CHARLES-QUINT

SON ABDICATION, SON SÉJOUR ET SA MORT AU MONASTÈRE DE YUSTE

 

CHAPITRE VIII. — MORT ET OBSÈQUES DE CHARLES-QUINT.

 

 

Grandes chaleurs et fièvres dangereuses en Estrémadure vers la fin de l'été de 1558. — Refroidissement auquel s'expose l'Empereur en dormant les fenêtres ouvertes pendant la nuit, et attaque de goutte inusitée qu'il a dans cette saison. — Arrivée à Yuste de Garcilaso de la Vega avec une mission de Philippe II. — Pressante intervention de Charles-Quint auprès de la reine de Hongrie pour la décider à reprendre le gouvernement des Pays-Bas. — Récit et examen des funérailles simulées que Charles-Quint, d'après les moines hiéronymites, aurait fait célébrer de son vivant. — Lieu, moment et cause de sa dernière maladie. — Sentiment qu'il a de sa gravité et de son péril. — Ses actes religieux ; son codicille ; son entretien avec Quijada sur le lieu où seront déposés ses restes à côté de ceux de l'Impératrice. — Réponse de la reine de Hongrie, qui consent à retourner dans les Pays-Bas ; contentement qu'en reçoit l'Empereur. — Défaite du comte d'Alcaudete en Afrique cachée à Charles-Quint, de peur que cette nouvelle n'aggrave son mal, dont les paroxysmes deviennent plus rapprochés et plus violents. — Inquiétudes de la princesse doña Juana et de la reine de Hongrie, qui demandent à venir à Yuste pour voir et pour servir l'Empereur. — Refus de Charles-Quint. — Après dix-huit jours de maladie, accès du 17 septembre, qui le laisse vingt-deux heures sans parole et sans mouvement. — Craintes et douleur de ses médecins et de ses serviteurs. — Extrême-onction administrée par Juan Regla. — Viatique que Charles-Quint demande et qu'il reçoit le 20 septembre avec sa pleine connaissance et une grande dévotion. — Son suprême et secret entretien avec Quijada. — Arrivée tardive au monastère de l'archevêque de Tolède Carranza, venu de Flandre et chargé d'une mission de Philippe II auprès de Charles-Quint. — Accueil qu'il reçoit de l'Empereur mourant et assistance religieuse qu'il lui donne. — Dernières paroles de Charles-Quint. — Simplicité touchante et grandeur religieuse de sa mort, survenue le 21 septembre 1558, à deux heures et demie du matin. — Admiration de tous ceux qui en ont été témoins ; lettres qu'ils écrivent au roi Philippe II et à la régente doña Juana. — Désolation de Quijada. — Obsèques de Charles-Quint dans l'église de Yuste. — Dépôt de son corps sous le maître-autel. — Départ successif de tous ceux que la présence de l'Empereur avait conduits ou fait établir à Yuste. — Services religieux célébrés avec une grande solennité en Espagne, en Italie, en Allemagne, dans les Pays-Bas, en l'honneur de Charles-Quint. — Son oraison funèbre prononcée à Valladolid par le Père François de Borja. — Fin de Quijada et de don Juan d'Autriche, qui repose après sa mort à côté de l'Empereur son père. — Visite de Philippe II à Yuste. — Translation, en 1574, des restes de Charles-Quint du monastère de Yuste au monastère de l'Escurial. — Dernières vues sur le règne, la retraite, l'esprit et le caractère de Charles-Quint.

 

Charles-Quint touchait au terme de ses jours. L'éruption des jambes était revenue avec violence. Ne pouvant supporter l'irritation qu'elle lui causait, il eut recours pour s'en délivrer à des moyens dangereux. La démangeaison des jambes, écrivait Mathys le 9 août[1], a recommencé. Elle est très-incommode à l'Empereur, qui fait usage de répercussifs dont il assure se trouver mieux que je ne le suppose. Ces répercussifs me déplaisent, car ils sont très-périlleux. Bien que Sa Majesté me dise qu'elle préfère une petite fièvre à cette démangeaison, je ne pense pas qu'il soit en notre pouvoir de choisir nos maux. Je sais très-bien qu'il pourrait en résulter un mal pire que celui qu'elle a. Plaise à Notre-Seigneur qu'il n'en soit pas ainsi, et puisse-t-il lui donner la santé dont nous avons besoin !

Soumis aux volontés impérieuses de son intraitable malade, le clairvoyant mais timide médecin osait blâmer ses écarts de régime, sans être capable de les arrêter. Il le laissait dormir les portes et les fenêtres ouvertes pendant les nuits d'août, qui, étouffantes le soir, étaient très-fraîches vers le matin[2]. Aussi Charles-Quint prit-il un refroidissement qui lui irrita la gorge et lui donna ensuite un accès de goutte inusité dans cette saison. Le 10 août on fut obligé de le soutenir lorsqu'il alla entendre la messe ; et le 15, fête de l'Assomption, il se fit porter à l'église, où il communia assis[3]. Le lendemain la tête lui tourna, et il eut une sorte de défaillance[4]. Depuis il resta faible, avec du malaise, de la chaleur, et sans appétit, ce qui était un mauvais signe. La saison était marquée par des maladies nombreuses qui régnaient aux alentours du monastère, et qui s'étaient étendues jusqu'à Valladolid et à Cigales. Les fièvres tierces ravageaient la contrée ; beaucoup de gens en mouraient dans les villages voisins ; le comte d'Oropesa en était atteint au château de Jarandilla, et les serviteurs mêmes de Charles-Quint, dont un assez grand nombre étaient malades, n'y avaient pas échappé sur les hauteurs de Yuste[5].

Le temps commença à changer le 28 août Ce jour-là un orage violent se déchaîna sur la montagne, où vingt-sept vaches furent frappées de la foudre[6]. L'air s'en trouva rafraîchi. Jusque-là Charles-Quint s'était occupé d'affaires importantes ou délicates, qui touchaient aux grands intérêts de la monarchie espagnole ou à la concorde un peu troublée de sa famille. Il avait reçu plusieurs visites à Yuste, et il en attendait d'autres. Le comte d'Urueña, avec une suite considérable, était venu lui baiser les mains[7]. Charles-Quint avait été charmé d'apprendre de don Pedro Manrique, premier député au récentes cortès de Valladolid comme procurador du Burgos, ce qui s'était passé dans cette assemblée, close à la fin de juillet, et où avaient été votés un servicio financier ordinaire et un servicio extraordinaire. Don Pedro Manrique allait à Bruxelles informer Philippe II de cette utile assistance, dont il rendit auparavant compte à l'Empereur, qui, sur la recommandation de doña Juana, lui remit une lettre de faveur pour le roi son fils. Cette lettre fut une des dernières qu'il écrivit[8].

En même temps que Pedro Manrique, Charles-Quint avait vu arriver au monastère Garcilaso de la Vega, qui venait de Flandre avec l'archevêque de Tolède Carranza et le régent d'Aragon Figueroa. Garcilaso lui avait apporté des dépêches de Bruxelles et de Valladolid, ainsi que les relations détaillées de tous les événements militaires. Philippe II avait chargé l'archevêque Carranza et le régent Figueroa de ses plus secrètes communications pour son père ; il priait ardemment l'Empereur de décider la reine de Hongrie à reprendre l'administration des Pays-Bas lorsqu'il s'en éloignerait lui-même. Il le conjurait aussi d'intervenir avec son irrésistible autorité auprès du roi de Bohême, son gendre, pour l'obliger à rendre plus heureuse l'infante Marie, qui avait à se plaindre de lui[9].

Charles-Quint lut avidement les lettres et les relations qui lui étaient adressées des Pays-Bas ou envoyées de Valladolid. Il apprit avec satisfaction le bon état où se trouvaient les armées et les affaires de son fils sur la frontière de Picardie après la victoire de Gravelines ; il ne se montra pas moins content du succès qu'avaient obtenu le duc d'Albuquerque et don Carvajal au delà des Pyrénées françaises, où ils avaient fait une excursion et brûlé la ville de Saint-Jean-de-Luz ; enfin il fut soulagé en acquérant la certitude que la flotte turque retournait dans les mers du Levant. Il passa presque toute la journée du 27 août à écrire des lettres pour la régente d'Espagne, la reine de Hongrie[10] et le ministre Vasquez, auquel il disait en terminant : Qu'on ne dépêche pas de courrier en Flandre sans une extrême nécessité, jusqu'à ce que j'aie entendu l'archevêque de Tolède et Figueroa, et répondu à ce que le roi doit m'écrire par eux et à ce que Garcilaso m'a dit de sa part[11].

Le 28, jour du grand orage, l'Empereur eut un long entretien avec Garcilaso de la Vega. Il lui donna oralement et par écrit ses instructions pour la princesse sa fille et la reine sa sœur. Il ne s'expliquait pas sur l'envoi si vivement sollicité de l'infant don Carlos à Yuste, ni sur la translation désirée de la cour dans une autre ville que Valladolid ; mais il pressait, avec les instances les plus grandes et par les raisons les plus persuasives, la reine de Hongrie d'accepter le gouvernement des Pays-Bas. La reine, disait-il, ne doit pas permettre que de notre temps notre maison subisse un affront et un affaiblissement tels qu'elle les subirait si l'honneur et le patrimoine que nous avons hérités de nos pères et de nos aïeux, que nous avons conservés jusqu'ici et pour lesquels elle-même a essuyé tant et de si grandes fatigues, venaient maintenant à se perdre avec infamie pour nous et pour le roi, qui est son fils aussi bien que le mien. Dites-lui que j'ai cette confiance dans sa bonté, ainsi que dans l'amour et l'affection que toujours elle me montra et qu'elle a de même montrés au roi, que, nonobstant ce qui s'est passé là-dessus, soit entre elle et moi, soit avec d'autres personnes, et voyant clairement le danger qui menace notre maison, elle se disposera, sacrifiant toute autre considération, à aller aux Pays Bas pour le prévenir. C'est le plus notable service qu'elle puisse rendre à Dieu, comme le plus grand bien qu'elle puisse faire à tous et à notre maison en particulier, et dont le roi et moi lui aurons le plus d'obligation[12]. Garcilaso partit ensuite pour Valladolid et pour Cigales, avec ordre de revenir au plus tôt à Yuste y rendre compte de la mission dont le chargeait l'Empereur[13]. Le surlendemain de son départ Charles-Quint ressentit la première atteinte de la maladie à laquelle il succomba. Cette maladie, à en croire le récit des moines hiéronymites qu'ont généralement suivi les historiens, aurait été précédée et en quelque sorte causée par des obsèques que Charles-Quint voulut célébrer pour lui-même de son vivant.

Huit jours auparavant, c'est-à-dire lorsque la goutte le quittait à peine, au moment où l'éruption des jambes le tourmentait de nouveau, au milieu de ses vives préoccupations politiques et de ses correspondances les plus multipliées, l'Empereur aurait eu, d'après la chronique du prieur fray Martin de Angulo, la conversation suivante avec Nicolas Bénigne, l'un de ses barberos : Maître Nicolas, sais-tu à quoi je pense ?A quoi, sire ? répondit le barbero. — Je pense, continua l'Empereur, que j'ai là deux mille couronnes d'économies, et je calcule comment je pourrai les employer à faire mes funérailles. — Que Votre Majesté ne prenne pas ce soin, répliqua Bénigne, car, si elle meurt et que nous lui survivions, nous saurons bien les faire nous-mêmes. — Tu me comprends mal, dit l'Empereur ; pour bien cheminer, il y a une grande différence à avoir la lumière derrière ou à l'avoir devant soi. La chronique du prieur de Yuste ajoute que ce fut à la suite de cette conversation que l'Empereur ordonna de faire les obsèques de ses parents et les siennes. Sandoval, qui rapporte la conversation, ne raconte pas les obsèques[14] ; et, comme il les omet, il est probable qu'il n'y croit pas.

