un mois auparavant avec don Ugo de Moncada, après avoir vu la régente à Lyon, avait rejoint le roi à Gênes, presque à la veille de son embarquement. Il était investi du commandement général des armées de mer, et sans doute il apprit au roi que tout s'apprêtait pour sa délivrance.

Mais François Ier renonça lui-même à une entreprise non moins incertaine que périlleuse en obtenant que Lannoy le menât en Espagne auprès de Charles-Quint. Il désirait ardemment une entrevue avec l'empereur, s'imaginant qu'ils arrangeraient ensemble tous leurs différends et établiraient entre eux une solide amitié. Lannoy souhaitait aussi faciliter cette union, qu'il croyait praticable de près, impossible de loin, et de plus il redoutait le climat de Naples pour son précieux prisonnier pendant les mois de juillet, d'août et de septembre[49]. Il se rendit donc aisément au vœu de François Ier, et, sans consulter les autres chefs impériaux, sans prévenir même l'empereur, au mépris des uns, à l'insu de l'autre, il changea tout seul ce qui avait été arrêté en commun. Le 8 juin 1525, il conclut à Porto-Fino, avec le maréchal de Montmorency, un accord en vertu duquel six galères françaises se joindraient aux galères espagnoles et l'aideraient à transporter sans risque François Ier à Barcelone. Il ne devait y avoir d'hostilité de part ni n'autre soit durant le trajet, soit quinze jours après que les deux flottes seraient revenues sur les côtes d'Italie et dans les ports de France[50]. Lannoy plaça des soldats espagnols sur les vaisseaux français, et ; un peu avant de mettre à la voile, il écrivit du port de Villefranche à l'empereur : Sire, nous avons vingt galères bien armées et suis bien asseuré du reste de l'armée de mer de France, qui ne nous fera aucun empêchement. Je vous amène le roi, ce qui, j'en suis certain, vous sera chose agréable, car il ne tiendra qu'à Votre Majesté de promptement achever ses affaires[51]. Il monta lui-même sur le navire qui avait été préparé avec soin pour recevoir et transporter François Ier.

Le 10 juin, à trois heures avant le jour, on fit voile vers l'Espagne. Le roi, qu'animait l'espoir d'un accord prochain avec l'empereur, était fort content. Entré dans le port de Palamos le 17[52], il arriva le 19 à Barcelone, où il fut reçu avec les plus grands honneurs. Logé dans le palais de l'archevêque de Tarragone, il y devint l'objet des plus respectueux empressements. Les conseillers de la principauté de Catalogne lui présentèrent leurs hommages, et le même jour les dames les plus considérables du pays, au nombre de vingt-deux, ayant à leur tête la comtesse de Palamos, doña Isabel de Requesens, veuve de don Ramon de Cardona, ancien vice-roi de Naples, qui commandait les Espagnols à la bataille de Ravenne, et dormi. Juana de Requesens, femme de don Pedro de Cardona, gouverneur de Catalogne, formant une élégante cavalcade, vinrent le visiter. François Ier les reçut avec la plus aimable courtoisie : il s'entretint gaiement avec elles et leur dit que rien n'avait autant de prix pour lui que leur agréable visite[53].

Le jour suivant, il alla à la messe dans la principale église de Barcelone, au milieu d'une immense foule avide de le voir et sensible à la grandeur de son courage comme de son malheur. Le vice-roi de Naples et le capitaine Alarcon l'accompagnaient avec beaucoup de caballeros soit de la cité soit de la flotte. Le roi traversa Barcelone entouré des hallebardiers du vice-roi et suivi d'une compagnie de soldats armés d'escopettes et de piques ; l'église avait été ornée de riches tentures, éclairée d'une éblouissante quantité de lumières, et près du maître-autel, du côté de la sacristie, se trouvait sous un dais un siège placé pour François Ier : il s'y tint à genoux pendant la plus grande partie de la messe, ayant derrière lui le vice-roi de Naples, Alarcon et quelques grands seigneurs. Après les offices, pendant lesquels on n'omit aucune des cérémonies qui sont d'usage avec les rois, il sortit de l'église, monta à cheval et se rendit au palais archiépiscopal, qu'il quitta le lendemain pour s'embarquer de nouveau et faire voile vers Valence. Il y trouva le même accueil. Il alla au palais royal, où il visita sa parente, la reine Germaine de Foix. De là il fut conduit dans les montagnes des Morisques, à Benisano, qui appartenait à don Geronimo Cabanillas, gouverneur de Valence ; c'était un lieu fort agréable, propre à la chasse, dont il prit le divertissement, toujours en compagnie d'Alarcon et de ses gardes. Il y resta pendant quelque temps dans une anxiété croissante par suite du silence prolongé que gardait à son sujet l'empereur.

Charles-Quint était à Tolède, tenant les cortès de Castille et songeant à recommencer la guerre, lorsqu'il apprit le débarquement en Catalogne du prisonnier qu'il avait ordonné de transporter à Naples. Il en fut étonné. L'on remarqua que, contre son usage, il jura par l'ordre de la Toison d'or que le roi avait été conduit en Espagne sans son commandement et à son insu[54]. A la surprise qu'il en éprouva se joignit le vif mécontentement de ses généraux en Italie. Ceux-ci ressentirent comme un affront le changement de résolution que le vice-roi de Naples avait décidé tout seul, et dont il ne les avait pas même prévenus.. Le due de Bourbon s'en plaignit dans les termes les plus emportés. Il écrivit à l'empereur qu'en agissant ainsi le vice-roi lui avait fait grande honte[55]. Il soutint d'ailleurs que, par cette soudaine allée en Espagne, il ferait perdre à l'empereur le pape, les Vénitiens, les autres potentats d'Italie. Il se plaignit de plus d'avoir été laissé sans argent pour payer les troupes et lever des Allemands afin de rompre les grandes menées qui commençaient à se pratiquer partout. Attaquant avec passion le vice-roi, il déclarait à l'empereur que Lannoy avait moins servi qu'entravé ses prospérités, et il ajouta : Quand il vous plaira m'en ouyr, je vous dirai en sa présence des choses auxquelles vous connoîtrez qu'il a fallu que bien autre que lui ait mis la main à vos affaires. Chez le marquis de Pescara, le sentiment de cette injure accrut l'irritation causée par l'oubli où étaient laissés ses éclatants services. Le comté confisqué de Carpi, demandé pour lui, ne lui avait pas même été donné par Charles-Quint, aussi lent à récompenser qu'à se résoudre. Pescara parlait tout haut et très-fièrement de ses griefs. Il rendit pour ainsi dire publique la lettre qu'il écrivit à l'empereur pour se plaindre des procédés offensants du vice-roi[56] et lui faire arriver ses autres mécontentements.

Cependant Lannoy, après avoir établi François Ier à Benisano, était parti pour Tolède afin de connaître et aussi d'éclairer les volontés de son maître. Le roi, de son côté, avait envoyé auprès de Charles-Quint le maréchal de Montmorency, chargé de sa part de lui demander trois choses : une entrevue qui servirait à aplanir en quelques instants toutes les difficultés, une trêve qui permettrait à l'archevêque d'Embrun et à Jean de Selve, premier président du parlement de Paris, munis des pouvoirs de la régente sa mère, de traiter régulièrement des conditions de la paix en Espagne, enfin un sauf-conduit pour la duchesse d'Alençon, sa sœur, dont la présence seconderait la prompte conclusion d'un accord. Charles-Quint hésita quelque temps. Sa première pensée avait été de faire enfermer le roi de France dans sa forteresse de Jativa, que rendaient inaccessible, aux environs montagneux de Valence, un double fossé et trente tours, ou de le placer dans un autre lieu non moins fort et non moins sûr, mais qui serait éloigné des bords de la mer[57]. Lannoy, qui jouissait d'une grande confiance auprès de Charles-Quint, parvint à changer ses résolutions. Il lui fit entendre qu'il disposerait plus complètement de son prisonnier en Espagne qu'en Italie, et qu'en le rapprochant de lui il arriverait bien mieux à ses fins par un traité auquel le roi de France se montrait enclin que par une guerre que rendaient périlleuse le refroidissement de l'Angleterre et l'animosité de l'Italie. Après un peu d'incertitude, l'empereur se décida à reprendre les voies pacifiques. Il consentit à la trêve qui devait durer six mois, et il accorda le sauf-conduit pour la duchesse d'Alençon, en ayant soin d'avertir que, si elle n'arrivait pas avec le pouvoir de céder le duché de Bourgogne, il était inutile qu'elle vint. Il se tut sur l'entrevue demandée par François Ier[58], bien résolu à ne voir le prisonnier qu'après que tout aurait été conclu avec le roi.

Mais, puisqu'il traitait de nouveau, il prit le parti d'établir François Ier dans le voisinage de Tolède, afin qu'il fût plus à sa portée, et que les négociateurs de la régente, qui arrivèrent vers ce temps à sa cour, pussent aisément communiquer avec lui. Il ordonna donc de le conduire au château de Madrid[59], situé à huit lieues de Tolède. Le commandeur Figueroa alla porter ses ordres à Alarcon, et l'empereur envoya l'évêque d'Avila au-devant du roi pour le complimenter de sa part. François Ier quitta assez joyeux Benisano le 20 juillet. Le gouverneur de Valence, le comte Abayda, le neveu du comte de la Oliva, beaucoup de seigneurs et de caballeros l'accompagnèrent jusqu'à Requena, où il trouva l'évêque d'Avila. A Santorcaz, il revit le vice-roi de Naples que l'empereur avait dépêché vers lui. Pendant les trois semaines qu'il mit à traverser l'Espagne, de Benisano à Madrid, son voyage fut celui d'un roi et non d'un prisonnier. A Guadalajara, il reçut du duc de l'Infantado, auquel cette ville appartenait, les plus magnifiques fêtes. Trois jours durant, ce grand seigneur le fit assister à des courses de taureaux, lui donna le spectacle de joutes et de tournois, lui offrit tous les divertissements qu'on ne trouvait qu'à la cour des princes. De Guadalajara, François Ier vint à Alcala de Henarès. Toute la ville, ayant à sa tête la célèbre université d'Alcala, qui comptait onze mille étudiants immatriculés, se porta à sa rencontre et lui fit une réception solennelle[60]. Il arriva enfin le 17 août à Madrid, où l'attendait la plus longue et la plus pénible captivité.

 

VII

François Ier fut d'abord enfermé dans la tour carrée de los Lujanes, ainsi nommée parce qu'elle appartenait à don Fernando Lujan. Elle avait été choisie comme la plus forte des tours qui flanquaient l'enceinte de Madrid. François Ier n'y resta pas long temps. L'Alcazar, destiné à lui servir de demeure, étant prêt à le recevoir, il y fut conduit et établi. Le donjon où il devait passer tant de mois dans les tristesses de la prison, les accablements de la maladie, les angoisses d'une négociation agitée et interminable, était haut, étroit et sombre. Il s'élevait non loin du Manzanarès, presque à sec dans cette saison, et avait vue sur la campagne aride du vaste plateau de Madrid. La chambre disposée pour le roi prisonnier n'était pas très-spacieuse ; on y arrivait par une seule entrée, et l'unique fenêtre qui y laissait pénétrer la lumière s'ouvrait du côté du midi, à environ cent pieds du sol, à peu de distance du Manzanarès. Cette fenêtre, pratiquée dans l'épaisseur de la muraille, était assez grande pour former comme un cabinet par son profond enfoncement. Vitrée intérieurement, elle se fermait au dehors par une double grille de barreaux de fer scellés dans le mur. Un lit pour le roi, des coffres pour les objets de sa toilette et de son service, quelques tables et des sièges pour ceux qui étaient admis à lui tenir compagnie ou à le visiter, composaient l'ameublement de cette chambre, dont les murailles se couvrirent bientôt de tentures à fleurs de lis apportées de France et sur lesquelles se détachaient, avec l'écusson royal, l'emblématique salamandre de François Ier et son F[61]. Alarcon, placé dans le voisinage du roi avec sa troupe d'arquebusiers, qui occupait surtout la partie inférieure de la tour, n'avait pas de peine à veiller sur le prisonnier confié à sa garde.

Bien avant qu'il entrât dans une demeure où il devait rester plus longtemps qu'il ne le croyait, les ambassadeurs de la régente sa mère, François de Tournon, archevêque d'Embrun, et Jean de Selve, premier président du parlement de Paris, s'étaient rendus auprès de l'empereur à Tolède. Les instructions qu'ils avaient reçues[62] ne leur permettaient d'aller, pour le rétablissement de la paix et la délivrance du roi, ni jusqu'aux propositions portées par Beaurain à Pizzighettone, ni jusqu'aux offres dictées et remises par François Ier à don Ugo de Moncada. Il leur était défendu de consentir à aucune cession du territoire français, et ils devaient se borner à proposer une rançon en argent, ainsi que le double mariage du roi avec la reine Éléonore, sœur de Charles-Quint, et du Dauphin avec sa nièce, la fille de la reine Éléonore. Ils pouvaient renoncer successivement au royaume de Naples, au duché de Milan, à la seigneurie de Gênes, au comté d'Asti, à la ville de Hesdin, à celle de Tournay, à la suzeraineté de la Flandre et de l'Artois. En aucun cas, ils ne devaient accorder le duché de Bourgogne, qu'ils n'auraient pas plus voulu encourir la responsabilité de céder qu'ils ne reconnaissaient au roi le pouvoir de le détacher de la couronne.

Arrivés le 15 juillet à Tolède, les ambassadeurs de la régente eurent le 17 leur audience de l'empereur. Le premier président, Jean de Selve, adressa à Charles-Quint un long et pompeux discours dans lequel il lui cita tous les grands exemples de magnanimité, en faisant un appel trop savant et assez inutile à la sienne. Il discuta les faits de l'histoire qui prouvaient l'annexion de la Bourgogne au domaine de France, et il expliqua les lois du royaume qui n'en permettaient plus la séparation[63]. Charles-Quint répondit, sur le premier point, qu'il voulait user de libéralité envers le roi, puisqu'il n'entendait lui imposer aucune rançon, et qu'il ne lui demandait que le sien, et sur le second point, qu'il ne connaissait pas assez l'histoire et les lois pour en combattre l'exactitude et l'application[64]. Il dit aux ambassadeurs de France qu'il les renvoyait à cet égard aux gens de son conseil.

C'est sur le duché de Bourgogne et ses dépendances que le 20 juillet roula la discussion entre les délégués de l'empereur et les plénipotentiaires de la régente. Les premiers étaient : le grand chancelier de Charles-Quint, l'habile et opiniâtre Mercurin de Gattinara, qui, plus qu'un autre, exerçait de l'influence sur ses résolutions ; son grand chambellan, le comte Henri de Nassau ; le vice-roi de Naples, Lannoy, son grand écuyer ; le gouverneur de Bresse, Gorrevod, son mayordomo mayor ; le grand commandeur de Santiago, le vieux Hernando de Vega, qui avait été un des fidèles serviteurs de son aïeul Ferdinand le Catholique ; le seigneur de Rœulx Beaurain et le secrétaire d'État Jean Allemand. Les raisons historiques et légales données des deux parts à l'appui des prétentions qu'on voulait faire prévaloir furent exposées surtout par le grand chancelier Gattinara et par le premier président de Selve.

Le chancelier Gattinara soutint que l'empereur agissait avec une libérale générosité en n'exigeant aucune sorte de rançon du roi et en ne revendiquant qu'une partie de ce qui lui appartenait en France. Sans réclamer tout le royaume qui avait été donné par le pape Boniface VIII à l'empereur Albert, l'un de ses ancêtres, il aurait pu, disait-il, redemander le Dauphiné et tout le territoire situé sur la rive gauche du Rhône qui avait fait partie de l'empire, le comté de Toulouse et le Languedoc, que les rois de France avaient enlevés à la maison d'Aragon, dont l'empereur était l'héritier. Il se bornait à revendiquer les possessions plus récemment arrachées à la maison de Bourgogne par le roi Louis XI et injustement détenues par ses successeurs les rois Charles VIII, Louis XII et François Ier : le duché de Bourgogne, qui était, selon lui, un fief héréditaire et non un apanage ; les comtés, villes, terres et seigneuries accordés aux ducs Philippe le Bon et Charles le Téméraire par les traités d'Arras en 1438, de Conflans en 1465, de Péronne en 1468, et parmi lesquels étaient compris les comtés de Mâcon et d'Auxerre, ainsi que le ressort de Saint-Laurent ; enfin la cessation des droits de suzeraineté sur la Flandre et l'Artois, cessation convenue par le roi Louis XI dans le traité de Péronne et Louis XII dans le traité de mariage de l'archiduc Charles, aujourd'hui empereur, avec sa fille Claude, si les stipulations d'Arras ne s'exécutaient pas et si le mariage était rompu.

 

Le premier président de Selve répondit que les renonciations auxquelles l'empereur semblait se résigner n'avaient rien d'effectif. Il n'eut pas de peine à prouver que le pape Boniface VIII n'avait pas eu le pouvoir de conférer le royaume de France à l'empereur Albert, parce qu'il n'en avait pas le droit, que le Dauphiné, la Provence, avaient été régulièrement transmis à la maison de France par des cessions légitimes, que les prétentions de la maison d'Aragon sur le comté de Toulouse étaient moins fondées que ne l'étaient celles des rois très-chrétiens sur les royaumes d'Aragon, de Mayorque et de Minorque, sans qu'ils les revendiquassent ; que la France renonçait à des droits très-clairs et fort incontestables sur le royaume de Naples, le duché de Milan et la seigneurie de Gênes ; qu'elle cédait Hesdin et Tournay, et qu'elle faisait l'abandon de sa suzeraineté sur les comtés de Flandre et d'Artois, mais qu'elle ne pouvait pas rendre les villes sur la Somme cédées par le traité d'Arras au duc Philippe le Bon, et rachetables moyennant 400.000 écus qu'avait payés le roi Louis XI ; qu'elle ne pouvait pas davantage délaisser le duché de Bourgogne, qui était un apanage de même nature que le royaume, et dès lors non réversible aux femmes, et qui, rentré dans le domaine de la couronne parce que la fille du dernier duc de Bourgogne avait été incapable d'en hériter, ne saurait plus en tire détaché[65]. Les conseillers impériaux et les négociateurs français débattirent les intérêts et maintinrent les vues des deux princes avec une ardeur et une opiniâtreté égales dans les conférences qui se prolongèrent en s'animant. D'aucun côté on n'entendait céder. L'empereur réclamait avant tout la Bourgogne, sans la remise de laquelle il était décidé à ne rien conclure, et les ambassadeurs de la régente avaient pour instruction formelle de ne pas y renoncer. François Ier venait même de le leur défendre expressément. Le moins que vous pourriez offrir de cela, leur avait-il écrit, serait trop pour mon vouloir[66]. Les conférences, devenant plus agitées et restant tout à fait inutiles, se rompirent. Le président de Selve et l'archevêque d'Embrun en adressèrent la relation au roi prisonnier. En voyant les exigences aussi obstinées que rigoureuses du conseil de l'empereur, François Ier comprit que l'empereur, qui se refusait à une entrevue avec lui, voulait le réduire, en le retenant captif, à abandonner la Bourgogne. Il dicta alors une protestation contre cette violence morale et dit : qu'il aimait mieux tolérer longue prison que faire chose à lui honteuse et dommageable à son royaume[67]. Toutefois, malgré cette noble résolution, prévoyant qu'une captivité prolongée et les nécessités de la France pourraient le contraindre à céder, il déclara d'avance nulle et sans valeur la cession de la Bourgogne faite sous cette contrainte, et annonça que, redevenu libre, il en poursuivrait le recouvrement avec toutes les forces de son royaume contre celui qui la lui aurait ainsi arrachée[68]. Il demeura un mois dans l'Alcazar de Madrid sans que l'empereur fit un pas vers lui, et sans que les ambassadeurs de France renouassent à Tolède la négociation, qui ne devait être reprise qu'à l'arrivée de la duchesse d'Alençon.

