HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION

 

LIVRE X.

CHAPITRE X. — LE 31 MAI. IMPUISSANCE DE L'INSURRECTION.

 

 

Quelle place nous aurions prise dans la Convention. — Pourquoi la Gironde devait être abandonnée. — Elle ne proposait rien. — Elle subissait un mélange royaliste, — Fausses accusations dont la Gironde fut victime. — Comment elle a été justifiée par ses ennemis. — Le mystère du 51 mai révélé pour la première fois. — Mouvement préalable du 27 mai 95. — La Convention envahie (nuit du 27 mai). — Progrès de la Montagne (28 mai). — Faiblesse des deux partis. — Il n'y avait pas 5.000 volants, aux élections de Paris. — L'insurrection morale, et l'insurrection brutale. — Robespierre craint l'insurrection brutale. — Les sections opposées à l'insurrection brutale.— L'Évêché oblige les sections à lui envoyer leurs délégués. — Résistance directe ou indirecte des sections (29-31 mai). — L'Évêché procède à l'insurrection. — Les Jacobins organisent leur insurrection oseraie, réunissent le Département et les délégués des sections (30-31 mai).—L'Évêché nomme un comité de salut public, et s'empare de la Commune (31 mai). — Indécision du nouveau pouvoir. — Inaction de l'Assemblée. — Discours ambigu de Danton. — L'insurrection a peine à aboutir. — Les Jacobins créent un comité de salut public, et l'envoient à la Commune. — L'Évêché s'adresse au faubourg Saint-Antoine et le pousse à une collision. — Les Jacobins envahissent l'Assemblée et réclament le décret d'accusation. — Le faubourg et les sections réconciliées entrent dans l'Assemblée et la rassurent. — L'insurrection est uns résultat.

 

La justice scrupuleuse que nous avons essayé de rendre également à la Gironde, à la Montagne, les louant ou les blâmant selon leurs différents actes, jour par jour, et heure par heure, ne doit pas néanmoins laisser incertaine pour nos lecteurs la voie que nous aurions suivie, si nous eussions siégé nous-même à la Convention .

S'ils nous demandent quel banc et quelle place nous aurions choisie, nous répondrons sans hésiter : Entre Cambon et Carnot.

C'est-à-dire que nous aurions été Montagnard, et non Jacobin.

On oublie trop fréquemment qu'une grande partie de la Montagne, les Grégoire, les Thibaudeau, beaucoup de députés militaires, restèrent étrangers à la société jacobine. Les dantonistes, spécialement Camille Desmoulins, quoiqu'ils y aient été de nom, lui furent très-contraires d'esprit.

L'esprit inquisitorial, l'esprit de corps, l'esprit-prêtre, le violent machiavélisme de la grande société, aidèrent sans doute puissamment à comprimer nos ennemis, mais ils les multiplièrent. Les Jacobins entreprirent l'épuration complète de la nation, en arrêtant tous les suspects. Mais au bout de quinze mois du règne des Jacobins, la France entière était suspecte.

La Gironde, d'autre part, eut le défaut tout contraire, défaut grave en révolution, je veux dire la tolérance. La tolérance du mal, n'est-ce pas le mal encore ? La tolérance de l'ennemi est-elle loin de la trahison ? La Gironde, il est vrai, vota des lois sévères, mais elle refusait les moyens de les faire exécuter.

Elle proclama la guerre universelle, la croisade révolutionnaire et l'affranchissement du monde ; elle fut en ceci le légitime interprète de la France, et se montra et plus généreuse que les Jacobins, et plus politique. Mais en même temps, elle refusait les moyens de cette guerre. Par ses résistances éloquentes, elle encourageait la résistance muette et l'inertie calculée des administrations de départements qui entravaient toute chose (la vente spécialement des biens de l'émigration).

Oui, malgré notre admiration pour le talent des Girondins, notre sympathie pour l'esprit de clémence magnanime qu'ils voulaient conserver -à la Révolution, nous aurions voté contre eux,

Pourquoi ? Ils ne proposaient rien. Dans la crise la plus terrible et qui demandait les pies prompts remèdes, ils ne donnaient nui expédient, seulement des objections.

Lent politique se résume par un mot, un seul mot : Attendre.

S'agit-il des nécessités financières, de la baisse de l'assignat : Il faut attendre, dit Ducos. A la longue, les choses ne peuvent manquer de prendre leur niveau.

S'agit-il du recrutement, de l'urgence de la réquisition : Il faut attendre, dit Brissot, dans son journal, attendre les enrôlements volontaires. Ce mode de recrutement est le seul qui soit digne des hommes libres.

Attendre ? La Vendée n'attend pas. Elle gagne une bataille le 24.... Elle avance, elle vient à vous ; tout à l'heure elle est à Saumur.

Les Anglais n'attendent pas. Leur armée joint l'autrichienne, leur flotte est devant Dunkerque.

Les Autrichiens n'attendent pas. Les voilà maitres des camps qui couvraient Valenciennes. Vont-ils assiéger cette ville ? ou bien marcher sur Paris ? On ne voit pas ce qui les empêche d'y venir en quinze jours.

Dans une telle situation, toute entrave, toute objection aux moyens de défense que l'on proposait, était une sorte de crime. Les Girondins n'offrant nul expédient devaient prendre, les yeux fermés, ce qu'offraient leurs adversaires. Ceux-ci en donnèrent plus d'un détestable ; mais enfin ils en donnaient.

Les Girondins devaient faire attention à une chose, qui, pour d'excellents républicains comme ils l'étaient, eût dei trancher la question, faire taire tout esprit de parti, et les décider à se retirer : Leur parti se royalisait.

Fondateurs de la République, ils devenaient et le bouclier et le masque des royalistes. S'ils n'étaient pas éclairés par leurs ennemis sur la situation, ils devaient l'être par leurs amis, par ces étranges et perfides amis, qui s'avançaient dans leur ombre pour frapper le cœur de la France.

L'aveuglement des Girondins de la Convention est une chose triste à observer. Restés nets, purs et loyaux, ils s'obstinèrent à ne pas voir les mélanges déplorables quo subissait leur parti. Ils croyaient Lyon girondin ; dans leur fuite, en juin, juillet, ils le trouvèrent royaliste. Il en fut de même de la Normandie, de même encore de Bordeaux. Ils se virent avec étonnement, avec horreur et désespoir, l'instrument du royalisme.

Aussi, quoique la Gironde ait été expulsée de la Convention par des moyens ignobles, indignes, nous nous serions borné à protester contre cette expulsion, nous n'aurions pas déserté la Convention violée, nous n'aurions pas brisé l'unité de la Montagne. Nous lui serions resté fidèle, car là était le drapeau. Nous aurions protesté contre le 31 mai, comme firent Cambon, Merlin, plusieurs montagnards, et les soixante-treize. Mais enfin, nous serions resté. Les royalistes se mêlant aux Girondins, on ne pouvait plus défendre ceux-ci qu'en fortifiant ceux-là ; tout acte pour les Girondins eût été un coup porté à la République.

Ce mélange fut le vrai crime de la Gironde, son seul crime, il faut le dire, — et non le fédéralisme, le démembrement de la France, auquel elle ne pensa jamais[1], — et non la double accusation qu'on lui lançait follement, de s'entendre avec Dumouriez[2] pour la branche cadette, avec la Vendée pour la branche aînée !...

