MICHEL LE SYRIEN — CHRONIQUE (Extrait 573-717)

 

Journal Asiatique (cahier d’octobre 1848 et avril-mai 1849)

Comprenant l’histoire des temps écoulés depuis l’année VIIIe du règne de l’empereur Justin II, jusqu’à la seconde année du règne de Léon III l’Isaurien (573-717 de J.-C.) ; traduit de l’arménien par M. Éd. Dulaurier.

 

Texte mis en page par Marc Szwajcer

 

 

NOTE PRÉLIMINAIRE.

Dans un ouvrage regardé avec raison comme l’un des plus beaux monuments de l’érudition orientale, l’Histoire des Huns, on lit que les Arméniens ont eu peu d’écrivains et que le peu d’avantage que l’on tire de leur langue les a fait négliger par les Européens[1]. Un pareil jugement n’a pas besoin aujourd’hui de réfutation. Les travaux entrepris par la savante congrégation des Mekhitaristes, peur restaurer et mettre en lumière les productions de l’ancienne littérature nationale, suffisent pleinement pour démontrer l’erreur et l’injustice de Deguignes. Grâce à ces doctes religieux, nous savons maintenant que l’Arménie a vu naître dans son sein, non seulement des écrivains ecclésiastiques qui, pour l’éloquence et la profondeur de leur savoir théologique, peuvent être mis en parallèle avec les pères de l’église grecque et latine ; mais aussi des historiens inappréciables pour la connaissance des révolutions sociales et politiques, ainsi que de la géographie de l’Asie. Aucun peuple n’a étudié plus anciennement et avec plus d’ardeur les monuments littéraires de la Grèce, et la découverte de la traduction arménienne de la Chronique d’Eusèbe, dont l’original est perdu et dont il ne nous restait plus que de courts fragments, montre que s’il est permis de concevoir l’espoir de retrouver quelques traces de ces monuments que le temps a dévorés, c’est surtout dans les versions que les Arméniens en avaient faites. Placés dans le voisinage des grands empires de l’Asie, et sans cesse en contact avec eux, ils ont commencé à nous en raconter les destinées, plus de cinq siècles avant que les nations musulmanes eussent été à même de retracer leurs annales. Limitrophes des peuples de race tartare, ils ont connu et décrit, avec plus d’exactitude et de détails que personne, leurs origines et leurs migrations. A l’époque des croisades, alliés naturels des chrétiens, mais témoins impartiaux de cette grande lutte de l’Occident contre l’Orient, ils nous fournissent sur ce sujet des documents précieux pour compléter ou contrôler les récits des auteurs grecs, latins et arabes, qui tous ont écrit au point de vue ou les plaçaient les intérêts politiques ou religieux de la nation à laquelle ils appartenaient. Jusqu’ici, les nombreuses chroniques arméniennes du moyen âge n’ont point été étudiées comme elles le méritent, et sont encore, pour ainsi dire, inconnues des savants européens, quoique deux pères mekhitaristes les docteurs Michel Tchamitch et Luc Indjidji, y aient puisé largement pour rédiger, l’un une grande histoire d’Arménie, l’autre son Archéologie arménienne et sa description géographique de l’Arménie ancienne, et nous aient révélé tout le parti qu’il est passible d’en tirer.

La savante congrégation de Saint-Lazare, ne s’attachant qu’à la reproduction des monuments classiques de sa littérature nationale, dont elle a publié des éditions si correctes a laissé jusqu’à présent de côté ces chroniques, qui sont, il est vrai d’une grande valeur historique, mais dont le style est généralement imparfait, et porte des traces de la décadence d’une langue si pure, si régulière au siècle de Moïse de Khoren, d’Élisée et d’Esnig.

Saint-Martin, dont le savoir philologique comme arméniste était loin d’égaler l’immense érudition[2], Saint-Martin est le premier qui ait traduit une de ces chroniques arméniennes du moyen âge, l’Histoire des Géorgiens, qu’une méprise, relevée par le docte archevêque de Sionnik, feu Mgr Soukias de Somal, lui a fait prendre pour l’histoire de la famille des Orpélians[3]. L’impression du texte arménien, d’après l’édition de Madras, que Saint-Martin annonçait avoir revue et corrigée, laisse subsister un certain nombre de leçons vicieuses, et la traduction montre qu’il y a des mots et des passages dont il ignorait le sens et qu’il a rendus au hasard.

Mais si les connaissances philologiques de Saint-Martin, dans l’arménien, étaient, comme on le lui a reproché, peu approfondies, la justice fait aussi un devoir de dire qu’il n’eut jamais, pour étudier cette langue, que des secours insuffisants ; et, à l’époque où il fit paraître son plus bel ouvrage, ses Mémoires historiques et géographiques sur l’Arménie, il ne put profiter des grands travaux lexicographiques qui ont vu le jour à Venise après sa mort[4], et qui rendent la tâche de ses successeurs beaucoup plus facile qu’à lui. Si Saint-Martin a respecté jusqu’aux erreurs typographiques du texte de la chronique qu’il a publiée, un autre arméniste, Arménien de naissance, Chahan de Cirbied, en éditant un extrait d’un historien arménien du XIIe siècle, Matthieu d’Édesse, relatif à la première croisade[5], a cru devoir suivre une marche tout opposée. Il a voulu, non corriger le texte du manuscrit qu’il avait sous les yeux, mais en outre arranger et embellir le style de son auteur. C’est ainsi que, pour arrondir la phrase, dont la construction est souvent irrégulière dans Matthieu d’Édesse comme dans les chroniques arméniennes du moyen âge, il supprime des conjonctions là où elles lui paraissent redondantes et quelquefois même des mots ou des parties de phrase. C’est ainsi qu’il change un verbe, mis au participe passé, en prétérite ; qu’il substitue le prétérite défini à l’imparfait lequel correspond, en arménien, tantôt à notre imparfait, tantôt à notre prétérite indéfini, qu’il fait disparaître les formes vulgaires de la troisième personne plurielle du prétérite, habituelles aux écrivains de cet âge, pour les remplacer par les formes littéraires sans compter les autres libertés grandes que Cirbied a cru devoir prendre avec son auteur, soit en reproduisant le texte, soit en le traduisant.

La Chronique de Michel le Syrien, dont je vais offrir un fragment au lecteur, se rattache, par le style, à cette langue en décadence[6] dont l’altération commence à se manifester dès le IXe siècle.

Quoiqu’elle ne soit qu’une traduction, elle n’en est pas moins précieuse par le manque où nous sommes de l’original, qui n est pas parvenu jusqu’à nous, ou dont l’existence n’a été signalée nulle part, au moins dans nos bibliothèques de l’Europe.

Cette traduction se trouve à la Bibliothèque nationale dans le manuscrit n° 96, ancien fonds arménien, dont elle occupe les 184 premiers folios[7]. Elle comprend les temps écoulés depuis la création du monde jusques au commencement du XIIIe siècle de notre ère. Les temps antérieurs à Jésus-Christ, et depuis cette époque jusqu’au VIe siècle, sont résumés sous forme d’abrégé chronologique ; mais, à partir de ce moment, et en se rapprochant de plus en plus de l’âge ou vécut l’auteur, le récit s’étend et prend de l’ampleur. Michel, qui était Syrien de naissance, et qui écrivit dans cette langue, n’appartient point, à proprement parler, à l’école des historiens arméniens, qui se distingue généralement par des vues modérées. Adversaire outré du concile de Chalcédoine, ses opinions influent toujours sur ses jugements, et le développement des preuves dont il s’efforce d’appuyer ses doctrines ralentit quelquefois la marche de sa narration. Infiniment plus passionné plus crédule que son successeur et son coreligionnaire, le jacobite Grégoire Aboulfaradj[8], autrement dit Bar Hebræus. Michel est l’expression la plus fidèle des tendances exagérées du parti religieux dont il fut un des chefs, et de l’esprit de naïve superstition qui avait cours de son temps. Mais ces défauts ne portent-ils pas en eux-mêmes une compensation pour celui qui recherche dans l’histoire, non seulement le récit des vicissitudes politiques ou une nomenclature de date mais encore la peinture fidèle et animée de la vie intime, des croyances, des préjugés de siècles si profondément différents du nôtre. Dans nos chroniques des croisades, le récit des faits merveilleux et légendaires dont elles abondent, ne forme-t-il pas, associé au récit des grands événements dont ces âges héroïques furent les témoins, l’ensemble le plus dramatique, le contraste le plus piquant, l’étude de mœurs la plus curieuse ? Malgré les défauts de Michel, sa chronique offre un intérêt vif et réel par les notions qu’elle nous permet d’ajouter à celles que nous devons à Grégoire Aboulfaradj qui lui a fait d’ailleurs de larges emprunts et à cause du petit nombre d’écrivains que nous possédons ou qui nous sont inconnus.

Assemani nous a donne sur la vie et les écrits de notre auteur quelques indications très courtes[9] qu’il a puisées lui-même en très grande partie dans Aboulfaradj. Michel fut patriarche jacobite d’Antioche, et il est le centième de la série de ces pontifes. Il fut surnommé le Grand ou l’Ancien. Il avait commencé par faire profession dans le couvent de Barsoma de Schana, dont il devint plus tard abbé. Sa mort arriva le 7 novembre de l’année 1511[10] de l’ère des Grecs (1199 de J.-C.), dans la soixante treizième année de sa vie et dans la trente-troisième de son épiscopat. Il fut enseveli dans la nouvelle église du monastère de Barsoma, dans un sépulcre qu’il avait fait creuser, de son vivant, devant l’autel placé au nord. Les ouvrages qui lui sont attribués et dont parle Assemani sont : une liturgie, qui a été traduite en latin par l’abbé Renaudot[11] ; un traité sur la préparation à la communion ; un recueil de douze canons ; une pièce de poésie, et enfin son histoire. A ces travaux, Il faut ajouter la révision du Rituel et du Pontifical des Syriens jacobites, qu’il disposa dans un meilleur ordre, et une copie faite de sa main des Saintes Écritures.

Outre les ouvrages de Michel que je viens de mentionner, notre manuscrit nous fait connaître deux opuscules dont il est l’auteur, et qui s’y trouvent traduits en arménien. Le premier a pour titre : Touchant l’origine des institutions sacerdotales, (fol. 184 v. 204 v.) ; le second est une profession de foi de Michel (fol. 204 v. 208 v.). On lit au folio 220 et 221 r. quelques détails sur l’époque où fut faite la traduction de ce volume qui méritent d’être rapportés :

L’année 695 de l’ère arménienne (1248 de J.-C.), ce livre été traduit du syriaque en arménien, sous le pontificat de monseigneur Constantin[12] et sous le règne du roi d’Arménie Héthoum[13], couronné par J.-C.[14] et de la reine la chaste Isabelle, sa femme fille du roi Léon. Ces deux époux vivant selon les lois de Dieu, ont cinq enfants, nés dans la pourpre (porphyrogénètes), savoir trois filles et deux fils, nommés Léon et Thoros[15], du même nom que leur aïeul, et le frère de celui-ci. Puisse le bras du Tout Puissant être leur défense, en soumettant le pays à la couronne de leurs ancêtres jusqu’aux confins de l’Arménie ! Dans cette année, était encore vivant le père du roi, cet homme au grand génie et toujours heureux dans l’accomplissement du bien, le baron[16] Constantin[17], qui, compte aussi, avec Joie, quatre autres fils, monseigneur Parsegh (Basile), seigneur de Trazarg[18] ; le baron Sempad[19], général des Arméniens ; le baron Oschin, seigneur de Gorigos[20] et le baron Léon. Puisse leur puissance augmenter par la volonté de Dieu, et leur bravoure spirituelle et corporelle s’accroître de jour en jour. Le patriarche des Syriens orthodoxes à Antioche était, à cette époque, Mar Ignace, lequel a donné l’exemplaire du texte original ; l’auteur de la traduction est Ischôk, le saint prêtre, qui de plus, était savant dans la médecine. Que Dieu soit leur rémunération par le don de ses grâces !

Dans la préface de son Histoire (fol. 1 r. et v.), Michel nous a donné la liste des auteurs qu’il avait mis à contribution pour composer son livre. Les uns sont Grecs, les autres Syriaques. Nous savons, en effet, que Michel fut un homme d’une grande érudition, et qu’il était également versé dans la connaissance des quatre langues grecque, syriaque, arménienne et arabe. Je vais transcrire ici ce document bibliographique

Enanus, moine d’Alexandrie, qui a écrit l’histoire des temps écoulés depuis Adam jusqu’à l’empereur Constantin[21] et Eusèbe Pamphile : ce sont les deux historiens qui ont fourni la matière des compilations postérieures.

Jean d’Alexandrie[22], Djibeghou[23], Théodore de Constantinople, le lecteur[24] ; Zakarie, évêque de Mélitène[25], qui ont tracé les récits des temps compris entre les règnes de Théodose et Justinien l’Ancien.

Jean d’Asie[26], dont la chronique s’étend depuis l’empereur Anastase jusqu’à Maurice.

Goria le Savant[27], qui a écrit à partir de Justinien jusqu’à Héraclius ; saint Jacques d’Ourha[28], qui a fait un abrégé des historiens précédents.

Denys le Diacre[29], dont le travail comprend les temps écoulés depuis Maurice jusqu’à Théophile, empereur des Grecs, et Harôn, émir des Arabes.

Ignace, évêque de Mélitène[30] ; Slivéa, prêtre de la même ville[31] ; Jean de Kesoun[32] et Denys d’Alexandrie[33] ont écrit des abrégés historiques depuis Adam jusqu’aux temps ou ils vécurent.

 

CHRONIQUE

La huitième année de son règne, Justinien[34] déclara César son cousin[35] Marcien et l’envoya contre Mèdzpin[36]. Celui-ci, s’étant rendu à Dara[37] fit partir pour la Perse ses troupes, qui en revinrent chargées de butin[38]. Comme les Perses redoutaient Marcien, le Marzban[39] qui occupait Médzpin lui envoya des paroles de soumission et des présents, et le retint à Dara, jusqu’à ce qu’il eût approvisionné la ville de vivres et qu’il en eût fait sortir les chrétiens. A la fête de Pâques, Marcien arriva devant Medzpin, et en commença le siège. Il pressait vivement cette place et était sur le point de s’en emparer, lorsque arriva tout à coup un certain Acacius chargé de la mission de remplacer Marcien et qui lui enleva son commandement par ordre de l’empereur. Marcien lui dit : Accorde-moi deux jours seulement, et je prendrai la ville. Mais Acacius s’y refusa. L’armée, croyant que l’empereur était mort, abandonna le siège et se dispersa. Voici ce qui occasionna ces événements.

