CHARLES-QUINT

SON ABDICATION, SON SÉJOUR ET SA MORT AU MONASTÈRE DE YUSTE

 

CHAPITRE VI. — GUERRES D'ITALIE ET DE FRANCE. - SENTIMENTS DE CHARLES-QUINT.

 

 

État de Charles-Quint dans l'hiver de 1557 à 1558. — Affaires d'Italie : succès militaires du duc d'Albe : départ du duc de Guise pour la France, où le rappelle Henri II ; paix des Espagnols avec le pape. — Mécontentement de Charles-Quint en apprenant les conditions de cette paix, qu'il trouve humiliante. — Venue prochaine à Badajoz de l'infante doña Maria ; départ des reines de France et de Hongrie, qui vont à sa rencontre après avoir pris congé de l'Empereur. — Arrivée à Yuste du Père François de Borja, que l'Empereur avait chargé d'une mission secrète de la plus grande importance à Lisbonne. — Leur entretien. — Conflit de juridiction entre le juge de Quacos et le corrégidor de Plasencia don Zapata Osorio, qui fait incarcérer l'alguazil de l'Empereur, et que l'Empereur fait suspendre de ses fonctions. — Vol commis dans le coffre de Charles Quint à Yuste ; refus de mettre à la torture ceux qu'on soupçonnait d'en être les auteurs. — Vues de l'Empereur sur la campagne de France ; ses conseils. — Siège et prise de Calais par le duc de Guise. — Chagrin profond que cette nouvelle, apportée à Yuste, cause à l'Empereur. — Ses accès de goutte. — Envois d'argent à Philippe II. — Anniversaire de rentrée de Charles-Quint au courent ; simulacre de profession monastique. — Visiteurs généraux de l'ordre de Saint-Jérôme à Yuste ; conversation et rapports de Charles-Quint avec eux. — Entrevue de l'infante doña Maria avec la reine Éléonore à Badajoz ; leur séparation. - Maladie de la reine Éléonore ; sa mort. — Affliction touchante de Charles-Quint ; ses tristes et prophétiques paroles à cette occasion. — Retour à Yuste de la reine de Hongrie, que Charles-Quint établit cette fois dans la résidence impériale. — Projet conçu par l'Empereur de rendre l'habileté de la reine de Hongrie utile à son fils eu l'associant au gouvernement de l'Espagne. — Relus de la princesse doña Juana, qui aspire toujours de son côté à la possession de l'autorité en Portugal. — Diète électorale de Francfort : la renonciation de Charles-Quint à l'Empire y est acceptée le 28 février, et la couronne impériale y est décernée à Ferdinand le 12 mars 1558. — Paroles que prononce Charles-Quint et ordres qu'il donne en apprenant qu'il n'est plus rien.

 

La seconde année que Charles-Quint passa dans le monastère fut plus troublée par la maladie que ne l'avait été la première, et les événements extérieurs l'assombrirent profondément. L'hiver ramena les infirmités de l'Empereur en les aggravant. Vers la fin de novembre 1557, il eut un fort accès de goutte qui se déclara dans le bras gauche, s'étendit au bras droit, et l'empêcha pendant plusieurs jours de se servir de l'un et de l'autre. Les élancements du mal étaient d'une telle violence, que Charles-Quint dit n'en avoir jamais essuyé une aussi furieuse attaque[1]. Le 20 novembre, on rhabilla a grand'peine, et on le porta sur un siège à l'église pour y entendre la messe. Ce fut pendant cette crise douloureuse, qui se prolongea jusqu'en décembre, qu'il apprit la conclusion humiliante des affaires d'Italie.

Après avoir repoussé l'armée française de la frontière de Naples et fait lever au duc de Guise le siège de Civitella, le duc d'Albe avait reparu dans les États pontificaux à la tête de forces supérieures. Il s'était jeté dans la vallée d'Orvieto, et, passant par Baneo et Sora, il s'était réuni, vers Ponte di Sacco, à Marcantonio Colonna, qui avait enlevé le château de Pratica, s'était emparé de la ville de Palestrina, avait battu les troupes du pape entre Valmonte et Paliano, assiégé et pris Rocca di Massimo et pénétré de vive force dans Segni. La jonction opérée, il avait marché sur Rome, avec le dessein et l'espoir de la surprendre, Paul IV était réduit à l'impuissance. Le duc de Guise, irrité d'avoir été si mal soutenu parles Caraffa, s'était retiré à Macerata, où il restait cantonné avec son armée. Les Allemands que Paul IV avait pris à sa solde, et qui étaient presque tous luthériens[2], lui nuisaient plus auprès de ses sujets qu'ils n'étaient capables de le protéger contre ses ennemis. Ce fut sur ces entrefaites que le duc d'Albe s'avança, dans la nuit du 26 août, jusque sous les murs de Rome. Il lui aurait été assez facile d'y entrer : mais, soit qu'il craignit un échec en voyant la ville tout illuminée et en la croyant prête à se défendre, soit qu'il reculât devant l'horreur d'un nouveau sac de Rome, il ne poussa pas jusqu'au bout son entreprise. La menace n'en jeta pas moins la consternation dans la ville pontificale et remplit le cœur de Paul IV de colère et d'épouvante. C'était une chose horrible à voir, dit l'ambassadeur vénitien Navagero[3], que les lumières placées pendant plusieurs nuits sur toutes les maisons, par crainte de ceux du dehors et de ceux du dedans. Il naissait de là un très-grand mécontentement dans la cité de Rome, où les uns désiraient la mort du pape, les autres demandaient que le duc d'Albe entrât au plus tôt dans Rome, et des citoyens romains s'entendirent entre eux pour lui en ouvrir les portes s'il s'y présentait. Le pape, l'ayant su, les appelait dégénérés de leur antique sang et de la valeur romaine.

Paul IV mettait ses dernières espérances dans les troupes françaises qui étaient accourues de Macerata et qui campaient à Monte-Rotondo et à Tivoli ; mais le duc de Guise fut soudainement rappelé par le roi son maitre après la défaite de Saint-Quentin. Henri II, dans l'extrémité où le plaçait ce grand revers, considéra un aussi habile capitaine comme seul capable d'arrêter l'ennemi victorieux. L'instruisant des mesures qu'il avait prises, des levées considérables qu'il avait ordonnées, il lui écrivit, dans un simple et noble langage : Reste à avoir bon cœur et à ne s'estonner de rien[4]. Il l'invita à laisser d'assez fortes garnisons dans quelques bonnes places de l'État ecclésiastique, du Siennois, de la Toscane, et à partir tout de suite avec ses meilleures troupes. Je ne seray point à mon aise, ajoutait-il, que je ne sache que vous êtes en chemin[5].

Le duc de Guise quitta donc l'Italie et dit en partant : J'aime bien l'Église de Dieu, mais je ne feray jamais entreprises ni conquestes sur la parole et la foy d'un prestre[6]. Paul IV, qu'il laissa maître de s'arranger avec les Espagnols, s'y voyait contraint, à son grand déplaisir. Depuis quelque temps, il s'en montrait moins éloigné. Philippe II n'avait pas cessé de lui faire parvenir les plus humbles supplications, en lui offrant une obéissance qui touchait à l'abaissement[7]. Il ne pouvait pas supporter la pensée d'être en guerre avec le souverain pontife : aussi ordonna-t-il au duc d'Albe de négocier la paix à des conditions qui n'eussent rien d'humiliant pour Sa Sainteté, car il préférait, disait-il[8], la considération du Saint-Siège à ses propres avantages et aux convenances de sa couronne. Le fils de Charles-Quint, en cela si peu semblable à son père, étant prêt à subir la loi du pape en Italie, lorsqu'il pouvait la lui imposer, l'arrangement était facile et devait être prompt. Deux conventions, l'une publique, l'autre secrète, furent conclues, le 14 septembre, entre Paul IV et Philippe II. La première portait que le roi catholique ferait ses soumissions au pape, qui renoncerait à l'alliance des Français ; qu'il restituerait toutes les places qui avaient été prises sur lui, et dont les fortifications seraient abattues ; que Paliano serait mis en séquestre entre les mains de Jean Bernardin Carbone, parent des Caraffa, jusqu'à ce que les parties en eussent décidé autrement. Par la seconde, il fut stipulé que Jean Caraffa recevrait, à titre de principauté, la ville de Rossano ; qu'il céderait au roi d'Espagne Paliano, dont le séquestre cesserait alors, dont les fortifications seraient rasées, et que le roi d'Espagne pourrait donner à qui il lui conviendrait, pourvu que ce ne fût point à un excommunié ou à un ennemi du pape. C'était exclure de sa possession Marcantonio Colonna, qui en avait été dépouillé comme ami des Espagnols, qui s'était distingué dans la dernière guerre comme leur allié, et qu'on sacrifiait à l'opiniâtre animosité du Pape. Il fut, de plus, stipulé que Sa Sainteté recevrait du roi catholique, par l'organe de son plénipotentiaire le duc d'Albe, toutes les soumissions nécessaires pour obtenir le pardon de ses offenses[9].

L'impérieux et altier Paul IV s'attacha à rendre éclatante, dans une cérémonie publique, l'humiliation du roi qui l'avait vaincu. Assis sur le trône pontifical, entouré des cardinaux et au milieu de l'appareil le plus solennel, il admit auprès de lui le duc d'Albe, qui, tombant à ses genoux, le pria d'absoudre le roi et l'Empereur des censures qu'ils avaient encourues en lui faisant la guerre. Le pape donna alors cette absolution avec la majesté hautaine et l'indulgence généreuse d'un maître et d'un supérieur. Il dit ensuite en plein consistoire qu'il avait rendu au siège apostolique le plus grand service qu'il eût jamais reçu, en apprenant aux souverains pontifes, par l'exemple même du roi d''Espagne, à abaisser l'orgueil des princes qui méconnaîtraient toute l'étendue de l'obéissance qu'ils doivent au chef visible de l'Eglise[10]. Le duc d'Albe, que Paul IV logea dans le palais du Vatican et qu'il fit manger à sa table, ne sentit pas moins la faiblesse du roi son maître : Si j'avais été le roi d'Espagne, dit-il, le cardinal Caraffa serait allé à Bruxelles implorer aux pieds de Philippe II le pardon que je viens de demander aux pieds de Paul IV[11].