Les autres accusations n'étaient pas moins insensées, absurdes. Que dire de celles de Marat ? C'est Pétion, Brissot, Gorsas, qu'il faut accuser des massacres de Septembre.

Et du mensonge d'Hébert : Les Girondins prennent la nuit tout le pain chez les boulangers.

Autre de Marat : Le scélérat Brissot a mis tout exprès des prêtres auprès de Louis, pour le fanatiser, le faire passer pour saint et martyr.

C'est Roland et les Girondins qui ont volé le garde-meuble. Brissot a placé sa part sur les fonds étrangers. L'hypocrite rit maintenant, il loge dans le palais des rois.

Effectivement, Brissot s'était fait donner un grenier du château désert de Saint-Cloud. Il possédait trois chemises ; sa femme les blanchissait, et les étendait tour à tour aux fenêtres du palais des rois.

Les Girondins avaient demandé que l'on constatât la fortune de tous les représentants. L'Assemblée ne le permit pas. Tous étaient désintéressés, et tous s'indignèrent d'une telle inquisition.

Dans leur dernière et funèbre nuit du 30 octobre 93, ce qui troublait le plus les Girondins condamnés, ce n'était pas la mort qu'ils devaient subir le lendemain, mais la profonde misère où ils laissaient leurs familles. Les femmes de Brissot, Pétion, Gensonné, seraient mortes de faim avec leurs enfants, sans les aumônes de quelques amis.

Ce qui reste des lettres inédites de Vergniaud témoigne de l'inquiétude singulière du grand orateur : c'était la difficulté de payer sa blanchisseuse.

Au jour même de leur mort, ou le lendemain, la lumière s'est faite. Danton, Camille Desmoulins, les ont amèrement pleurés. Dumouriez, leur prétendu complice, les honore de ses injures dès 94. Il en est de même de Mallet-Dupan (voy. plus haut) et de tous les royalistes : tous exècrent la Gironde, comme la République elle-même. Garat, le faible Garat, après le 9 Thermidor, avoue tardivement dans ses Mémoires l'innocence de la Gironde.

Le cœur de la France elle-même s'est échappé dans les paroles douloureuses de Chénier, lorsqu'il répondit en 95 aux hommes impitoyables qui fermaient encore l'Assemblée aux Girondins survivants : Ils ont fui, dites-vous ? ils se sont cachés, ils ont enseveli leur existence au fond des cavernes ?... Eh ! plût aux destinées de la République que ce crime eût été celui de tous !... Pourquoi ne s'est-il pas trouvé de caveaux assez profonds pour conserver à la patrie les méditations de Condorcet et l'éloquence de Vergniaud ? Condorcet, Vergniaud, Rabaut-Saint-Étienne, Camille Desmoulins, ne veulent point d'holocaustes sanglants. Les républicains pardonnent leur mort, si la République est immortelle. Union, Liberté, République, voilà le ralliement de la France, le vœu des morts, le cri qui sort des tombeaux !

L'unité sous peine de mort, telle avait été la condition de la France, en mai 93 ; c'est ce que purent alléguer les membres de cette Assemblée qui avaient eu le malheur de voir cette tragédie du 31 mai, d'en boire le honteux calice... Ils virent tout, surent tout, souffrirent tout, gardant jusqu'au jour du salut le déplorable secret qu'il leur fallait ensevelir. C'est le mot même de Cambon, lorsque en 94 il rendit témoignage à la mémoire des infortunés Girondins.

Il est révélé, ce secret. Il l'est complètement ici, pour la première fois ; il est mis en pleine lumière d'après les actes authentiques. Nous qui venons enfin, après soixante ans, le tirer du fond de la terre, nous n'en justifions pas moins l'illustre et malheureuse Assemblée. Il lui fallut laisser périr ou la Gironde ou la France. La Gironde même avait choisi. La Convention ne fit qu'accomplir ce qu'avait conseillé Vergniaud : N'hésitez pas entre quelques hommes et la chose publique... Jetez-nous dans le gouffre, et sauvez la patrie !

Le mouvement, annoncé le 26, eut lieu le 27. Dans plusieurs sections, on compléta les compagnies de canonniers. On empêcha les volontaires de partir pour la Vendée. La section des Gravilliers se déclara en insurrection. Le faubourg Montmartre, en masse, partit avec plusieurs autres sections, le matin du 27, pour présenter à l'Assemblée une pétition menaçante, au bout d'une pique.

De quels moyens de défense disposait la Convention ? La réquisition de la force armée appartenait au Maire, à la Commune, puissance incertaine et flottante, que l'insurrection dominait.

Les Douze, il est vrai, avaient reçu de l'Assemblée un vague pouvoir de prendre des mesures. — Ce pouvoir contenait-il celui d'appeler la force armée

Ils l'appelèrent dans la nuit, et malgré les réclamations du Maire, trois sections voisines de l'Assemblée (la Butte-des-Moulins et deux autres) envoyèrent chacune trois cents hommes à son secours, de sorte que les bandes armées qui, de bonne heure, s'étaient saisies des abords des Tuileries, virent derrière elles Ce corps d'environ mille hommes en bataille sur le Carrousel ; les assiégeants furent assiégés.

Cela dérangeait fort le plan. La Convention irritée reçut, comme émollient, une sentimentale épître du maire de Paris. Rien de grave. Nulle violence à craindre, nulle effusion de sang.

Cependant la section de la Cité, fidèle aux projets de la nuit, et sans doute n'étant pas avertie de la protection armée qu'avait la Convention, vint à grand bruit réclamer la liberté de son président, demandant avec menace : Que les Douze fussent traduits au tribunal révolutionnaire.

Isnard dit que l'ordre du jour était la Constitution, et refusa obstinément la parole à Robespierre. Un tumulte affreux s'élève, une tempête de cris de la Montagne et des tribunes. Il y eut des mots incroyables. Bourdon (de l'Oise) menaçait d'égorger le président. Thuriot, dépassant Marat dans l'absurdité de la calomnie, criait qu'Isnard s'était avoué le chef de l'armée chrétienne, le général de la Vendée !...

Cependant, la foule armée qui remplissait les couloirs se rapprochait de plus en plus. Un député essaya de sortir, et on lui mit le sabre sur la poitrine. Isnard réussit à faire passer à la garde nationale l'ordre de faire évacuer les portes et de rétablir la circulation.

Nouveaux cris, réclamations furieuses. La Montagne force le commandant de la garde nationale de comparaître à la barre, de produire ses ordres. L'Assemblée, loin de le blâmer, décide qu'il est admis aux honneurs de la séance.

La Convention, à ce moment, était encore mat-tresse de son sort ; elle pouvait encore assurer sa liberté. Elle pouvait décréter que la réquisition de la force armée n'appartenait qu'à elle seule.