Le pays des Arabes était alors divisé en deux principautés. L’une relevait des Perses, l’autre appartenait aux chrétiens ; ceux-ci avaient pour roi Mèntour fils de Herth[40], et étaient amis et alliés des Romains avec tout leur pays, à cause de leur foi commune au christianisme. Cependant, Mèntour ayant fait une incursion [dans le pays ennemi], le saccagea et s’en retourna[41] ; puis il alla s’établir dans la partie du Dadjgesdan[42] qui était sous la domination des Perses. Les habitants, s’imaginant qu’il était lui-même le roi des Perses, restèrent sans défense, et plusieurs d’entre eux allèrent même au devant de lui avec des présents : mais il les massacra. Alors l’armée des Perses se rassembla pour marcher contre le pays de Mèntour. A cette nouvelle, ce prince envoya de mander à Justinien une grosse somme d’argent pour soudoyer des troupes contre les Perses. Comme l’empereur était irrité contre lui, il lui écrivit en ces termes : Va trouver Marcien, aide-le à prendre Mèdzpin, conserve la ville pour toi et garde le pays ; car je lui ai donné l’ordre de te remettre tout l’or que tu désireras. En même temps, il manda à Marcien d’employer immédiatement tous ses soins pour se saisir de Mèntour, de lui couper la tête et de lui en faire savoir aussitôt la nouvelle. Mais la Providence voulut que les deux lettres changeassent de destination. Celle qui était adressée à Marcien fut remise à Mèntour, et la lettre qui était pour ce dernier par vint à Marcien. Justin, en apprenant ce qui se passait, pensa que Marcien avait fait tenir sa lettre à Mèntour, il lui envoya un remplaçant et le dépouilla de sa dignité. Mèntour rendit grâce à la bonté de Dieu, qui lui était venue en aide et lui avait conservé la vie. En même temps il écrivit à Justinien pour lui reprocher sa perfidie. Les Perses connaissant la mésintelligence qui s’était élevée entre l’empereur et Mèntour, et sachant que celui-ci ne se portait pas l’auxiliaire des Romains, marchèrent contre eux et les taillèrent en pièces. Puis ils s’avancèrent jusqu’à Andak[43], saccagèrent toute la Mésopotamie, qui obéissait aux Romains, et vinrent mettre le siège devant Dara ; car un grand nombre de Grecs s’étaient réfugiés dans cette ville, comme dans un lieu fortifié. Dans les sorties que firent ceux-ci, ils montrèrent une grande valeur. Les Perses, s’éloignant, firent mine de décamper, comme s’ils avaient l’intention de se retirer. Alors les troupes grecques, fatiguées, abandonnèrent les remparts pour aller prendre du repos et des aliments ; aussitôt les ennemis, accourant, donnèrent l’assaut, et, appliquant de tous côtés leurs échelles aux remparts, pénétrèrent dans la ville et massacrèrent tous ceux qu’elle renfermait ; après quoi, ils s’en retournèrent dans leur pays, pleins d’allégresse.

Le roi des Perses ayant choisi dans le butin un grand nombre de jeunes vierges et beaucoup d’objets précieux, les envoya en présent au pays des Thêdalatzi[44], dans le Thourkasdan, avec des lettres pour prier ces peuples de venir à son secours afin de combattre les Romains, les Arméniens et les habitants du Dadjgasdan. Ces saintes filles dans leur voyage, arrosaient le chemin de leurs larmes, dans la pensée que des membres du Christ allaient être livrés comme une proie à des bêtes féroces. Alors elles délibérèrent ensemble sur le parti qu’elles avaient à prendre, et étant arrivées à un grand fleuve elles dirent aux soldats qui les accompagnaient[45] : Accordez-nous une grâce, veuillez vous écarter hors de la portée de la vue, afin que nous puissions nous baigner dans ce fleuve, et nous rafraîchir à cause de la chaleur que nous éprouvons. Ayant consenti à cette demande, ils s’éloignèrent. Ces chastes vierges, versant des torrents de larmes, se jetèrent aussitôt à genoux, en s’écriant : Dieu de nos pères qui ont été immolés, ô Christ fils de Dieu, couronne et salut des chrétiens, chaste époux des vierges saintes, viens à nous et contemple notre martyre ; reçois-nous dans ton sein et ne livre pas tes brebis en pâture aux animaux féroces. Nous t’en conjurons par les prières de ta mère immaculée, par l’intercession de tous les saints et par ce sang que nos pères ont versé. Reçois celles qui t’appartiennent, ô Jésus, notre refuge. Gloire à toi pour l’éternité !

Après avoir prononcé cette prière, elles montèrent sur le pont et se précipitèrent dans le fleuve à l’endroit le plus profond, et où se jetaient un grand nombre d’affluents. Cependant les soldats de l’escorte, ayant entendu le bruit de leur chute, accoururent ; mais ils n’en trouvèrent aucune vivante.

Après avoir déploré ce malheur pendant plusieurs heures, ils revinrent sur leurs pas pour en faire part au roi. Celui-ci, tout étonné, ne leur adressa aucun reproche.

Cependant Justinien se réconcilia avec le patriarche et prêta l’oreille aux plaintes qui lui étaient adressées en grand nombre par les sectateurs du concile de Chalcédoine, de ce qu’il avait arrêté la persécution contre les orthodoxes[46] et comme tout le monde approuvait ces doléances, il revint à sa mauvaise nature avec plus de rigueur qu’auparavant, et recommença la persécution et le meurtre des vrais fidèles. La plume ne saurait retracer tous les excès auxquels il se livra. Ceux qui en entendaient le récit étaient accablés sous le poids des maux qu’il fit en durer à la sainte Église ; aussi Dieu le livra-t-il aux plus mauvais démons, lui et le patriarche. Saisis de transports furieux, ils aboyaient comme des chiens, gémissaient comme des chats, ils s’arrachaient les cheveux et la barbe à pleines mains. Ils étaient aussi en proie à d’autres douleurs qui accéléraient leur mort. Dans un moment où le roi éprouvait un peu de calme, on lui demanda de désigner son successeur ; il nomma différentes reprises un chancelier, appelé Tibère, né en Thrace et Grec de nation[47]. Ce fut lui, en conséquence, qui hérita de la couronne. Depuis Tibère jusqu’à nos jours, l’empire a appartenu aux Grecs, car, à partir de Caïus Julius (Auguste) jusqu’à ce dernier, il y avait eu cinquante rois d’origine franque[48]. Dans le temps des Macédoniens, on compta trente rois grecs depuis Cronos[49] le Macédonien, jusqu’à Pratos[50]. Ce fut Tibère qui commença la seconde dynastie grecque dans l’année de l’ère syrienne 888, et de l’ère arménienne 15[51]. Cependant les empereurs de Byzance continuèrent à être appelés Romains, à cause de la dénomination de Nouvelle Rome que Constantinople avait reçue de son fondateur Constantin, et les armées se confondirent les unes avec les autres sous l’autorité du nom romain.

Sous le règne de Tibère, les Perses avaient pour roi Ormuz[52]. Enflé de la victoire que ses troupes avaient remportée dans la Mésopotamie, il marcha contre les Arméniens, qui firent preuve d’une grande valeur, et le contraignirent trois fois de se retirer honteusement, quoiqu’ils eussent été faiblement secourus par les Grecs. Les Perses revinrent pour la quatrième fois par le côté du nord en cernant les montagnes ; ils se répandirent dans la Cappadoce et se trouvèrent en présence de l’armée grecque, qui bientôt prit la fuite. Ayant mis le siège devant Sébaste[53], ils emportèrent cette ville et la brûlèrent. Cependant les Grecs s’enhardirent, et, fondant sur le camp des Perses, ils s’en emparèrent, et détruisirent le Pirée, que ceux-ci transportaient avec eux[54]. Si le désordre ne s’était pas mis dans l’armée grecque, ils auraient exterminé les ennemis ; mais les Perses, profitant de l’occasion, reprirent courage, et se dirigèrent sur Mélitène[55] en Arménie, la prirent et y mirent le feu. Alors les Grecs leur envoyèrent dire ces paroles : Ce n’a jamais été la coutume des rois d’incendier, et vous savez que nous nous sommes toujours abstenus de semblables dévastations dans votre pays, quoique nous n’eussions pas de roi avec nous. Arrêtez-vous, et nous combattrons de nouveau. Les Perses, en recevant ce message furent tout confus, et firent halte du coté oriental de la ville. Les Grecs, ayant marché vers eux toute la nuit, arrivèrent en leur présence depuis l’aurore jusqu’à la neuvième heure du jour sans engager de combat. Sur ces entrefaites, les Perses commencèrent à traverser l’Euphrate, et à se retirer. Les Grecs, voyant ce mouvement, coururent eux, et les ennemis prirent la fuite avec tant de précipitation, que la majeure partie se noya. Cette retraite fut désastreuse pour eux. Ce fut à cette occasion que le roi des Perses décréta que jamais le souverain ne ferait d’incursion, ou n’irait à la guerre, si ce n’est contre un souverain son égal.

Cependant les troupes grecques se dirigèrent vers le nord, dans le pays des Arméniens, pour faire du butin[56]. Elles voulaient les punir de leur orthodoxie. Ceux-ci s’avancèrent à leur rencontre, la croix et l’évangile à la main, comme au devant de chrétiens. Ils voulaient leur inspirer de la crainte à la fois et du respect, en leur montrant les armes rédemptrices du Christ. Mais ces ennemis de la lumière, ces adversaires de la vérité, dans leur rage, abattirent la croix et l’évangile, saccagèrent les églises, massacrèrent sans pitié les ecclésiastiques et les séculiers, et violèrent les religieuses. Ils arrachaient aux femmes les boucles d’oreille, avec les oreilles mêmes, et leur enlevaient les bracelets, avec la peau du bras. Ils commirent beaucoup d’autres atrocités. Ayant recueilli un butin immense, ils s’en revinrent comme après une éclatante victoire et lorsqu’ils furent arrivés sur leur territoire, ils s’arrêtèrent dans une sécurité complète. Tandis que, se livrant à la joie, ils avaient abandonné leurs chevaux et s’étaient dépouillés de leurs armes, la colère de Dieu éclata sur eux, et fit retomber leurs péchés sur leurs têtes ; car une partie de l’armée perse, ayant appris les désordres auxquels ils s’étaient livrés, se cacha, et, se séparant de la suite du roi, se prépara à les surprendre ; puis se portant sur eux, elle les trouva sans défense et abandonnés de Dieu. Alors les Perses, s’emparant de leurs chevaux et de leurs armes, les massacrèrent, et s’en revinrent tout joyeux.

A cette époque, les évêques, ainsi que les religieux et les prêtres des couvents de la Mésopotamie et de l’Arménie, qui étaient sous la domination romaine, se rendirent auprès de Tibère, et lui dirent : Laisse nous pratiquer librement notre foi sans nous troubler, et nous serons tes fidèles sujets, ou bien fais-nous périr par le glaive. Cependant les Chalcédoniens les menaçaient, mais le roi imposa silence à ces derniers, en leur disant : Écoutez ce que j’ai à vous révéler. Tandis que l’empereur Justinien était en proie à des douleurs cruelles, et que j’étais auprès de lui pour le servir, je vis un ange de Dieu, tantôt menaçant le démon qui tourmentait l’empereur, et qui lui reprochait les maux dont il avait accablé les orthodoxes, et tantôt laissant à l’infernal la liberté de renouveler ses assauts. L’empereur me disait : Ne suis pas les traces de celui qui a fait tous ses efforts pour s’emparer de la couronne, du prince auquel il doit son élévation[57].

Aussi souffre-t-il maintenant ce qu’il a mérité. En rendant le dernier soupir, Justinien ajouta : Accomplis, mon enfant, deux choses que je te recommande ; rappelle ceux que j’ai chassés, et adopte leur croyance. En outre, reste soumis à Sophie, qui était ta souveraine et qui est devenue à présent ta mère.

Tibère continuant de s’adresser aux religieux : Implorez en ma faveur la miséricorde de Dieu, leur dit-il[58]. Retournez en paix chez vous ; vivez en repos, et offrez vos prières pour les vivants et pour les morts. Quiconque me parlera désormais contre vous sera mon ennemi. Alors les orthodoxes s’en revinrent chez eux, en rendant à Dieu des actions de grâce.

Après cela, le patriarche de Constantinople[59] donna à l’empereur le conseil de répudier sa femme et d’épouser l’impératrice Sophie. Car, prétendait-il, elle ne veut pas laisser ta femme entrer dans la ville. L’empereur lui répondit : Je sais maintenant avec certitude que l’esprit et la crainte de Dieu n’existent point dans l’hérésie que tu professes. Eh quoi ! Tu m’engages à abandonner ma femme légitime, qui fut autrefois la compagne de ma pauvreté, qui m’a rendu père de trois fils, et à qui je n’ai rien à reprocher, pour épouser ma reine, qui m’a été donnée pour mère ? A ces mots, il le chassa ignominieusement de sa présence. Sophie, ayant appris ce qui venait de se passer, conduisit la femme de Tibère avec de grands honneurs dans la ville, elle se prit pour elle d’affection et lui donna le nom d’Hélène[60].

Tibère aimait les pauvres et était miséricordieux. Il s’imposa la règle de leur distribuer, chaque jour de sa vie, la valeur de soixante et douze centenarium[61] de son trésor.

Cependant Mèntour, ayant appris la mort de Justinien et l’élévation de Tibère sur le trône, se rendit auprès de lui, et son arrivée fut vue avec grand plaisir. Tibère lui dit : Pourquoi as-tu laissé les Perses fondre sur nous ? A ces mots, Mèntour lui ayant remis la lettre que Justinien avait écrite à Marcien pour le faire périr, Tibère et tous les Grecs ne surent que répondre. Mèntour ajouta : Ayant appris que vous aviez donné la paix aux orthodoxes, mon cœur a sympathisé avec le vôtre a trouvé le repos. Et maintenant, pour l’honneur de mon nom, il faut que la vraie foi soit prêchée ouvertement. Tibère fit expédier des ordres en conséquence. Mèntour s’en retourna dans son pays et les Perses se tinrent tranquilles.

La quatrième année de Tibère, les Sglav[62] firent une irruption, ils étaient dépourvus d’arme, de chevaux et de vêtements. Ils se répandirent dans la Thrace et vinrent à Thessalonique. S’étant emparés des troupeaux de chevaux qui appartenaient au domaine royal, des arsenaux et des maisons des ouvriers qui fabriquaient les armes, ils formèrent une armée. Puis ils vinrent assiéger Sermi[63], et envoyèrent à l’empereur pour lui demander la permission de se fixer dans cette ville. Tibère les traîna en longueur, espérant toujours l’arrivée des Loungvars[64]. A la fin il leur accorda la ville, mais en se réservant les habitants. Cependant, les barbares y étant entrés trouvèrent les habitants épuisés par la famine, et ils firent un grand acte d’humanité, en leur distribuant du pain et du vin ; car ceux-ci, dans leur détresse, n’avaient plus même ni chiens ni chats, la faim les ayant contraints de se nourrir de ces animaux. Ils mangèrent du pain avec tant d’avidité qu’ils en mouraient. S’apercevant du funeste effet qui en résultait, ils se modérèrent, et peu à peu ils se rétablirent. Ces peuples firent alors sortir les habitants de Sermi et s’y fixèrent pendant un an. Puis, la ville ayant pris feu inopinément, ils la quittèrent et s’en revinrent dans leur pays, persuadés que Dieu les chassait de la nouvelle résidence qu’ils s’étaient choisie.

A cette époque, Tibère déclara César Maurice et l’envoya contre les Perses. Dans sa route, il trouva le pont du grand fleuve[65] renversé par ces derniers. On pensa que c’était Mèntour qui état l’auteur de cette destruction. Maurice s’en revint, et, ayant fait de mauvais rapports sur le compte du prince arabe, l’on chercha les moyens de le faire périr. Un des grands de l’empire, nommé Mangana[66], promit de se saisir de lui, et, ayant pris des troupes, il partit, comme s’il avait l’intention de marcher contre les Perses.