La paix rétablie avec le Saint-Siège combla de joie la religieuse Espagne, où le souverain pontife conservait un parti puissant, dans le clergé surtout. Les cloches furent mises en branle dans toutes les villes, et il y eut à Valladolid deux processions d'actions de grâce auxquelles assistèrent la régente d'Espagne et le prince don Carlos[12]. Charles-Quint fut loin de partager cette allégresse. Vasquez lui transmit les lettres du cardinal de Siguenza, qui rendait compte de la négociation du traité et de l'accueil fait au duc d'Albe dans le palais du Vatican. Restituer à l'ennemi invétéré de la domination espagnole en Italie tout ce qu'on avait pris sur lui sans l'obliger à rendre ce qu'il avait enlevé aux partisans ainsi sacrifiés de la maison d'Autriche, parut au politique et fier Empereur une faute et une honte. Malgré sa goutte, écrivit Gaztelù à Vasquez le 21 novembre, l'Empereur se fit lire hier toutes les dépêches que vous avez envoyées... Il se mit en colère à propos de la paix, qu'il trouva très-déshonorante, et certes Sa Majesté ne se serait pas attendue à voir dans ce temps-ci une pareille chose[13].

Charles-Quint ne put pas s'accoutumer à cette nouvelle, et, plus d'un mois après, il n'en parlait qu'avec un insurmontable courroux. Il n'y a pas de jour, écrivait Quijada le 26 décembre[14], que l'Empereur ne murmure entre les dents contre la paix avec le pape. La connaissance des articles réservés ne l'apaisa point, et il dit qu'il trouvait la capitulation secrète aussi mauvaise que la convention publique[15]. Le commandeur d'Alcantara fut témoin lui-même de son blâme et de son irritation. Il apporta à l'Empereur une lettre très-humble du duc d'Albe qui, l'instruisant de ce qu'il avait fait à Rome, lui annonçait qu'il s'embarquait pour la Lombardie, afin d'y mettre les affaires dans le bon état où elles étaient ailleurs, avec l'intention d'aller ensuite demander au roi la permission de se reposer de vingt-cinq années d'agitations et de fatigues et de venir en Espagne baiser les mains de Sa Majesté Impériale. La faveur dont jouissait le messager ne suffit pas à faire bien accueillir le message. Charles-Quint ne répondit rien, et ne voulut pas môme entendre une relation détaillée des événements qui était jointe à la lettre du duc d'Albe. Il dit qu'il en savait assez[16].

L'Empereur n'avait pas eu beaucoup plus de satisfaction du côté du Portugal. L'infante doña Maria s'était enfin décidée à paraître en Espagne et à y visiter sa mère. Ce voyage ne lui avait pas été arraché sans peine. On avait été réduit à transiger avec elle. L'infante devait non plus rejoindre pour toujours la reine Éléonore, mais venir simplement la voir ; et, au lieu de se rendre à Jarandilla, comme cela avait été d'abord convenu, elle ne devait pas dépasser Badajoz, d'où après avoir reçu les embrassements et la bénédiction de sa mère, elle pourrait, si elle le voulait, retourner à Lisbonne. Ce médiocre résultat d'une poursuite qui avait duré plus d'une année avait contenté les deux reines. L'Empereur s'y était également résigné. Il avait employé plus de temps et plus de négociateurs à amener l'entrevue d'une fille avec sa mère qu'il n'en avait mis autrefois à conclure les plus grandes affaires de son empire. Non-seulement l'ambassadeur ordinaire, don Juan de Mendoza, et l'envoyé extraordinaire don Sancho de Cordova, appelé plusieurs fois à Yuste, y étaient intervenus de sa part, mais il s'était servi encore du Père François de Borja, qu'il avait fait partir pour Lisbonne afin qu'il y contrebalançât l'influence exercée par les religieux portugais sur l'infante, dont la dévotion égalait l'orgueil et qui était aussi sèche qu'opiniâtre.

Dès que le départ de doña Maria avait été convenu, les deux reines douairières de France et de Hongrie s'étaient disposées à aller au-devant d'elle. Charles-Quint n'avait pas voulu d'ailleurs que ses sœurs restassent plus longtemps dans un pays que son élévation montagneuse rendait souvent humide et froid dans la saison d'hiver. Il avait désiré qu'elles se dirigeassent du côté du sud, où elles attendraient l'infante leur fille et nièce. Les deux reines étaient donc montées à Yuste le 14 décembre, et elles avaient pris congé de l'Empereur. Le lendemain elles avaient quitté Jarandilla et s'étaient mises en route pour Badajoz. Moins de huit jours après leur départ, le Père François de Borja arriva de Lisbonne et vint rendre compte à l'Empereur des diverses missions qu'il lui avait confiées en Portugal. Outre qu'il s'était entremis pour la venue de l'infante et dans la question de la régence portugaise, Charles-Quint l'avait chargé, si la mort enlevait prématurément le jeune dom Sébastien son petit-fils, de ménager à son autre petit-fils don Carlos l'héritage de son royaume.

Il lui avait remis une instruction très-secrète rédigée par Gaztelù et attestant la persévérance de ses vues ambitieuses, sinon pour lui, du moins pour sa race. Charles-Quint envisageait de Yuste, en 1557, ce que Philippe II exécuta de Madrid en 1580, la réunion éventuelle des deux royaumes de la Péninsule en un seul Etat, mais en donnant au Portugal un roi espagnol avant de l'incorporer à l'Espagne. Cette réunion, que provoquait le contact des territoires et que repoussait la jalousie des nationalités, avait paru sur le point de s'effectuer soixante années auparavant, mais dans un sens tout à fait contraire. En 1497, le roi de Portugal dom Manuel et sa femme Isabelle d'Aragon avaient été reconnus héritiers présomptifs des royaumes de Castille et d'Aragon par les cortès de ces deux pays, qui, en 1498, avaient prêté serment à leur fils dom Miguel comme à leur futur souverain. Ce qui avait été légalement établi à la fin du quinzième siècle en faveur d'un prince portugais né d'une infante d'Espagne, et ce qu'une mort prématurée avait seule empêché de se réaliser, Charles-Quint songea à le faire consacrer au milieu du seizième siècle au profit d'un prince espagnol né d'une infante de Portugal. Son petit-fils don Carlos y avait un double titre par son aïeule l'impératrice Isabelle et par sa mère doña Maria. Mais la reconnaissance de son droit semblait subordonnée au droit supérieur du cardinal Henri, qui représentait la branche masculine de la maison royale de Portugal, et que Charles-Quint, dans sa paternelle convoitise, considérait sans doute comme incapable, ou de succéder au trône à cause de son caractère sacerdotal, ou de continuer la dynastie à cause de son âge et de ses infirmités. Déjà, le 5 juillet 1557, il avait chargé don Fadrique Enriquez d'adresser à la reine Catherine sa sœur une insinuation indirecte à cet égard et de lui dire de sa part[17] : qu'étant tous sujets à la mort, et les jeunes pouvant mourir comme les vieux, il désirait savoir ce qui avait été réglé pour un cas pareil. Mais la mission confiée au Père François de Borja avait été plus expresse. Après l'avoir pleinement exposée à la reine Catherine, le pieux ambassadeur avait ordre d'instruire eit mots couverts l'Empereur des résultats obtenus ou promis, en se servant de noms supposés pour désigner les personnes et les pays. Dans cette correspondance, où le Père François devait signer du nom de Pedro Sanchez des lettres adressées à Charles-Quint sous le nom de micer Agustino, la reine de Portugal devait s'appeler Catalina Diez, le jeune roi Sebastian Diez, Philippe II Santiago de Madrid, etc. ; la Castille recevoir la dénomination de Milan et le Portugal celle de Perpinan[18].

En Espagnol dévoué, le Père Borja était allé remplir la mission grave et mystérieuse que lui avait donnée son ancien maître. Dans ce voyage entrepris à pied, le bâton à la main, durant les plus grandes chaleurs de l'été, il était tombé très-dangereusement malade à Evora. La reine Catherine l'y avait envoyé prendre en litière aussitôt qu'il avait pu se remettre en route, et l'avait fait conduire à Aldea Gallega, sur le Tage, où l'attendait le brigantin royal, et d'où il avait été transporté au palais de Xobregas, qui lui servit de demeure. Lorsqu'elle apprit le dessein de son frère, la régente de Portugal, loin de le repousser comme impossible ou de s'en effrayer comme dangereux[19], l'approuva et promit de le faire réussir promptement. Catalina Diez, écrivit le Père François à Charles-Quint[20], à laquelle j'ai parlé conformément à l'instruction que je portais, s'est pleinement ouverte avec Pedro Sanchez, mais en l'engageant à ne pas confier à une lettre la réponse qu'elle lui donnait et à ne la communiquer que de vive voix... En attendant, micer Agustino peut être très-satisfait. Il ajouta dans une autre lettre[21] que Catalina Diez obéirait à micer Agustino comme pourrait le faire Santiago de Madrid. Il avait été en effet convenu que l'infante doña Maria irait en Espagne voir la reine Eléonore sa mère ; que don Carlos serait reconnu, par une pragmatique, héritier de la couronne de Portugal, et que, pour empêcher plus tard le mariage de dom Sébastien avec une princesse de France, ainsi que le voulait le parti contraire à r Espagne, on lui réserverait pour femme une petite-fille de Charles-Quint, fille de la reine de Bohème, qui viendrait à la cour de Valladolid et y serait élevée[22].