Le moine anonyme dont M. Bakhuisen a analysé le manuscrit que vient de faire imprimer M. Gachard, et le Père Joseph de Siguenza, qui l'a probablement copié dans son Histoire de l'ordre de Saint-Jérôme, vont plus loin dans leur récit. Selon eux, Charles-Quint, jouissant d'une santé parfaite et se trouvant mieux disposé que jamais, appela son confesseur Juan Regla et lui dit :

Fray Juan, je me sens bien portant, soulagé et sans douleur ; que vous semblerait-il si je faisais célébrer le service funèbre de mon père, de ma mère et de l'Impératrice ? — Le confesseur approuva le dessein de l'Empereur, qui ordonna sur le-champ de tout préparer pour ces religieuses cérémonies. La célébration en commença le lundi (29 août) en l'honneur de son père, et fut continuée  les jours suivants. Chaque jour, ajoute fray Joseph de Siguenza, l'Empereur y assistait avec son cierge allumé, qu'un page portait devant lui. Placé au pied de l'autel, il suivait tous les offices, en priant avec beaucoup de dévotion dans des Heures assez pauvres et mal ornées. Ces commémorations pieuses étant achevées, il appela de nouveau son confesseur et lui dit : Ne vous paraît-il pas, fray Juan, qu'ayant fait les obsèques de mes proches, je puisse aussi faire les miennes, et voir ce qui arrivera bientôt pour moi ? En entendant ces paroles, fray Juan Regla s'attendrit, les larmes lui vinrent aux yeux, et il dit comme il put : Que Votre Majesté vive nombre d'années, s'il plaît à Dieu, et qu'elle ne nous annonce pas sa mort avant l'heure. Ceux d'entre nous qui lui survivront s'acquitteront de ce devoir, si Notre-Seigneur le permet, comme ils y sont tenus. L'Empereur, qu'animait un esprit plus haut, lui dit : Ne croyez-vous point que cela me profiterait ?Oui, sire, répondit fray Juan, et beaucoup. Les œuvres pieuses que quelqu'un fait pendant sa vie sont d'un plus grand mérite et elles ont un caractère bien plus satisfactoire que celles qu'on fait pour lui après sa mort. Plût à Dieu que nous tous en tissions autant et que nous eussions d'aussi bonnes pensées ! L'Empereur ordonna qu'on préparât tout pour le soir et qu'on commençât aussitôt ses obsèques.

On dressa au milieu de la grande chapelle un catafalque entouré de cierges. Tous les serviteurs de Sa Majesté descendirent en habit de deuil. Le pieux monarque, également vêtu de deuil et un cierge à la main, y vint aussi pour se voir enterrer et célébrer ses funérailles. Il pria Dieu pour cette âme à laquelle il avait accordé tant de grâces pendant la vie, afin que, arrivée au moment suprême, il prit pitié d'elle. Ce fut un spectacle qui arracha des larmes et des soupirs à ceux qui étaient présents, et qui ne l'auraient pas pleuré davantage s'ils l'avaient vu réellement mort. Pour lui, à la messe de ses funérailles, il alla faire l'offrande de son cierge entre les mains du prêtre, comme s'il avait déposé entre les mains de Dieu son âme, que les anciens représentaient par un semblable symbole. Aussitôt, sans laisser passer le milieu du jour, l'après-midi suivante du 31 août, il appela son confesseur, et lui dit combien il était joyeux d'avoir fait ces funérailles, et qu'il sentait dans son âme comme une allégresse qui lui semblait déborder jusque dans le corps.

Le même jour, l'Empereur appela son garde-joyaux, et se fit remettre par lui le portrait de l'Impératrice, sa femme. Il resta un moment à le contempler. Puis il dit au garde-joyaux : Enfermez-le, et donnez-moi le tableau de la prière dans le jardin des Oliviers. — Il regarda pendant longtemps ce tableau, et ses yeux paraissaient répandre au dehors les sentiments élevés qu'il avait dans l'âme. Il le renvoya et dit : Apportez-moi l'autre tableau du jugement dernier. — Cette fois la contemplation fut plus longue, la méditation plus profonde, au point que le médecin Mathys lui dit qu'il prit garde de ne pas se rendre malade en tenant si longtemps suspendues les puissances de l'âme, qui dirigent les opérations du corps. Dans ce moment même, l'Empereur eut un frisson ; et, se tournant vers son médecin il lui dit : Je me sens mal. — C'était le dernier d'août, vers les quatre heures du soir. Mathys lui toucha le pouls, et y trouva un peu d'altération. On le porta aussitôt dans sa chambre, et, dès ce moment, le mal alla toujours en s'aggravant[15].

 

Voilà une scène parfaitement arrangée et à laquelle il ne manque rien. La plupart des historiens l'ont acceptée des moines, et quelques-uns d'entre eux y ont ajouté des détails plus extraordinaires encore. Non-seulement ils ont fait assister Charles-Quint à ses propres funérailles, mais ils l'ont étendu comme un mort dans sa bière. De là il mêlait sa voix à celle des moines qui chantaient sur lui les prières des trépassés[16]. Cette scène singulière est-elle vraie ? La nature de la cérémonie, la santé de l'Empereur, les occupations qui remplissaient son temps, les pensées qui absorbaient son esprit, le témoignage de ses serviteurs qui contredisent les récits des moines, les faits authentiques qui sont en désaccord avec la date assignée à cet acte bizarre, ne permettent guère d'y ajouter foi.

Comment admettre d'abord la cérémonie en elle-même ? L'église catholique la réserve aux morts et ne l'applique pas aux vivants[17]. Accomplie hors de propos, elle perdrait son efficacité avec sa raison, et deviendrait une sorte de profanation. L'Eglise prie pour ceux qui ne peuvent plus prier eux-mêmes. Elle offre à leur intention le sacrifice chrétien, auquel ils sont désormais hors d'état de prendre part. Cet accompagnement pieux et solennel de l'âme dans son passage de la vie périssable à la vie éternelle n'a son mérite et sa grandeur qu'en ayant sa réalité. Il ne doit faire défaut à personne, pas plus que la mort elle-même. L'Église eût été digne de blâme en accordant à la fantaisie déréglée d'un vivant ce qui est consacré à l'utilité spirituelle des morts. Charles-Quint savait bien d'ailleurs qu'il y a plus d'avantage à prier soi-même qu'à être l'objet des prières d'autrui, à s'approprier le sacrifice du Rédempteur par la communion eucharistique qu'à y être indirectement associé par une pieuse sollicitude de l'Eglise. C'est ce qu'il avait fait quinze jours auparavant, et c'est ce qu'il fit bientôt encore. Le reste n'est qu'un supplément religieux, la suprême et immanquable supplication de l'Église en faveur de ceux qui, sortis de ce monde, ne peuvent plus ni se repentir du mal, ni opérer le bien, ni perfectionner leur âme, ni changer eux-mêmes leur destinée.

Ces raisons générales seraient insuffisantes pour douter des obsèques, si elles étaient seules. Elles ne le sont pas. La plupart des circonstances racontées par les moines sont invraisemblables ou fausses. Les chroniqueurs hiéronymites prétendent que Charles-Quint consacra à cette cérémonie deux mille couronnes qu'il avait économisées. D'abord une forte objection s'élève contre l'énormité de la somme pour l'acte. Deux mille couronnes vaudraient au moins soixante-six mille de nos francs[18]. A peine si une très-faible partie aurait pu être employée à des obsèques sans éclat et presque sans dépense. Il est probable, au contraire, comme l'assure Sandoval, que sur cette somme furent pris plus tard les frais des véritables funérailles, dont le service solennel dura neuf jours[19]. D'ailleurs, les forces de l'Empereur ne se seraient guère prêtées aux fatigues d'une semblable cérémonie. Sa santé n'était pas, comme le disent les moines, meilleure que jamais. Il s'était fait transporter le 10 août à l'église, où il avait communié assis ; la goutte ne l'avait quitté que le 24, l'éruption des jambes avait depuis lors succédé à la goutte, et il était peu capable de se rendre à l'autel le 29 et de s'y tenir debout pendant plusieurs matinées de suite. Loin d'avoir les pensées bizarres que le désœuvrement peut suggérer à l'imagination, il était fort sérieusement occupé des besoins de l'État et des intérêts de sa famille ; il avait des décisions à prendre sur les demandes de sa fille, des résolutions à persuader à sa sœur, des conférences à tenir avec les envoyés de son fils, dont il écoutait les uns et attendait les autres ; il donnait des instructions et il écrivait des lettres jusqu'à l'avant-veille de sa maladie mortelle, sans que les infirmités et les affaires lui laissassent beaucoup de repos et de liberté. Dans cette faiblesse physique et avec cette préoccupation morale, il était d'autant moins en mesure et en disposition de consacrer le 29, le 30 et le 31 août aux services funèbres de sa femme, de son père, de sa mère et de lui-même, qu'il avait déjà célébré celui de l'Impératrice le 1er mai, anniversaire de sa mort[20], et que, le 31 août, jour assigné au sien, il était depuis vingt-quatre heures retenu dans sa chambre par la maladie. Si ces invraisemblances et ces impossibilités n'arrêtaient pas, il resterait à expliquer pourquoi ni le majordome de Charles-Quint, ni son secrétaire, ni son médecin, qui mentionnent dans leurs lettres les incidents même ordinaires de sa vie religieuse, surtout lorsqu'ils ont quelque rapport avec sa santé, ne parlent pas d'un événement aussi extraordinaire ; pourquoi, rappelant Je service funèbre de l'Impératrice à l'anniversaire du 1er mai, ils ne disent rien des funérailles anticipées que l'Empereur aurait ordonnées pour lui-même ; pourquoi, ayant raconté qu'il avait été porté le 15 août à l'église, où il avait communié assis, ils se taisent entièrement sur ces étranges obsèques du 31, auxquelles leur maître les aurait conviés, et qui avaient été sitôt suivies de sa mort. Mais ils font bien plus que de s'en taire, ils les démentent indirectement. Leurs récits sont en complet désaccord avec ceux des moines. Le médecin Mathys, qui figure dans la scène racontée par les hiéronymites, ne put pas y être présent le 50, jour où Charles-Quint l'avait envoyé auprès du comte d'Oropesa, à Jarandilla, ni le 31, jour où Charles-Quint était déjà malade dans sa chambre. Lui et Quijada donnent à la maladie de l'Empereur une autre date et une autre cause. Voici ce que dit, à ce sujet, Mathys à Vasquez, le 1er septembre :

Très-illustre seigneur, il y a peu de jours que je vous écrivis que Sa Majesté était dans une disposition passable, mais que l'éruption était revenue, et que, vers le soir, Sa Majesté avait un peu de douleur de tête et avait eu recours aux répercussifs contre l'éruption. Maintenant j'ai à faire savoir à Votre Seigneurie que, mardi passé, 30 du mois d'août, Sa Majesté mangea sur la terrasse, où la réverbération du soleil était très-forte. L'Empereur mangea peu et avec peu d'appétit, comme il me le dit le soir, lorsque je revins de Jarandilla où j'étais allé par son ordre pour l'indisposition du comte d'Oropesa. Pendant que l'Empereur mangeait, il lui survint une douleur de tête qu'il garda tout le reste du jour. Il dormit mal pendant la nuit, et passa plus d'une heure et demie sans sommeil : il eut de la chaleur et but. Le mercredi au matin il se trouva plus soulagé, mais avec de l'accablement et de la soif. Il se leva, mangea peu, et il eut plus d'envie de boire que de manger. Depuis, vers les deux heures, il sentit un peu de froid, et s'endormit quasi une heure. En s'éveillant, il éprouva un froid plus grand qui lui courait par les épaules, l'épine du dos, les flancs et la Il tête, et qui dura jusqu'à sept heures du soir. Alors commença avec douleur et grande chaleur de tête une fièvre qui s'est prolongée dans sa violence jusqu'à six heures du matin d'aujourd'hui 1er septembre, a rendu la nuit très-agitée, et a porté la chaleur de la tête presque au délire. Sa Majesté s'est levée de son lit, a mangé très-peu et n'a pas été quittée par la fièvre, qui est cependant un peu remise. Ce qui m'inquiète en cela, c'est de voir que la fièvre ne cesse point, et de trouver Sa Majesté très-affaiblie à la suite de ce premier paroxysme. Si dans la matinée l'Empereur n'en est pas débarrassé, je suis déterminé à le saigner.

