RIVALITÉ DE FRANÇOIS Ier ET DE CHARLES-QUINT

TOME PREMIER

 

CHAPITRE VI. — NOUVELLE EXPÉDITION EN ITALIE. — ÉLECTION DU PAPE CLÉMENT VII. — ÉVACUATION FORCÉE DU MILANAIS. — INVASION DE LA PROVENCE. — SIÈGE DE MARSEILLE.

 

 

I

François Ier malgré l'invasion dont était menacé son propre royaume, avait donné suite à l'expédition d'Italie. Retenu à Lyon par la nécessité de pourvoir à la sûreté de sa couronne contre la conspiration découverte du connétable de Bourbon, et à la défense de son pays contre l'agression combinée des Anglais, des Flamands, des Allemands et des Espagnols, il ne rappela néanmoins aucune des troupes qui avaient passé les Alpes. Il les laissa toutes sous le commandement de l'amiral Bonnivet, qui, de concert avec le maréchal Anne de Montmorency, fut chargé de reprendre le duché de Milan. Dans sa passion ambitieuse, François Ier semblait tenir encore plus à s'emparer de la Lombardie qu'à préserver la France.

L'armée envoyée à cette conquête était très-forte pour le temps : elle se composait d'environ quinze cents hommes d'armes et de vingt-cinq mille hommes de pied tirés des cantons suisses, du duché de Lorraine, du duché de Gueldre, des provinces les plus belliqueuses de la France, et de quelques petits États d'Italie[1]. Les chefs des divers corps étaient célèbres par leur expérience comme par leur bravoure. Parmi eux se trouvaient Bayard, devenu un homme de guerre consommé ; l'intrépide Jean de Chabannes, seigneur de Vandenesse, frère du maréchal de La Palice, qui était le digne compagnon de Bayard et partageait son héroïsme ; le capitaine de Lorges, un des meilleurs conducteurs de bandes : le comte de Saint-Paul, frère cadet du duc de Bourbon-Vendôme ; le Suisse Jean de Diesbach ; les Italiens Federico da Bozzolo, de la maison de Gonzague, et Renzo da Ceri, de la maison des Orsini. Commandée par un habile général, cette armée mirait pu remporter en peu de temps des avantages décisifs ; mais la faveur de François Ier avait mis à sa tète l'amiral Bonnivet, auquel la prise de Fontarabie, en 1521, avait valu une réputation militaire. Courageux sans être capable, présomptueux plus que résolu, Bonnivet descendit, avec son armée, à travers le Piémont, et parut le 14 septembre sur les bords du Tessin, après s'être aisément rendu maître de toute la partie du duché de Milan située à la droite de ce fleuve.

Prospero Colonna commandait toujours les troupes impériales, qu'il avait jusque-là rendues victorieuses. Seulement ces troupes étaient réduites en nombre, et lui-même, vieux et affaibli, ressentait les atteintes de la maladie à laquelle il succomba trois mois après. Il n'avait plus à côté de lui le hardi Ferdinand Davalos, marquis de Pescara, dont l'ascendant était sans bornes sur les soldats de sa nation, qui le suivaient avec confiance partout, parce qu'ils n'avaient jamais, sous ses ordres, rencontré d'échec nulle part. Le fier Espagnol n'avait pas pu s'entendre avec l'impérieux Italien. Indépendant de caractère, il se pliait difficilement à l'autorité d'un chef, et il s'était retiré, aimant mieux être inactif que subordonné, ne gagner aucune gloire que de l'acquérir pour autrui. Si Prospero Colonna était privé de cet incommode mais habile auxiliaire, il lui restait deux Espagnols qui avaient autant de valeur et d'opiniâtreté qu'il avait lui-même de capacité et de science militaire, les capitaines Alarcon et Antonio de Leiva, ainsi qu'un chef de bandes italien, Jean de Médicis, qui, sans égaler Pescara, se rapprochait beaucoup de lui par la fertilité des expédients et l'heureuse audace des entreprises.

Soit défaut de prévoyance, soit manque de moyens, le général de Charles-Quint et de la ligue italienne avait faiblement mis la Lombardie en état de défense. Ne se sentant point en mesure de disputer à l'armée française la partie du Milanais qui s'étendait à la droite du Tessin, il l'avait fait évacuer par les troupes qui occupaient Asti, Alexandrie et Novare[2], et il s'était posté, avec son artillerie et une douzaine de mille hommes, sur les bords de cette rivière dans le dessein d'en empêcher le passage et de couvrir le reste de la Lombardie[3]. Il croyait pouvoir garder la rive gauche du Tessin contre les Français, qui n'avaient ni ville ni pont pour y aborder. Mais depuis deux mois et demi il n'avait pas plu : le fleuve, ordinairement large et profond, n'avait presque pas d'eau, et se trouvait guéable sur plusieurs points. Arrivés à Vigevano, les Français commencèrent à le traverser, et Prospero Colonna, comprenant qu'il ne pourrait pas arrêter leur marche et qu'ils seraient bientôt plus nombreux et plus forts que lui du côté qu'il occupait, se replia en toute hâte sur Milan. Il y rentra avec sa petite armée, que ce mouvement de retraite avait affaiblie presque autant qu'une défaite, et qui trouva dans la ville un découragement semblable à celui qu'elle y portait.

La capitale du duché, que Prospero Colonna n'avait pu couvrir, ne semblait pas pouvoir être défendue. Cette grande ville était ouverte sur plusieurs points. Les ouvrages en terre qui y avaient été faits précédemment n'avaient pas été entretenus. Prospero Colonna, croyant que Bonnivet s'avançait à marches forcées avec une armée supérieure et irrésistible, était disposé à évacuer Milan, d'où Francesco Sforza se préparait aussi à sortir. On avait déjà chargé les bagages, et les habitants se lamentaient de perdre leur duc national et de retomber sous la domination française, lorsqu'on apprit que Bonnivet s'était arrêté sur le Tessin. Au lieu de pousser en avant et de prendre ce que les Impériaux étaient décidés à ne pas lui disputer, le trop prudent Bonnivet resta plusieurs jours immobile. Il laissa des garnisons dans les principales places abandonnées à la droite du Tessin, établit un pont à Vigevano, et ne reprit qu'avec lenteur sa marche, mal à propos suspendue[4]. Prospero Colonna et Francesco Sforza profitèrent de cette faute et se servirent de ce délai pour se raffermir dans Milan, qu'ils mirent à l'abri d'une attaque. On travailla jour et nuit à relever les parties abattues des remparts qui couvraient les faubourgs, à fermer les brèches, à rétablir les bastions. La population de la ville, qu'animait de sa présence le duc Sforza et qu'enflammait par ses discours Girolamo Morone, l'ardent ministre du duc, se montra prête à faire tous les sacrifices, à affronter tous les périls, pour ne pas retomber sous la main des étrangers[5]. Elle prit les armes avec non moins de zèle que d'ensemble et seconda puissamment les troupes impériales, fortes d'environ douze mille hommes de pied et de huit cents chevaux. Milan était en mesure comme en disposition de se défendre, lorgne le général français parut un peu trop tardivement sous ses murailles. Bonnivet s'en approcha sans obstacle : il plaça son camp au sud-ouest, entre la porte qui conduisait au Tessin et celle qui menait à Rome, il mit en batterie ses canons et sembla résolu à tenter un assaut ; mais sa présence et ses attaques ne causèrent dans la ville aucun ébranlement. Il crut alors qu'une place formée, ayant pour garnison une petite armée, et dont les habitants étaient devenus des soldats, ne se laisserait pas prendre de force et fournirait une défense insurmontable. Il avait, perdu l'occasion de l'enlever par surprise, il songea à s'en emparer par lassitude, et, au lieu de l'assiéger, il la bloqua.

Bonnivet transporta son camp un peu au-dessous de Milan, entre Pavie et Lodi. De cette position, il intercepta du côté du sud et du côté de l'est toutes les communications avec la place, qu'il se proposait de soumettre en l'affamant. A l'ouest, il tenait le cours du Tessin par Abbiate-Grasso et Vigevano, empêchant ainsi l'envoi des vivres qui pouvaient y arriver de la Lomelline. Il fit occuper au nord le fort emplacement de Monza, où il laissa assez de troupes pour inquiéter Milan dans cette direction et pour s'opposer à ce que des subsistances y parvinssent de la Lombardie supérieure. Il rendit ce blocus encore plus rigoureux en détournant les eaux qui entraient dans la ville et en détruisant tous les moulins qui s'élevaient aux environs. N'ayant pas envahi soudainement le duché, Bonnivet était réduit à le conquérir pièce à pièce. Quatre villes avaient été conservées par Prospero Colonna : Milan, où il s'était enfermé lui-même ; Pavie sur le bas Tessin, dont il avait confié la garde à Antonio de Leiva ; Lodi sur l'Adda, et un peu au-dessous de la jonction de l'Adda avec le Pô, Crémone, où il avait envoyé la garnison d'Alexandrie. De ces quatre points qu'il croyait pouvoir défendre, le prudent général italien espérait reprendre tout ce qu'il livrait aux Français lorsque l'ardeur des Français se serait ralentie, que leurs forces se seraient épuisées[6], et que les troupes des confédérés se seraient accrues.

En même temps qu'il serrait étroitement Milan, Bonnivet ordonna au capitaine Bayard de se rendre, avec huit mille hommes de pied, quatre cents hommes d'armes et dix pièces d'artillerie, sur l'Adda où il devait être joint par quatre mille Italiens levés la la plupart dans le duché de Ferrare et placés sous les ordres de Federico da Bozzolo et de Renzo da Ceri[7]. A la tête de cette petite armée, Bayard devait occuper Lodi et prendre Crémone. Lodi ne lui opposa aucune résistance. Le marquis de Mantoue, général des troupes pontificales, n'y avait pas plus de cinq cents hommes de pied et de cinq cents chevaux. Il ne pouvait pas s'y maintenir avec si peu de monde : il en sortit en se dirigeant vers l'armée vénitienne, réunie à Pontevico sur l'Oglio, et il abandonna Lodi à Bayard, qui y laissa une garnison considérable, commandée par Federico da Bozzolo et qui marcha sur Crémone. Bayard commença le siège de cette place, dont les Français avaient jusqu'alors gardé le château et qui venait de recevoir de Prospero Colonna un puissant renfort. Après s'en être approché suffisamment, il mit ses pièces en batterie et il canonna les remparts de Crémone jusqu'à ce qu'il y eût ouvert une brèche assez grande pour y donner l'assaut avec l'espérance de l'enlever. Ces approches et ces attaques se firent presque sous les yeux de l'armée vénitienne, qui n'était pas à quatre lieues de distance, et qui n'osant rien tenter ni même rien empêcher, laissait prendre cette importante place du Milanais sans y mettre obstacle.

Bonnivet se croyait sur le point de réussir[8]. La détresse de Milan, où, après la destruction des moulins et l'épuisement de l'ancienne farine, on fut plusieurs jours sans pain[9] ; la tiédeur des Vénitiens, qui ne donnaient aucune assistance à leurs confédérés, malgré les engagements qu'ils avaient pris avec eux ; la lassitude des Florentins, des Siennois, des Lucquois, qui ne fournissaient plus le contingent pécuniaire auquel ils étaient tenus pour la défense commune ; enfin le trépas d'Adrien VI, chef récent de la ligue italienne contre la France, mort le jour même où Bonnivet avait passé le Tessin, plaçaient les Impériaux dans une situation fort périlleuse. Réduits en nombre, privés de subsides, n'occupant plus que quelques points du territoire lombard, pressés à Milan par la faim, menacés d'un assaut à Crémone, ils ne paraissaient pas pouvoir tenir longtemps encore dans la haute Italie. Bonnivet espérait que, faute de vivres, Milan se rendrait, et que, faute d'argent, l'armée impériale se dissoudrait. La nomination du pape futur devait être d'une grande influente sur l'issue de la lutte en Lombardie, et la rendre favorable à Charles-Quint ou à François Ier, selon les dispositions politiques du souverain pontife qui serait élu et le temps qu'on mettrait à l'élire.

Le pape Adrien VI était mort le 14 septembre. Il était tombé malade le 5 août, en célébrant la grande alliance de toute la péninsule, dans laquelle il avait été entraîné avec les Vénitiens par l'empereur et par le roi d'Angleterre. Il assista à cette fatigante cérémonie où fut prononcé contre les Français un long discours dans l'église de Sainte-Marie-Majeure, au milieu d'une accablante chaleur. Il en sortit comme épuisé, et alla prendre son repas dans l'église Saint-Martin, où il se sentit mal. Une inflammation des plus dangereuses, accompagnée d'une forte fièvre[10], le saisit d'abord à la gorge, et pendant plusieurs jours l'empêcha d'avaler et presque de respirer. Cette inflammation se porta successivement sur diverses parties du corps, et amena une décomposition irrémédiable, à laquelle il succomba après de cruelles souffrances. Il périt en quelque sorte de la difficile résolution qu'il avait prise en rompant la paix avec le roi très-chrétien. Les longues agitations qu'il avait éprouvées avant de s'y décider le livrèrent ébranlé, et comme sans résistance, à la maladie qui fondit sur lui le jour même où il fit sa déclaration solennelle.

L'ancien professeur de Louvain n'était pas un politique. Il manquait de caractère. Circonspect jusqu'à la plus pénible indécision, défiant sans être avisé, timide et faible, il avait porté une simplicité extrême, une piété profonde, une incapacité troublée au milieu de ces astucieux politiques italiens, accoutumés à ne se diriger qu'en vue d'un intérêt particulier ou par des maximes d'État. Ce qui avait fait défaut au prince avait également frappé d'impuissance le pontife. Savant théologien, de mœurs irréprochables, d'une austérité chrétienne depuis longtemps inconnue sur la chaire de Saint-Pierre et rare même dans les monastères, animé des intentions les plus droites comme des sentiments les plus purs, il avait voulu empêcher dans l'Église la réforme des dogmes en y opérant lui même la réforme des abus : il le tenta avec le désir sincère de l'accomplir, mais sans en avoir la force. Dans ses projets de limiter la concession des indulgences, d'épurer la pénitencerie et de réduire la daterie[11] de la cour romaine, il rencontra des objections qui l'émurent et des obstacles qui l'arrêtèrent. Prince inhabile et pontife inerte, il indisposa les Italiens et ne ramena point les Allemands.

Il vivait comme un pauvre religieux dans le Vatican désert. Étonné de la magnificence dispendieuse de son prodigue devancier, il avait supprimé dans le palais pontifical une grande partie des emplois qui lui paraissaient onéreux et inutiles[12]. Il était servi par une vieille femme de son pays et ne dépensait qu'un ducat par jour pour sa nourriture[13]. Il se levait dans la nuit pour dire ses offices, et, le jour, il se retirait volontiers dans une pièce réservée, où, fuyant les soucis du pontificat, il se livrait à l'étude de la théologie ; mais, s'il aimait les lettres chrétiennes, il portait moins de faveur aux lettres humaines, et sa trop scrupuleuse piété avait repoussé tous les pontes qu'encourageait naguère de ses faveurs le joyeux Léon X. Les arts, qui faisaient la gloire de l'Italie et qui avaient passionné ses prédécesseurs, étaient sans attraits pour lui, et il en regardait d'un mil indifférent les anciennes merveilles comme les chefs-d'œuvre renaissants. Des douze portes qui, du belvédère de Jules II, conduisaient aux splendides galeries où l'on allait admirer la Vénus, le Laocoon, il en avait fait fermer onze. Les Romains, insensibles à ses vertus, outrés de sa parcimonie, choqués de la simplicité de ses habitudes et de l'humilité de ses goûts, voyaient en lui un prince sans habileté, un pape sans grandeur, un barbare sans délicatesse et sans générosité. Aussi se réjouirent-ils ouvertement de sa mort, et, dans les manifestations de leur allégresse, plusieurs d'entre eux allèrent jusqu'à entourer de feuillages la maison de son médecin, sur la porte de laquelle ils mirent cette inscription : Au libérateur de la patrie, le sénat et le peuple romain ![14]

 

II

Par qui Adrien serait-il remplacé sur le trône pontifical ? Chacun des deux monarques rivaux avait intérêt à faire nommer un pape qui lui fût favorable, et surtout à en faire repousser un qui lui serait contraire. Ils ne négligèrent rien pour l'emporter dans cette lutte électorale, dont les effets devaient s'étendre à la lutte militaire. Trente-cinq cardinaux entrèrent d'abord en conclave ; il en survint ensuite quatre, ce qui porta leur nombre à trente-neuf[15]. Comme il fallait réunir les deux tiers des voix pour être pape, il était nécessaire que vingt-six cardinaux s'accordassent dans un choix commun. Les candidats étaient les mêmes que lors du précédent conclave, et le sacré collège présentait les mêmes divisions.

Dès que Wolsey avait connu la mort d'Adrien, il s'était mis de nouveau sur les rangs, cette fois avec décision et confiance. Il avait transmis en toute hâte à l'évêque John Clerk, ambassadeur d'Henri VIII à  Rome, son ambitieux désir et l'invitation d'acquérir les suffrages, même en les achetant. Mylord de Bath, lui avait-il dit, le roi m'a chargé de vous écrire que sa grâce a une merveilleuse opinion de vous... et ne doute point que, par votre habileté, la chose ne soit conduite au but souhaité. N'épargnez point les offres raisonnables, ce qui est une chose qui, parmi les nécessiteux, est plus estimée d'aventure que les qualités de la personne. Soyez prudent... et ne vous laissez pas séduire par de belles paroles de la part de ceux qui disent ce qu'ils veulent et désirent plus leur agrandissement que le mien. Il faudra user de dextérité, et le roi pense que tous les Impériaux seront clairement avec vous, si on peut se fier à l'empereur. Les jeunes gens, qui la plupart sont besogneux, prêteront de bonnes oreilles à vos offres, lesquelles seront remplies, n'en doutez pas. Le roi souhaite que vous n'épargniez ni son autorité ni l'argent. Vous pouvez être assuré que toutes les promesses seront tenues, et que le roi notre sire y mettra de la diligence [16].

En même temps que Wolsey envoyait à l'ambassadeur d'Angleterre l'ordre d'employer jusqu'à la corruption pour le faire élire, Henri VIII demandait à Charles-Quint d'appuyer la candidature de son principal ministre de manière qu'elle réussit[17]. L'empereur avait plus que jamais intérêt à ménager l'orgueilleux Wolsey. Aussi lui écrivit-il en le flattant : Monsieur le cardinal, mon bon amy, le roy mon bon père, oncle et meilleur frère, m'a escript dernièrement une lettre de sa main, me priant, autant affectueusement que faire se pourroit, que j'escrivisse à Rome pour vostre élection à pape. Desjà avant la réception de sa lettre, je l'avois fait, me souvenant de ce que autrefois je vous ai quant à ce promis, et cognoissant le bien que ce seroit pour toute la chrestienté, et aussi pour nos communes affaires, avec la vraie amour que vous avez audict seigneur roy et à moy. J'ai derechef escrit comme pour chose que je voudroye le plus[18]. Loin de souhaiter l'élection du cardinal d'York, qui lui était utile en Angleterre, Charles.-Quint voulait celle du cardinal de Médicis, qu'il croyait disposé à le servir mieux qu'un autre en Italie. Il donnait des espérances au premier pour ne pas l'indisposer, et il agissait en faveur du second, afin que, lui étant redevable de son élévation, il lui montrât sa reconnaissance par son dévouement. Avant même la mort d'Adrien, il avait prescrit au duc de Sessa, son ambassadeur à Rome, d'employer, si le pontificat devenait vacant, les moyens les plus propres à y faire arriver le cardinal de Médicis. Le duc de Sessa avait à négocier cette nomination par voie d'influence ou à l'imposer par la force, suivant les procédés auxquels aurait recours le roi de France. Vous aurez toujours égard, lui écrivait Charles-Quint, à ce que l'élection se fasse avec toute liberté, à moins que, du côté des François, on ne veuille agir par la violence : dans ce cas, vous vous montrerez avec vigueur pour nous, vous aidant à cet effet des vice-rois de Naples et de Sicile et de notre armée, ainsi que de tous les secours et autres moyens que vous aurez à votre disposition[19].