A son retour auprès de l'Empereur, le Père François lui fit part de ces importants résultats de sa mission a Lisbonne. L'avenir, dont les hommes les plus prévoyants et les plus puissants sont si peu les régulateurs et les maîtres, semblait fixé d'avance ; mais les événements dérangèrent ces lointaines combinaisons. La pragmatique si formellement annoncée à Charles-Quint, et destinée à régler l'ordre de succession au trône de Portugal en faveur de don Carlos, ne fut point publiée : l'ombrageuse nationalité des Portugais en détourna sagement la régente Catherine. Dom Sébastien n'épousa point la fille de la reine de Bohême. Eloigné du mariage par la piété outrée que lui inspira le jésuite Luiz Gonçalves da Camara, son confesseur et son maître, entraîné vers les entreprises religieuses et démesurées par l'ardeur d'une foi conquérante et les élans d'une imagination belliqueuse, sans postérité comme sans prudence, il alla se faire tuer en Afrique et ensevelir avec lui toutes les espérances de la dynastie portugaise sur le champ de bataille d'Alcaçar-Quivir. Mais alors se réalisa ce qu'avait voulu Charles-Quint, quoique d'une autre façon. Si le Portugal ne fut pas annexé à l'Espagne par don Carlos, qui mourut avant dom Sébastien, il y fut incorporé par Philippe II, qui survécut au vieux cardinal-roi Henri, et qui opéra l'union des deux royaumes que vingt-trois ans auparavant l'Empereur son père préparait du cloitre de l'Estrémadure.

Après que le Père François de Borja eut informé l'Empereur de tout ce qui l'intéressait à la cour de Portugal, leur entretien roula sur le nouveau genre de vie qu'ils avaient embrassé l'un et l'autre, et qu'ils ne pratiquaient pas de la même manière. Le Père François en était arrivé à ce suprême détachement chrétien qui le mettait au-dessus de tous les intérêts humains et de toutes les affections terrestres. Il était devenu insensible aux avantages et même à la vie de ses enfants, n'aimant plus d'eux que leur âme et ne priant que pour leur salut. Il disait que, depuis le jour où Dieu avait pris possession de son cœur, il s'y était rendu tellement le maître, qu'aucune créature n'avait le pouvoir de le troubler, ni vivante, ni morte. Chez l'Empereur, au contraire, le chrétien n'avait pas effacé l'homme, et le père demeurait dans le cénobite. L'inquiétude de sa propre gloire l'occupait encore, et il restait plein d'attachement comme d'ambition pour son fils et son petit-fils. Aussi s'émerveilla-t-il des désintéressements surhumains de son pieux ami.

Après avoir demandé au Père François des nouvelles de ses enfants, il lui dit que l'amiral d'Aragon don Sancho de Cardona se plaignait du duc don Carlos de Borja, parce qu'il l'accusait de détenir, contrairement à la justice, les villages del Real qu'il prétendait lui appartenir. Interrogeant à cet égard le Père François, Charles-Quint désira savoir ce qu'il pensait du droit de son fils et de la décision qu'il devait prononcer lui-même. Seigneur, répondit le Père François, je ne sais de quel côté est le droit. Mais je supplie Votre Majesté non-seulement de rendre justice à l'amiral, mais de lui faire toute la grâce qui sera compatible avec la justice. — Pourquoi, repartit l'Empereur, abandonnez-vous ainsi vos fils ? Est-ce que cette grâce ne vaudrait pas mieux pour le duc ?Sacrée Majesté, répliqua le Père François, l'amiral d'Aragon en a vraisemblablement plus besoin que le duc, et il est bien d'assister la nécessité la plus grande[23].

L'Empereur n'enviait pas cet abandon des affections paternelles dans le trop stoïque jésuite, dont il se sentait impuissant à imiter les mortifications. Il dit au Père François, qui couchait tout habillé sur une planche : Pour moi, avec mes infirmités ordinaires, je ne peux pas faire toutes les pénitences que je voudrais. Il m'est surtout impossible de dormir vêtu. — Votre Majesté, lui répondit le Père François, ne peut pas coucher avec ses vêtements, parce qu'elle a passé beaucoup de nuits sous la cotte d'armes. Laissez-nous remercier Dieu de ce que vous avez rendu plus de services en veillant tout armé pour la défense de sa foi et de sa religion que n'en rendent beaucoup de moines en dormant dans leurs cellules couverts d'un cilice[24]. Après deux jours passés au couvent, où Charles-Quint le fit[25] loger non loin de lui et lui envoya chaque jour un plat de sa table, le Père François baisa les mains de l'Empereur et se rendit dans la maison de novices qu'il avait établie pour son institut à Simancas.

De petites tribulations s'étaient jointes aux vives souffrances et aux grandes contrariétés de Charles-Quint. Il avait fait établir à Quacos une juridiction particulière dont avait été investi le licencié Murga. Cette juridiction était d'autant plus nécessaire, que les villageois de Quacos, turbulents et pauvres, se montraient sans beaucoup de respect pour le puissant cénobite qui vivait dans le voisinage et leur distribuait une bonne part des aumônes qu'il répandait tous les mois parmi les habitants les moins heureux de la Vera. Ils se querellaient avec ses serviteurs, ils prenaient ses vaches si elles pénétraient sur leurs pâturages dans la forêt, ils pêchaient les truites qu'on lui réservait dans les cours d'eau de la montagne. Cette juridiction nouvelle offusqua le corrégidor de Plasencia, don Pedro Zapata Osorio, qui la considéra comme un empiétement sur la sienne. Un jour, dans la jalousie d'autorité qui lui troublait la tête, il envoya exécuter des mandements à Quacos, et comme l'alguazil du licencié Murga s'y opposa, don Pedro Zapata Osorio se transporta lui même à Quacos avec son lieutenant, son greffier, deux alguazils et deux régidors de Plasencia, et il fit incarcérer l'alguazil qui avait contesté ses pouvoirs et résisté à ses ordres[26]. Irrité d'une hardiesse aussi peu respectueuse, Charles-Quint fit suspendre par sa fille don Pedro Zapata Osorio, que le conseil d'État manda à Valladolid ; et le grand souverain qui avait eu pour adversaires François Ier, Clément VII et Soliman Il, se vit alors en contestation avec un petit corrégidor de l'Estrémadure.

Le juge Murga fut appelé à Yuste pour y poursuivre les auteurs d'un vol audacieusement commis dans le coffre même de l'Empereur : on y avait enlevé 800 ducats destinés à des aumônes. Il n'y avait que des gens de la maison, connaissant les lieux et instruits du dépôt, qui pussent les avoir pris. Après des recherches infructueuses, Murga demanda à l'Empereur l'autorisation de mettre à la torture ceux qu'on suspectait d'avoir commis le vol ; l'Empereur ne le voulut point : Il y a, dit-il, des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir[27]. Cette humaine indulgence ne lui était pas ordinaire : il était en certaines choses d'une dureté impitoyable, comme l'attestent les dispositions rigoureuses de ses édits et de ses lois, et comme le montrèrent bientôt les cruelles invitations qu'il adressa à la régente sa fille et au roi son fils contre les protestants qui furent découverts en Espagne.

Peu de temps avant que ses sœurs quittassent la Vera de Plasencia et que le Père François vînt le voir à Yuste, Charles-Quint avait eu le premier accès de goutte dont il relevait à peine le 12 décembre. Le 4 janvier 1558, il en éprouva une nouvelle et forte attaque, qui des bras descendit dans les genoux, lui causa de grands troubles d'estomac et le retint au lit jusqu'au 20. Entre ces deux accès, et même lorsque durant l'accès la douleur était moins vive, il s'occupa avec une active sollicitude des intérêts de son fils, et porta sa prévoyante attention sur la France, où tous les efforts allaient désormais se concentrer et de grands événements s'accomplir. Il fit venir à Yuste don Juan de Acuna, qui avait assisté à la dernière campagne et qui arrivait des Pays-Bas[28], parce que, disait-il à Vasquez, je veux entendre de lui certaines choses de Flandre, et vous ferez bien de m'aviser de tout ce qui vous parviendra.

Il avait reçu de sa fille une lettre du 14 décembre, dans laquelle, se montrant impatiente d'être débarrassée du fardeau de l'autorité, elle demandait que son frère Philippe II retournât en Espagne pour s'en charger lui-même et y prendre possession de la couronne d'Aragon. La princesse doña Juana avait, en outre, transmis à son père les délibérations du conseil d'État, qui faisait connaître l'épuisement financier du royaume, la difficulté croissante de continuer la guerre, et dès lors l'opportunité qu'il y aurait à profiter des victoires obtenues pour conclure la paix à des conditions avantageuses. L'Empereur lui répondit le 26 décembre, en se prononçant contre de semblables pensées. Certainement, lui dit-il[29], la paix est en tout temps excellente et souhaitable. Aussi n'ai-je jamais donné pour excuse des maux grands et nombreux que la guerre fait souffrir à la chrétienté que le peu de sûreté qu'il y a du côté des Français, comme l'a montré l'expérience du passé, puisqu'ils n'ont jamais tenu et ne tiennent jamais ce qu'ils promettent qu'autant que cela leur convient. Je ne vois pas, d'ailleurs, quels moyens, bons pour lui, le roi aurait de traiter de la paix, ses affaires étant au point où elles se trouvent. Bien que je sache que sa venue dans ces royaumes serait aussi nécessaire que vous le dites, il ne conviendrait cependant en aucune manière qu'il s'éloignât de la Flandre, surtout en cette conjoncture.

Comme le conseil d'Etat proposait, si la guerre continuait, d'attaquer la France par la frontière des Pyrénées, avec une armée composée de gens de pied fournis par les villes et les grands d'Espagne, des gardes à cheval, de quatre mille Allemands et de deux mille Espagnols de vieille troupe, il ajoutait[30] :

Je reconnais qu'on pourrait opérer par là une utile diversion ; mais il se présente à mon esprit trop de difficultés pour que je croie au succès qu'on attend d'une pareille entreprise. En entrant par la Navarre sans avoir de flotte et sans recevoir d'assistance en vivres de Vendôme — roi de Navarre —, je ne sais comment on pourrait nourrir les troupes lorsqu'on marcherait en avant. Je pense donc qu'il conviendrait mieux que l'aide proposée pour cette expédition se convertit, l'année qui vient, en un grand effort pour pénétrer en Picardie et en Normandie, parce que j'espère en Dieu que, les affaires du roi de France étant aux termes où elles sont réduites, on l'accablera à tel point, que de longtemps il ne pourra lever la tête. Jamais on n'a vu et il s'écoulera bien des années avant qu'il s'offre une occasion comme celle qui se présente pour achever son abaissement1.