 

VIII

Mais il se prenait alors en Angleterre des arrangements et il se tramait en. Italie des complots qui semblaient de nature à faire fléchir les volontés ambitieuses de Charles-Quint et à le rendre plus accommodant sur les conditions de la paix. La régente de France s'était appliquée à détacher de l'empereur le roi d'Angleterre, jaloux d'une grandeur qu'il ne partageait pas, et à préparer le soulèvement des États italiens contre la puissance de Charles-Quint, devenue oppressive pour les uns, alarmante pour les autres. Elle avait de nouveau envoyé auprès de Henri VIII et du cardinal Wolsey J.-Joach. Passano et le président Brinon, qui avaient été sur le point de réussir dans leur précédente négociation. Elle espérait, non sans raison, qu'avec des offres d'argent un peu plus fortes et sans aucune cession de territoire elle parviendrait à rompre l'alliance déjà ébranlée de Henri VIII et de Charles-Quint, et à donner le roi d'Angleterre pour appui à la France.

Les négociations se poursuivirent jusqu'à ce que l'accord fût conclu, l'avide ministre de Henri VIII cherchant à obtenir le plus d'argent et les plénipotentiaires de la régente à en promettre le moins qu'il se pourrait. Il fut enfin stipulé que le roi d'Angleterre recevrait de la France 2 millions de couronnes, dont 50.000 un mois après la publication du traité de paix, et 100.000 tous les ans en deux termes qui échoiraient au 1er novembre et au 1er mai. Ces 100.000 couronnes devaient être payées au roi sa vie durant. Afin de mieux assurer l'acquittement annuel de cette pension, le roi d'Angleterre ne se contenta point de la ratification de la régente ; il exigea l'approbation des parlements de Paris, de Rouen, de Toulouse, de Bordeaux. Il demanda de plus des engagements de la part des principales villes, comme Paris, Rouen, Toulouse, Lyon, Bordeaux, Amiens, Tours, etc., et de la part des seigneurs les plus considérables, tels que le duc de Vendôme, le cardinal de Bourbon, le comte de Saint-Paul, le maréchal de Lautrec[69]. A ces conditions le traité fut signé et une ligue défensive conclue[70]. Wolsey, qui de son côté rentra en jouissance de sa pension et dut même en toucher les arrérages, dit alors aux ambassadeurs de la régente que le roi son maitre et lui avaient trouvé les Espagnols en leur prospérité plus ingrats et superbes que nation qu'ils eussent jamais pratiquée[71]. Il leur fit même concevoir des espérances qu'ils communiquèrent à leur cour. Le cardinal d'York, ajoutèrent-ils en écrivant à la duchesse d'Angoulême, se propose de faire autres grandes choses qui aideront à la libération du roi notre maitre, au grand profit et honneur de vous, madame, de tout le royaume, et à l'humiliation et dépression de l'élu empereur[72].

Tandis que se négociait ce traité qui devait faire passer le roi Henri VIII d'une alliance à l'autre, des projets bien autrement graves s'agitaient en Italie. Ces projets, s'ils réussissaient, devaient amener une confédération de tous les États italiens, enlever aux Impériaux le Milanais, déposséder les Espagnols du royaume de Naples et anéantir la domination de Charles-Quint dans toute la Péninsule. Les Italiens avaient constamment nourri la pensée de se délivrer des peuples étrangers qu'ils appelaient les barbares, et qui avaient successivement pénétré chez eux à partir de l'invasion de 4494. N'étant pas assez forts ni assez unis pour le faire tout seuls, ils se servaient des étrangers les uns contre les autres. Ils avaient d'abord tenté d'expulser les Français, qu'ils redoutaient particulièrement à cause de leur prétention sur le royaume de Naples et de la possession du Milanais, qui n'était un moment perdu par eux que pour être repris de nouveau. A l'aide des Espagnols et des Suisses, ils en avaient chassé Louis XII ; à l'aide des Espagnols et des Allemands, ils venaient d'en chasser François Ier. Le pape Jules II s'était mis à la tête de la ligue contre le premier de ces princes, le pape Léon X contre le second. La dépossession des Français paraissant définitive, puisque leurs armées avaient été si souvent contraintes d'évacuer l'Italie à la suite de défaites répétées dont la dernière avait été une catastrophe, le danger qui menaçait les États italiens ne venait plus que du côté des Espagnols. Le prévoyant Clément VII et les habiles Vénitiens l'avaient compris de bonne heure, puisque, sans s'unir à François Ier, déjà moins redouté, quoiqu'il n'eût pas encore été battu, ils s'étaient séparés de Charles-Quint, dont ils pressentaient les succès et craignaient les agrandissements ; mais en se séparant de lui ils n'avaient ni empêché sa victoire, ni prévenu sa domination.

Cette domination s'exerçait violemment dans la haute Italie. Répandus sur le territoire du Milanais, dont le duc Francesco Sforza était le souverain annulé, occupant Plaisance et Parme, qui appartenaient au Saint-Siège, les Impériaux vivaient à discrétion dans la Péninsule assujettie qu'ils avaient mise à rançon[73]. Le désir de se soustraire à cette onéreuse dépendance avait été si prompt que, vingt jours après la bataille de Pavie, le pape, les Vénitiens, les Florentins, les seigneuries de Sienne, de Lucques et de Mantoue songeaient à faire avec le duc de Milan une ligue pour la défense et les libertés de l'Italie[74] ; mais le sentiment de la crainte l'avait emporté chez eux sur le besoin de la défense. Ils s'étaient tournés à l'envi vers l'empereur avec terreur et avec adulation. Les Vénitiens lui avaient envoyé deux ambassadeurs extraordinaires, Andrea Navagero et Lorenzo Priuli, pour le féliciter des succès qui les inquiétaient et s'excuser de ne l'avoir pas fait plus tôt. Vous exprimerez, leur disait le sénat de la république, à son impériale et catholique Majesté la joie que nous avons ressentie de la victoire glorieuse qu'a remportée son armée et de la capture du roi très-chrétien. Vous vous en réjouirez en notre nom avec cette abondance efficace de paroles affectueuses qu'exigent notre perpétuelle révérence envers son impériale et catholique Majesté et la confédération qui existait entre nous. Vous le ferez de façon à laisser bien imprimé dans son esprit ce que nous vous recommandons[75]. Clément VII était allé encore plus loin que le sénat de Venise. Tandis que la cauteleuse république rappelait, comme subsistant toujours, l'ancienne ligue dont elle s'était secrètement retirée, le pape effrayé conclut avec l'empereur une ligue nouvelle. Il fit partir pour l'Espagne, où il avait déjà le comte Balthasar Castiglione en qualité de nonce, le cardinal Salviati, revêtu du titre de légat. Tous les potentats italiens, les plus petits ainsi que les plus considérables, avaient des représentants empressés à la cour de l'empereur, et l'Italie semblait beaucoup plus résignée à une entière soumission que prête à un soulèvement.

Cependant l'esprit d'indépendance s'y ranima bientôt, et l'on y reprit le plan d'union et de défense imaginé après la bataille de Pavie. L'ancien duc de Milan, Maximilien Sforza, depuis longtemps retiré sur les bords de la Loire, fit proposer à son frère François Sforza, de la part de la régente Louise de Savoie, une ligue de l'Italie avec la France pour renverser au-delà des Alpes la domination accablante de Charles-Quint. La régente offrait de reconnaître le duc, de lui donner une princesse de la maison royale et de le soutenir dans ses États avec une puissante armée. Peu de temps après, elle renouvela ses offres directement par l'entremise d'un Italien nommé messer Lorenzo Toscano, qu'elle envoya auprès du duc de Milan, de la seigneurie de Venise et du souverain pontife[76]. S'ils se décidaient à conclure entre eux et avec elle une étroite alliance pour jeter les Impériaux hors de la péninsule, elle renoncerait, au nom de son fils, à tout droit sur le Milanais en faveur de Francesco Sforza, qui épouserait ou la duchesse d'Alençon, devenue veuve, ou la princesse Renée, fille de Louis XII ; elle abandonnerait toute prétention sur le royaume de Naples, dont le pape disposerait comme et pour qui il voudrait ; enfin elle fournirait à la ligue six cents hommes d'armes et six mille fantassins, sous le commandement du conte de Saint-Paul, et lui compterait 40.000 ducats par mois[77].

Clément VII entra dans ce dessein, poussé surtout par le dataire Giov.-Mattheo Giberto, son intime confident et l'adversaire le plus résolu des Impériaux ; il voulut s'assurer auparavant de nombreux et solides appuis. Outre les Florentins, qui obéissaient à ses directions et qu'il entraînerait sans peine, il désirait l'active coopération des Vénitiens et du duc Sforza. La république circonspecte de Venise était fort alarmée par le voisinage des troupes espagnoles qui occupaient la Lombardie occidentale, que la ligne de l'Adda séparait seule de la Lombardie orientale, demeurée en son pouvoir. Déjà sollicitée à ce sujet par le comte Ludovico Canossa, évêque de Bayeux et ambassadeur de France, elle s'était montrée prête à suivre le pape et à former avec les autres souverains d'Italie cette confédération libératrice. Clément VII avait envoyé dans le Milanais le Génois Domenico Sauli, ami commun du dataire Giberto et de Girolamo Morone, chancelier du duc de Milan, pour faire comprendre à Francesco Sforza les avantages d'une union qui le tirerait de son assujettissement, et assurerait l'indépendance de toute la Péninsule.

 

Afin de n'avoir que des gouvernements italiens en Italie, Clément VII et Giberto, de concert avec les Vénitiens, conçurent le projet non - seulement d'arracher le Milanais à l'empereur, mais de lui enlever le royaume de Naples. Suzerain de ce royaume, le pape ne devait pas manquer de prétextes pour le lui ôter ni de raisons pour le donner à un autre. Le choix de celui auquel était réservé le trône de Naples fut singulièrement hardi : on espéra, en l'offrant au marquis de Pescara, priver du même coup l'empereur du plus habile de ses généraux et placer à la tête de la ligue italienne un chef capable de la bien conduire et intéressé à la faire triompher.

Fernand d'Avalos, Espagnol par le sang, était Italien par la naissance. Ses ancêtres étaient venus avec les princes de la maison d'Aragon dans le royaume des Deux-Siciles et s'y étaient établis. Dès sa jeunesse, il avait pris part à toutes les guerres, et il était devenu un capitaine accompli. Les succès qu'avaient obtenus les Impériaux depuis quatre années étaient dus surtout à son audace et à son habileté. A la sûreté de vue qui fait entreprendre, il joignait la hardiesse d'exécution qui fait réussir. La prise de Milan en 1521, les défaites successives des Français en Lombardie, la victoire de Pavie, pouvaient lui être attribuées, et il ne manquait pas d'en revendiquer la gloire. Jusque-là les grands services qu'il avait rendus étaient restés sans autre récompense que des louanges stériles. Le fier sentiment de ce qu'il était et de ce qu'il valait lui avait fait quitter un moment l'armée dans les derniers jours de la vie de Prospero Colonna, à qui Fernand d'Avalos ne supportait pas d'être soumis. L'offensant oubli où il avait été laissé après la dernière campagne, et la translation du roi de France en Espagne, ordonnée par Lannoy tout seul, l'avaient profondément blessé. Il avait fait entendre de hautaines et amères paroles. L'éclat de son irritation et les plaintes de son orgueil firent croire qu'il se détacherait aisément de l'empereur, et qu'on gagnerait à la cause italienne cet Italien en l'attirant par l'appât d'une couronne et la satisfaction d'une vengeance.

L'insinuant Morone fut chargé de sonder Pescara et de lui offrir ce qu'il n'aurait jamais osé ambitionner. Il lui parla des sujets qu'il avait d'être mécontent, l'entretint des agitations de l'Italie, et lui demanda ce qu'il en pensait. Pescara convint que l'union des États italiens et de la France serait fort dangereuse pour l'empereur, et qu'elle pourrait bien lui faire perdre le royaume de Naples. — Et si cela était, ajouta Morone, à qui le donnerait-on ?Je ne sais, répondit Pescara ; mais on trouverait bien qui l'accepterait. — Ce serait peut-être votre Excellence qui l'aurait, continua Morone en souriant, si toutefois cela lui convenait. Après cette insinuation, Morone s'arrêta et ne poussa pas l'entretien plus loin[78].

Mais le général de l'empereur ayant entendu cette proposition d'infidélité sans s'y montrer contraire, le chancelier du duc de Milan s'assura encore mieux des intentions du pape, qui lui furent confirmées par le dataire Giberto. Il aborda ensuite nettement le marquis de Pescara. Il lui demanda sa parole de soldat et de chevalier de ne jamais révéler ni à l'empereur ni à personne ce qu'il allait lui dire et de garder le secret le plus absolu, quelque résolution qu'il prit. Pescara la donna sans hésiter. Morone lui dit alors qu'il avait à lui proposer les choses les plus importantes et à lui découvrir les projets du pape en sa faveur. Il l'instruisit en même temps de tout ce qui se tramait en Italie, dont les forces seraient mises sous son commandement, et où il recevrait du souverain pontife la couronne des Deux-Siciles.

Pescara déclara aussitôt que son honneur passait avant tout, qu'il ne l'exposerait pas pour tous les royaumes du monde. et qu'il aimerait mieux mourir de la mort la plus cruelle qu'y porter la moindre atteinte ; qu'il ne pensait pas pouvoir, sans y manquer, quitter l'empereur pour se donner à d'autres, surtout étant son vassal, son capitaine, et ayant dans le moment toute la charge de son armée. Il ajouta cependant qu'au cas où il pourrait garder son honneur, il ferait tout ce que désirait Sa Sainteté, pour montrer qu'il était quelque chose, se venger des injures qu'il avait reçues, obtenir les grâces du pape et devenir le capitaine général des Italiens, estimant que rien ne saurait lui être plus agréable ni lui arriver en sa vie de plus heureux que de posséder un royaume dans sa patrie Il finit en disant qu'il y penserait, et il demanda à Morone de chercher de son côté comment le marquis de Pescara pourrait, sans encourir de blâme envers Charles-Quint, accepter la proposition de Clément VII.

En attendant l'adhésion de Pescara, on n'omit rien pour compléter la grande ligue italienne et lui procurer les moyens d'agir avec ensemble et avec vigueur. Le dataire Giberto, au nom du pape, pressa les Vénétiens de la conclure après l'avoir approuvée. Il écrivait au nonce Ghinucci à Londres afin qu'il décidât Henri VIII et le cardinal Wolsey, auprès desquels se rendait dans le même dessein Gregorio Casale, à s'accorder promptement avec la France[79].

Les Suisses avaient été les soldats du pape Jules II et les protecteurs du duché de Milan contre Louis XII. De Rome, on espéra leur faire reprendre le même rôle contre Charles-Quint. Les cantons helvétiques avaient un grand intérêt à empêcher que l'empereur se rendît maître du Milanais et cernât ainsi leurs montagnes, qui seraient entourées, du côté de l'Allemagne, par les États héréditaires de la maison d'Autriche, du côté de la France par la Franche-Comté, du côté de l'Italie par la Lombardie et le Tyrol. Leur sécurité exigeait que le duché de Milan, débarrassé des troupes impériales, ne reconnût pour maître qu'un petit prince indépendant de la maison Sforza. C'est ce qu'écrivit coup sur coup le dataire Giberto à Ennio Philonardo, évêque de Veruli, nonce du Saint-Siège auprès des cantons, en le chargeant de préparer mystérieusement une levée de dix mille Suisses, que le pape emploierait partout où il voudrait, sans excepter Naples et sans avoir la crainte que ces troupes fussent rappelées. L'ambassadeur de France, dont la cour avait les mêmes desseins et les mêmes intérêts, devait seconder le nonce du pape. Les Suisses, écrivait le dataire Giberto à l'évêque de Veruli[80], auront une occasion de regagner ce qu'ils ont perdu pendant les quatre dernières années et de se montrer de nouveau invincibles, comme ils l'ont été autrefois. Ils seront encouragés par le désir de la France et par le vœu non-seulement de Sa Sainteté et des seigneurs vénitiens, mais de tout le reste de l'Italie, unie pour se rendre libre.

L'accord n'était cependant point encore terminé. En envoyant messer Lorenzo Toscano à Venise et à Rome, la régente lui avait donné la mission de le préparer et non le pouvoir de le conclure. On dépêcha donc de la cour pontificale Sigismondo de Carpi, secrétaire du comte Alberto Pio, ambassadeur de France auprès de Clément VII, pour qu'il se rendit à Lyon, à travers les États vénitiens et le pays des Grisons, et arrangeât tout avec la régente. La régente devait prendre envers Francesco Sforza les engagements que naguère elle avait elle-même proposés : laisser le pape disposer du royaume de Naples en faveur du marquis de Pescara, fournir à la ligue italienne six cents lances, six mille fantassins soldés pendant six mois, avec une artillerie bien équipée, mettre à la disposition de la ligue dix ou douze galères avec quelques gros navires portant quatre mille fantassins destinés à des entreprises contre Gènes ou contre Naples, enfin assister la ligue de 50.000 ducats par mois, en payant les deux premiers mois d'avance[81]. En retour, l'Italie devait s'unir à la France par une amitié indissoluble, s'engager, après avoir été délivrée, à mettre en campagne, à ses frais, mille lances et douze mille fantassins pour tirer de prison le roi très-chrétien et défendre son royaume. Les Italiens demandaient surtout que la régente ne cherchât point dans cette ligue un moyen d'obtenir plus tôt de l'empereur intimidé la délivrance du roi son fils à des conditions qui seraient moins onéreuses pour lui, mais qui deviendraient fatales pour eux. La régente peut tout espérer, disaient-ils, d'une union perpétuelle avec l'Italie, tandis qu'un accord avec l'empereur laisserait la France comme asservie et à la discrétion de son ennemi. Les négociations se poursuivaient en ce moment avec un tel concert, on avait de si grandes espérances de les mener à bonne fin, on se croyait si près d'agir avec des forces irrésistibles, que, dans sa confiance et dans sa joie, le dataire Giberto, dont le cœur était tout italien, s'écriait[82] : Il me semble voir se renouveler le monde, et, d'une extrême misère, l'Italie arriver à une très-grande félicité.

Tout marchait. La levée des Suisses se ménageait en secret. Les Vénitiens se mettaient en armes. Le traité de la France et de l'Angleterre, recommandé par Clément VII, allait se conclure. Selon le désir de Pescara, le pape avait été consulté pour savoir comment il pourrait, sans encourir le blâme, quitter le service impérial et accepter les offres qui lui étaient faites au nom de la ligue italienne. Morone avait établi subtilement que Pescara ne mériterait aucun reproche et ne s'exposerait à aucune honte en servant contre l'empereur dans le royaume de Naples, pourvu qu'au préalable il eût renoncé à tous les offices qu'il tenait de lui et eût quitté le commandement de son armée. Il avait donné par écrit à Pescara toutes les raisons qui lui permettaient de trahir son souverain avec honneur, qui devaient l'induire à monter sur un trône usurpé par patriotisme, et qui l'obligeaient à déférer au vœu du pape par obéissance. Pescara cependant ne se tint pas pour persuadé. Il prétendit qu'il avait besoin, avant de se décider, de consulter un de ses amis, docteur napolitain, sans l'avis duquel il n'entreprenait rien d'important. Il voulait connaître ce que pensait ce casuiste des devoirs difficiles dans les positions délicates, parce qu'il avait à cœur, disait-il, de pouvoir se justifier à tout événement[83].