Mais voilà que le maire arrive, et, devant lui, l'honnête et sensible Garat, ministre de l'intérieur, que le maire pousse à la tribune. Ce pauvre homme, dans un long discours philanthropique et pleureur, jure qu'il parle : Comme s'il était aux pieds même de l'Eternel. — La Convention n'a rien à craindre ; elle peut s'en assurer, se porter elle-même dans les flots du peuple... En parlant ainsi, dit-il, je ferais tomber sur moi l'horreur d'un attentat qui serait commis. — On peut se confier au maire : Je l'avais cru froid, mais si vous aviez pu voir avec quelle chaleur, quelle indignation il a repoussé l'idée d'arrêter des représentants !...

La Convention, détrempée de l'homélie de Carat, écouta ensuite le maire qui redit les mêmes choses. Il était tard, on s'en allait : le président partit aussi. Avait-il levé la séance ? on l'ignore, dans l'état de mutilation où le procès-verbal nous est parvenu.

Ce qui est sûr, c'est que la Montagne restée seule continua la séance. Hérault de Séchelles prit le fauteuil. Il reçut deux députations ; l'une au nom de vingt-huit sections, l'autre au nom de peuple, qui venaient demander la liberté d'Hébert, Marino, Dobsent, la suppression des Douze et le procès de Roland.

Hérault, avocat général du Parlement, était un bel homme, noble et riche, un philanthrope connu, qui avait fait son chemin par la faveur de la reine et de madame Polignac, dont il était un peu parent. Il avait à expier ; plus qu'un autre, il était forcé d'aller loin dans la violence. Homme de plaisir, il était ami de Danton. La Montagne mettait volontiers en avant cette belle tête creuse et vide, qui posait, et trouvait des phrases. La phrase fut celle-ci, pour la première députation : La force de la raison et la force du peuple sont la même chose. — Et à la seconde : Quand les droits de l'homme sont violés, il faut dire : la réparation ou la mort.

Tonnerre d'applaudissements. Il était minuit ; une centaine de députés, au plus, restaient dans la salle. Les pétitionnaires s'étaient sans façon emparés des places vides, et siégeaient comme en famille avec la Convention. Cette bizarre Assemblée décréta que les prisonniers étaient élargis, que les Douze étaient cassés, et que le Comité de sûreté aurait à examiner leur conduite.

Le tumulte était si grand, qu'un député placé à dix pas du président ne put seulement entendre si le décret était mis aux voix ou était rendu. La salle était assiégée ; Meillan et Chiappe voulurent sortir ; Pétion et Lasource voulaient rentrer, deux choses également impossibles.

La Convention ne pouvait siéger dans cette salle profanée qu'en votant des lois de force pour garder sa liberté. Rentrer sans défense, sans appui, sans garantie, c'était se livrer soi-même à de nouvelles violences et tenter le crime.

Un homme que rien n'effrayait, le breton Lanjuinais, proclame, le 28 au matin, la nullité du décret. Nul cri ne peut le faire taire, nulle menace ; le boucher Legendre beuglait qu'il allait le jeter en bas de la tribune. Lanjuinais persista.

Il eut seulement le tort de juger trop du courage de tous par le sien. Il voulut l'appel nominal. Tous y consentirent bravement, mais tous ne votèrent pas de même. Leur faiblesse ou leur prudence révéla un grand changement dans l'esprit de l'Assemblée, une prostration inattendue de volonté et de force.

La Montagne eut presque la majorité. Elle qui, primitivement, n'avait pas cent voix, qui, vers le 15 mai, en eut 150, elle a pour elle, le 28, deux cent trente-huit voix !

La Gironde en obtient 279, c'est-à-dire qu'elle n'a plus que quarante-et-une voix de majorité.

Fonfrède sentit très-bien que la Commission des Douze, dont il était membre, rétablie par cette faible majorité, devait céder quelque chose. Il demanda lui-même l'élargissement provisoire d'Hébert, Dobsent et autres détenus.

Les deux partis, à vrai dire, apercevaient leur faiblesse. Tous deux perdaient, tous deux gagnaient.

La droite avait gagné de refaire les Douze.

La gauche avait gagné 140 voix nouvelles et l'élargissement d'Hébert.

Pour faire un coup violent, ni l'une, ni l'autre, n'eût trouvé des hommes d'exécution.

On en pleurait à l'Évêché : Hélas ! il n'y aurait plus 300 hommes seulement pour faire le coup de Septembre. — Mais on enrôlait des femmes.

D'autre part, le gouvernement, ayan t reçu avis qu'on voulait se porter à la caisse du Domaine, ordonna de rassembler des hommes dans la section du Mail. On n'en put trouver que 25, et encore, sur les 25, deux seulement avaient des fusils.

Ce qui frappe et qui surprend dans les actes de l'époque, c'est l'éclipse à peu près complète de la population de Paris. Le nombre des votants, aux élections de sections, est vraiment imperceptible. Sauf trois (des plus riches, la Butte-des-Moulins, le Muséum et les Tuileries) qui, dans un jour de crise, apparaissent assez nombreuses, les autres n'ont guère plus de cent votants, et presque toujours le nombre est bien au-dessous. Celle du Temple, pour une élection importante, n'en a que 38.

On peut affirmer hardiment, en forçant même les chiffres, et comptant cent hommes pour chacune des 48 sections, que toute la population active politiquement (dans cette ville de 700.000 âmes) ne faisait pas cinq mille hommes.

Dans les questions de subsistances ou autres d'intérêt populaire, on pouvait faire descendre beaucoup de monde des faubourgs. Mais les votants, nous le répétons, n'étaient pas plus de 5.000. En novembre 92, Lhuillier, candidat jacobin à la mairie, que tous les républicains soutinrent contre un royaliste, n'avait eu que 4.900 voix. En juin 93, les jacobins vainqueurs, maîtres de Paris, dans une élection semblable, par ruse, par force ou par terreur, ne purent faire donner à leur commandant Henriot que 4.600 voix. On cassa deux fois l'élection. On força de voter à haute voix, pour faire bien voter les faibles. Cela ne suffisant pas, après avoir affiché l'audace d'une publicité courageuse, on se réfugia dans le secret ; on dispensa les votants de montrer leurs cartes, ce qui permit aux mêmes hommes de voter successivement dans plusieurs sections.

Paris, en réalité, avait donné sa démission des affaires publiques. Et c'est ce qui encourageait singulièrement l'audace des violents. Ilion n'était plus aisé que de surprendre, dans ces assemblées désertes, des décisions contraires aux vœux de la population. C'est ainsi qu'au 10 février 93 on fit signer la nuit, dans trente sections, la pétition atroce qui fit horreur à Marat.

L' insurrection morale de Robespierre, présentée à des assassins, à des femmes furieuses, qui trônaient à l'Évêché, dut produire dans un tel public un effet d'hilarité. Les femmes à l'Évêché avaient le pas sur les hommes ; il y en avait une centaine qui prétendaient gouverner, protéger même les hommes, et qui les dépassaient de beaucoup en violence. Elles en avaient pitié, elles leur faisaient honte de leurs ménagements. Maillard, Fournier, Varlet, les plus violents cordeliers, rentraient dans un humble silence, quand Rose Lacombe tenait la tribune. Elle se moquait d'eux tous, ne demandait que des piques et des poignards pour les temples, qui feraient l'exécution, pendant que les hommes coudraient à leur place.