Avant que les cardinaux fussent complètement enfermés dans le conclave, le comte de Carpi, représentant de François Ier à Rome, vint se plaindre à eux de l'alliance que le pape Adrien avait conclue avec les ennemis du roi très-chrétien, bien que le roi très-chrétien n'eût rien fait pour provoquer ses hostilités, et l'accusa de s'être rendu complice de la conjuration du duc de Bourbon[20]. De son côté, le duc de Sessa s'adressa à eux dans l'intérêt de l'empereur son maître, en leur demandant de payer le contingent pécuniaire que le pape Adrien s'était engagé à fournir en contractant l'alliance du 5 août. Les cardinaux lui répondirent que le pape Adrien ne les avait pas consultés, et qu'ils n'étaient pas obligés de tenir des engagements auxquels ils étaient demeurés étrangers. Le duc de Sessa travailla ouvertement à faire élire le cardinal Jules de Médicis, qui continuerait la politique des deux précédents pontifes. Ce cardinal disposait encore de dix-huit ou de dix-neuf voix[21], décidées à n'élire que lui. Il espérait de plus quelques adhésions qui se déclareraient au moment où elles seraient utiles. Entré cette fois dans le conclave avec la résolution de n'en sortir que pape, il était le principal et devait être le plias opiniâtre des candidats. Il était repoussé par le parti des vieux cardinaux comme trop jeune[22], et par le parti français comme trop espagnol. Pas assez fort pour nommer un pape, ce dernier parti pouvait empêcher l'élection du candidat que Charles-Quint poussait le plus au trône pontifical, et qu'il convenait le moins à François Ier d'y laisser monter. Il agissait de concert avec le cardinal Pompeio Colonna, l'un des membres les plus influents du sacré collège, et qui, bien que du parti impérial, était opposé à Jules de Médicis[23] par une animosité envieuse et si profonde qu'elle semblait insurmontable.

Durant deux mois les divisions se prolongèrent dans le conclave, où l'on ne parvint pas à s'accorder pour faire un pape. Les jours se passèrent en luttes animées et en scrutins inutiles. Pendant que l'Église restait sans chef et que les cardinaux désunis ne se décidaient pas à lui en donner un, le duc de Ferrare, secrètement soutenu par le roi de France[24], s'était emparé de Reggio et de Brescello, et il menaçait Modène, que les papes avaient incorporée au Saint-Siège. Le plus grand trouble se répandit dans les États de l'Église, et le mécontentement était très-vif à Rome. Dès le 8 octobre, pour contraindre les cardinaux à une élection plus prompte, on retrancha une grande partie de leur service de table et on réduisit chacun d'eux à un seul mets. Le 14 octobre, les conservateurs de la cité pendant la vacance pontificale, suivis d'une foule de Romains, se rendirent à la porte du conclave, adressèrent aux cardinaux les plaintes du peuple, leur reprochèrent les périls qu'ils faisaient courir aux États de l'Église par un interrègne aussi prolongé, et dirent qu'il était honteux à tant d'hommes sages comme ils devaient l'être, de ne pas s'entendre mieux ni plus tôt[25].

Le cardinal Armellino, député par le sacré collège avec plusieurs autres cardinaux, répondit de la fenêtre du conclave qu'ils voulaient nommer un bon pape qui convînt, après Dieu, aux nobles et au peuple de Rome ; qu'ils espéraient le faire bientôt et mandaient qu'on eût assez de patience pour leur en laisser le loisir, car si, comme à la dernière élection, on les forçait à précipiter leur choix, ils pourraient bien élire un absent. Si vous vous contentez d'un tel pape, ajouta-t-il, nous sommes prêts à vous en donner un qui est en Angleterre. Il savait que les Romains avaient plus que jamais horreur d'un étranger, que rien n'était plus propre que cette crainte à tempérer les impatiences du peuple et à faire accorder du temps au conclave. Il s'éleva aussitôt un grand murmure du sein de la foule, et l'on cria qu'il fallait élire un pape parmi les présents, dût-on prendre une bûche[26].

Les ambassadeurs d'Angleterre, obéissant aux ordres de Wolsey, mais ne rencontrant pas l'appui des agents impériaux, demandèrent au cardinal Jules de Médicis de se déclarer pour le cardinal d'York, s'il ne parvenait pas à se faire nommer lui-même. Pompeio Colonna en fut instruit, et il fit répandre par la ville que le cardinal de Médicis, dont les manèges avaient naguère amené l'élection d'un barbare flamand, travaillait maintenant à l'élection d'un barbare anglais[27]. Il comptait, en le rendant ainsi suspect, le faire détester davantage et l'éloigner du trône pontifical, en même temps qu'il empêcherait, par les manifestations de la répugnance publique, le cardinal d'York d'y être appelé.

Les désaccords continuèrent, et il se passa plusieurs semaines encore sans qu'on cédât d'aucun côté. Le mécontentement des Romains s'accroissait chaque jour et allait presque à la sédition. Aux objurgations précédentes s'ajoutèrent alors les menaces. Le peuple se porta en foule autour du palais où étaient enfermés les cardinaux, et il demanda que, conformément à la constitution de Boniface VIII, on les réduisît au pain, à l'eau et au vin[28], afin de les forcer à élire. Rien n'y fit. Les vieux souffrirent cette longue captivité sans fléchir, et le cardinal de Médicis, à la tête des jeunes, attendit avec une imperturbable patience que, par calcul ou par ennui, quelques-uns de ses adversaires, moins persévérants ou moins haineux que les autres, s'en détachassent pour conclure un arrangement avec lui[29]. Ce moment arriva, comme il l'avait prévu.

Le cardinal Colonna savait que le cardinal de Médicis ne consentirait jamais à un choix purement français. Son autorité, qui aurait été compromise dans Florence, son honneur, qui en aurait souffert, sa conduite passée, qu'il aurait par là démentie, ne laissaient aucune incertitude à cet égard. Il fit dès lors promettre aux cardinaux français que, s'ils ne pouvaient rien pour eux-mêmes, ils consentissent à porter leurs suffrages sur un des siens. Après quelques essais infructueux tentés dans leur sens et qui ne parvinrent pas même à faire nommer le cardinal Fieschi, le moins repoussé des cardinaux attachés à la France, Pompeio Colonna somma ces derniers de tenir leur engagement, et il leur proposa de donner leurs voix au cardinal Jacobaccio, excellent et savant homme, en faveur duquel il espérait détacher du parti de Médicis assez de voix pour compléter le nombre requis de vingt-six. Jacobaccio était Romain, ami de la maison Colonna, et au fond impérialiste, quoique avec une certaine modération. Les Français se montrèrent d'abord disposés à lui être favorables, mais quelques-uns d'entre eux et de la faction Orsini déclarèrent que pour rien au monde ils ne nommeraient un partisan de l'empereur et des Colonna. Il fut alors décidé qu'on promettrait toutes les voix, et qu'au moment de l'élection on en retirerait quelques-unes pour la faire manquer. On prétendit que Colonna n'aurait pas lieu de se plaindre si, en échange des voix peu nombreuses qu'il avait apportées, il lui en était donné quatorze.

Le cardinal Colonna, se croyant assuré de tout le parti français, alla trouver le cardinal Jules de Médicis et lui demanda s'il avait le dessein de rendre l'élection interminable et s'il voulait demeurer à jamais enfermé dans cette prison. Le cardinal de Médicis lui répondit qu'il resterait dans cette prison et dans une pire plutôt que de consentir à la nomination d'un de ses ennemis et à la création d'un pape de la nation française. Le cardinal Colonna lui dit alors : — Vous n'aurez rien de semblable à craindre et à vous reprocher. Nous pouvons avoir un bon pape, et un pape impérialiste. Vous ne sauriez vous refuser à sa promotion[30]. Il lui désigna en même temps le cardinal Jacobaccio, qui devait réunir les vingt-deux suffrages des vieux cardinaux et du parti français, et auquel il ne faudrait plus que quatre autres voix pour être élu. Il les demanda au cardinal de Médicis, qui voulut, avant de les accorder, s'en entretenir avec les siens. Le cardinal de Médicis apprit, par de secrètes informations, que le parti français ne serait point unanime à voter en faveur de Jacobaccio, et lui refuserait trois ou quatre voix afin d'empêcher qu'il fût élu. Dès qu'il fut rassuré par l'impossibilité de cette élection, que devaient repousser le cardinal Franciotto Orsini et les plus ardents des cardinaux français, il revit Pompeio Colonna. — Que ferez-vous pour moi, lui demanda-t-il, si je donne au cardinal Jacobaccio les quatre voix dont il a besoin et s'il échoue malgré cette accession ?Dans le cas où, par un accident quelconque, cette élection manquerait, répondit Pompeio Colonna, qui s'en croyait maintenant certain, je vous donnerai pour vous ou pour un de vos amis autant de voix que vous en aurez donné au cardinal Jacobaccio.

Avertie des pourparlers de Colonna et de Médicis, la faction française, pour être plus sûre de déjouer l'arrangement conclu entre eux, résolut de retirer au cardinal Jacobaccio autant de voix que devait lui en apporter le parti des jeunes. Aussi, lorsqu'on dépouilla le scrutin, on n'y trouva que dix-huit voix en faveur du candidat dont l'élection était convenue et semblait assurée. A ces dix-huit voix s'adjoignirent par accès les quatre voix du cardinal de Médicis, ce qui n'en fit que vingt-deux. Colonna, outré du manque de parole qui avait empêché la nomination de Jacobaccio, le reprocha amèrement aux cardinaux d'origine française. Ceux-ci s'en excusèrent en disant qu'ils avaient obéi à l'ordre exprès de leur prince, qui leur avait prescrit de ne consentir qu'à une élection conforme aux intérêts de la France. Ils ajoutèrent que le cardinal Jacobaccio était homme de bien et aurait été bon pape, mais non pour le roi leur maître. — Bien, répondit Colonna, je vous en ferai un de bon pape pour le roy vostre maistre[31]. Il alla trouver immédiatement le cardinal de Médicis, qu'il remercia d'avoir tenu fidèlement sa promesse, et auquel il dit qu'il était prêt à tenir la sienne, et qu'il ne voulait pas d'autre pape que lui. Avec sa voix, il lui donna les voix du Romain Jacobaccio et des Vénitiens Cornaro et Pisani. Il l'aida même à en détacher du parti des vieux cardinaux trois autres qui, réunies à celles qu'il apportait et aux dix-neuf dont disposait le cardinal Jules de Médicis, assuraient sa nomination. La majorité exigée ayant cessé d'être douteuse dans la nuit du 17 au 18 novembre, on résolut de procéder le lendemain à un scrutin qui mît un terme à ce long conclave. Ceux qui repoussaient encore le cardinal de Médicis, devenus certains que son élection se ferait sans eux, jugèrent qu'il valait mieux y concourir que s'y opposer, et ils demandèrent que le scrutin fût différé d'un jour. Dans l'intervalle, ils convinrent de s'associer à la nomination du cardinal de Médicis ; mais, comme la plupart d'entre eux avaient juré de ne jamais y consentir, ils entrèrent dans la chapelle du conclave pour se délier les uns les autres du serment qu'ils s'étaient prêté. Ils y appelèrent le cardinal de Médicis, et, le soir même du 18, ils le nommèrent par adoration. Le lendemain matin 19, cette élection fut régularisée par un scrutin solennel, et l'unanimité des voix fut accordée au cardinal Jules de Médicis, qui devint pape sous le nom de Clément VII.

 

III

Le nouveau pape, immédiatement après son élection, avait promis de s'unir aux confédérés. Il leur avait envoyé une partie du contingent pécuniaire que le Saint-Siège, Florence, Lucques et Sienne devaient fournir pour l'entretien des troupes de la ligue italienne[32] et la poursuite de la guerre, qui avait continué en Lombardie. Bonnivet, n'ayant pas su profiter tout d'abord de ses avantages, et, au lieu d'attaquer le Milanais avec une impétuosité qui aurait pu être irrésistible, ayant agi avec une circonspection qu'il croyait savante et qui n'avait pas été habile, était bien vite arrivé au terme de ses succès. Le corps d'armée qu'il avait envoyé devant Crémone ne parvint pas à s'en rendre maître[33]. Il le rappela dans son ancienne position de Monza, afin de resserrer le blocus de Milan, qu'il espérait toujours contraindre à se rendre. Il pressait cette grande ville de tous les côtés. Il avait fermé les diverses routes par lesquelles des vivres pouvaient y être portés. Ses garnisons à Abbiate-Grasso et à Vigevano sur le Tessin, le corps de Bayard et de Renzo da Ceri à Monza, la troupe de Federico da Bozzolo Lodi, le reste de son armée campé au sud vers Binasco, interceptaient les communications avec Milan dans les quatre principales directions. Ses chevaux parcouraient l'intervalle qui le séparait de la ville bloquée. Il attendit dans cette position que l'armée ennemie, qu'on ne payait point, se dispersât et que la ville de Milan, Où l'on fut réduit pendant une semaine à manger de l'avoine et de l'orge, se décidât à capituler ; mais les rigueurs du blocus n'y abattirent point le courage des habitants, et l'irrégularité de la paye n'y amena point la dispersion de l'armée. On fabriqua des moulins à bras pour moudre le blé qui restait dans la ville et l'on fit de fréquentes sorties. Bientôt même les manœuvres menaçantes des confédérés et les rigueurs inaccoutumées d'un hiver qui couvrit de neige les campagnes de la Lombardie ne permirent pas à Bonnivet de se maintenir autour de Milan. La garnison espagnole de Pavie, renforcée par les troupes pontificales que commandait le marquis de Mantoue, fit des incursions vers les derrières de son camp et les poussa jusqu'au Tessin. Bonnivet craignit de perdre les ponts qu'il avait sur cette rivière, par où les subsistances lui venaient des riches contrées de la Lomelline et du Novarais. Afin de les mettre à l'abri d'une surprise ou d'une destruction qui l'aurait exposé lui-même à ce dont il menaçait Milan, il donna l'ordre à Bayard et à Renzo da Ceri de quitter Monza et de se porter à Abbiate-Grasso pour y garder le cours du Tessin et les ponts qu'il y avait jetés. Le corps qui fermait la Lombardie supérieure ayant abandonné Monza, Prospero Colonna occupa cette forte position, et les Milanais reçurent des vivres par la route ouverte du mont de Brianza. L'amiral, réduit à dégager au nord la ville qu'il tenait bloquée depuis un mois et demi afin de protéger à l'ouest sa propre ligne d'opérations, ne fut pas plus en mesure de l'avoir par famine qu'il n'avait su la prendre de vivo force[34].

Bientôt même il ne put plus rester campé au-dessous de Milan. La campagne était couverte de neige et ses troupes souffraient beaucoup. Sans. espérance de réduire désormais, en l'affamant, la ville à moitié débloquée, Bonnivet prit le parti de s'en retirer complètement. Il se replia sur le Tessin, dont il occupa les deux rives et où il demeura en force ; mais dès ce moment le but de la compagne était manqué, la conquête du Milanais était devenue impossible. Le mouvement de retraite commencé par l'échec de Crémone, continué par l'abandon de Monza, rendu plus marqué par le déblocus de Milan, ne devait pas s'arrêter. L'amiral Bonnivet était condamné à perdre ce qu'il tenait encore sur la rive gauche du Tessin ; et à être enfin dépossédé de toute la partie de la Lombardie située à la droite de ce fleuve.

L'armée impériale, d'abord faible et prise au dépourvu, s'était peu à peu renforcée et raffermie. Le vieux capitaine italien qui la commandait avait succombé le 28 décembre ; mais avant de mourir il avait vu le succès de ses savantes dispositions et de ses fermes mesures. Charles-Quint avait donné l'ordre à Lannoy, vice-roi de Naples, d'aller remplacer à Milan Prospero Colonna, dont la maladie faisait présager la mort prochaine ; il dépêchait en même temps Beaurain au connétable de Bourbon, qui était à Gênes, pour qu'il devînt en Lombardie son lieutenant général, représentant sa personne, et qu'il commandât à tout le monde, même au vice-roi de Naples[35]. Lannoy avait remonté la péninsule avec quatre cents hommes d'armes et quatre mille hommes de pied, qu'il devait joindre à l'armée de la ligue[36], déjà grossie sous Prospero Colonna des troupes italiennes conduites par Jean de Médicis et des levées faites pour Francesco Sforza. Il amenait le marquis de Pescara, qui consentait à servir avec le vice-roi de Naples, dont il reconnaissait l'autorité politique et ne craignait pas la rivalité militaire. Lannoy, qui apportait de sa vice-royauté une somme d'argent[37] à laquelle s'ajoutèrent 65.000 ducats fournis par l'Italie centrale, et 90.000 tirés du Milanais, appela d'Allemagne six mille lansquenets de plus[38]. Il s'était arrêté à Pavie, d'où il ne se rendit à Milan qu'après la mort de Prospero Colonna. II ne voulut pas entrer dans cette ville et y prendre le commandement des troupes confédérées tant que respirerait encore le capitaine à l'habileté duquel l'empereur son maître était si redevable, qui avait su conquérir le duché de Milan sur les Français et le défendre à deux reprises contre eux. Lorsque l'armée à la tête de laquelle il se plaça, et dont le due de Bourbon[39] vint bientôt, de concert avec lui, diriger les mouvements, eut reçu le renfort des six mille lansquenets, elle compta dix mille Allemands, sept mille Espagnols, quatre mille Italiens, huit cents lances et huit cents chevau-légers, outre les cinq mille hommes de pied, Italiens et Espagnols, les cinq cents lances et les six cents chevau-légers qui étaient dans Pavie sous Antonio de Leiva et le marquis de Mantoue.

Dès ce moment, la guerre changea de face. Loin que les Français cherchassent à enlever aux Impériaux le duché de Milan, les Impériaux se mirent en mouvement pour expulser les Français de la partie du territoire lombard qu'ils occupaient encore. De défensive qu'elle avait été jusque-là pour les confédérés, la guerre devint offensive. Les Vénitiens, qui étaient demeurés inactifs tant qu'ils avaient cru les Impériaux plus faibles, se décidèrent à les seconder dès qu'ils les jugèrent les plus forts. Ils ordonnèrent à leur général, le duc d'Urbin, de passer l'Adda et de se joindre aux Impériaux avec les six mille fantassins, les sept cents hommes d'armes et les cinq cents chevau-légers qu'il commandait. Les confédérés réunis, agissant avec ensemble, quoique placés sous tant de chefs, attaquèrent Bonnivet dans les diverses positions qu'il tenait encore, et au moyen d'adroites manœuvres, ainsi que par de hardis coups de main, ils le poussèrent hors de l'Italie.

Bonnivet s'était établi à Abbiate-Grasso, où il avait concentré son armée. Ses avant-postes, à l'est du Tessin, étaient à Rebecco, lieu ouvert, malaisé à défendre, et que les Impériaux, conduits par Pescara et par Jean de Médicis, n'eurent pas de peine à enlever en y surprenant la faible troupe que l'amiral y avait aventurée. Après l'échec et la prise de Rebecco, il ne restait plus aux Français, sur la rive gauche du Tessin, que la ville d'Abbiate — Grasse. Afin de les déloger de cette position, les confédérés passèrent le fleuve un peu en dessous avec des forces supérieures, et ne laissèrent dans Milan que six mille hommes, suffisants pour mettre la ville à l'abri d'une attaque, Ils s'établirent à Gambolo, s'emparèrent du château de Garlasco, et menacèrent de couper les vivres que Bonnivet tirait de la Lomelline.