 

Mais Philippe II ne ressemblait pas à Charles-Quint ; il n'avait tiré qu'un médiocre parti de sa bonne fortune. Après avoir pris Saint-Quentin, Ham, le Catelet, Noyon, fortifié les deux premières de ces villes et démoli les remparts des deux autres, il avait licencié son armée, qui était d'un entretien ruineux, et n'avait conservé que les garnisons nécessaires à la défense des places les plus avancées et les plus importantes. Il avait laissé à Henri II le temps de rassembler ses forces et de réparer son échec. Ce prince, invoquant l'assistance de son peuple et le patriotisme de sa noblesse, avait obtenu des sommes considérables, réuni autour de lui tous ceux qui avaient déjà porté les armes, pris à sa solde douze mille Suisses et six mille lansquenets, convoqué toute la vaillante cavalerie de ses ordonnances, et nommé lieutenant général des armées françaises dans tout le royaume l'entreprenant duc de Guise, arrivé d'Italie avec l'élite de ses troupes et ses meilleurs capitaines. Son dessein était de profiter du désarmement des Espagnols et de réparer dans une campagne d'hiver les désastres qu'il avait éprouvés durant la campagne d'été.

Charles-Quint avait prévu ce projet de bonne heure et s'en était inquiété. Il parait, avait-il écrit à sa fille dès le 15 novembre, que le roi de France arme avec furie, et il pourrait bien se faire qu'il entrât en campagne cet hiver et tentât de recouvrer quelques-unes des places qu'il a perdues ou d'en surprendre d'autres[31]. Il proposait de faire servir à repousser les attaques probables de Henri II une petite armée de dix mille hommes de pied et de douze cents à quinze cents chevaux qu'un chef de bande de la Souabe, le baron de Polviller, avait levée par ses ordres et ceux de Philippe II pour pénétrer dans la Bresse et la Savoie et y opérer un soulèvement en faveur de Philibert-Emmanuel, qui en était le souverain dépossédé. Si le roi, disait-il, n'a pas les forces nécessaires pour se porter où besoin sera, qu'il ordonne à Polviller de le joindre, et, l'ayant auprès de lui, il pourra plus aisément tenir tête à l'ennemi, s'opposer à ses desseins, et l'empêcher de réussir dans ce qu'il entreprendra... et, prenant des positions fortes et commodes, il lui sera facile de donner secours aux amis, d'assaillir avec avantage les ennemis, comme je le pratiquai à Valenciennes, à Namur, à Renty[32]. Ce conseil était prudent, mais il ne put être suivi. L'expédition de Polviller avait échoué dans le comté de Bresse, où le chef allemand avait rencontré des troupes qu'il n'y attendait pas, les corps français d'Italie, que le duc de Guise avait amenés par Marseille, et ceux qui avaient suivi le duc d'Aumale à travers les Alpes[33]. Sa petite armée avait été mise en déroute, et Philippe II, pris au dépourvu, essuya à son tour des revers considérables.

Accueilli comme un sauveur, le duc de Guise ne démentit pas les espérances qu'avaient mises en lui le roi et le royaume[34]. Il conçut une entreprise extraordinaire capable de réparer la défaite et la prise de Saint-Quentin. Les Anglais, qui avaient longtemps possédé presque toutes les côtes occidentales de la France, et auxquels Philippe-Auguste avait enlevé la Normandie et Charles Villa Guyenne, avaient encore un formidable pied-à-terre sur le continent, d'où ils n'avaient pas été complètement expulsés. Maîtres de Calais, dont Edouard III s'était emparé en 1347, ils étaient cantonnés depuis plus de deux cents ans dans cette place, qu'ils avaient fortifiée et où ils avaient transporté des bourgeois de Londres et des paysans du comté de Kent. Vraie colonie anglaise, Calais était comme le prolongement de l'Angleterre sur le continent ; c'était l'étape de son commerce des laines avec les Pays-Bas et le point de départ de ses expéditions militaires contre la France. Située sur une partie peu accessible de la côte, environnée par l'Océan et par des marais, munie d'une citadelle intérieure, flanquée de quatre bastions, entourée de larges fossés que remplissaient les eaux des rivières de Hames, de Guines et de Mark, défendue par les deux forts de Nieullay et de Risbank, dont le premier commandait et foudroyait la chaussée qui seule conduisait à la ville du côté de h terre, et dont le second protégeait le port et en interdisait l'entrée du côté de la mer, la place de Calais passait pour imprenable. Ce qui semblait faire sa sûreté amena sa perte. Les Anglais, dont l'orgueilleuse confiance avait fait placer sur l'une de ses portes cette inscription : Les François prendront Calais quand le plomb nagera sur l'eau comme le liège, n'entretinrent pas même avec assez de soin ses fortifications. Ils avaient l'habitude d'en diminuer la garnison pendant la saison d'hiver, si contraire à un siège, que rendaient cette année, plus improbable encore les revers essuyés par les Français en Picardie et en Italie. Ils rappelèrent donc en Angleterre, selon leur usage annuel, une partie des troupes restées dans Calais, malgré les représentations de lord Wenworth, qui en était gouverneur.

Le duc de Guise profita de cette trop grande confiance pour enlever la place dans une attaque aussi vive qu'inattendue. Il la fit d'abord reconnaître secrètement ; puis, trompant les Espagnols et les Anglais par d'adroites manœuvres, il se montra disposé à reprendre Saint-Quentin. Il parcourut toutes les places de la frontière française, depuis la Champagne jusque vers le Boulonnais, comme pour les mettre à l'abri d'une agression. Se rapprochant ainsi, sans inspirer de défiance, de la ville qu'il voulait surprendre, après avoir fait mystérieusement tous les préparatifs du siège et avoir donné aux navires échelonnés sur les côtes de la Gascogne, de la Saintonge, de la Bretagne, de la Normandie, de la Picardie, l'ordre de se rendre dans la Manche, il arriva tout d'un coup sous Calais, dans la nuit du 1er janvier 1558. Aussitôt il l'investit et il en commença le siège.

Il attaqua avec la plus grande vigueur les deux forts de Nieullay et de Risbank, qu'il enleva le 3 janvier. Dès qu'il en fut maître, il tourna son artillerie contre la porte de la rivière, dont il abattit les fortifications ; il foudroya ensuite la citadelle, où il fit brèche, et y pénétra le 6 de vive force, eu passant au fil de l'épée ceux qui la défendaient. S'il restait maître de cette forte position, qui dominait la ville du sud au nord, Calais ne pouvait pas tenir plus longtemps. Aussi les Anglais tentèrent-ils un effort désespéré pour la reprendre ; mais n'y étant pas parvenus, ils demandèrent à capituler. Le 8 la capitulation fut signée, et le 9 le duc de Guise, retenant prisonniers lord Wenworth et cinquante officiers de la garnison, dont le reste put faire voile vers l'Angleterre, remit la France en possession de Calais[35], qu'il prit en quelques jours, tandis qu'Edouard III n'y était entré qu'après onze mois de siège. Il avait eu la gloire de lui conserver Metz, il eut celle de lui rendre Calais.

Poursuivant le cours de ses heureuses entreprises, le duc de Guise se porta le 13 janvier devant Guines, que les Anglais occupaient depuis 1351, s'empara le même jour de la ville, qu'ils avaient abandonnée, et les força, le 21, a capituler dans la citadelle, où ils s'étaient réfugiés. Il prit sans coup férir le château de Hames, qu'ils avaient évacué et qui formait le dernier poste occupé par eux dans le comté d'Oye, ainsi replacé tout entier sous la domination française. Le dinde Guise n'acquit pas peu d'honneur en terminant entre la France et l'Angleterre une lutte territoriale qui durait depuis des siècles : il fit rentrer l'une dans ses frontières maritimes et il repoussa dans son ile l'autre, qu'il punit d'avoir pris part à une guerre sans motif et sans intérêt pour elle. Laissant le commandement de Calais, dont les fortifications furent réparées, au vaillant et expérimenté Paul de Thermes, chargé de défendre cette côte reconquise, le duc de Guise se dirigea bientôt vers les Pays-Bas, où le duc de Ne vers prit les châteaux d'Herbemont, de Jamoigne, de Chigny, de Rossignol, de Villemont, et où il devait aller assiéger lui-même l'importante place de Thionville.

La prise de Calais découvrait la Flandre maritime, et le siège de Thionville menaçait le duché de Luxembourg. Philippe II, réduit à la défensive, était placé, au commencement de 1558, dans la position dangereuse où il avait mis Henri Il vers la fin de 1557. La nouvelle de la prise de Calais fut transmise le 31 janvier, par Vasquez, de Valladolid à Yuste. Elle désola l'Empereur. Il était depuis deux mois et demi malade presque sans interruption. Le 2 février, jour de la Purification, il voulut entendre la grand'messe dans l'église, où il se fit porter sur son fauteuil et où il communia. Bien qu'il fût entouré de coussins de plume, il sentait de la douleur jusque dans les os[36]. A ce mal profond s'ajouta la plus vive anxiété politique, lorsque Quijada, le 4 février, l'instruisit de la perte de Calais, qu'il lui avait tenue cachée la veille au soir pour ne pas trop l'agiter pendant la nuit[37]. Il dit qu'il n'avait pas éprouvé de plus grande peine en sa vie[38]. Il craignit que les Français victorieux ne marchassent sur Gravelines et que rien ne fût capable de les arrêter dans leur élan et leur succès. Ma fille, écrivit-il le jour même à la régente d'Espagne, j'ai ressenti cette perte au degré où elle devait l'être, Plus j'y pense, plus je trouve de motifs et je vois de dangers qui m'en font tenir la nouvelle pour la pire que je pusse recevoir, soit à cause de la grande importance de cette place au lieu où elle est située et de la position du roi, qui est désarmé et sans argent, soit à cause des conséquences qu'elle pourra avoir. Quoique j'aie cherché ce à quoi il fallait immédiatement pourvoir, je ne vois pas autre chose à faire, en attendant les avis et les projets du roi, que de presser le départ de la flotte qui lui porte de l'argent, afin qu'il puisse s'en servir. Donnez donc l'ordre de partir, sans perdre un moment, à Pedro Menendez ou à celui qui doit la conduire. Il invita, de plus, la régente à retirer, selon les ordres de Philippe II, l'or et l'argent qui étaient en lingots à Séville, pour en préparer le prompt transport dans les Pays-Bas. Il ajouta[39] : Quoique je sois certain, ma fille, que, connaissant le trouble et les embarras dans lesquels se trouvera le roi, vous lui viendrez en aide avec la diligence qui convient, j'ai voulu cependant vous dire tout ceci, parce que je sens à tel point ce qui est arrivé et ce qui pourrait en être la fâcheuse suite, que je ne saurais m'empêcher d'être en grande inquiétude jusqu'à ce que j'aie appris qu'on y a remédié.