Les jacobins expliquaient en vain leur insurrection morale. L'idée était ingénieuse. Il s'agissait de pousser doucement la Convention à se mutiler elle-même, de peser, mais à distance, sans mettre la main sur elle, d'agir, sans qu'on vit l'action, par une sorte d'asphyxie. Si les départements criaient, on leur dirait : Vous vous trompez. La Convention fut toujours libre. Demandez-lui à elle-même ! Elle ne dira pas Non. — Et, elle, courbée et domptée, elle dirait Oui, en effet, aimant mieux dire : J'étais libre, que de dire : J'ai été lâche.

Tout cela était trop subtil pour les gens de l'Évêché. Ils résolurent d'aller en avant, avec ou sans les Jacobins.

Robespierre en fut un moment singulièrement abattu. Il voyait que les violents, en brusquant le mouvement, allaient probablement tout perdre. Il s'effaça, s'aplatit (et pendant que les Jacobins travaillaient les sections), il s'annula en public. Il était exténué, disait-il, ne pouvait se faire entendre. Sa voix, si forte et si perçante le 26 au soir, fut tout à coup, le 28, pulmonique, asthmatique, éteinte : Je réclame votre indulgence, dans l'impossibilité physique où je suis de dire tout ce que m'inspire ma sensibilité pour les dangers de ma patrie. Et, le 29, aux Jacobins : Je suis incapable de prescrire au peuple les moyens de se sauver. Cela n'est pas donné à un seul homme, à moi qui suis épuisé par quatre ans de révolution. Ce n'est pas à moi d'indiquer ces mesures, à moi qui suis consumé par une fièvre lente, par la fièvre du patriotisme.

L'Évêché allait trop vite. Par sa violence imprudente, il rendit force aux jacobins.

A Saint-Paul rue Saint-Antoine, les violents, pour mettre un des leurs à la présidence, avaient fait pleuvoir sur le dos de la section toutes les chaises de l'église. Ils chassèrent la moitié de l'assemblée pour gouverner l'autre.

A Saint-Roch, où s'assemblait la section de la Butte-des-Moulins, Maillard fit un singulier essai de terreur. Le 27, dans ce jour de crise où la section envoya des forces à la Convention, il vint voir si sa figure, bien connue, paralyserait l'ennemi. Le fanatique voulait aussi probablement être insulté ; il ne l'obtint pas. Le président dit simplement que Maillard, étant membre du département, aurait dû, dans un tel jour, ne pas abandonner son poste. Exaspéré de cette modération, il sortit de l'assemblée, ceignit son écharpe, comme s'il eût été en péril et qu'il eût eu besoin de se couvrir de ses insignes ; on le vit reparaître en haut dans une tribune, et de là furieux, il dit au président (en vrai juge de Septembre). Qu'il le ferait arrêter.

Ces fureurs ne réussirent pas. Le Département où Lhuillier (c'est-à-dire Robespierre) avait la grande influence, rendit un règlement fort sage pour assurer la police des sections. On devait y entrer sans armes ni bâtons, et donner par écrit, à la porte, ses nom, surnom, profession.

Plusieurs sections comprirent qu'elles pouvaient, contre l'Évêché, les Cordeliers et les hommes de Septembre, s'appuyer des Jacobins. La section du Mont-Blanc (Chaussée-d'Antin) prit Lhuillier pour vice-président, et forte de ce patronage, elle ne fit nulle attention aux invitations de l'Évêché qui la priait de lui envoyer des commissaires ; elle passa sèchement à l'ordre du jour.

La répulsion des sections pour l'Évêché fut plus claire encore quand (le 28 et le 29) elles rejetèrent généralement trois de ses hommes que la Commune présentait comme candidats au conseil général.

Les sections jacobines (Bonconseil, par exemple) ne voulaient voir dans l'Évêché qu'un simple club, rien de plus. Sa prétention était bien autre ; il se croyait un corps constitué, représentant et fondé de pouvoir du peuple souverain. Tout cela sur une équivoque. Les délégués de sections y avaient été envoyés avec des pouvoirs non définis, parce qu'ils traitaient d'affaires diverses. Indéfinis et illimités, n'était-ce pas la même chose ? L'Évêché ne demandait pas mieux qu'on le crût ainsi[3].

Les procès-verbaux indiquent naïvement l'incertitude et l'embarras où se trouvaient les sections.

La scène la plus curieuse est celle qui se passe, le 29, aux Droits de l'Homme. Cette section, l'une des plus violentes, hésite pourtant quand on veut lui faire nommer des commissaires avec pouvoir illimité : Encore, disent quelques-uns, serait-il bon de savoir ce qu'on veut en faire. Mais Varlet entre dans la salle, Varlet récemment délivré, Varlet le héros, la victime, se glorifiant lui-même et célébrant son triomphe. Le trop modeste martyr se donnait lui-même la palme civique. Une fille portait derrière lui une branche de chêne. L'Assemblée, enthousiaste, la lui fit poser à côté du buste de Lepelletier. L'émotion emporte tout ; on nomme les commissaires, et le premier est Varlet, avec pouvoir illimité.

La plupart des autres sections (si j'en crois leurs procès-verbaux), montraient moins d'entraînement. L'Évêché comprit que seul il n'était pas assez fort. Les meilleures têtes disaient qu'on ne pouvait pas ainsi agir à part des Jacobins. On résolut de les payer au moins de paroles. On fit semblant de revenir à leur insurrection morale. On arbora même, le 30, à la salle de l'Évêché, un drapeau tout jacobin, qui portait cette devise : L'instruction et les bonnes mœurs rendent les hommes égaux.

Sur cette assurance, Lhuillier, mandé le 30 avec Pache au Comité de salut public, assura qu'il n'y avait rien à craindre, qu'il s'agissait seulement d'une insurrection morale.

Cependant, l'Évêché contenait des hommes trop pétulants pour pouvoir jusqu'au bout mystifier les Jacobins. Varlet ne se contenait point : Nous avons, disaient-ils, des pouvoirs illimités ; nous sommes le Souverain. Nous cassons l'autorité, nous la refaisons et nous lui donnons la souveraineté. Elle brise la Convention ; quoi de plus légal ?... Tout cela fort applaudi. Un magistrat de la Commune, Hébert, qui était présent, approuva lui-même. La tumultueuse assemblée arrêta que Paris se mettait en insurrection pour l'arrestation des traîtres. Le désordre était si grand qu'on ne s'aperçut pas qu'un de ceux qu'on appelait traîtres, Lanjuinais, était là intrépidement au milieu de ses ennemis.

L'insurrection toutefois ne fut pas votée sans opposition, et cette opposition vint d'où on ne l'attendait guère, des délégués du faubourg Saint-Antoine. Ceux de la section de Montreuil (section de jardiniers et de travailleurs fort simples) dirent qu'ils n'iraient pas plus avant, qu'il leur fallait d'autres pouvoirs. Ils n'aurait pas assez d'esprit pour se prêter à l'équivoque, et ne voulurent jamais croire que, pour être indéfinis, leurs pouvoirs fussent illimités.

Même résistance de la part des délégués de Popincourt, autre section du faubourg ; ils ne voulaient rien faire sans avoir de nouveaux pouvoirs. Notez que cette section, présidée par Herman d'Arras (du tribunal révolutionnaire), intime ami de Robespierre, devait être entièrement dans la main des Jacobins.