Pescara semblait sincère dans ses hésitations. On eût dit qu'il flottait entre les scrupules de la fidélité et les convoitises de l'ambition. Il n'en était rien pourtant. Dès le premier moment, il avait pris son parti. En lui, l'Espagnol l'avait emporté sur l'Italien, le ressentiment du serviteur maltraité avait cédé au dévouement du vassal fidèle, et l'appât d'un royaume n'avait pas séduit son âme avide de grandeurs, soit qu'il crût indigne de l'acquérir par une trahison, soit qu'il en regardât la possession comme chimérique. Il n'écouta ce qui lui fut proposé que pour connaître l'étendue et les ressources de la conspiration contre l'empereur son maître ; il n'objecta des scrupules et ne demanda des consultations que pour gagner du temps ; il ne rechercha des délais que pour prévenir Charles-Quint des dangers auxquels il était exposé en Italie et l'aider à s'en préserver.

Ce scrupuleux en fait d'honneur s'était condamné à une trahison. S'il ne la commit point envers l'empereur, il s'en rendit coupable à l'égard de ceux auxquels il avait engagé sa foi, et qu'il dénonça pour lui avoir offert un royaume. En découvrant à Charles-Quint ce qu'il avait promis tout au moins de garder secret, il sentit l'indignité du rôle qu'il jouait, et il écrivit à son maître : Ces pratiques ne me conviennent pas. Cependant, puisque la nécessité les a amenées, je m'en réjouis afin de servir Votre Majesté, non sans beaucoup de honte, parce que je reconnais que je manque à quelqu'un, bien que ce soit pour ne pas manquer à celui auquel je dois le plus[84]. Il envoya donc en Espagne un homme de sa confiance, Juan-Baptista Gastaldo, qui, formé à son école, devint plus tard un des habiles généraux de Charles-Quint. Gastaldo porta à l'empereur des dépêches très-étendues dans lesquelles Pescara lui exposait avec alarme les projets de la confédération qui se préparait en Italie, en France et même en Angleterre. Il lui annonçait que les Vénitiens, les Florentins, le pape, le duc de Milan, etc., ligués avec la régente de France, lèveraient des forces considérables ; que la guerre commencerait par la France avec cinq cents lances, dix mille Suisses et un bon équipage d'artillerie ; que les Vénitiens et le pape mettraient leurs troupes dans les places les plus voisines du Milanais, les Vénitiens à Brescia et à Crème, le pape à Parme et à Plaisance, et les ferait avancer du côté de Milan, dont le duc de Sforza fermerait les portes aux Impériaux, comme le doge Adorno leur fermerait celles de Gênes, et qu'ils espéraient par là venir à bout de l'armée impériale dispersée et la détruire.

Afin de parer à un danger qui semblait pressant, Pescara s'assura des places d'Alexandrie et de Verceil, concentra de son mieux les troupes espagnoles, demanda en toute hâte à l'empereur 300.000 ducats pour les payer, le supplia d'envoyer avec ses galères et ses gros navires cinq ou six mille hommes de renfort auxquels serait donnée la destination la plus utile dès qu'ils arriveraient à Monaco. Il le conjura en même temps de faire au plus tôt, la paix avec le roi de France, sans exiger la Bourgogne, afin que le roi de France lui abandonnât toute l'Italie, qu'il pourrait ainsi mettre à la raison. Il ajouta en insistant beaucoup sur la nécessité de cette paix à des conditions qui la rendissent possible, que c'était également l'avis d'Antonio de Leiva, de l'abbé de Najera et de ses meilleurs serviteurs. Si Votre Majesté ne se hâte point de la conclure, lui écrivit-il avec une franchise hardie, elle s'en repentira, et elle gémira de ne l'avoir pas fait lorsque ses affaires n'auront plus de remède... Il n'y a personne ici qui ne redoute la grandeur de Votre Majesté ; il n'y a personne ici qui n'abhorre le joug de cette armée. : Votre Majesté n'a pas d'amis en Italie, où le duc de Ferrare et le marquis de Mantoue lui sont aussi contraires que les duc de Milan et de Gênes, où Lucques est plus française que Paris et où Sienne le sera bientôt autant, et Votre Majesté y a peu de serviteurs qui ne soient fatigués et découragés[85].

 

IX

Vers le même temps où. l'empereur Charles-Quint apprenait par le marquis de Pescara les projets menaçants des princes italiens et où il recevait d'Angleterre l'avis que son ancien allié Henri VIII concluait un traité avec la régente de France, il était informé du dangereux état dans lequel la captivité avait fait tomber le roi son prisonnier. Après que les négociations pour la paix avaient été suspendues, François Ier, voyant que Charles-Quint se refusait à une entrevue, sentant que la possibilité d'un accord et l'espoir de sa délivrance s'éloignaient de plus en plus, craignant que son royaume, où des dissentiments commençaient à se montrer entre le parlement et la régente, ne fût exposé à d'irrémédiables désordres par son emprisonnement prolongé, fut en proie à une mélancolique tristesse. La fièvre le saisit ; cette fièvre, continuant avec des redoublements, fut le signe d'une maladie des plus graves. François Ier perdit peu à peu ses forces, et la vie sembla sur le point de l'abandonner. Quoique le mal eût un siège intérieur que les médecins n'apercevaient pas encore, on crut autour du roi que la cause en était toute morale. C'est ce qu'annonça le capitaine Alarcon à l'empereur. Charles-Quint s'empressa d'écrire à François Ier, et il fit partir don Juan de Zuñiga pour lui témoigner l'intérêt qu'il prenait à son rétablissement[86]. Les nouvelles devenant plus mauvaises, il lui envoya son propre médecin pour le traiter et le vice-roi de Naples pour ranimer ses espérances[87] ; mais les soins du médecin impérial ne furent pas plus efficaces que ceux des deux médecins français, Bourgancy et maître Jean de Nismes ; que le roi avait auprès de lui[88], et François Ier fut insensible aux consolations que lui apportait Lannoy de la part de Charles-Quint.

Un abcès profond s'était formé vers le haut de la tête, et cet abcès, en se développant, jetait de plus en plus le malade dans un accablement qui semblait mortel. Le lundi 18 septembre, après plus de vingt jours de maladie, François Ier était sans mouvement et presque sans connaissance. Alarcon dépêcha un courrier à l'empereur pour l'en informer et lui dire qu'une visite de sa part pourrait seule tirer le roi de l'état léthargique dans lequel il était tombé, et que, s'il voulait le voir encore et chercher à le relever par sa présence et ses paroles, il avait besoin de se hâter. L'empereur était allé à la chasse du côté de Ségovie ; il avait écrit à François Ier qu'apprenant la durée de sa maladie, et regrettant d'avoir passé naguère près du lieu où il était alors bien portant sans le voir, il n'y passerait pas cette fois sans le visiter, et qu'il serait auprès de lui le mardi. Le mardi était le 19 septembre. Charles-Quint arriva des environs de Ségovie à San-Agustin le lundi 18, quelques heures avant la fin du jour. Il comptait coucher à San-Agustin lorsqu'il reçut la dépêche d'Alarcon. Il sentit sur-le-champ que son prisonnier lui échappait, s'il ne s'empressait pas de le soutenir, et qu'il perdrait avec lui tous les avantages qu'il se promettait de sa délivrance. Sans attendre le lendemain, il résolut d'aller visiter François Ier pour lui donner la satisfaction qu'il avait si ardemment désirée et essayer de le ramener à la vie par l'espérance de sa prochaine liberté. Il dit à ceux qui l'accompagnaient qu'ils eussent à se préparer, s'ils voulaient le suivre. Il monta à cheval avec les ducs de Calabre, de Be-jar et de Najara, Pedro Giron et don Beltran de la Cueva, qui ne le quittèrent point, et il parcourut à toute bride en deux heures et demie les six grandes lieues qui le séparaient de Madrid[89]. Il y arriva entre huit et neuf heures du soir, et se rendit sur-le-champ à l'Alcazar. Laissant à la porte de la chambre du roi les ducs qui lui faisaient cortège, de peur de fatiguer le malade, il y entra avec le seul vice-roi de Naples, éclairé par le maréchal de Montmorency, qui portait devant lui un flambeau.

En voyant l'empereur, François Ier se releva avec effort sur son lit et s'inclina. Charles-Quint se jeta dans ses bras, et ils se tinrent pendant quelque temps étroitement embrassés sans proférer une parole. François Ier rompit le premier le silence, et dit : Seigneur, vous voyez devant vous votre prisonnier et vôtre esclave. — Non, répondit affectueusement l'empereur, mais mon bon frère et véritable ami que je tiens pour libre. — Votre esclave, ajouta le roi. — Mon bon frère et ami qui deviendra libre, repartit avec insistance l'empereur. Je ne désire rien plus que votre santé, ne pensez qu'à elle ; tout le reste se fera, seigneur, comme vous pouvez le souhaiter. — Il en sera ce que vous ordonnerez, continua le roi, car c'est à vous de commander ; mais, seigneur, je vous en supplie, qu'il n'y ait pas d'intermédiaire entre vous et moi ![90] François Ier retomba fatigué, et lorsque l'empereur sortit après avoir passé quelques instants encore à ses côtés, François Ier ne put pas donner la main aux ducs de Calabre, de Bejar, de Najara, etc., qui entrèrent pour lui faire la révérence.

Le lendemain, l'empereur retourna auprès du roi. Il n'oublia rien pour lui rendre la confiance ; mais le royal prisonnier se sentait profondément atteint, et il parla à l'empereur comme s'il ne croyait pas survivre à son mal. Il le supplia, s'il succombait, d'avoir ses fils pour recommandés, de ne pas trop exiger d'eux, de les prendre sous sa protection et de les défendre contre ceux qui les attaqueraient[91]. Charles-Quint le rassura et lui dit que tout s'arrangerait selon ses vœux lorsque arriverait sa sœur, la duchesse d'Alençon. On annonça en même temps que Marguerite de Valois était entrée dans Madrid et qu'elle approchait de 1'Alcazar.

Cette princesse, d'un cœur si tendre, d'un mérite si haut, d'un esprit si rare et si orné, était partie de France au milieu des plus grandes chaleurs de l'été pour aller au fond de l'Espagne travailler à la délivrance de son frère. Sa mère l'avait investie de tous les pouvoirs nécessaires pour cette délicate négociation, avec l'espérance que sa beauté et son habileté, les charmes de sa personne et les ressources de son dévouement la conduiraient à bonne fin. Dès quels trêve avait été conclue définitivement et que le sauf-conduit tout à fait en règle lui avait été remis, elle s'était rendue de Lyon à Aigues-Mortes en descendant le Rhône avec la régente sa mère, qui l'avait accompagnée jusqu'au lieu de son embarquement. Montée le 27 août[92] sur la flotte qui devait la transporter en Espagne, elle avait traversé la Méditerranée comme l'avait fait son frère deux mois et demi auparavant, et elle avait pris terre à Barcelone, où l'empereur avait envoyé don Ugo de Moncada à sa rencontre. Sur la route de Barcelone à Madrid, elle avait appris la grave maladie du roi son frère, et, remplie d'anxiété, elle avait mis encore plus de hâte à parcourir l'espace qui la séparait de lui[93]. Le corps fatigué, l'âme troublée, elle faisait de dix à douze lieues d'Espagne par jour[94]. Le cardinal légat Salviati, que Clément VII avait dépêché vers l'empereur, qu'elle rencontra et dépassa en route, dit qu'elle se rendait en volant à Madrid, où elle arriva le 20 septembre 1525, le lendemain de la première visite que Charles-Quint avait faite à François Ier. L'empereur descendit jusqu'au bas de l'escalier de l'Alcazar pour la recevoir. Elle était vêtue tout en blanc à cause de la mort récente de son mari, le duc d'Alençon, et elle avait le visage en pleurs. L'empereur l'embrassa, lui adressa quelques paroles de consolation et la conduisit auprès du roi son frère. Après quelques instants passés avec eux, il les laissa, et le même jour il repartit pour Tolède[95].

La visite de l'empereur, ses bonnes assurances, la venue et la présence de sa sœur ranimèrent un moment François Ier : il parut mieux ; mais le mal était au-dessus des remèdes moraux. Trois jours après le départ de Charles-Quint et l'arrivée de la duchesse d'Alençon, l'état du roi empira. La fièvre devint plus forte et l'accablement du malade excessif. Le jour suivant (24 septembre), il tomba dans une insensibilité complète, et les médecins de l'empereur comme les siens déclarèrent qu'il était perdu. Il resta plusieurs heures sans parler et sans entendre, ne voyant rien et ne reconnaissant personne. La duchesse d'Alençon était dans le désespoir et ne comptait plus désormais sur aucun remède humain. C'est alors qu'elle fit dresser un autel dans la chambre du roi et dire par l'archevêque d'Embrun la messe à laquelle assistèrent, en priant et en pleurant, les gentilshommes de son frère et les dames de sa suite. Au moment de l'élévation, l'archevêque d'Embrun, s'adressant au roi, qui depuis quelque temps ne donnait aucun signe de vie, l'exhorta à regarder le saint-sacrement. Le roi ouvrit les yeux et leva les mains. La messe finie, la duchesse fit présenter au roi le saint-sacrement pour qu'il l'adorât. C'est mon Dieu, dit-il, qui me guérira l'âme et le corps, je vous prie que je le reçoive. Comme on lui représenta qu'il ne pourrait avaler l'hostie : Si, répliqua-t-il, je le ferai. Alors l'hostie ayant été partagée en deux à la demande de la duchesse, le roi en reçut la moitié avec la plus grande dévotion, et sa sœur, communiant avec lui, reçut l'autre moitié au milieu de toute l'assistance, qui fondait en larmes[96]. La secousse morale qu'il avait éprouvée avait produit une crise salutaire. L'abcès qu'il avait dans la tête, et qui l'avait jeté dans cet état d'anéantissement, s'était heureusement ouvert en dehors, ce qui le sauva[97] : mais, s'il fut rendu à la vie, il demeura dans une grande faiblesse.

L'empereur apprit avec une vive satisfaction le rétablissement inespéré de son prisonnier. Il avait ordonné qu'on fît à son intention des prières publiques. Au moment où François Ier paraissait sur le point de succomber, Charles-Quint, se résignant à sa perte avec cette gravité stoïque qu'il montra dans les positions diverses de la fortune, s'était borné à dire : Dieu me l'avait donné, Dieu me l'ôte[98]. Dès qu'il connut la soudaine amélioration qui était survenue, il fit partir le vice-roi de Naples pour visiter François Ier, à qui il écrivit que les choses, au plaisir de Dieu, viendraient à bonne fin[99].

 

X

Marguerite de Valois quitta son frère convalescent pour aller suivre auprès de Charles-Quint la grande négociation qui l'avait conduite en Espagne. Elle arriva le mardi 3 octobre à Tolède. L'empereur envoya au-devant d'elle le duc de Medina-Cœli à une lieue de la ville. Il sortit lui-même de son palais pour la recevoir, accompagné du duc de Calabre, de l'archevêque de Tolède, du duc de Bejar, du duc de Najara, du connétable de Navarre, de l'amiral des Indes, du marquis de Villafranca et de beaucoup d'autres seigneurs et caballeros. Il la rencontra sur la place de Zocodover, ayant à ses côtés l'archevêque d'Embrun, quelques grands personnages de France, et suivie de ses femmes à cheval comme elle. Du plus loin qu'il la vit, l'empereur ôta son bonnet et s'approcha d'elle avec la plus gracieuse courtoisie. L'ayant placée à sa droite, il la conduisit lui-même au palais de don Diego de Mendoza, comte de Melito, où son logis avait été préparé. A la porte, il prit congé de la duchesse, le béret à la main, et retourna à son palais[100].

Le lendemain, il y reçut la visite de Marguerite de Valois, qui vint l'entretenir du projet de paix avec la France et discuter les conditions auxquelles pourrait être délivré le roi son frère. Charles-Quint demeura pendant deux heures en conférence avec elle. Il n'avait auprès de lui aucun des membres de son conseil ni des grands officiers de sa cour, et il avait voulu, par une aimable déférence, que la porte de la chambre dans laquelle il conférait avec la duchesse fût gardée par une de ses femmes[101] ; mais, s'il se montra courtois envers la duchesse, il reprit toutes ses exigences à l'égard du roi. Ce qu'il avait dit à François Ier pour le relever de l'abattement où l'avait jeté sa maladie, il ne parut plus s'en souvenir lorsque François Ier fut revenu à la santé. Il fit voir que, s'il lui avait donné des espérances, c'était pour le sauver de la mort et non pour le délivrer de la captivité.

La duchesse d'Alençon proposa, en même temps que la renonciation aux souverainetés de l'Italie et à la suzeraineté sur une partie des Pays-Bas, le mariage du roi son frère avec la reine Éléonore, qui recevrait de l'empereur le duché de Bourgogne en dot[102]. Cette combinaison avait à l'égard de la France le tort de reconnaître un droit réel sur le duché au petit-fils de Marie de Bourgogne, qui pourrait le donner à sa sœur, et vis-à-vis de l'empereur le désavantage de le priver de la possession du duché, tout en le lui concédant ; Charles-Quint n'y adhéra point. Il tenait à l'acquisition effective de cette grande province et entendait la reprendre avec toutes ses dépendances. Il répondit d'abord que la reine sa sœur, qu'il avait eu soin d'éloigner peu après l'arrivée de la duchesse d'Alençon en la faisant partir pour un pèlerinage à Notre-Dame-de-Guadalupe, était promise au duc de Bourbon et ne pouvait pas être accordée à François Ier. La duchesse d'Alençon offrit vainement la somme qui conviendrait à l'empereur pour la rançon de son prisonnier. Charles-Quint assura qu'il ne voulait point de rançon et qu'il no demandait pas autre chose au roi que la restitution de ce qui lui appartenait[103] ; mais cette restitution prétendue était un démembrement considérable du territoire incorporé à la couronne. François Ier la trouvait contraire à son honneur et déclamait qu'il aimerait mieux demeurer en prison toute sa vie que d'y consentir. Cependant la demande de l'empereur était si péremptoire, et si vif était le désir de délivrer le roi d'une prison où sa santé était exposée à se perdre et son royaume à tomber dans le trouble, (lue lit duchesse d'Alençon offrit à Charles-Quint la mise en possession du duché de Bourgogne aussitôt que le roi serait rentré dans son royaume, mais à une double condition : 1° que le droit au duché serait jugé par le parlement de Paris garni de pairs ; 2° que l'empereur donnerait des otages de la restitution du duché, si le jugement n'était pas en sa faveur. Charles-Quint refusa encore. Il était résolu

ne pas délivrer le roi avant d'avoir le duché entre ses mains, et il n'admettait point que le parlement de Paris siégeant par la grâce et sous l'autorité du roi, et les pairs du royaume placés dans sa dépendance, pussent être des juges impartiaux et équitables. Il consentit toutefois à faire décider le différend par des arbitres nommés de part et d'autre. La duchesse d'Alençon ne rejeta point cette proposition, qu'elle communiqua aux commissaires français, qui ne furent pas d'avis de l'accepter. Ils trouvèrent avec raison que soumettre le droit de France à un arbitrage, c'était l'infirmer et même l'exposer. Ils décidèrent la duchesse à retirer son adhésion, au grand contentement de l'empereur, qui, de son côté, était fâché d'avoir donné la sienne. Afin d'accorder à Charles-Quint, sinon le pays qu'il revendiquait, du moins le titre auquel il semblait tenir, la duchesse d'Alençon lui offrit la vicomté d'Auxonne, qui serait réunie à la comté de Bourgogne, érigée en duché ; mais l'empereur rejeta bien loin une offre qu'il traita de dérisoire[104]. Il se croyait assuré de reprendre le duché de Bourgogne ou de garder son prisonnier, d'affaiblir la France par l'amoindrissement de son territoire ou par la captivité prolongée de son roi.