Le courrier d'Afrique lui apporta en même temps l'alarmante nouvelle de l'attaque prochaine d'Oran, où le comte d'Alcaudete était allé s'enfermer. Il lui semblait que les Français ne trouveraient plus d'autre obstacle à leur marche sur Bruxelles que le château fortifié de Gand, et que les Barbaresques pourraient bien s'emparer de la ville que les Espagnols leur avaient enlevée depuis un demi-siècle, et avec laquelle ceux-ci tenaient en bride les anciens conquérants de leur pays. Il était plus troublé dans sa solitude qu'il ne l'avait jamais été sur son trône, et il demandait qu'on l'informât diligemment de tout ce qui arriverait sur la frontière de France et sur la côte d'Afrique. Vasquez, auquel il en donna les ordres les plus pressants, hâta l'envoi de l'argent préparé pour Philippe II. Le mauvais temps ayant forcé la flotte à rentrer dans le port, il fit mettre sur-le-champ en mer un navire léger chargé d'une première somme pour Philippe II. Le reste de l'argent fut bientôt transporté dans les Pays-Bas par d'autres vaisseaux, également bons voiliers, que la saison d'hiver n'empêcha pas de sortir de Laredo. Vasquez transmit en même temps 140.000 ducats, en traites payables à la foire prochaine de Medina del Campo, au prince Doria, pour qu'il unit ses galères à la flotte d'Espagne dans la Méditerranée et qu'il protégeât les côtes de la Péninsule contre l'armée navale des Turcs qui avançait[40].

Ces grands soucis agirent sur la santé de l'Empereur. Il eut une nouvelle attaque de goutte : c'était la troisième de cet hiver ; elle ne fut cependant pas violente ni prolongée. Le 8 février, l'appétit lui étant un peu revenu, il mangea des huîtres fraiches, et il demanda à Séville du bois des Indes et de la salsepareille pour en boire des décoctions, ce qui faisait dire à Quijada[41] : Les rois se figurent sans doute que leur estomac et leur complexion diffèrent de ceux des autres hommes. Cependant l'humeur qui le tourmentait par des crises si douloureuses et si fréquentes se porta au dehors, lui envahit les extrémités inférieures du corps et l'obligea à dormir la nuit les jambes entièrement découvertes[42].

C'est au commencement de février, anniversaire de son entrée au couvent, et au moment même où il était le plus tristement retenu dans sa chambre, que Charles-Quint se serait, s'il faut en croire les récits des moines hiéronymites, prêté à un simulacre de profession monastique. Le maître des novices ayant rencontré le chevalier Moron, guardaropa de l'Empereur, lui dit en riant : Señor Moron, il y aura bientôt un an que Sa Majesté est ici. Son noviciat sera alors terminé. Que Sa Majesté voie si le couvent lui convient et si elle veut y faire profession, et qu'elle le dise avant l'expiration de l'année ; car, si elle cherchait à nous quitter après, nous ne la laisserions pas sortir. J'en avertis, afin qu'on ne se plaigne pas de moi quand il sera trop tard. Moron se mit à rire, et il ne manqua pas de rapporter ce propos à l'Empereur pour l'égayer. Charles-Quint goûta la plaisanterie, quoiqu'il fût dans le moment tourmenté par la goutte, et il dit à Moron : Va trouver le maître des novices et assure-le que, si le couvent est content de moi et s'ils veulent me recevoir dans leur ordre, je suis content d'eux tous et je me donne dès cette heure pour proie. Le maitre des novices ne s'attendait point à ce que Moron racontât à l'Empereur ce qu'il lui avait dit. En apprenant sa gracieuse réponse, il ajouta : Señor Moron, nous serions bien difficiles si nous n'étions pas satisfaits d'un pareil novice, qui offre à tous les meilleurs exemples. Si Sa Majesté se donne pour proies, nous nous donnons tous pour ses serviteurs et ses chapelains.

L'Empereur voulut pousser la chose jusqu'au bout. Il fit venir Juan Hegla, son confesseur, et s'informa auprès de lui de ce qui se pratiquait lorsqu'on recevait un religieux dans l'ordre. Ayant appris qu'on examinait son origine pour savoir s'il était de sang bleu — sangre azul — non mêlé de sang maure ou juif, qu'on célébrait ensuite l'admission du nouveau proies par une procession solennelle et par un sermon dans lequel on lui expliquait ses devoirs religieux, qu'enfin la journée se terminait par un repas autour d'une table bien servie et par une promenade aux champs, il ordonna qu'on en fit autant pour lui. Le 5 février, sans qu'on procédât à la vérification préalable de sa descendance, il y eut donc messe, sermon, procession, Te Deum. Le Père Francisco de Villalba prêcha sur l'abandon chrétien des grandeurs terrestres, et dit qu'à se dépouiller de tout pour servir le Christ, l'empire était plus grand qu'à gouverner les plus vastes États du monde. Les Flamands de Quaros vinrent ce jour-là au couvent avec leurs habits de fête, et l'on envoya de Plasencia à l'Empereur des perdrix, des chevreaux, du gibier, dont il régala les moines, qui purent parcourir librement la forêt aux doux rayons du soleil qu'ils n'avaient aperçu jusqu'alors que du fond de leur cloître. Pour s'honorer d'une association à leur ordre aussi haute, quoique aussi peu sérieuse, les hiéronymites de Yuste ouvrirent dès ce moment un nouveau registre des profès qui commençait par ces mots : A l'éternelle mémoire de cet illustre monarque et puissant roi, et afin que les futurs religieux puissent se glorifier de voir inscrits leurs noms et leurs professions à la suite du nom de ce glorieux prince[43].

Lorsque, quelque temps après, eut lieu la visite triennale des couvents hiéronymites, les visiteurs généraux de l'ordre, fray Nicolas de Segura et fray Juan de Herrera, en arrivant à Yuste, allèrent baiser les mains de l'Empereur et lui demander la permission de remplir leur office. Charles-Quint leur répondit qu'ils étaient les bienvenus, et que sa présence au couvent ne devait empêcher en aucune façon l'observation des usages consacrés. Ils le prièrent alors de les avertir s'il ne se passait rien dans le monastère qui fût contraire à ses désirs, afin qu'ils missent leur soin principal à y remédier. L'Empereur leur répondit que tout lui paraissait bien, à l'exception d'une seule chose. Il vient, dit-il, à la porte du couvent beaucoup de jeunes femmes pour prendre part à la distribution des aumônes, et les moines accourent s'entretenir avec elles ; ce qui fait causer mes serviteurs. Aussitôt les visiteurs généraux ordonnèrent que les fanègues de grains distribuées jusque-là à Yuste seraient portées dorénavant dans les villages de la Vera, où les alcades les partageraient entre les pauvres habitants. La sanction pénale que l'Empereur donna à cette réforme se ressentit de sa nouvelle rigidité. Il fit publier à son de trompe, dans les lieux circonvoisins, qu'aucune femme n'approchât du monastère à plus de deux traits d'arbalète, sous peine de cent coups de fouet.

Lorsque les visiteurs vinrent prendre congé de l'Empereur, le plus vieux d'entre eux lui dit avec gravité :

Si Votre Majesté nous en accorde la permission, nous avons à lui présenter quelques petits griefs. — Dites, Père, dites, répondit l'Empereur un peu étonné. — Ce ne sera pas, sire, par voie de charges, mais bien de supplications, afin qu'il n'y soit plus donné lieu désormais. D'abord nous supplions Votre Majesté de vouloir bien ne plus permettre qu'on distribue de pitance extraordinaire aux religieux de cette maison. — Une seule fois, répliqua l'Empereur, je leur en ai fait envoyer, et peu, pour les récréer. — L'ordre, ajouta le visiteur, leur donne ce qui convient pour qu'ils aillent au service de Dieu dispos et joyeux. S'ils ont, par-dessus, l'abondance que Votre Majesté peut leur procurer comme un grand prince, au lieu de prier Dieu, de se livrer à la contemplation, de se rendre aux offices divins, afin de satisfaire en cela Votre Majesté, ils se mettront à dormir, à parler, à perdre leur temps, et Dieu veuille qu'ils ne fassent pas pis ! — Vous avez raison, dit l'Empereur, j'y remédierai ; continuez. — La seconde chose que nous demandons à Votre Majesté, c'est de ne donner de l'argent à aucun moine dont elle aura à se servir. Tout religieux qui viendra auprès de Votre Majesté aura reçu de l'ordre ce qui lui est nécessaire pour le voyage, la demeure et le retour. Votre Majesté, en lui donnant avec la libéralité d'un prince, lui offrirait l'occasion d'offenser Dieu en ce qui touche la propriété. Le religieux croirait pouvoir dépenser cet argent pour son compte, ce qui lui est interdit, car aucun moine ne peut rien acquérir qui ne soit au monastère. — Je n'y reviendrai plus, dit l'Empereur ; avez-vous quelque chose à ajouter ? — Nous vous supplions, en troisième lieu, de ne prendre sous votre protection, ni de recommander à la protection de la sérénissime princesse votre fille aucun religieux qui viendrait invoquer l'appui de Votre Majesté, en quoi que ce soit qui loucherait à la discipline, à la correction ou aux châtiments imposés par l'ordre, parce que cela pourrait avoir de grands inconvénients à cause du respect qui est toujours dû aux volontés des personnes royales. — J'ai eu cela en considération, dit l'Empereur, et je l'aurai encore davantage ; n'y a-t-il plus rien ? — La dernière supplication que nous adressons à Votre Majesté, c'est que, si elle a besoin d'un religieux quelconque et même du général, elle veuille bien l'appeler. Il quittera tout pour se rendre au désir de Votre Majesté. Mais qu'elle fasse à l'ordre la grâce de ne se souvenir d'aucun de ceux qui le composent, pour un honneur, un office, une dignité. Si l'ordre recevait ainsi une récompense de Votre Majesté, il perdrait tout le mérite qu'il peut avoir à la servir[44].