Dans le faubourg Saint-Marceau, la section du Finistère ou des Gobelins se montra encore plus contraire à la violence, fidèle à la Convention[4].

Pendant que l'insurrection brutale, celle de l'Évêché, s'organisait péniblement, l'insurrection morale, celle des Jacobins, avait procédé avec plus de lenteur encore.

Le principal meneur, Lhuillier, procureur-syndic, avait convoqué le 29 les membres du Département, et dominant par son influence, comme agent de Robespierre, la violence de Maillard (qui était aussi membre du Département), il en avait tiré un arrêté : Le 31 mai, à neuf heures du matin, les sections enverront des commissaires à la salle des Jacobins, où doivent se trouver les autorités constituées. Robespierre néanmoins hésitait encore le 29. Cet arrêté, principe de son insurrection morale, ne fut envoyé que le 30 au soir, lorsque l'insurrection brutale fut déchaînée par l'Évêché.

La convocation jacobine, tombant le soir dans les sections, les tira d'un grand embarras. La plupart venaient de recevoir une dernière et violente sommation de l'Évêché pour envoyer leurs commissaires. La chose se discutait. La discussion s'interrompt, on l'abandonne, on l'oublie ; on décide qu'on ira de préférence aux Jacobins. Telle section, qui devait envoyer à l'Évêché, désigna le même homme pour aller aux Jacobins et à la même heure ; auquel des deux ordres obéirait-il ? au second certainement, l'assemblée des Jacobins étant celle des autorités du Département, réunies en corps, tandis que l'Évêché n'avait que l'appui furtif, indirect de la Commune.

L'Évêché vit qu'il n'avait plus à attendre aucun accroissement de forces, et il agit dans la nuit. Il avait du temps encore ; la réunion des Jacobins ne devait avoir lieu que le matin à 9 heures.

Entre minuit et une heure, l'Évêché dépouilla, vérifia, les pouvoirs qu'il avait des sections. Étaient-ils illimités ? C'est le sujet d'un grand doute. J'ai sous les yeux quarante-et-un des quarante-huit procès-verbaux des sections de Paris. Cinq seulement mentionnent des pouvoirs illimités. Trois les donnent d'une manière douteuse ou après l'événement. Quatre refusent positivement. Quatorze refusent poliment, n'accordant de pouvoirs que pour délibérer ou pétitionner[5]. Tous les autres sont muets.

Ce qui étonne, c'est la diversité du chiffre que l'Évêché affirma. Il dit le matin avoir les pouvoirs illimités de trente-trois sections. Vers deux heures, ses envoyés dirent eux-mêmes à la Convention qu'ils n'en avaient que vingt-six. Et le soir ils soutinrent qu'ils en avaient quarante-quatre.

Quoi qu'il en soit, le nouveau pouvoir, constitué vers une heure après minuit, nomma, entre deux et trois, neuf commissaires de salut public, Dobsent[6], Gusman, etc. On proclama commandant-général de la garde nationale un capitaine, Henriot. On décréta, pour première mesure, l'arrestation des suspects. Le tocsin de Notre-Dame sonna à trois heures.

Le maire Pache fût inquiet de voir l'Évêché aller en avant sans souci des Jacobins, terrifié de l'idée d'une collision possible entre les deux autorités de Paris, le Département et la Commune, court à l'Évêché, mais il n'obtient rien. Il écrit, au nom du conseil-général, une adresse aux sections pour rappeler qu'on se doit réunir aux Jacobins : Toute autre mesure est funeste.

L'Évêché va son chemin. A six heures, ses commissaires, Dobsent en tête, sont à la Commune. Ils sont reçus à merveille d'Hébert, de Chaumette, de Pache même, qui venait d'écrire contre eux. Dobsent montre les pouvoirs, on les vérifie, on les trouve tout à fait en règle, pouvoirs illimités de la majorité des sections, pouvoirs du Peuple souverain.

Donc, au nom du Peuple, Dobsent requiert que la municipalité et le conseil-général soient cassés et renouvelés. Le Peuple les destitue, mais le Peuple les recrée, en leur communiquant les pouvoirs illimités de ses commissaires. Ils sortent par une porte et rentrent par l'autre.

Ils rentrent, mais transformés. Ils sont sortis magistrats de Paris, dépendants de la Convention. Ils rentrent comme Peuple souverain.

Cette souveraineté fut sur-le-champ mise à l'épreuve. La Convention mande le maire. Que fera-t-on ? Varlet et les plus violents ne voulaient pas qu'on obéit ; ils prétendaient que le maire fût consigné, comme le fut Pétion pendant le combat du 10 août. D'autres plus sages (Dobsent en tête, d'accord avec la Commune) pensèrent que rien après tout n'était organisé encore, qu'on ne savait pas seulement si le nouveau commandant serait reconnu de a garde nationale ; ils décidèrent qu'on obéirait, et que Pache irait rendre compte à la Convention.

Tel fut le premier dissentiment. Le second fut la question de savoir si l'on tirerait le canon d'alarme. Depuis les jours de Septembre, ce canon était resté l'horreur de la population parisienne ; une panique terrible pouvait avoir lien dans Paris, des scènes incalculables de peur et de peur furieuse. Il y avait peine de mort pour quiconque le tirerait. Les violents de l'Évêché, Henriot, en donnaient l'ordre. Ici encore la Commune décida contre eux qu'on obéirait à la loi, et qu'il ne fût point tiré. Chaumette donna même l'ordre qu'on fit taire le beffroi de l'Hôtel-de-Ville, Sue les autres s'étaient mis à sonner sans permission.

Tout le jour, la Commune flotta ainsi, comme une mer dans l'orage, des modérés aux furieux. Le comité révolutionnaire (en grande partie maratiste) et le conseil général (généralement jacobin) donnaient des ordres contraires. Les premiers disant : Tirez ! — Les autres : Ne tirez pas ! La section du Pont-Neuf, où se trouvait le canon, ne voulait pas reconnaître les ordres du nouveau commandant, ni permettre de tirer. Elle résista jusqu'à une heure, et l'aurait fait davantage, pour peu qu'elle eût été soutenue de la Convention.

La nouvelle autorité, peu d'accord avec elle-même, ne s'entendit que sur deux points. Ce fut d'exiger le serment de tous les fonctionnaires, et de créer une force armée. Les patriotes armés auront quarante sols par jour. Que ferait-on de cette force, c'est ce qu'on ne disait pas.

Du reste, les uns et les autres voyaient bien que rien ne pouvait se décider dans la Commune. Déjà ils agissaient ailleurs, les violents aux faubourgs, les modérés aux Jacobins.

Que faisait la Convention ? Rien. Et encore ? Rien.

Dès le matin, son ministre Garat, tout pâle et défait, lui avait expliqué le tocsin qu'elle entendait, avouant à la pauvre Assemblée que, pendant qu'elle avait dormi, le pouvoir changeait de main. Pache vint dire la même chose, simplement, naturellement, nullement embarrassé, sous son froid visage suisse. L'insurrection, tant niée par lui, il la déclarait réelle. Cela fait, il descendit, retourna à la Commune.

Garat et Pache avaient dit tons les deux la même chose : Que la cause de l'insurrection était le rétablissement de la commission des Douze.