Après plusieurs entretiens de Marguerite de Valois et de Charles-Quint, après de nouvelles conférences entre les commissaires français et les commissaires impériaux, il fut convenu de mettre par écrit les articles proposés de part et d'autre. L'empereur regarda comme insuffisants ceux qui furent présentés au nom de François Ier et qui renfermaient les offres précédemment faites et refusées. Les siens contenaient des conditions toujours aussi excessives. Charles-Quint acceptait la renonciation au royaume de Naples, au duché de Milan, au comté d'Asti, à la seigneurie de Gênes, ce qui le rendait maître de l'Italie, laissée sous sa domination ou son influence. Il obtenait que la Flandre avec Tournay, Mortagne, Saint-Amand et l'Artois, accru de la ville de Hesdin, et dont la frontière cesserait d'être menacée par les fortifications renversées de Thérouanne, fussent dégagés du lien féodal qui les attachait à la couronne de France. Non-seulement il entrait ainsi dans la pleine souveraineté des Pays-Bas tout entiers, mais il prétendait les étendre jusqu'à la rivière de Somme, en revendiquant de plus les villes de Roye, de Montdidier, etc., autrefois cédées à un des ducs ses ancêtres et légitimement revenues au royaume. Il persistait dans sa première et invariable prétention aux vastes domaines repris pax Louis XI à son aïeule, Marie de Bourgogne, et il réclamait opiniâtrement le duché de Bourgogne, le comté de Mâcon, le comté d'Auxerre, la vicomté d'Auxonne, la châtellenie de Bar-sur-Seine, ce qui aurait singulièrement réduit à l'est le royaume de France, déjà si resserré au nord.

Il demandait impérieusement que le duc de Bourbon, dont la condamnation serait annulée et dont les complices seraient réhabilités, rentrât dans tous ses biens, pût faire valoir ses droits sur la Provence, et, protégé par une formidable alliance politique, appuyé d'une étroite parenté matrimoniale, fût rétabli en souverain dans ses provinces centrales, et pût braver impunément le roi désarmé au cœur du royaume amoindri. En même temps qu'il exigeait des satisfactions aussi dangereuses pour ce rebelle vassal, il imposait au roi qu'il affaiblissait l'humiliante condition d'abandonner d'anciens alliés : le duc de Gueldre, le duc Ulrich de Wurtemberg, Robert de La Marck, seigneur de Bouillon, de Sedan et de Jamets, Henri d'Albret, prince de Béarn et roi de Navarre, et de les livrer ainsi à son inimitié. Charles-Quint allait encore plus loin à l'égard de François Ier. Il le soumettait à des dépendances onéreuses et à des obligations militaires ; il voulait que François Ier fût son suivant dans les grandes cérémonies de son règne, son second dans ses entreprises, son allié dans ses guerres. Il l'astreignait à l'accompagner en Italie avec sa flotte et ses troupes lorsqu'il irait y prendre la couronne impériale dans l'appareil d'un vainqueur et d'un dominateur. Après avoir orné son couronnement, François Ier serait tenu de le suivre dans ses campagnes en mettant sur pied des forces égales aux siennes et en pourvoyant à leur entretien. Il l'aiderait à repousser les Turcs de la Hongrie, à dompter les luthériens en Allemagne, et s'associerait ainsi aux deux grands projets qu'avait Charles-Quint de protéger la chrétienté contre les infidèles, de soutenir la catholicité contre les hérétiques par l'expulsion des Ottomans de l'Europe orientale, qu'ils avaient envahie, et par la soumission des novateurs à l'Église, qu'ils avaient abandonnée[105].

Telles étaient les exigences et tels étaient les desseins de l'ambitieux et entreprenant empereur, qui se croyait modéré en ne demandant que ce qu'il appelait le sien et magnanime en refusant une rançon. Il ne considérait pas comme une rançon exorbitante cet abandon complet de l'Italie, cet affranchissement de provinces de tout temps assujetties, cet amoindrissement d'un royaume dont la frontière facile à franchir serait de nouveau rapprochée de la capitale, non moins aisée à atteindre, enfin cette dépendance d'un roi forcé d'abandonner qui l'avait servi, de servir qui l'avait accablé. A toutes ces prétentions Charles-Quint en ajoutait une autre. Il voulait que. le roi ainsi dépouillé se montrât satisfait, et qu'il fût à jamais son ami fidèle. Il n'entendait pas qu'il se tînt pour mécontent dès qu'il serait libre, qu'il cherchât à reprendre par la force ce qu'il aurait cédé sous la contrainte, et il exigeait l'assurance de son affection non moins que la résignation à ses sacrifices. Il abusait de la victoire sans pour ainsi dire s'en apercevoir, et il était si aveugle dans son avidité, si tranquille dans son immodération, qu'il croyait être généreux en ne réclamant pas davantage. Il n'en était pas moins inhabile par défaut de clairvoyance, et pour vouloir se procurer trop d'avantages il s'exposait à n'en obtenir aucun.

Ces propositions furent portés le 9 octobre à Madrid par l'archevêque d'Embrun et le premier président de Selve, qui les communiquèrent à François Ier. Le prisonnier les connaissait déjà Malgré ce que lui avait écrit la duchesse sa sœur sur les tenaces prétentions de l'empereur, si peu conformes aux espérances qu'il lui avait récemment données, il s'en étonna. Il y répondit sur-le-champ (le 10 octobre) avec hauteur et avec esprit. Il dit que c'était la crème des articles dont l'empereur avait chargé Beaurain, lorsqu'il était enfermé à Pizzighettone et de ceux qu'il avait adressés lui-même de Pizzighettone à l'empereur. Il consentit à ce qu'il avait offert et rejeta fièrement le reste, en accompagnant ses refus d'observations amères ou ironiques[106]. Il écrivit ensuite cette lettre à Charles-Quint : Monsieur mon frère, j'ai entendu par l'archevêque d'Embrun et mon premier président de. Paris la résolution que leur avez dite sur le fait de ma délivrance, et me déplaît de quoy ce que demandez n'est en mon possible : car vous cognoistriez qu'il ne tiendroit à moi que je fusse et demeurasse votre amy. Mais cognoissant que plus honnestement vous ne pouvez dire que vous me voulez toujours tenir prisonnier que de me demander chose impossible de ma part, je me suis résolu prendre la prison en gré, estant sûr que Dieu, qui sçait que je ne l'ay méritée longue, estant prisonnier de bonne guerre, me donnera la force de la pouvoir porter patiemment, et n'ay regret sinon que le fruit de vos honnestes paroles qu'il vous pleust me tenir en ma maladie n'ait sorti son effect, ayant peur que le bien de la chrétienté ne soit doresnavant si bien conduit au service de Dieu qu'il eust été, moy demeurant par sang et mariage vostre bon frère et amy François[107].

Charles-Quint demeura insensible à ces fiers regrets et ne crut pas à ce ferme langage. La duchesse d'Alençon, n'ayant plus rien à attendre, prit congé de l'empereur. Le 13 octobre, elle quitta Tolède pour se rendre à Madrid auprès du roi son frère[108]. La négociation entreprise par elle avait été aussi infructueuse que la négociation d'abord engagée par l'archevêque d'Embrun et le premier président de Selve ; elle n'avait duré que quelques jours. Elle sembla complètement abandonnée pendant un mois.

Mais François Ier, dont la santé s'altérait par la prolongation d'une captivité à laquelle il se résignait moins aisément qu'il ne l'avait cru ou qu'il ne l'avait dit, et qui n'était ni d'humeur ni en position d'attendre avec la même patience que Charles-Quint, se lassa le premier de ce silence. Il prit occasion de l'arrivée de Gabriel de Gramont, évêque de Tarbes[109], accrédité comme ambassadeur de France auprès de Charles-Quint, pour renouer la négociation et faire encore une tentative. L'évêque de Tarbes demanda que les plénipotentiaires français fussent admis à présenter des propositions nouvelles au nom du roi leur maître. Charles-Quint y consentit. Croyant sans doute que l'énormité de la somme pourrait disposer le nécessiteux empereur à accepter une rançon en argent sans l'exiger en territoire, les commissaires français lui offrirent trois millions d'écus d'or, en revenant toujours sur le mariage de la reine Éléonore, qui recevrait le duché de Bourgogne en dot[110]. L'empereur répéta qu'il ne voulait pas prendre de rançon du roi, qu'il voulait rentrer seulement dans les domaines héréditaires enlevés à son aïeule par un des prédécesseurs du roi. Il avait dit que la duchesse d'Alençon avait entrepris à tort un si long voyage, puisqu'elle n'avait pas le pouvoir de les rendre ; il déclara aux ambassadeurs de la régente qu'ils renouaient en vain la négociation s'ils n'offraient pas de les céder. Cette reprise des pourparlers, dans laquelle l'empereur se montra plus que jamais résolu et posa comme condition absolue de la paix sa mise en possession de la Bourgogne préalablement à la délivrance du roi, qui serait garantie par des otages, n'eut pas plus de suite et eut encore moins de durée que les précédentes. Elle cessa au bout de quelques jours par la visible impossibilité de s'entendre.

 

XI

François Ier n'avait pu rien obtenir de l'inexorable Charles-Quint, que n'avaient ébranlé ni l'abandon du roi d'Angleterre, ni l'attitude menaçante de l'Italie. Ses concessions n'avaient pas satisfait Charles-Quint ; ses prières et sa confiance ne l'avaient pas fléchi ; sa maladie, qui semblait l'avoir mieux disposé pour un moment, ne l'avait au fond pas touché ; l'offre d'une immense rançon ne l'avait pas tenté. Il essaya si la crainte de perdre tous les avantages qu'il pouvait retirer de sa délivrance ne rendrait pas l'empereur moins inflexible dans ses résolutions. Il parut résigné sérieusement à une captivité durable et prêt à donner un autre roi à la France en cessant de l'être lui-même. Il ne laissait plus dès lors qu'un prisonnier ordinaire entre les mains de l'empereur. En présence de l'archevêque d'Embrun, du maréchal de Montmorency, du premier président de Selve, de La Barre, prévôt de Paris, il abdiqua en faveur du dauphin son fils. Dans les lettres patentes[111], destinées au couronnement de son successeur, qu'il signa devant eux et qu'il fit contre-signer par le secrétaire Robertet, il disait : Qu'il avait plu à Dieu de lui sauver la vie et l'honneur à la bataille de Pavie ; que, mis entre les mains de l'empereur, il en avait espéré humanité, clémence et honnêteté comme d'un prince chrétien et d'tin proche parent ; que, gravement malade pendant sa prison et dans un état désespéré, cette maladie extrême n'avait pas ému le cœur de l'empereur et ne l'avait pas porté à le délivrer ; que, pour obtenir sa délivrance et conclure fine paix profitable à toute la chrétienté, il avait fait les offres les plus considérables ; que les ambassadeurs de la régente sa mère et sa sœur la duchesse d'Alençon, venue à travers la mer et la terre, n'avaient rien omis de ce qui pouvait disposer l'empereur à faire acte d'honneur et d'humanité, tout en recevant la plus grande rançon qui pût se donner pour le plus grand prince du monde et en établissant une étroite alliance au moyen d'un double mariage de sa sœur avec lui et de sa nièce avec le dauphin ; que l'empereur s'y était refusé et n'avait pas voulu le délivrer jusqu'à ce qu'il fût mis en possession du duché de Bourgogne, des comtés de Mâcon et d'Auxerre, de Bar-sur-Seine, outre d'autres demandes non moins déraisonnables et dommageables qu'il avait rejetées. Nous avons plus tôt résolu, disait-il dans un pathétique langage, endurer telle et si longue prison qu'il plaira à Dieu que nous portions... Nous la lui offrons avec nostre liberté pour le bien, union, paix, conservation de nos subjets et royaulme, pour lesquels vouldrions employer non-seulement nostre vie, mais celle de nos très-chers enfants, qui sont nés non pour nous, niais pour le bien de nostre royaulme, et vrays enfants de la chose publique de France.

Il prescrivait en même temps que le dauphin, son fils et son successeur, fût couronné et sacré avec les so 1 enni tés accoutumées, et fût dès à présént tenu pourroi très-chrétien par ses sujets. Il désignait la duchesse d'Angoulême, sa mère, pour exercer la régence pendant la minorité de son fils, lui substituait en cas de mort la duchesse tl'Aleuçon, sa sœur, les invitait à prendre dans les actes du nouveau règne le conseil des princes, des prélats, du chancelier, du président, des autres officiers du royaume. S'il était délivré plus tard, il se réservait de remonter sur le trône, ce qui, sans annuler le. couronnement de son fils, en suspendrait les effets jusqu'à son trépas. Rien ne manquait à ce grand dessein, ni la patriotique résignation, ni l'habile prévoyance. François Ier pensait sans doute par là se faire rendre une liberté qui rapporterait quelque chose à l'empereur en faisant tester une captivité qui ne lui rapporterait plus rien. Afin de compléter l'arrangement qui intéressait la France par un arrangement qui touchait à sa personne et pour faire croire à la sincérité de ses sentiments comme à la réalité de ses mesures, il parut vouloir s'établir d'une manière commode dans une prison qui ne devait plus s'ouvrir. Il envoya le maréchal de Montmorency demander à l'empereur soixante personnes qui resteraient attachées à son service pendant sa captivité. Il désigna parmi elles le prévôt de Paris La Barre, le maître d'hôtel Monchenu, l'écuyer tranchant Pommereul, Robertet pour secrétaire, La Pommeraye pour portier, des valets de chambre, de garde-robe, de fourrière, un barbier, un tailleur, un tapissier, des cuisiniers et des aides de bouche, des sommeliers de gobelet, un fruitier, un aumônier, le médecin Burgancy, un apothicaire, un chirurgien, des officiers ordinaires, comme pâtissier, boulanger, garde-vaisselle, etc., et, afin de le distraire et de le divertir, quatre pages qui savaient chanter, avec ses trois joueurs de luth, d'espinette et de viscontin[112]. C'était toute une maison destinée à adoucir ou faciliter une captivité perpétuelle.

Que ferait Charles-Quint ? Il recevait des conseils contradictoires. Pescara, qui avait prêté l'oreille aux offres des conspirateurs italiens sans les accepter, s'était décidé à lever le masque. Après avoir pris des précautions qu'il jugeait cependant insuffisantes, et afin de prévenir une dangereuse explosion contre la puissance espagnole, il avait fait arrêter le chancelier Morone à Novare, et il assiégeait le duc Sforza dans la citadelle de Milan. Connaissant toutes les menées des Italiens et craignant que la péninsule ne se soulevât tout entière si l'on n'empêchait pas qu'elle s'unît avec la France, il conjurait de nouveau l'empereur de délivrer le roi prisonnier sans exiger la Bourgogne, pourvu que le roi lui cédât l'Italie[113]. En paix avec la France, il soumettrait à jamais la péninsule italienne, tandis qu'il s'exposait par leur mécontentement commun et par leur union à recommencer la guerre avec l'une et à perdre l'autre. Si le hardi capitaine, qui avait trompé l'attente de l'Italie, poussait Charles-Quint à la soumettre après s'être entendu avec le roi de France, l'ardent chancelier Gattinara, qui aimait l'Italie et qui haïssait la France, engageait l'empereur son maitre à gagner les Italiens et à ne se départir d'aucune des demandes faites au roi prisonnier. Il affirmait qu'il n'aurait rien à craindre tant qu'il-tiendrait François Ier éloigné de la France, qui, privée de son roi, restait hors d'état d'entreprendre et de nuire[114].

Tandis que Pescara conseillait des arrangements avec le roi de France pour s'assurer de l'Italie et Gattinara des ménagements envers l'Italie pour isoler la France, l'ambassadeur que Charles-Quint avait accrédité auprès de la régente, Louis de Bruges, sieur de Praet, lui annonçait le projet d'abdication de François Ier. Tout en avouant que retenir ce prince à jamais en prison, c'était paralyser pour toujours sa puissance, il insinuait que peut-être il valait mieux se montrer généreux à son égard que trop exigeant, et ne pas lui imposer des conditions dures et humiliantes auxquelles il ne se soumettrait qu'avec l'intention de s'y soustraire. Il assura que cela serait facile à François Ier une fois rentré dans son royaume, qui, tout épuisé qu'il était, le seconderait avec une adhésion ardente et une fidélité dévouée. Il concluait à le garder toujours prisonnier ou à le renvoyer pleinement satisfait[115], à l'annuler par la captivité comme ennemi ou à le gagner par la magnanimité comme ami.

Charles-Quint n'était nullement enclin à suivre l'avis de Pescara, et les habiles insinuations de Louis de Praet n'éveillèrent pas en lui une générosité qui aurait été politique. S'il désirait que François Ier restât son ami après avoir été délivré, il ne voulait pas le délivrer sans avoir reçu de lui tout ce qu'il revendiquait. Avec cette fixité dans les résolutions une fois prises qui tenait autant à son esprit inflexible qu'à son caractère opiniâtre, il ne céda à aucune considération de sûreté ou d'utilité. Suivant donc ses propres dispositions autant que les conseils du chancelier Gattinara, il résolut de ne jamais délivrer le roi, si le roi ne lui restituait pas la Bourgogne. Le projet d'abdication de François Ier ne l'ébranla point, soit qu'il le considérât comme réel, soit qu'il n'y vît qu'un subterfuge. Il se montra prêt à lui rendre plus commode le séjour d'une' prison sans terme.

Il recevait en même temps avec grand éclat[116] le duc de Bourbon, qu'il avait appelé d'Italie pour le consulter dans les arrangements qui le concernaient. Le 15 novembre, par une pluie très-forte, il alla au-devant de lui avec le cardinal légat Salviati et toute sa cour jusqu'à une certaine distance de Tolède. Il lui fit l'accueil le plus cordial et lui dit qu'il était la personne au monde qu'il désirait le plus de voir. Il rentra dans Tolède en ayant le cardinal légat à sa droite et le duc à sa gauche. Sire, lui dit Bourbon, j'ai perdu mon État à votre :service, et de ma personne j'ai fait ce que je vous offris comme chevalier, bon serviteur et vassal, et je rends grâce à Dieu de ce que les choses en sont à ce point, pour la plus grande gloire et avec la victoire de Votre Majesté... S'il avait fallu perdre un royaume, comme j'ai perdu mon État, je l'aurais fait volontiers, et à cela l'aurais trouvé bien employé. — Duc, répondit Charles-Quint, votre État n'est pas perdu et ne se perdra pas ; je vous le rendrai, et en outre je vous en donnerai un plus considérable. Je sais que tout ce que vous dites est vrai ; le temps et mes œuvres montreront la volonté que j'ai de vous agrandir. — Seigneur, ajouta le duc, après la bataille de Pavie, je voulais suivre la fortune. Si je ne le fis pas, c'est que je ne trouvai point la même volonté dans plusieurs des principaux de votre armée. Il me parut alors qu'il convenait mieux au service de Votre Majesté de pourvoir à la garde du roi de France et des prisonniers les plus considérables. — Vous avez mieux fait comme cela, ajouta l'empereur, et tout a été bien conçu et bien exécuté. Je sais que votes avez été, avec l'aide de Dieu, une des causes les plus décisives de cette victoire, et je le reconnaîtrai comme je le dois[117].