Après avoir prié Vasquez de communiquer ces fâcheuses nouvelles à la princesse doña Juana, Mathys ajoutait en post-scriptum :

On s'aperçoit que Sa Majesté n'est pas sans crainte parce que c'est pour elle une chose nouvelle, qu'une fièvre principalement putride. Aussi a-t-elle songé tout de suite à s'occuper de son testament. Jusqu'ici la fièvre ne paraît pas devoir partir, et il s'est déjà passé vingt-quatre heures[21].

 

Quijada, un peu moins inquiet que Mathys, chercha le même jour à rassurer la princesse, en lui disant que l'Empereur se trouvait un peu mieux ; qu'il avait entendu la messe hors de son lit ; qu'au moment même où il écrivait, vers huit heures du soir, l'Empereur faisait collation avec du sucre rosé, et que la demande du testament ne signifiait rien de sa part, parce qu'il avait voulu s'en occuper en santé[22]. Dans une lettre qu'il adressa aussi à Vasquez, le 1er septembre, il disait : Je crains que cet accident ne soit survenu à Sa Majesté pour avoir mangé avant-hier sur la terrasse couverte. Le soleil était ardent et réverbérait beaucoup. L'Empereur y resta jusqu'à quatre heures de l'après-midi, et lorsqu'il partit de là il avait un peu de douleur de tête. Cette nuit il dormit mal, il pourrait bien se faire que cela eût causé le froid et la fièvre[23].

Le 1er septembre même, Charles-Quint s'entretint de ses dernières dispositions testamentaires avec son majordome et son confesseur. Il se sentit comme frappé à mort. Depuis trente ans il n'avait jamais eu de fièvre sans avoir la goutte[24]. Il voulut ajouter un codicille au testament qu'il avait fait à Bruxelles le 6 juin 1554. Pour que ce codicille fût valable, Quijada demanda à Vasquez, par les ordres de l'Empereur, que Gaztelù fût au plus tôt investi des pouvoirs de notaire public[25], et Gaztelù prévint, de son côté, Vasquez de faire établir par le maître général des postes des courriers et des estafettes sur la route de Valladolid à Yuste, afin de rendre les communications plus promptes entre la résidence impériale et la cour[26]. Chaque jour plusieurs lettres partirent du couvent ou de Quacos pour donner des nouvelles de l'Empereur it la princesse sa fille et au roi son fils.

La maladie alla en empirant. Le 2 septembre, le froid anticipa de neuf heures, et l'Empereur, très-agité, fut dévoré d'une soif ardente[27]. Le paroxysme eut une telle violence, qu'il le mit hors de son jugement, et, lorsqu'il eut cessé, Charles-Quint ne se souvint pas de ce qui s'était passé dans cette journée[28]. A la suite de ce paroxysme, il avait eu des évacuations bilieuses et des vomissements de glaires. On lui demanda s'il voulait qu'on fit venir d'autres médecins ; il répondit que non, et qu'on se bornât à appeler le docteur Corneille Baersdorp, qui était à Cigales, auprès de sa sœur la reine de Hongrie, et qui connaissait sa complexion de longue main[29]. La nuit du 2 au 3 fut pleine d'angoisses ; cependant, comme il était très-fatigué, il s'endormit. Mais, à partir de deux heures après minuit, il ne passa point une demi-heure sans se réveiller. Le matin, la fièvre étant un peu abattue, Charles-Quint, qu'avait surpris la terrible impétuosité du mal, et qui en craignait le retour, se confessa et communia[30]. Il voulait être prêt à la mort et avoir rempli ses devoirs religieux pendant qu'il était encore maître de lui-même, et avant la défaillance redoutée de sa connaissance et de sa volonté.

Vers huit heures et demie, Mathys le fit saigner de la veine médiane ; il lui tira de neuf à dix onces d'un sang noir et corrompu. Cette saignée soulagea et satisfit beaucoup l'Empereur, qui resta sans fièvre, mangea, vers onze heures, peu, mais avec goût, but de la bière et de l'eau rougie, et dormit ensuite deux heures d'un sommeil calme[31]. Comme il conservait encore de la chaleur à la tête, Mathys le saigna de nouveau à la main en ouvrant la veine céphalique, au très-grand contentement de l'Empereur, qui n'éprouvait plus qu'un peu de douleur à la nuque, et qui aurait voulu qu'on lui eût tiré plus de sang, car, disait-il, il s'en sentait plein[32].

Ayant mangé un peu de pain sucré et bu de la bière, le même jour, 3 septembre, entre huit et neuf heures du soir, il eut une forte angoisse vers dix heures ; le pouls s'altéra, et la fièvre, qui revint, le tourmenta jusqu'à une heure du matin. Les deux saignées ne prévinrent pas le paroxysme du 4, qui anticipa de trois heures, n'eut peut-être pas la même violence, puisqu'il ne lui donna point le délire, mais lui causa une soif si ardente et une si insupportable chaleur, qu'il but successivement huit onces d'eau avec du sirop de vinaigre, neuf onces de bière, et que, s'étant débarrassé de sa jaquette, de sa camisole, de ses chaussettes de fil, il resta seulement avec sa chemise et une couverture de soie sur la poitrine. La crise finit, comme les précédentes, par des évacuations et des vomissements de matières putrides[33].

Jusque-là il s'était occupé des dispositions qui devaient être insérées dans son codicille. Il avait fait connaître à Quijada et à Gaztelù ses dernières volontés, et les témoignages de souvenir et de faveur qu'il désirait laisser à chacun des serviteurs qui l'avaient accompagné dans sa retraite. Il avait discuté avec Quijada le lieu de ses funérailles. Dans son testament de Bruxelles, il ordonnait de transporter ses restes à côté de ceux de l'Impératrice, dans la chapelle royale de Grenade, où étaient ensevelis ses aïeux Ferdinand et Isabelle, son père Philippe le Beau et sa mère Jeanne la Folle. Je veux, disait-il avec une pieuse tendresse, que près de mon corps se place celui de l'impératrice ma très-chère et très-aimée femme, que Dieu ait dans sa gloire[34]. Changeant alors de pensée, il souhaitait que le dernier séjour de sa vie devînt celui de son repos éternel. Mais il ne se séparait pas davantage de l'Impératrice, et, s'il n'allait plus se réunir à elle à Grenade, il commandait qu'on l'apportât auprès de lui dans le couvent retiré de Yuste. Quijada combattit ce projet. Il représenta à l'Empereur que le lieu n'avait pas les qualités requises pour recevoir et garder de si grands princes, et il soutint que Grenade convenait infiniment mieux, puisque les Rois Catholiques en avaient fait leur tombeau et celui de leur race. Sans se rendre entièrement aux objections de son fidèle majordome, Charles-Quint se laissa ébranler par elles. L'Empereur me répliqua, écrivait Quijada à Philippe II[35], certaines choses que Votre Majesté saura plus tard. A la fin il s'en remit à Votre Majesté, qui ferait en cela ce qu'elle jugerait à propos. Mais, en attendant que Votre Majesté vienne dans ces royaumes, il veut que son corps soit déposé ici et enterré sous le grand autel de l'église, la moitié en dedans, la moitié en dehors de l'autel, de manière que le prêtre en disant la messe pose les pieds sur sa poitrine et sur sa tête.

Tels étaient les funèbres entretiens de Charles-Quint. Il maintenait toujours les dispositions de son testament, qui consacrait trente mille ducats en rachats de chrétiens captifs, en dots à des femmes pauvres, en aumônes à des nécessiteux cachés, et qui prescrivait de célébrer, peu de temps après sa mort, le service divin pour le repos de son âme dans toutes les maisons monastiques et toutes les églises paroissiales de l'Espagne, et fondait de plus des messes perpétuelles en plain-chant, en demandant que le souverain pontife accordât un jubilé avec des indulgences plénières pour attirer plus de prières autour de sa tombe[36]. Après avoir été purgé le 5 avec de la manne et de la rhubarbe[37], il eut le 6 un accès accablant qui dura de treize à quatorze heures[38], et il resta avec si peu de force, que Quijada ne lui parla de rien. Son délire avait été extrême, et d'ailleurs l'autorisation demandée pour que Gaztelù remplît l'office de notaire n'était pas encore arrivée. Elle arriva dans la nuit du 6 au 7, par un courrier exprès venu de Valladolid, qui apporta des lettres de la princesse doña Juana et des principaux personnages de la cour et des conseils. La grave maladie de l'Empereur les avait tous jetés dans l'anxiété, et la princesse sa fille demandait la permission de se rendre auprès de lui pour le voir et le servir[39].

Le 7 se passa assez bien ; le pouls ne fut pas mauvais, et l'Empereur mangea le soir des œufs et but de l'eau rougie. Cependant l'inflammation intérieure gagna la bouche, qui devint sèche et douloureuse[40]. L'accès du 8 fut moins long que celui des jours précédents sans être moins violent ; l'Empereur en sortit après un fort délire et la face livide[41]. On lui annonça alors l'arrivée de Garcilaso de la Vega et du docteur Corneille Baersdorp, qui venaient de Cigales[42], l'un avec une réponse assez favorable de la reine de Hongrie, l'autre afin de lui prêter le secours de sa vieille mais inutile expérience médicale.

Avant tout Charles-Quint acheva son codicille, qu'il se lit lire, signa et ferma le 9[43]. Le 10, il appela dans sa chambre Garcilaso de la Vega, qui la veille avait été l'un des témoins de son codicille et qui lui rendit compte alors de la mission qu'il lui avait donnée auprès de sa sœur[44]. La reine de Hongrie, que Philippe II avait conjurée de reprendre le gouvernement des Pays-Bas, ne s'était pas rendue aux pressants désirs de son neveu, qu'était venu lui exprimer l'archevêque de Tolède. Elle avait répondu que son âge avancé, sa santé détruite, la résolution bien arrêtée qu'elle avait prise de passer dans la solitude le peu de jours qui lui restaient à vivre, les périls auxquels seraient exposés son honneur et sa réputation si elle entreprenait d'administrer et de défendre des pays difficiles, mal pourvus et près d'être envahis, et surtout le vœu inviolable qu'elle avait fait à Dieu de ne plus s'occuper des affaires de ce monde, ne lui permettaient pas d'accepter un fardeau dont elle avait été obligée de se décharger naguère. Se bornant à donner d'excellents conseils à son neveu, elle lui avait annoncé qu'elle ne quitterait pas sa retraite, pour la dignité et l'entretien de laquelle il devait lui accorder les villes d'Almonacid, de Zorita, d'Albalate et d'Illana, avec leurs revenus et leur juridiction[45].