Bonnivet était comme enfermé à Abbiate-Grasso. Pendant longtemps il avait fait espérer au roi son maître la soumission prochaine du Milanais[40] ; mais, depuis qu'il avait commencé à revenir sur ses pas, il lui avait demandé des renforts avec lesquels il put reprendre l'offensive. Il attendait cinq mille Grisons qui, descendus de leurs vallées sous la conduite de Dietingen de Salis, devaient se réunir vers Lodi à Federico da Bozzolo, et opérer une utile diversion entre l'Adda et Milan. François Ier, entretenu dans la confiance d'un succès décisif en Italie, apprit presque en même temps la position périlleuse où était son favori Bonnivet et les avantages que son ennemi Charles-Quint venait de remporter sur la frontière des Pyrénées.

L'empereur, que le manque d'argent et de troupes avait empêché de pénétrer en France dans l'automne de 1523, n'avait rien négligé pour remettre son armée sur pied. Afin de la renforcer et de s'en servir, il avait cherché partout de l'argent. Outre celui qu'il avait obtenu des cortès de Palencia, qu'il avait réclamé des ordres militaires de chevalerie, qu'il avait tiré de la cruzade et de l'Église, il avait pris toutes les sommes venues des Indes, et dont la plus grande partie était destinée à ses sujets. Il avait écrit à l'archiduc Ferdinand, son vicaire général dans l'empire, pour qu'il en obtînt de la ligue de Souabe et de l'opulent clergé d'Allemagne. Il lui disait qu'il ne pouvait songer à repousser les entreprises des Turcs du côté du Danube qu'après avoir arrêté celles des Français en Italie, qu'il avait déjà dépensé des quantités innombrables de deniers, qu'il en avait besoin encore, afin de lever de grosses armées de gens de pied et de cheval, et qu'il requérait les Allemands de l'y aider, comme ils y étaient tenus par intérêt et par devoir. Il recommandait en même temps à son frère de faire procéder par la chambre impériale contre le roi François Ier comme usurpateur du royaume d'Arles, et de faire prononcer la confiscation du Dauphiné, de la Provence, du Lyonnais, des comtés de Valence et de Die, etc.[41], qu'il avait enlevés à l'empire.

Lorsque son année fut en état d'entrer en campagne, elle franchit de nouveau les Pyrénées an cœur de l'hiver. L'empereur, qui s'était transporté lui-même de Valladolid à Pampelune et de Pampelune à Vittoria, n'ayant ni le moyen ni l'espoir de s'emparer de la place forte de Bayonne, qui ouvrait lu France de ce côté, songea à reprendre la ville de Fontarabie, que les Français occupaient depuis plusieurs années et qui leur donnait accès en Espagne. Vers le commencement de février, son armée, commandée par le connétable de Castille, parut devant cette place, qui fut également investie par mer. Une artillerie des plus formidables, composée de soixante pièces de gros calibre, la foudroya, et fit bien vite taire ses canons et tomber ses défenses. Menacée d'Atre prise d'assaut, la garnison capitula ; elle rendit la ville, d'où elle sortit librement, vie et bagues sauves, mais en laissant l'artillerie et les munitions au pouvoir de Charles-Quint. Après avoir recouvré Fontarabie, l'empereur licencia la plus grande partie de ses soldats, que les rigueurs du temps et la disette de vivres sur cette frontière l'empêchèrent de tenir plus longtemps en campagne[42]. Il les renvoya, comme s'il n'avait pas projeté de faire entrer l'armée d'Italie en Provence aussitôt qu'elle aurait rejeté les troupes de Bonnivet au-delà des Alpes, et de renouveler contre le royaume de François Ier l'attaque générale qui n'avait pas réussi l'année précédente.

 

IV

Pendant que son armée était en danger et imitait en retraite dans la haute Italie, pendant que l'extrémité méridionale de son royaume avait été ravagée par les troupes de Charles-Quint, qui reprenait ensuite possession de Fontarabie, François Ier était à Blois, plus livré encore à ses passe-temps[43] et à ses plaisirs qu'occupé de ses affaires. Il songeait moins à aller, comme il en avait annoncé bien des fois le projet[44], commander les troupes dont dépendaient le recouvrement du Milanais et la sûreté de la France qu'à poursuivre les complices du connétable de Bourbon. Il croyait que le complot avait des ramifications étendues, et il voulait connaître tous ceux qui y avaient adhéré, autant pour se rassurer que pour les punir. Il lui importait de découvrir les soutiens cachés de desseins auxquels n'avait pas renoncé l'implacable rebelle que l'empereur avait nommé son lieutenant général, et qui en ce moment était à la tête des armées ennemies. Aussi pressait-il l'instruction et le jugement des prisonniers arrêtés soit à Lyon, soit dans d'autres parties du royaume, comme ayant pris part à la conjuration. Les commissaires du parlement, qu'il avait désignés lui-même d'après les indications du chancelier Du Prat, procédaient avec des lenteurs qu'il prenait pour des ménagements. Il s'irritait de la régularité des formes et se plaignait de la douceur des interrogatoires. Aussi enjoignait-il aux méthodiques magistrats, qui répugnaient encore plus à employer dans la justice la précipitation que la violence, d'agir vite et de recourir à la torture pour tirer la vérité de ceux qui s'obstinaient à la taire. Interrogés à Loches et conduits ensuite à Paris, les plus considérables des prisonniers n'avouaient rien. L'évêque du Puy et l'évêque d'Autun[45] déclaraient qu'ils ne pouvaient pas révéler ce qu'ils avaient appris sous le secret de la confession. Aymard de Prie, d'Escars et Popillon se disaient étrangers au complot. Le gros de la conspiration avait cependant été découvert par quelques-uns des agents du connétable. Saint-Bonnet, saisi dans sa fuite sur la frontière de la Franche-Comté, avait raconté tout ce qu'il savait[46] ; et Saint-Vallier lui-même, après de longues dénégations, s'était décidé à convenir des engagements pris à Montbrison et à faire connaître le traité qui s'y était conclu entre le connétable et l'empereur[47].

Le procès étant instruit vers la fin de décembre, François Ier l'avait renvoyé au parlement de Paris pour être jugé immédiatement. L'affaire, disait-il, touche grandement nous, notre royaume et la chose publique. Nous désirons qu'elle soit dépeschée en bonne et grosse compagnie, afin que telle punition et démonstration en soit faite, qui soit par exemple à tous[48]. Le parlement, le 15 janvier, condamna Saint-Vallier à être décapité. Il décréta d'une vaine prise de corps tous ceux qui s'étaient évadés en même temps que le connétable ou à sa suite : René de Bretagne, comte de Penthièvre ; Jean de Vitry, seigneur de Lallière ; Philibert de Saint-Romain, seigneur de Lurcy ; Pompérant, les deux d'Espinat, François de Tansannes, Jean de Bavent, François du Peloux, Bartholomé de Guerre, Beaumont, Guignard, Jean de L'Hôpital. Par des arrêts successifs du 23 et du 26 janvier, Desguières et Brion, instruits de la conspiration et ne l'ayant pas révélée, durent faire amende honorable et être relégués pendant trois ans dans un lieu qu'il plairait au roi de désigner, tandis que Aymard de Prie et Baudemanche furent élargis, sous la condition de rester dans Paris et de se présenter devant les juges toutes les fois qu'ils en seraient requis[49].

François Ier trouva ces sentences entachées d'une indulgence presque factieuse. Elles lui avaient été communiquées à Blois. Il prescrivit d'y surseoir à Paris. Chancelier, écrivit-il à Du Prat, dites à ceux de ma cour qu'ils n'aient à prononcer lesdits arrêts que je ne soye arrivé là et que je n'aye parlé à eux[50]. Il ordonna de dégrader Saint-Vallier, qui dut être mis à la torture et violemment questionné avant d'être envoyé au supplice. Le duc Charles de Luxembourg fut commis pour lui ôter le collier de l'ordre de Saint-Michel. Accompagné du président Leviste et de sept conseillers, il vint dans la tour de la Conciergerie exécuter les ordres du roi. Saint-Vallier y était gravement malade. En proie à la fièvre, il écouta du lit où il était étendu la sentence qui prescrivait sa dégradation avant son supplice. Le roi, dit-il, ne peut m'enlever l'ordre de Saint-Michel qu'en présence de mes confrères convoqués et assemblés. Il protesta contre cette injure. Comme on lui demandait où était son collier, il répondit que le roi savait bien où il l'avait perdu, et que c'était à son service. Il refusa deux fois de s'en laisser mettre au cou un autre qu'on n'y attacha que pour l'en arracher. On fit apporter ensuite dans sa chambre les instruments de torture, et on le pressa de faire des aveux plus étendus. Le malheureux dit qu'il s'abandonnait à la cour, rappela qu'il avait servi le roi à ses dépens, se plaignit que ses amis le délaissassent en son besoin, soutint qu'il n'avait rien à ajouter à ses précédentes déclarations, protesta vivement contre tout projet d'attenter à la personne du roi ou de ses enfants, et demanda à se confesser et à faire son testament. Après avoir passé une heure avec son confesseur, sommé de nouveau de désigner tous les complices de la conspiration, il permit au prêtre qui venait de l'entendre de révéler sa confession. La torture fut jugée dangereuse et inutile. On renonça à la lui donner et l'on disposa tout pour son supplice.

Saint-Vallier avait fait invoquer la miséricorde du roi par ceux qui pouvaient la lui concilier. Il s'était adressé avec de pathétiques supplications à son gendre, le grand sénéchal de Normandie, qui avait découvert au roi la conspiration, à l'évêque de Lisieux, qui l'avait le premier révélée, et à sa fille, la belle Diane de Poitiers. Si vous ne pouvez venir jusqu'ici, avait dit Saint-Vallier au grand sénéchal, je vous requiers en l'honneur de Dieu que vous me veuillez envoyer votre femme... De vostre costé, écrivez au roi et à Madame tout ainsi que vous le saurez bien faire. J'ai le cœur si serré qu'il me crève. Ayez pitié de moi, car le cas vous touche[51]. Il avait demandé aussi à Diane de Poitiers, qui devait passer par Blois et y retourner après s'être concertée avec lui, d'avoir assez pitié de son pauvre père pour venir le voir. La grande sénéchale avait obtenu du roi la vie de son père.

Cependant Saint-Vallier, extrait de la tour de la Conciergerie, avait été mené sur le perron du Palais-de-Justice, où lui avait été lue à haute voix la sentence qui le condamnait à avoir la tête tranchée. Il avait ensuite été placé sur une mule avec un archer monté en croupe derrière lui pour le soutenir. Il fut ainsi conduit à la place de Grève au milieu des arbalétriers, des sergents à verge et du guet. Il était sur l'échafaud tout prêt à y subir sa sentence, lorsqu'accourut, fendant la foule, un archer de la garde du roi qui apportait sa grâce[52]. Cette grâce était accordée, disait le roi dans sa déclaration, aux prières du grand sénéchal, en récompense surtout du service éclatant qu'il en avait reçu[53] ; mais elle était loin d'être entière. Au lieu d'avoir la tête tranchée, Saint-Vallier était condamné à passer sa vie entre quatre murailles maçonnées, n'ayant qu'une petite fenêtre par laquelle on lui administrerait son boire et son manger. Ce supplice, que la perpétuité aurait rendu aussi cruel pour lui que la mort, ne commença pas même à lui être infligé. François Ier, que les prières de Diane de Poitiers avaient touché autant que les instances et le dévouement du grand sénéchal, étendit la grâce du père. Peu de jours après avoir fait remise de la peine capitale à Saint-Vallier, il prescrivit de surseoir à son emprisonnement, et il envoya bientôt un capitaine de sa garde avec ordre du parlement de lui remettre le prisonnier pour le conduire où le voulait son bon plaisir[54]. Mené dans un de ses châteaux sur le bord de l'Isère, Saint-Vallier y passa librement le reste de sa vie, qui ne se termina que douze ans après[55].

François Ier, qui avait accordé la grâce de Saint-Bonnet à cause de ses révélations, celle de Saint-Vallier à cause des supplications de son gendre et de sa fille, trouva les juges trop indulgents envers quelques-uns des accusés et pas assez prompts à faire le procès de tous les autres. Il vint à Paris pour s'en plaindre. Il se rendit au Palais-de-Justice et reprocha au parlement de n'avoir condamné Desguières et Brion qu'à une détention de trois années, de n'avoir pas soumis à la question d'Escars, le chambellan du connétable, et Popillon, son chancelier, et de n'avoir pas prononcé contre eux la confiscation. Il ajouta que Brion et Desguières s'attendaient à être pendus lorsqu'ils furent pris, et qu'il ne pouvait pas tolérer de telles voies en des affaires qui concernaient de si près sa personne et son royaume. Il fit, en sa présence, citer à bref délai le connétable de Bourbon. L'avocat général Lizet demanda que, transfuge du royaume et notoirement criminel de lèse-majesté, messire de Bourbon fût, sous le bon plaisir du roi, assisté de ses pairs, princes du sang et membres de son conseil, condamné à être décapité, que ses fiefs fussent réunis à la couronne et ses autres biens confisqués. Les trois délais d'ajournement furent fixés à des termes assez rapprochés.

François Ier fit entendre des paroles hautaines et impérieuses au parlement, qu'il trouvait trop disposé à l'indépendance, et qu'il accusait d'entraver les actes de l'administration royale et de ne pas pourvoir avec assez de zèle aux plus pressants intérêts de sa couronne et à sa propre sûreté. Le parlement avait résisté longtemps à l'exécution du concordat de 1516 ; il avait très-mal accueilli l'établissement des nouvelles charges judiciaires que François Ier n'avait instituées que pour les vendre et en tirer de l'argent. Aussi le roi le réprimanda-t-il de la lenteur avec laquelle avait été enregistrée la création de quatre maîtres de requêtes, de deux présidents et de dix-huit conseillers, qui devaient lui rapporter, les premiers 60.000 livres, et les seconds 70.000. Il dit que, par suite de ces condamnables retards, et faute de pouvoir recouvrer ces sommes à temps, Milan avait été perdu. Je n'ai pas cause, ajouta-t-il, de me contenter de pareilles longueurs. Sachez bien que toute l'autorité que vous avez n'est que de par moi, et que la cour de parlement n'est pas un sénat de Rome. En même temps qu'il restreignait son contrôle politique, il voulut forcer l'action de sa justice. Traitant pour ainsi dire en suspect le parlement de Paris dans le jugement de la conspiration du connétable, il annonça qu'il adjoindrait à ses membres d'autres commissaires, tirés des divers parlements du royaume, afin qu'ils révisassent en commun les procès déjà vidés, et, en attendant, il prescrivit que les prisonniers ne bougeassent d'où ils étaient.

C'est lors de ce voyage à Paris qu'il apprit la position critique de l'amiral Bonnivet en Italie. Il le crut cerné à Abbiate-Grasso et gravement menacé sur ses flancs et sur ses derrières. Il ordonna une procession générale[56], qu'il suivit à pied, pour demander à Dieu de dégager son armée de la situation dangereuse où elle se trouvait. Il remercia avec effusion l'Hôtel-de-Ville de Paris d'un prêt opportun de 300.000 écus qu'il lui avait fait, et qui permettait d'assister ses troupes en Lombardie autrement que par des prières. Il demanda par son ambassadeur auprès des cantons huit mille Suisses de plus, et il donna l'ordre à quatre cents hommes d'armes de se réunir sous le duc de Longueville pour aller recevoir ces huit mille Suisses à Ivrée, à la descente des Alpes, et les conduire jusqu'au camp de Bonnivet.

En attendant les secours qu'il avait demandés, l'amiral avait quitté la rive gauche du Tessin. Il avait laissé une faible troupe de mille fantassins et de cent chevaux pour garder Abbiate-Grasso, et il s'était porté avec toute son armée à Vigevano, afin d'assurer ses communications et ses vivres dans la Lomelline. Les confédérés ne l'y laissèrent pas longtemps. Conduits par le duc de Bourbon, le marquis de Pescara et le duc d'Urbin, ils le poursuivirent de leurs incessantes et heureuses attaques. Ils le menacèrent sur sa droite en assiégeant Sartinara, qui fut prise d'assaut avant qu'il pût s'en approcher, bien qu'il se fût avancé jusqu'à Mortara pour la secourir. Tandis que les confédérés s'emparaient de Sartinara, la garnison laissée dans Milan, suivie d'une foule d'habitants armés, marcha sur Abbiate-Grasso, et l'enleva de vive force. Ne conservant rien à sa gauche le long du Tessin, et pressé de plus en plus par les Impériaux, qui le débordèrent vers sa droite, en remontant jusqu'à Verceil, sur la Sesia, Bonnivet, de peur de manquer de vivres à Mortara et d'avoir ses derrières coupés, continua son mouvement de retraite et recula jusqu'à Novare. Il s'y établit, croyant qu'il y serait bientôt joint par les hommes de pied et les hommes d'armes qui descendaient des vallées des Grisons, des cantons suisses et du royaume de France. C'était sa dernière ressource : elle lui manqua. Les Grisons, conduits par Dietingen de Salis, débouchèrent bien vers le Bergamasque ; mais, arrivés à Chiavenna, où ils espéraient trouver de l'argent pour les solder, de l'infanterie pour les soutenir, de la cavalerie pour les escorter, ils ne virent rien. Federico da Bozzolo n'avait pu sortir de Lodi avec sa garnison et aller à leur rencontre. Jean de Médicis occupait et battait le pays. Les confédérés l'avaient envoyé jusqu'à l'ouverture des vallées des Grisons avec quatre mille fantassins italiens, une troupe d'hommes d'armes et de la cavalerie légère, que joignirent les forces vénitiennes, restées sur la rive gauche de l'Adda. Jean de Médicis inquiéta les flancs des Grisons, arrêta leur marche, les contraignit à rebrousser chemin et à rentrer dans leur pays. L'armée impériale, n'ayant dès lors plus à craindre aucune attaque détournée contre Milan, se maintint tout entière à la droite du Tessin. Supérieure en force, encouragée par des succès continus, elle s'avança contre l'armée française, que des échecs et des maladies avaient diminuée et abattue. Elle se plaça à Cameriano, à moins de deux lieues de Novare.

Bonnivet ne pouvait pas demeurer plus longtemps dans cette position. Il n'avait plus d'espérance que dans les huit mille Suisses qui s'étaient mis en route le 12 avril, et qui comptaient trouver au pied méridional des Alpes les quatre cents hommes d'armes destinés à les escorter jusqu'à l'armée française, dont ils devaient renforcer les rangs et sauver les débris. Il quitta Novare, d'où le maréchal de Montmorency, presque moribond, sortit le premier en litière, et il se dirigea vers le haut de la Sosie pour effectuer sa jonction avec les troupes des cantons et les hommes d'armes de France. Il remonta jusqu'à Romagnano, toujours suivi par les Impériaux, qui voulaient le jeter hors de l'Italie. Romagnano est sur la gauche de la Sesia, à l'endroit même où cette rivière sort des montagnes et entre dans la plaine du Piémont. Un peu au delà sur la rive droite, se trouve Gattinara, où arrivaient les huit mille Suisses, sans avoir été joints à Ivrée par la cavalerie du duc de Longueville, qui, demeuré en arrière, n'avait pas encore atteint les Alpes. Ils avaient continué leur marche, fort mécontents, dans l'intention non de s'unir à l'armée française pour qu'elle reprît l'offensive, mais de protéger sa retraite, de dégager leurs compatriotes et de les ramener dans les cantons. Ils étaient de l'autre côté de la Sesia, grossie par les pluies, qu'ils ne voulaient pas franchir[57]. Ne pouvant décider ce corps auxiliaire à passer la rivière, Bonnivet fut réduit à la traverser lui-même avec l'armée fugitive. Il le fit de nuit avec assez de désordre et en perdant beaucoup de monde. La Sesia franchie, il se mit en pleine retraite, poursuivi par les corps les plus avancés des Impériaux, sous Bourbon et Pescara. Blessé grièvement au bras d'un coup d'arquebuse, il abandonna le commandement de l'armée. Il le laissa au comte de Saint-Paul et au chevalier Bayard, chargés de diriger cette difficile retraite.