Pendant que l'empereur accueillait ainsi l'ancien connétable de France et qu'il comblait de félicitations et de promesses le grand traître qui l'avait servi en combattant contre son pays et en aillant à vaincre et à prendre son roi, le triste prisonnier, qui ne pouvait pas sortir de captivité à des conditions acceptables et qui ne voulait pas donner pour rançon une partie de son royaume, cherchait à se rendre libre au moyen d'une évasion. Pendant que l'on négociait pour la troisième fois avec la certitude que les propositions des commissaires français seraient repoussées, tout était disposé mystérieusement pour cette évasion de François Ier. Un capitaine mantouan nommé Emilio Cavriana, qui avait été au service du roi, parcourait l'Espagne, comme beaucoup d'autres, à l'aide de la trêve, sans exciter de soupçons. Par ses soins, des chevaux avaient été placés de distance en distance pour faciliter la fuite du roi[118]. Mais comment échapper à la surveillance d'Alarcon et sortir de l'Alcazar à travers les soldats qui le gardaient ? Un esclave nègre qui était chargé d'entretenir le feu dans la chambre du roi, et qui entrait et sortait librement sans que les gardes fissent attention à lui, fut facilement gagné. Le roi, après s'être teint en noir le visage et les mains, devait prendre les vêtements du nègre et le laisser dans la chambre à sa place, en profitant pour s'évader de l'obscurité du soir. Le subterfuge n'était pas noble, mais il était sûr. François Ier quittant l'Alcazar sans être aperçu, ayant une nuit d'avance pour fuir, se servant des chevaux qui avaient été échelonnés dans cette intention, pouvait arriver à la frontière sans être atteint et la franchir sans qu'on y fût prévenu assez à temps de sa fuite pour l'empêcher de pénétrer en France. Le secret de ces préparatifs d'évasion n'était connu que de ceux qui devaient y concourir. Il fut livré non par trahison, mais par vengeance.

La Rochepot, frère du maréchal de Montmorency et l'un des gentilshommes venus auprès du roi, se prit de querelle avec Clément Le Champion, valet de chambre de François Ier et lui donna un soufflet. Cet outrage, dont le valet de chambre ne put obtenir réparation d'un Montmorency, le mit hors de lui, et, ne pouvant pas se venger du grand seigneur qui l'avait si gravement insulté, il trahit le roi. Il courut à Tolède et révéla les projets d'évasion dont il avait la confidence, et auxquels l'empereur ne voulait pas croire[119]. Charles-Quint s'étonna que François Ier consentît à prendre, pour fuir, un déguisement si indigne d'un grand prince comme lui[120]. Il fit arrêter le capitaine italien Emilio Cavriana, défendit à Alarcon de laisser entrer le nègre dans la chambre du roi[121], et s'apprêta à confiner son prisonnier dans un lieu où il pût être placé avec encore plus de sécurité et sous la surveillance d'une garde moins considérable. Il se disposa en même temps à se rendre à Séville pour y recevoir et y épouser l'infante Isabelle de Portugal, en attendant de recommencer la guerre à l'expiration de la trêve.

C'est alors que la régente Louise de Savoie fit partir pour l'Espagne Chabot de Brion, chargé de ses dernières instructions pour ses ambassadeurs à Tolède. Si la pensée de retenir un prisonnier inutile et la crainte de voir monter sur le trône de France un autre roi ne portaient pas Charles-Quint à délivrer François Ier, la régente autorisait ses négociateurs à conclure la paix en cédant à l'empereur tout ce qu'il demandait. Elle leur disait que la délivrance du roi était d'un prix inestimable pour le royaume, que la longue captivité du roi aurait les inconvénients les plus graves, que le dauphin ne serait de longtemps en âge et en état de gouverner, qu'elle-même ne saurait porter toujours un si grand faix, que le royaume pourrait tomber dans la confusion et souffrir des maux irréparables ; que chacun regretterait alors de n'avoir pas racheté le roi ; qu'on avait cédé, bien davantage par le traité d'Arras afin de séparer le duc de Bourgogne du roi d'Angleterre ; que le roi Jean, fait prisonnier à la bataille de Poitiers, avait été racheté par bien plus de terres et d'argent, quoiqu'il eût un fils en mesure de gouverner ; qu'en croyant sauver un duché on exposerait le royaume à se perdre, le roi à rester prisonnier, ses enfants à être détruits[122].

Ces raisons, se joignant à l'impatience qu'éprouvait François Ier d'obtenir une liberté qu'il ne pouvait pas se procurer autrement, semblèrent le décider au grand sacrifice de la Bourgogne. Il fit dire à l'empereur, par Charles de Lannoy, que s'il voulait désigner de nouveau des plénipotentiaires, la paix cette fois serait bientôt faite[123]. Charles-Quint n'en nomma que trois, et il les choisit parmi ceux qui étaient le plus favorables à François Ier. Il chargea le vice-roi de Naples Charles de Lannoy, le prieur de Messine, Ugo de Moncada, et le premier secrétaire d'État Jean Lallemand, de cette négociation définitive, que le roi confia à l'archevêque d'Embrun et au premier président de Selve, auxquels il adjoignit Chabot de Brion. Il leur donna des instructions semblables à celles qu'ils venaient de recevoir de sa mère. — Voyant, disait-il, que l'empereur avait constamment persisté dans sa première résolution, qui n'avait fléchi devant aucune offre, considérant l'état de sou royaume, dont sa mère l'avertissait chaque jour, et qui serait en danger d'un grand déclin à cause du bas Me et de la faiblesse de ses enfants, s'il était enlevé de ce monde, comme il y avait été exposé deus mois auparavant et comme il le serait encore en demeurant en captivité et en ne respirant pas l'air de son pays, seul capable, avec la liberté, de le tirer de l'état d'affaiblissement où il était tombé, il engageait ses ambassadeurs non-seulement à renoncer de sa part au duché de Milan, au comté d'Asti, à la seigneurie de Gènes, au royaume de Naples, à toutes les prétentions des rois ses prédécesseurs sur l'Aragon, la Catalogne, le Roussillon, non-seulement à abandonner la suzeraineté de la Flandre et de l'Artois, à céder Tournay et le Tournaisis, Mortagne, Saint-Amand, la cité et le comté d'Arras, mais à restituer le duché de Bourgogne et ses dépendances, avec exemption de droit de ressort à la couronne de France. Il ne se bornait pas seulement à les y inviter, il le leur commandait, et, de peur qu'ils ne se crussent pas le droit de le faire, il les déchargeait de toute responsabilité s'ils lui obéissaient, et les menaçait de son animadversion, s'ils s'y refusaient. Il leur disait que c'était chose forcée pour arriver à sa délivrance. Par là vous rendrez à nous et à notre royaume un service qui jamais ne sera oublié : si vous différiez au contraire de faire ce que vous commandons, vous nous feriez desservice, dommage et desplaisir irréparable[124].

Mais, de même que les plénipotentiaires français ne pouvaient être décidés à signer une pareille cession que s'ils y étaient contraints par le commandement royal, de même cette cession ne paraissait exécutable que si le roi était présent dans son royaume. Son retour devait y précéder une restitution difficile à effectuer, et son autorité était seule capable d'amener ses sujets à y consentir. Il demandait toujours à épouser la sœur de Charles-Quint, à qui il donnerait ses deux fils aînés pour otages de la cession promise et entre les mains duquel il retournerait, s'il ne parvenait point à détacher le duché de Bourgogne de la couronne de France.

Cette fois Charles-Quint ne pouvait pas s'opposer à un mariage qui était une condition de la paix et le moyen de rentrer en possession de ce qu'il avait si opiniâtrement demandé et de ce qu'il arrachait avec tant de peine au monarque captif ; mais, pour donner à François Ier la reine de Portugal, il fallait la refuser au duc de Bourbon. L'engagement envers celui-ci était ancien, formel, et jusque-là Charles-Quint n'avait pas eu la pensée d'y manquer. Le duc de Bourbon comptait sur la fidèle exécution de cet engagement, et le chancelier Gattinara en déclarait la rupture impossible. Comment faire renoncer le duc à un mariage depuis si longtemps convenu, qui était pour lui un honneur éclatant et comme le gage certain d'une souveraineté indépendante ? Aussi, loin d'obtempérer à un pareil arrangement, il s'en plaignit tout haut. Il dit qu'il avait perdu ses États à cause de l'empereur et pour son alliance, qu'il aspirait moins à recouvrer son ancienne grandeur qu'il ne tenait à la parenté qui lui avait été offerte[125], et que ce serait étrangement reconnaître les sacrifices qu'il avait faits et payer les services qu'il n'avait cessé de rendre que de lui refuser celle qui lui avait été si solennellement promise. L'empereur, placé entre sa parole et sa politique, était fort embarrassé. Il consulta la volonté de sa sœur. Lorsque la duchesse d'Alençon l'avait demandée la première fois en mariage pour François Ier, la reine Éléonore, alors en pèlerinage à Notre-Dame de Guadalupe, avait annoncé que la volonté de l'empereur serait la sienne. Lannoy était plus que jamais en lutte ouverte avec Bourbon, qui le détestait autant qu'il en était haï. Ils avaient eu tes plus vives altercations en présence de l'empereur, soit au sujet de l'expédition de Provence, où Bourbon prétendait avoir été abandonné par le vice-roi, soit au sujet de la campagne d'Italie, où Bourbon taxait le vice-roi de faiblesse avant la bataille, d'orgueil après la victoire. Lannoy, aussi prononcé pour la paix avec François Ier et aussi favorable à sa délivrance que le chancelier Gattinara[126] était bien porté pour le duc de Bourbon et trouvait conforme à une bonne politique d'affaiblir François Ier, Lannoy fit demander à la veuve du roi de Portugal si elle voulait devenir reine de France ou être la femme d'un duc fugitif. Éléonore eut une volonté cette fois, et sans hésitation elle déclara sa préférence pour François Ier[127]. L'empereur, que le choix de sa sœur aidait à se dégager envers le duc de Bourbon, fit d'ailleurs entendre à celui-ci que ce mariage était la condition de la paix, qu'il ne pourrait pas recouvrer ce que la maison de Bourgogne avait perdu et le réintégrer lui-même dans les États qui lui avaient été enlevés, s'il ne &accordait point avec le roi de France en lui donnant sa sœur. Il lui demanda son acquiescement, et pour le dédommager de ce coûteux sacrifice il lui réserva le duché de Milan[128], dont il se proposait de dépouiller le duc Sforza à cause de sa récente rébellion.

En vue de ce mariage, Charles-Quint abandonnait les comtés de Mâcon et d'Auxerre, ainsi que la seigneurie de Bar-sur-Seine, annexes du duché de Bourgogne, qu'il laissait en dot à sa sœur[129]. Mais, après avoir jusque-là déclaré qu'il ne rendrait pas François Ier à la liberté avant d'avoir été mis en possession du duché de Bourgogne, consentirait-il à délivrer d'abord le roi sous la promesse de recouvrer ensuite le duché ? Il consulta son conseil à ce sujet. Lannoy surtout fut de cet avis[130]. Comprenant les difficultés d'une pareille cession de territoire, il soutint qu'elle ne pourrait être arrachée à la France que par l'active volonté du roi. La présence de François Ier dans son royaume lui parut dès lors indispensable pour la restitution dont l'empereur faisait le fondement de la paix et dont la délivrance préalable du roi était le seul moyen. Les avantages considérables de cette paix n'étaient pas moins certains, quoique un peu retardés, en acceptant les sûretés offertes par le roi lui-même. L'empereur pourrait arranger sans obstacle et sans dépense ses affaires d'Italie, où il consoliderait sa domination après s'y être fait couronner ; mettre à l'abri de tout péril et de toute sujétion les Pays-Bas agrandis et indépendants ; poursuivre les desseins qu'il avait de repousser les Turcs de la Hongrie, de rétablir en Allemagne la foi religieuse ébranlée, et de se rendre ainsi, comme il en avait la pensée, le défenseur de la chrétienté et le restaurateur du catholicisme, sans être troublé par l'opposition de personne et en étant secondé par les forces de son ancien adversaire, devenu son nouvel allié.

Le chancelier Gattinara fut d'une opinion contraire. Il détourna l'empereur de délivrer François Ier avant d'avoir reçu le duché de Bourgogne, affirmant que, s'il n'en exigeait pas la restitution immédiate, il ne l'obtiendrait jamais ; que le roi de France devenu libre ne lui rendrait point ce qu'il avait refusé de lui donner pour le devenir ; qu'il ne tiendrait pas plus l'engagement qu'il prenait aujourd'hui qu'il n'avait tenu les promesses qu'il avait faites précédemment ; qu'il voulait se soustraire à la contrainte qu'il prétendrait lui avoir été imposée, se relever de sa défaite et venger les déplaisirs de sa captivité ; que la guerre recommencerait et que tout serait remis en question ; que ses fils donnés en otage de sa parole seraient laissés en captivité, sans profit pour l'empereur et sans détriment pour le roi, tandis que le roi restant prisonnier, à moins qu'il ne restituât la Bourgogne et qu'il n'accomplit d'avance toutes les conditions de l'accord, l'empereur n'avait rien à craindre de personne, et pouvait s'arranger avec l'Italie, qui, se trouvant sans appui, se soumettrait sans difficulté[131]. Il dit résolument qu'il fallait rendre le roi libre sans lui imposer de conditions ou le retenir toujours prisonnier[132]. Il dissuada donc l'empereur de conclure un traité qu'il refusait d'ailleurs de dresser en qualité de chancelier, parce qu'il le regardait comme devant compromettre et peut-être faire perdre entièrement les fruits de la dernière victoire.

Charles-Quint ne suivit pas cette fois. les conseils de son grand chancelier, qu'une animosité extrême pouvait conduire à une défiance excessive. Il ne crut pas devoir rejeter les avantages d'une paix à laquelle son prisonnier semblait se résigner sincèrement, puisqu'il avait mis si longtemps et eu tant de peine à s'y résoudre. D'ailleurs un refus de sa part ne l'eût pas placé dans une position meilleure. La trêve était sur le point d'expirer ; la guerre, en recommençant, rendrait incertain tout ce qui était assuré par le traité. L'empereur n'avait plus l'appui de ceux qui l'avaient jusque-là soutenu ou la neutralité de ceux qui l'avaient laissé vaincre. Le roi d'Angleterre, sans se déclarer encore son ennemi, était devenu l'allié de François Ier. Les potentats italiens qui avaient été précédemment ses confédérés ourdissaient contre lui des trames dangereuses. Il connaissait les projets d'union des Vénitiens, des Florentins, du pape, du duc de Milan avec la France[133]. Ce que Pescara lui avait révélé en lui conseillant d'être moins difficile sur les conditions de la paix avec le roi, la régente l'avait laissé entendre à son ambassadeur, Louis de Praet, dans l'espérance que cette crainte porterait l'empereur à se montrer plus accommodant[134]. La lutte même avait commencé au-delà des Alpes. Pescara, qui, après avoir arrêté le chancelier Morone, assiégeait le duc Sforza dans la citadelle de Milan, n'était pas loin de sa fin, et la mort prévue de cet habile capitaine allait priver du chef le plus accrédité comme le plus résolu la petite armée avec laquelle l'Italie pouvait être contenue et la guerre entreprise. L'empereur, dans un complet état d'isolement, loin de pouvoir envahir la France, serait obligé de se défendre dans la péninsule italienne, dont la possession lui serait de nouveau disputée, et dans les Pays-Bas, dont la pleine souveraineté lui échapperait. Il perdrait ainsi ce qui se trouvait gagné, et tout au moins aurait-il besoin de victoires nouvelles pour s'assurer des acquisitions qui étaient dues à ses victoires passées et qui allaient être ratifiées par un traité. Il se décida donc à accepter les avantages qui lui étaient concédés sous les conditions où ils lui étaient offerts ; mais il crut les rendre certains en rendant le traité inviolable. Prenant envers François Ier les sûretés les plus variées, il tint à l'engager comme père, comme roi, comme gentilhomme. Le père dut livrer ses deux fils aînés pour otages, le roi se lier par son serment et sa signature, le gentilhomme donner sa parole sous la foi de chevalier. François Ier adhéra à toutes ces précautions qu'il devait rendre inutiles.

Le traité aux dures conditions duquel il avait donné l'ordre à ses ambassadeurs de se soumettre fut, le 19 décembre, dressé conformément à toutes les cessions convenues. François Ier promettait de le ratifier six semaines après être redevenu libre, de le faire accepter par les États et les parlements du royaume en moins de quatre mois, et, s'il ne parvenait pas à effectuer les restitutions stipulées, il s'engageait à rentrer dans sa prison et à y reprendre la place du Dauphin son fils aîné et du duc d'Orléans son second fils, qui, au moment de sa délivrance, seraient remis à l'empereur comme otages de sa fidélité[135].

 

XII

Toutes les clauses de cet accablant traité étaient arrêtées, et, le 14 janvier 1526, le traité devait être apporté à François Ier dans l'Alcazar et recevoir de lui la plus formelle adhésion. La veille du jour où le roi, en apparence résigné, était appelé à prendre, à signer et à jurer cet engagement, il réunit dans sa chambre le premier président de Selve, l'archevêque d'Embrun, le maréchal de Montmorency, Chabot de Brion, le prévôt de Paris La Barre, le secrétaire Bayard, et, après avoir pris leur serment de tenir secret tout ce qui allait se faire, il protesta[136] contre le traité auquel il était contraint de se soumettre, et il annula de lui-même les obligations qu'il était sur le point de contracter, comme attentatoires aux droits de sa couronne, dommageables à la France, injurieuses à son honneur. Il rappela qu'il avait plusieurs fois annoncé, soit en Italie, soit en Espagne, à Lannoy comme à Alarcon, que, si on le forçait de les prendre, il ne se croirait pas tenu de les observer. Il fit l'historique de sa captivité ; il raconta les promesses de l'empereur pendant sa maladie et l'inexécution de ces promesses après son rétablissement ; il énuméra les tentatives multipliées de négociations pour sa délivrance, les offres si considérables et les raisons si fortes faites et données avec tant d'inutilité par les ambassadeurs de la régente sa mère et la duchesse d'Alençon sa sœur, et il condamna les exigences de l'empereur comme iniques en soi, impossibles pour lui, inacceptables pour son royaume. C'est pourquoi, dit-il, l'empereur lui faisant promettre choses exorbitantes qu'il ne peut tenir en son honneur et qui mettraient la France en servitude, il déclare devant Dieu et en présence des dessus nommés... qu'il cède, par contrainte et longueur de prison et pour éviter les maux qui pourraient en advenir, à ce que l'empereur lui impose ; mais il proteste que tout ce qui est convenu au traité sera nul et de nul effet, et qu'il est délibéré de garder les droits de la couronne de France.

Il se dégage de ses promesses comme roi, parce qu'il les trouve injustes, et il projette même de manquer à sa parole de chevalier, parce qu'elle ne lui est pas demandée avec confiance et qu'il ne la donnera pas en liberté. Il assure qu'il aimerait mieux mourir que de l'enfreindre s'il la donnait en étant libre, mais que, l'empereur l'exigeant d'un prisonnier qu'il surveille, il n'est pas tenu, d'après les lois de la chevalerie, de la lui garder. Tout en avançant ces maximes sur la violation légitime des engagements onéreux et sur le manquement régulier aux paroles contraintes, il est saisi de certains scrupules, et il déclare qu'il ne veut pas frustrer l'empereur de ce qu'il lui doit pour la liberté qu'il va prendre. Seulement, ce qu'il doit, il se reconnaît le pouvoir de le déterminer lui-même. Il dit que pour mettre Dieu et la justice de son côté, il entend faire envers l'empereur tout ce qu'un roi prisonnier de bonne guerre peut et doit raisonnablement faire. La rançon qu'il offrira rendra manifeste à chacun qu'il veut faire justice de lui-même et se mettre en son devoir. Après s'être attribué subtilement le droit d'enfreindre plus tard, selon sa convenance et par sa seule volonté, le traité qu'il allait conclure, il commande de nouveau à ses trois ambassadeurs de signer le lendemain l'engagement qu'il rompait d'avance la veille, les rendant ainsi confidents et complices de son futur manque de foi.