Mais sa résistance fut moins ferme après qu'elle eut entendu Garcilaso et pris communication des lettres persuasives de Charles-Quint et d'une nouvelle dépêche de Philippe II. Elle écrivit qu'elle n'avait jamais été aussi troublée de sa vie : que l'attachement sans bornes, la vénération, l'obéissance, la soumission qu'elle avait pour l'Empereur, auquel elle désirait complaire en tout, la poussaient à se dépouiller de sa volonté, à ne tenir compte ni de son âge, ni de ses déterminations, ni de ses périls, mais qu'ayant promis à Dieu de ne plus conduire aucun gouvernement, elle ne pouvait enfreindre son vœu sans offenser sa conscience et exposer son âme. Prenant donc un parti moyen, elle offrait de se rendre pour un temps limité dans les Pays-Bas et de concourir à leur administration en présence du roi, sous certaines conditions, mais encore plus par ses conseils que par ses actes. Bouleversée de la maladie de son frère, qu'elle ne croyait cependant pas aussi dangereuse, elle adressait une lettre plus brève que de coutume à Philippe II, à qui elle disait[46] : Je l'ai écrite avec beaucoup de peine, à cause de la maladie de Sa Majesté. Bien que le médecin ait bonne espérance et ne trouve pas que la vie soit en péril, bien que je demeure dans cette confiance, néanmoins là où il y a tant d'amour, il est impossible qu'il n'y ait pas beaucoup d'anxiété. Je ne sortirai d'inquiétude qu'en sachant Sa Majesté entièrement délivrée. Ayant appris qu'elle traverse une grande crise, et ne se gouverne pas comme il serait nécessaire, je demeure bien en crainte.

Charles-Quint éprouva une de ses dernières joies[47] à la nouvelle que la reine de Hongrie s'était laissé ébranler dans ses résolutions jusque-là inflexibles, et qu'elle cédait à demi. Il espéra qu'arrivée dans les Pays-Bas, elle consentirait à en prendre l'entière direction pendant l'absence de son fils. Il renvoya ensuite Garcilaso de la Vega à Valladolid, où il commanda qu'on tînt prêt un sauf-conduit pour le docteur Corneille et dix ou douze personnes qui précéderaient en Flandre la reine de Hongrie. La forte attention qu'il avait donnée à son codicille et le vif intérêt qu'il prit à la relation de Garcilaso ajoutèrent à sa fatigue et le laissèrent plus affaibli[48]. On lui cacha avec soin la défaite et la mort du vieux comte d'Alcaudete[49], qui pouvaient avoir des suites désastreuses pour les possessions espagnoles en Afrique, et dont la nouvelle arriva le 9 à Yuste. Le hasardeux gouverneur d'Oran, ayant fait une alliance avec le dey de Fez et se trouvant à la tête d'une armée de 10.400 hommes, que devaient seconder neuf brigantins chargés de munitions et de vivres, entra en campagne contre le dey d'Alger. Il s'avança par la côte vers Mostaganem, qu'il croyait surprendre et emporter. Mais, attendu par son ennemi, trahi par son allié, qui s'entendaient ensemble, il échoua dans son attaque et fut contraint de battre en retraite. A Mazagran, assailli par Hussan-Pacha, fils du fameux Barberousse, il vit le désordre se mettre dans les rangs des Espagnols, dont la retraite se changea en déroute.

L'issue funeste de cette expédition, où l'armée espagnole périt presque tout entière, où le comte d'Alcaudete fut tué, son fils don Pedro Cardone pris, et où la sûreté d'Oran se trouva compromise, aurait profondément troublé l'Empereur, s'il l'avait connue. On lui épargnait et il fuyait lui-même les émotions. Il ne voulut auprès de lui ni sa sœur ni sa fille, qui désiraient y venir et ne l'osaient pas. Quijada l'ayant prévenu que la reine de Hongrie arriverait à Yuste pour le servir s'il se trouvait plus mal, il répondit qu'elle ne viendrait pas, d'après ce qu'il lui avait fait dire. Quijada ayant ajouté que la princesse doña Juana était dans une grande inquiétude, se tenait prête à partir et n'attendait pour cela que son autorisation, il s'y refusa. Il me répondit que non, en remuant la tête, écrivit Quijada[50], et se tut, car avec le mal de sa bouche il ne parle point ou ne dit que quelques paroles.

La fièvre tierce s'était changée en double tierce depuis le 11, jour où le grand commandeur d'Alcantara arriva de Plasencia à Yuste[51] pour ne plus quitter son cher et glorieux maître jusqu'à sa mort. Les deux médecins Mathys et Corneille purgèrent l'Empereur avec des pilules de rhubarbe. Il était d'une extrême faiblesse[52], bien qu'on essayât de soutenir ses forces, afin qu'il pût lutter contre le mal, en lui donnant tantôt quelques cuillerées de suc de mouton[53], tantôt quelques onces de jus de viande[54], que son estomac délabré gardait difficilement et vomissait presque toujours. Cependant le 16 il éprouva un peu d'amélioration, au moment où pénétrait dans le monastère un courrier envoyé de Lisbonne par la reine Catherine, qui demandait avec sollicitude des nouvelles de son frère, pour le rétablissement duquel elle avait ordonné des prières publiques dans toutes les églises du Portugal[55]. Le grand commandeur annonçait cet heureux changement à Vasquez en ces termes : Il y a entre l'état de Sa Majesté aujourd'hui et celui des jours précédents la différence d'un vivant à un mort4[56].

Mais ce mieux d'un instant fut suivi d'un terrible retour du mal. Dans la nuit même, Charles-Quint, après deux heures d'une agitation inquiète et d'un trouble profond, eut son accès de froid avec une intensité jusqu'alors inconnue. Il eut ensuite un vomissement de bile noire, épaisse, enflammée, et la fièvre chaude le saisit avec une si furieuse violence et une si longue durée, qu'il resta vingt deux heures sans parole et sans mouvement. Cet état effrayant, pendant lequel les médecins lui introduisirent à deux reprises dans la bouche quelques onces d'une boisson d'orge sucrée, sans qu'il pût remuer ni la tête ni la main, se prolongea tout le 17 et ne cessa que le 18 à trois heures du matin[57]. Les médecins craignirent qu'il n'eût pas la force de supporter un autre accès. Cependant le 18 l'Empereur reprit toute sa connaissance, mais il dit qu'il ne se souvenait de rien de ce qui s'était passé la veille[58].

Le onzième paroxysme se déclara le 19, à cinq heures du matin. Dans la nuit, Charles-Quint avait dormi, tait, selon l'usage qu'il n'abandonna pas même au plus fort de son mal, une légère collation, qui était presque immédiatement suivie d'un vomissement, et pris une boisson calmante. Le froid qu'il ressentit fut le plus vif qu'il eût encore éprouvé, et dura de cinq heures du matin à onze heures. Lorsque la chaleur commença, les médecins crurent que l'Empereur, dont les forces paraissaient épuisées, et qui était tombé dans le même silence et la même immobilité que la veille, succomberait pendant l'accès, et ils demandèrent qu'on lui administrât l'extrême-onction[59]. Quijada, par affection et par sollicitude pour son maître, leur résista longtemps : Les docteurs, écrivait-il vers huit heures du soir à Vasquez[60], me disent que le mal augmente et que la force décline, ce qu'ils reconnaissent au pouls. Pour moi, il ne me semble pas que l'Empereur soit aussi près de sa fin ; et aujourd'hui il n'a pas été autant hors de lui que dans le paroxysme passé. Depuis le milieu du jour, j'empêche qu'on ne lui donne l'extrême-onction, craignant, quoiqu'il ne parle pas, qu'il n'en soit ému. Les médecins se sont retournés vers moi et m'ont dit qu'il était temps ; je leur ai répondu que je me tiendrais prêt, qu'ils eussent la main sur le pouls, et qu'ils attendissent au dernier moment. Croyez qu'ils l'ont déjà enterré trois fois, et que cela me va à l'âme et aux entrailles.

Mais, vers neuf heures, les médecins se montrèrent si alarmés, et pressèrent Quijada avec tant d'instance, qu'il se rendit. Le confesseur Juan Regla apporta l'extrême-onction, que Charles-Quint reçut dans son entière connaissance, sans le moindre trouble et avec une grande dévotion[61]. Quijada, bouleversé par cette funèbre cérémonie, ajoutait, en la racontant, ces touchantes paroles[62] : Jugez dans quel état doit être celui qui depuis trente-sept ans sert un maître, et qui le voit ainsi succomber. Qu'il plaise à Dieu de lui donner le ciel, si sa volonté est de le retirer de ce monde ; mais je persiste à dire qu'il ne mourra point cette nuit. Que Dieu soit avec lui et avec nous !

Charles-Quint traversa, en effet, la nuit du 19 au 20 septembre, en résistant encore aux angoisses et à l'accablement du mal ; il était presque sans pouls, et jusqu'au matin on lui dit les prières qui préparent à la mort. Rentré depuis cet instant dans la pleine possession de lui-même, il conserva, peut-être par un dernier effort de sa volonté, la raison la plus nette et la sérénité la plus pieuse jusqu'au moment où il expira[63]. S'étant confessé de nouveau, il voulut communier encore une fois ; mais il craignit de n'en avoir pas le temps, s'il attendait que le viatique lui fût administré avec l'hostie que consacrerait Juan Régla en disant la messe dans sa chambre. Il ordonna donc qu'on allât chercher le saint sacrement au grand autel de l'église. Quijada ne lui croyait pas la force nécessaire à l'accomplissement de cet acte suprême du catholique mourant : Que Votre Majesté considère, lui dit-il, qu'elle ne pourra pas recevoir et faire passer l'hostie. — Je le pourrai, répondit simplement et résolument l'Empereur[64]. Juan Régla, suivi de tous les religieux du monastère, ayant apporté processionnellement le viatique, Charles-Quint le reçut avec la plus grande ferveur, et dit : Seigneur, Dieu de vérité, qui nous avez rachetés, je remets mon esprit entre vos mains. Il entendit ensuite la messe, et, lorsque le prêtre prononça les rassurantes paroles de la rédemption chrétienne : Agneau de Dieu qui enlevez les péchés du monde, il se frappa avec joie et avec humilité la poitrine de sa main défaillante[65].

Avant d'accomplir ces devoirs religieux, il avait donné encore un moment aux sollicitudes terrestres : vers huit heures il avait fait sortir tout le monde de sa chambre à l'exception de Quijada. Celui-ci tombant alors à genoux pour recueillir ses dernières paroles, Charles-Quint lui dit : Luis Quijada, je vois que je m'affaiblis et que je m'en vais peu à peu ; j'en rends grâces à Dieu, puisque c'est sa volonté. Vous direz au roi mon fils qu'il prenne soin de tous ceux qui m'ont servi jusqu'à la mort... et qu'il défende de recevoir des étrangers dans cette maison'[66]. Pendant une demi-heure il lui parla d'une voix basse et lente, mais assurée, de son fils naturel don Juan, de sa fille la reine de Bohême, qu'il aurait voulu savoir plus heureuse auprès de Maximilien, et de tout ce qui restait encore l'objet de ses affections et de sa sollicitude dans le monde qu'il allait laisser. Il le chargea de ses suprêmes recommandations pour Philippe II[67]. Cela fait, il ne songea plus qu'à mourir.

Pendant toute la journée du 20, Juan Régla, Francisco de Villalba et quelques autres religieux du couvent lui récitèrent les prières et lui adressèrent les exhortations que l'Église réserve aux mourants. Il désignait lui-même les psaumes et les oraisons qu'il désirait entendre[68]. Il se fit lire aussi, dans l'Évangile de saint Luc, la Passion du Christ, qu'il écouta les mains jointes avec un profond recueillement[69]. Il fermait quelquefois les yeux en priant, mais il les ouvrait aussitôt qu'il entendait prononcer le nom de Dieu[70].