Cassera-t-on la commission ? — Punira-t-on Henriot, qui, au mépris de la loi, a voulu faire tirer le canon d'alarme ? — Voilà la discussion.

Il faut, dit Vergniaud, que la Convention prouve qu'elle est libre ; il ne faut pas qu'elle casse aujourd'hui la commission... Il faut qu'elle sache qui a donné l'ordre de tirer le canon d'alarme... S'il y a un combat, il sera, quel qu'en soit le succès, la perte de la République... Jurons tous de mourir à notre poste !

L'Assemblée presque entière jura.

Et à ce moment même elle entendait avec indignation le canon d'alarme. Les violents étaient enfin parvenus à faire tirer.

Cette audacieuse violation de la loi, ce signe solennel du mépris qu'on faisait de l'Assemblée pouvait jeter celle-ci dans quelque résolution forte. Cela rendait difficile la réponse que Danton allait adresser à Vergniaud. Il la fallait modérée pour retenir l'Assemblée ; il la fallait violente pour satisfaire aux tribunes, qui Attendaient haletantes le mot de Danton. Il donna à celles-ci quelques paroles à leur guise ; mais, en général, il fut très-prudent, très-politique, déclara ne préjuger rien, ni dans un sens ni dans l'autre, demanda, non la cassation, mais seulement la suppression de la commission des Douze, comme mesure d'utilité. Cette commission, dit-il, a eu le tort de frapper ceux qui attaquaient le modérantisme ; et ce modérantisme, il faut que la France lu tue, pour sauver la République... Nous devons faire justice au peuple... Si Paris n'a voulu donner qu'un grand signal, avertir les citoyens par une convocation, trop retentissante, il est vrai, il a encore cette fois bien mérité de la patrie... Si quelques hommes dangereux, de quelque parti qu'ils fussent, voulaient prolonger le mouvement quand il ne sera plus utile, Paris lui-même les fera rentrer dans le néant...

Mais au moins, disait la Gironde, avant de supprimer les Douze, vous devez entendre leur rapport... Le rapporteur, Rabaut, était là à la tribune, prêt à lire, autorisé à lire par la Convention ; mais toujours les cris l'empêchaient. Des heures se passèrent ainsi : Vous avez peur de m'entendre, disait-il à la Montagne. Vous nous accusez ; pourquoi ? parce que vous savez trop bien que nous allons accuser.

L'embarras de la Montagne, c'est que cette situation risquait de se prolonger indéfiniment. L'insurrection n'arrivait pas. La Commune, divisée, ne pouvait se résoudre à rien. Le jour s'écoulait. Tard, bien tard dans la matinée, arrive enfin une députation, qui se prétend envoyée par le conseil général : On a découvert un complot ; les commissaires des quarante-huit sections en feront saisir les auteurs. Le conseil général envoie pour communiquer les mesures qu'il a prises à la Convention, etc. Ils parlaient à l'Assemblée comme à un pouvoir inférieur. Guadet dit intrépidement : Ils vous parlent d'un complot... Qu'ils changent un mot seulement. Ils disent qu'ils l'ont découvert ; qu'ils disent qu'ils l'ont exécuté... La Convention doit décréter qu'elle ne délibérera sur nulle question que celle de sa liberté même...

Ici, autre députation, mais du maire et de la municipalité, députation pacifique qui dément la précédente. La municipalité ne désire rien que de se rapprocher de la Convention, d'établir une correspondance directe avec elle. Elle demande un local pour ses commissaires auprès de la Convention.

Voilà un style bien différent. Que s'était-il donc passé ?

En réalité, rien ne se passait, et rien ne pouvait se faire. Voilà pourquoi la Commune délaissait l'émeute impuissante et se rapprochait de la Convention.

La voix immense du tocsin sonné dans toutes les églises, le terrible fracas du canon, c'était une grande préface, une annonce vraiment solennelle. Mais rien ne se faisait encore. On s'habituait au bruit. Le temps était magnifique, l'été déjà dans sa splendeur. Les femmes étaient sur leurs portes pour voir passer l'insurrection ; mais elle ne passait pas.

Bonconseil et autres sections avaient battu deux fois le rappel, toujours inutilement. L'Évêché avait de bonne heure distribué aux siens ce qu'il y avait d'armes à l'Hôtel-de-Ville, et cette force imperceptible était comme perdue dans l'océan de Paris. Des particuliers zélés couraient, s'agitaient dans les rues avec de petits groupes armés ; Léonard Bourdon, par exemple, qui était maître de pension, avait armé de fusils, empruntés à sa section, six hommes de sa maison, ses régents probablement ou maîtres d'étude. Faibles moyens, petits mouvements isolés, individuels, qui ne faisaient que mieux ressortir l'impuissance du mouvement général, et lui donnaient trop l'apparence d'une insurrection d'amateurs.

A deux heures et demie, le conseil-général avait fait taire le tocsin, qui devenait ridicule, personne n'y prenant plus garde. à recevait une solennelle députation des Jacobins. Ceux-ci, se portant héritiers de la défunte insurrection, la reprenant dans les termes primitifs de la pensée jacobine (une insurrection morale), vinrent déclarer à la Commune qu'une assemblée des commissaires des sections s' était organisée chez eux, de concert avec les autorités du Département, et qu'elle avait formé un comité de salut public pour toutes mesures nécessaires que les quarante-huit sections seraient tenues d'exécuter : C'est ce comité qui vous parle, dirent-ils aux gens de la Commune ; nous venons siéger au milieu de vous.

L'Évêché eût bien voulu rester seul maître à la Commune. Le matin, lorsqu'il était fort, redouté, irrésistible, il en avait tiré un ordre qu'on placarda dans Paris, de n'obéir qu'au comité révolutionnaire et au conseil général assemblé à l'Hôtel-de-Ville, c'est-à-dire de ne pas obéir au Département et aux délégués, assemblés aux Jacobins. Mais, arrivés à deux heures et demie, une heure si avancée de la journée, sans pouvoir faire la moindre chose, il fallut bien que ces terribles dictateurs de l'Évêché s'humanisassent et reçussent au partage du pouvoir le Département de Paris et l'autorité jacobine.

Ces circonstances toutes nouvelles, inconnues à la Convention, expliquent le doucereux discours par lequel Couthon l'amusait à la même heure : Il était impartial, ni de Marat, ni de Brissot ; il n'était qu'à sa conscience. Personne n'était plus que lui affecté des mouvements, des interruptions des tribunes. On parle d'insurrection ; mais où est l'insurrection ? c'est insulter le peuple de Paris que de le dire en insurrection. Couthon poussait la douceur jusqu'à croire que ses collègues n'étaient que trompés, qu'une faction infernale les retenait dans l'erreur : Rallions-nous, supprimons les Douze, la liberté est sauvée.

Oui, rallions-nous, dit Vergniaud. Je suis bien loin d'accuser la population de Paris. Il suffit de voir l'ordre et le calme qu'elle maintient dans les rues pour décréter que Paris a bien mérité de la Patrie.

Ce mot fut avidement saisi de la Montagne, décrété unanimement.

La droite reprenait avantage ; un député peu connu demanda qu'on fit recherche de ceux qui avaient sonné le tocsin, tiré le canon.