Le vaillant chevalier était aussi un expérimenté capitaine. Il se mit à l'arrière-garde avec quelques compagnies d'hommes d'armes et quelques bandes suisses que commandait Jean de Diesbach. Il couvrait la marche de l'armée française, qui se retirait à grands pas. Lorsque les plus hardis des confédérés s'approchaient trop, il les chargeait à la tête de ses hommes et les faisait reculer. C'est à la suite d'une de ces charges que l'un de ses plus valeureux compagnons, le seigneur de Vandenesse, frère du maréchal de La Palice, reçut une blessure à laquelle il succomba peu de temps après, et que lui-même fut mortellement atteint d'un coup d'arquebuse. La balle lui fracassa les reins. Il se fit descendre de cheval et placer sous un arbre en face de l'ennemi. Il supplia tous ceux qui étaient autour de lui de pourvoir à leur sûreté ; puis, baisant la croix de son épée, après avoir adressé au connétable de Bourbon, qui le consolait, les plus nobles paroles[58], à Dieu les plus touchantes prières, il mourut en humble chrétien, après avoir combattu toute sa vie en héros. La perte du chevalier sans peur et sans reproche, qui avait fait les diverses guerres de Charles VIII, de Louis XII, de François Ier, qui, aussi avisé qu'intrépide et non moins réfléchi qu'entreprenant, était entré le premier dans Gênes, avait décidé par sa bravoure la prise d'assaut de Brescia, avait été l'un des vainqueurs d'Agnadel, de Ravenne et de Marignan ; la mort de l'incomparable preux par lequel François Ier avait voulu être armé chevalier sur le champ de bataille à la suite de sa première victoire, jeta la consternation dans l'armée et répandit le deuil parmi ses ennemis mêmes[59]. Dès ce moment la retraite ne fut plus conduite que par le comte de Saint-Paul ; elle s'opéra rapidement sans être beaucoup inquiétée, les confédérés cherchant encore plus à pousser hors de l'Italie les débris de l'armée fugitive qu'à l'anéantir. Les Suisses se retirèrent par le val d'Aoste, et les Français rentrèrent dans leur pays par Suze et Briançon, où ils trouvèrent, mais trop tard, les quatre cents hommes d'armes qu'amenait le duc de Longueville.

C'était pour la seconde fois que François Ier perdait le Milanais ou se trouvait impuissant à le reprendre. Bonnivet n'avait été ni plus heureux ni plus habile que Lautrec. Les dernières places que le roi tenait encore en Italie se rendirent. Bussy d'Amboise et Federico da Bozzolo capitulèrent dans Alexandrie et dans Lodi, où ils ne pouvaient plus être secourus, et le château de Crémone, qui avait résisté plus de deux ans, ouvrit ses portes. Les garnisons de ces places prirent le chemin de la France, qui allait être exposée à une invasion.

 

V

Dans le moment où les deux armées française et impériale étaient à peu de distance l'une de l'autre occupant le Milanais, la première à la droite, la seconde à la gauche du Tessin, des négociations s'étaient engagées par l'entremise de Clément VII. Le nouveau pape, à l'élection duquel l'empereur avait travaillé avec tant de confiance et le roi de France s'était opposé si vivement, n'avait pas tardé à montrer à Charles-Quint qu'il avait peu à espérer, et à François Ier qu'il ne devait rien craindre de lui. Il changea de sentiments en changeant de position ; mais il le fit sans résolution comme sans franchise. Sa politique eût été habile, s'il avait su la rendre forte. Elle était tout à la fois d'un souverain pontife et d'un prince italien. Pape, il aurait voulu pacifier les rois chrétiens pour arrêter les Turcs, qui, s'avançant vers l'Europe orientale, envahissaient la Hongrie, et pour comprimer l'hérésie de Luther, qui se répandait sans obstacle en Allemagne. Chef territorial de l'Italie centrale, il redoutait dans la péninsule la prépondérance d'un des dangereux contendants qui se la disputaient. Il aurait désiré les y contenir tous deux sous la médiation pontificale et sous la surveillance des États italiens con- fédérés, et empêcher que l'entière défaite de l'un n'y établît la domination absolue de l'autre. La paix en Europe et l'équilibre de l'Italie furent les grands desseins qu'il tenta par de petites manœuvres. S'il avait été plus hardi et moins artificieux, s'il s'était servi de la puissance dont il disposait, en sa double qualité de pape et de prince, avec la résolution entreprenante d'un Jules II, il aurait pu atteindre le but qui se déroba constamment à ses tortueuses recherches.

Très-peu de temps après être monté sur le trône pontifical, Clément VII se détacha de ceux qui l'y avaient élevé et se rapprocha de ceux qui l'en avaient repoussé. Il le fit en usant d'artifice, sans rompre avec les uns et sans s'unir aux autres. Il ne sortit pas brusquement de la ligue que son prédécesseur Adrien VI avait conclue avec l'empereur, et dans laquelle étaient entrés les Vénitiens, les Florentins, les Siennois et les Lucquois ; mais il ne s'y maintint point. Le premier contingent pécuniaire envoyé, il se refusa à en fournir d'autres, prétendant que le trésor pontifical était vide, et que les États confédérés se trouvaient épuisés. Il ne consentit pas à renouveler la ligue, comme l'en pressait Beaurain, qui, du camp impérial, s'était rendu à Rome, par l'ordre de son maître, afin de l'y décider. Il affecta la plus vive reconnaissance envers Charles-Quint, avoua que c'était avec son appui qu'il était arrivé à la dignité pontificale, et dit que, si étant cardinal il avait été son serviteur, à cette heure comme pape il tenait les affaires de l'empereur pour les siennes[60]. En même temps qu'il assurait à l'envoyé de Charles-Quint et au duc de Sessa, son ambassadeur, que les intérêts de l'empereur étaient les siens et qu'il n'avait pas de meilleur ami que lui, comme il le verrait bientôt à l'œuvre, il faisait des promesses formelles d'amitié à François Ier. Les représentants de ce prince à Rome, le comte de Carpy et l'ambassadeur Saint-Marsault, lui écrivaient : Le Saint-Père assura, avec paroles encore plus formelles qu'auparavant, ne vouloir en sorte que ce soit favoriser vos ennemis, mais estre bon père universel, et rien moins votre ami que d'eux, et entendre travailler au bien de la paix[61]. Il prétendit avoir refusé aux impériaux et aux Anglais l'argent qu'ils lui demandaient pour la continuation de la guerre en Italie, et d'un autre côté il fit savoir à Charles-Quint qu'il avait rejeté la proposition du roi de France, qui lui offrait de marier son second fils le duc d'Orléans, depuis Henri II, avec sa nièce Catherine de Médicis, en donnant aux deux époux le duché de Milan pour dot. Il affirmait qu'il tiendrait les engagements pris avec l'empereur[62].

Au fond, Clément VII ne voulait se joindre à aucun des deux adversaires : il désirait mettre un terme à la guerre, et il s'établit bientôt en médiateur pacifique entre les belligérants. Il fit partir de Rome, pour se rendre d'abord en France, puis en Espagne et en Angleterre, Nicolas Schomberg, archevêque de Capoue, avec la mission d'y négocier une trêve qui serait un acheminement à la paix. L'archevêque de Capoue et le dataire Giovan-Matteo Giberto se partageaient la confiance du pape, qui se servit tour à tour de l'un et de l'autre suivant qu'il voulait concilier à ses desseins l'empereur, du côté duquel le premier penchait davantage, ou le roi de France, auquel le second était plus favorable. Nicolas Schomberg arriva à Blois le 27 mars.

Il resta dix jours à la cour de  François Ier, et lui proposa une trêve d'une année. Pendant la durée de la trêve, chacun devait garder ce qu'il possédait en Italie[63]. Celui qui sortirait de ses limites, qui occuperait sur l'autre un territoire fortifié et ne le restituerait pas sans délai, serait l'infracteur de la trêve, et lé pape se déclarerait contre lui avec les Florentins et les autres États d'Italie qu'il pourrait rallier. On devait évacuer l'État de Milan après la trêve, dans laquelle seraient compris les adhérents et confédérés des princes qui l'auraient conclue ; elle se prolongerait au-delà d'un an, si elle n'était point dénoncée trois mois avant l'expiration. On lèverait l'argent pour la défense de la Hongrie dès l'admission de cette trêve, dont le pape serait le protecteur et le conservateur[64].

Tout temporaire qu'il était, l'arrangement proposé au nom du pape avait rencontré des objections des deux côtés. François Ier en acceptait à peu près tous les articles, mais il n'avait pas voulu admettre celui qui permettait de comprendre le duc de Bourbon dans la trêve. Charles-Quint à son tour en rejetait d'autres. Il exigeait que le terme de la trêve fût irrévocablement fixé à la fin d'avril 1525, et qu'on supprimât les expressions d'après lesquelles elle semblait devoir être perpétuelle ; que des réserves fussent faites en faveur du roi d'Angleterre, surtout en ce qui touchait la question de l'indemnité ; qu'on révisât l'article qui obligeait à l'évacuation du duché de Milan, de peur qu'à l'expiration de la trêve, les Espagnols ayant quitté les positions qu'ils y occupaient et s'en étant éloignés, les Français, qui étaient dans le voisinage, n'eussent le temps d'envahir cette partie de la Lombardie ; qu'on ne pratiquât pas plus les Suisses et les Écossais du côté des Français qu'on ne pratiquerait les sujets de François Ier du côté des Anglais et des Espagnols[65].

Pendant que se négociait cette trêve, au sujet de laquelle il était si difficile de tomber d'accord, les événements avaient marché. Loin de réussir dans sa mission, l'archevêque de Capoue écrivait au pape qu'aucune de ses propositions destinées à réconcilier les parties contendantes n'avait été acceptée par elles, et qu'il semblait devoir en sortir de nouvelles guerres. Charles-Quint songeait moins à traiter avec le roi de France qu'à réaliser l'ancien projet d'envahir ses États. Les succès obtenus en Italie lui en suggéraient la pensée, et l'armée victorieuse lui en offrait le moyen. Je vous tiens averty, écrivait-il à son allié Henri VIII, de la bonne opportunité qu'il plaît à Dieu nous donner de pouvoir avoyr l'entière raison de notre commun ennemi... Je vous prie de mettre à effet de vostre costé ce que vous et moi avons dès longtemps désiré, en quoi de ma part je m'efforceray de tout mon pouvoir[66].

Si Charles-Quint était lent, il était opiniâtre. Il exécutait ses projets moins bien qu'il ne les concevait, mais il les faisait réussir en y persistant. Dans sa persévérance était une grande partie de son habileté. Comprenant combien il lui importait de ne pas laisser le roi François Ier reprendre possession du Milanais, il avait entretenu résolument, quoique avec beaucoup de difficulté, l'armée d'Italie, jusqu'à ce qu'elle eût contraint les Français à repasser les Alpes. Cette entreprise, avait-il écrit en Angleterre[67], est la principale. Notre ennemi y emploie toutes ses forces et en fait plus d'estime que de tout son royaume. D'elle dépend l'entière conservation de nos États de Naples et Sicile et de l'empire ; c'est pourquoi nous sommes contraints d'appliquer à cette entreprise tout autant que nous avons. Les derniers succès obtenus par ses généraux en Lombardie le décidèrent à poursuivre son rival en France. Henri VIII fut du même avis ; son ambition s'était réveillée avec ses espérances. L'inutilité des efforts qu'il avait tentés l'année précédente et l'énormité des dépenses qu'il avait faites l'avaient un moment découragé. Il revint alors aux anciens projets d'invasion du royaume de France, dont il revendiqua formellement la possession.

Non-seulement les deux souverains alliés rejetèrent toutes les propositions de paix ou de trêve avec François Ier, mais ils conclurent le 25 mai un nouveau traité[68] contre lui. Il fut convenu par ce traité que le duc de Bourbon franchirait les Alpes à la tête de l'armée victorieuse, dont l'empereur et le roi d'Angleterre fourniraient la solde ; que le roi d'Angleterre conduirait ou enverrait en Picardie des troupes auxquelles se joindraient trois mille chevaux et mille hommes de pied des Pays-Bas ; que l'empereur de son côté pénétrerait en France par le Roussillon[69]. En même temps le premier secrétaire d'État de Henri VIII, sir Richard Pace, que son habileté, éprouvée en plusieurs rencontres, avait fait envoyer récemment encore à Venise, lorsqu'il fallait détacher cette république de l'alliance française, reçut l'ordre de se rendre auprès du duc de Bourbon. Il était chargé d'une mission au succès de laquelle Henri VIII subordonnait sa coopération à l'attaque contre François Ier. Ce que le duc de Bourbon avait refusé à Montbrison et près de La Palice, en traitant avec Beaurain et avec sir John Russell, devait lui être cette fois demandé péremptoirement[70]. Henri VIII exigeait qu'il le reconnût pour roi, et qu'il s'engageât à lui procurer la couronne de France, dont il s'agissait de déposséder François Ier.

Richard Pace arriva le 16 juin à l'armée impériale, qui était encore à Montecalieri, près de Turin[71]. Il pressa Bourbon de jurer fidélité au roi d'Angleterre et de lui prêter hommage comme roi de France. Bourbon hésitait toujours. Il objectait la crainte, s'il prêtait un pareil serment, qu'on ne le sût bientôt ; que le pape Clément VII, en l'apprenant, ne se détachât de l'empereur ainsi que du roi d'Angleterre et ne se déclarât contre eux ; que plusieurs de ses amis de France, et particulièrement ceux qui le supposaient enclin à se faire roi, n'en fussent indisposés, et n'interrompissent les pratiques qu'ils entretenaient avec lui. Il demandait donc que ce serment, auquel il refusait de joindre l'hommage féodal, fût différé dans l'intérêt de la cause commune. L'envoyé de Henri VIII ne cessa point de requérir de lui l'engagement formel que réclamait son maître. Il l'interrogea de la part de ce prince sur les forces avec lesquelles il entrerait en France, sur les intelligences qu'il y avait, sur la route qu'il y suivrait et le but qu'il se proposait d'atteindre[72]. Bourbon lui fit connaître l'état de son armée, ne consentit point à découvrir ses relations, qu'il s'était engagé à tenir secrètes, et affirma qu'il recouvrerait avant peu tout ce qui appartenait au roi Henri, à l'empereur Charles et à lui-même. Lannoy, se rendant l'interprète des intentions que Bourbon laissait enveloppées de quelque obscurité et qui n'étaient pas assez claires pour rassurer l'ambassadeur de Henri VIII, ajouta que le duc entrerait en France pour y couronner la grâce du roi. Quant à la direction qu'il prendrait, le connétable dit que deux chemins s'ouvraient devant lui, l'un par le Lyonnais, l'autre par la Provence. La ville de Lyon, à ce qu'il assurait, n'était fortifiée que d'un côté, et il ne lui semblait pas plus long d'y aller par la Provence que par le Dauphiné. Tout en comptant sur le duc de Savoie, avec lequel il s'était entendu, qui lui offrait des vivres et un libre passage par ses États, il préférait la voie de Provence. En cinq ou six jours, il pouvait passer les montagnes, et, longeant ensuite la mer avec son armée, que seconderait la flotte impériale, il recevrait des secours et des renforts d'Espagne, traverserait un pays fertile, couvert de villes hors d'état de lui résister et n'en ayant pas la volonté, où il ne rencontrerait que deux places fortes, le château de Monaco, dont les portes lui seraient ouvertes, et la ville de Marseille, qu'il prendrait en l'assiégeant. Si le roi François, qui dans le moment n'avait plus d'armée, en refaisait une et lui offrait la bataille, il l'accepterait, et, après l'avoir vaincu, il s'avancerait vers Lyon du côté où cette ville était sans défense. Soutenant qu'il restait quatre mois pour faire de grandes choses, il dit avec résolution et confiance : Si le roi veut sans délai entrer en France, je permets à sa grâce de m'arracher les deux yeux si je ne suis pas maître de Paris avant la Toussaint. Paris pris, tout. le royaume de France est en ma puissance[73]. Il demandait que Henri VIII opérât immédiatement sa descente en Picardie, qu'il prît le chemin suivi l'année précédente par le duc de Suffolk, sans s'inquiéter des hommes d'armes qu'il trouverait devant lui et qui seraient trop faibles pour arrêter sa marche, ou le chemin de la Normandie, moins bien défendue encore, et qu'il s'avançât en droite ligne vers Paris, faible et facile à prendre. Insistant de nouveau sur l'importance qu'avait la possession de cette ville, il ajoutait : Paris en France est comme Milan en Lombardie. De même que si Milan est pris on perd tout le duché, de même, Paris pris, on perd toute la France.

Ce fut quelques jours après que, pressé de plus en plus par l'ambassadeur anglais, le duc de Bourbon consentit à prêter serment de fidélité à Henri VIII. Cette grande trahison envers son pays, qu'il allait envahir, comme envers son prince, qu'il voulait renverser du trône, ne le troubla pas un seul instant. Dévot et vindicatif, il se confessa sans agitation, communia avec ferveur avant de passer la frontière, et il dit à Richard Pace, en présence de quatre de ses gentilshommes : Je vous promets, sur ma foi, de mettre, avec l'aide de mes amis, la couronne sur la tête de notre commun maître[74].

Le besoin d'argent l'avait retenu prés de deux mois au pied des Alpes avec l'armée victorieuse. Avant de toucher deux traites, de 100.000 ducats chacune, que l'empereur lui avait envoyées sur Gênes pour payer la solde arriérée de ses troupes, et de pouvoir mettre celles-ci en mouvement, Bourbon avait demandé que l'invasion de la France s'exécutât en même temps par la Provence, le Languedoc et la Picardie, afin que François Ier, obligé de diviser le peu de forces qui lui restaient, fût si faible partout qu'il se trouvât dans l'impossibilité de résister nulle part[75]. Je suis sur le point, écrivait-il à Charles-Quint[76], de passer outre en France, suivant ce qu'il vous a plu me mander, ayant espoir que, de votre côté, vous ferez diligence et gros effort. De concert avec Lannoy, qui devait, du Piémont, pourvoir aux nécessités de l'expédition, et avec Beaurain, qui devait en faire partie, il avait annoncé à Henri VIII qu'après avoir reçu l'argent de l'empereur, il n'attendait plus que le sien pour entrer en campagne. Nous sommes délibérez, lui disaient-ils[77], de mener dix-neuf mille bons piétons, onze cents lances, quinze cents chevau-légers avec l'artillerie équipée de munitions à l'avenant. Nous espérons, à l'aide de Dieu, faire chose à l'honneur, réputation de l'empereur et de vous, et sommes déterminés à y employer corps, biens, le sang et la vie. Lannoy écrivait peu de jours après au cardinal Wolsey que le roi d'Angleterre pénétrerait sans doute avec une armée considérable, et ne manquerait pas une aussi belle occasion de recouvrer ce qu'il appelait son royaume[78]. Enfin Richard Pace suppliait avec instance le ministre tout-puissant de Henri VIII d'agir vite et résolument dans l'intérêt et pour la renommée de leur maître Al faisait dépendre de lui le succès de l'entreprise, et en mettait le revers sous sa responsabilité dans le cas où il ne prendrait pas les mesures propres à la faire réussir. Il avait la hardiesse de lui dire[79] : Si vous n'avez point égard à ces choses, j'imputerai à votre grâce la perte de la couronne de France.