Le 14 janvier en effet, ce traité lui fut solennellement soumis, et rien ne fut oublié de ce qui pouvait le lier de la manière la plus irrévocable. Un autel avait été dressé dans sa chambre. L'archevêque d'Embrun y dit la messe. La messe finie, le traité fut lu en présence des six plénipotentiaires qui l'avaient négocié, et le roi fit serment sur l'Évangile de l'exécuter fidèlement. Les plénipotentiaires en jurèrent aussi l'observation, et le traité fut signé par François Ier, l'archevêque d'Embrun, le président de Selve et Chabot de Brion, d'un côté ; par le vice-roi de Naples Lannoy, le prieur de Messine Ugo de Moncada, et le secrétaire Jean Lallemand, de l'autre[137]. Charles-Quint ne devait signer que plus tard. Après l'engagement du monarque, François Ier fut invité à prendre l'engagement du chevalier. Lannoy le lui demanda de la part de l'empereur, et François Ier n'hésita point à accorder cette sûreté de plus, bien qu'il eût, dit-il, donné suffisamment sa foi en jurant et en signant le traité qui venait d'être lu. Il ajouta qu'il tenait Lannoy pour gentilhomme de nom et d'armes connues, et que, l'empereur lui ayant conféré le pouvoir de prendre son serment, il le rendait de son côté apte à le recevoir. Alors debout, la tète découverte, la main placée dans celle du vice-roi de Naples, il prononça, conformément aux termes du traité et à haute voix, ces paroles : Je, François, roi de France, gentilhomme, donne ma foi à l'empereur Charles, roi catholique, gentilhomme, en la personne de vous, Charles de Lannoy, commis et habilité par lui et par moi pour la recevoir, que, en cas que six semaines après le jour que l'empereur m'aura fait délivrer et effectivement mis en liberté dedans mon royaume de France, je ne lui accomplisse la restitution du duché de Bourgogne et autres pièces déclarées par le traité de paix que j'ai main- tenant juré et signé, et pareillement en cas que les ratifications et autres seuretés mentionnées audit traité ne fussent délivrées dedans quatre mois, je retournerai au pouvoir de l'empereur et viendrai incontinent, passé ledit temps, par-devers lui, quelque part qu'il soit, et me rendrai son prisonnier de guerre, comme suis de présent, pour tenir prison là où il plaira audit empereur me ordonner, tant et si longuement que le contenu audit traité soit entièrement fourni et accompli[138].

Le secrétaire d'État Lallemand, comme notaire impérial, dressa acte de cette déclaration, faite de gentilhomme à gentilhomme. Charles-Quint devait être aussi satisfait que François Ier était obligé de le paraître. Il était arrivé à ses fins. Il avait arraché à son prisonnier ce que son prisonnier avait soutenu être impossible à l'égard de son royaume et contraire à son honneur. L'exécution de ce traité, qui devait commencer par la délivrance du roi, à laquelle s'était longtemps refusé l'empereur, et qui devait se poursuivre par la restitution de la Bourgogne, que le roi avait si souvent repoussée, François le' semblait craindre qu'elle no fût différée et Charles-Quint qu'elle ne fût pas accomplie. Ils ne négligèrent l'un envers l'autre aucune des démonstrations propres à se rassurer mutuellement. François le` écrivit à Charles-Quint pour lui exprimer sa satisfaction du traité conclu, demander à le voir et rendre par là sa délivrance plus prompte. Charles-Quint lui répondit en se réjouissant d'une paix qu'il avait tant souhaitée, et dont il avait, disait-il, un merveilleux plaisir à cause du bien qui en résulterait, s'ils l'observaient fidèlement, comme, ajoutait-il[139], ne fais doute que vous de votre côté et moi du mien ferons. Il témoignait le même désir de voir le roi qu'avait exprimé le roi de se trouver avec lui, et il annonçait amicalement qu'il y satisferait dès qu'il aurait dépêché tout ce qui concernait les affaires dépendantes de la paix conclue[140]. La lettre de Charles-Quint à la régente de France, pour se concilier la bonne volonté et l'efficace influence de la mère du roi par les témoignages d'une extrême confiance et d'une vive tendresse, était non moins habile qu'affectueuse. Il lui donnait alors adroitement le titre de mère qu'il lui avait donné autrefois, et qu'elle avait réclamé sans l'obtenir après la bataille de Pavie. Puisque j'ai recouvré dans le roi votre fils un bon frère, disait-il, et que je vous baille la reine ma sœur pour fille, il m'a semblé que je devais reprendre le nom dont autrefois j'avais usé et vous tenir pour bonne mère. Et puisque pour telle vous tiens, je vous prie que vers la reine ma sœur et aussi vers moi en veuillez faire les œuvres[141].

Charles-Quint s'était hâté d'affermir les liens d'une aussi avantageuse amitié en les resserrant par le mariage convenu de François Ier et de la reine Éléonore. Six jours après la conclusion solennelle du traité, dans la chambre même où François Ier en avait entendu la lecture et juré l'observation, entra le vice-roi de Naples, muni de la procuration de la reine de Portugal[142], pour la fiancer avec le roi. Il était houssé et éperonné, prêt à partir pour Tolède afin d'y rendre compte de la mission dont l'avait chargé l'empereur. Il trouva François Ier couché et repris de la fièvre depuis la veille. Ce fut du lit que François Ier accomplit la cérémonie en prononçant les paroles des fiançailles, que le vice-roi de Naples répéta au nom de la reine Éléonore[143]. L'union fut consacrée par ce double engagement, pris d'une manière assez peu usitée, et dès ce moment l'empereur dit que François Ier devait appeler Éléonore sa femme.

Devenu l'ami du frère par la paix conclue, le mari de la sœur par l'union contractée, François Ier demeurait toujours prisonnier. Retenu à l'Alcazar, il restait soumis à une perpétuelle surveillance. De jour et de nuit, des soldats étaient à sa porte, et pendant son sommeil l'on venait jusqu'au bord de son lit vérifier s'il y dormait[144]. La garde qui l'observait sans cesse dans le château le suivait avec une assiduité importune lorsqu'il en sortait ; elle l'accompagnait partout. Depuis la conclusion du traité, sans être plus libre de sa personne, il était moins gêné dans ses mouvements. Il descendait de l'Alcazar dans Madrid, qu'il parcourait en litière ou monté sur sa mule. Il allait entendre la messe aux églises célèbres, faire des visites à des couvents où les religieuses lui offraient des collations et se rangeaient avec curiosité autour de lui. Le peuple se pressait sur son passage, et ceux qui avaient les écrouelles lui demandaient de les toucher de ses mains royales, qui passaient pour avoir le don unique de les guérir[145]. Cette surveillance, qui devait s'exercer à son égard jusqu'à ce qu'il eût donné ses fils comme otages de sa personne, était commandée par la politique, mais elle attestait une défiance dont il s'autorisa encore plus pour se dégager de sa parole, qu'il ne se crut pas tenu d'observer, puisqu'on ne s'y était pas fié. Selon lui, le serment du chevalier obligeait à la délivrance du captif, et la détention prolongée du captif annulait la parole donnée par le chevalier.

L'empereur, malgré les objections alarmantes et les résistances opiniâtres du chancelier Gattinara, qui n'avait pas plus voulu signer que dresser le traité de Madrid, le confirma par sa ratification le 11 février. Il se félicitait de cette paix, si remplie d'avantages pour lui et si favorable à ses futurs desseins. Aussi-écrivait-il à sa tante l'archiduchesse Marguerite, gouvernante des Pays-Bas : Mon honneur et bien particulier y a été bien gardé[146]. Il prétendait cependant qu'il aurait pu en tirer plus grand profit, s'il n'avait pas songé au bien universel de la chrétienté, au soulagement de ses royaumes, à l'entreprise contre le Turc et à l'extirpation de l'hérésie en Allemagne. Il comptait être bientôt en mesure d'exécuter ces divers projets.

Le 13 février, après avoir signé la paix à Tolède, Charles-Quint s'achemina vers Madrid pour voir son prisonnier devenu son beau-frère et gagner entièrement le rival qu'il croyait avoir transformé en ami ; il voulait passer quelques jours avec lui avant de le laisser retourner en France. Instruit de sa venue, François Ier se rendit au-devant de lui. Monté sur sa mule richement enharnachée, portant une cape et une épée à l'espagnole, ayant à sa droite le grand maître de Rhodes Villiers de l'Isle-Adam et à sa gauche le capitaine Alarcon, suivi de trois cents hommes de sa garde, il alla jusque vers le pont de Tolède sur le Mançanarès. Charles-Quint arriva bientôt à cheval, vêtu de velours noir, accompagné des principaux de sa cour, et ayant pour escorte une troupe magnifique de deux cent cinquante hommes d'armes en costume de guerre, et dont l'armure de tête était portée par des pages qui les suivaient à cheval[147].

Les deux monarques ne s'étaient pas vus depuis le jour où le vainqueur inquiet avait visité dans l'Alcazar le prisonnier moribond. Aussitôt qu'ils s'aperçurent, ils s'avancèrent l'un vers l'autre, tenant à la main, François Ier son bonnet, Charles-Quint son chapeau, et ils s'embrassèrent étroitement[148]. A la cordialité de leur longue étreinte, on les eût pris pour deux amis heureux de se retrouver. Dans l'effusion de leur nouvel attachement, ils semblèrent oublier, l'un le triomphe de ses prétentions imposées, l'autre l'amertume de ses humiliantes condescendances. Ils luttèrent de courtoisie à qui des deux céderait le pas à l'autre. François Ier finit par l'emporter dans ce combat de politesse, et il obtint que l'empereur prît cette fois la droite[149]. Ils entrèrent ainsi dans Madrid, au grand contentement du peuple, accouru de tous les côtés pour jouir du spectacle de cette heureuse réconciliation, et dont François Ier, par la renommée de son courage et par les grâces de sa personne, avait gagné l'admiration. Ils se rendirent à l'Alcazar, où ils soupèrent et s'entretinrent longtemps ensemble.

Ils demeurèrent ainsi, durant plusieurs jours, dans la plus parfaite union, se donnant les témoignages réciproques d'une amitié qu'ils disaient sincère et d'une confiance qui paraissait inébranlable. Ils faisaient leurs dévotions dans les mêmes églises et se montraient à côté l'un de l'autre au peuple ravi de leur apparente intimité[150]. François Ier demanda à voir la reine sa fiancée, et il exprima le désir qu'elle le suivît à quelques journées de marche, lorsqu'il se dirigerait vers la frontière de France, afin qu'elle pût le rejoindre aussitôt que, rentré dans son royaume, il aurait rempli les principales conditions du traité. Charles-Quint y consentit sans peine[151] : c'était ce qui lui convenait le mieux en le rassurant le plus. De son côté, mettant à profit les facilités de leur amitié, il hasarda des demandes nouvelles. Il tenait à contenter le duc de Bourbon, que le roi avait en haine comme un rebelle qui l'avait trahi, comme un ennemi qui l'avait vaincu. L'empereur avait exigé que ses possessions lui fussent rendues, que ses complices fussent remis dans leur liberté et dans leurs biens, que sa prétention au comté de Provence fût débattue en justice. Il lui avait réservé le duché de Milan pour le récompenser des services qu'il en avait reçus et pour le dédommager du mariage qu'il avait rompu. Il pria alors le roi d'accorder au duc de Bourbon 20.000 livres de pension jusqu'à ce que le procès touchant la Provence fût vidé, et il renouvela le désir, déjà exprimé dans la négociation et repoussé par le traité, que le Bourbonnais, l'Auvergne, le Forez, et tous les autres pays qui seraient restitués au duc de Bourbon, fussent tenus par lui en souveraineté. C'eût été faire de lui un potentat indépendant et détacher de la couronne le centre de la France, comme devaient en être séparés, par le traité de Madrid, la Flandre, l'Artois, la Bourgogne et toutes les provinces frontières appartenant à l'empereur. François Ier consentit à la pension, mais il refusa nettement la souveraineté[152].

Le 16 février, les deux monarques partirent à cheval de Madrid pour aller voir la reine Éléonore, venue de Tolède à Illescas, l'une des possessions de l'opulent archevêque primat des Espagnes. Ils s'arrêtèrent ce jour-là à Torrejon de Velasco, dont le château appartenait au comté de Puñon Rostro. Ils y établirent leur résidence, et le lendemain ils se rendirent à Illescas, qui n'en était éloigné que de deux lieues. La reine Eléonore attendait dans une galerie[153], avec la reine Germaine de Foix[154] et les dames de sa suite, l'empereur son frère et le roi son fiancé. Après les révérences d'usage, lorsque François Ier s'approcha d'Éléonore, celle-ci tomba à genoux et voulut prendre sa main pour la baiser. Ce n'est pas la main que je vous dois, lui dit le roi en la relevant, c'est la bouche[155]. — Et il l'embrassa. Il embrassa aussi Germaine de Foix et donna aux autres dames sa main à baiser. Prenant ensuite sous le bras la reine sa fiancée tandis que l'empereur conduisait de la même manière la veuve de son aïeul le roi Ferdinand, ils entrèrent dans une salle qui avait été préparée pour la danse. Les deux monarques assistèrent à cette fête pendant deux heures et retournèrent fort avant dans la nuit coucher à Torrejon[156]. Le lendemain, ils revinrent à Illescas dans la même litière, et ils visitèrent de nouveau la future reine de France. Cette fois Éléonore, qui, sans être belle, était jeune et qui avait toute la grâce de la bonté, dansa à l'espagnole devant François Ier avec la marquise de Zenette[157]. — François Ier et Charles-Quint reprirent ensuite le chemin de Torrejon dans la même litière qui les avait portés à Illescas. Après sept jours passés dans la plus grande intimité, le 19 février, ils partirent ensemble de Torrejon à cheval, l'un pour se rendre à Madrid et de là en France, l'autre pour aller se marier à Séville avec l'infante Isabelle de Portugal. Charles-Quint accompagna François Ier jusqu'à un jet d'arc de Torrejon. Arrivés à un chemin qui se bifurquait et où ils devaient se séparer, l'empereur, se rappelant les défiances du chancelier Gattinara et ne pouvant se défendre lui-même de quelque inquiétude sur l'exécution du traité, tira le roi à part et lui dit : Mon frère, vous souvenez-vous des engagements que vous avez pris avec mot ?Sans doute, répondit François Ier, et je puis vous répéter tous les articles du traité que nous avons conclu. — Assurez-moi que vous les exécuterez fidèlement de votre côté comme je vais les exécuter du mien ; celui de nous deux qui manquerait à l'autre serait réputé justement un méchant homme et un lâche. — Je les accomplirai exactement dès que je serai dans mon royaume, répliqua François Ier ; rien ne saurait m'en empêcher. — Dans la longue guerre que nous avons eue ensemble, continua Charles-Quint, je ne vous ai jamais haï ; mais si vous me trompiez, en ce qui touche surtout la reine votre femme et ma sœur, je le prendrais à si grande injure que j'aurais votre personne en haine, et chercherais tous les moyens d'en tirer vengeance et de vous faire le plus de mal que je pourrais. — Je vous jure, dit en finissant François Ier, que je veux maintenir tout ce que j'ai promis[158]. — Après ces mots, ils se saluèrent en se recommandant l'un et l'autre à la garde de Dieu.

 

XIII

Le lendemain, 20 février, François Ier espérait se mettre en route pour la frontière de France. Aux termes du traité, il devait redevenir libre le 10 mars et rentrer dans son royaume ; mais ce départ tant souhaité fut retardé d'un jour, afin que les soldats d'Alarcon reçussent leur paye et pussent le suivre en continuant à le garder[159]. Enfin le 21 François Ier quitta avec joie ce triste château de Madrid, où il avait été enfermé six mois, où la mort s'était montrée à lui de plus près que sur le champ de bataille de Pavie, où aux souffrances de la maladie s'étaient ajoutées toutes les amertumes de la captivité, où il s'était appelé l'esclave de son vainqueur sans obtenir de lui le prix de cette soumission, où, se débattant sous les étreintes de la nécessité, il avait résisté longtemps aux dures conditions imposées à son adversité, et où, après avoir fièrement préféré une prison perpétuelle à une paix honteuse, il avait fini par sacrifier sa parole à sa liberté et promis sous un double serment ce qu'il était décidé à ne pas tenir.

Il partit sous la conduite du vice-roi de Naples[160] et sous l'escorte d'Alarcon. A mesure qu'il approchait de la France, les précautions redoublèrent à son égard. Le vice-roi, à qui l'empereur avait confié le soin d'accompagner son prisonnier jusqu'à la frontière et de l'y échanger avec les otages désignés par le traité, était d'autant plus attentif à sa garde[161] qu'il s'était montré plus favorable à sa délivrance. Il avait été accusé d'une partialité qui le laissait suspect, et il se trouvait chargé d'une responsabilité qui le rendait inquiet. On eût dit, aux arrangements qu'il prit, qu'il craignait une évasion ou un enlèvement. Arrivé à Aranda, sur le Douero, étant encore éloigné de cinquante lieues du royaume de France, il régla, le 26 février, d'accord avec le roi, comment il serait procédé à sa délivrance. Dix jours avant et dix jours après, il ne devait y avoir, à vingt lieues de distance de la frontière, ni réunion d'hommes de guerre, ni assemblée de gens du pays. Douze personnes envoyées par le vice-roi, au nom de l'empereur, visiteraient préalablement la frontière dans toute son étendue et lui rendraient un compte exact de ce qu'ils y auraient vu. Le jour de l'échange, entre Fontarabie et Andaye, au milieu de la Bidassoa, d'où toutes les barques seraient éloignées et de l'embouchure de laquelle, dans le golfe de Biscaye, n'approcheraient plus les navires français et espagnols, aucun gentilhomme de la maison du roi, aucun archer de sa garde, aucun cavalier de son royaume ne pourraient dépasser Saint-Jean-de-Luz[162].

D'Aranda, François Ier et le vice-roi dépêchèrent Chabot de Brion et le commandeur Peñalosa, le premier pour avertir la régente sa mère de venir diligemment à sa rencontre avec les otages, le second pour lui porter la capitulation qui réglait le mode de délivrance du roi son fils. Six jours après, le 4 mars, François Ier atteignit Vittoria, non loin du revers méridional des Pyrénées, dans la plaine de l'Alava. Comme on n'avait encore reçu aucune nouvelle de la régente, le vice-roi n'avança pas davantage[163].

La régente n'avait cependant pas perdu de temps. Le maréchal de Montmorency, le 29 janvier 1526, avait apporté à Lyon le traité de Madrid. Louise de Savoie avait quitté la résidence qu'elle y occupait à Saint-Just depuis un an et demi, et le 1er février elle s'était mise en route pour traverser la France et se rendre à Bayonne. Elle était suivie d'une partie de la cour et accompagnée du docteur Taylor et de Louis de Praet, ambassadeurs de Henri VIII et de Charles-Quint. De la route elle annonça cette paix au royaume, sans en faire connaître les désastreuses conditions[164]. Elle se bornait à montrer les heureux résultats qu'aurait la délivrance du roi, et elle demandait une levée de deniers pour faire face aux engagements contractés envers le roi d'Angleterre[165]. Arrivée à Roanne, elle s'embarqua sur la Loire, grossie par des pluies extraordinaires, et se rendit. non sans lenteur et sans péril, d'abord à Blois, puis à Amboise, où étaient les enfants de France[166]. Dans l'alternative laissée par le traité de Madrid de livrer comme otages ou le Dauphin et douze des principaux personnages du royaume, parmi lesquels le duc de Vendôme, le duc d'Albany, le comte de Saint-Paul, le maréchal de Lautrec, le maréchal de Montmorency, le comte de Guise, le grand sénéchal de Normandie, Chabot de Brion, le seigneur de Laval de Bretagne, bref tous ceux qui avaient survécu au désastre de Pavie et qui étaient capables de défendre le pays, ou bien de remettre les deux fils aînés du roi, elle choisit, d'accord avec son conseil, ce dernier parti. Par un sacrifice qui coûtait à son affection, mais qui pouvait tourner à l'avantage du royaume, elle se décida à donner en otage un de ses petits-fils de plus et à conserver en France ceux qui restaient les derniers soutiens de l'État. Prenant avec elle le Dauphin, âgé de huit ans et demi, et le duc d'Orléans, qui allait atteindre sa septième année, elle ne laissa dans le royaume que le duc d'Angoulême, beaucoup plus jeune que ses frères. Quoique tourmentée par la goutte, elle s'achemina vers Bayonne avec ses petits-fils, réservés à la plus attristante captivité. L'ambassadeur d'Angleterre, qui les vit à Amboise, écrivit au cardinal Wolsey : Tous deux m'embrassèrent, me prirent par la main et me demandèrent des nouvelles de l'altesse du roi et de votre grâce, en me témoignant le désir d'être recommandés au roi et à vous dans mes lettres. En vérité, ce sont deux charmants enfants : le filleul du roi — le duc d'Orléans, qui régna après son père sous le nom de Henri II — est d'un esprit plus vif et plus hardi, à ce qu'il me semble[167]. Ces aimables et pauvres enfants allaient être conduits au-delà des Pyrénées, bientôt séparés de leurs serviteurs, et enfermés dans le château de Pedraza au milieu des montagnes, sous la garde de quelques grossiers soldats de don Juan de Tovar[168], marquis de Verlanga, fils du connétable de Castille.