En même temps, il fit dire à Mèntour de venir le trouver en secret avec un petit nombre d’hommes, afin de concerter ensemble quelque plan contre les Perses. Mèntour, étranger à tout soupçon, se rendit à cette invitation. Il fut saisi la nuit, lorsqu’il était plongé dans l’ivresse, à l’heure du repos, et envoyé à Tibère qui le fit aussitôt mettre en prison. Le fils de Mèntour[67], ayant appris une trahison aussi inexplicable, s’avança avec ses troupes dans le pays des Grecs pour le saccager, s’emparant des trésors et des troupeaux, mais respectant la vie des habitants ; après quoi il s’en revint. Cependant, voyant que l’on ne relâchait pas son père, et s’armant de courage, il alla trouver Tibère en qualité d’ambassadeur, se lier avec lui par un serment solennel[68], et reprendre son père. A ces conditions, Mèntour lui fut rendu. Ils prêtèrent donc un serment jamais inviolable. Mais l’impie Maurice, en finissant la conférence, dit :

Pour marque que vous serez fidèles à votre parole, il faut que vous communiez de la main des chefs religieux de Constantinople et vous cesserez de nous être odieux. Mèntour lui répondit : Je ne puis faire cela, car ma nation est nombreuse, et elle me lapiderait. Je vous dirai la vérité, placé comme je le suis, sous le coup de la crainte de la mort. Je ne puis devenir l’ennemi de Dieu, comme vous autres. A ces mots, les Grecs entrèrent en fureur, et les firent jeter dans un sombre cachot. Ces tristes nouvelles ayant été connues dans le pays des Arabes, ils en eurent le cœur tout troublé et navré. Ils se séparèrent les uns des autres, en se divisant en quinze troupes[69], qui se donnèrent chacune un chef. Les uns se soumirent aux Perses séduits par leurs présents[70], les autres allèrent au secours du pays de Kamir[71], et un petit nombre d’entre eux se donna aux Grecs. Ce fut ainsi que la perverse hérésie du concile de Chalcédoine causa la ruine d’un beau royaume.

Cependant Tibère, redoutant la colère de Dieu, distribua aux pauvres la quatrième partie de ses richesses et supprima les impôts dans tout l’empire. Il y en a qui prétendent que Tibère ne régna qu’un an, mais je ne les crois pas, car nous pourrions invoquer, en faveur de notre livre, l’affirmation d’un grand nombre de témoins pour attester qu’il régna quatre ans[72]. Il donna sa fille [proclamée par lui] Auguste[73] en mariage à Maurice, lequel après sa mort, monta sur le trône. Maurice était Cappadocien du village d’Arpsous[74].

Home, s’étant révoltée contre Maurice, se donna pour roi un certain Caramis (Germanus)[75]. Celui-ci était allé précédemment en Perse ; après y avoir obtenu du succès, il en était retourné triomphant. Mais comme Maurice le tenait pour suspect, Caramis lui envoya trois mille captifs pris dans le butin. Ce don fit grand plaisir à l’empereur, qui lui accorda de régner à Rome sous son autorité. Maurice convertit Arpsous en une grande ville. Mais, au bout de quatre ans, elle fut renversée par un tremblement de terre. Rebâtie avec la plus grande diligence, elle fut ruinée de nouveau par une catastrophe semblable. Comme ce village était situé dans la seconde Arménie[76], on dit de Maurice qu’il était Arménien de nation. Il envoya Philigdion (Philippique), mari de sa sœur (Gordia), avec des troupes et des trésors contre la ville de Moupharghin[77] que les Perses avaient enlevée aux Grecs[78]. Philigdion se mit en campagne, reprit la ville et passa au fil de l’épée les Perses qui s’y trouvaient[79].

La huitième année de Maurice[80], les Perses se révoltèrent contre Ormizt, et, l’ayant privé de la vue, ils mirent sur le trône Khosrov, son fils.

Cependant. Maurice déclara César son fils Théotos (Théodose), fit à cette occasion un festin magnifique, et le patriarche ceignit la couronne au jeune prince[81].

Dans cette même année, Vahram, prince perse, chassa le roi Khosrov, qui vint à Ourha[82] et envoya prier Maurice de lui servir de père, et de lui envoyer du secours pour l’aider à conquérir son royaume. L’empereur lui donna des troupes arméniennes et thraces[83], avec lesquelles Khosrov recouvra ses états. Les Perses abandonnèrent Dara et Razain[84] aux Grecs. Maurice accorda sa fille Marie[85] en mariage à Khosrov, et fit partir avec elle des évêques et des prêtres. Khosrov éleva en l’honneur de sa fille trois églises, et le patriarche d’Antioche se transporta pour les bénir. L’une fut consacrée à la mère de Dieu, l’autre reçut le nom des saints Apôtres, et la troisième celui de saint Sarkis (Sergius). Une paix profonde régnait à cette époque.

Maurice, enorgueilli de sa prospérité, méprisa l’armée et lui retira la solde et les largesses qu’elle était accoutumée de recevoir. Il arriva que les Boulgares[86] firent une incursion en Thrace[87]. Les troupes grecques marchèrent contre eux et, après les avoir chassés, revinrent à Constantinople ; puis elles députèrent vers Maurice pour lui porter ces paroles : Le Seigneur a accordé la paix pendant ton règne, mais les militaires ne vivent pas de la paix seulement. Si les présents que nous recevions ne nous sont pas rendus, ainsi que notre solde habituelle pendant la paix, tiens-nous pour tes ennemis. Mais ils n’obtinrent qu’une dure réponse, comme Israël de Roboam[88]. Alors l’armée dit à Pierre, frère de Maurice, de consentir à ce qu’elle mît l’empereur à mort, et lui de régner à sa place. Mais Pierre, loin d’acquiescer à cette demande, en donna avis à son frère. Aussitôt Maurice s’enfuit à Chalcédoine ; les soldats, s’étant mis à sa poursuite l’atteignirent et, l’ayant tué, donnèrent la couronne à leur général Phocas. C’était la vingtième année du règne de Maurice. Le roi des Perses, apprenant la triste fin de ce prince et de ses fils, fut saisi d’une profonde douleur, et le pleura longtemps avec toute sa nation.

Après quoi il dit à ses grands alliés[89] : Qui est-ce qui tirera vengeance du sang de Maurice, versé par les Grecs, et soulagera ainsi mon cœur ? Qui rendra à la mémoire de ce monarque le juste retour des bienfaits que les Perses ont reçus de lui, qui a relevé notre trône écroulé ? A ces mots, un des grands, nommé Romizon[90] s’avança et dit au roi :

C’est moi qui marcherai si tels sont tes ordres, et j’inonderai de sang le pays des Grecs. Ces paroles plurent au roi Khosrov qui lui dit : J’ai confiance en toi, parce que tu es un brave, et comme tu es parfaitement capable de conduire cette entreprise, tu réussiras. Et maintenant ton nom ne sera plus Romizon, mais Schahr-Baz[91]. Alors il lui donna tout pouvoir en Perse. Celui-ci vint en Mésopotamie, prit Dara, Razaïn et Merdin[92], où il passa l’hiver. Après quoi il s’empara de Kharran[93], de Haib (Alep) et Andak. Ces villes se rendirent lui volontairement, car il ne faisait du mal à personne, si ce n’est aux Grecs et aux Romains[94]. Dans la huitième anné[95] de Phocas, toute la Mésopotamie passa sous la domination des Perses. Ensuite ils pénétrèrent en Cappadoce jusqu’à Angouria (Angora) et dans l’Asie[96], et poussèrent jusqu’à Chalcédoine, versant partout des torrents de sang. Ils prétendaient que la domination de ces contrées appartenait de droit à Khosrov, comme fils adoptif de Maurice, et comme héritier de sa couronne. Or, l’empereur Phocas était peureux et efféminé. Ses soupçons lui firent immoler beaucoup de grands de son royaume, point qu’il s’attira la haine universelle. Il y avait à cette époque en Afrique deux patrices, hommes illustres et d’une valeur éprouvée. L’un se nommait Grégoire et l’autre Héraclius[97]. Tous les deux résolurent de concert la mort de l’empereur. Ayant rassemblé des troupes, ils en donnèrent le commandement à leurs fils. Le sort[98] décida celui qui irait par mer, et celui qui se rendrait par terre. En même, temps, ils écrivirent des lettres à la cour impériale et à Constantinople, afin que l’on mît à mort Phocas. Il était décidé que celui des deux jeunes princes qui arriverait le premier obtiendrait la couronne, et que celui qui parviendrait le second serait César. Ce fut au fils d’Héraclius, qui avait le même nom que son père, qu’échut le sort de se rendre à Constantinople par mer. Secondé par un vent favorable, il arriva le premier[99], et, ayant répandu tout à coup les lettres dont il était chargé, on mit à mort Phocas, et la couronne lui fut dévolue[100]. Héraclius était un homme courageux et sage. Son avènement répandit la joie dans l’armée et rendit le calme à la ville.

Cependant le roi des Perses, une fois maître de la Mésopotamie, y envoya des évêques nestoriens et chalcédoniens, à la tête desquels était un nommé Aschkhiméa. Mais les orthodoxes refusèrent de les recevoir, et écrivirent au roi pour le supplier de ne pas troubler la foi qu’ils tenaient de leurs pères. Khosrov se rendit à leurs doléances et rappela les évêques qu’il avait envoyés. Alors ceux-ci le prièrent de faire appeler les chefs religieux des populations qui s’étaient opposées à eux, et de leur demander les motifs de leur refus. Khosrov voulait avant tout savoir quelle était la dissidence qui séparait ainsi les chrétiens. En conséquence il fit appeler en Arménie et en Syrie des ecclésiastiques instruits pour se rendre auprès de lui. A cet appel, répondirent le grand catholicos des Arméniens, Narsès, et le patriarche des Syriens orthodoxes, Athanase avec son frère Sevérianus[101]. En se voyant plusieurs réunis d’entre les Arméniens et les Syriens, ils se réjouirent et rendirent grâces à Dieu. Après beaucoup de conférences où l’on débattit les questions controversées, les Nestoriens et les Chalcédoniens furent vaincus par la vérité, et en prévinrent le roi. Celui-ci convoqua l’assemblée par devant lui, et lui tint ce langage : Expliquez-moi en quoi diffèrent vos opinions, comme si j’étais capable de vous comprendre. Les Nestoriens et les Chalcédoniens lui répondirent : Nous tous, chrétiens, nous confessons que Jésus-Christ est Dieu de toute éternité, et qu’il s’est incarné dans le temps pour nos péchés, en se revêtant de la nature humaine. Mais nous ajoutons ceci de particulier, qu’il y eut en lui deux natures. Si comme homme il a péché, si comme homme il est mort, en tant que Dieu il n’a pas péché et n’est pas mort. Les autres disent que comme homme et comme dieu, il n’eut qu’une seule nature, et qu’après être mort sur la croix, il ressuscita. Alors les orthodoxes prenant la parole, dirent : C’est là un sujet qui exigerait de grands développements, et dont l’explication demanderait beaucoup de temps. Les conciles et les rois ont examiné et décidé les dogmes que nous professons, et que nos adversaires ont corrompus postérieurement. Le roi reprit : Quels sont les souverains par lesquels votre foi a été confirmée ? Ce sont les rois Constantin le Grand, répondirent-ils, ainsi que Théodose le Grand et Théodose le Jeune, fils d’Arcadius. — Mais, dirent les Chalcédoniens, Marcien n’était pas roi, et son concile était bien peu nombreux. — Au contraire, repartirent les orthodoxes, c’était un roi qui abolit l’autorité des anciens que nous n’admettons pas. Khosrov reprit : Je comprends que vous êtes condamnés par vos propres livres, vous qui glorifiez Marcien. Moi non plus, je ne compte pas ce prince au nombre des souverains, et il est indubitable à mes yeux que la mort d’un homme ne peut pas opérer le salut. Celui qui voulut se revêtir d’un corps humain ne doit pas avoir pour agréable, comme c’est mon opinion, d’être ainsi divisé. Lorsque je suis allé dans la Mésopotamie, j’ai entendu soutenir de pareilles controverses par les deux partis. Mais le retour à la santé de mes soldats malades, je le dois aux chrétiens que Maurice avait proscrits, parce qu’ils professaient l’opinion que Dieu était mort. Mes soldats m’ont raconté aussi des choses surprenantes. Nous arrivâmes, me dirent-ils, à une église remplie de monde, et dans laquelle un prêtre offrait les prières de la messe des chrétiens. Nous massacrâmes cette multitude dans l’église, sans que le prêtre bougeât ou portât ses regards sur nous. Tout étonnés, nous regardâmes et nous vîmes des pains fragmentés en suffisante quantité pour nourrir quatre hommes, et du vin. Il se préparait à distribuer cela à cinq cents personnes que nous tuâmes. Ayant saisi le prêtre : Qu’est cela ? lui dîmes-nous. C’est, nous répondit-il, le corps et le sang de mon Dieu qui est mort pour moi. Après quoi nous le maltraitâmes, et il mangea le tout. Puis nous le tuâmes, et, ayant ouvert son ventre, nous n’y trouvâmes rien. Ce fait arriva dans le pays de Mèntour, où cette croyance est répandue. C’est pour moi un sujet de grand étonnement ; car ces soldats racontèrent qu’ils avaient interrogé un prêtre en lui demandant si sa nourriture était spirituelle ou corporelle, et qu’il avait répondu qu’elle était spirituelle, et il disait vrai.

Moi (l’auteur) je dis que rien n’est plus exact, et que de telles paroles ne venaient pas du roi, mais de Dieu comme il arriva à Pharaon, à Nabuchodonosor et à Balaam. Aussi combla-t-il d’honneurs le grand catholicos d’Arménie, le patriarche et le saint homme Sevérius. L’on nous a rapporté qu’il avait fait baptiser son fils, qu’il le donna à élever au patriarche d’Arménie, et qu’il lui confia le soin de veiller sur les chrétiens de la Perse, et de consacrer leurs évêques et leurs prêtres. C’est ainsi que Dieu glorifie ceux qui eux-mêmes proclament sa gloire[102].

Héraclius, monté sur le trône la vingtième année de Khosrov, roi des Perses, lui envoya des ambassadeurs pour l’engager à conclure la paix avec lui, et à retirer ses troupes des terres de l’empire ; car, disait-il, Phocas, le meurtrier de Maurice, est mort, et nous n’avons aucun tort envers toi. Mais Khosrov rejeta ces propositions et, à l’instant même, il se rendit[103] à Césarée d’Arménie[104] avec une grande armée. Après des massacres incalculables, il s’en revint.

Cependant Schahr-Baz, la quatrième année d’Héraclius, soumit Damas aux Perses, dans le courant de cette même année[105], la Galilée. Dans la sixième année d’Héraclius, il prit Jérusalem[106], y tua quatre-vingt-dix mille personnes et réduisit le reste des habitants en esclavage. D’abord il n’avait fait aucun mal aux Juifs. Quant aux chrétiens, c’est parce qu il n’avait retiré d’eux que peu d’argent, qu’il les avait fait périr. Mais ensuite il purgea de Juifs Jérusalem et tout le pays qui en dépend. Ayant prise en outre, la croix du Christ, c’est-à-dire, un fragment de la portion autre que celle que l’on avait transportée à Jérusalem[107], il l’envoya en Perse, ainsi que Zakarie, patriarche de cette ville, par honneur pour la croix et pour en être le ministre. Au bout d’un an, il marcha contre l’Égypte, qu’il soumit[108], ainsi que toute la Libye jusqu’aux Kouschans[109] (Éthiopiens). La même année, Khosrov envoya contre la Cilicie[110] son général Schahin, qui s’en empara et s’en revint en Perse, après avoir fait un butin considérable, emportant jusqu’à des colonnes de marbre et des vases de bronze.

Héraclius donna à son fils Constantin le titre d’Auguste, et l’envoya contre les Perses ; mais ce prince n’osa pas en venir aux, mains avec eux, et s’en retourna.