Le duc de Bourbon traversa les Alpes dans les derniers jours de juin, et pénétra sur le territoire français le 1er juillet[80]. Son armée était moins nombreuse qu'il ne l'avait annoncé à Henri VIII, parce qu'il avait été obligé de laisser de l'autre côté des montagnes les troupes dont il n'avait pas pu payer la solde, et qui devaient le rejoindre plus tard après l'avoir reçue ; mais elle était fort aguerrie. Elle se composait de vieux soldats espagnols, allemands, italiens, qui n'avaient pas quitté le drapeau depuis longtemps, et qui, sous une direction habile, avaient été également victorieux, soit en reprenant le duché de Milan sur les Français, soit en le défendant contre eux. L'habitude du succès leur avait donné une grande confiance, et ils joignaient à la solidité que procure l'expérience guerrière l'élan qu'inspire une constante supériorité. De vaillants chefs étaient à leur tète. Le duc de Bourbon s'était fait suivre du marquis de Pescara[81]. Ce célèbre capitaine n'était d'abord pas disposé à prendre part à une expédition qu'il ne dirigerait point. Il était si propre à commander qu'il ne savait pas se plier à obéir. Le duc de Bourbon flatta son orgueil et le décida à accepter le titre de capitaine général de l'armée dont il conservait lui-même la suprême direction. Afin de lui complaire encore plus, il donna le titre de capitaine général des Espagnols au marquis del Vasto[82], neveu de Pescara, cher à son affection, formé à son école, et l'héritier futur de sa renommée et de sen habileté militaires. Les lansquenets étaient sous les ordres de deux hommes de guerre éprouvés, les comtes de Hohenzollern et de Lodron, avec lesquels se trouvait le fils du fameux George Frondsberg. Des victoires récentes et successives avaient rendu supérieurs aux bataillons suisses ces corps de lansquenets, dont l'obéissance était néanmoins subordonnée à l'acquittement régulier de leur solde.

Dès qu'il eut traversé le Var, le duc de Bourbon s'établit au camp de Saint-Laurent, vers les bords de la mer, pour y recevoir son artillerie, qu'il avait fait transporter sur des navires espagnols et génois. Il comptait y attendre aussi la portion de son armée qu'il avait laissée derrière les Alpes[83]. Le château de Monaco, qui dominait un port favorable à des débarquements de vivres et de canons, et que sa position rendait imprenable, lui avait été ouvert par Augustin Grimaldi, évêque de Grasse et tuteur du jeune Honoré Grimaldi, à qui en appartenait la seigneurie. Ce port abrité devait lui être d'autant plus utile que la flotte française tenait la mer. L'entreprenant Génois André Doria, dont les galères étaient la patrie depuis qu'il avait perdu la sienne, et qui devait conserver à François Ier la supériorité dans la Méditerranée tant que François Ier saurait le garder à son service, avait réuni sa petite flotte à celle que commandait le seigneur de Lafayette. Plus forte que la flotte impériale, placée sous les ordres de Ugo de Moncada, elle avait capturé quelques jours auparavant le prince d'Orange, parti d'Espagne sur un brigantin pour se joindre au lieutenant de l'empereur. Elle attendait dans ces parages les navires ennemis, qui longeaient la côte, et qui devaient porter à l'armée d'invasion des canons, des munitions et des vivres.

L'expédition fut menacée à son début de perdre les moyens sans lesquels elle ne pouvait pas être continuée. Au moment où la flotte espagnole approchait du lieu où Bourbon avait dressé son camp, la flotte française fondit sur elle, et y jeta le désordre et l'effroi. La plupart des navires espagnols prirent le large et retournèrent vers Monaco, où ils débarquèrent l'artillerie ; mais trois galères, dont les mouvements furent moins prompts ou les équipages plus épouvantés, se jetèrent à la côte et furent abandonnées avec les pièces qu'elles portaient par ceux qui auraient dû les manœuvrer et les défendre, et qui s'enfuirent vers la montagne. Elles allaient être prises à la vue même de l'armée, ce qui lui aurait été à la fois un détriment et une honte. Le duc de Bourbon, par une résolution soudaine et avec une rare intrépidité, s'y précipita, au risque d'être tué ou pris. Suivi de quelques arquebusiers espagnols, il monta dans la plus exposée des trois galères, et dit à Pescara et à Beaurain d'en faire autant pour les deux autres. Sauvons, cria-t-il fort haut, l'honneur du camp et de l'empereur ! Tous les trois s'y jetèrent et y combattirent vaillamment. Pendant le reste de la journée, ils essuyèrent le feu de la flotte française, que les arquebusiers espagnols tinrent à distance, et qui n'eut pas la hardiesse d'aborder les trois galères, ni l'habileté de les couler à fond[84].

Après avoir reçu son artillerie et quelques-unes des troupes qu'il avait laissées en arrière, Bourbon partit du camp de Saint-Laurent, où il s'était arrêté près de vingt jours, et s'avança dans l'intérieur de la Provence. Il ne rencontra de résistance sérieuse nulle part. Vence, Antibes, Cannes, Grasse, Fréjus, Draguignan, se rendirent à lui, ce que firent également Lorgues, Hyères, Cotignac, Brignoles, Trets et Tourves. Lorsqu'il fut à deux lieues d'Aix, les consuls de la ville, qu'avait abandonnée le maréchal de La Palice en se repliant avec ce qu'il avait de troupes du côté d'Avignon, sommés de rendre leur ville, vinrent lui en porter les clefs et faire leur soumission. Bourbon entra dans cette capitale du pays le 9 août[85], y reçut le serment des magistrats, et prit dès ce moment le titre le comte de Provence.

Sur toute sa route, il ne cessa de presser l'empereur, par les lettres qu'il lui écrivit ou les messagers qu'il lui dépêcha, de mettre en mouvement l'armée de Catalogne, qui devait se réunir à la sienne sur les bords du Rhône. Ce renfort lui était d'autant plus nécessaire pour gagner le centre de la France, qu'une partie de ses troupes n'avait pas encore franchi les Alpes. Monseigneur, disait-il à Charles-Quint[86], hâtez-vous, je vous supplie, pendant que le roi de France n'est en gros équipage. Il fait lever avec grande diligence Suisses et Allemands. Si vos Allemands et Espagnols étoient joints avec nous, nous serions suffisants pour combattre toute la puissance du roi de France, quelque nombre qu'il sût avoir, et, avec l'aide de Dieu, qui maintient toujours les bonnes et justes querelles, nous aurions victoire. Bourbon comptait également sur la diversion du roi d'Angleterre[87]. Wolsey lui avait annoncé, par le chevalier Gregorio Casale, la très-prochaine arrivée de sir John Russell avec l'argent que devait lui fournir Henri VIII[88]. Il avait en même temps chargé Richard Pace de lui dire qu'une armée était prête à descendre sur la côte de France. Le roi, assurait-il, envoie un grand nombre de chevaux et d'hommes de pied à Douvres pour être transportés à Calais, se réunir avec la cavalerie bourguignonne et les lansquenets des Pays-Bas. Suivi de son armée, il pénétrera eu peu de temps, si le cas le requiert, jusqu'au cœur du pays, comme l'empereur doit y entrer du côté de l'Espagne, ce qui fera que, de son côté, le duc de Bourbon trouvera peu de résistante en marchant en avant. Bourbon s'était avancé sur la foi de la double promesse de Charles-Quint et de Henri VIII ; mais, parvenu à Aix, il n'eut aucune nouvelle ni de l'armée espagnole, ni de l'armée anglaise. Sans avoir reçu le renfort de l'une et appris la descente de l'autre, il eût été téméraire de se diriger vers Lyon.

Dans un conseil où le connétable appela Richard Pace avec le marquis de Pescara, il fut décidé que le chevalier Gregorio Casale serait renvoyé en Angleterre pour demander que les troupes de Henri VIII opérassent sans délai au nord-ouest de la Franco[89]. Il fut décidé de plus qu'on irait mettre le siège devant Marseille. Plusieurs raisons poussèrent à entreprendre ce siège hasardeux : la nécessité de ne pas rester dans l'inaction en attendant que les Espagnols franchissent les Pyrénées et que les Anglais parussent en Picardie ; l'utilité dont serait pour l'empereur la possession d'une ville qui le rendrait maître de ce golfe de la Méditerranée et lui ouvrirait le passage de Barcelone à Gènes ; l'affermissement, par l'occupation d'une place aussi importante, de toutes les conquêtes faites en Provence ; la certitude de laisser soumis les derrières de l'armée d'invasion et d'assurer ses subsistances lorsqu'elle s'avancerait du côté de Lyon et marcherait sur Paris ; l'intimidation que la prise d'une ville bien fortifiée inspirerait à toutes les autres, qui ouvriraient leurs portes afin d'éviter les périls d'un siège et les calamités d'une prise d'assaut ; enfin l'obligation où serait François Ier, s'il voulait secourir Marseille, d'offrir la bataille, qui serait acceptée, et l'impossibilité, s'il était vaincu comme Bourbon l'espérait, de couvrir son royaume sans défense[90].

Dans la nuit du 14 août, le duc de Bourbon, avec le marquis de Pescara et deux mille Espagnols, alla reconnaître lui-même l'assiette et les défenses de Marseille, qu'il avait fait examiner par deux capitaines expérimentés, qui les avaient trouvées extrêmement fortes. Il en parcourut et visita les dehors avec le plus grand soin, et, malgré les évidentes difficultés de l'entreprise, il n'hésita point à s'y engager[91]. Le 19 août, il parut devant la place, que cerna l'armée impériale[92].

 

VI

La ville de Marseille se dressait alors sur un coteau assez spacieux et d'un accès difficile. Au sud, elle descendait jusqu'au port, dont elle couvrait tout le bord septentrional, sans s'être jetée encore vers le bord méridional, où s'élevait l'antique abbaye de Saint-Victor. A T'ouest, elle longeait le rivage de la mer, dont les flots la baignaient en plusieurs endroits. Au nord, elle remontait en amphithéâtre au sommet de la colline, que couronnaient ses tours et ses murailles, à douze ou quinze cents pieds desquelles étaient construites la chapelle et la léproserie de Saint-Lazare. Elle formait du côté de l'est une ligne sinueuse qui, de la porte d'Aix, aboutissait en se courbant à l'extrémité intérieure du port. Ni le Cours, extension de cette ligne, ni la Cannebière, suite du port, n'existaient encore. Ainsi resserrée, se déployant en étages sur un terrain montueux que la mer protégeait des deux côtés et qu'entouraient des deux autres des murailles flanquées de bastions, garnies de tours, précédées de fossés, la ville de Marseille pouvait soutenir un long siège, pour peu qu'on lui donnât le moyen et qu'elle eût la volonté de résister.

Or rien ne manquait à la défense ; tous les préparatifs en avaient été faits de bonne heure. Dès le mois de juin, avant que les Impériaux franchissent les Alpes, François Ier avait envoyé à Marseille le commissaire Mirandel pour la fortifier encore davantage et la mettre à l'abri du danger qui la menaçait. Mirandel fit abattre les deux couvents des dominicains et des frères mineurs, les trois églises de Saint-Pierre, de Sainte-Catherine et de Notre-Dame-de-Bon-Voyage[93], dont les édifices, rapprochés de la ville, auraient secondé l'attaque et gêné la défense. Il fit raser et niveler, dans la même intention, les faubourgs, les maisons de plaisance et les jardins qui s'élevaient à un tir d'arquebuse des deux côtés de l'est et du nord, par où seulement la place pouvait être abordée et assaillie. Les Marseillais, avec un patriotique attachement à la couronne de France, à laquelle le pays de Provence n'était réuni que depuis quarante ans, travaillèrent de leurs propres mains à ces démolitions. Ils déterrèrent les morts ensevelis dans les églises et les portèrent processionnellement avec les images de leurs saints et les objets de leur culte dans l'enceinte de la ville et sous la protection de ses murailles. Il n'y avait ni petit ni grand, dit un témoin de ce triste spectacle[94], qui ne pleurât.

Vers la fin de juin et le commencement de juillet, la garnison sortie de Lodi et beaucoup d'enseignes de gens de pied étaient entrées dans Marseille sous le commandement de Renzo da Ceri, et Chabot de Brion y avait été dépêché par François Ier avec deux ou trois cents hommes d'armes. Outre cette troupe régulière, qui s'éleva à environ quatre mille[95] soldats d'infanterie et de cavalerie, les habitants de Marseille furent organisés en milices par leurs viguiers et consuls. Huit mille d'entre eux, remplis d'une généreuse ardeur, et enrôlés par quartiers sous des capitaines[96], durent veiller à la garde intérieure de la ville, seconder la garnison dans les sorties et la soutenir dans les assauts. François Ier, comprenant que de la conservation de Marseille dépendait la sûreté du royaume, avait pourvu la ville d'armes et de munitions, ainsi que de soldats. Renzo da Ceri, versé dans l'art des fortifications, aussi ingénieux que brave, très-vigilant, et d'une constance inébranlable, avait reçu la principale autorité sur les troupes et devait diriger la défense de la place. Il avait employé le mois de juillet et la première moitié du mois d'août à tout préparer pour repousser l'ennemi[97]. Plusieurs des portes de Marseille furent fermées et terrassées. En avant et en arrière de celles qui restèrent ouvertes, il fit construire des ouvrages destinés à les rendre inabordables. A la porte de la Calade, aboutissant à la pointe orientale du port, et à la Porte-Royale, placée un peu au-dessus et faisant face à l'est, il éleva des bastions entourés de tranchées, garnis de canons et d arquebuses à croc qui balayaient le terrain, de manière à interdire de ce côté l'approche de la place. Tout le monde concourut avec zèle et par quartier à creuser les fossés, à former les boulevards, à exécuter les travaux qui devaient affermir la sûreté commune. Outre les pièces d'artillerie placées sur les remparts, de gros canons en bronze, disposés sur, un monticule intérieur que couronnaient des moulins, hissés sur le clocher de la Major, sur la grande tour construite au sommet du coteau que couvrait Marseille, sur la grande horloge près des Accoules, d'où l'on dominait tous les alentours, battaient principalement la plaine qui s'étendait vers le nord. L'un de ces canons, nommé le Basilic, était monstrueux. Il jetait des boulets du poids de cent livres, et il fallait soixante hommes pour le remettre en place quand il avait tiré. Ayant la mer ouverte et le port libre, pouvant recevoir ainsi des vivres et des secours, protégés par la flotte française, qui, supérieure à la flotte espagnole, stationnait à l'île de Pomègue et devait ajouter ses feux aux feux de la place pour inquiéter l'ennemi, les Marseillais, qu'encourageaient ces puissants préparatifs et qu'animaient les plus patriotiques sentiments, attendirent sans crainte l'attaque de l'armée impériale.

A son arrivée devant Marseille, le duc de Bourbon occupa les hauteurs qui entouraient la ville de l'est à l'ouest : il y dressa son camp ; les lansquenets furent placés non loin du rivage de la mer ; les Espagnols eurent leur quartier vers la plaine Saint-Michel et le chemin d'Aubagne, et les Italiens se postèrent entre les lansquenets et les Espagnols. Le point d'attaque fut pris au nord. Depuis le couvent franciscain de l'Observance jusqu'à la porte d'Aix, sur un espace d'environ mille pas, la place paraissait moins forte. Dans cet espace étaient compris la tour de Sainte-Paule, qui flanquait les remparts au dehors, l'évêché et la vieille église de Saint-Cannat, qui y adhéraient au dedans. C'est par là que les Impériaux résolurent de canonner la ville et de l'assaillir. De la chapelle de Saint-Lazare, où s'établit Pescara, le duc de Bourbon en fit les approches avec prudence. Pendant la nuit, couverts par des gabions, logés dans des tranchées, ses soldats se livrèrent aux travaux de cheminement, qu'on essaya de troubler soit de la ville, soit de la flotte, par des sorties et des descentes ; mais ni les unes ni les autres ne réussirent. Les assiégés durent regagner leurs murailles, et les marins remonter sur leurs navires, après avoir perdu du monde et laissé des prisonniers entre les mains des ennemis.

Le duc de Bourbon plaça sur une hauteur une batterie qui obligea la flotte française, venue vers la plage d'Arenc pour inquiéter le flanc droit de l'armée impériale, à reprendre le large[98]. Il s'avança ensuite de plus en plus, et au bout de quatre jours il se crut assez près de la ville pour la battre en brèche[99]. Le 23, ses canons tirèrent sur les murailles du côté où se trouvait le couvent de l'Observance ; dans la journée même, ils les entamèrent et y firent une ouverture qui, à la partie supérieure, avait une trentaine de pieds d'étendue, mais n'en offrait pas au-delà de six à la base[100]. Les troupes, rendues confiantes par les succès qu'elles avaient obtenus sur les assiégés, repoussés dans les tentatives qu'ils avaient faites pour troubler les opérations du siège, demandèrent à monter à l'assaut. On s'y attendait dans la ville. Renzo da Ceri, Brion et les capitaines des Marseillais, à la tête des troupes et des habitants armés, étaient en bataille sur les remparts, dans les tranchées, au débouché des nies, prêts à recevoir vigoureusement les Impériaux, s'ils paraissaient ; mais ceux-ci trouvèrent la brèche insuffisante, et n'attaquèrent point. Peut-être, en montant à l'assaut avec une impétuosité hardie, eus-sent-ils brisé toute résistance et emporté la ville. Le lendemain, il n'était plus temps. Dans la nuit du 23 au 24, le vigilant Renzo da Ceri, sans perdre un moment et à force de bras, avait fermé la brèche à l'in-teneur avec des tonneaux remplis de terre, des fascines, des pierres, des poutres, et élevé un arrière-rempart à la place où l'ancienne muraille avait été ouverte.

Bourbon et Pescara, croyant leurs canons trop petits ou leur poudre trop faible pour faire de loin une brèche à travers laquelle ils pussent pénétrer dans Marseille, résolurent de s'en approcher davantage. Ils avaient d'ailleurs besoin de ménager leurs munitions, qui n'étaient pas abondantes. Ils cessèrent presque de tirer, et par des tranchées obliqués ils s'avancèrent vers la ville avec l'intention d'en saper les murailles et de les renverser par la mine[101]. En même temps, Bourbon envoya Beaurain devant la tour de Toulon, où étaient des pièces d'un plus fort calibre et un grand amas de poudre et de boulets. Beaurain par terre et Ugo de Moncada par mer devaient assiéger cette forteresse, que ne défendrait point la flotte française, chargée de protéger Marseille à l'ouest et de maintenir libre l'accès du port.

La suspension du feu et le cheminement des Impériaux du côté des murailles menacées par la sape et la mine avertirent les' Marseillais du nouveau danger auquel ils étaient exposés. On prit aussitôt les mesures les plus propres à y faire face. Deux édifices, l'un antique et vénéré, l'église de Saint-Cannat, l'autre vaste et agréable, la résidence de l'évêque, touchaient à la partie des murailles vers laquelle marchaient souterrainement les Impériaux[102]. Ils furent démolis sans hésitation, comme l'avaient été les faubourgs et les maisons des champs des Marseillais, de peur que l'ennemi n'y parvînt et ne s'y logeât. Après avoir ainsi déblayé les remparts de tout ce qui pouvait mettre obstacle à la défense, Renzo da Ceri pratiqua au dedans comme au dehors des tranchées longitudinales très-profondes qui devaient arrêter les travaux des assiégeants. En même temps il ouvrit dans cette direction des contre-mines. Tout le monde mit la main aux nouvelles tranchées. Les femmes elles-mêmes y travaillèrent avec une ardeur non moins patriotique qu'intéressée : elles se croyaient menacées des derniers outrages par Bourbon, aussi redouté qu'exécré dans Marseille, où on l'accusait de vouloir livrer les personnes à la brutalité comme les maisons au pillage de ses soldats, si la ville était prise de vive force. Les plus riches d'entre elles et les plus délicates, ainsi que les plus pauvres et les mieux endurcies à la fatigue, aidèrent à creuser, à déblayer, à fortifier ces tranchées, qui furent achevées en trois jours, et qui, en leur honneur, reçurent le nom de tranchées des dames[103]. Renzo da Ceri les rempara par de hautes levées de terre formant de larges parapets percés de meurtrières, et derrière lesquels étaient placés et abrités de nombreux et habiles tireurs. Ces moyens de défense s'étendaient du couvent de l'Observance et de la tour de Sainte-Paule à la porte d'Aix. Tout en se livrant à ces travaux, les assiégés, par de vives et fréquentes sorties, troublaient les Impériaux dans leurs manœuvres et allaient les inquiéter jusque dans leur camp. Jour et nuit, ils veillaient à la garde de la ville, dont les rues étaient éclairées par des torches et des lanternes qu'on allumait aux fenêtres des maisons, de peur des surprises.