L'archevêque de Tolède, dont il avait vivement souhaité la venue, à cause de la mission dont l'avait chargé le roi son fils, arriva enfin au monastère vers midi[71]. Carranza s'était rendu bien tard à Yuste et à fort petites journées. Charles-Quint, dont il avait été le chapelain et le prédicateur, l'avait eu en grande estime, à cause de sa science, de sa piété, de sa vertu : il l'avait envoyé comme son principal théologien à Trente, où l'habile et éloquent dominicain s'était fait une immense réputation parmi les Pères du concile. Voulant récompenser ses services religieux et employer activement son zèle, il l'avait désigné deux fois pour être évêque, sans que Caranza, dans son humilité, consentit à le devenir. Il l'avait placé à côté de son fils en 1554, lorsque Philippe II avait épousé Marie Tudor, et que l'Angleterre avait été ramenée violemment au catholicisme. La part trop ardente que Carranza avait prise à cette restauration de l'ancienne croyance, les talents qu'il avait déployés, les succès qu'il avait obtenus, l'avaient rendu cher à son nouveau maître, dont il était comme le directeur religieux en Angleterre et en Flandre, et qui, à la mort du vieux don Juan Martinez de Siliceo, l'avait, de concert avec le pape, nommé archevêque de Tolède, sans qu'il le désirât et même sans que tout d'abord il y consentît. Primat des Espagnes, pour ainsi dire malgré lui, Carranza encourut la haine jalouse de l'inquisiteur général Valdès et fit naître la défiance dans l'esprit de Charles-Quint[72].

L'Empereur s'étonna de son acceptation ; il supposa que son humilité et sa vertu, assez fortes pour résister aux offres d'un évêché ordinaire, avaient fléchi devant le premier siège épiscopal de l'Espagne. A ces impressions défavorables s'étaient ajoutées les accusations plus graves de Valdès, auxquelles devait bientôt succomber le malheureux archevêque. L'inquisiteur général l'avait représenté à l'Empereur comme ayant encouragé par ses leçons les hérétiques espagnols récemment arrêtés à Valladolid et à Séville. Ce qui était vrai, c'est que, sans se séparer en rien de l'Eglise orthodoxe, à laquelle il restait soumis, Carranza s'était rapproché de la doctrine fondamentale des novateurs, et s'était servi de leur procédé de démonstration en introduisant, dans ses Commentaires sur le catéchisme chrétien et dans plusieurs autres ouvrages, le principe de la justification gratuite par la foi dans le Sauveur Jésus-Christ, et en recourant à l'autorité incontestable des livres saints au lieu d'employer uniquement l'autorité traditionnelle de l'Église[73].

Charles-Quint n'était donc pas sans préventions contre lui. Lorsque Quijada l'introduisit dans sa chambre avec les deux dominicains qui l'accompagnaient, don Pedro de Sotomayor et don Diego Ximenez, l'archevêque se mit à genoux auprès du lit de l'Empereur, dont il baisa la main. L'Empereur, qui touchait presque à sa fin, le regarda quelque temps sans rien lui dire, puis, après lui avoir demandé des nouvelles du roi son fils, il l'invita à aller se reposer[74]. Un peu avant la nuit, il recommanda à Quijada de préparer les cierges bénits apportés du célèbre sanctuaire de Notre-Dame de Montserrat, ainsi que le crucifix et l'image de la Vierge que l'Impératrice tenait en mourant, et avec lesquels il lui avait déjà dit qu'il voulait mourir aussi[75]. Peu d'instants après, sa faiblesse augmentant, Quijada rappela l'archevêque de Tolède, afin qu'il assistât l'Empereur dans ses derniers moments[76]. L'archevêque l'entretint pieusement de la mort, en présence du confesseur Juan Régla, du prédicateur Francisco de Villalba, du prieur de Yuste fray Francisco de Angulo, de l'ancien prieur de Grenade, du comte d'Oropesa, de son frère don Francisco de Toledo, de son oncle don Diego de Toledo, du grand commandeur d'Alcantara don Luis de Avila y Zuñiga, et de Quijada, qui étaient tous dans la chambre et autour du lit de l'Empereur. Sur la demande de l'auguste agonisant, il lut le De profundis, dont il faisait suivre chaque verset d'observations appropriées à la funèbre conjoncture ; puis, tombant à genoux et montrant à l'Empereur le crucifix, il lui dit ces paroles rassurantes, qui lui furent plus tard imputées à crime par l'inquisition : Voilà Celui qui répond pour tous ; il n'y a plus de péché, tout est pardonné ![77] Plusieurs des moines qui étaient dans la chambre impériale, et le grand commandeur d'Alcantara, s'étonnèrent de ces paroles, qui semblaient placer dans le Christ seul l'œuvre du salut pleinement acquis à l'homme par le grand rachat de la croix, sans que l'homme dût y concourir par le mérite de sa conduite. Aussi, lorsque l'archevêque eut achevé, don Luis de Avila engagea-t-il fray Francisco de Villalba à parler de son côté à l'Empereur de la mort et du salut, dans la pensée qu'il lui ferait une exhortation plus catholique[78].

Le prédicateur hiéronymite ne chercha point en effet si haut les consolations et les espérances qu'il adressa à Charles-Quint mourant. Il ne les puisa point dans la rédemption générale du Christ, mais dans l'assistance particulière des saints. Que Votre Majesté se réjouisse, lui dit-il, c'est aujourd'hui le jour de saint Matthieu. Votre Majesté est venue au monde avec saint Matthias ; elle en sortira avec saint Matthieu. Saint Matthieu et saint Matthias étaient deux apôtres, deux frères, portant à peu près le même nom, tous les deux disciples de Jésus-Christ. Avec de pareils intercesseurs on n'a rien à craindre. Que Votre Majesté tourne son cœur avec confiance vers Dieu, qui aujourd'hui la mettra en possession de sa gloire[79]. Les deux doctrines qui divisaient le siècle comparaissaient encore une fois devant Charles-Quint sur le point d'expirer. Il les écouta avec une joie sereine, qui se répandait sur son visage affaissé, sans discerner probablement ce qui dans l'une accordait plus à l'action rédemptrice de Dieu, et ce qui dans l'autre exigeait plus de la coopération morale de l'homme. Se confiant tout à la fois dans le sacrifice réparateur du Christ et dans la salutaire intercession des saints, il montrait, dit l'archevêque de Tolède[80], une grande sécurité et une intime allégresse, qui frappèrent et consolèrent nous tous qui étions présents.

Vers deux heures du matin, le mercredi 21 septembre, l'Empereur sentit que ses forces étaient épuisées et qu'il allait mourir. Se prenant lui-même le pouls, il remua la tête comme pour dire : Tout est fini[81]. Il demanda alors aux religieux de lui réciter les litanies et les prières pour les agonisants et à Quijada d'allumer les cierges bénits. Il se fit donner par l'archevêque le crucifix qui avait servi à l'Impératrice dans le suprême passage de la vie à la mort, le porta à sa bouche et le serra deux fois sur sa poitrine[82]. Puis, ayant le cierge bénit dans la main droite, que soutenait Quijada, tendant la main gauche vers le crucifix, que l'archevêque avait repris et tenait devant lui, il dit : C'est le moment ! Peu après il prononça encore le nom de Jésus, et il expira en poussant deux ou trois soupirs. Ainsi finit, écrivit Quijada dans sa douleur et son admiration[83], le plus grand homme qui ait été et qui sera.

L'inconsolable majordome ajoutait tristement : Je ne peux me persuader qu'il soit mort[84], et à chaque instant il rentrait dans la chambre de l'Empereur son maître, tombait à genoux à côté de son lit, et baisait en pleurant ses mains inanimées[85]. Il écrivit, quelques heures après que Charles-Quint eut cessé de vivre, à la princesse doña Juana[86] : Notre-Seigneur a retiré à lui Sa Majesté ce matin à deux heures et demie avant le jour, sans que l'Empereur perdit ni la parole ni le sentiment jusqu'au moment où il trépassa. Bien que je sache que Votre Altesse doive le ressentir comme une fille qu'il chérissait tant, sa vie et sa fin ont été telles, qu'il y a plus à lui porter envie que compassion. En transmettant à Philippe II le codicille de son père, dont il lui communiquait les derniers vœux, il disait[87] : J'ai vu mourir la reine de France, qui a terminé ses jours très-chrétiennement ; mais l'Empereur l'a emporté en tout, car je ne l'ai pas vu un instant craindre la mort ni faire cas d'elle, bien qu'il assurât quelquefois n'être pas sans appréhension à son égard.

Tous ceux qui avaient assisté à ses derniers instants en étaient profondément émus. L'archevêque de Tolède, le comte d'Oropesa, le grand commandeur d'Alcantara, écrivirent à la princesse sa fille pour lui exprimer leur douleur et lui transmettre de religieuses consolations[88]. Je ne puis m'en consoler, disait don Luis de Avila[89], ni m'empêcher de sentir cette perte dans l'âme en songeant surtout combien il a gardé connaissance de moi jusqu'à ce qu'il ait expiré. Mais je tiens pour certain qu'il est dans le lieu que nous promettent notre foi et notre espérance. En apprenant son humble fin, le président du conseil de Castille, Juan de Vega, qui avait été son vice-roi en Sicile et l'avait vaillamment servi dans plusieurs de ses guerres, écrivait avec une surprise et une admiration éloquentes[90] : L'Empereur est mort dans le monastère de Yuste en faisant aussi peu de bruit des grandes armées qu'il avait conduites par mer et par terre et avec lesquelles il avait tant de fois fait trembler le monde, et en conservant une aussi faible mémoire de ses phalanges belliqueuses et de ses étendards déployés, que s'il avait passé tous les jours de sa vie dans ce désert. Certes nous pouvons juger ce que vaut le monde en l'estimant d'après son exemple, puisque nous avons vu le plus grand homme qu'il ait produit depuis bien des siècles si fatigué et si désenchanté de lui, qu'avant d'avoir achevé sa vie il n'en put supporter la manière d'être ni les peines qu'entraînent avec elles la gloire et les grandeurs. N'y trouvant rien que d'inutile et de dangereux pour son salut, il s'est tourné vers la miséricorde de Dieu, et il a mis sa confiance dans le crucifix qu'il tenait dans les mains, et qu'il avait réservé pour cette heure suprême.

Pendant tout le mercredi 21 septembre le corps de l'Empereur, auprès duquel veillaient quatre religieux, resta exposé sur son lit de mort. Il était revêtu de sa robe de nuit. Un taffetas noir couvrait sa poitrine ; le crucifix que l'Impératrice et lui avaient tenu en mourant était sur son cœur ; l'image de la Vierge était suspendue au-dessus de sa tête, et son visage pâle et serein respirait le repos[91]. Le lendemain, après s'être bien assuré de sa mort, en appliquant l'oreille sur sa poitrine et en passant un miroir devant sa bouche[92], on le plaça dans un cercueil de plomb, qui fut renfermé lui-même dans un second cercueil de bois de châtaignier, et on le transporta dans la grande chapelle du couvent, toute tendue de noir[93]. Au milieu de la chapelle avait été élevé depuis la veille un catafalque sur lequel se voyaient les images et les insignes de son ancienne grandeur[94]. Les obsèques, que dirigea l'archevêque de Tolède, et auxquelles vinrent assister le clergé de Quacos et les moines des couvents circonvoisins, furent célébrées avec une pompeuse solennité pendant plusieurs jours. Les hiéronymites de Yuste, les dominicains de Sainte-Catherine et les Cordeliers de Jarandilla chantèrent tour à tour les offices de l'Église, et le Père Francisco de Villalba prononça l'oraison funèbre de l'Empereur avec tant d'émotion et d'éloquence, qu'il remua vivement[95] tous ceux qui l'entendirent et s'acquit une renommée si éclatante, que Philippe II le choisit pour son principal prédicateur. Les serviteurs de Charles-Quint, en deuil, et les grands personnages qui avaient été témoins de sa fin, suivirent les funèbres cérémonies dans un recueillement profond. Au milieu d'eux était Quijada la tête voilée, ayant à côté de lui le jeune et attristé don Juan. Le rigide majordome exigea jusqu'au bout l'observation la plus stricte de l'étiquette impériale devant les restes vénérés de son maître. Apercevant un siège qui avait été placé dans le chœur de l'église pour l'un des principaux assistants que ses infirmités et sa faiblesse empêchaient de demeurer longtemps debout, il le fit enlever par un page, en disant qu'il ne permettrait pas qu'on s'assit en présence de l'Empereur, auquel on devait le même respect mort que vivant[96].