 

Si ces promesses furent faites aux rigides visiteurs, elles ne furent pas toutes tenues. Le profès impérial, que les religieux de Yuste avaient pompeusement inscrit sur leur registre, les traita bientôt avec une hauteur indifférente et fort peu monastique. Ayant perdu quelque temps après leur prieur, ils le supplièrent d'écrire au général des hiéronymites afin qu'il les autorisât à en élire eux-mêmes un autre. Charles-Quint les refusa net, et leur dit qu'il ne voulait se mêler en aucune façon de pareille chose, ni de leur ordre[45].

Vers la fin de février, il éprouva un grand chagrin domestique. Les deux reines douairières de France et de Hongrie s'étaient rendues à Badajoz. où l'infante doña Maria était arrivée le 27 janvier pour voir la reine Éléonore, sa mère. La princesse doña Juana envoya pour complimenter l'infante don Antonio de Puertocarrero, qui vint baiser à Yuste les mains de l'Empereur. L'Empereur lui remit pour ses sœurs et pour sa nièce des lettres de compliment et d'affection qu'il ne put pas signer à cause de sa goutte, et auxquelles il fit apposer le sceau très-secret réservé pour ces occasions[46]. En même temps que l'envoyé de la régente et de l'Empereur se rendait à Badajoz, don Manuel de Melo, qui avait accompagné l'infante, se dirigeait, avec un train somptueux, vers Yuste[47]. Mais l'infante, que les deux reines comblèrent de tendresse et de présents[48], n'alla point visiter l'Empereur son oncle, et elle se refusa à vivre en Espagne dans la compagnie de sa mère. Après environ quinze jours passés à côté d'elle, cette fille altière et peu affectueuse reprit le chemin de Lisbonne : tandis que les deux reines revinrent tristement sur leurs pas, avec le dessein de faire un pèlerinage à Notre-Dame de Guadalupe. Mais elles ne le purent pas ; en arrivant à Talaveruela, la reine Éléonore tomba gravement malade. L'asthme dont elle était tourmentée, comme l'Empereur son frère, se compliqua d'une fièvre dangereuse, qui, dès le début de la maladie, laissa peu d'espérance au docteur Corneille, son médecin. Le secrétaire Gaztelù, que Charles-Quint avait envoyé au-devant de ses sœurs jusqu'à Truxillo, poussa jusqu'à Talaveruela en apprenant que la reine Éléonore y était malade. Le 18, qui devait être le dernier jour de sa vie, il la trouva sur un siège en proie à une fièvre violente, et oppressée à tel point par son asthme, qu'une respiration suivait l'autre[49] ; mais elle avait l'esprit si net et l'âme si ferme, qu'elle se fit rendre compte par Gaztelù de l'état des affaires et lui raconta son entrevue avec l'infante sa fille. Lorsqu'il retourna auprès d'elle le soir vers six heures, elle était à toute extrémité, et l'évêque de Palencia allait lui donner l'extrême-onction. Conservant la parole jusqu'au bout, elle lui dit avec une douceur et une sérénité infinie les choses les plus touchantes du monde. Elle demanda à être enterrée sans pompe à Mérida, et voulut que l'argent qui aurait été dépensé pour ses obsèques fût distribué aux pauvres. Ses dernières paroles furent pour l'infante et pour l'Empereur[50] : elle recommandait tendrement sa fille à son frère, et elle expira sans que celle-ci pût revenir lui fermer les yeux.

La triste nouvelle de la mort de sa sœur jeta Charles-Quint dans une profonde affliction. Il avait eu une quatrième attaque de goutte, et c'est au milieu des souffrances qu'il en éprouvait que la maladie de la reine Eléonore était venue l'inquiéter. Il avait envoyé sur-le-champ Quijada vers sa sœur à la suite de Gaztelù. Le médecin Mathys, resté auprès de lui, avait écrit le 18 février à Valladolid que l'Empereur était aussi attristé que souffrant[51]. Il avait ajouté le 20, en parlant de l'augmentation de son mal causée par l'inquiétude : — La douleur du bras droit s'est accrue et Sa Majesté a mangé par les mains d'autrui, et peu. Le soir elle eut de la fièvre et des angoisses, et les souffrances du bras devinrent plus vives. La nuit ne se passa pas bien. Hier le mal gagna le genou droit, et Sa Majesté eut les deux bras pris et immobiles. Comme Gaztelù revint en disant que la reine était au pire et sans espérance, vous pouvez juger quel chagrin en éprouva Sa Majesté[52]. Lorsque Charles-Quint apprit que cette sœur, qu'il avait toujours tendrement aimée, était morte, de grosses larmes coulèrent sur son visage. La reine Éléonore était son aînée de quinze mois ; il sentit qu'elle le précédait de bien peu : Avant que ces quinze mois soient passés, dit-il, il pourra bien se faire que je lui tienne compagnie®[53]. La moitié de ce temps n'était pas écoulée, que le frère et les deux sœurs s'étaient rejoints dans la dernière demeure.

La reine de Hongrie était au désespoir. Malgré la force qui la rendait maîtresse de ses sentiments, elle ne pouvait pas surmonter sa douleur ; lorsqu'elle voulait parler de sa sœur, les sanglots lui ôtaient la parole[54]. Elle alla chercher auprès de son frère des consolations et lui en donner. L'Empereur, qui avait fait demander en toute hâte à Valladolid des vêtements de deuil pour sa maison et la maison de ses sœurs, voulut que tout fût prêt à l'arrivée de la reine de Hongrie et qu'elle fut logée cette fois dans la résidence impériale. Il ordonna donc de préparer son appartement dans le quartier d'en bas[55]. En l'attendant, tourmenté par sa goutte, qui s'était portée sur le genou et la hanche gauches, ayant la bouche enflammée et la langue bouffie, réduit, pour toute nourriture, à des collations de massepains et de gaufres[56], il passa péniblement dans sa chambre le 24 février, jour anniversaire de sa naissance, qu'il avait célébré l'année précédente avec une satisfaction si joyeuse et si reconnaissante. Quatre jours après, le grand commandeur d'Alcantara étant venu à Yuste apporter avec ses condoléances les distractions de ses entretiens toujours si agréables à l'Empereur, il le trouva fort changé. Je l'ai consolé, écrivait-il à Vasquez[57], de la perte de la reine de France, et aussi de celle de Calais et de Guines, que Sa Majesté ressent comme la mort. Ce chagrin, le trépas de sa sœur et les froids très-sévères de cet hiver l'ont laissé extrêmement abattu. La reine de Hongrie arriva à Yuste le 3 mars, à la nuit. L'Empereur désirait et redoutait sa venue ; il avait dit plusieurs fois à Quijada : Il ne me semble pas possible que la Reine Très-Chrétienne soit morte, et je ne le croirai que lorsque je verrai entrer la reine de Hongrie seule[58]. Elle entra seule, et l'Empereur en la voyant s'attendrit, quoiqu'il cherchât à contenir son émotion. La reine ne put s'empêcher de montrer la sienne[59]. Elle demeura douze jours avec son frère, dont la santé se remit peu à peu, mais resta très-faible. Il ne pouvait manger que des mets excitants, des harengs, du poisson salé, de l'ail[60], et il était sans disposition comme sans force pour les exercices qui lui auraient été le plus salutaires. Mathys le déplorait, en écrivant à Philippe II :

Les fonctions corporelles de Sa Majesté, lui disait-il, sont presque oisives dans cette vie cellulaire. A mon grand chagrin, je désespère qu'il en soit autrement. A peine l'Empereur fait-il quinze ou vingt pas par jour ; le reste du temps on le porte en litière, et rarement même marche-t-il autant. Il est vrai que ces jours derniers il ne pouvait se servir de ses pieds à cause d'une petite plaie produite par l'éruption des jambes. Mais, ses pieds fussent-ils plus libres, et comme ils peuvent l'être pour lui, cela ne mènerait à rien, et il n'en ferait pas plus d'usager[61].