Ce fut à cette époque que parut Mahmed (Mahomet) fils d’Aptèla (Abdallah), Arabe, descendant d’Eper (Heber)[111]. L’Arabie s’étend depuis le fleuve Euphrate jusqu’à la mer du Sud ; à l’occident, depuis la mer Rouge jusqu’à la mer des Perses, qui la borne à l’est. Les peuples qui l’habitent portent le nom d’Ismaéliens, à cause d’Ismaël ; on les nomme aussi Saraginos[112], à cause de Sara, parce qu’Ismaël reçut en naissant le nom de Sara par adoption. On les appelle encore Agaréniens, à cause d’Agar, et Madianites[113], à cause de Madian, fils de Genthoura (Cethura).

Ce Mahmed sortit de la ville d’Athrab[114], d’où il se rendait en Égypte pour faire le commerce[115]. C’est en Palestine qu’il connut les Juifs, qui lui enseignèrent leur loi[116] et la croyance en Dieu, et qui lui donnèrent une femme. Étant venu parmi les siens, et ayant commencé sa prédication, les uns reconnurent sa doctrine comme vraie, les autres le chassèrent comme un fou. Alors il se rendit dans le désert avec, un petit nombre de partisans, qui s’augmentèrent bientôt. Dès qu’il connaissait ceux[117] qui se montraient incrédules, il les spoliait, et il attirait à lui ceux qui avaient foi en ses paroles. Les Juifs témoignèrent les dispositions les plus favorables pour lui, le conduisirent chez eux et, avec son secours, chassèrent les troupes perses. Sa renommée s’étant étendue, la foule accourut sous son drapeau et bientôt les Arabes s’emparèrent d’un grand nombre de provinces. Le nom de Mahmèd devint célèbre.

L’an 904 de l’ère syrienne, et 70 de l’ère arménienne — la 74e année des Arméniens coïncide avec le calcul des Syriens —, et l’année douze du règne d’Héraclius[118], le soleil s’obscurcit dans le mois ahégan[119] jusqu’au mois kaghotz de l’été[120], et l’on crut qu’il ne donnerait jamais plus de lumière.

La quinzième année d’Héraclius[121] les Perses conquirent l’île de Rhodes puis ils marchèrent sur Constantinople, qu’ils assiégèrent[122]. Leur armée se répandit dans la Thrace vers l’occident. Ce siège prolongea pendant un an, et l’on n’avait plus d’espoir d’aucun côté ; mais la Providence suggéra aux chrétiens la pensée et un moyen de sortir de ce danger. Voici comment : ils blâmèrent devant le roi des Perses, Schahr-Baz disant que ce général fier de ses conquêtes prétendait que Khosrov passait sa vie, plongé dans l’ivresse au milieu de concubines et des chanteuses sans songer que lui Schahr-Baz ne lui livrerait jamais les pays dont il s’était rendu maître au prix de ses efforts. Khosrov, irrité de ces propos écrivit à son second général. Gharadoghan[123] qu’aussitôt sa lettre reçue, il fit couper la tête à Schahr-Baz et de la lui envoyer. Mais cette lettre tomba entre les mains des gens d’Héraclius qui la lui apportèrent. Celui-ci en donna avis secrètement à Schahr-Baz lequel se rendit en cachette auprès de lui et, après s’être lié avec lui par un serment, il prit la lettre et en changea la teneur de la manière suivante Schahr-Baz et Gharadoghan : mes loyaux serviteurs, lorsque vous aurez reçu ma lettre, vous ferez trancher la tête à vingt chefs[124] nommés tels et tels. Et il écrivit leurs noms. Puis il apporta cette lettre et la montra aux grands et à Gharadoghan qui furent indignés et se répandirent en imprécations contre Khosrov. Alors ils firent la paix avec l’empereur et rentrèrent en Perse.

Héraclius envoya des ambassadeurs au roi du Nord, le Khakan[125], lui promettant de lui donner en mariage sa fille Eudocie, et lui demandant quarante mille cavaliers pour marcher contre les Perses. Le Khakan consentit, et prit l’engagement d’envoyer ce secours de troupes par la porte des Gasp[126] ; Car, ajouta-t-il, moi aussi j’ai mes raisons pour me rendre à P’haidagaran[127] afin de détruire cette ville. Héraclius, ayant appris le résultat de cette négociation, se rendit en Arménie à la rencontre des Septentrionaux, afin de marcher avec eux contre les Perses. Khosrov informé de cette coalition rassembla des troupes et mit à leur tête Rouzipahan[128], qu’il envoya contre Héraclius. Celui-ci, s’étant joint avec ses alliés, s’avança contre le général perse et le battit complètement. A cette nouvelle, Khosrov s’enfuit de Sacartha[129] dans sa forteresse. Schirin, son fils, qui était à cette époque en prison, en sortit par la volonté des Perses, et avant tué son père régna à sa place. Héraclius revint à Ninwe (Ninive)[130] pour établir ses quartiers d’hiver. Schirin lui envoya porter des propositions de paix auxquelles accéda Héraclius. L’empereur ayant fait partir son frère Théotorigè (Théodore) pour la Mésopotamie, s’en vint à Ourha. Mais les Juifs qui étaient dans la ville lui opposèrent de la résistance. Héraclius, la prit et en fit périr un nombre considérable puis il se rendit à Théotoupolis[131] où il porta atteinte à la foi religieuse des Arméniens, par suite de l’impéritie d’Ezer (Esdras)[132] leur patriarche.

Néanmoins, il ne put exécuter tout ce qu’il avait en idée, Dieu s’étant souvenu des sueurs du saint confesseur Grégoire[133]. De là l’empereur retourna à Ourha. A sa rencontre s’avança un clergé nombreux, grossi des moines de la montagne qui étaient tous accourus. Les ecclésiastiques s’étaient mêlés aux habitants de la ville, qui n’étaient pas moins de quatre-vingt-dix mille. Héraclius se montra d’abord plein de respect pour les saints, et s’humiliant, il se prosterna devant eux. Il n’est pas convenable, dit-il, que je reste sans m’associer à leurs prières quoi qu’ils soient partisans de l’unité (monophysites). C’était à la fête de la Nativité qu’il lit son entrée dans la ville. S’étant rendu à Sainte-Sophie, il offrit des présents à l’église et aux prêtres puis, au moment de la messe, il demanda la communion. En ce moment l’archevêque Ésaie, s’avançant : Maudis, dit-il à l’empereur, maudis auparavant la lettre de Léon[134] et le concile de Chalcédoine. Celui-ci furieux saisit les clefs de l’église et sortit. Puis, la messe dite, il les fit chasser de cet édifice et le donna aux Chalcédoniens.

Le saint patriarche Athanase se transporta d’Antioche à Mèmpêdj[135], à la rencontre de l’empereur, escorté de douze évêques dont voici les noms :

Taumau (Thomas) de Thèrmérouir[136], Vasil (Basile) de Hèms[137], Sarkis de Aris[138], Jean de Guris[139], Thomas d’Arabolis[140], Daniel de Kharran, Sévère de Genschri[141], Athanase d’Arabis[142], Gozma (Cosmas) d’Epiphane en Cilicie[143], et un autre Sévère de Samosdia[144] ainsi qu’Ésaïe d’Ourlia, qui s’était rendu auprès d’Athanase pour lui raconter ce qui s’était passé. Lorsque l’empereur fut arrivé à Mempèdj, ils se présentèrent à lui et lui dirent : Ne nous rends pas la gloire des Perses plus chère que celle des chrétiens ; et ne t’efforce pas de détruire la vérité. L’empereur comprit ces paroles et il passa douze jours se livrer à l’examen de ces questions théologiques avec des docteurs et ses conseillers, mais dans un esprit hostile aux orthodoxes. Toutefois la vérité l’emporta. Il dit : Il n’y a rien à reprendre en nous, et nous défendrons les nôtres. Puis il partit pour Andak. Les principaux et les ecclésiastiques de la ville se concertèrent, ainsi que les courtisans qui étaient à la Porte royale et ils dirent à l’empereur : Si tu ne combats pas ouvertement pour la doctrine que tu professe et qui est celle des Romains et des Grecs, ton règne ne durera pas ; et Dieu verra avec peine que tu renverses l’édifice élevé par tant de mains. Il prêta l’oreille à ces paroles et donna l’ordre de vilipender et de tourmenter les monophysites. Qu’ils ne comptent pas sur moi, dit-il, et qu’ils ne s’arrogent pas les églises catholiques car j’ai fait rentrer sous mon autorité la Grande Arménie. Quels sont ceux qui ne se soumettront pas à ma volonté.

Je ne suppose pas inconsidérément qu’il corrompit, par des présents l’inconsistant Ezër et qu’il le séduisit ; mais les vénérables moines de l’Orient et la grande partie des habitants du pays méprisèrent l’empereur et le patriarche qu’il avait trompé au point que toute trace de malice disparut d’au milieu d’eux. Et comme Ezër avait préféré la gloire que donnent les hommes à celle qui vient de Dieu, il n’eut que ce qu’il méritait.

Schirin[145], roi des Perses, mourut au bout de neuf mois, et eut pour successeur Ardaschir[146], son fils, qui occupa le trône deux ans. Il fut tué par Schahr-Baz, qui devint roi avec l’assentiment d’Héraclius ; et comme Gharadoghan avait rassemblé une armée contre lui, des troupes furent envoyées au secours de Schahr-Baz, et son compétiteur perdit la vie. Schahr-Baz porta la couronne un an et fut tué par Ékhoréan. Après lui, la royauté passa à Baram[147], fille de Khosrov, qui la conserva seulement quelques jours ; après quoi elle mourut. Elle fut remplacée par Zarmantoukhd[148] sa sœur, qui fut suivie de Scharôri, de Tapou-ran-Khosrov, de Beroz, de Zérouantoukhd, d’Ormezt dont les règnes forment ensemble deux ans[149].

Cependant Héraclius donna de plus en plus cours à ses mauvais penchants. Quoique déjà vieux, il prit pour femme Martine, fille de son frère, et eut d’elle Eraglé (Héracléonas), enfant d’iniquité[150].

Mahmed après avoir établi violemment sa domination sur un grand nombre de pays, et avoir prêché sa doctrine librement, mourut. Il avait exercé le pouvoir pendant sept ans[151]. Poupakhr (Ahou-Bekr) lui succéda pendant deux ans et sept mois[152]. Ce dernier fut remplacé par Omar, qui s’empara de Dara sur un prince syrien. Il envoya une armée considérable en Perse, parce qu’il savait ce pays rempli de troubles par suite des prétentions d’Azdadjad[153] à la couronne. Les musulmans ayant beaucoup de captifs et un butin énorme s’en revinrent. Ils chassèrent l’armée grecque et son général Sarkis[154] ; et prenant peu à peu le dessus sur les Perses et les Grecs, ils devinrent une puissance formidable.

Cependant Héraclius rassembla une armée pour s’opposer à leurs progrès ; il envoya contre eux son frère Théodore, auquel il en avait confié le commandement. Les troupes grecques arrivèrent auprès d’Andak dans un village appelé Gousit. Il y avait là un stylite[155] nommé Siméon. Théodore, accompagné de ses principaux officiers alla le trouver pour lui demander des prières, et pour consulter le Seigneur par l’intermédiaire de ce solitaire. Celui-ci leur répondit : Jurez-moi que si Dieu vous accorde la victoire, vous détruirez les adversaires du saint concile de Chalcédoine. Nous le jurons, s’écrièrent-ils, et même nous en avons reçu l’ordre de l’empereur. — Allez, leur dit le stylite, les bénédictions du saint concile vous accompagneront.

Mais lorsqu’ils se furent retirés, la colère de Dieu tomba sur eux ; ils prirent la fuite devant l’ennemi et furent passés au fil de l’épée. Tout ce qu ils possédaient leur fut enlevé, et Théodore se sauva à grand peine des mains de Dieu et des hommes couvert de honte.

Cependant Héraclius reprenant courage rassembla de nouvelles forces, et en confia le commandement au fils de Schahr-Baz qui était auprès de lui comme otage donné par son père et qui portait le même nom que celui-ci. Le jeune Schahr-Baz marcha contre les Arabes, qu’il combattit auprès du fleuve de Damas[156] ; mais les Grecs furent de nouveau vaincus, et perdirent quatre mille hommes. Schahr-Baz se réfugia à Hêms, et de là envoya à Omar, pour lui demander, sous la garantie du serment, la permission de se rendre auprès de lui, de prendre des troupes, et d’aller en Perse conquérir son royaume. Omar lui répondit en l’invitant à venir le trouver, et lui prêta le serment qu’il demandait. Mais comme ce dernier avait auprès de lui, en captivité, les filles de Khosrov, elles lui représentèrent que Schahr-Baz n’était que le fils d’un rebelle, qu’il ne s’en irait que pour détruire les troupes musulmanes, et une fois sur le trône, pour devenir son ennemi. Omar ajoutant foi à ces propos ordonna sa mort, en le faisant attacher à une croix. Puis il s’empara de Damas et fixa sa résidence. Par ses ordres, l’émir Asath[157] marcha contre la Perse et vint établir son camp dans la ville de Koup’ha (Coufa).

A cette nouvelle, Azdadjad, roi des Perses, s’avança contre les Arabes ; mais il fut battu, et la plupart de ses soldats restèrent sur le champ de bataille : Les autres, en petit nombre, prirent la fuite[158]. Les Arabes les poursuivirent sans armes, montés sur de rapides coursiers, et massacrèrent ces soldats armés de toutes pièces, ces Perses tant de fois victorieux. Un Arabe racontait ce qui suit : Je poursuivais, dit-il, un émir armé de pied en cap qui lança dix fois contre mon cœur ses flèches sans pouvoir me blesser parce que j’avais dans ma poche un fragment d’étoffe[159] et que ses traits rencontraient toujours cet obstacle. Cet émir était surpris de ne pouvoir percer, avec son arc vigoureusement tendu, un homme qui n’avait pas de cuirasse. Avant aperçu à sa porte une pioche plantée par le manche, au bord d’un champ nouvellement arrosé, il la visa, et sa flèche. Traversant le fer de l’instrument de part en part alla s’enfoncer dans la terre. Tout à coup il tomba de cheval et ferma les yeux. Aussi je le tuai avec sa propre épée. Nous apprîmes ainsi tous les deux, que la colère de Dieu était tombée sur eux.

A cette époque, une multitude de chrétiens se réunit dans le couvent de saint Siméon (Stymite) pour célébrer la fête des Martyrs. Les Arabes ayant eu connaissance de ce rassemblement, accoururent les massacrer[160]. Beaucoup de gens se scandalisèrent de ce que Dieu ne les avait pas sauvés ; mais ils ignoraient qu’ils avaient transgressé les règles suivies dans de semblables cérémonies par les anciens qui les sanctifiaient par les jeûnes par les larmes et la foi. Maintenant, c’est par des banquets dissolus et par l’ivresse que l’on célèbre une solennité, et l’on appelle cela une fête. Chose abominable devant Dieu, et qui ne mène qu’au péché et à la damnation des âmes !

Azdadjad roi des Perses, marcha de nouveau contre les Arabes qui étaient campes non loin du Tigre. Les Perses, ayant vu la multitude de leurs ennemis, détruisirent le pont qui était sur ce fleuve. Allons, s’écrièrent alors les Arabes, traversons le fleuve, et marchons contre eux ; car celui qui a été avec nous sur terre peut très bien nous conduire au milieu des eaux. A ces mots, ils se jetèrent dans le Tigre et le traversèrent sans qu’un seul homme pérît. Ayant battu les Perses, ils se mirent à leur poursuite. Quatre fois ceux-ci renouvelèrent le combat, et quatre fois ils furent mis en déroute par les Arabes[161]. Azdadjad, voyant que le moment de la chute de son empire était arrivé, s’enfuit dans le Sigiasdan[162] au pays de Maracan[163], dans la contrée des Turks. Il vécut cinq ans après quoi ces peuples le tuèrent[164]. Ce fut ainsi que tomba la puissante dynastie des Perses appelée Sassanide après une durée de quatre cent dix-huit ans[165] et que les Arabes devinrent maîtres de la Perse.