Avant que se terminassent les offices solennellement célébrés durant trois jours, et continués ensuite avec un peu moins de pompe jusqu'au neuvième jour, le corps de Charles-Quint fut, comme il l'avait prescrit, déposé sous le maitre-autel. Le vendredi 23 septembre son codicille fut ouvert devant le corrégidor de Plasencia, don Zapata Osorio, qui était venu à Yuste avec tous ses officiers, et qui, en vertu de sa juridiction, entendit présider à l'accomplissement de cette dernière volonté de Charles-Quint. En sa présence et par ses ordres, auxquels il fallut cette fois obéir, le dessus du cercueil fut soulevé, la face de l'Empereur fut découverte, et après qu'elle eut été reconnue par Luis Quijada et Juan Régla, comme exécuteurs testamentaires ; par Henri Mathys, Charles Prévost, Ogier Bodard, comme témoins ; par fray Martin de Angulo, fray Lorenzo del Lozar, fray Hernando del Coral, comme représentants de tout le monastère ; Gaztelù, en qualité de notaire public, dressa l'acte de l'ensevelissement du corps dans la cavité de l'autel et de son dépôt sous la garde des moines[97]. Selon le vœu que Charles-Quint en avait exprimé, on dit chaque jour pour le repos de son âme un grand nombre de messes[98], parmi lesquelles ne furent jamais oubliées celles qui avaient été l'objet de sa dévotion particulière. Les moines de Yuste, qui avaient été les compagnons de sa solitude, furent les gardiens de son tombeau.

Tous ceux que le séjour ou la mort de l'Empereur avaient amenés à Yuste en partirent successivement. Le samedi 25 septembre, le lendemain des obsèques, l'archevêque de Tolède quitta le premier le monastère[99], d'où s'éloignèrent ensuite les serviteurs de Charles-Quint, après avoir reçu, du 5 au 10 octobre, le payement de leurs legs, de leurs gages et de leurs pensions[100]. Les moines hiéronymites qui avaient été appelés de divers points de l'Espagne pour la musique de sa chapelle ou les besoins de sa piété rentrèrent aussi dans leurs couvents, avec les récompenses destinées à chacun d'eux[101]. Le grand commandeur don Luis de Avila s'était déjà retiré à Plasencia, le deuil dans l'âme[102], et doña Magdalena de Ulloa, suivie de don Juan, avant de retourner au château de Villagarcia, s'était rendue en pèlerinage à Notre-Dame de Guadalupe pour y déposer ses prières aux pieds de la Vierge[103] devant laquelle s'était si souvent incliné Charles-Quint, et dont l'image devait être arborée, treize années plus tard, par don Juan, sur la grande flotte chrétienne victorieuse à Lépante. Quijada et Gaztelù restèrent les derniers à Yuste, où ils dressèrent, jusqu'au commencement du mois de novembre, l'inventaire de tout ce qui avait appartenu à l'Empereur. Conformément à ses dernières volontés, les grandes provisions en blé, en avoine, en vin, etc., furent laissées au couvent, ainsi que le tableau du Jugement dernier du Titien élevé au-dessus du maître-autel, un dais de velours noir dressé dans le chœur, les tentures de deuil de l'appartement impérial, où pendant longtemps on ne reçut personne, et de l'église, où l'on ne cessa pas de prier pour lui. Quijada hérita du vieux cheval qui avait servi le dernier à Charles-Quint. Tous les autres objets dont il avait fait usage furent transportés sur des mules à Valladolid, et la princesse doña Juana les conserva pieusement[104] comme les précieuses reliques d'un père et du plus grand souverain de sa race.

En disparaissant, Charles-Quint laissa un vide immense et de profondes afflictions. J'ai ressenti la mort de l'Empereur mon seigneur, écrivit Philippe II[105], au point que je ne saurais le dire, et cela avec d'autant plus de raison que, outre le véritable amour que je portais à Sa Majesté comme à un père à qui je devais tant, sa seule autorité et l'ombre seule de sa personne étaient très-utiles et très-profitables à mes affaires. Mais la douleur de la reine de Hongrie fut encore plus vive. Sa maladie de cœur en fut aggravée, et elle en éprouva coup sur coup deux accès si violents, qu'on la crut morte[106]. Voulant se rendre au désir de l'Empereur son frère, elle s'était décidée à partir pour les Pays-Bas. Mais, en l'annonçant à Philippe II, elle lui disait[107] : Depuis la mort de Sa Majesté, mes indispositions se sont accrues de telle manière, que, avec quelques paroxysmes semblables à ceux que j'ai eus dans ces huit derniers jours, je pourrais bien être quitte de ce voyage. Elle ne se trompait pas : à la suite d'un nouvel accès, elle succomba dans la nuit du 18 octobre et alla rejoindre le frère qu'elle avait perdu vingt-sept jours auparavant[108].

La mort de Charles-Quint appela encore un moment sur lui l'attention universelle du monde, qui s'en était détournée depuis deux années. On se rappela jusqu'où il avait porté la grandeur et le sacrifice de la puissance, et l'on célébra, avec tous les prodiges politiques de son règne, la merveille chrétienne de son abdication. Le deuil éclata dans les nombreux pays soumis à la maison d'Autriche. Toutes les églises retentirent de chants pieux et d'oraisons funèbres. A Valladolid, le Père François de Borja retraça, en présence de la régente doña Juana, du prince don Carlos et de toute la cour d'Espagne, cette grande vie terminée dans la retraite, et il appliqua au puissant Empereur qui avait déposé toutes ses couronnes pour se préparer en chrétien à l'éternité, ces paroles du roi prophète, si bien faites pour lui : Ecce elongavi fugiens et mansi in solitudine. Je me suis éloigné en fuyant et j'ai demeuré dans la solitude[109]. — L'archevêque Bartolomé de Carranza à Tolède, l'empereur Ferdinand à Vienne, la reine Catherine à Lisbonne, les Espagnols à Rome[110], et surtout le roi Philippe II à Bruxelles, rendirent à la mémoire de Charles-Quint des honneurs dont rien n'égala la magnificence. Après ce grand et dernier bruit, le silence se fit dans le siècle autour de son nom transmis à l'histoire, comme la solitude s'était faite dans les montagnes de l'Estrémadure autour de sa tombe.

Au mois de décembre, Luis Quijada, retenu le dernier à Quacos, quitta à son tour ces lieux, où il était resté deux ans dans la glorieuse et attachante compagnie de son maître. Consacré par le souvenir impérissable de ce séjour, le monastère de Yuste vit arriver, l'année suivante, le duc d'Albe et le cardinal Pacheco, qui durant trois jours assistèrent constamment debout aux offices chantés pour l'Empereur, et parcoururent, la tête respectueusement découverte, les appartements qu'il avait habités[111]. Philippe II, qui préparait à Charles-Quint, dans une des vallées méridionales de la sierra de Guadarrama, un tombeau digne de lui, vint, en 1570, visiter la résidence où il avait passé les derniers temps de sa vie, et s'agenouiller au pied de l'autel où il reposait encore. Pendant les deux nuits qu'il passa au monastère, il ne voulut point, par respect, coucher dans la chambre de son père, et il dormit près de là dans un étroit réduit. Les restes de l'Empereur furent laissés pendant quatre années encore dans l'église de Yuste. Mais lorsque, en 1574, l'Escurial fut assez avancé pour les recevoir, Philippe II les lit transporter dans ce majestueux et sévère monument, palais et monastère tout ensemble, qui devint le sépulcre vénéré du père, la résidence préférée du fils, et où Philippe II devait, comme Charles-Quint, finir ses jours au milieu des hiéronymites[112].

L'Empereur ne fut pas porté seul sous les voûtes de l'édifice gigantesque dédié au martyr saint Laurent en souvenir de la victoire de Saint-Quentin, gagnée le 10 août, jour de sa fête. Philippe II voulut l'y entourer de ceux qu'il avait le plus aimés. La même année, les cercueils de Charles-Quint, de sa mère Jeanne la Folle, de sa femme Isabelle de Portugal, de ses enfants don Ferdinand et don Juan, de sa bru doña Maria, de ses sœurs, la reine Éléonore, qui l'avait précédé de huit mois dans la tombe, et la reine Marie, qui l'y suivit de si près, partis de Yuste, de Grenade, de Mérida, de Cigales, furent conduits processionnellement à l'Escurial[113].

En ce moment le fidèle Luis Quijada n'était plus. Il avait été tué quatre années auparavant[114] d'un coup d'arquebuse en combattant les Morisques révoltés dans les montagnes des Alpujaras, où il avait accompagné l'héroïque pupille que lui avait laissé Charles-Quint et auquel Philippe II, qui l'avait reconnu pour son frère en 1559, avait donné, en 1569, le commandement des troupes espagnoles et permis ainsi la gloire à défaut de la puissance. Mais Gaztelù, devenu secrétaire de Philippe III vivait encore : ce fut lui qui alla chercher dans l'Estrémadure le cercueil de son maître, qu'il accompagna, à travers les populations prosternées, jusqu'au seuil de l'Escurial. Charles-Quint avait laissé au roi son fils le choix de sa dernière demeure, pourvu, avait-il dit, que le corps de l'Impératrice et le mien soient près l'un de l'autre, comme nous nous le sommes promis de notre vivant. Ce vœu fut alors rempli ; et cinq années après son fils don Juan d'Autriche, le glorieux héritier de sa valeur dans les batailles, le victorieux continuateur de ses desseins dans la Méditerranée, vint à son tour prendre place à côté de lui.

En terminant l'histoire longtemps inconnue ou défigurée des deux dernières années de Charles-Quint, j'ai peut-être à craindre de lui avoir donné trop d'étendue. Mais rien de ce qui touche à un grand homme n'est indifférent. On aime encore à savoir ce qu'il a pensé lorsqu'il a cessé d'agir, et comment il a vécu quand il n'a plus régné. D'ailleurs les détails intérieurs de son existence privée servent à expliquer la fin, sans cela singulière, de son existence politique ; les infirmités multipliées de sa personne, les intempérances insurmontables de ses appétits, les lassitudes anciennes de son âme, les ardeurs croissantes de sa foi, l'ont conduit du trône dans la solitude, et rapidement de la solitude au tombeau.

Charles-Quint a été le souverain le plus puissant et le plus grand du seizième siècle. Issu des quatre maisons d'Aragon, de Castille, d'Autriche, de Bourgogne, il en a représenté les qualités variées et, à plusieurs égards, contraires, comme il en a possédé les divers et vastes États. L'esprit toujours politique et souvent astucieux de son grand-père Ferdinand le Catholique ; la noble élévation de son aïeule Isabelle de Castille, à laquelle s'était mêlée la mélancolique tristesse de Jeanne la Folle sa mère ; la valeur chevaleresque et entreprenante de son bisaïeul Charles le Téméraire, auquel il ressemblait de visage ; l'ambition industrieuse, le goût des beaux-arts, le talent pour les sciences mécaniques de son aïeul l'empereur Maximilien, lui avaient été transmis avec l'héritage de leur domination et de leurs desseins. L'homme n'avait pas fléchi sous la charge du souverain. Les grandeurs et les félicités que le hasard de nombreuses successions et la prévoyance de plusieurs princes avaient accumulées sur lui, il les porta à leur comble. Pendant longtemps ses qualités si différentes et si fortes lui permirent de suffire non sans succès à la diversité de ses rôles et à la multiplicité de ses entreprises. Toutefois la tâche était trop immense pour un seul homme.