Des députations arrivent pour désavouer l'émeute ; une spécialement, qui résume toutes les demandes du peuple, spécifie que, si les Vingt-Deux sont mis en accusation, les citoyens de Paris donneront autant d'otages.

Tous reprirent si bien courage, que Barrère devint lui-même téméraire et hasardeux. Il lança la proposition décisive que personne ne faisait et qui eût changé la face des choses : Que la Convention casse sa commission des Douze, mais qu'elle prenne pour elle-même la réquisition de la force armée.

Dirons-nous ici une chose que l'on voudra croire à peine, et qui montre combien l'esprit de dispute dominait le sens politique ? Les réclamations s'élevèrent, de quel côté ? De la droite, que la proposition sauvait !...

La droite tenait tellement à ce point de vanité de garder sa commission des Douze (brisée, détruite, impuissante), qu'elle repoussa en même temps la disposition de la force armée que Barrère voulait placer aux mains de la Convention !

Pendant que la droite dispute contre elle-même, fait la difficile et la dédaigneuse, ne veut pas de la victoire, l'insurrection accouche ; deux noirs orages se forment enfin, et vont fondre sur l'Assemblée.

L'insurrection morale des amis de Robespierre a dressé l'acte d'accusation de la Gironde, et va venir, avec une masse de sans-culottes armés, étouffer moralement les libertés de l'Assemblée.

L'insurrection maratiste travaille le faubourg Saint-Antoine, employant cette dernière arme, infâme et désespérée, d'aller criant par les rues que la Butte-des-Moulins a pris la cocarde blanche, proclamé la contre révolution. Tout le faubourg est en branle. A cinq heures, un noir torrent roule par la rue Saint-Antoine, par la Grève, par la rue Saint-Honoré.

Effroyable situation :de l'Assemblée, de Paris ! Si l'Assemblée n'est pas étouffée du premier flot, n'est-elle pas en danger d'être abîmée du second ! Asservie par les Jacobins ? massacrée par les Maratistes ? quel sera son sort, tout à l'heure ? S'il se fait, au cœur de Paris, une grande mêlée sanglante, les meneurs ne pourront-ils pas détourner ce peuple docile sur la Convention même ?

L'insurrection jacobine lit, la première, non apparition. Les Jacobins qui avaient, par leur comité de salut public, pris possession de la Commune, se présentent à l'Assemblée, se disent la Commune même ; Lhuillier portait la parole. Le discours, écrit avec soin, était une pièce littéraire, de rhétorique jacobine, sentimentale et violente. La virulente accusation commençait par une élégie : Était-il donc bien vrai qu'on eût formé le projet d'anéantir Paris ?... Quoi ! détruire tant de richesses, détruire les sciences et les arts ! le dépôt sacré des connaissances humaines ! etc., etc. Pour sauver les sciences et les arts, il fallait mettre en accusation Vergniaud, Isnard, les Girondins, champions du royalisme et fauteurs de la Vendée.

Le cordonnier-homme-de-loi, à l'appui de son aigre plaidoirie pour la civilisation, laissait voir à ses côtés une masse de sauvages armés de bâtons, de piques. Il avait à peine fini que cette foule bruyante força la barre de l'Assemblée, inonda la salle. Il semble pourtant que ce fut moins un acte d'hostilité qu'une sorte de bonhomie barbare ; ils envahirent, non la droite, mais le côté qu'ils aimaient, le côté des Montagnards ; ils se précipitèrent sur eux pour fraterniser. Un Dantoniste cria que le président devait les inviter à se retirer. Levasseur, avec plus de présence d'esprit, engagea les Montagnards à se réfugier aux bancs peu garnis de la droite, et toute la Montagne y passa.

Personne, ni les Dantonistes, ni les Girondins, ni le Centre, ne voulait plus délibérer. Le groupe seul des Robespierristes paraissait se résigner à l'invasion populaire.

Vergniaud proposa que la Convention abandonnât la salle, et se mit sous la protection de la force armée qui était au Carrousel. Lui-même descendit de sa place ; il sortit... mais presque seul...

Le centre resta cloué à ses bancs. Le mouvement du jeune orateur appelant la Convention à s'affranchir elle-même, quittant ce lien de servitude, secouant la poussière de ses souliers et cherchant la liberté sous le ciel, n'eut aucun effet sur le centre ; il renouvela, irrita l'envie sournoise des meneurs muets, des Sieyès et autres. Ils comprirent que, comme il n'est qu'un pas du sublime au ridicule ; il leur suffisait de rester, de ne rien entendre, ne rien voir, ne rien faire, pour briser Vergniaud. Ils repoussèrent cotte royauté morale du génie. Ils préférèrent, en ce jour, la royauté de la force.

Robespierre avait vaincu. Pour lu première fois depuis le matin, au bout d'une séance si longue, il prit la parole. Il se sentait bien fort, ayant pour lui non-seulement la fureur de la Montagne et la brutalité de l'invasion populaire, mais la trahison du centre, le suicide volontaire de l'Assemblée elle-même.

Je n'occupe pas l'Assemblée de la fuite de ceux qui désertent ses séances (Vergniaud rentrait à ce moment)... Supprimer les Douze, ce n'est pas assez ; il faut les poursuivre... Quant à remettre la force armée aux mains de la Convention, je n'admets pas cette mesure. Cette force est armée contre les traîtres, sans doute ; mais les traîtres où sont-ils ? Dans la Convention même. Quant aux autres propositions...

Vergniaud : Concluez...

Robespierre : Je conclus, et contre vous... Contre vous qui, après la révolution du 10 août, vouliez mener à l'échafaud ceux qui l'avaient faite ; contre vous qui provoquez la destruction de Paris, vous, complices de Dumouriez...

Sa fureur était si grande qu'il ne s'apercevait pas que ce torrent d'invectives pouvait avoir un résultat immédiat et tragique. Lancé sur un homme déjà en péril et sous le couteau, l'issue pouvait être, non pas de le mettre en accusation (comme le demandait Robespierre), mais de le faire mettre en pièces.

La chose eût eu lieu peut-être. Mais la salle, déjà si pleine, allait s'emplissant encore d'une invasion nouvelle, d'une foule animée de sentiments différents. Ces nouveaux venus, mêlés de sans-culottes aux bras nus et de gardes nationaux, avaient cela de commun, que leurs visages brillaient d'une allégresse singulière.

La sombre assemblée robespierrisée qui s'affaissait sur elle-même fut, tout-à-coup, malgré l'heure avancée du soir (il était neuf heures), illuminée d'un joyeux rayon du matin.

Cette fois, c'était le peuple.

Contons cette belle histoire.

Nous avons dit comment les honnêtes maraudes avaient trouvé moyen de faire que Paris s'égorgeât. Ils avaient dénoncé au faubourg Saint-Antoine la section de la Butte-des-Moulins comme ayant pris la cocarde blanche, calomnie perfide qui contenait un appât ignoble. La section dénoncée était celle des marchands du Palais-Royal, du quartier Saint-Honoré, des orfèvres, horlogers, bijoutiers et joailliers. C'était à la fois un appel et au meurtre et au pillage.