Omar marcha contre l’Égypte. L’évêque Goura (Cyrus)[166] vint au-devant de lui, et promit de lui paver par an 200.000 tahégans[167] afin qu’il n’entrât pas dans ce pays. Omar a accepté ces conditions, se retira.

Instruit de ce traité, Héraclius envoya pour osdigan (gouverneur)[168] en Égypte l’Arménien Manuel, qui chassa l’évêque Cyrus, et lorsque les collecteurs de l’impôt se présentèrent, Manuel leur dit : Je ne porte point une tunique, moi, comme ce Cyrus, pour vous donner de l’or, mais une épée[169].

Omar ayant appris ce propos vint en Égypte et s’en rendit maître et de là se dirigea vers Jérusalem. Sophronius, évêque de cette ville, ayant vu Omar couvert de vêtements grossiers et usés, et d’une vieille pelisse en peau de brebis, vint lui offrir des habits magnifiques, en le priant de s’en revêtir. Dieu m’a donné, lui répondit Omar, les trésors de la Perse à Dispon[170], ceux des Grecs, ceux de Damas, de l’Égypte et beaucoup d’autres, et cependant je n’ai pas changé le costume de ma pauvreté afin que je n’oublie pas ce que je suis. Je n’accepterai point tes vêtements, et je ne dissimulerai jamais mon humble condition. Omar rendit de grands honneurs à l’évêque et lui confia l’administration du pays ; en même temps il lui ordonna de construire une mosquée à la place ou avait été le temple de Salomon.

Cependant le général Jean[171], qui était à Ourha, vint trouver Omar à Génschri et lui paya 10.000 tahégans pour le tribut d’une année, afin qu’il n’entrât pas dans la Mésopotamie vers l’orient. Héraclius informé de la conduite de Jean se mit en fureur contre lui, et avant ordonné de l’arrêter, le fit jeter en prison. C’est Dieu lui-même qui voulait la ruine de ce monarque et qui lui inspirait un esprit hautain et cruel. Aussi, dans le cours de cette année, les Arabes ayant fondu sur la Mésopotamie, s’en emparèrent et s’y établirent et en maître

La ville d’Ourha éloigna avec prudence les troupes grecques qui s’y trouvaient, et qui se retirèrent tranquillement. Omar imposa ure capitation aux chrétiens qui étaient sous sa domination.

Il détruisit Thèlmouzen[172] et Dara parce que ces deux villes lui avaient résisté.

Cette même année mourut Héraclius après un règne de trente ans[173]. Il laissa trois fils. L’un d’eux, Constantin[174] régna quatre mois, et périt empoisonné par Martine, femme d’Héraclius ; elle fit passer après lui, la couronne son propre fils Eraggléag[175] qui fut tué par les grands du royaume. Le troisième fil d’Héraclius était Éraglès qui fut privé du trône comme issu d’une impure union au profit de Gosdos[176], fils de Constantin et petit fils d’Héraclius.

Omar, sollicité par un esclave de lui rendre justice[177], différait toujours. Celui-ci en conçut un tel ressentiment qu’il le tua d’un coup de couteau clans le ventre, au moment où il se trouvait seul, occupé à ses prières. Omar avait exercé le pouvoir pendant douze ans[178].

Il eut pour successeur Othman, homme avare et dur, qui viola les règles établies par ses prédécesseurs. Cette conduite lui attira de menaces, qui lui rappelaient de ne pas s’écarter de la limite de ses devoirs. Le commandement des troupes fut confié à Maui Moawiya, qui étant mis à leur tête marcha contre Césarée[179] et réduisit cette ville sous le joug. De là il vint en Amasie[180], et ayant enlevé un butin considérable, il se transporta en Cilicie et soumit ce pays

Le roi Gosdos, ayant divisé ses troupes en deux corps, confia l’un à Vaghineatz (Valentinien), qui se rendit en Cilicie où il fut battu par les Arabes. Il donna le second à l’Arménien David, qui se porta vers le nord, et chassa les Arabes de la Cappadoce[181]. Les troupes grecques commirent les plus affreux outrages sur les femmes des chrétiens, en présence même de leurs maris, et pillèrent out ce quelles purent trouver. David, ayant eu connaissance de ces excès leur adressa des reproches : Une semblable conduite, leur dit-il, accuse les chrétiens, puisque sans différence aucune avec les infidèles, ils se rendent coupables de crimes aussi énormes. Puis il ramena ses troupes à Constantinople et ne voulut plus commander à de pareils soldats.

Cependant Maui fit venir d’Égypte une flotte de mille sept cents navires, et passa dans l’île de Chypre[182]. Il demanda aux habitants de se soumettre et de lui payer tribut s’ils voulaient obtenir grâce. Mais ceux-ci se fortifièrent dans leurs villes et opposèrent aux musulmans une réponse négative. Alors le glaive d’Hagar[183] se leva sur eux et leurs places fortes devinrent leurs tombeaux. Les Arabes s’emparèrent de la ville de Constant[184] où se trouvaient entassés tous les trésors de l’île. Le nombre de gens qu’ils massacrèrent est incalculable ; tous périrent. La cathédrale, cet auguste édifice, bâti par le bienheureux Épiphane, fut profanée : mais ils ne trouvèrent pas les canons qu’y avait déposés ce saint évêque pour régler la foi et les œuvres. Maui, chargé d’un immense butin, s’en revint, et après en avoir accordé une partie aux Égyptiens[185], il le renvoya dans leur pays.

A cette époque, le patriarche des Syriens orthodoxes, le saint homme Athanase, écrivit à l’illustre catholicos des Arméniens une lettre ainsi conçue :

A mon père et seigneur Chrisdap’hor, Christophe, salut en Notre Seigneur. J’ai appris que la conduite inconsidérée d’Ezër n’a pas été agréable à ta sainteté, et j’ai rendu gloire au Christ notre Dieu et à sa grâce qui est en toi. Je te rappellerai ô vénérable patriarche, un récit que j’ai lu, et qui a été écrit par saint Maroutha[186], ton compatriote, et que voici : Le pervers Parsoma (Barsoma)[187] était un des disciples de Nestorius, et, à l’époque où le Saint concile d’Ephèse eut lieu, il résidait tantôt à Edesse, tantôt en Perse. Baui[188] était catholicos et avait été consacré par les Arméniens. Les prêtres de deux couvents vinrent le chercher ; ils envoyèrent aussi un homme appelé Parsoma. Celui-ci répondit : Suis-je sous l’autorité de Baui, en sorte qu s’il se rende à votre appel, j’y aille aussi ? Baui qui était devenu impotent, resta mais il écrivit une lettre au concile, dans laquelle il disait : Nous sommes en la puissance des impies et de mauvais maîtres, et nous n’avons pas l’exercice de notre volonté. C’est pourquoi nous craignons que les infidèles ne nous regardent comme des messagers envoyés de la Perse, et le glaive qui a été teinté du sang de nos pères, n’épargnera notre vie ni notre foi. Tout ce que le Saint-Esprit vous dictera, faites-nous le connaître, et nous nous y conformerons. Puis il congédia affectueusement les gens qui étaient venus le trouver, mais sans leur remettre sa lettre, de peur qu’ils ne le compromissent. Il choisit deux des siens pour le supplier et les fit partir avec sa lettre, afin qu’eux et son écrit remplaçassent sa présence au concile.

Ceux-ci étant arrivés à Medzpin, trouvèrent dans cette ville Parsoma, qui s’était esquivé de la compagnie de ceux qui l’avaient convoqué à Ephèse. Parsoma leur ayant fait des questions et ayant eu connaissance de la missive dont ils étaient chargés, la leur demanda en leur disant : Retournez chez vous, car on vous prendrait pour des espions et vous seriez tués. Mais moi qui pars je porterai votre lettre. Alors ils s’en revinrent croyant avec une pleine confiance à sa sincérité.

Mais lorsque ce fourbe serpent eut appris que l’on avait anathématisé et banni Nestorius, il fut saisi de douleur, et se rendit auprès du roi des Perses[189].

Il lui dit : Il y avait à Constantinople un homme nommé Nestorius, qui était porté en toutes les occasions d’une extrême bienveillance pour la Perse et qui empêchait les Grecs et les Romains de faire des invasions dans ton royaume. J’ai appris qu’il voulait introduire parmi les chrétiens une doctrine qui n’est pas très éloignée de celle des Perses. C’est pourquoi on l’a calomnié auprès de l’empereur et on l’a exilé, après avoir condamné les dogmes qu’il professait. Donne-moi l’ordre d’établir parmi les chrétiens la croyance de cet ami des Perses, de dépouiller de leurs biens ceux qui la repousseront, et d’en remplir ton trésor. Tu ignores sans doute que ce catholicos remplit auprès de toi le rôle d’espion, et qu’il est dévoué aux Arméniens et aux Romains ; car voici une lettre dans laquelle il te dépeint comme un impie, un tyran et un buveur de sang.

Le roi ajouta foi à ces propos et livra Baui entre ses mains, ainsi que tous les chrétiens qui étaient sous la domination perse ; en même temps, il lui donna toutes les troupes qu’il voulut. Parsoma se rendit auprès de Baui, et lui dit : A coup sûr tu connais la croyance de Nestorius. — Oui, dit Baui, j’ai appris qu’on l’avait anathématisé, parce qu’il s’est écarté des traditions des saints apôtres. Qu’il soit donc anathème.

Le farouche Parsoma, transporté de colère, lui arracha la langue, qu’il envoya au roi, en lui faisant dire que Baui avait blasphémé contre lui. Le roi lui répondit de lui couper la tête ; ordre que Parsoma exécuta.

Puis il se rendit à Bagdad, où il répandit la semence du nestorianisme ; de là à Ninwé, ou il s’empara de l’archevêque Martyr, et avec lui de douze évêques et de quatre-vingt-dix prêtres. Lorsqu’il les eut en son pouvoir, il leur dit : Je ne vous demande qu’une chose, c’est de m’admettre à votre communion, ou de recevoir la mienne. Ceux-ci lui répondirent : Nous ne donnons pas les choses saintes aux chiens, et nous ne prenons pas des chiens les choses saintes. Parsoma, irrité, fit mettre à mort tous les prêtres, et emmena les évêques à Médzpin où il les emprisonna dans la maison d’un juif. Puis, les en ayant retirés, il les fit lapider par les troupes, et crucifier leurs corps. Alors apparut au-dessus d’eux un signe de gloire céleste ; et le juif ayant cru au Christ d’après la doctrine de ceux qu’il avait vus périr, reçut le baptême.

Ce scélérat étant entré sur les frontières d’Arménie, aussitôt les Arméniens envoyèrent des gens qui le chassèrent, ainsi que les troupes qui l’accompagnaient. En même temps, ils lui écrivirent pour le menacer de le faire périr par le feu, s’il retournait jamais. L’impie, écrivit au roi de Perse, en ces termes : Les Arméniens se sont révoltés contre toi, et de cette manière, il irrita le monarque. Mais celui-ci manda aux Arméniens que leur souverain et leur catholicos eussent à se rendre auprès de lui pour rendre raison de ce qui s’était passé. Les Arméniens lui répondirent : En ce qui concerne notre foi religieuse, nous ne te devons rien. Nous t’avons envoyé l’écrit où est consigné le serment par lequel tu t’es lié envers nous, et dans lequel se trouve cette déclaration : Lorsque les Arméniens viendront pour marcher avec nous contre nos ennemis, ce sera avec leurs croix, leurs prêtres et dans les mêmes conditions que leurs pères. Si donc tu ne tiens pas ta parole, nous sommes dégagés de la notre. Nous ne nous rendrons pas à ton invitation au sujet de ce que tu nous as mandé, et Parsoma, ainsi que ceux qui l’accompagnent, ne retourneront plus auprès de toi, s’ils mettent jamais le pied chez nous.

Ce fut ainsi que le glaive de Satan et le second déluge du monde furent éloignés de l’Arménie mais retombèrent sur les Syriens.

Parsoma rassembla des conciles en trois lieux différents en opposition avec les trois saints conciles, à Gadispon, à Gatri[190] et à Craumia[191] ; il érigea en canons les opinions de Nestorius, et contraignit tout le monde à les suivre ; ceux qui s’y refusaient étaient dépouillés de leurs biens et persécutés. Une foule d’entre eux périrent cruellement. Le nombre des ecclésiastiques mis à mort, en comptant les évêques, les prêtres et les diacres, fut de sept mille huit cents. Le nombre des séculiers qui perdirent la vie est immense. Le récit des tribulations que l’Assyrie[192] eut à supporter dans cette circonstance a été retracé par saint Maroutha, par l’intercession duquel vous serez sauvés, en vertu des grâces du Christ. Le pays des Perses, et le côté de Ninwé, qui sont sous la juridiction, de mon siège d’Antioche, et moi-même, nous trouvant plongés dans le malheur, je ne puis avoir soin des orthodoxes échappés à ces désastres. Je les recommande à votre sainteté, vous priant de compatir à leurs peines, de leur envoyer des prédicateurs et des médecins [spirituels] ceux surtout dont la maladie a pris le plus de gravité. Consacrez, pour veiller sur eux, de dignes pasteurs, et porter secours à nos frères, en faveur desquels je vous implore. Je salue tous vos collègues, de concert avec les miens, en Jésus-Christ notre Dieu éternel.

Revenons maintenant à la suite de notre récit, dont nous nous sommes écartés. L’année 967 de l’ère syrienne, et 97 de l’ère des Arméniens[193], Pèighour[194], général des Arabes, se transporta à Chypre. Il ravagea, abîma et ruina de fond en comble toute l’île, et réduisit sous le joug les habitants qui avaient échappé au glaive de Maui, et d’autres qui s’étaient depuis réunis à eux ; après quoi il s’en revint. De son côté, Maui se rendit dans l’île de Rhodes qu’il prit et saccagea. Ayant vu là une statue de bronze, qui était une des sept merveilles du monde[195], il entreprit de la renverser, l’aide de cordes, par des efforts prolongés, pendant un grand nombre de jours ; il n’y parvint qu’avec la plus grande peine. La hauteur de cette statue était de 107 coudées. Avant allumé du feu par dessous, les broches qui en reliaient les diverses parties furent détruites. Il la vendit à un juif de Hêms qui en fit trois mille charges [de chameau], qu’il emporta chez lui. Maui prit aussi les îles Arouth[196] et Glouê[197] puis s’en retourna.

A cette époque, il y eut une grande famine, et les gens se dévorèrent les uns les autres. Dans le pays de Kermanigé[198], un moine imposteur, nommé Elisée homme abominable s’il en fut jamais, qui habitait une caverne, mangea cinquante et un enfants qu’il avait dérobés leurs parents ; puis il consolait celui-ci de cette perte Cela dura jusqu’au moment où Dieu permit que ce misérable fût découvert, et il reçut dans ce monde, comme il l’obtiendra dans l’éternité, la juste récompense de ses forfaits.

Cette disette fut suivie d’un ouragan venant du nord, et si terrible que, par la violence de son souffle, il renversa une quantité d’églises, de portes de villes et de forteresses, et qu’il déracina une grande étendue de forêts.