Roi d'Aragon, il lui fallait maintenir en Italie l'œuvre de ses prédécesseurs, qui lui avaient laissé la Sardaigne, la Sicile, le royaume de Naples, et y accomplir la sienne en se rendant maître du duché de Milan, afin d'enlever le haut de cette péninsule au rival puissant qui aurait pu le déposséder du bas. Roi de Castille, il avait à poursuivre la conquête et à opérer la colonisation de l'Amérique. Souverain des Pays-Bas, il devait préserver les possessions de la maison de Bourgogne des atteintes de la maison de France. Empereur d'Allemagne, il avait, comme chef politique, à la protéger contre les invasions des Turcs, parvenus alors au plus haut degré de leur force et de leur ambition ; comme chef catholique, à y empêcher les progrès et le triomphe des doctrines protestantes. Il l'entreprit successivement. Aidé de grands capitaines et d'hommes d'État habiles, qu'il sut choisir avec art, employer avec discernement, il dirigea d'une manière supérieure et persévérante une politique toujours compliquée, des guerres sans cesse renaissantes. On le vit à plusieurs reprises se transporter dans tous les pays, faire face à tous ses adversaires, conclure lui-même toutes ses affaires, conduire en personne la plupart de ses expéditions. Il n'évita aucune des obligations que lui imposaient sa grandeur et sa croyance. Mais, sans cesse détourné de la poursuite d'un dessein par la nécessité d'en reprendre un autre, il ne put pas toujours commencer assez vite pour réussir ni persister assez longtemps pour achever.

Il parvint toutefois à réaliser quelques-unes de ses entreprises. Ayant à s étendre en Italie, à garder une partie de ce beau pays disputé, et à constituer l'autre dans ses intérêts, il y réussit, malgré François Ier et Henri II, au prix de trente-quatre ans d'efforts, de cinq longues guerres, dans lesquelles, presque toujours victorieux, il fit un roi de France et un pape prisonniers. Il parvint aussi non-seulement à préserver les Pays-Bas, mais à les accroître : au nord, du duché de Gueldre, de l'évêché d'Utrecht, du comté de Zutphen ; au sud, de l'archevêché de Cambrai ; il les dégagea en même temps de la suzeraineté de la France sur la Flandre et sur l'Artois. Mais comment empêcher la Hongrie d'être envahie par les Turcs, les côtes de l'Espagne, les îles de la Méditerranée, le littoral de l'Italie d'être ravagés par les Barbaresques ? Il le tenta cependant. Lui-même repoussa le formidable Soliman II de Vienne en 1532 ; enleva la Goulette et Tunis à l'intrépide dévastateur Barberousse en 1535, voulut en 1541 se rendre maître d'Alger, d'où le repoussa la tempête. Il aurait complété sur terre et sur mer cette défense des pays chrétiens, et aurait devancé dans le protectorat de la Méditerranée son fils immortel, l'héroïque vainqueur de Lépante, s'il n'avait pas été constamment réduit à se tourner vers d'autres desseins par d'autres dangers. Quant au projet de ramener l'Allemagne à la vieille croyance catholique, il dut être impuissant parce qu'il fut tardif. Charles-Quint, obligé de souffrir le protestantisme lorsqu'il était encore faible, l'attaqua lorsqu'il était devenu trop fort pour être, je ne dirai pas détruit, mais contenu. Durant trente années, l'arbre de la nouvelle croyance avait poussé de profondes racines sous le sol de toute l'Allemagne, qu'il couvrait alors de ses impénétrables rameaux. Comment l'abattre et le déraciner ? Le catholique espagnol, le dominateur italien, le chef couronné du saint-empire romain, auquel l'ardeur religieuse de sa foi comme l'entraînement politique de son rôle interdisaient d'admettre le protestantisme, qu'il n'avait jamais que temporairement toléré, crut en 1546 pouvoir le dompter par les armes et le convertir par le concile. Après avoir affermi ses établissements en Italie, renouvelé ses victoires en France, étendu ses conquêtes en Afrique, il marcha en Allemagne. Dans deux campagnes il triompha des troupes protestantes ; mais, après avoir désarmé les bras, il ne put soumettre les consciences. Son triomphe religieux et militaire sur l'Allemagne protestante et libre, qui n'entendait être ni convertie ni opprimée, fut le signal d'un irrésistible soulèvement de l'Elbe au Danube, et ranima toutes les vieilles inimitiés contre Charles-Quint dans le reste de l'Europe, où tout ce qui paraissait décidé en sa faveur se trouva remis en question. Il fit encore face à la fortune ; mais il était au bout de ses forces, de sa félicité, de sa vie. Accablé de maladies, surpris par ce grand et inévitable revers de son dernier dessein, hors d'état d'entreprendre, à peine capable de résister, ne pouvant plus diriger et accroître cette vaste domination, dont la charge devait être divisée après lui, n'entendant pas composer avec l'hérésie victorieuse en Allemagne, trouvant à agrandir son fils en Angleterre, ayant soutenu une lutte et fait une trêve sans désavantage avec la France, il réalisa le projet d'abdication qu'il avait médité depuis tant d'années, et que lui rendaient nécessaire les maladies de l'homme, les fatigues du souverain, les sentiments du chrétien.

La retraite ne le changea point : le profond politique se montra toujours dans le pieux solitaire, et l'habitude du commandement survécut chez lui à sa renonciation. S'il devint désintéressé pour lui-même, il demeura ambitieux pour son fils. Se prononçant du fond de son monastère en 1557 contre Paul IV, comme il l'avait fait en 1527 du haut.de son trône contre Clément VII ; conseillant à Philippe II de poursuivre Henri II avec la même vigueur qu'il avait mise à poursuivre dans son temps François Ier ; songeant sans cesse à garantir les pays chrétiens des dévastations des Turcs, qu'il avait autrefois repoussés de l'Allemagne et vaincus en Afrique ; défendant les doctrines catholiques des atteintes protestantes, sinon avec plus de conviction, du moins avec plus d'ardeur, parce qu'il n'avait point alors à agir, mais simplement à croire, et que, si la conduite est souvent obligée d'être accommodante, la pensée peut toujours être inflexible ; arbitre consulté et chef obéi de la famille, dont les tendres respects et les invariables soumissions se tournaient incessamment vers lui : on peut dire qu'il ne fut pas autre dans le couvent que sur le trône. Espagnol intraitable par la croyance, ferme politique par le jugement, toujours égal en des situations diverses, s'il a terminé sa vie dans l'humble dévotion du chrétien, il a pensé jusqu'au bout avec la persévérante hauteur du grand homme.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Lettre de Mathys à Vasquez, du 9 août, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 314 et 515.

[2] Lettre de Quijada, du 9 août. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., p. 314, note 1, et Retiro, estancia, etc., fol. 215 r°.

[3] Lettre de Mathys à Vasquez, du 17 août. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., p. 315-316.

[4] Lettre de Quijada à Vasquez, du 17 août. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., p. 319.

[5] Lettre de Quijada, du 17 août. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 319.

[6] Lettre de Quijada à Vasquez, du 28 août. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 489.

[7] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., p. 488.

[8] Retiro, estancia, etc., fol. 220 v°.

[9] Retiro, estancia, etc., fol. 222 v°.

[10] Retiro, estancia, etc., fol. 221 v°.

[11] Retiro, estancia, etc., fol. 221 r°.

[12] Lettre de Charles-Quint à la princesse doña Juana, dont la copie se trouve dans un manuscrit de l'Académie royale d'histoire de Madrid, intitulé Libro de cosas curiosas de en tiempo del emperador Carlos V y el rey don Phelipe II nuestro señor, escrito por Antonio de Cercada, para el mismo. — M. Gachard en a tiré le fragment qu'il cite et traduit aux pages XLIV et XLV de sa préface de Retraite et mort de Charles-Quint, etc. ; il n'y a pas trouvé la lettre adressée directement à la reine de Hongrie, mais il en a extrait celles que la reine de Hongrie a écrites à Philippe II.

[13] Retiro, estancia, etc., fol. 222 r°.

[14] Sandoval, Vida del emperador Carlos V en Yuste, § 5, à la fin du t. II, p. 826. Sandoval ajoute même que ces deux mille couronnes furent employées, après la mort de Charles-Quint, à acheter la cire, les tentures et les vêtements de deuil pour ses véritables funérailles.

[15] Manuscrit hiéronymite analysé par M. Bakhuisen, c. XXXIII, p. 44 et 45. Gachard, Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I. Appendice C, p. LXXXVIII à XC ; — Historia de la orden de San Geronimo, etc., par Siguenza, tercera parte, lib. I, c. XXXVIII, fol. 200 et 201.

[16] Robertson, entre autres, à la fin du livre XII de son Histoire de Charles-Quint.

[17] Un concile, tenu à Toulouse au commencement du quatorzième siècle, eut l'occasion de prononcer contre elle une condamnation formelle. Le 22 avril 1527, l'un des consuls de cette ville fit célébrer avec pompe ses funérailles de son vivant. Étendu dans un cercueil, au milieu de l'église des frères prêcheurs, il y entendit une grand'messe des morts, fut porté jusqu'au pied du maître autel comme s'il allait y être enseveli ; puis, sortant du cercueil, il fut accompagné par les capitouls, ses collègues, jusqu'à sa maison, où était préparé et où ils mangèrent le repas funèbre. L'archevêque de Toulouse était alors absent. En apprenant, à son retour, ce qui s'était passé, il assembla en concile tous les évêques ses suffragants et tous les abbés de la province. Ce concile déclara que l'Église tenait pour un acte de superstition des funérailles anticipées, que n'autorisaient ni le droit ecclésiastique ni le droit séculier, et il défendit, sous peine d'excommunication, à tout prêtre ou religieux d'y consentir et d'y procéder désormais. Voir à ce sujet les collections de conciles d'Hardouin et de Mansi : Exchronico ms. Guillelmi Bardini sub anno MCCCXXVII. Hard., conc., t. VII, p. 1535. — Mansi, conc., t. XXV, p. 807.

[18] La couronne avait la valeur métallique de 11 francs. Quant à la valeur relative de l'argent, elle était en 1558 de trois à quatre fois supérieure à ce qu'elle est aujourd'hui.

[19] La somme de 2.000 couronnes était précieusement conservée dans la chambre de Charles-Quint, qui ne voulait pas y toucher. Les traces de cette soigneuse conservation se trouvent dans une lettre de Gaztelù du 27 janvier 1558. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 505.) Les 2.000 couronnes, dont j'avais précédemment (dans la 1re édition de cet ouvrage) contesté l'existence, étaient gardées à Yuste. Quel en fut l'emploi ? Si elles étaient gardées dans la petite bourse de soie noire dont il est question dans l'inventaire, on n'y trouva que cinquante-quatre écus d'or lorsque l'inventaire fut dressé par Quijada et par Gaztelù : cinquanta y quatro escudos de oro del sol en una bolsita de aguja de seda negra. (Retiro, estancia, etc., Appendice n° 7, fol. 48 r°.) Qu'était devenu le reste ? M. Gachard a trouvé, dans une lettre écrite le 12 octobre 1558 par Quijada à Philippe II, que 600 de ces couronnes furent remises, par ordre de Charles-Quint, la veille de sa mort, à l'ayuda de cámara Bodart pour Barbe Blomberg, mère de don Juan d'Autriche. M. Gachard se demande si les 1.546 autres écus d'or, dont l'emploi est inconnu, n'auraient pas servi aux obsèques simulées. Il ne me paraît pas possible de l'admettre. Ces 1.546 écus feraient au moins 44.418 de nos francs. Or comment supposer qu'ils aient été consacrés à la dépense nécessairement peu considérable de ces fausses obsèques célébrées à l'improviste et sans solennité, dans lesquelles on n'aurait pas acheté de vêtements de deuil aux serviteurs de Charles-Quint, puisqu'on ne le fit qu'après sa mort, el l'on n'aurait pas tendu l'église de noir, puisque les cent varas de drap noir qui eurent cette destination, avec le drap de deuil gardé dans l'office impérial, ne furent achetées par Quijada que pour les funérailles réelles, qui eurent un grand éclat et une longue durée ? (Lettres de Quijada, des 25 sept. et 16 oct. 1558, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 402 et 452.) C'est ce que dit aussi Sandoval, Vida del emperador Carlos V en Yuste, § 5, à la fin du vol. II, p. 820.