Le duc de Bourbon, malgré son peu de progrès devant Marseille, qu'il n'avait pu ni intimider ni forcer, ne se découragea point ; mais la confiance qu'il avait d'abord inspirée autour de lui commençait à fléchir, et les chefs de ses troupes doutaient beaucoup de la reddition ou de la prise d'une ville qui opposait une résistance aussi opiniâtre Bourbon, dans l'orgueilleuse opinion où il était de son irrésistible ascendant, avait annoncé que Marseille ne tarderait pas à lui ouvrir ses portes, ainsi que l'avaient fait les autres villes de Provence. Pescara le lui rappela avec un ironique à-propos. Le 10 du mois de septembre, vingt-deux jours depuis l'ouverture du siège, un coup de canon tiré de la tour de l'Horloge tua, non loin de lui, dans le quartier de Saint-Lazare, un prêtre qui disait la messe et deux gentilshommes. Au mouvement qui se fit, Bourbon, alors dans le voisinage, s'approcha de Pescara et lui demanda ce que signifiait ce bruit. Sans doute, répondit l'Espagnol en raillant, ce sont les consuls de Marseille qui vous apportent les clefs de la ville[104].

Le duc ne chercha pas moins à s'en rendre maitre. Il la serra de plus près. Il avait reçu pour la solde de son armée cent mille ducats que lui avait apportés sir John Russell de la part d'Henri VIII. Il fut rejoint par une partie des troupes qu'il avait laissées en Piémont. Trois fortes pièces d'artillerie et six canons moyens lui furent amenés, avec une grande quantité de munitions, de la Tour de Toulon, qu'avaient prise le 2 septembre Beaurain et Ugo de Moncada. Les nouvelles les plus impatiemment attendues lui arrivèrent coup sur coup d'Espagne et d'Angleterre, et l'entretinrent dans toutes ses espérances. L'empereur lui avait envoyé le comte de Montfort pour lui annoncer la venue prochaine de l'armée de Catalogne, à laquelle il avait prescrit de pénétrer en France, et Gregorio Casale, arrivé de Londres, lui donna, au nom de Henri VIII et de Wolsey, l'assurance que les troupes anglaises étaient prêtes à descendre en Picardie[105]. Bourbon avait déjà dépêché deux jours avant vers l'empereur le capitaine Locquingham[106], en le conjurant de hâter la marche du corps auxiliaire, sans lequel il ne pouvait rien entreprendre de décisif, et de fortifier sa flotte pour la rendre maîtresse de la mer. Il lui écrivit de nouveau en insistant de plus en plus : Votre affaire, disait-il[107], n'en peut que bien aller, et serons suffisants pour donner la bataille au roi de France. Si nous la gagnons, ce que j'espère Dieu aidant, vous vous en allez le plus grand homme qui oncques fut, et pourrez donner la loi à toute la chrétienté.

Lorsqu'il avait touché l'argent apporté par sir John Russell, il avait remercié Henri VIII et lui avait écrit[108] : Monsieur, je vous supplie très-humblement faire avancer votre armée par-deçà et je mettrai peine de ce côté de vous aller voir en tirant de Lyon à Paris. Croyant alors à la diversion de l'armée anglaise et désirant pour la sienne un nouvel envoi d'argent, il écrivit à Wolsey que dans huit ou dix jours il aurait pris Marseille, et que, dans quinze au plus tard, il comptait être joint par les troupes de Catalogne. Notre délibération, ajouta-t-il[109], est d'aller trouver le roi François, qui est par-deçà le Rosne avec son armée. S'il ne se renforce plus qu'il n'est à présent, j'espère que nous ferons un très-bon service à l'empereur et au roi.

Avant de mettre en batterie les gros canons amenés de Toulon dans son camp, le duc de Bourbon proposa une conférence à Renzo da Ceri et à Chabot, dans l'intention sans doute de leur persuader que toute résistance serait bientôt inutile et de leur offrir une capitulation avantageuse, alors qu'il en était encore temps. Mais Renzo et Brion refusèrent de s'aboucher avec lui ; ils répondirent qu'ils n'entendaient traiter qu'à coups d'arquebuse et de canon. Cependant les Marseillais n'étaient pas sans inquiétude. Malgré l'opiniâtreté heureuse de leur défense et la vigueur persistante de leur résolution, ils craignirent à la longue d'être forcés, s'ils n'étaient pas secourus. Ils envoyèrent en députation auprès du roi deux d'entre eux, Pierre Cépède et Jean Bègue, pour l'informer de ce qu'ils avaient fait jusqu'alors, l'instruire de la reddition de Toulon, lui annoncer que la grosse artillerie destinée à protéger cette place avait été transportée au camp impérial, d'où elle allait battre Marseille et pouvait servir à la prendre, s'il n'accourait pas la dégager. Embarqués dans le port, les deux ambassadeurs de la ville assiégée prirent terre un peu avant l'embouchure du Rhône et s'acheminèrent vers François Ier. Ils le trouvèrent au milieu de son camp, à Caderousse, un peu au-dessus d'Avignon.

Après des retards inévitables, et non sans de grandes difficultés, François Ier était parvenu à refaire une armée. Il avait déployé une activité soutenue et habile en pourvoyant à la défense de Marseille et en rassemblant les troupes à la tète desquelles il se proposait de descendre en Provence. La conspiration du rebelle qu'il allait combattre et le procès de ses complices n'avaient cessé de l'occuper. Ainsi qu'il en avait menacé le parlement de Paris, il avait quelque temps auparavant adjoint à ses membres deux présidents du parlement de Toulouse, deux présidents du parlement de Rouen, le président du parlement de Bretagne et un conseiller du grand conseil, afin qu'ils prononçassent de concert sur les adhérents de messire Charles de Bourbon[110]. Il avait désigné surtout à leur rigueur Aymard de Prie, d'Escars, le chancelier de Bourbonnais Popillon, Desguières et Brion. Les juges procédèrent à de nouveaux interrogatoires, sans faire usage de la torture pour arracher aux accusés des aveux plus étendus. Leur sentence, qu'ils ne prononcèrent pas aussi vite que le désirait François Ier, avait tout l'air d'un acquittement. Sans rien changer au jugement de Brion et de Desguières, ils décidèrent qu'Aymard de Prie, Pierre Popillon et d'Escars seraient élargis et relégués dans telle ville du royaume qu'il plairait au roi de leur assigner[111].

François Ier, en apprenant cette décision, se montra aussi surpris qu'irrité. Il allait partir de Blois pour marcher contre Bourbon, qui venait de pénétrer en Provence ; aussi écrivit-il au Parlement du ton de la défiance, du commandement et de la menace, comme s'il le suspectait de n'être pas défavorable à sa rébellion. Nous avons trouvé vos arrêts fort étranges, vu le temps où nous sommes. Et pour ce, nous vous mandons et expressément enjoignons de n'élargir aucunement les prisonniers, mais de les tenir en bonne et seure garde, en sorte qu'ils ne puissent échapper, et n'y faites faute sur vos vies. Au demeurant, vous avisons que nous allons à Lyon pour empescher que Charles de Bourbon et aultres nos ennemis n'entrent dans notre royaume, ce qu'il nous sera facile de faire, et, à notre retour, vous ferons savoir de nos nouvelles, vous assurant que ledit Charles de Bourbon n'est pas encore en France[112].

Le parlement lui ayant aussitôt répondu qu'il ne passerait outre à l'élargissement, mais qu'il voulait prononcer les arrêts de peur que le peuple ne murmurât et ne l'accusât de refuser justice, François Ier éclata de plus en plus. A ce que nous voyons, lui écrivit-il de la route[113], vous estes délibérés persévérer dans votre erreur et préférer vos volontés particulières à notre honneur, service, et au bien de tout le royaume, voulant déclarer que vous avez fait justice et que nous voulons l'empêcher ; nous ne saurions le souffrir ni permettre, et pour ce nous vous mandons et défendons que vous n'ayez à autrement prononcer les dits arrests, ni élargir les dits prisonniers d'où ils sont, et n'y veuillez faire faute sur tant que craignez à nous désobéir et déplaire, autrement nous en ferons telle démonstration que en sera exemple aux autres. Il continua sa marche, et, comme, des trois citations exigées pour procéder au jugement régulier du connétable contumace, les deux premières avaient été faites dans ses États, François Ier écrivit sept jours après de Bourges de donner contre lui le troisième défaut, sans épuiser les délais et sans plus attendre[114]. Il voulait que le parlement se mît en mesure de le condamner comme rebelle, tandis qu'il allait le combattre comme ennemi public.

L'armée qu'il avait réunie dans la vallée du Rhône était considérable. Bien que les Suisses fussent mécontents de l'inexécution de ses promesses, qu'il eût à se plaindre de leur indiscipline croissante et de leur récent abandon, il avait demandé aux cantons et il avait obtenu d'eux une levée de plus de six mille hommes. Deux corps de lansquenets venus des bords de la Moselle et du pays de Gueldre, et placés sous le commandement de François de Lorraine et de Richard de la Poole, avaient fortifié son infanterie, à laquelle se joignirent plusieurs troupes d'aventuriers français. Ne voyant pas opérer de descente sur la côte de Picardie, il crut, la saison étant déjà avancée, qu'il ne serait attaqué ni par les Anglais ni par les Flamands, et il fit marcher vers le sud du royaume la plus grande partie des hommes d'armes, avec La Trémoille, le comte de Guise et tous les vaillants chefs qui avaient défendu la frontière du nord-ouest contre l'invasion de l'année précédente. Il appela même auprès de lui le jeune roi Henri de Navarre, que le retour de l'armée de Charles-Quint au-delà des Pyrénées, après la prise de Fontarabie, laissait sans inquiétude pour ses propres États, et qui vint le joindre avec une troupe de Gascons. En se rendant au milieu de cette armée, François Ier laissait éclater sa belliqueuse ardeur. Il écrivait le 11 août, de Vienne en Dauphiné, au maréchal de Montmorency avec esprit, mais d'un ton peut-être un peu trop dégagé pour un prince dont le territoire était envahi, le pressant d'accourir auprès de lui et d'amener tous les hommes d'armes qui ne l'avaient pas encore rejoint : Je vous advise que je pars demain de cette ville pour aller droit en mon camp, que je fais dresser à trois lieues d'Avignon. Et pour autant que je ne sçais si l'on parle de la guerre à Blois ou là où vous estes, je vous veux bien advertir qu'il en est ici très grand bruit, et me semble que, si vous en voulez avoir votre part, vous ferez bien de vous hâter et mettre diligence à faire marcher toute la gendarmerie que vous trouverez en chemin[115].

C'est dans ce camp que François Ier reçut les députés de Marseille. Il les accueillit avec grand honneur, loua leur courage comme leur fidélité, et les exhorta à défendre leurs murailles jusqu'à ce qu'il parût devant elles pour en chasser l'ennemi. Il promit de délivrer bientôt leur ville, où fut alors introduit un secours de quinze cents hommes, venus par mer du côté d'Arles et des Martigues avec toute une flottille de bateaux chargés de farine, de vins, de bestiaux[116]. Il remit aux députés, pour leurs compatriotes, une lettre bien propre à les entretenir dans leur courageuse résistance. Nous vous prions, y disait-il[117], estre de bonne volonté et continuer à faire votre devoir comme très-bien et loyalement l'avez fait jusques ici, de quoi vous en sçavons très-bon gré, et croyez que nous reconnoîtrons ci-après les services que nous aurez rendus. De votre loyale fidélité il sera mémoire perpétuelle, et elle servira d'exemple aux autres. Au retour de Pierre Cépède et de Jean Bègue du camp royal, les principaux habitants de Marseille furent convoqués à son de trompe pour savoir le résultat de leur mission et entendre lire la lettre de François Ier. Animés par les éloges et les remercîments du roi, confiants dans ses assurances, les Marseillais s'apprêtèrent à soutenir l'effort de l'ennemi et à repousser l'assaut dont ils étaient menacés.

Bourbon s'était rapproché de la ville par ses tranchées, et il avait mis en batterie les grosses pièces venues de Toulon. Cette artillerie avait tiré avec furie et sans interruption du côté de l'ancienne brèche, entre le couvent de l'Observance et la porte d'Aix. Le 21 septembre, après avoir essuyé plus de huit cent coups de canon, le rempart avait été abattu sur une étendue d'environ cinquante pieds vers le haut, mais de beaucoup moins vers le bas[118]. Dix hommes de front pouvaient pénétrer par cette large ouverture et se précipiter dans la ville. Bourbon, l'ayant trouvée plus que suffisante, fit taire ses canons et mettre son armée en bataille pour monter à l'assaut. Les Marseillais étaient prêts à la bien recevoir. Ils occupaient en bon ordre les fortes positions et les ouvrages défensifs qui s'élevaient aux abords et sur les derrières de la brèche. Près de six mille soldats de toutes armes avaient été distribués dans ces divers postes. Les arquebusiers et les escopettiers, du fond des tranchées et du haut des bastions, devaient par leurs décharges jeter le désordre parmi les assaillants, tandis que les piquiers et les hommes d'armes, tout resplendissants sous leur armure impénétrable, devaient les repousser avec le tranchant des hallebardes et la pointe des lances, si le feu ne les arrêtait pas. Le fossé profond qui avait été creusé entre la brèche et la ville était rempli de poudre, de matières inflammables, de machines à explosion, et le bord intérieur de ce fossé était flanqué d'un rempart large et haut, aussi aisé à défendre que rude à escalader. Outre les nombreuses troupes de la garnison, les habitants de Marseille en armes gardaient les ouvertures des rues barricadées et en occupaient les principales places[119].

C'est contre cette ville protégée par des tranchées qu'il fallait franchir, couverte d'ouvrages qu'il fallait enlever, hérissée de défenseurs qu'il fallait vaincre, que s'avança hardiment le duc de Bourbon avec les Impériaux moins résolus que lui. Le feu qu'ils essuyèrent, à leur approche, les arrêta. Ayant su que derrière la brèche étaient des fossés remplis de poudre, de résine, de pétards, de pointes de fer, et par-delà les fossés un nouveau rempart, ils ne voulurent pas poursuivre l'attaque. L'armée tout entière recula devant le danger d'un assaut qui serait aussi sanglant, et qu'on jugeait devoir être inutile. Les lansquenets, désignés les premiers pour tenter l'escalade de la brèche, s'y refusèrent. Les Espagnols, pressés par Bourbon, n'y consentirent pas davantage. Pescara, qui croyait l'entreprise plus que téméraire, les en détourna lui-même avec sa verve familière. — Les Marseillais, leur dit-il, ont apprêté une table bien couverte pour traiter ceux qui les iront visiter. Si vous avez envie d'aller souper aujourd'hui en paradis, courez-y. Si vous n'y songez nullement, ainsi que je le crois et que je le fais, suivez-moi en Italie, qui est dépourvue de gens de guerre et va être menacée[120]. Sollicités à leur tour, les Italiens refusèrent comme les Espagnols et les Allemands. Bourbon, désespéré et désobéi, dut ramener l'armée dans ses quartiers en renonçant à emporter la ville de vive force ce jour-là.

S'obstinerait-il à camper devant Marseille, si difficile à prendre ? marcherait-il contre l'armée française, qui approchait sous le commandement du roi, et dont l'avant-garde, conduite par le maréchal de La Palice, n'était pas éloignée ? Il n'était plus maitre de ses troupes découragées, qui ne se croyaient ni en mesure d'enlever une place ainsi défendue, ni en état de résister à une armée nombreuse et enhardie. Rien de ce qu'il avait demandé avec tant d'insistance et de ce qui lui avait été plusieurs fois annoncé n'avait été fait par le vice-roi de Naples, par l'empereur, par le roi d'Angleterre. Il était presque abandonné en pays ennemi sans avoir les forces suffisantes pour s'y avancer et même pour s'y soutenir. Lannoy, soit mauvaise volonté comme on l'en accusait, soit impossibilité comme il le mandait plus tard à Charles-Quint, ne lui avait pas envoyé tous les hommes de pied[121] et tous les hommes d'armes qui devaient le rejoindre. C'est ainsi qu'une portion de l'infanterie et de la cavalerie qu'attendait Bourbon lui manqua pendant toute la campagne.

De son côté, Charles-Quint, qui avait donné l'ordre de faire marcher par la frontière de Roussillon les Espagnols et les Allemands[122] qu'il avait en Catalogne, ne pourvut pas avec assez de promptitude et de précision à leur passage ; il le promit de bonne heure, le commanda tard et ne le fit pas exécuter du tout. La lenteur espagnole s'étant ajoutée à la lenteur impériale, ces troupes, tant de fois réclamées et si absolument nécessaires, ne s'étaient pas encore mises en mouvement vers l'automne. Charles-Quint les contremanda, et crut que leur assistance serait utilement remplacée par un envoi d'argent[123]. Après avoir tenu les cortès de Castille afin de se procurer une somme considérable, il avait le projet de se faire accorder aussi des subsides par les Aragonais, les Catalans et les Valenciens. Les Espagnols des divers royaumes s'intéressaient peu à ses entreprises extérieures, mais ils cédaient à ses volontés. La défaite des comuneros les avait disposés à la soumission. Bien qu'ils ne comprissent point l'importance politique et qu'ils n'ambitionnassent pas la gloire onéreuse d'agrandissements lointains, inutiles à leur sûreté et funestes à leurs droits, ils ne se refusaient pas à y concourir de leurs deniers et de leurs soldats.

Quant à Charles-Quint, il visait moins à déposséder François Ier de son royaume qu'à l'abattre sous des revers assez grands pour le contraindre à faire la paix en renonçant à l'Italie et en cédant la Bourgogne. C'était en ce moment le but où tendaient ses efforts. Il avait dépêché à Rome, comme négociateurs de la paix sous la médiation du pape, le seigneur de La Roche, qui y portait neuf projets aboutissant presque tous, par des combinaisons diverses, à rendre le duché de Milan indépendant de la France, et à faire rentrer le duché de Bourgogne sous la domination espagnole[124]. Il crut sans doute alors que le duc de Bourbon, en recevant l'argent nécessaire au payement de l'armée, serait en état de s'emparer de Marseille, et, après avoir pris cette importante ville, de se maintenir dans sa conquête, d'où François Ier ne pourrait le débusquer que par une bataille qu'il ne livrerait point de peur d'y hasarder son royaume. L'échange postérieur de la Provence avec la Bourgogne l'aurait conduit à ses fins. Heureusement il négligea les moyens qui seuls lui auraient permis d'y parvenir.

Henri VIII avait été tenu jusque-là dans l'inaction par de timides conseils et de faux calculs que son ministre Wolsey avait crus profonds. Il n'avait rien voulu exposer à moins d'être certain d'un succès qui dépendait surtout de sa coopération. Pour qu'une armée anglaise descendit en Picardie, il exigeait que le, duc de Bourbon eût pénétré dans l'intérieur de la France, que son arrivée y eût produit une révolution, ou que la défaite de François Ier eût facilité la conquête du royaume, resté sans défense[125]. La promesse d'une diversion n'avait été faite au duc de Bourbon que pour l'encourager dans son entreprise. Aussi Wolsey avait très-mal accueilli les instances de Richard Pace, qui n'avait pas craint de lui écrire qu'il lui attribuerait les revers de l'expédition, s'il négligeait de prendre les mesures propres à en assurer la réussite, et l'accuserait d'avoir fait perdre au roi leur maître la couronne de France. Il lui avait reproché avec une amère ironie la témérité offensante de ses conseils. Vous demandez, lui disait-il[126], que le roi, avec toute la célérité possible, profitant de l'opportunité qu'il a de recouvrer sa couronne de France, s'avance dans ce royaume avec son armée, soit en personne, soit par lieutenant, et, pour faciliter l'entreprise, vous voudriez que je misse en gage mon chapeau de cardinal, mes croix, mes masses et moi-même. Au lieu d'envoyer des troupes, il avait transmis un plan de campagne.