 

La reine de Hongrie quitta Yuste le 16 mars, dans l'intention d'aller fixer sa résidence à Cigales. Avant son départ, l'Empereur eut avec elle un entretien long et confidentiel[62]. Ayant éprouvé pendant plus de vingt ans l'habileté supérieure de sa sœur dans l'administration d'un État, il songea, au milieu des circonstances graves où se trouvait la monarchie espagnole, à la placer à côté de sa fille, qui semblait lasse de porter un si lourd fardeau, puisqu'elle avait naguère exprimé le désir de s'en décharger sur les épaules du roi son frère. Il la pressa donc de ne pas refuser son aide à la régente d'Espagne, et il la fit accompagner par Quijada, qui devait ramener de Villagarcia sa femme doña Magdalena de Ulloa avec le jeune don Juan d'Autriche, pour les établir à Quacos dans le voisinage le plus rapproché de Yuste. Quijada avait ordre de passer par Valladolid ; il devait persuader à la princesse régente, au nom de son père, de consulter la reine de Hongrie sur les affaires les plus importantes, et notamment sur celles des Pays-Bas. Quijada s'acquitta de sa mission sans y réussir. La princesse doña Juana prit assez mal cette invitation. Elle répondit que le caractère de la reine de Hongrie était tel qu'elle ne se contenterait pas de donner son avis, mais qu'elle voudrait commander ; que l'autorité qui lui avait été conférée pour gouverner ne souffrait pas une pareille nouveauté ; que, d'ailleurs, il naîtrait de là des embarras continuels pour le secret comme pour l'unité des résolutions, et elle signifia qu'elle se retirerait plutôt et renoncerait au gouvernement[63]. C'est dans ce sens qu'elle écrivit à l'Empereur. En même temps qu'elle résistait à tout partage d'autorité en Espagne, elle visait toujours à la possession du pouvoir qu'exerçait en Portugal la reine Catherine, sa tante et sa belle-mère. Le Père François de Borja s'était déjà entremis à ce sujet dans son précédent voyage à Lisbonne. La princesse doña Juana invoquait de nouveau l'assistance de l'Empereur et lui disait[64] :

Votre Majesté pourrait écrire à cette reine pour que la pragmatique de Portugal eût au plus tôt son effet. Quant à ce que conseille Votre Majesté de traiter avec cette reine pour que, au cas où Notre-Seigneur disposerait d'elle, elle me laissât par son testament la tutelle du roi et le gouvernement du royaume, bien que Votre Majesté s'entende en cela mieux que moi, néanmoins il me semble qu'il pourrait en résulter du dommage. La reine est mal vue de plusieurs personnages de ce royaume, et j'ai su que la plupart d'entre eux seraient bien aises que je fusse là. Il est clair qu'à défaut de la reine il ne pourrait pas y avoir d'autre tutrice du roi que sa mère ; et peut-être que si la reine me léguait la tutelle, ceux qui lui sont défavorables le prendraient mal. Dieu lui conservera la santé, et, si Votre Majesté l'approuve, je tiendrai là des personnes qui m'aviseront de tout ce qui s'y passera et des volontés de chacun. Votre Majesté, en étant instruite, pourra mieux se résoudre en toutes choses. Le Père François est ici ; que Votre Majesté voie s'il serait bien d'en parler avec lui, puisqu'il pourrait s'en occuper un peu lorsqu'il sera là-bas en Portugal. Votre Majesté m'informera de ce qu'elle voudra qu'on fasse1.

 

L'Empereur abandonna le projet d'adjoindre sa sœur à sa fille dans le gouvernement de l'Espagne, mais il songea à rendre l'expérience que la reine de Hongrie avait acquise et les talents politiques dont elle était douée profitables à son fils d'une autre manière. La trop scrupuleuse ou trop ambitieuse régente conserva le maniement unique de l'autorité en Espagne, sans avancer d'un pas vers la possession du pouvoir en Portugal, où, contre sa prévision, le cardinal infant don Henri devait prendre plus tard la place de la reine Catherine, pendant que durerait encore la minorité du roi dom Sébastien. Catherine envoya à Yuste don Alonzo de Zuñiga, l'un de ses plus intimes serviteurs, visiter l'Empereur son frère et lui offrir quelques présents qui pussent servir à son usage ou à ses distractions[65]. Quant à lui, qui de son cloitre s'occupait constamment de sa famille et n'oubliait rien de ce qui tournait à l'avantage des vivants ou à l'honneur des morts, il ordonna le 25 mars de transporter dans la chapelle royale de Grenade les restes de sa mère et désigna pour les accompagner l'archevêque de Séville et le marquis de Comarès[66]. Peu de temps après, selon sa pieuse et tendre coutume, il assista, le 1er mai, anniversaire de la mort de l'impératrice sa femme, à un service solennel célébré pour le repos de son âme[67]. Le lendemain il apprit, a sa grande satisfaction, que la dernière couronne qu'il avait conservée jusque-là malgré lui, la couronne impériale, avait passé sur la tête de son frère Ferdinand.

Comme il le désirait depuis plusieurs années, il était enfin, selon sa propre expression, desnué de tout[68]. Ce n'avait pas été sans peine : il avait rencontré, pour se démettre de la suprême autorité, presque autant d'obstacles qu'on en trouve d'ordinaire à l'acquérir. Son fils l'avait supplié de garder l'Empire ; et son frère Ferdinand, qui ne se montrait pas pressé de l'obtenir, lui avait demandé tout au moins d'en ajourner l'abandon. Lorsque Ruy Gomez était allé au monastère de Yuste lui exprimer les désirs de Philippe II à cet égard, Ferdinand avait écrit à ce dernier[69] : Au cas que Sa Majesté ait résolu de retenir le titre d'empereur en se rendant aux nouvelles instances que Votre Altesse lui en a faites, Dieu sait combien je m'en réjouirai. C'est ce que j'ai toujours désiré et ce que je désire encore.

Mais Charles-Quint, malgré la vive affection qu'il portait à son fils et le grand intérêt qu'il prenait à ses affaires, ne s'était pas laissé détourner de son dessein. Les adroites supplications de Ruy Gomez, les hardies représentations de Quijada, qui trouvait que renoncer à l'Empire, c'était découvrir l'Italie et exposer les Pays-Bas, n'avaient rien pu sur son esprit résolu. Il s'était borné, comme il l'avait fait précédemment, à attendre le résultat de la diète, qui ne se rassembla point a Egra, les trois électeurs ecclésiastiques et le comte palatin n'ayant pas osé quitter leurs principautés[70] dans un moment où la guerre entre le roi d'Espagne et le roi de France se rapprochait des frontières allemandes. Sur la demande de Philippe II, Ferdinand éloigna le plus qu'il put la réunion des électeurs, qu'il avait beaucoup de peine, du reste, à mettre d'accord sur l'époque et le lieu où ils se rassembleraient[71]. Les trois électeurs septentrionaux préféraient Ratisbonne, les quatre électeurs méridionaux des bords du Rhin aimaient mieux Ulm ou Francfort. Ferdinand les ayant tous assignés à Ulm pour le 6 janvier 1558, jour des Rois, les électeurs de Saxe et de Brandebourg ne purent pas s'y rendre, et demandèrent à être convoqués un peu plus tard et dans une autre ville[72]. Ferdinand fixa la ville centrale de Francfort et indiqua le 20 février[73], qui devint le dernier terme de ce laborieux enfantement d'un nouvel empereur. Paul IV aurait voulu y mettre obstacle. Reprenant toutes les prétentions, depuis longtemps abandonnées, des souverains pontifes du moyen âge, il déclara que la résignation de l'Empire ne pouvait se faire qu'entre les mains du pape, en sa qualité de suzerain, et que Charles-Quint restait toujours empereur. Il contesta de plus au duc de Saxe, au margrave de Brandebourg, au comte palatin, le droit d'élire, dont il les disait déchus par leur hérésie, et au roi des Romains le droit d'être élu, parce qu'il était tombé lui-même sous le soupçon d'hérésie pour avoir accordé la paix de religion[74]. Malgré son audacieuse opposition, les trois archevêques de Mayence, de Cologne, de Trêves, le roi de Bohème, le margrave de Brandebourg, le duc de Saxe, le comte palatin du Rhin, après avoir admis le 28 février la renonciation de Charles-Quint à l'Empire, lui donnèrent, à l'unanimité, le 12 mars, Ferdinand Ier comme successeur.

Un mois et demi s'écoula avant que Charles-Quint sût que, conformément à son désir, il avait cessé d'être empereur. Le bruit en était arrivé vaguement à Yuste, mais sans que celui qui était le plus intéressé à le connaître l'eût appris avec précision ; enfin, le 27 avril, Vasquez lui transmit la résolution de la diète électorale. Charles-Quint renonça sur-le-champ aux titres dont il s'était servi jusque-là. Cessant de désigner Vasquez comme son secrétaire et son conseiller, il lui répondit en mettant sur la suscription de sa lettre : A Juan Vasquez de Molina, secrétaire, et du conseil du roi mon fils. J'ai reçu, lui dit-il[75], votre lettre du 27 avril, et je me suis réjoui d'être informé avec certitude de ce qui a eu lieu touchant la renonciation à l'Empire ; elle s'est accomplie comme il faut, quoique différemment de ce qui s'était dit les jours passés J'ai ordonné à Gaztelù de vous écrire au sujet de deux sceaux qui doivent être faits de la grandeur et dans la forme qu'il vous indiquera. Vous aurez soin qu'on y mette tout de suite la main et qu'on les envoie. Gaztelù écrivit en effet le même jour à Vasquez : Sa Majesté m'a commandé de vous dire que, la renonciation à l'Empire ayant été acceptée, il ne devra plus être mis désormais sur ses lettres ni l'Empereur, ni autre titre semblable. Sa Majesté a voulu aussi qu'il fût fait deux sceaux sans couronne, sans aigle, sans toison, sans aucune armoirie, qu'on les achevât et qu'on les transmît avec la plus grande promptitude possible[76]. Ces sceaux n'offraient, dans un écu sans ornements, que les armes d'Espagne écartelées avec celles de Bourgogne[77].

Charles était arrivé enfin à ce dépouillement absolu de toute grandeur, qu'il ambitionnait depuis si longtemps. Il fit enlever ses écussons de ses appartements, et il recommanda que son nom fût omis dans les prières de l'Église et dans les offices de la messe, et qu'on y substituât le nom de son frère Ferdinand. Quant à moi, dit-il à son confesseur Juan Régla, le nom de Charles me suffit, parce que je ne suis plus rien[78]. Cette belle et simple parole, il la répéta devant ses serviteurs émus. Mais, quoique la couronne impériale eût disparu de ses appartements, quoique ses titres eussent été effacés de ses sceaux, quoique son nom ne fut plus prononcé dans les prières publiques, il demeura ce qu'il avait été pour tout le monde. De Valladolid, comme de Bruxelles, on ne cessa pas de lui écrire : A l'Empereur notre seigneur, et, lorsqu'on parlait de lui, on disait toujours l'Empereur.