La régente écrivit au roi son fils et au vice-roi de Naples qu'elle se rendait en toute diligence vers la frontière, mais qu'elle n'y arriverait jamais au terme convenu. En apprenant son approche et ce retard, le vice-roi partit le 7 mars de Vittoria[169], où la reine Éléonore, qu'escortait le connétable de Castille, remplaça bientôt François Ier, qui fut conduit par Lannoy dans la forte place de Saint-Sébastien, à trois lieues de l'embouchure de la Bidassoa. Là fut dressé entre Chabot de Brion, envoyé par là régente, qui fit son entrée dans Bayonne le 15 au soir, et le vice-roi de Naples, une nouvelle convention pour fixer le jour et régler le mode de la délivrance du roi. Ce fut le 17, à sept heures du matin, que dut se faire, avec les plus minutieuses et les plus défiantes précautions, l'échange de François Ier et de ses deux fils sur la rivière qui sépare le royaume de France des terres d'Espagne.

Ce jour-là à l'heure fixée, arrivèrent, aux bords déserts de la Bidassoa, le vice-roi accompagnant François Ier, Lautrec conduisant le Dauphin et le duc d'Orléans. Au milieu de la rivière, entre Fontarabie et Andaye, avait été placé un ponton en forme d'estrade que des ancres retenaient immobile à une égale distance des deux rives, et où il était convenu qu'aborderaient ensemble le roi et ses enfants, pour passer, en même temps, le roi en France, ses enfants en Espagne. Deux barques de semblable dimension, montées par un pareil nombre de rameurs, étaient préparées sur chaque rive. A l'heure marquée, Lannoy entra dans l'une avec François Ier, et Lautrec dans l'autre avec le Dauphin et le duc d'Orléans. Chacun d'eux avait pour escorte dix gentilshommes, armés seulement de leur épée et de leur poignard. Les barques, parties ensemble, s'avancèrent d'un mouvement égal vers le ponton, où elles arrivèrent au même moment. Lannoy, que suivit Alarcon, monta sur l'estrade avec François Ier, pendant que Lautrec y paraissait tenant par la main les enfants de France. Les dix gentilshommes de chaque côté restaient immobiles dans les barques arrêtées[170]. Si Alarcon accompagnait le vice-roi tandis que Lautrec n'était accompagné de personne, c'était en continuation de la même défiance et pour que l'égalité de nombre maintînt l'égalité de force entre François Ier et Lautrec, d'une part, Lannoy et Alarcon de l'autre. Le Dauphin et le duc d'Orléans, s'approchant de leur père, dont ils allaient prendre la place, lui baisèrent la main, et le vice-roi dit alors à François Ier : Sire, maintenant Votre Altesse est libre ; qu'elle accomplisse ce qu'elle a promis !Tout sera fait, répondit François Ier[171]. Il embrassa ses enfants, et, descendant dans la barque qui les avait conduits, il fut ramené au rivage. En abordant la terre de France, il ne put contenir la joie que lui inspiraient le sentiment de la liberté et le retour dans son royaume. Il s'élança sur un cheval et il s'écria : Maintenant je suis roi ! je suis roi encore ![172] Puis il se rendit à Saint-Jean-de-Luz, où les seigneurs de la cour, le chancelier Du Prat et l'ambassadeur d'Angleterre étaient venus à sa rencontre, et il arriva le même jour à Bayonne. En mettant pied à terre, il alla à la grande église de cette ville rendre grâce à Dieu de sa délivrance[173], et combler de joie par sa présence et les vifs témoignages de sa reconnaissante affection la régente sa mère, qui avait gouverné le royaume pendant sa captivité avec un dévouement si actif et une capacité si soutenue. Félicité par l'ambassadeur de Henri VIII de son retour dans ses Etats, il en fit remonter le bienfait jusqu'au roi d'Angleterre, dont il devait avoir bientôt besoin, et il lui dit avec une effusion de gratitude qui n'était pas sans habileté : Monsieur l'ambassadeur, je connais parfaitement les bonnes intentions de mon bon frère d'Angleterre, lequel, après Dieu, je remercie de ma liberté. Il a fait pendant ma captivité un acte qui lui assure une gloire éternelle et qui oblige à tout jamais moi et les miens à lui faire service[174].

 

 

 



[1] Lettre de François Ier à la régente sa mère. — Captivité de François Ier, par M. Aimé Champollion-Figeac, p. 129.

[2] Dépêche du Dr Sampson, ambassadeur de Henri VIII auprès de Charles-Quint, écrite de Madrid ; le 15 mars 1525, au cardinal Wolsey. Ellis, Original Letters, t. I, p. 265.

[3] Dépêche de l'ambassadeur de Mantoue Suardin au marquis de Mantoue, du 15 mars, dans Sanuto, vol. XXXVIII, citée par L. Ranke : Deutsche Geschichte im Zeitalter der Reformation, t. II, p. 329.

[4] Dépêche du Dr Sampson du 15 mars, p. 264. — Se entré en oratorio é retraimiento solo à dar gracias à aquel soberano seiior y Dios dispensador de todo, por la victoria avida, y estuvo bien media hors retraido alabando à Dios. Fol. 2 de la Relacion de lo sucedido en la prison de Francisco I, por et capitan Gonzalo Hernandez de Oviedo y Valdez, Ms. in-4° de 165 feuillets conservé à la Bibliothèque nationale à Madrid, sous l'indication X 227, et extrait par M. Gachard, dans l'appendice de la Captivité de François Ier, etc., in-8°, Bruxelles, 1860.

[5] Dépêche de sir John Russell à Henri VIII, du 11 mars 1525. — Cott. ms., Vitellius, B. VII, art. 29, f. 77.

[6] Dépêche de Tunstall, évêque de Londres, de Wingfeld, chancelier de Lancastre, et de Sampson, ambassadeur d'Angleterre, au cardinal Wolsey, de Tolède, le 2 juin 1525. — Cott. mss.. Vespasien, C. III, f. 55.

[7] Cott. mss., Vespasien, C. III, f. 55.

[8] Si petite fust-elle, disait la mère de François Ier à ses ambassadeurs, monseigneur et fils n'y voudroit aucunement entendre, tant pour la conservation de son serment que pour ne des-plaire à ses sujets et pour éviter les inconvénients à venir. Lettre du 16 février 1525. — Archives nationales, sect. hist., J. 965, liasse 4, n° 13.

[9] Lettre du Président Brinon, chancelier d'Alençon, et de Jean-Joachim Passano, seigneur de Vaulx, à la régente, écrite de Londres, le 5 mars 1525. — Archives nationales, sect. hist., J. 965, liasse 3, n° 8.

[10] Instructions, datées du 26 mars, à Tunstall, évêque de Londres, et à Rich. Wingfeld, chancelier du duché de Lancastre, envoyés auprès de l'empereur après la bataille de Pavie. — State Papers, t. VI, p. 412 à 436.

[11] Plusieurs sollicitoient suyvir la victoire et destruire le roy de France de telle sorte qu'il ne faisit guerre de sa vie. Archives des affaires étrangères de France, correspondance d'Espagne, vol. V, f. 273. — Charles-Quint, dans une lettre à Ferdinand, citée par M. Gachard, p. 12 de sa Captivité de François Ier, dit que plusieurs de ses ministres étaient pour la continuation de la guerre et une invasion.

[12] Mémoire du chancelier Mercurino de Gattinara, dans Geschichte der Regierung Ferdinand des Ersten, par F. B. von Bucholtz, t. p. 287 et sqq.

[13] Instructions du 28 mars, envoyées de Madrid par Charles-Quint au duc de Bourbon, son lieutenant général en Italie, au comte d'Autremont, son vice-roi de Naples, et au seigneur du Rœulx, son second chambellan et gouverneur d'Arthois, pour traiter de la paix avec François Ier et régler les conditions de sa délivrance. Captivité de François Ier, p. 149-159.

[14] Lettre de Charles-Quint à Ferdinand, du 25 mars 1525. — Bucholtz, t. II, p. 27.

[15] Lettres patentes de la régente, du 10 septembre, pour imposer 2.661.000 livres. — Captivité de François Ier, p. 313.

[16] Captivité de François Ier, p. 165.

[17] Registres du Parlement, t. LVIII. — Journal d'un bourgeois de Paris, p. 232-233. — Captivité de François Ier, p. 137 à 141.

[18] Extrait de ce qui a esté advisé â l'Ostel de Ville de Paris, etc. Bibliothèque de l'École des Chartes, 1re série, t. V, p. 548.

[19] Captivité de François Ier, p. 138-139.

[20] Extrait de ce qui a esté advisé et conclud ès assemblées tenues en l'Ostel de Ville de Paris. Bibliothèque de l'École des Chartes, t. V, p, 550, 551.

[21] Lettres patentes de la régente, etc., dans Captivité de François Ier, p. 313 â 317. — Lettre du chancelier Du Prat au roi, du 13 octobre, ibid., p. 378.

[22] Correspondenz des Kaisers Karl V, par Lanz, t. I, p. 195. Négociations du Levant, publiées par M. Charrière, t. I, p. 114 et 117. — Mémoire de Hammer sur Les premières relations diplomatiques entre la France et la Porte, dans la Revue asiatique de 1827, t. X, p. 19.

[23] Dans sa lettre, la régente l'appelait son bon fils comme elle l'avait fait autrefois. Elle louait Dieu de ce que François Ier était tombé au pouvoir du prince aux mains duquel elle l'aimait le mieux. Elle espérait que sa grandeur ne lui ferait pas oublier la proximité du sang et de la parenté qui existait entre eux, et encore moins le bien qui reviendrait à toute la chrétienté de leur union et de leur amitié. Elle finissait sa lettre en disant : Vous obligerez une mère, à laquelle vous avez toujours donné ce nom et qui avec prière a recours à votre affection. Archives des affaires étrangères (Espagne), vol. V, f. 272. — En lui répondant le 25 mars par Beaurain, Charles-Quint ne lui donna point le titre de mère ; il l'appela avec une dignité froide madame, et lui dit que, si elle voulait la paix et désirait voir bientôt le roi son fils, elle en trouverait le vrai moyen dans le contenu de l'écrit que portait le seigneur de Rœulx (Beaurain). Papiers Granvelle, t. I, p. 263.

[24] C'est ce qu'a écrit Beaurain à l'empereur par un de ses secrétaires qu'il a envoyé en poste de Lyon en Espagne. Dépêche Sampson à Wolsey, écrite de Tolède, du 2 mai 1525. State Papers, t. VI, p. 437.

[25] ... El rey està en Piciguiton, atiende à jugar al palon y à otros juegos de exercicio con que pasa el tiempo lo mejor que puede. Lettre manuscrite de l'abbé de Najera à Charles-Quint, du 30 mars 1525.

[26] Voir p. 1 à 12, 26 à 44 du volume des Poésies du roi François Ier, recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac ; in-4°, Paris, Imprimerie royale, 1847.

[27] Lettre latine du nonce, écrite de Milan, le 29 mars, et insérée dans le t. VI des State Papers, p. 409-411.

[28] Captivité, f. 130, 131.

[29] Lettre du duc de Bourbon et du vice-roi de Naples Lannoy à l'empereur, du 26 avril 1525. — Archives impériales et royales de Vienne.

[30] Aux Archives des affaires étrangères de France, correspondance d'Espagne, 1525-1529, f. 285 r°.

[31] Lettre de François Ier à ses sujets. L'original dans Béthune, ms. vol. 8505, f. 1 ; imprimée dans Captivité, etc., f. 159, 160.

[32] Captivité de François Ier, p. 170-173, et State Papers, t. VI, p. 446-448.

[33] D'après la lettre des ambassadeurs anglais du 16 juin, elles furent écrites par Moncada en castillan, en présence de Lannoy, sur les offres de François Ier. Ms. cott. Vespasien. C. III, p. 185 ; note 2 de la p. 445 du vol. VI des State Papers.

[34] Le roy de France... desire fort la pes et que ce soit de sorte que peut demorai votre à james. Lettre de Lannoy à l'empereur, le 27 avril. — Archives impériales et royales de Vienne.

[35] ... Pour estre telles, les aucunes d'icelles quelles ne se pou-voient bonnement accorder, consentir ni permettre. Instructions de Pierre de Warty, envoyées à Marguerite d'Autriche. Négociations entre la France et l'Autriche, publiées par Le Glay, t. II, p. 607.

[36] Elles furent soumises à un conseil dont faisaient partie le chancelier Gattinara, le comte de Nassau, le grand-maître, le secrétaire Jean Allemand, et communiquées aux ambassadeurs d'Angleterre. — State Papers, t. VI, p. 445, note 2.

[37] State Papers, t. VI, p. 438-444, 445.

[38] Vu la grande dette qui monte bien à six cens mil escus qu'est de aux gens de guerre tant de pied que de cheval. Lannoy à la gouvernante des Pays-Bas. — Négociations entre la France et l'Autriche.

[39] Les choses à quoi prétendons sont que le pape et les Florentins payent 150.000 ducats pour leur part de la ligue, que les Vénitiens en payent 130.000 pour n'avoir pas joint leur armée. On travaille à tirer quelque chose de Sienne et de Lucques, le duc de Ferrare prête 50.000 écus. — Négociations entre la France et l'Autriche.

[40] Lettre de Charles-Quint à l'archiduc Ferdinand son frère, du 25 juin — Bucholtz, t. II, p. 294 et sqq.

[41] State Papers, t. VI, p. 444, 445.

[42] Lettre de sir R. Wingfeld, du 3 juin. State Papers, t. VI, p. 442-443, note 1 de la p. 443.

[43] History of the reign of the Henry the Eighth, par Sharon Turner, t. I, p. 456.

[44] Ms. cott. Vespas., C. III, f. 62.

[45] Lettre de Charles V au duc de Bourbon et au vice-roi de Naples, du 27 mars 1525, dans les mss. hist. du comte de Wynants, citée par M. Gachard, p. 14 et 20.

[46] Lettre de La Barre, bailli de Paris, à la régente. — Captivité de François Ier, p. 183.

[47] Lettre de sir John Russell, du 16 mai 1525. — Ms. cott. Vitell., B. VIII, p. 194.

[48] Cette lettre est dans Captivité de François Ier, p. 180.

[49] Lettre du 8 juin 1525 du vice-roi de Naples à Henri VIII. — Mss. cott. Vitell., B. VII, p. 146. — Captivité, p. 210.

[50] Captivité de François Ier, p. 212.

[51] Lettre de Lannoy à l'empereur, du 10 juin 1525. — Lanz, t. Ier, p. 164.

[52] Lettre de Lannoy à l'empereur, du 17 juin, dans les Négociations entre la France et l'Autriche, t. II, p. 605.

[53] Comentarios de los hechos del señor Alarcon, etc., por don Antonio Suarez de Alarcon, in-fol., Madrid, 1665, p. lib. 10, fol. 300, col. 1.

[54] Lettre du 21 juin 1523 d'Andrea Navagero, ambassadeur de Venise auprès de Charles-Quint. — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, da Emm. Ant. Cicogna dans delle Inserizioni Veniziane, fascicolo 22 ; g. in-4°, p. 177, col. 1 et note 50 de la page 238.

[55] Lettre de Charles de Bourbon à l'empereur, du 12 juin 1525. — Archives impériales et royales de Vienne.

[56] Pescara le dit lui-même à l'empereur dans la lettre qu'il écrivit le 30 juillet. — Archives impériales et royales de Vienne.

[57] Lettre de Charles-Quint à Lannoy, dans les manuscrits historiques du comte de Wynants, citée par M. Gachard.

[58] Négociation du seigneur de Montmorency, dans Captivité de François Ier, p. 238 et 241. — Lettre du 31 juillet 1525, de Charles-Quint à l'archiduc Ferdinand, dans Lanz, t. I, p. 166.

[59] Escrivio luego su magestad al señor Alarcon, ordenandose prosiguiesse el viage encaminandose à Madrid. Comentarios de las hechos del señor Alarcon, v° 301, col. 2.

[60] Sur le voyage du roi, voir Comentarios de los hechos del señor Alarcon, f. 302 et 303 ; — lettre du bailli La Barre à la duchesse d'Alençon, et de Bryon à Mme d'Angoulême, dans Captivité de François Ier, p. 262, 263 ; — Sandoval, t. I, liv. XXIII, § 10.

[61] Le dessin d'un fragment de cette belle tapisserie a été imprimé, d'après une copie du temps, dans Captivité de François Ier, pl. VIII, p. 507.

[62] Les instructions sont du 28 avril et du 6 juin, dans Captivité de François Ier, p. 174, 198 et 209.

[63] Ce discours est dans Captivité de François Ier.

[64] Lettre écrite de Tolède le 19 juillet 1525 à la duchesse d'Angoulême, par l'archevêque d'Embrun et le premier président de Selve. — Captivité de François Ier, p. 255.

[65] Procès-verbaux des conférences de Tolède, dans Captivité de François Ier, p. 264 et suivantes.

[66] Lettre de François Ier à l'archevêque d'Embrun, du 5 août dans Captivité de François Ier, p. 294.

[67] Protestation du 16 août dans Captivité de François Ier, p. 302.

[68] Captivité de François Ier, p. 302, 303. C'est ce qu'il avait annoncé en Italie au vice-roi de Naples, au marquis de Pescara, à Ant. de Leiva, à Alarcon et à l'abbé de Najera, p. 303.

[69] Lettres du président Brinon et de J.-Joach. Passano à la régente, des 29 et 31 juillet, 18 août, 3 septembre, 30 octobre, dans les Archives nationales, sect. hist., f. 965, liasse 3, n° 1, 2, 3, 4, 6.

[70] Le traité est du 30 août 1525, la ratification de la régente du 25 septembre, celle de François Ier du 27 décembre, dans Turner, t. I, p. 463 ; dans Rymer, p. 113.

[71] Lettre de Brinon et de J.-J. Passano, du 29 juillet. — Ibid., n° 4.

[72] Le 26 octobre, les ambassadeurs de la régente eurent une entrevue avec Henri VIII, qui leur dit qu'il avoyt toujours veu les Françoys vrays et loyaulx à leur prince, et que depuis ceste dernière victoire l'expérience en a esté faicte plus grande que jamais, car le roy prins, un des plus grands princes de France son ennemy, tous les princes chrétiens animés contre le royaulme, il ne s'est trouvé prince, seigneur ne homme de nom en France qui ait branlé, chose singulière et admirable par tout le monde. Lettre du 30 octobre 1525, ibid., n° 6.

[73] Lettre de l'évêque de Bath, ambassadeur d'Angleterre auprès du Saint-Siège, écrite le 6 avril 1525 de Rome au cardinal Wolsey. — Ellis, Original Letters, 2e série, t. I, p. 318 à 321.

[74] Lettre de l'évêque de Bath à Wolsey, du 19 mars 1525, dans Ellis, Original Letters, 2e série, t. I, p. 305, 306.

[75] Délibération du sénat, du 11 mars. — Della Vita e delle opere de Andrea Navogero, app. docum. M. p. 345.