Dans ce même temps parut à Constantinople un nomme Maximos (Maxime)[199], qui prêchait des doctrines hétérodoxes sur le Christ, prétendant qu’il avait deux volontés et deux natures ; mais personne n’admit ses erreurs. Cependant il les répandit au milieu des murmures de désapprobation qui se faisaient entendre sur son compte. Le comte Théodore pria le pape de Rome, qui se nommait Agathon[200], d’examiner ces doctrines.

Ce pontife corrupteur assembla un concile[201] et confirma les erreurs de Maximos, cent vingt sept ans le concile de Chalcédoine. Ils soutenaient qu’il y a deux natures en Jésus-Christ ; il faut, par conséquent qu’il y ait deux volontés et deux opérations distinctes. Mais nous, nous affirmons que la mesure de leurs iniquités sera comble, et qu’ils ne sont pas éloignés de Nestorius.

L’an 966 de l’ère syrienne et 95 de l’ère des Arméniens, la trente-septième année des Arabes, et la neuvième de la domination d’Othman[202], Maui équipa une flotte immense à Drapolis (Tripolis)[203], sur laquelle se trouvaient deux guerriers fils de chrétiens. Ceux-ci délivrèrent les captifs et brûlèrent les navires ; puis, étant montés sur une des embarcations, ils se réfugièrent chez les Romains car ils étaient Francs de nation. Maui, furieux, fit équiper une flotte encore plus considérable que la première, et en confia le commandement à Pèlghour avec la mission de se diriger contre Constantinople. Gosdos appris le danger qui le menaçait, réunit autant de troupes qu’il put, et une flotte suffisante pour les porter, et s’avança contre les Arabes, vers le (mont) Phénix, par mer et par terre. Comme lui, les Arabes avaient une armée de terre et de mer. La nuit qui précéda le combat, l’empereur réveilla l’interprète des songes, et lui dit :

Je me suis vu à Thessalonique, au milieu de la joie. Le devin lui répondit : Tu serais heureux, si tu n’a vais pas dormi, et si tu n’avais pas eu de vision, parce que Thessalonique signifie la victoire des autres[204]. Mais l’empereur l’ayant menacé, il se tut. Le lendemain le combat naval eut lieu et fut si terrible, que l’air était obscurci par la poussière, comme l’action avait lieu sur terre. Gosdos fut vaincu, et prit la fuite après avoir perdu vingt mille hommes Aussitôt après cet échec, il députa le général Ptolémée vers Maui, pour lui demander de s’arrêter dans sa marche sur Constantinople, s’engageant à lui payer tribut. Maui accepta ces propositions et se retira. Mais Gosdos ayant manqué à son serment, et n’ayant pas envoyé l’argent promis, les Arabes vinrent de nouveau ravager la Syrie. Aussitôt Ptolémée apporta les sommes dues pour quatre années, et donna son fils Grégoire en otage. De cette manière il éloigna les Arabes du pays.

Après ces événements, l’empereur ayant conçu des soupçons contre son frère Théotoridé (Théodore), le fit périr. Sous le coup de la haine que ce meurtre avait inspirée à l’armée contre lui il s’éloigna et se rendit à Rome. Comme ses troupes avaient envoyé vers lui pour le rappeler, il se mit en route et vint jusqu’à Syracuse. Là il s’arrêta dans cette ville sans oser aller plus loin, et y fixa sa résidence, pus il manda auprès de lui ses trois fils, Constantin, Tibère et Héraclius ; mais comme ils étaient césars, on ne les laissa pas partir et on les retint à Constantinople.

Ce fut vers ce temps que les Hagari (Arabes) tuèrent leur roi Othman, dans la ville d’Athrab, cause de ses abominations. Le gendre de Mahmed (Ali) obtint le pouvoir[205] et devint maître de Babylone et de la Syrie[206], tandis que Maui régna sur l’Égypte et sur les pays qu’il avait lui-même conquis. Les deux rivaux se firent la guerre et se livrèrent à deux reprises différentes des combats où beaucoup d’Arabes périrent.

Au bout de quelque temps, un serviteur de Maui se rendit sous un prétexte auprès d’Ali et le tua[207] ; alors toute la nation arabe se soumit à Maui, et le siège de l’empire fut transféré d’Athrab à Damas. Maui occupa le trône vingt ans[208], pendant lesquels il ravagea toutes les possessions des Grecs jusqu’en Bithynie. La terreur qu’il inspirait était universelle.

Cependant l’empereur Gosdos, trompé par ses troupes, fut surpris et tué dans le bain par Atréas (André), gouverneur militaire[209] de Sirmi (Sirmium). On mit sur le trône, à sa place, le patrice Mêjmêj (Mezzizius), homme brave et habile dans le conseil et dans l’action. Il était Arménien de nation et pieux. Mais Constantin, fils de Gosdos, ayant rassemblé une armée, tua Mêjmêj et régna avec ses frères[210].

Les Arabes envahirent l’Afrique et y firent quatre-vingt, mille captifs[211], puis ils retournèrent dans la Cilicie, où ils perdirent trente mille hommes, qui furent taillés en pièces par les troupes grecques. Ce fut leur premier échec[212].

Un homme[213] de Paghpak[214], nommé Galanigê (Callinicus), trouva dans sa science le secret du naphte[215], et incendia, au milieu de la mer, les navires chargés d’Arabes[216]. Telle fut l’origine de la composition du naphte. Cet homme était Syrien de nation.

Cette année[217] apparut un météore lumineux, pendant une nuit entière, enveloppant tous les cieux et les dérobant à la vue. Tout le monde fut dans la consternation.

La neuvième année de Gordos (Constantin IV) des brigands firent une irruption et vinrent se fixer dans le Liban. On les appela rebelles. Les Syriens leur donnèrent le nom de Djourdjans[218]. Peut-être est-ce pour cette raison que les Vratzi sont appelés Djourdjans (Géorgiens) par les Franks[219], parce qu’ils se révoltèrent contre les Arméniens, et qu’ils renoncèrent à la foi qu’ils avaient commune avec ces derniers et à leur obéissance. Les Arabes ayant fondu sur ces brigands, les détruisirent entièrement[220].

La même année, le fils de Mêjmêj poursuivit Constantin pendant sept mois, pour venger son père ; mais il fut tué par Constantin.

Enorgueilli de sa victoire, celui-ci traita ses frères avec mépris, et fit mutiler le prince Léon, qui leur était dévoué. Il eut un fils qu’il nomma Ousdianos (Justinien). Maui, chef des Arabes, mourut, et eut pour successeur Izid (Yezid)[221], son fils, qui mourut, à son tour, après un règne de quatre ans[222]. Alors les troupes arabes furent toutes en tumulte : Moukhtbar s’était révolté à Babylone[223], et se prétendait prophète ; à Athrab régnait Aptèla (Abd Allah)[224], tandis que Damas était au pouvoir du fils d’Izid[225]. Au milieu de ces dissensions, un vieillard engagea les Arabes à se rassembler de toutes parts, et à donner la couronne à celui que Dieu choisirait. En conséquence il y eut une réunion générale, et l’on inscrivit quatre noms sur quatre flèches qui furent lancées. Un enfant fut envoyé pour en relever une, avec la condition que celui dont il rapporterait le nom, serait proclamé souverain. Le sort décida précisément en faveur du vieillard qui avait ouvert cet avis, et qui régna un an[226].

Il eut pour successeur Aptelmèlék (Abd el-Melek)[227], fils de Merouan.

A cette époque mourut l’empereur Constantin ; il eut pour successeur Justinien son fils[228].

Aptelmèlèk, tracassé par les rebelles, fit la paix avec Ousdianos et s’engagea à lui livrer par an mille tahégans, un esclave et un cheval. L’île de Chypre devait être partagée entre les Grecs et les Arabes, et les Arméniens devenir devaient les auxiliaires des Grecs.

Il y avait à cette époque douze mille cavaliers placés dans le Liban pour résister aux Arabes, et qu’en firent sortir les Grecs[229].

Dans ce temps existait le saint homme Jacob, qui était de la province d’Antioche. Il brillait par les grâces dont Dieu l’avait comblé, et par son amour pour l’étude. Il devint évêque d’Édesse. Il feignit d’embrasser le judaïsme afin de parvenir traduire en syriaque les secrets des Juifs. Il mourut au pays de Kesoun[230], dans le couvent appelé de Saint Jacques.

A cette époque Justinien ravagea Chypre et les Arabes se brouillèrent avec les Grecs. Aptéla[231] envoya l’émir de Djezir (Mésopotamie)[232] dans le pays des Grecs à Césarée. Ceux-ci prirent à leur solde les Sglav, qui marchèrent contre les Arabes ; mais ils furent exterminés. Ceux qui survécurent à ce désastre, demandèrent à s’allier aux Arabes, et se mêlèrent avec eux au nombre de soixante et dix mille cavaliers. Les Arabes les établirent à Andak et à Gouris (Cyrrhus)[233], et leur donnèrent des provisions et des femmes.

L’année 1006 de l’ère syrienne, et 37 de l’ère des Arméniens[234], les Grecs marchèrent contre les Arabes jusqu’à Andak ; mais ils furent vaincus, et ceux qui étaient au massacre, prirent la fuite. Le nombre des morts des deux côtés fut de quatre cent mille. Le lieu où se livra la bataille est Pouschérig[235] et l’on voit encore en cet endroit leurs ossements épars dans les champs.

L’année 75[236] de leur ère, les Arabes firent disparaître les figures des tahégans, des drachmes et des oboles, persuadés que c’était une pratique d’idolâtrie, et se contentèrent d’y empreindre des lettres.

Justinien se montrant plein de rigueur envers les grands de l’empire, ceux-ci se saisirent de lui et lui coupèrent le nez, puis le renfermèrent dans une prison et mirent à sa place Léon (Léonce)[237]. Mais Ephrimos[238] détrôna ce dernier et s’empara de la couronne ; il soumit les Sglav et marcha contre les Arabes auprès de Samison[239]. Il leur tua cinq mille hommes, et leur ayant fait un grand nombre de prisonniers, il s’en revint.

A cette époque Aptèla[240] nomma pour les généraux, Hadchadch (Hedjadj)[241] et Mahméd[242], homme athée et mauvais démon. Ce Mahmèd rassembla, en les trompant, les chefs arméniens[243] d’un haut rang, à Nakhdjavan[244], et les ayant renfermés dans une église il y mit le feu, pour les punir de n’avoir point voulu adopter sa religion. Ces martyrs devinrent ainsi les compagnons, pour la lutte et le triomphe, des saints Ananiens[245], et grâce à leurs prières, Jésus-Christ notre Dieu aura compassion de leur nation et de leur église.

On vanta devant Aptéla[246] un habitant d’Édesse, nommé Ath fils de Goumi[247], homme remarquable par sa sagesse ; ce prince le fit venir auprès de lui et l’établit ministre de son royaume. Tout lui réussit, et il trouva grâce devant le roi. Il recevait par an 60.000 tahégans, et dans l’armée arabe, en tenant compte de toutes les troupes, chacun lui donnait un tahégan. Il fut pour les chrétiens une source de consolation et de paix. Il bâtit deux églises, l’une sous l’invocation de la Mère de Dieu[248], et l’autre sous celle de saint Théodore, où il déposa les reliques de ce saint, apportées d’Eukhadia, qui est Aplastha[249]. Il bâtit dans l’intérieur de ces deux églises, des chapelles souterraines en l’honneur des saints. Il racheta pour 50.000 tahégans le suaire du Christ[250], qui était au pouvoir des Arabes, et le plaça dans une de ces chapelles. On y descendait et on en sortait par une échelle. Le jour de la fête du saint Suaire, on l’en retirait pour l’exposer à la vénération des fidèles. Cette coutume dura jusqu’au temps du patriarche Jean, qui plaça cette précieuse relique entre deux pierres, et la cacha dans un lieu secret qui resta inconnu à tous. Il consigna par écrit qu’il avait agi ainsi par crainte des infidèles, et afin que personne ne songeât à rechercher ce dépôt, dans la conviction que l’on ne le trouverait pas. Mais est-il vrai que les Romains possèdent ce suaire ? c’est ce que j’ignore.

Cependant Justinien, au bout de dix ans, sortit de prison et se réfugia auprès du roi, le Khakan des Khazirs (Khazars), qui le reçut avec empressement, lui donna sa fille en mariage et lui accorda un se cours de troupes, avec lequel Justinien retourna à Constantinople[251].

Ephrimos prit la fuite et Justinien fit mettre à mort Léon (Léonce) et d’autres grands personnages ; il rendit la liberté à six mille Arabes captifs, qui sen revinrent en paix. Puis, avant réuni de troupes nombreuses, il les fit partir par mer pour ramener sa femme ; mais elles furent englouties dans les flots. La nouvelle de cette perte plongea le khak’an dans ta douleur ; néanmoins, il lui renvoya sa femme et son fils Tibère, en lui adressant des reproches en ces termes : Ô insensé, pourquoi as-tu envoyé tant de gens à la mort ? Croyais-tu que je retiendrais ta femme ? Quoique tu aies fait périr mon fils, je ne manquerai pas à ma parole.

L’année 1011 de l’ère syrienne[252] et 148 de celle des Arméniens[253], Mamouesdia (Mopsueste) fut rebâtie par les musulmans[254], sur un espace immense, et ils y établirent une garnison pour la protéger contre les Grecs.

Après Aptèla., les Arabes eurent pour chef Aptel mèlék, qui eut à son tour pour successeur Vèlith (Walid)[255] lequel occupa le trône neuf ans. Sous le règne de ce dernier, Justinien chassa les Arméniens des terres soumises à son obéissance, à cause de leur orthodoxie, à la grande satisfaction des Arabes, qui leur donnèrent pour habitation Mélitène et la Mésopotamie. Ces Arméniens servirent de boulevard aux Syriens orthodoxes : ils bâtirent des villages, des couvents et des ermitages, qui existent encore de nos jours[256].

L’exécrable Mahmêd fit de nombreux martyrs parmi les Arabes qui étaient vrais croyants ; il fit périr leur chef[257] par toutes sortes de tourments ; on jeta son corps en pâture aux bêtes féroces, mais aucunes d’elles, aucun oiseau carnassier n’en approcha, et pendant trente jours son corps ne présenta pas de trace de corruption ; il exhalait au contraire une odeur d’encens. Ce encouragea au martyre une multitude de chrétiens, qui furent immolés par milliers.

Les musulmans étant venus en Cappadoce, les Grecs marchèrent contre eux ; mais ceux-ci tombèrent sous le glaive inexorable des Arabes. Ils perdirent quarante mille cavaliers, sans compter les prisonniers. La ville de Danaïa[258] et la forteresse Daranda[259] furent emportées. Puis les Arabes retournèrent en Cilicie, où ils prirent la forteresse de Djèrdjoum[260], la ville de Bodanta[261] et un grand nombre d’autres lieux.

A cette époque[262], Philigos (Philippique Bardane), s’étant créé un parti puissant, tua Justinien et son fils Tibère, et s’empara du trône. C’était un homme versé dans la connaissance des saintes Écritures, et qui n’avait d’autre désir que d’anathématiser le sixième concile, et de faire disparaître l’hérésie de Maximos. Mais son orgueil fit qu’il ne trouva personne pour le seconder, parmi les gens infectés de cette hérésie.

Un esprit de scélératesse s’étant emparé de Vèlith, il voulut contraindre les d’abjurer, et il ordonna de mettre à mort, dans leurs églises ceux qui n’obéiraient pas. Un grand nombre d’hommes et de femmes s’illustrèrent en sacrifiant la vie pou leur religion.

Les musulmans marchèrent contre Amasie et prirent cette ville ; de là ils poussèrent jusqu’à Antioche de Pisidie[263], et l’ayant assiégée s’en emparèrent.