 

 

 



[1] Lettres du docteur Mathys à Juan Vasquez et de Luis Quijada à la princesse doña Juana du 22 novembre 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 216, 217.)

[2] Cette gente tedesca, comme dit Navagero, era in tutto luterana, non voleva la messa, abborriva le immagini, non facevain tutti i giorni differenza di cibo, etc. (Relatione di Roma, dans Alberi, série II, vol. III, p. 401.)

[3] Navagero, Relatione di Roma, dans Alberi, série II, vol. III, p. 408.

[4] Lettre de Henri II au duc de Guise du 15 août 1557. Ribier, t. II, p. 701.

[5] Lettre de Henri II au duc de Guise du 15 août 1557. Ribier, t. II, p. 700.

[6] Brantôme, t. V, p. 510, Vie de Marie d'Autriche, reyne de Hongrie.

[7] Lettre de Selve à Henri II. Ribier, t. II, p. 696 à 698.

[8] Lettre de Philippe II au duc d'Albe, citée par Adolfo de Castro. (Historia de los protestantes españoles, etc., in-8°, Cadiz, 1851, p. 131. — Retiro, estancia, etc., fol. 156 r°.)

[9] Historia de los protestantes españoles, p. 131.

[10] Historia de los protestantes españoles, p. 131. Paul IV disait à Selve, ambassadeur de Henri II, que personne n'étoit exempt de sa juridiction, fût-il empereur ou roy, et qu'il pouvoit priver empereurs et roys de leurs empires et royaumes sans avoir à en rendre compte qu'à Dieu. Lettre de Selve à Henri II du 8 janvier 1558. Ribier, t. II, p. 716.

[11] Historia de los protestantes españoles, p. 131.

[12] Lettre de Juan Vasquez à l'Empereur du 1R novembre 1557, dans Retiro, estancia, etc., fol. 149 v°.

[13] Retiro, estancia, etc., fol. 149 v°. — Ferdinand, son frère, ne la trouva pas moins désavantageuse ; il écrivit à Philippe II : A mi me desplugo que la paz con el papa no se hiciese con medios mas aventajados, para V. A. como yo quisiera ó el merescia. Lettre de Ferdinand Ier à Philippe II du 27 novembre 1557. (Coleccion de documentos inéditos, Madrid, in-8°, t. II, p. 509.)

[14] Lettre de Quijada à Vasquez du 26 décembre. (Retiro, estancia, etc., fol. 156 r°.)

[15] Lettre de Gaztelù à Vasquez. (Retiro, estancia, etc., fol. 158 v°.)

[16] Retiro, estancia, etc., fol. 160.

[17] Instruction du 5 juillet donnée par l'Empereur à D. Fadrique Enriquez. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 210.)

[18] Lettre du P. François de Borja à l'Empereur du 6 et 12 octobre 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 255, 255, avec le chiffre qui y est annexé, note I.)

[19] C'est ce que dit faussement Barbosa, auquel je m'en étais rapporté dans la première édition de ce livre. N'ayant pas les documents authentiques de cette négociation, j'avais cru exact sur ce point l'auteur bien informé des Memorias del rey dom Sebastino (vol. I, c. VI, p. 71 et suivantes, grand in-4°, Lisbonne, 1736). Mais, en bon Portugais, il a fait rejeter par la reine Catherine la proposition de l'Empereur son frère, à laquelle le témoignage du Père François de Borja et l'affirmation positive de Charles-Quint prouvent qu'elle avait adhéré.

[20] Lettre du P. François de Borja à l'Empereur du 6 oct. 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 254.)

[21] Lettre du P. François de Borja à l'Empereur du 12 octobre 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 255.)

[22] Lettres de l'Empereur à Philippe II des 51 mars et 7 avril 1558. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 568, 569, 370.)

[23] Ribadeneyra, lib. IV, c. VI, p. 447-448.

[24] Ribadeneyra, lib. IV, c. VI, p. 380. — Vera, Epitome de Carlos V, p. 253.

[25] Lettre de Gaztelù à Vasquez du 26 déc. 1557. (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 255.) — Nieremberg, Vida de Borja, p. 136.

[26] Lettre de Gaztelù à Vasquez du 5 janvier 1558. (Retiro, estancia, etc., p. 240, 241.)

[27] Retiro, estancia, etc., fol. 158 v°.

[28] Il arriva à Yuste le 8 janvier ; l'Empereur le questionna le 9 et le 10. Lettre de Gaztelù à Vasquez du 10 janvier 1558 (Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 246.)

[29] Lettre de Charles-Quint à sa fille doña Juana. (Retiro, estancia, etc., fol. 154 v°.)

[30] Retiro, estancia, etc., fol. 155 r°.

[31] Retiro, estancia, etc., fol. 147 r°.

[32] Retiro, estancia, etc., fol. 147 r°.

[33] Histoire des ducs de Guise, par René de Bouille. Paris, 1849, in-8°, t. I, p. 408 à 410.

[34] Histoire des ducs de Guise, par René de Bouille, t. I, p. 411.

[35] Voir, pour le siège et la prise de Calais, Histoire des ducs de Guise, par M. de Bouillé, t. I, p. 420 à 450.

[36] Lettre de Quijada à Vasquez, du 5 février. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 254.

[37] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 254, note 2.

[38] Lettre de Gaztelù, du 4 février. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., p. 256, note 1.

[39] Lettre de l'Empereur à la princesse doña Juana, dd 4 février 1558. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 257, 258.

[40] Lettre de l'Empereur à Vasquez, lettre de Vasquez à l'Empereur, du 7 février. Retiro, estancia, etc., fol. 162 et 163.

[41] Lettre de Quijada à Vasquez, du 9 février. Retiro, estancia, etc., fol. 163 v°.

[42] Lettre de Mathys à Philippe II du 14 février 1568. Retiro, estancia, etc., fol. 164, 165.

[43] Siguenza, part. III, lib. I, c. XXXVIII, p. 198, 199. — Manuscrit hiéronymite, c. XXX, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 35-37.

[44] Sandoval, Vida del emperador Carlos V en Yuste, § 6, fol. 827, 828. — Manuscrit hiéronymite, ch. XXIV, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. II, p. 29-31.

[45] Retiro, estancia, etc., fol. 195 r°.

[46] Retiro, estancia, etc, fol. 158 v°.

[47] I Retiro, estancia, etc., fol. 160 r°.

[48] Retiro, estancia, etc., fol. 160 r°.

[49] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 270, 271. Lettre de Gaztelù à Juan Vasquez, du 21 février.

[50] Lettre de Quijada, que l'Empereur avait également envoyé auprès de sa sœur, du 21 février. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 273, 274.

[51] Lettre de Mathys à Vasquez, du 18 février. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 268, 269.

[52] Lettre de Mathys à Vasquez, du 20 février. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 269.

[53] Lettre de Gaztelù à Vasquez, du 21 février. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 271.

[54] Lettre de Quijada, du 21 février. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 275.

[55] Lettre de Quijada à la princesse doña Juana, du 25 février. Retiro, estancia, etc., fol. 176 v°.

[56] Lettre de Mathys à Vasquez, du 24 février. Retiro, estancia, etc., fol. 170 r°.

[57] Lettre de don Luis de Avila à Vasquez, du 28 février. Retiro, estancia, etc., fol. 170 v°.

[58] Lettre de Quijada à Vasquez du 4 mars. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 280.

[59] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 280.

[60] Retiro, estancia, etc., fol. 172 v°.

[61] Lettre de Mathys à Philippe II, du 1er avril. Retiro, estancia, etc., fol. 178.

[62] Retiro, estancia, etc., fol. 173 r°.

[63] Retiro, estancia, etc., fol. 173 v°.

[64] Lettre de la princesse doña Juana à l'Empereur, du 22 mars, Retiro, estancia, etc., fol. 175 et 176.

[65] Elle lui envoya des lunettes, deux boites de parfum, une fiole d'or, deux petits chats venus de l'Inde et un perroquet qui parlait à merveille. Retiro, estancia, etc., fol. 180 r°.

[66] Retiro, estancia, etc., fol. 176 r°.

[67] Retiro, estancia, etc., fol. 181 r°.

[68] Lettre de Charles-Quint à Ferdinand, du 8 août 1558. Lanz, t. III, p. 708.

[69] Lettres de Ferdinand Ier à Philippe II, de Prague, le 26 avril, et de Presbourg, le 24 juin 1557. Documentos inéditos, t. II, p. 475.

[70] Lettre de Ferdinand Ier à Philippe II, du 19 avril 1557. Documentos inéditos, t. II, p. 474.

[71] Lettres de Philippe II à Ferdinand Ier, des 15 avril, 25 juillet 1557. Documentos inéditos, t. II, p. 472 et 485-86.

[72] Lettres de Ferdinand Ier à Philippe II, des 12 octobre et 16 novembre 1557. Documentos inéditos, t. II, p. 499, 500, 502, 505.

[73] Lettre de Ferdinand 1er à Philippe II, du 27 novembre. Documentos inéditos, t. II, p. 508.

[74] Propos du pape au sujet de la résignation de l'empereur Charles et de l'élection du nouvel empereur. Dépêche de Rome, mars 1558 ; Ms. Béthune, n° 8657, p. 59 ; et lettres de l'évêque d'Angoulême à Henri II et du cardinal de Bellay au cardinal de Lorraine. Rome, 11 juin et juillet 1558. Ribier, t. II, p. 740, 759 et 760.

[75] Lettre de Charles-Quint à Vasquez, du 29 avril 1558. Retiro, estancia, etc., fol. 181.

[76] Lettre de Gaztelù à Vasquez, du 3 mai. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., vol. I, p. 292, 293.

[77] Retraite et mort de Charles-Quint, etc., préface, p. XXXVII et XXXVIII. M. Gachard s'est procuré à Simancas une copie du cachet apposé sur les dernières lettres envoyées par l'Empereur à Valladolid.

[78] Manuscrit hiéronymite dans Retraite et mort de Charles-Quint, vol. II, p. 39, 40.