[20] Le 1er mai 1558, Gaztelù écrit à Vasquez : Juan Gaytan ha venido para poner orden lo de la cera y otras cosas necesarias para honras que cada año se hacen á primero de mayo por la Imperatiiz. (Retiro, estancia, etc., fol. 181 r°.)

[21] Lettre de Mathys à Vasquez, du 1er septembre 1558, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 322-323.

[22] Lettre de Quijada à la princesse doña Juana, du 1er septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 324.

[23] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 526. Quijada, qui n'était point à Yuste, mais à Quacos, le 30 août (voir sa lettre, vol. I, p. 320, et la note qu'y joint M. Gachard), n'a été témoin que de l'accès assez alarmant du 31. Il place aussi la maladie de l'Empereur au 31, sans mentionner l'indisposition survenue sur la terrasse le 30. Tandis que le médecin fait remonter le mal jusque-là, le majordome le fixe au lendemain, frappé qu'il a été, ce second jour, de sa plus violente explosion ; mais le médecin, le majordome et le secrétaire sont d'accord sur la date et le lieu du repas auquel ils attribuent l'origine de la maladie. Martes pasado, 30 del mes de agosto, dit Mathys le 1er septembre, S. Mad comió en el terrado, dove reverberaba mucho el sol, etc. (p. 522.) Yo temo que este accidente sobrevino de corner antier, écrit aussi Quijada le 1er septembre, en un terrado cubierto, y hacia sol y reverberaba alli mucho, etc. (p. 526.) Gaztelù s'en remet à ce qu'écrit le médecin, p. 529. Aucun d'eux ne fait allusion, soit durant les vingt et un jours de maladie de l'Empereur, soit à propos de ses funérailles, aux obsèques anticipées qui, selon les moines, auraient été célébrées le 31 août.

[24] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 326-327.

[25] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 327.

[26] Lettre de Gaztelù à Vasquez, du 1er septembre. Retiro, estancia, etc., fol. 225 r°.

[27] Lettre de Quijada à Vasquez, du 2 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 550.

[28] Lettre de Mathys à Vasquez, du 5 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 332.

[29] Lettre de Quijada, du 2 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 330.

[30] Lettre de Mathys, du 5 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 332.

[31] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 332.

[32] Lettre de Mathys à Vasquez, du 4 septembre, Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 333.

[33] Lettres de Mathys et de Quijada à Vasquez, du 4 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 330-336.

[34] Voir son testament dans Sandoval. t. II, fol. 860-861.

[35] Lettre de Quijada à Philippe II, du 17 septembre, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 371, 372.

[36] Testament de Charles-Quint dans Sandoval. t. II, fol. 861 : son codicille. Ibid., fol. 881.

[37] Lettre de Mathys à Vasquez, du 5 septembre, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 337.

[38] Lettre de Mathys à Vasquez, du 6 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 339-340.

[39] Retiro, estancia, etc., fol. 229 v°.

[40] Lettre de Mathys à Vasquez, du 8 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 355.

[41] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 354.

[42] Lettre de Quijada à Vasquez, du 8 sept. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 355.

[43] Lettre de Quijada à Vasquez, du 10 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 360.

[44] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 360.

[45] Lettre de la reine de Hongrie à Philippe II. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I. p. 341-352.

[46] Lettre de la reine de Hongrie à Philippe II, du 9 sept. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 356-359.

[47] Lettre de Quijada à Vasquez, du 10 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 360.

[48] Lettre de Quijada à Vasquez, du 10 septembre. Retraits et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 560-561.

[49] Retiro, estancia, etc., fol. 231 v°.

[50] Lettre de Quijada à Vasquez, du 14 septembre, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 365-366.

[51] Lettre de Quijada à Vasquez, du 12 sept. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 562.

[52] Estas tercianas son furiosas y largas, écrivait Quijada, S. Mad está muy descaido... porque le aprietan mucho. (Lettre du 14 septembre, Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 365). La flaqueza de S. Mad es muy grande, y siempre va disminuyendo la viriud. (Lettre du 15 septembre. Ibid., p. 368.)

[53] Lettre de Quijada, du 10 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 361.

[54] Lettre du 14 septembre, Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 364.

[55] Retiro, estancia, etc., fol. 234 r°.

[56] Retiro, estancia, etc., fol. 234 r°.

[57] Lettres de Mathys, des 17 et 18 septembre, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 368, 369, 370, 374 et 375 ; lettre de Quijada à Vasquez, du 18 septembre, p. 377.

[58] Lettre de Mathys, du 18 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 375.

[59] Lettre de Mathys à Vasquez, du 19 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 379, 380.

[60] Lettre de Quijada à Vasquez, du 19 septembre, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 381, 382.

[61] Lettre de Quijada à Philippe II, du 30 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 409.

[62] Addition de la lettre du 19 septembre vers neuf heures du soir. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol I, p. 382.

[63] Dió, el alma à Dios, sin haber perdido la habla ni sentido hasta el punto que espiró. (Lettre de Gaztelù à Vasquez, du 21 septembre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol I, p. 387.) Quijada dit la même chose dans sa lettre à Vasquez, écrite le 21 septembre à quatre heures du matin, une heure et demie après la mort de l'Empereur. Ibid., p 385.

[64] Lettre de Quijada à la princesse doña Juana du 30 sept. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 415, 416.)

[65] Lettre de Quijada à la princesse doña Juana du 30 septembre, et surtout lettre d'un moine qui était présent. (Carla sobre los ùltimos momentos del emperador Carlos-Quinto escrita en Yuste à 27 de setiembre de 1558, dans la Colleccion de documentos inéditos, t. VI, p. 667-670.)

[66] Lettres de Quijada à Philippe II du 30 sept., Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 410 et 411, et à Vasquez du 26 septembre, p. 406.

[67] Même lettre du 30 septembre, p. 411.

[68] Lettres de Quijada à Vasquez du 21 septembre, Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 385 ; à Philippe II du 30 septembre, p. 409.

[69] Lettre de Quijada à Vasquez, du 21 sept. (Retraite et mort de Charles Quint, etc. vol. I, p. 409.)

[70] Retraite et mort de Charles Quint, etc. vol. I, p. 410.

[71] Lettres de Quijada à Philippe II du 21 septembre, Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 387 ; de Gaztelù à Vasquez du 21 septembre, ibid., p. 588 ; de l'archevêque de Tolède à la princesse doña Juana du 21 sept., p. 390.

[72] Voir t. V, p. 389 sq. de la Coleccion de documentos inéditos para la historia de España ; Don Pedro Salazar de Mendoza, Vida y sucesos prósperos y adversos de D. Fr. Bartolomé de Carranza ; Llorente, Histoire de l'inquisition d'Espagne, t. II, c. XVIII, et t. III, c. XXXII.

[73] Voir les mêmes ouvrages et Adolfo de Castro, Historia de los protestantes españoles, lib. III, p. 191-199.

[74] Déposition du moine hiéronymite Marco de Cardona devant l'inquisition, dans Llorente, c. XVIII, art. 2, § 11 ; récit du moine anonyme, analysé par M. Bakhuizen, c. XXXVI, p. 47, et publié par M. Gachard, vol. II, p. 43, 44, 45 ; lettre de l'archevêque de Tolède à doña Juana, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 590.

[75] Lettres de Quijada à Philippe II du 30 sept., Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 409-410, et à Vasquez, du 26 sept., ibid., p. 406.

[76] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 406 et 410.

[77] Déposition du grand commandeur D. Luis de Avila y Zuñiga devant l'inquisition, dans Llorente, c. XVIII, art. 2, § 13.

[78] Même déposition devant l'inquisition.

[79] Dans le manuscrit hiéronymite, c. XXXVI, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 44 et 45, et fray Joseph de Siguenza, part. III, lib. Ier, c. XXXII, p. 203.

[80] Lettre de l'archevêque de Tolède à la princesse doña Juana du 21 septembre, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol I, p. 393.

[81] Lettre de Quijada à Vasquez du 21 sept. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol I, p. 385.)

[82] Lettre de Quijada à Vasquez, du 21 sept. et lettre de l'archevêque de Tolède à doña Juana, Retraite, etc., vol. I, p. 391 et 392.

[83] Lettres de Quijada à Vasquez du 26 septembre, Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 406, et à Philippe II du 30 septembre, ibid., p. 410.

[84] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 406.

[85] Chapitre XXXIX du manuscrit hiéronymite, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 49, 50.

[86] Lettre de Quijada à la princesse doña Juana. (Retiro, estancia, etc., fol. 241 v°.)

[87] Lettres de Quijada à Philippe II du 30 septembre, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 410.

[88] Leurs lettres sont dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 389, 396, 397.

[89] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 596.

[90] Sandoval, Vida del emperador Carlos V en Yuste, § 20, fol. 836 et 837.

[91] Manuscrit hiéronymite, c. XXXIX, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 49 et 50.

[92] Manuscrit hiéronymite, c. XXXIX, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 49 et 50.

[93] Sandoval, Vida del emperador Carlos V en Yuste, § 17, fol. 834-835.

[94] Retiro, estancia, etc., fol. 245 v°.

[95] Manuscrit hiéronymite, c. XLIII, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 54 et 55.

[96] Manuscrit hiéronymite, c. XLIII, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 54 et 55.

[97] Acte du dépôt, du 25 septembre, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 398-401.

[98] On en dit longtemps quinze par jour. Lettre de Quijada du 16 octobre. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 429.)

[99] Lettre de l'archevêque de Tolède à Vasquez, écrite de Vilafranca de la Puente, le 28 septembre. (Retiro, estancia, etc., fol. 250 v°.)

[100] Lettres de Quijada à doña Juana et à Vasquez du 16 oct. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 428-431 et suivantes.)

[101] Rémunérations accordées aux hiéronymites, 15 octobre. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 424-427.)

[102] Lettre de Quijada du 26 septembre. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 407.)

[103] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 407, et Retiro, estancia, etc., fol. 262 r°.

[104] Lettre de Quijada à J. Vasquez du 16 octobre. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 451 et suivantes ; Codicille de l'empereur Charles-Quint, dans Sandoval, à la fin du t. II. Retiro, estancia, etc., fol. 261 v°.

[105] Lettre de Philippe II à la princesse doña Juana du 4 décembre 1558. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 447.)

[106] Lettre de l'évêque de Palencia à Philippe II du 20 oct. 1558. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 436.)

[107] Lettre de la reine de Hongrie à Philippe II du 8 octobre. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 418.)

[108] Lettre de l'évêque de Palencia à Philippe II du 2 octobre. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 436, 437.)

[109] Ribadeneyra, lib. II, c. XVIII, p. 386.

[110] Sandoval raconte en détail les honneurs funèbres rendus à Charles-Quint à Valladolid, à Bruxelles et à Rome, vol. II, fol. 836-856.

[111] Manuscrit hiéronymite, c. XLIII, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol II, p. 54 et 55.

[112] Voir tout le troisième livre du t. III de l'ordre de Saint-Jérôme, par Siguenza, et notamment les discursos XX, XXI, XXII, fol. 668-690.

[113] Siguenza, t. III, discurso VII, fol. 566-571 ; Memorias de fray Juan de San Gerónimo, dans la Coleccion de documentos inéditos, etc., t. VII, p. 90-118 ; et c. XLVII, XLVIII et XLIX du manuscrit hiéronymite, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 57 à 65.

[114] Il était mort le 25 février 1570. Philippe II avait reconnu et récompensé magnifiquement les longs et grands services qu'il avait rendus à l'Empereur son père. Il l'avait nommé commandeur del Viso et Santa Cruz, de Argamasilla et del Moral, administrateur général de l'ordre de Calatrava, conseiller d'État et de guerre, président du conseil royal des Indes, gouverneur de don Juan d'Autriche et grand écuyer du prince don Carlos.