La seconde année du règne de Philigos, on lui arracha les yeux et on le bannit. Anastase monta sur le trône à sa place[264].

Après Vèlith, Souliman régna sur les Arabes, deux ans[265]. Ce fut sous sa domination qu’ils se rendirent maîtres de la Galatie[266].

Cependant Anastase, au bout de deux ans, s’enfuit à Nicée, parce qu’on voulait le tuer ; et Théotelié (Théodose III) le remplaça sur le trône[267].

Ce fut dans ce temps[268] que les musulmans firent une irruption dans le pays des Turks, d’où ils revinrent chargés de butin.

Ils marchèrent de nouveau contre l’Asie[269], s’emparèrent de Pércamia[270] et de Sartia[271], et saccagèrent ces deux villes. Ce succès, dont ils furent fiers, leur suggéra la pensée d’aller attaquer Constantinople[272]. Ils avaient deux cent mille cavaliers et cinq mille navires, qu’ils remplirent de cavaliers. Ils s’adjoignirent douze mille Boulgares[273], et levèrent un tribut de six mille chameaux et d’autant d’ânes. Ils avaient avec eux un corps de trente mille Zehet[274]. Ils firent partir en avant cette multitude par mer et par terre, et eux, au nombre de douze mille, la suivirent en avançant lentement. Parvenus à Nicée ils s’y arrêtèrent. Partout où ces troupes passaient, elles montraient des dispositions pacifiques et ne faisaient de mal à personne.

Léon, général des Grecs, en apprenant cette invasion, se rendit secrètement auprès des Arabes ; et ceux-ci lui jurèrent qu’ils le feraient roi, s’il voulait les aider dans leur entreprise. Léon rentra à Constantinople. L’empereur ayant eu connaissance de cette négociation, se saisit des parents de Léon, qui se réfugia auprès de Soliman, roi des Arabes. Avant obtenu de lui six mille cavaliers, il marcha contre la ville Amour[275], afin de voir s’il pourrait, par ruse, la faire déclarer pour lui. A cette nouvelle, l’empereur lui renvoya sa famille et lui fit dire ces paroles : Épargne ta ville, pour prix de tes parents qui t’ont été rendus. Alors Léon leva le siège et s’avança contre Constantinople. Les troupes grecques se portèrent à sa rencontre, et lui députèrent des messagers, pour lui témoigner le désir de l’avoir pour empereur et lui déclarer qu’elles étaient prêtes à l’accueillir puis elles lui prêtèrent serment, et lui envoyèrent le fils de Théodose. Ayant ajouté foi à ces assurances, il engagea les Arabes à s’arrêter dans leur marche, leur promettant de faire ce qu’ils désiraient.

Ensuite Léon se rendit à Constantinople, annonçant par des proclamations qu’il était investi du pouvoir souverain. Aussitôt Théodose se rasa les cheveux et prit les ordres sacrés.

Léon, monté sur le trône[276], fortifia la ville. Les Arabes, comprenant qu’il les avait trompés, attaquèrent la porte d’Or au nombre de quatre mille, mais Dieu se déclara pour les chrétiens. Les musulmans seuls parvinrent à se sauver[277] tandis que leurs auxiliaires perdirent quatre mille hommes, et que, d’un autre côté, il en périssait trente mille. A cette défaite, l’hiver vint ajouter ses rigueurs, et la famine se fit sentir dans le camp musulman. Sur ces entrefaites, le roi des Arabes, Souliman, mourut et Omar lui succéda[278]. Cette nouvelle décida la retraite des musulmans, qui se retirèrent couverts de honte, et réduits à un très petit nombre. Enflammés de l’ardeur de la vengeance, ils massacrèrent un grand nombre de chrétiens, qui furent ainsi punis de ce que l’armée avait négligé les prières de l’Église.

 

 

 



[1] De Guignes, Histoire des Huns, t. I, p. 427.

[2] Les hommes les plus compétents pour juger Saint Martin, les religieux arméniens de St Lazare à Venise, le nomment Armenista leggiero. (Cf. la préface que M. Tommaseo a placée en tête de la traduction italienne de Moïse de Khoren par les Mekhitaristes, Venise, in-8°, 1841, p. XII, note 1.)

[3] Quadro della storia letteraria di Armenia, estesa da Mons. Placido Sukias Somal : Venezia, in-8°, 1829, p. 118-120.

[4] Le grand dictionnaire arménien en deux volumes in-4° composé par les PP. Gabriel Avédik, Khatchadour Surméli et Baptiste Aucher, et publié en 1837 ainsi que le dictionnaire arménien italien du père Dchadchakh, en deux volumes in 4°, qui a paru la même année.

[5] Notices et Extraits des manuscrits, tome IX, p. 275-365.

[6] Voici le jugement qu’ont porté sur le style de Michel les auteurs du grand dictionnaire arménien, dans le catalogue des écrivains qu’ils ont consultés pour la rédaction de leur travail : Histoire et chronologie de Michel le Syrien, auteur de la fin du XIIe siècle, écrites d’un style vulgaire, ainsi que d’autres recueils mêlés de faux discours le tout traduit sous une forme dépourvue d’élégance dans l’année des Arméniens 695 (1248 de J.C.).

[7] Ce volume contient un grand nombre d’autres pièces, parmi lesquelles se trouvent un fragment sur l’origine des Tartares, par le docteur Vartan (fol. 221 r.) ; un abrégé chronologique de Moïse de Khoren, par un anonyme, que je crois être le même Vartan, avec additions jusqu’à l’an 808 (fol. 231 v.), et une suite d’homélies, qui terminent le volume (à partir du fol. 266 r. jusqu’au fol. 419 v.).

Il est tracé d’une écriture magnifique en double colonne, sur papier turc. Quoique généralement assez correct, on y remarque cependant, de temps en temps des fautes dont les unes sont dues au copiste et les autres au traducteur de l’original syriaque.

Cette histoire et ce sermonnaire ont été transcrits l’an 1170 de l’ère arménienne (721 de J.-C.), dans la grande ville, Constantinople la métropole, de la main du pécheur le prêtre Grégoire, sous le patriarcat du docteur Jean, et sous le règne du sultan Ahmed.

[8] Michel étant mort l’année 1511 de l’ère des Grecs (1199 de J.-C.), et Aboulfaradj en 1286, celui-ci est par conséquent postérieur au premier à 87 ans. Saint-Martin (Mémoires d’Arménie, t. I, p. 13) prétend que la Chronique de Michel a été inconnue à Sim. Assemani. Mais s’il est vrai qu’elle n’ait jamais été entre les mains de ce savant maronite, il est évident aussi, comme on le voit dans la Bibliothèque orientale (t. II, p. 55), qu’Assemani en connaissait parfaitement l’existence par Aboulfaradj, qui la cite souvent avec éloges. (Cf. Greg, Abulpharagii Chronicon syriacum, éd. J. Bruns et G. Kirsch, Lipsiæ 1789, 2 vol. in 4°, p 2 et passim.)

[9] Bibl. oriental., t. II, p. 154-156, 283, 302, 369

[10] La traduction arménienne de l’ouvrage de Michel nous conduit jusqu’aux premières années de Héthoum Ier, l’un des rois Roupéniens de Cilicie, monté sur le trône en 1224. La coïncidence de l’époque, où se termine notre chronique dans le texte arménien avec celle où fut faite cette version (voir p. 287), me porte à croire que le récit qui comprend les premières années du XIIIe siècle (Michel étant mort en 1199), jusqu’à l’avènement d’Héthoum, est une addition du traducteur. Ce qui me confirme dans cette supposition, ce sont les éloges donnés à ce monarque et à la reine Isabelle sa femme, et les vœux formés pour ces deux époux ; qui se trouvent répétés presque dans les mêmes termes à la fin de notre chronique et dans la note où le traducteur indique l’époque où il exécuta son travail.

[11] Liturg. Orient., t. II, p. 438.

[12] Constantin Ier, monté sur le siège patriarcal en 1220 et qui l’occupa pendant 47 ans.

[13] Héthoum Ier, roi en 1224 ; après un règne de quarante-cinq ans, il se fit moine en 1269.

[14] Couronné par J.-C. et quelquefois couronné par la croix. La couronne des rois arméniens de Cilicie était surmontée de la croix, ainsi qu’on le voit sur leurs monnaies. (Cf. Brosset, Monographie des monnaies arméniennes ; Mémoires de l’Académ. Imp. des sciences de Saint-Pétersbourg, 1839.)

[15] Suivant Tchamitch (t. III, p. 196), Héthoum eut trois fils :

L’aîné, Léon, qui lui succéda sur le trône sous le nom de Léon III ; le second, Thoros, qui périt dans la bataille livrée contre les Mamelouks d’Égypte en 1266, et Roupén, qui mourut en bas âge. Il eut aussi cinq filles, que leur mère Isabelle éleva dans les principes de la plus austère vertu. On lit les mêmes détails dans l’ouvrage de Vahram, secrétaire de Léon III, Chronicle of the Armenian Kingdom of Cilicia, during the time of the crusades, translated from the original armenian, by Fr. Neumann. London, 1831, p. 48.

[16] Le titre de baron fut donné aux princes arméniens de Cilicie à l’époque des croisades, par les chefs chrétiens qui prirent part à ces expéditions religieuses, en reconnaissance du secours que ces princes leur prêtèrent. Les huit premiers souverains de la dynastie Roupénienne portèrent ainsi simplement le titre de baron. Léon II monté sur le trône en 1285, est le premier qui prit celui de roi. Les princes du sang étaient aussi décorés du titre de baron. Cette dénomination est devenue aujourd’hui d un usage vulgaire en Arménie.

[17] Constantin, grand baron, connétable d’Arménie, vivait sous le règne de Léon II, dont il était parent, et d’Isabelle sa fille. Il était seigneur de Partzerpert et issu de la race des Roupéniens. (Tchamitch, t. III, p. 192.)

[18] Trazarg. Château et couvent de la Cilicie, dans le voisinage d’Anazarbe.

[19] Je dois avertir le lecteur que j’ai représenté par un e le son palatal sourd que les Arméniens font entendre entre les consonnes, lorsqu’il y en a deux, trois, et même jusqu’à six, se succédant immédiatement dans 1e même mot, son qu’ils expriment quelquefois par leur lettre aussi j’ai écrit Sempad pour Smpad, Genschri pour Gnschri, Aptelmelek pour Aptlmlk (Abd el-Melek), etc. En arménien, il n’y a ni incertitude ni difficulté pour la prononciation d’une suite de consonnes, parce que l’intercalation du son e est toujours supposée, quoiqu’il ne soit pas exprimé. L’habitude apprend la place qu’il doit occuper. On peut observer cependant qu il se trouve le plus habituellement entre deux articulations dont la seconde est une liquide. Avec nos lettres romaines, une foule de mots arméniens ne seraient pas lisibles s’ils étaient reproduits dans leur orthographe originale.

[20] Gorigos, Gorigos, château fort de la Cilicie, Tchamitch, Histoire d’Arménie, t. III, P. 277, 279 et Tables, p. 158, col. 2.

[21] Anianus, moine d’Alexandrie, chronographe, postérieur d’un siècle environ à Eusèbe, et dont l’ouvrage, aujourd’hui perdu, est mentionné par George le Syncelle ( ?). (Fabr., Bibl. græc., éd. Harlea, t. X, p. 444.)

[22] Jean d’Alexandrie, surnommé Philoponos et le Grammairien, auteur de nombreux ouvrages de grammaire et de philosophie, visait au commencement du VIIe siècle. (Fabr. ibid., t. X, p. 639 sqq.) Jean était monophysite, et l’on conçoit comment, à ce titre, notre auteur dut chercher à recourir à son autorité.

[23] Djibeghou. Ce nom parait être tellement altéré, qu’il est impossible d’y reconnaître celui d’aucun écrivain connu. Comme d’après la prononciation des lettres arméniennes il semble se rapprocher du grec Zipelos ou Xipelos ; on pourrait y retrouver peut-être le nom de Xiphilin, auteur qui, sur la fin du XIe siècle, fit un abrégé des quarante-cinq derniers livres de l’histoire romaine de Dion Cassius. Cet écrivain aurait été ainsi tout récent à l’époque où vivait Michel.

[24] Théodore le lecteur, ainsi appelé parce qu’il était lecteur de la grande église de Constantinople, composa deux histoires ecclésiastiques, l’une qui commençait à la vingtième année de Constantin le Grand et finissait à la mort de ce prince ; l’autre, qui s’étendait depuis la fin du règne de Théodose le jeune jusqu’au commencement du règne de Justin. Il ne reste plus de ces ouvrages que des fragments conservés par Suidas, Théophane et Jean Damascène.

[25] Zakarie florissait sous le règne de l’empereur Justinien Ier vers l’an 540. Il écrivit en syriaque une histoire ecclésiastique depuis le règne de Constantin le Grand jusqu’à l’année 20 de Justinien. Cette histoire est divisée en trois parties la première est un abrégé de l’histoire ecclésiastique de Socrate, la seconde de celle de Théodoret ; enfin, la troisième appartient en propre à Zakarie et embrasse les temps écoulés depuis Théodose le jeune jusqu’à Justinien. (Assemani, Bibl. orient., t. II, p. 54-62

[26] Jean, évêque d’Asie, auteur d’une chronique syriaque qui suivant Assemani (Bibl. orient., t. II, p. 83-90), s’étend à partir du règne de Théodose le jeune en 408, jusqu’à la dixième année de Justin II (Justinien III suivant les Syriens), en 571 Jean était monophysite. L’assertion de Michel que ce travail ne comprenait que les temps écoulés depuis Anastase (491 de J.-C.), jusqu’à Justinien III, s’explique en ce sens que notre auteur ne parle sans doute que d’une portion de la Chronique de Jean.

[27] Goria ou Cyrus, auteur syriaque du VIe siècle, mentionné par le Nestorien Amrou, dans Assemani, sous le nom et le titre de Cayoura, docteur de Hira. (Cf. Abraham Echellensis, Catalog. syror. script., p. 77.)

[28] Jacques, évêque d’Édesse, surnommé le commentateur ou l’interprète des livres, florissait à la fin du VIIe siècle. Les Syriens le comptent au nombre des saints, comme on le voit d’ailleurs par notre auteur, qui lui donne ce titre. Parmi les ouvrages très nombreux qu’il composa, on cite sa chronique (Assemani, t. I, p. 468-479)

[29] Denys, patriarche jacobite d’Antioche, florissait dans le VIIIe siècle ; il composa, en syriaque, des annales commençant à l’origine du monde et finissant en l’an 775. Il en existe deux rédactions, la première qui est volumineuse et dans la forme de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, la seconde, qui est un abrégé dans le genre de la Chronique d’Eusèbe et où les faits sont disposés par année. Denys publia sa chronique avant d’être évêque et même prêtre (Assemani, t. II, p. 98-99). C’est ce qui fait que Michel lui donne le titre de diacre.

[30] Ignace, évêque de Mélitène, mentionné comme écrivain par Aboulfaradj, fut le contemporain de Michel, puisqu’il mourut cinq ans seulement avant ce dernier, en l’année 1094 (Assem., Bibl. or., t. II, p. 212.)

[31] Slivéa, de Mélitène, écrivain dont le nom m’est resté inconnu, malgré tontes mes recherches, ou a été défiguré par les copistes de manière à être tout à fait méconnaissable.