Il répondait à l'ambassadeur de Henri VIII, d'après les délibérations on conseil sur ce qu'il convenait de faire : que le duc de Bourbon devait s'emparer d'abord dos villes de Marseille et d'Arles, et s'engager ensuite dans l'intérieur du pays ; que, tant qu'il resterait en Provence, le roi d'Angleterre ne pouvait s'exposer, ni exposer une armée anglaise à une attaque où le roi François Ier aurait l'avantage ; qu'aussitôt qu'il aurait pris Marseille et Arles, il devait se diriger vers Lyon et s'enfoncer dans les entrailles de la Franco ; qu'en apprenant sa marche, François Ier, ou irait au-devant de lui pour l'arrêter, ou se retirerait sans oser lui livrer bataille ; que, si le roi se hasardait à combattre, le duc le vaincrait ; que, s'il s'enfermait dans Lyon pour défendre cette place, très-faible, le duc l'y prendrait ; que, s'il se retirait en fuyant, le due le poursuivrait. A la nouvelle des progrès du duc, ajoutait-il, Henri VIII ne manquerait pas d'opérer en Picardie la descente dont il faisait les préparatifs : il assemblait déjà quatorze mille Anglais, avait ordonné de lever en Allemagne cinq mille hommes de pied et six mille chevaux, et dépêché vers la gouvernante des Pays-Bas Jerningham, pour recueillir le corps auxiliaire que l'empereur s'était engagé, par le dernier traité, à joindre à l'armée anglaise. Il assurait enfin que les troupes, les charrois, les vivres, les munitions, les attelages de l'artillerie, tout serait pet dans les derniers jours de septembre. et qu'alors le roi d'Angleterre se porterait sur Paris ou sur Rouen, selon que le duc de Bourbon le désirerait[127]. En apportant si peu de concert et tant de lenteur dans l'exécution d'une entreprise qui exigeait de la part de tous les confédérés la promptitude et l'accord, Wolsey empêchait qu'elle ne réussit. Déjà compromise en ce moment par les retards que le vice-roi de Naples avait mis à renforcer l'armée d'invasion en la complétant, par l'imprévoyante inexactitude de l'empereur, qui n'avait pas envoyé en Languedoc les troupes de Catalogne, par l'inaction trop circonspecte du roi d'Angleterre, qui n'avait pas opéré sa descente en Picardie, cette entreprise, dont l'issue aurait pu être si funeste à la France, était totalement ruinée à la fin de septembre.

Après avoir voulu donner l'assaut à Marseille et ne l'avoir pas pu, le duc de Bourbon avait tenu conseil avec les chefs de ses troupes. Ceux-ci avaient trouvé qu'il serait peu sage et fort dangereux de rester plus longtemps devant une ville que le roi de Franco venait délivrer à la tête d'une puissante armée ; ils furent d'avis de lever le siège. Bourbon, dont l'orgueil entretenait l'opiniâtreté, et que la passion portait à l'audace, voulait tout au moins, en abandonnant Marseille, marcher à la rencontre du roi, lui livrer bataille, et rétablir par une victoire l'honneur de l'armée qu'il commandait et les affaires des souverains qu'il représentait ; mais il rencontra pour la bataille la même opposition que pour l'assaut. Ses capitaines dirent que le roi de France n'accepterait pas le combat et ne pourrait pas y être forcé ; qu'il aimerait mieux gagner du temps, les retenir jusqu'à l'hiver en Provence, où les vivres et l'argent leur manqueraient également, les attaquer alors et les détruire ; que leurs soldats, qui n'étaient pas entièrement payés, ne consentiraient ni à se battre ni à rester, et qu'ils commençaient à se mutiner[128]. Ils conclurent qu'il fallait non-seulement lever le siège de Marseille, mais évacuer la Provence et reprendre en toute hâte le chemin de l'Italie. Entraîné malgré lui par les résistances et les dispositions des soldats, il se décida à la retraite. Pendant deux jours il en lit les préparatifs avec lenteur et comme à regret. Il jeta dans la mer des amas de boulets qu'il ne pouvait pas emporter, il enterra quatre gros canons, et envoya, traînées par des chevaux, d'autres pièces à Toulon, d'où elles devaient être embarquées pour Gênes. Les petits canons de campagne furent placés sur des mulets, et, le 29 septembre, l'armée lova le camp en se dirigeant vers les Alpes maritimes.

François Ier s'était rapproché dos Impériaux pendant les derniers jours du siège de Marseille. Quoique ses forces fussent supérieures aux leurs, il ne chercha point à les jeter dans une position semblable à celles où il fut placé lui-même cinq mois après à Pavie, en les pressant entre son armée et la valeureuse garnison qui s'était si bien défendue. Avec mie prudence louable, il n'avait rien voulu hasarder, aimant mieux rester en observation devant des troupes aguerries que de les pousser au désespoir par une attaque inconsidérée et de s'exposer à les rendre victorieuses. Il était assuré que Marseille ne laisserait pas forcer ses murailles, et que les Impériaux, bientôt réduits à évacuer la Provence, regagneraient l'Italie, sinon en désordre, du moins dans l'affaiblissement d'une retraite. Aussi, dès qu'il sut qu'ils avaient levé le camp, il lança sur leurs derrières le maréchal de Montmorency à la tète de quelques compagnies d'hommes d'armes, d'une grande partie de la cavalerie légère et d'une bande d'arquebusiers. Il lui ordonna d'inquiéter leur marche, de les assaillir sans s'exposer, de les accompagner ainsi jusqu'au-delà du Var[129], et de passer ensuite les montagnes à gauche par le col de Tende, afin de le joindre en Italie, où il se rendrait lui-même, avec le gros de son armée, par le col de Suze, après avoir remonté la vallée de la Durance.

La retraite des Impériaux se fit sans désordre. Leur armée s'achemina vers le Piémont en marchant de nuit et de jour. Le vigilant Pescara en dirigeait l'arrière-garde, qui remplaçait dans les mêmes logements l'avant-garde aussitôt que celle-ci avait achevé sa halte et pris un peu de repos. Il tenait à ne laisser tomber personne des siens entre les mains des paysans, ameutés déjà sur les flancs de l'armée impériale, de peur qu'ils ne prissent goût à les poursuivre et à les tuer. Une fois il ne put pas réveiller du sommeil dans lequel ils étaient plongés quelques lansquenets qui avaient trop bu du vin du pays. Les chevau-légers du roi de France paraissaient à l'horizon, et les gons de la campagne n'attendaient que son départ pour égorger les Allemands endormis. Il les fit brûler dans la grange d'où il ne parvenait pas à les faire sortir, et il continua sa retraite avec une inexorable régularité[130]. Les soldats avaient leurs vêtements en lambeaux et manquaient de souliers. Aussi, lorsqu'on tuait des bœufs ou des moutons pour leur nourriture, ils en prenaient plus avidement encore la peau que la chair, pour la couper en lanières et s'en faire des chaussures — abarcas —. Ils disaient, en murmurant contre Bourbon, que c'étaient là les chaussures de brocart qu'il leur avait promises en les conduisant en France.

Tandis que les Impériaux précipitaient leur retraite, poursuivis par le maréchal de Montmorency, François Ier s'était rendu à Aix, afin d'y reprendre possession de la Provence. Il y parut le 1er octobre en maître irrité. Il y fit décapiter le consul de Prat, qui avait prêté serment de fidélité au duc de Bourbon, et avait accepté de lui la charge de viguier. Après avoir rétabli l'autorité royale dans la capitale de la province recouvrée, avoir transmis à la fidèle et courageuse ville de Marseille les témoignages d'une gratitude qu'il promit d'aller lui-même exprimer plus tard, il partit pour l'Italie.

L'invasion de la France avait échoué deux fois, la première fois au nord, la deuxième au sud. Heureusement les confédérés l'avaient moins bien exécutée que conçue ; ils avaient été arrêtés par l'insuffisance de leurs moyens d'attaque et leur défaut de concert, tout comme par la vigueur de la résistance qu'ils avaient rencontrée et qu'ils n'avaient pas prévue. En 1523, Paris, couvert par les places de Picardie, n'avait pas eu besoin de se défendre contre eux ; en 1524, Marseille seule avait suffi à les repousser. La France était de nouveau délivrée, et le théâtre de la guerre allait être transporté encore une fois en Lombardie.

 

FIN DU TOME PREMIER

 

 

 



[1] Mémoires de Martin du Bellay, collection Petitot, vol. XVII, p. 423 et 424. Guichardin la présente comme un peu plus forte. L'armée de Bonnivet se composait, selon lui, de mille ottocento lance, seimila Suizzeri, due mile Grigioni, seimile fanti tedeschi, dodicimile Franzesi, e tremile Italiani. Guicciardini, lib. XV.

[2] Du Bellay, etc., vol. VII, p. 426, 428. — Galeazzo Capella, delle Cose fatte per la restituzione di Francesco Sforza, etc., lib. III. Guicciardini, lib. XV.

[3] Cronica milanese di Gianmarco Burigozzo merzaro, dal 1500 al 1544 ; — dans l'Archivio storico italiano, vol. III, p. 441. — Galeazzo Capella, lib. III.

[4] Du Bellay, vol. VII, p. 427, 428. — Burigozzo, p. 441. — Guicciardini, lib. XV.

[5] Burigozzo, p. 441. — Galeazzo Capella, lib. III.

[6] Attendant que notre armée eust passé sa fureur, et que l'hiver qui estoit proche l'eust mattée. — Du Bellay, Mémoires, p. 428.

[7] Du Bellay, p. 429. — Galeazzo Capella, lib. III.

[8] Il en informait François Ier, qui lui écrivait de Lyon, le 22 octobre, en le complimentant d'avoir resserré la ville de Milan en plaçant des troupes èz lieux d'où elle avoit aide et secours de vivres, de sorte que par ce moyen me rendrez bon compte de la d. ville de Milan, ou que vous essayerez de la forcer si voyez que par ce moyen-là ne la puissiez avoir. Je suis fort aise du bon espoir que avez de bien tost mettre la d. ville en mon obéissance, car ce seroit le jeu gaigné de l'autre costé, à mon très grand honneur, faveur et réputation, et grande deffaveur à tous nos ennemys tant deçà que delà. Lettre de François Ier, à l'amiral Bonnivet et au maréchal de Montmorency. Bibl. nat., mss. Baluze 8471 / 2A.

[9] Burigozzo, p. 442.

[10] Pauli Jovii, Vita Hadriani VI, cap. XVI. — Gerard, Moringi, Vita Hadriani, c. XXV, p. 76, dans Burmann.

[11] Office pour l'expédition et la taxation des bulles et dispenses émanées du pouvoir pontifical.

[12] Ranke, Histoire de la Papauté pendant les seizième et dix-septième siècles, t. I, p. 134.

[13] Sommario del Viaggio degli oratori veneti, etc., 1523, dans Alberi, Relazioni venete, etc., ser. II, vol. III, p. 119.

[14] Pauli Jovii, Vita Hadriani VI, c. XVI.

[15] Dépêche de Rome du 2 décembre, écrite par J. Clerk, R. Pace et Th. Hannibal au cardinal Wolsey. — State Papers, t. VI, p. 196.

[16] Wolsey à mylord de Bath (autographe), 4 oct. 1523, dans Fiddes, the Life of cardinal Wolsey, collections, p. 71 et 72.

[17] Dans cette curieuse lettre inédite du 6 octobre, Henri VIII disait à Charles-Quint : Mon mieulx aimé fils, il me semble couve-nient vous réduyre à mémoire les devises qui ont esté maintes fois entre nous pour l'advancement à ceste dignité pappalle de navire plus entièrement commun conseiller et serviteur mon cardinal d'York... Je vous prye et désire le plus cordialement que faire puy, comme je croy fermement vous avez fait, devant l'arrivée de ces presentes mes lettres, pour votre part, et comme j'ay fait et feray semblablement de la mienne, solliciter, procurer et mectre en avant ceste matière en si effeetuelle manière, qu'elle puisse estre menée il nostre désir, en quFoy faisant, quel honneur, bénéfice, seureté et commodité ensouyvra à nous deux et à nos royaulmes !Arch. imp. et roy. de Vienne.

[18] Mus. Britan., Vespas., c. II, f. 226, olographe.

[19] Lettres de Charles-Quint au duc de Sessa, du 13 juillet et du 14 décembre 1523. Correspondance de Charles-Quint avec Adrien VI et le duc de Sessa, p. 192 et 199.

[20] Conclave Clementis VII, Mss. lat. de la Bibl. nat., n° 5157, in-4°, fol. 104 v°.

[21] L'évêque de Bath et les autres ambassadeurs anglais disent que les trente-neuf voix étaient fort divisées et que the cardinal de Medices with 17 or 18 m°, for hymself or suche as he shold thynke best... — Dépêche du 2 décembre à Wolsey. — State Papers, t. VI, p. 196.

[22] Les vieux cardinaux, comme dans le précédent conclave, étaient au nombre de plus de vingt, formant un parti qui repoussait la candidature de tout cardinal d'un âge peu avancé.

[23] Relation italienne du conclave dans les Mss. Colbert, n° 10415 / 2.

[24] Le 27 septembre, Bonnivet écrivait au duc de Ferrare : Monseigneur, j'envoye présentement à Cremonne jusques au nombre de dix mille hommes de pied, six cents hommes d'armes et une bonne bande d'artillerie, afin de mectre à l'obéissance du roy la ditte ville, et sont chefs de cette entreprise messire Bayart et le seigneur Federic de Bauge (da Bozzolo), lesquels sont dejà près du d. Cremonne... J'escriptz promptement au seigneur Renze (Renzo da Ceri) se joindre incontinent avec la force qu'il a avec mes dicte seigneurs de Bayart et Federic, pour, après l'affaire du dict Cremonne vidée, marcher tous ensemble droit vers la Rommaigne et vous aider à recouvrer et remectre soubz vostre obéissance Rege et Modene, ainsi que j'ai expresse charge et commission du roy de ce faire. (Mss. ancien fonds français de la Bibl. nat., n° 8569, f. 89.) — Il l'avait même poussé par une lettre postérieure à attaquer Parme et Plaisance revenues au Saint-Siège : J'ay pareillement yen ce que avez escript au duc de Ferrare touchant Parme et Plaisance ; je doubte que, après avoir recouvré Rege et Modene, il ne veuille tirer oultre, qu'il ne voit que ayez pris Milan. Lettre de François Ier du 22 octobre, dans Mss. Baluze, n° 8471 / 2A.

[25] Conclave Clementis VII, Mss. n° 5457 v°. — Dépêche écrite de Rome, le 24 octobre, par J. Clerk, Ri. Pace et Th. Hannibal à Wolsey. — State Papers, vol. VI, p. 180.

[26] Dépêche anglaise, du 24 octobre, p. 180.

[27] Dépêche anglaise, du 24 octobre, p. 182.

[28] Conclave Clementis VII, fol. 119.

[29] Dépêche de Rome, du 2 décembre, des ambassadeurs anglais Wolsey. — State Papers, t. VI, p. 196.

[30] Dépêche du 2 décembre, p. 196, 197 et 198.

[31] Ces mots sont en français dans la dépêche anglaise, p. 199.

[32] Le pape a envoyé XX mille escus dès que je veins ysy... Les potentats come Florence, Siene, Luques, n'ont volu paie la contribution de ses trois mois courans, le pape a fait que de Florence vient XXX mille ducas... de Sienne V mille et au plus X, de Lucques V des XV mille des trois mois de la contribution. Lettre de Charles de Lannoy à Charles V, écrite de Milan, le 1er février 1524. — Arch. imp et roy. de Vienne.

[33] Du Bellay, Mémoires, p. 429 et 430.

[34] Galeazzo Capella, lib. III. — Du Bellay, t. XVII, p. 439 à 443.

[35] Sire, cant à Mons. de Bourbon, je ly obeiray en la sorte que Beaurain m'a dit et ly ferey tout le service qui me sera possible. Lettre de Lannoy à Charles-Quint du 26 janvier 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[36] Lettre écrite de Rome, le 7 novembre, par l'évêque de Bath à Wolsey. — State Papers, t. VI, p. 191.

[37] La povreté de cette armée estoit de telle sorte, que si ne fut argent que appourtay de Naples, la dite armée fust desjà rompue. Charles de Lannoy à l'empereur, du 20 février. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[38] Lettre de Beaurain à Charles-Quint, du 25 janvier 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[39] Le connétable avait écrit de Gênes, lorsqu'il allait partir pour la Lombardie et y agir comme lieutenant général de l'empereur, au comte de Penthièvre, alors en Angleterre, de presser Henri VIII de faire une nouvelle descente en Picardie, ce qu'il avait demandé à Henri VIII lui-même (lettres du 18 janvier 1524. Mus. britan, Nero, B. VI, f. 52. — Vitellius, B. VII, f. 26). Il écrivit du camp impérial à Charles V, de concert avec Lannoy et Beaurain : Serions d'avis que deussiez requerir le seigneur roi d'Angleterre de descendre en personne le plus tost que faire se pourroit ou du moins envoyer une bonne armée, laquelle tint le chemin que la dernière a fait, et que de votre part fissiez tout votre effort du costé de Perpignan, que vinssiez à Barcelonne pour vous conduire selon les nouvelles que pourriez entendre, car s'il plaisoit à Dieu que de ce costé votre armée gagnast la bataille de laquelle sommes bien près ou que les Franssois se retirassent, nous marcherions droit par la Prouvensse vers Narbonne, et vous pourriez venir joindre avec votre armée, et seriez puissant assez pour en personne présenter la bataille au roy de France, et, s'il ne la vouloit, pourriez venir droit à Lyon. Lettre du 16 mars 1524. Arch. imp. et roy. de Vienne.

[40] ... Vous esperez dans huit jours après vostre dite lettre de faire parler aultre langage ceulx qui sont dedans Milan et de mectre icelle ville en mon obéissance... — Lettre de François Ier du 27 octobre 1523. — Mss. Baluze, 8471 / 1, f. 180.

[41] Lettre de Charles-Quint à l'archiduc Ferdinand, du 16 janvier 1524, dans Lanz, Correspondance des Kaisers Karl V, t. I, p. 80 à 83.

[42] Lettres de Charles-Quint, du 2 mars 1524, à l'archiduc Ferdinand et au vice-roi de Naples Charles de Lannoy, auxquels il raconte les mouvements de son armée, le siège et la prise de Fontarabie, et les causes de la rentrée de ses troupes en Espagne. Dans Lanz, p. 95 à 98.

[43] Chabot écrivait de Blois, le 1er février 1324, au maréchal de Montmorency : Le roy revint hier de la chasse de Saint-Laurens-des-Eaux, là où il a couru le cerf deux jours ; du passetemps je vous laisse à penser quel il a esté, car pour demourer jusques à dix heures du soir sans revenir au logis, il n'y a gens qui l'ayent mieux fait que nous et bien mouillez. Mss. Clairambault, Mélanges, vol. 36, f. 8789. — Le 19 janvier, le secrétaire Robertet écrivait au même : Le roy fait bonne chère. Ibid., vol. 36, f. 8781.

[44] Il disait à l'amiral de Bonnivet et au maréchal de Montmorency dans sa lettre du 17 septembre : Si vous iray-je veoir le plus tost que je pourray, car je ne seray jamais à mon aise que ne soye joint avec vous et mon armée. Mss. Baluze, v. 8471 / 2A, f. 244. — Dans sa lettre du 18 janvier 1524, il leur annonçait encore qu'il était disposé non-seulement à leur envoyer des troupes, mais à les secourir de sa propre personne. — Mss. Baluze, 8472 / 2, f. 440.