[76] Lettre du dataire Giov.-Matheo Giberto à Ennio Philonardo, évêque de Veruli, nonce du pape auprès des cantons helvétiques, du 1er juillet 1525. — Lettere di principi, t. I, f. 164 v°.

[77] Lettre du dataire Giberto au comte Ludovico Canossa, ambassadeur du roi très-chrétien à Venise, du 9 juillet 1525. — Lettere di principi, t. I, f. 168 v° et 149 r°. — ... Et facendo questo, disait le dataire, l'Italia si congiungerà di liga et amicitia perpetua col regno di Francia. Ibid., f. 168 v°.

[78] Lettre de Pescara à Charles-Quint, du 30 juillet. — Archives impériales et royales de Vienne. — Esame di Girolamo Morone in prigione del marchese di Pescara, nel castello di Pavia a' 25 ottobre 1525. — Ricordi inediti di Girolamo Morone ; publicati dal C. Tullio Dandolo ; Milano, 1855, in-8°, p. 148 à 179.

[79] Lettre de Giberto à messer Hieronimo Ghinucci, du 10 juillet. — Lettere di principi, t. I, f. 169 v°.

[80] Lettre de Giberto à l'évêque de Veruli, du 1er juillet. — Lettere di principi, t. I, f. 165 r°.

[81] Gio.-Mattheo Giberto datario à monsignor di Baiusa, ambasciator di Francia à Venetia. — Lettere di principi, t. I, f. 168 v°.

[82] Lettre de Giberto à Ghinucci. — Lettere di principi, t. I, f. 169 v°.

[83] Lettre de Pescara à l'empereur, du 30 juillet 1525. — Archiver impériales et royales de Vienne, et confession écrite de Gir. Morone, dans les Ricordi, etc., p. 148-179.

[84] Lettre du marquis de Pescara à l'empereur, du 30 juillet. — Archives impériales et royales de Vienne.

[85] Pescara redit les mêmes choses à Charles-Quint, insiste sur les mêmes dangers, recommande les plus grandes précautions et renouvelle principalement le conseil de s'entendre au plus tôt avec le roi de France en n'exigeant pas de lui la cession de la Bourgogne, dans les lettres du 12 et du 20 août et dans celle du 8 septembre. Arch. imp. et roy. de Vienne.

[86] Lettre de l'empereur à François Ier, dans Captivité, etc., p. 322.

[87] Della vita e delle opere di Andrea Navagero, par Cicogna, p. 179.

[88] Captivité de François Ier, p. 133 et 135.

[89] Relacion de lo sucedido en la prison de Francisco I, por Hernandez de Oviedo, f. 15 v°. — Dans Gachard, Appendice, p. 87. — Comentarios de los hechos del señor Alarcon, p. 306. — Sandoval, t. I, liv. XIII, § 16.

[90] In questo mezzo peggiorando il re, Cesare voile visitarlo in persona a Madrid. Accostatosi al letto il re si sforzô di sollevarsi il meglio che potè, ed abbraciato Cesare, gli disse in francese queste formali parole : Imperator mio signor, ecco qui un tuo servitore e schiavo. Cesare rispose che cosi non era, ma suo bueno amico e fratello, che tale sperava gli sarebbe, che attendesse pure a star allegro, e non pigliasse altro pensiero che di risanare, perchè alla venuta di madama d'Alanson siguirebbe tra loro buena pace, perch' egli non voleva se non il dovere, e pensava che anche dal re non sarebbe mancato di fare il dôvere, e perciô sarebbe presto in libertà. — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 179. Ce récit de la visite de Charles-Quint est conforme à la relation inédite qu'en fait Gonzalo Hernandez de Oviedo, qui l'avait appris le soir du retour de Charles-Quint à Tolède, de la bouche même du duc Ferdinand de Calabre. — Cette relation, qu'extrait et cite M. Gachard dans son Appendice, p. 87, est conservée à la bibliothèque de Madrid ; elle s'accorde avec ce qu'en dit Sandoval (liv. XIII, § 16). Elle diffère un peu de la version de François Ier, qui fait dire à Charles-Quint : Mon frère, ne vous souciez d'autre chose que de guarison et santé, car, quand vous voudriez demeurer prisonnier, je ne le voudrois pas, et vous promets que vous serez délivré à votre grand honneur et contentement, et, après que madame la duchesse sera venue à Tolède, nous ferons chose pour votre délivrance dont vous serez joyeux et content. Captivité de François Ier, p. 471. — Il y a un peu d'exagération des deux côtés sans aucun doute. Il n'est pas vraisemblable que Charles-Quint dans ce moment ait insisté sur ce qui lui était dû, puisque, selon lui, ce qui lui était dû, était la Bourgogne, que François Ier ne voulait pas lui céder. Il n'est pas vraisemblable non plus qu'il Soit allé jusqu'à lui dire que, quand il voudrait demeurer prisonnier, lui ne le voudrait pas.

[91] Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 179.

[92] Lettres de Marguerite d'Angoulême, sœur de François Ier, publiées par M. Génin, Paris, 1841, in-8°, p. 182.

[93] Lettre de Marguerite au maréchal de Montmorency, p. 187.

[94] Lettre du cardinal Salviati, écrite d'Alcala le 22 septembre, et continuée à Tolède le 3 octobre. — Imprimée dans Molini, Documenti storici, t. I, p. 191 et suivantes.

[95] Relacion de lo sucedido, etc., f. 45. — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 120. — Sandoval, t. I, lib. XIII, § 16.

[96] Lettre du président de Selve, du for octobre, au Parlement de Paris. — Captivité de François Ier, p. 332.

[97] Stette alti XXIII del passato in fine di morte, senza parlare moite hore et senza virtù alcuna et desperato et tenuto morto da tutti, mismo en la mattina de main, nella quale commencio a rihaversi et purgar la materia che li andava a la testa per il naso. Lettre du cardinal Salviati, dans Molini, Docum. stor., t. I, p. 191 et suivantes. — Navagero le dit également dans ses dépêches : Avendo scoperto i medici ch' egli era oppresso da un' appostema nella testa, si che ad ogni momento parea dovesse morire. Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 180, col. 2.

[98] Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 180, col. 2.

[99] Captivité de François Ier, p. 334.

[100] Relation manuscrite de Gonzalo Hernandez de Oviedo, citée par M. Gachard.

[101] Lettre de Marguerite à François Ier, dans Captivité, etc., p. 342. Elle engageait le roi à paraître plus faible qu'il n'était : Vous supplyant, monseigneur, fere devant le sieur Larcon contenance foible et ennuyée, car vostre debilité me fortifiera et advancera ma depesche.

[102] Captivité de François Ier, p. 360. — Lettre de l'empereur à L. de Praet, dans Lanz, t. I, p. 188.

[103] Lettre de Charles-Quint, dans laquelle il rend compte de la négociation de la duchesse d'Alençon. Archives des affaires étrangères de France, Espagne, t. V, f. 204-205.

[104] C'est plus tost moquerie que aultre chose. Archives, etc.

[105] Captivité de François Ier, p. 363-366.

[106] Captivité de François Ier, p. 366-368.

[107] Cette lettre est en original dans le vol. VI de la correspondance d'Espagne aux archives des affaires étrangères de France, Documents relatifs aux traités de Madrid et de Cambrai, — et en copie dans le vol. V, f. 301.

[108] L'empereur sortit lui-même ce jour-là de Tolède et alla chasser du côté d'Aranjuez jusqu'au 21 octobre.

[109] Louis de Bruges, sieur de Praet, avait été en même temps accrédité par l'empereur auprès de la régente.

[110] Lettre de Nicolas Perrenot, écrite le 13 novembre à l'archiduchesse Marguerite ; dans les Négociations entre la France et l'Autriche, t. II, p. 642. — Lettre de Charles-Quint à L. de Praet, son ambassadeur en France, du 20 novembre ; dans Lanz, t. I, p. 188.

[111] Lettres patentes du roi François Ier pour faire couronner en France son fils le dauphin François. — Captivité, etc., f. 418-424, d'après l'original en parchemin.

[112] Archives des affaires étrangères, Correspondance d'Espagne, vol. V, f. 301.

[113] Lettre du marquis de Pescara à l'empereur, des 20 août et 8 septembre. Arch. imp. et roy. de Vienne.

[114] Della Vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 183.

[115] Lettre de Louis de Praet à l'empereur, du 14 novembre ; dans Lanz, t. I, p. 182.

[116] Lettre de l'ambassadeur anglais, évêque de Bath, dans Turner, t. I, p. 461. — Lettre du secrétaire d'Etat Jean Lallemand à L. de Praet, dans Négociations entre la France et l'Autriche, t. p. 649. — State Papers, t. VI, p. 511.

[117] Relacion de lo sucedido en la prison de Francisco I, por Gonzalo Hernandez de Oviedo, f. 32. — Extrait dans l'appendice à la Captivité de François Ier, par M. Gachard, p. 90.

[118] Lettre de Nicolas Perrenot à l'archiduchesse Marguerite, écrite le 18 novembre de Tolède. — Dans Négociations entre la France et l'Autriche, t. II, p. 644.

[119] Sandoval, t. I, liv. XIII, § 18. — Ferreras, t. XI, p. 51.

[120] No se podia persuadir que un principe como el rey de Francia quisiesse intentar cosa tan fea. — Sandoval, t. I, liv. XIII, § 18.

[121] Sandoval et lettre de Perrenot à l'archiduchesse Marguerite, du 18 novembre. — Négociations diplomatiques entre la France et l'Autriche, t. II, p. 644, 645.

[122] Dernières instructions de la régente â ses ambassadeurs, de la fin de novembre. — Captivité de François Ier, p. 413, 414.

[123] Sandoval, t. I, liv. XIII, § 14.

[124] Instructions dernières du roi à ses ambassadeurs de France, décembre. — Captivité de François Ier, p. 426-430.

[125] Lettre du nonce B. Castiglione, écrite de Tolède, le 9 décembre, à l'archevêque de Capoue, N. Schomberg. — Lettere del conte Baldessar Castiglione, Padova, 1789, in-4°, t. II, p. 8.

[126] Le chancelier Gattinara voulait que le mariage de la reine Éléonore se fit avec le duc de Bourbon. Il y insistait, even so far as to incur the displeasure of the emperor by sayng that he had trained the duke out of France only upon hope of that marriage ; and that now breaking it off would be to dishonour of the emperor. Dépêche du docteur Lee à Henri VIII, du 26 janvier, à Tolède. — State Papers, t. VI, p. 521 et 522, note 2.

[127] Sandoval, lib. XIII, § 19. — Lettre du 19 mars 1558, de Charles-Quint à Luis Quijada, dans Retraite et mort de Charles-Quint au monastère de Yuste, par M. Gachard, t. II, p. 534.

[128] Sandoval, liv. XIII, § 19.

[129] Et pourceque l'affaire de Masconnois, Auxerrois et Bar-sur-Seine est condicionné en dot. Déclaration de l'empereur du 26 décembre, l'original signé de sa main aux archives des affaires étrangères, Espagne, vol. V, f. 335 et suivants.

[130] Sandoval, liv. XIV, § 2. — Lettre de Lannoy à l'empereur, du 7 avril 1526, dans les Négociations entre la France et l'Autriche, où il exprime plus tard ses regrets de l'avis qu'il a eu alors ; t. II, p. 658.

[131] Sandoval, liv. XIV, § 2. — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 183.

[132] El chanciller dixo resueltamente que o le soltasse libremente, o le tuviesse simple preso y seguro. Sandoval, liv. XIV, § 2.

[133] Il avait reçu les informations les plus complètes sur la conspiration italienne, et déjà vers la fin d'août Charles-Quint parlant à l'ambassadeur vénitien Navagero du dataire Giberto, qui en était l'âme, disait avec emportement que Giammateo Giberto était villaco e traditore ; p. 179, della Vita e delle opere di Andrea Navagero. Navagero s'étonne de cet emportement : Sendo cesare tanto moderato in ogni sua azione e massime nel parlare. Dépêche du 23 août, ibid., p. 246, note 75.

[134] La régente lui a dit que le marquis de Pescaire était malade à mort, aussi que merveilleuses choses se demeneroient en Italie, si elle y vouloit prester l'oreille, ce que non, sur espoir de bon traitement que ferez au roy son filz. Lettre de L. de Praet à l'empereur, du 14 novembre, dans Lanz, t. I. p. 187.

[135] Dans Dumont, Corps diplomatique, t. IV, Ire partie, p. 400 et suivantes.

[136] Sa protestation du 13 janvier, dans Captivité de François Ier, p. 467-476.

[137] Procès-verbal dressé par le secrétaire Lallemand, le 14 janvier. Il est en copie aux archives du royaume de Belgique, Collection de documents historiques, t. III, f. 172, et cité par M. Gachard.

[138] Collection, etc. — Sandoval en parle aussi, t. I, liv. XIV, § 4.

[139] Lettre de Charles-Quint, dans Lanz, t. I, p. 190.

[140] Captivité de François Ier, p. 483.

[141] Lettre de Charles-Quint à Louise de Savoie. — Négociations entre la France et l'Autriche, t. II, p. 653.

[142] Dumont, Corps diplomatique, t. IV, Ire partie, p. 410.

[143] Captivité de François Ier, p. 506. — Sandoval, liv. XIV, § 5.

[144] A esté contraint messire Jean de La Barre, chevalier, prevost de Paris, tant devant la maladie du roy, durant icelle et après, laisser entrer de nuict les gardes et gens du guet dedans la chambre du roy, à l'heure qu'il dormoit, pour voir s'il y estoit. Captivité de François Ier, p. 507.

[145] Lettre de La Barre, du 1er février, à la duchesse d'Alençon. Captivité de François Ier, p. 487.

[146] Lettre de Charles-Quint à l'archiduchesse Marguerite, du 9 février 1526. — Dans Lanz, t. I, p. 191.

[147]... El martes trece del dicho mes de febrero, havia llegado à Madrid el emperador, é salio el rey de Francia é lo recivir, é fue desta manera iba el rey, con una capa de paiio frisado é una espada é la espaiiola, en una mula bien guarnecida é é su mano derecha el gran maestre de Rodas, é é la sinistra et seiior Alarcon que tenia en guarda al dicho rey, é muchos caballeros con ellos... E como supo que el emperador pasava ya la puente que llaman toledana, que esté sobre el rio.... procedio per el camino. E an en torno todos los campos llenos de gente, ansi por ser la paz deseada, como por ver é notar como se havrian estos principes en sus cortesias é cuanilo juntos fuesen. Ivan de los continuos del emperador, de la capitania de don Alvaro de Lima é de otros hombres d'armas, hasta docientos é cincuenta muy bien aderezados é arma-dos, sin armaduras de caveza, las quales Ilevaban detràs de ellos sus pages de la lanza à cavallo, é ivan per los costados de filera del camino, trecientos infantes de la guarda que el dicho seaor Alarcon tenia ordinaria al rey di Francia ; é poco adelante de una cruz estaliada que esta en aquel camino, se encontraron el emparador é el rey. El emperador venia en cuerpo en una hacanea con un sayo de terciopelo negro, é una espada en la tinta. Relacion de lo sucedido en la prision de Francisco I, por el capitan Gonzalo Hernandez de Oviedo y Valdez, f. 40 v°. — Cité par G. Gachard dans l'appendice de la Captivité de François Ier, p. 91, 92, et Sandoval, t. I, liv. XIV, § 5.

[148] E en viéndose, se quitaron à la par el rey el bonete, é el emperador un chapeo, é se embrazaron muy estrechamente é gran rato é con mucho placer. Hernandez de Oviedo, ibid., et Sandoval, ibid.

[149] E luego comenzaron à portlar sobre cual iria n la mano dereeha : en fin el emperador, vencido de cortesia. tomd al rey à su mano siniestra ; é ansi fueron hasta el Alcazar, donde se apearon, é comieron é cenaron juntos en un banquete sufticiente... é tan grandes principes. Hernandez de Oviedo, ibid., Sandoval, ibid.

[150] Sandoval, t. I, liv. XIV, § 5.

[151] Lettre de Lannoy à l'archiduchesse Marguerite, du 14 février. — Négociations entre la France et l'Autriche, t. II, p. 653.

[152] Procès-verbal du traitement fait à François Ier, dans Captivité, p. 507-508.

[153] É las reynas estavan en pié en un corredor esperandolos à la puerta de la escalera. Relacion de lo sucedido, etc., por Hernandez de Oviedo, f. 49.

[154] Veuve du vieux roi Ferdinand le Catholique ; elle venait de perdre son second mari, le margrave de Brandebourg, et devait bientôt en épouser un troisième, le duc de Calabre, fils du roi Frédéric de Sicile.

[155] Relacion de lo sucedido, etc.

[156] Hernandez de Oviedo, ibid. — Sandoval, liv. XIV, § 5. — Relation de ce qui se passa à Madrid depuis la signature du traité, dans Captivité de François Ier, p. 503 et aussi p. 509.

[157] Femme du comte de Naseau, marquis de Zenette et grand chambellan de l'empereur.

[158] Sandoval, liv. XIV, § 7.

[159] Procès-verbal du traitement fait à François Ier en Espagne, dans Captivité de François Ier, p. 509.

[160] L'empereur m'a commandé de mener le roi, prendre M. le Dauphin et M. d'Orléans, ou le Dauphin et les douze autres prisonniers qui se doivent bailler pour la sûreté du traité de paix, et bailler lesdits seigneurs au connétable, lequel a charge de les garder. Lettre de Lannoy, du 15 février 1526, à l'archiduchesse Marguerite. — Négociations entre la France et l'Autriche, t. II, p. 653.

[161] Procès-verbal du traitement fait à François Ier depuis la signature du traité de Madrid jusqu'à son arrivée en France, dans Captivité, etc., p. 509.

[162] Cérémonial réglé pour la délivrance du seigneur roy. Captivité de François Ier, p. 510, 511.

[163] Lettre de Lannoy à l'archiduchesse Marguerite, gouvernante des Pays-Bas, écrite le 29 mars de Vittoria. — Archives des affaires étrangères de France, Espagne, vol. V, f. 250-252.

[164] Extrait des registres du Parlement, dans Captivité de François Ier, p. 497 et suivantes.

[165] Lettres patentes de la duchesse d'Angoulême pour lever une aide extraordinaire. Captivité de François Ier, p. 490-496.

[166] Lettre du docteur Taylor au cardinal Wolsey. Ms. Calig. D. 9, p. 153 ; et dans Sharon Turner, t. II, p. 3, notes 8 et 9.

[167] And alter dinner I was brought to see the Dauphin, and his brother Harry ; both did embrace me, and took me by the hand, and asked me of the welfare of the king's highness, and your grace, and desired that in my writing I should truly commend them to the king and your grace, Verely they be too goodly children. The king's godson is the quicker spirit and the bolder, as seemeth by his behaviour. Lettre du docteur Taylor au cardinal Wolsey. Ms. Calig. D. 9, p. 153 ; et dans Sharon Turner, t. II, p. 4, note 10.

[168] Rapport de Bordin, huissier de la régente, envoyé pour visiter les princes après la paix de Cambrai, en 1529. — Archives de Simancas, série B, liasse 2, n° 40.

[169] Lettre de Lannoy à l'archiduchesse Marguerite d'Autriche, du 29 mars 1526. — Archives des affaires étrangères, Espagne, vol. V, f. 250-252.

[170] Sandoval, t. I, liv. XIV, § 13, et Comentarios de los hechos del señor Alarcon, p. 311.

[171] Sandoval, t. I, liv. XIV, etc.

[172] Comentarios de los hechos del señor Alarcon, p. 311. — Sandoval, t. I, liv. XIV, § 13.

[173] Lettre de Jean de Selve au Parlement, dans Captivité, p. 518.

[174] Taylor à Wolsey, 19 mars 1525. Dans Ellis, Original lettes, 2e série, t. I, p. 333.