Le faubourg hésita un moment de croire les meneurs. Le procès-verbal des Quinze-Vingts témoigne que le peuple disait : Nous voudrions du moins savoir pourquoi nous allons marcher.... La crédulité gagna néanmoins ; le faubourg descendit en armes, ému et très-décidé à mettre les royalistes à la raison. La colonne était énorme ; le seul nom du royalisme relevant la tête avait mis dans ce brave peuple l'unanimité terrible de la prise de la Bastille. Ils descendirent tous, et la masse grossissant encore sur la route, arrivés au Palais-Royal ils étaient, dit-on, vingt mille.

Ceux de la Butte-des-Moulins, effrayés, mais résolus à vendre leur vie, s'étaient mis en bataille dans le jardin du Palais-Royal. Portes, grilles, tout était fermé : mesure de défense, mais fort dangereuse. Toute communication étant interdite, on allait se massacrer sans savoir seulement si l'on était ennemi. Les canons, des deux côtés, étaient chargés, prêts à tirer. Il y eut heureusement quelques hommes de bon sens dans ceux du faubourg, qui dirent qu'avant tout, il fallait pourtant aller voir s'ils avaient vraiment la cocarde blanche.

Ils demandèrent à entrer, franchirent les grilles, ne virent que le bonnet de la liberté, et les trois couleurs. Tous criaient le même cri, celui de la République : les grilles et les portes s'ouvrent, la place est prise d'un élan, l'élan de la fraternité. On s'explique, on s'excuse, on s'embrasse. La violence des émotions contraires, le passage si rapide de la fureur à l'amitié, furent tels que plusieurs n'eurent pas assez de force pour y tenir ; ils y succombèrent. Un commandant s'évanouit, il est frappé d'un coup de sang ; la stupeur succède à la joie, on court chercher un chirurgien, on le saigne, il est sauvé... Joie nouvelle, et des cris immenses de Vive la République !

Le Palais-Royal, galeries, jardins, les rues d'alentour et tout le quartier, prirent en un moment un aspect de fête ; on but, on dansa. Puis, se remettant en colonne, les gens du Palais-Royal reconduisirent fraternellement leurs amis du grand faubourg.

Mais auparavant les uns et les autres avaient voulu donner à la Convention la bonne nouvelle de paix. Pour cela, ils l'envahirent, et cette pression nouvelle arrivant par-dessus l'autre, tout le monde faillit étouffer.

Législateurs, dit l'un d'eux plein d'enthousiasme, la réunion vient de s'opérer ! La réunion du faubourg, de la Butte-des-Moulins et des sections voisines. On voulait qu'ils s'égorgeassent. Ils viennent de s'embrasser...

Ce fut un coup de théâtre. Tout fut fini pour ce jour. Plus d'accusation. Tout ce que Robespierre obtint, ce fut la suppression des Douze, déjà supprimés par le fait. Barrère, rédacteur du décret, y mit un article ambigu, à double entente : Qu'on poursuivrait les complots.

Lesquels ? ceux de l'Évêché ? ou bien ceux des Girondins ? on pouvait choisir.

Un Dantoniste proposa : Que la Convention, levant la séance, fraternisât avec le peuple. Elle sortit en effet, descendit sur la terrasse des Feuillants, et parcourut, aux flambeaux, les Tuileries, puis le Carrousel. Paris fut illuminé.

 

 

 



[1] Ce qui est risible et triste, c'est que Brissot fût jugé fédéraliste, partisan du démembrement, parce qu'il avait loué le Fédéraliste, publication américaine en faveur de l'unité.

[2] Brissot avait défendu Dumouriez ; la Gironde l'avait défendu. Mais tout le monde l'avait défendu, tout le monde était coupable. Robespierre disait le 10 mars : J'ai de la confiance en lui. Marat en dit autant le 12. Billault-Varennes le défendit chaudement aux Jacobins. Ceux-ci avaient montré une partialité étrange pour Dumouriez contre Cambon. Ils n'avaient pas voulu croire ce que tous les patriotes revenus de Belgique leur disaient de ses complots. Un entre autres, Saint-Hurugues offrait d'en donner des preuves. Les Jacobins ne voulurent pas seulement l'entendre, ils le mirent honteusement à la porte, le rayèrent, l'exclurent à jamais de la Société.

[3] L'Évêché fut plus habile qu'on ne l'eût attendu d'une telle assemblée. Pour obtenir que les sections lui envoyassent de nouveaux délégués, il varia les moyens, selon le caractère des sections. Il en invita plusieurs, non par lui-même, mais par l'intermédiaire d'autres sections amies, voisines, qui pouvaient les entraîner ; l'Arsenal, par exemple, fut prié par les Quinze-Vingts d'envoyer à l'Évêché. A ceux qui demandaient le but de la réunion, on faisait diverses réponses ; aux timides on répondait que c'était uniquement pour dresser une pétition contre le règlement qui fermait les assemblées à dix heures du soir ; aux autres on avouait que c'était pour prendre des mesures qu'exigeait le salut public. Bonconseil, Bondi envoyèrent, mais seulement pour pétitionner. Les Amis de la Patrie envoyèrent, seulement pour délibérer. Les Piques (Place Vendôme, la section où demeurait Robespierre) nommèrent bien des commissaires, mais ne les firent point partir. L'Observatoire se montra, de toutes les sections, la plus dédaigneuse pour l'Évêché. Elle ne voulut pas croire les envoyés de Maillard, leur demanda leurs pouvoirs, les prit pour les examiner, et les leur rendit ornés de vers de Voltaire, de quolibets, de chansons.

[4] Nous avons perdu ses procès-verbaux, mais nous en sommes assurés par ceux de la Commune, où le Finistère vient décliner toute part dans le mouvement.

[5] Cinq seulement mentionnent des pouvoirs illimités (Halle-au-blé, Arcis, Arsenal, Droits de l'Homme, Sans-Culottes ou Jardin-des-Plantes). J'y joins trois autres, qui ne les accordent que d'une manière douteuse ou tardive, quand l'affaire a éclaté (Lombards, Pont-Neuf, Bonne-Nouvelle). Cinq qui n'en font pas mention, les auront donnés certainement (Montmartre, Quatre-Nations, Halles, Beaubourg et Quinze-Vingts). Ajoutons-en deux, les Gravilliers et le Luxembourg, dont je n'ai pas les procès-verbaux, mais dont l'opinion est bien connue. — Quatre sections refusèrent : La Butte-des-Moulins, le Mont-Blanc, les Invalides et le Finistère (Gobelins). Archives de la Préfecture de police.

[6] Le mannequin chargé de jouer ce tour fut un homme inconnu, Dobsent. Chose remarquable ! Plusieurs des grandes journées de la Révolution ont en tête des espèces de fantômes, sans caractère, sans nom, sans précédents, sans conséquents. Tel fut Huguenin au 10 août. Tel Dobsent, au 31 mai. On ne sait rien de lui, avant ce jour, sauf qu'il était des Deux-Sèvres, quasi-Vendéen. On ne fit rien pour lui, en 93 ; on le laissa aux fonctions obscures, odieuses, de juge révolutionnaire. Au 9 thermidor, Dobsent n'alla pas à la Commune, mais à la Convention, de quoi il fut récompensé, nommé par les thermidoriens président du tribunal. Il est arrêté en 96, et l'on ne sait plus rien de lui.