[45] Mss. Dupuy, v. 484, f. 220 v°.

[46] Révélation de Saint-Bonnet, f. 310 à 313.

[47] Aveux de Saint-Vallier, du 23 octobre 1525, f. 206 à 211.

[48] Lettre de François Ier, du 20 décembre. — Mss. 484, f. 306 v° et 307 r°.

[49] Arrêts des 16 et 23 janvier 1524, Mss. 484, f. 321 à 327.

[50] Lettre du 26 février. — Mss. 484, f. 345 v°.

[51] Mss. Dupuy, v. 484, f. 121 r°.

[52] 17 fev. mercredi. Ce jour le seigneur de Saint-Vallier estant en Grève sur l'eschaffault, prest à decoller, ont esté apportées lettres patentes du roy, etc. — Mss. Clairambault, v. 36, f. 8797, et Mss. Dupuy, v. 484, f. 339 v° à 342.

[53] Comme puis nagueres nostre cher et feal cousin conseiller et chambellan le comte de Maulevriers, grand sénéchal de Normandie, et les pareils et amis charnels de Jehan de Poitiers seigneur de Saint-Vallier, nous ayant en très-grande humilité supplié et requis avoir pitié et compassion dudict de Poitiers et en faveur et contemplation d'eulx et des services par eux faicts aux rois nos prédécesseurs, à nous et à nostre royaulme depuis nostre advenement à la couronne et mesmement puis naguères le grand senechal, lequel en monstrant la loyauté, fidélité qu'il nous a et à nostredit royaulme, nous a descouvert les machinations et conspirations faictes contre nostre personne, nos enfants et nostredit royaulme, et en ce faisant nous a préservé des maux qui par icelles nous pouvoient ensuir, nostre plaisir soit commuer et changer la peine de mort, etc. — Mss. Dupuy, p. 342.

[54] Lettre de surséance au parlement, quant à l'emprisonnement, du 20 février, Mss. Dupuy, f. 343 ; — lettre du 23 mars portée au parlement par le seigneur de Vaulx, capitaine de sa garde, ibid., f. 441 r°.

[55] Étienne Pasquier, ordinairement si bien instruit et si exact, en parlant de la fièvre de Saint-Vallier (Recherches de la France, liv. VIII, p. 825), dit que ce dicton est venu de ce que Saint-Vallier fut saisi sur l'eschaffault, au moment où il alloit estre décapité et où il reçut sa grâce, d'une fièvre à laquelle il succomba peu de jours après. Or son testament, fait le 26 août 1539 au château de Pizanson, est dans l'Histoire des comtes de Valentinois et des seigneurs de Saint-Vallier, par André Duchesne, p. 103 et 104 des preuves à la suite de l'Histoire généalogique des ducs de Bourgogne, in-4°, Paris, 1628.

[56] Le jeudi dixième de mars, le roy, estant à Paris venu de Bloys, eut nouvelles par la poste que, le quatrième dudict moye, l'armée qui estoit devant Milan estoit enclose des ennemis... Lors le roy, oyant ces nouvelles, fist faire une belle procession générale à Paris en grande solennité, où il se trouva en personne à pied avec toute la noblesse, etc. — Journal d'un Bourgeois de Paris, p. 147, 148.

[57] Tous les détails de cette fin de campagne sont tirés des lettres inédites du duc de Bourbon, de Charles de Lannoy et de Beaurain à l'empereur, des 1er, 20 février, 6, 15, 16, 18, 27, 28 mars, 17, 18, 20, 23 avril, 2, 3, 5, 24, 26 mai, aux Arch. imp. et roy. de Vienne ; — de Martin Du Bellay, vol. XVII, p. 441 à 452 ; — de Guicciardini, lib. X ; — de Galeazzo Capella, lib. III ; — de Hottinger, Histoire de la Confédération suisse, etc., vol. X, liv. VII, chap. V, p. 75 à 82, de la traduction de M. Vulliemin.

[58] Voyez Symphorien Champier, les Gestes du noble chevalier Bayard, dans les Archives curieuses de l'Histoire de France, par Cimber et Danjou, 1re série, t. II, p. 175 à 177 ; — Du Bellay, t. XVII, p. 441 ; et l'Histoire du chevalier sans peur et sans reprouche, par le Loyal Serviteur ; — collection Petitot, t. XVI, p. 124, 125.

[59] Voici ce que Beaurain écrivait à Charles-Quint : Le capitaine Bayart retourna avec aucuns chevaucheurs françois et quatre on cinq enseignes des gens de pied, si rebouta nos gens et rescouit les pièces d'artillerie que mieulx luy eut vallu laisser perdre, car ainsi qu'il se cuidoit retourner, il eut ung cop de hacquebute duquel il mourut le jour mesme... Sire, combien que ledict Sr Bayart fust serviteur de votre ennemy, si a ce esté dommage de sa mort, car c'estoit un gentil chevalier bien aymé d'ung chacung, et qui avoit aussi bien vesce que fit jamais homme de son estat, et à la vérité il a bien monstre à sa fin, car ce a esté la plus belle dont je ouys oncques parler. La perte n'est point petite pour les François, et aussi s'en trouvèrent-ils bien entonnez, de tant plus que tous ou la plus part de leurs capitaines sont malades ou blessés. Lettre du 5 mai 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[60] Lettre d'Adrien de Croy (Beaurain) à Charles-Quint, du 28 février 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[61] Dépêche du comte de Carpy et de Saint-Marsault à François Ier, du 3 mars 1524. — Mss. Baluze, 8471 / 2A, f. 52 : Et aussy despuy, moi Carpy ay esté devers sa sainteté qui m'a dict et repliqué le semblable et qu'elle tiendra sa parole en cela tout autant que s'il s'en feust fait cinquante contrats. — Ibid.

[62] Lettre de Charles-Quint au duc de Sessa, écrite de Burgos, le 16 mars 1524. — Correspondance de Charles-Quint avec Adrien VI et le duc de Sessa, p. 201, 202.

[63] Ut quisque de prœsenti possidet, ita interim possideat. Lettre du 22 avril, dans les Mss. Bréquigny, v. 90, f. 114.

[64] Papiers de Simancas, Leg. D 34 / 6130.

[65] Simancas, Leg. D 2/615 54/1011.

[66] Lettre olographe du 21 mai 1524. — Mus. Brit., Vespas., c. II, f. 320. Charles-Quint excitait aussi, en le flattant, Wolsey ; il lui écrivait de sa propre main : Monsieur le légat, mon bon amy, j'ai par l'évesque de Badajoz entendu toutes les bonnes choses que le roy mon bon frère et vous lui avez dites touchant le bien de nos communes affaires, desquelles estes le principal conducteur et en qui en avons l'entière confidence, et de ma part me tiens bien votre tenu de la continuelle peine que pour icelles prenez. — Lettre du 6 mai. Mus. Brit., Titus, B. I, f. 328.

[67] Instruction de Charles-Quint à son ambassadeur à Londres, mars 1524. — Mus. Brit., Vespas, C. II, f. 305.

[68] Voyez les Mss. de Bréquigny, vol. 90, f. 153 à 159.

[69] Mss. de Bréquigny, vol. 90, f. 153 à 159. Le maintien du traité de Windsor y était stipulé.

[70] L'un des articles du traité spécifiait que le duc serait abandonné s'il ne prêtait pas serment deux jours après en avoir été requis. — State Papers, vol. VI, p. 291.

[71] A la date du 16 juin, il écrivait à Henri VIII, de concert avec Lannoy et Beaurain, pour lui annoncer que l'empereur avait envoyé 200.000 ducats, et qu'il en attendait 100.000 de lui. Il ajoutait : Avons jà equipé nostre armée à l'avenant de nos finances. Enfin il achevait en disant : Depuis ces lettres escriptes est arrivé monsr vostre ambassadeur maistre Richart, par lequel avons entendu le bon vouloir qu'avez envers nous et de nous ayder en l'affaire de pardeçà de quoi, sire, vous mercyons très-humblement. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI.

[72] La pièce contenant les questions au nombre de douze et les réponses du duc de Bourbon, datée de juin 1521, est au Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 82.

[73] Mus. Brit., Vitellius, B. VI.

[74] Dans une lettre à Henri VIII, du 25 juin, R. Pace lui dit que le duc de Bourbon a prêté le serment de fidélité, mais n'a pas consenti à l'hommage. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 107 à 110.

[75] Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 31 mai 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[76] Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 24 mai. Arch. imp. et roy. de Vienne.

[77] Lettre du 16 juin, écrite par le duc de Bourbon, Lannoy et Beaurain à Henri VIII. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 89.

[78] Lettre du 24 juin. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 99.

[79] Lettre de Pace à Wolsey, du 25 juin. — State Papers, t. VI, p. 314.

[80] Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 10 juillet. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[81] Monseigneur, combien que vous n'ayez rien escrit au marquis de Pescaire de venir avecques moy en cette entreprise, touteffois, voyant que pour vostre service sa venue estoit très-nécessaire, je l'en ay prié, luy offrant l'estat de capitaine général de l'armée soubz moy... C'est un personnaige qui mérite bien ung tel estat. Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 24 mai, écrite de Chivasso. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[82] Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du camp de Draguignan, le 26 juillet.

[83] Lettres du duc de Bourbon et d'Adrien de Croy à l'empereur, du camp de Saint-Laurent, du 10 juillet 1524. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[84] Dans sa lettre du 10 juillet, Bourbon racontait à l'empereur ce qu'il avait fait, très-simplement : Nos ennemis, disait-il, ont contraynt trois de vos galères de se séparer des autres et vindrent geter en terre vers nous, et ne peurent tant fayre noz dits ennemis que maugré eulx n'ayons sauvé tout ce qui estoit dans les dites galères, combien qu'ils nous saluassent à coups de canon... Arch. imp. et roy. de Vienne. — Mais Beaurain, dans sa lettre à Charles-Quint du même jour, faisait le récit que je lui ai emprunté et disait : Si vous eussiez veu mons. de Bourbon, vous l'eussiez estimé ung des hardis gentilshommes qui soient sur la terre, et voyant toutes les galleres de France qui venoient pour prendre les trois vostres, commanda au marquis et à moy d'en garder chacun une, et qu'il garderoit l'autre, et pour ce faire nous monstra le chemin, etc. Ibid.

[85] Lettre du duc de Bourbon à l'empereur, du 10 août. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[86] Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 26 juillet, écrite au camp de Draguignan.

[87] Il écrivait le 10 août à l'empereur : Les Anglois doyvent estre descendus, car aultrement il feroit faulte en notre affaire.

[88] Il arriva le 26 août. Lettre de Richard Pace, écrite le 31 août du camp devant Marseille. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 193.

[89] Longue lettre de Richard Pace à Wolsey, écrite le 31 août, du camp devant Marseille. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 193. Le même jour 31 août, le duc de Bourbon écrivait à Henri VIII : Monsieur, je vous supplie très-humblement faire avancer vostre armée pardeça, et je mettray peine de ce costé suivant le commencement de vous aller veoir en tirant de Lyon à Paris. Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 182.

[90] Lettre de Richard Pace à Wolsey, des 26 et 31 août. — Vitellius, B. VI, f. 193.

[91] Dépêche de Pace, du 31 août. — Vitellius, B. VI, f. 193.

[92] Dépêche de R. Pace du 31 août. — Dans un journal manuscrit du siège de Marseille par Honorat de Valbelle, qui prit part à la défense de la ville, et dont M. Rouard, bibliothécaire de la ville d'Aix, possède une belle copie qu'il a eu l'obligeance de me communiquer, il est dit, à la date du 19 août : Lo camp del dich Borbon ambe (avec) lo dich de Pescairo torneron devant Marseilla, los quais foron festegas (furent festoyés) de nostre artillerie et de los galleros que leu tueron plusors de leu gens.

[93] Journal de Valbelle et Histoire mémorable des choses advenues au pays de Provence à l'arrivée de Monsieur Charles de Montpensier, auparavant connétable de France, en l'an 1524, avec le discours véritable de tout ce qui se passa durant le siège mis devant la fameuse cité de Marseille. — Ce récit a été écrit en français au commencement du dix-septième siècle, surtout d'après les Mémoires de Jean Thierry, dit l'Etoile ; il est à la bibliothèque d'Aix.

[94] Journal du Siège, etc.

[95] Le 1er août, jour où fut faite la revue des troupes. — Journal de Valbelle.

[96] Le seigneur Ransse de Serres, homme fort expérimenté, mit diligence à remparer les murailles, y faire plates-formes, comme aussy fit parachever le grand bolevard dit la plate-forme duquel les murailles ont 28 grands pieds d'espesseur que incontinent fut bien garny d'artillerie. Histoire mémorable mss. d'après Thierry. — Journal mss. de Valbelle.

[97] Soubs quatre capitaines enfans de la dite ville estoient de huit à neuf mille combattans bien armés de cuirasses, arquebutes, arbalètes, piques et autres armes nécessaires à la dite defense, rangés en fort bel et bon ordre qu'il faisoit bon voir marcher par la ville, etc. — Histoire mémorable, etc., d'après Thierri de l'Étoile.

[98] Lettre de R. Pace à Wolsey, du 31 août. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 193.

[99] Journal mss. du siège de Marseille, par Valbelle. — Histoire mémorable, etc., d'après Thierri de l'Étoile.

[100] La broche demeura grande pour lors de cinq cannes (la canne mesurait six pieds) et une canne par le bas. Histoire mémorable, etc.

[101] Richard Pace à Wolsey, du camp devant Marseille, le 31 août. — Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 193.

[102] Quoy voyant le capitaine Ransse et que les ennemys se préparoient merveilleusement pour hatre et invader la ville et parce aussi qu'il sçavoit très bien qu'ils travaillaient aux mines pour faire avec poudre choir les murailles, fit abastre et razer, à l'endroit desdits bolevards et remparts, la belle église de Saint-Cannat tout proche les murailles, eu outre fit mettre à bas et démolir la grand maison de l'évesché qu'estoit une somptueuse maison de plaisance. — Histoire mémorable, etc., d'après Thierri de l'Étoile. — Journal du Siège, etc., par Valbelle, à la date du 29 août.

[103] Cet emplacement conserve encore le nom de boulevard des Dames.

[104] Journal du Siège de Marseille, par Valbelle, à la date du 10 septembre.

[105] Monseigneur... est venu le chevalier Grégoire, qui a aporté nouvelles que les Anglois sont près à dessandre ayant su mon vouloir ; aussy je despesche aujourd'huy homme exprès pour suplyer le roy d'Angleterre de faire dessandre son armée, etc. Lettre du duc de Bourbon à Charles-Quint, du 15 septembre. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[106] Lettres du duc de Bourbon à Charles-Quint, des 13 et 14 septembre. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[107] Lettre du duc de Bourbon à l'empereur, du 15 septembre. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[108] Lettre du duc de Bourbon à Henri VIII, du 31 août. Mus. Brit., Vitellius, B. VI, f. 182.

[109] Lettre du duc de Bourbon au cardinal Wolsey, du 19 septembre. — Mus, Brit., Vitellius, B. VI, f. 201.

[110] Mss. Dupuy, v. 484, f. 355.

[111] Le parlement prononça quelque temps après la peine de mort contre les complices du connétable qui étaient hors de France et réunis à lui. Il condamna, par arrêt du 13 août, à être décapités le comte de Penthièvre, Lurcy, dont le corps devait de plus être mis en quatre quartiers, Tansannes, des Escures, Desguières, Pompérant, Simon, Beaumont, les d'Espinat, de Tocques, Louis de Vitry, François du Peloux, Jean de l'Hospital, Bavant, Nagu, Pouthus de Saint-Romain. Leurs tètes devaient être mises au bout d'une lance, leurs corps pendus au gibet de Montfaucon, leurs biens confisqués, et leurs fiefs incorporés à ceux du roi.

[112] Lettre du 10 juillet. — Mss. Dupuy, v. 484, f. 484 v°.

[113] Autre lettre, mss. Dupuy, f. 486 v°.

[114] Lettre du 25 juillet, mss. Dupuy, f. 486.

[115] Mss. Béthune, v. 8569, f. 62.

[116] Journal du Siège, etc., par Valbelle. — Histoire mémorable, etc., d'après Thierri de l'Etoile.

[117] Cette lettre est dans Ruffi, Histoire de la ville de Marseille, liv. VIII, f. 313.

[118] Et tant tirèrent les ennemis que la bresche nouvelle fut par le dessus large de douze cannes (soixante-douze pieds). Histoire mémorable, etc., d'après Thierri de l'Estoile. — Valbelle, dans le Journal du Siège, la fait moins grande. Il dit qu'après huit cent dix-sept coups comptés tirés contre le rempart, les canons ennemis y feron uno bercho de 6 canos et la vieilho bercho que podia entre de 2 canos que ero en tot 8 canos à la date du 24 septembre. — Un Espagnol qui servait dans le camp de Bourbon, Juan de Oznayo, dit, dans sa Relacion, publiée au t. IX de la Coleccion de documentos inéditos para la historia de España, que la brèche était moins grande, et d'un accès malaise, t. IX, p. 418.

[119] D'après le Journal du Siège, etc., par Valbelle, l'Histoire mémorable, etc., et la Relacion de Juan de Oznayo, t. IX, p. 418-419.

[120] Pauli Jovii, Vita Pescarii. — Illescas, Istoria pontifical y catholica, segunda parte, p. 421.

[121] Lannoy écrivait d'Asti, le 28 septembre, à Charles-Quint que les piétons et les compagnons de gens d'armes que demandait le duc de Bourbon n'avoient peu passer la montaigne depuis la fin d'aoust à cause que ceulx de la montaigne avoient pris le passage de Tende. Il annonçait qu'il allait forcer le passage, mais c'était trop tard, — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[122] Il l'écrivait le 15 août au duc de Bourbon : Mon bon frère... j'ay par suyvant vostre advis faict marcher au quartier de Perpignan les Allemands qu'estoient par deçà lesquels pourront aucunement ayder à divertir la puissance de nostre ennemy. Je suis après pour faire retenir navires pour embarquer enta ou aultres piétons et les envoyer par delà J'ay aussi faict assembler parlement en Aragon et Catheloigne par devant nos viceroys pour se servir treuil et tirer ce qu'ils pourront tirer soit en argent ou gens. Papiers de Simancas, série D, liasse 3, n° 54. Il écrivait la même chose à Lannoy et lui disait de renforcer l'armée de Bourbon et de faire argent de tout pour lui envoyer 100.000 ducats. Simancas, D. 615, 54/4. Il écrivait le 12 août à L. de Praet pour qu'il pressât le roi d'Angleterre afin qu'il envoyât tout au moins 300.000 ducats au duc de Bourbon, comme il le faisait lui-même, pour soutenir l'armée impériale. — Arch. imp. et roy. de Vienne.

[123] Lettre de Charles-Quint au duc de Sessa, du 7 octobre 1524. — Correspondance de Charles-Quint avec Adrien VI et le duc de Sessa, p. 299.

[124] Papiers de Simancas. — Série C, liasse 3, n° 54.

[125] Lettre de Wolsey à Pace, du 28 mai. — State Papers, t. VI, p. 289-290.

[126] Lettre de Wolsey à Pace, du 31 août. — State Papers, t. VI, p. 334.

[127] Lettre de Wolsey à Pace, du 31 août. — State Papers, t. VI, p. 335 à 342.

[128] Lettre du 10 octobre écrite de Rome, par l'évêque de Bath, au cardinal Wolsey. — State Papers, t. IV, p. 355.

[129] Lettres de François Ier à Montmorency, 2, 4, 5, 6 octobre 1524. — Captivité du roi François Ier, in-4°, publié par M. Aimé Champollion-Figeac dans la grande Collection des documents inédits sur l'histoire de France, etc., p. 10 à 19.

[130] Relacion de Juan de Oznayo dans la Coleccion de documentos ineditos, etc., t. IX, p. 420.