[32] Jean, évêque de Késoun, auteur de la première moitié du XIIe siècle, vivait sous l’empereur Manuel Comnène. Il est fait mention de lui d’une manière distinguée dans le récit de la dispute de Théorien contre Nersès IV, patriarche des Arméniens, dont il prit la défense. Ce récit est rapporté dans le tome IV. Bibl vet. Patrum, où il est appelé Cessunii episcopus (Assemani, t, II, p. 364)

[33] Denys, patriarche d’Alexandrie promu à cette dignité suivant Eusèbe l’année 32 d’Abraham, la troisième année de Gordien III 240 de J.-C.). (Chronic. can. lib. poster., p. 391 de l’édition de MM. Ang. Mai et Zohrab. Milan 1818, cf. Syncelli, monachi Chronogr., p.379, D.)

[34] Les écrivains Byzantins nomment ce prince Justin II et Aboulfaradj, Justinien III, en comptant ses deux prédécesseurs Justin Ier et Justinien Ier pour Justinien Ier et Justinien II. Il monta sur le trône le 14 novembre 565. La huitième année de son règne correspond, par conséquent, à l’an 573-574.

[35] L’arménien porte le fils de la sœur de sa mère.

[36] Medzpin, ville du pays des Agli dans la Mésopotamie arménienne, autrement appelée Nisibe, (Tchamitch, Histoire d’Arménie, t. III, tables p. 168, col. 2)

[37] Dara, ville et château considérable de la Mésopotamie à quatorze milles de Nisibe et à quatre journées du Tigre, fondée par Anastase pour contenir les Perses, et que Justinien Ier acheva de fortifier. Gibbon (Decl. and Fall, chap. XL, § 5) a donné, d’après l’historien Procope, la description des fortifications de Dara.

[38] Le mot marzban, écrit ici marzwan, est le persan satrape ou préfet chargé de la garde d’une frontière.

[39] Le roi de Perse était alors Chosroès le Grand, appelé par les Arméniens Khosrov, et par les Persans et les Arabes, Kesra Anouschirvan — Il régna de 532 à 580 selon Agathias (apud Petau, Ration. temp., pars II, p. 199, éd. 1662).

[40] C’est Moundir, fils de Harith d’A’radj, roi de la principauté arabe de Ghassân, lequel monta sur le trône en 572 (cf. Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire les Arabes avant l’Islamisme, t. I, tableau V et t. II, p. 119) et, par conséquent six ans avant la mort de Justin II. Dans le VIe siècle, la puissance ghassânide s’étendait sur les Arabes de la Phénicie, des environs de Damas, du Hauràn, de la région au delà du Jourdain, du Balcâ (l’Ammionitis et la Moabitis) et des déserts de la Syrie jusqu’à l’Euphrate. Dans la suite, les Arabes, même de Palestine et de ses dépendances, passèrent sous l’autorité des chefs ghassânides (Caussin de Perceval, t. II, p. 33). Ce royaume était patronné par la cour de Constantinople pour l’opposer aux souverains arabes de Hira, qui relevaient des rois de Perse. (Cf. Silvestre de Sacy, Tableau chronologique des souverains de Hira et de Ghassan, dans les Mémoires de l’Académie des Inscriptions, t. XLVIII, p. 554-571 et 577.) M. Ritter (Erlkunde, t. XII, p. 87-111) a résumé l’histoire de ces deux royaumes d’après les travaux modernes, histoire qui vient d’être retracée d’une manière beaucoup plus complète par M. Caussin de Perceval, dans le savant et remarquable travail que j’ai cité. Il est nécessaire d’ajouter à ces recherches le fait que nous fournit notre auteur, que les princes de Ghassân avaient adopté les doctrines d’Eutychès et rejetaient l’autorité du concile de Chalcédoine. Harith, père de Moundir, avait envoyé des députés à Justinien Ier pour lui reprocher les persécutions qu’il faisait éprouver aux monophysites, et lui-même s’étant rendu quelque temps après à la cour de cet empereur lui tint, à ce sujet, le langage le plus énergique. (Michel, Chronique, fol. 87 r.- 89 r.)

[41] Aboulfaradj, dans sa Chronique syriaque, raconte cette agression de Mèntour (Mondir) dans les termes suivants (p. 90 texte syriaque) : A cette époque, la nation arabe était divisée en deux partis : Mondir, fils de Hareth, était l’allié des Romains et chrétien, ainsi que son armée, et Cabous, était l’ami des Perses. Celui-ci ayant attaqué les Arabes chrétiens et s’étant emparé de leurs troupeaux et de l’homme qui faisait paître les chameaux, Mondir leva des troupes, marcha coutre lui et, ayant remporté la victoire, s’en revint avec un immense butin et les chameaux. Cabous voulut prendre sa revanche, mais, ayant été défait de nouveau, il se réfugia chez les Perses afin d’aller chercher du secours. Mondir annonça ces événements à Justinien et lui demanda de l’or pour soudoyer des troupes contre les Perses mais l’empereur conçut l’idée de faire périr Mondir, parce que c’était lui qui était la cause que ceux-ci avaient porté la guerre dans le pays des Romains.

[42] Dadjgasdan, le pays des Dadjigs. Sans vouloir rechercher l’étymologie, aujourd’hui lointaine de ce mot Dadjig, il suffira de remarquer qu’il signifie rapide à la course, aux pieds légers et qu’il est attribué par les Arméniens comme le mot Scythe par les Grecs et les Romains, à tous les peuples nomades de l’antiquité. Le Dadjgasdan est ici évidemment l’Arabie. Suivant Tchamitch (t. III, tables, p. 191, col. 1), le Dadjgasdan représente, dans les livres arméniens, tantôt la Phénicie et part la Syrie, tantôt l’Assyrie ou bien l’Anatolie, ou quelquefois même une partie de la Perse, et partout ailleurs il désigne l’Arabie. Le mot persan s’applique à la Perse, et autrefois était donné à tout pays non compris dans les limites de l’Arabie ou de la Grande Tartarie (cf. Meninski). M. Neumann a proposé sur l’origine du mot Dadjig, plusieurs conjectures savantes, mais qui sont plus ou moins plausibles (voyez Vahram’s Chronicle, note 31, p. 76).

[43] Andak ou Anthakia, et Andiok, la ville d’Antioche, en Syrie.

[44] Les Thêdalatzi, ou Thêdaliens sont les Turcs qui habitaient la Perse, à ce qu’il paraît par les paroles d’Aboulfaradj, puisqu’il nous dit que Chosroès envoya les jeunes filles dont il est ici question, au nombre de deux mille, aux Turks qui vivent dans l’intérieur de la Perse. Suivant le géographe Vartan, le pays des Thédaliens est limitrophe du Khoraçan et situé sur les bords de la mer des Indes. (cf. Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, t. II, p. 439 et 468). Vartan veut sans doute parler de la mer Caspienne, et non de la mer des Indes

Les Arméniens étendirent de nouveau leur domination depuis la Palestine jusqu’à la Thêdalie et jusqu’à la mer Caspienne, au delà du mont Caucase.

[45] Le P. Tchamitch (t. II, p. 244-245) rapporte d’après le Ménologe arménien (VII de septembre), le même fait que racontent ici Michel et Aboulfaradj. Il dit que Khosrov, revenant d’assiéger Sarksoupolis, ville située auprès de l’Euphrate, ses soldats prirent une multitude de chrétiens grecs et arméniens, sujets de Byzance, et que, dans le nombre, se trouvait une grande quantité de jeunes filles, dont il envoya cinq mille en présent au roi du Thourkasdan, afin d’obtenir de lui un secours de troupes contre les Grecs. La suite du récit est la même dans Tchamitch que dans notre auteur. En les rapprochant tous les deux, on voit que Sarksoupolis doit être la même ville que Data, celle-ci possédant les reliques du saint martyr Sarkis ou Sergius. Tchamitch (t. I, p. 192) avait proposé plusieurs conjectures pour savoir à quelle ville connue aujourd’hui ce nom de Sarksoupolis est applicable. —On peut supposer que le grand fleuve dont parlent Michel, Aboulfaradj et Tchamitch, sans le nommer, doit être le Tigre, et peut-être aussi le Gour ou Cyrus, qui se trouvait sur la route conduisant de la Mésopotamie vers le nord dans le Thourkasdan comme on le voit dans Lazare de Pharbe (p. 113, éd. de Venise)

Ce jour-là, s’étant arrêtés en cet endroit, ils partirent le lendemain et traversèrent le grand fleuve qui se nomme Gour, et parvinrent au mur fortifié qui sépare le royaume des Aghouans de celui des Huns.

A la page 112, Lazare désigne le Gour par ces seuls mots : le grand fleuve : Plusieurs des principaux d’entre les Perses, traversant dans des embarcations de l’autre côté du grand fleuve se hâtaient de prendre la fuite.

[46] Dans tout le cours de son livre, Michel entend, par les mots orthodoxes et sainte Eglise, les adversaires du concile de Chalcédoine. Dans sa partialité aveugle et passionné, pour eux, il rapporte avec la crédulité la plus naïve une foule d’apparitions et de miracles opérés en leur faveur ou pour manifester la vérité leur croyance. Je dois rappeler que cette doctrine, dont l’auteur était Eutychès, archimandrite de Constantinople, et qui fut condamnée par le concile de Chalcédoine, tenu en 451, n’admettait qu’une seule nature en Jésus (confondant ainsi en lui la nature divine et la nature humaine). Le mot chalcédoniens que j’emploie, désigne, dans ma traduction, les adhérents du concile de Chalcédoine.

[47] Tibère II fut adopté et déclaré César par Justin II, en décembre 574, à l’instigation de Sophie, femme de ce dernier, proclamé Auguste le 28 septembre 578, et, par la mort de Justin, arrivée le 4 octobre suivant, re-connu seul empereur. Justin, ayant appris la défaite de ses troupes par les Perses, tomba dans cette frénésie (Hist. ecclés., V, 12) que notre auteur signale comme une punition dont Dieu le frappa pour avoir persécuté les adversaires du concile de Chalcédoine. Tibère n’était pas chancelier ou notaire, comme l’affirment Michel et Aboulfaradj capitaine des gardes, comes excubitorum.

[48] Ce mot frank ou frang, est le terme par lequel les Arméniens et les Orientaux désignent, en général, les peuples latins ou d’Occident.

[49] Caranus, de la race des Héraclides qui, sorti de Corinthe, vint fonder le royaume de Macédoine entre la mer Égée et l’Adriatique, et qui régna entre 867 et 779 avant J.-C.

[50] Pratos, est le nom altéré de Persée, dernier roi de Macédoine, vaincu par les Romains, l’an 168 avant J.-C.

[51] L’ère des Syriens, des Séleucides ou des Grecs, part de l’an 312 avant J.-C. Michel la fixe ainsi (fol. 27 r. 28 r.).

Le commencement du règne de Séleucus, qui monta sur le trône douze ans après la mort d’Alexandre, est le point initial de l’ère des Syriens.

Celui-ci emploie, suivant le calcul des Syro-Macédoniens, les années ? ? ? fixes et commence en octobre. C’est celle dont s’est aussi servi Aboulfaradj. L’ère des Arméniens, suivant l’opinion qui paraît la mieux fondée, fut réglée dans un concile tenu à Touin en 551, et fixé au 11 juillet 552. (Cf. Tchamitch, t. III, tables).

Leur année vague, employée par Michel dans sa Chronique, est composée de 365 jours et chacun des mois parcourt successivement les quatre saisons ; comme on ne tient pas compte des bissextiles, elle devance l’année julienne d’un jour chaque quatre ans.

L’année 888 des Syriens est l’année 576-577 de J.-C. Si ce chiffre n’est pas une faute de copiste, Michel place l’élévation de Tibère une année plus tôt que la date assignée généralement à cet avènement. Dans le chiffre 15 de l’ère arménienne (567-568 de J.-C.) il y a erreur ; il faut lire l’année 26.

Michel nous a donné l’époque du commencement de l’ère arménienne mais on voit par ses paroles qu’il n’est pas très sûr de ce point de chronologie. Voici ce qu’il dit : L’ère des Arméniens commença l’année 871 de l’ère syrienne (559 de J.-C.), la trente-quatrième de Justinien Ier sous le patriarcat de Narsès (II) et sous le règne de Khosrov, roi des Perses. D’autres prétendent que cette ère commença du temps que Moïse était catholicos, quarante ans après la persécution que nous éprouvions à cause de la sédition (le concile) de Chalcédoine.

De ces deux calculs, le second, qui place la première année de l’ère arménienne sous le pontificat de Moïse, élevé à cette dignité en 551, est celui qui est généralement admis et le plus probable. On voit, dans tout le cours du livre de Michel, que c’est le premier qu’il a suivi. Parmi les écrivains arméniens, il y en a qui comptent 553 ans entre la naissance de J.-C. et le commencement de l’ère arménienne, comme Jean le Diacre, auteur du XIIIe siècle.

[52] C’est Ormizt qui monte sur le trône en 580 selon Théophane. Cette date nous reporte au moins à la troisième ou quatrième année du règne de Tibère.

[53] Sébaste, capitale de la Seconde Arménie et qui fut la résidence des princes Ardzerounik.

[54] Le texte arménien de notre manuscrit est ici corrompu. Cette leçon est confirmée par les paroles d’Aboulfaradj, qui dit que les Romains pillèrent le camp des Perses et s’emparèrent du temple consacré au feu, qu’ils transportaient avec une pompe solennelle (p. 89).

[55] Mélitène, en arménien littéral, Meldiné et en vulgaire Méldéni et aussi Mélédiné, Melidia, ville de la troisième Arménie. Lebeau place la bataille de Mélitène en 576, sous le règne de Chosroès le Grand, qui commandait lui-même l’armée perse, malgré son grand âge. (Hist. du Bas-empire) Cette date est, par conséquent, antérieure de quatre ou cinq ans au moins à celle qui résulte du récit de Michel, suivant lequel la bataille de Mélitène aurait eu lieu sans Ormizt ou Hormisdas III.

[56] Les Grecs, sous la conduite de Maurice, ravagèrent l’Arzanène et tout le pays depuis Nisibe jusqu’au Tigre, ainsi que le pays situé sur la rive gauche de ce fleuve

[57] Justin voulait sans doute faire allusion, par ces mots, aux intrigues qu’il avait employées pour obtenir la succession de son oncle Justinien, à l’exclusion de ses cousins, qui étaient les petits-neveux de ce dernier. Justin était fils de Vigilantia, sœur de Justinien.

[58] On peut voir dans Théophylacte Simocatta et dans Evagre un discours analogue adressé par Justin à son successeur Tibère. On ne saurait donc mettre en doute qu’il ait tenu ce langage, quoique Michel l’ait évidemment interprété dans un sens favorable à ses opinions religieuses. Seulement ce dernier le place, comme Théophane, dans la bouche de Justin mourant, tandis que les deux autres auteurs précités prétendent qu’il le prononça lors de l’investiture augustale conférée par lui à Tibère, quatre ans avant sa mort.

[59] C’était Eutychius qui occupait pour la seconde fois le siège patriarcal de Constantinople de 578 à 582.

[60] Pendant les quatre années que Tibère administra l’empire, avec le titre de César, du vivant de Justin, l’impératrice Sophie n’avait pas voulu consentir à ce que l’épouse de Tibère entrât dans Constantinople ; et comme Justin lui reprochait cette rigueur, elle lui répondit qu’elle n’avait pas perdu l’esprit comme lui pour consentir à livrer le pouvoir entre les mains d’une autre femme, ainsi qu’il l’avait fait pour Tibère. Après la mort de Justin, Tibère demanda à Sophie de faire venir sa femme mais elle s’y refusa d’abord. Cependant, elle consentit bientôt après par crainte, et celle-ci fit son entrée dans Constantinople. Le peuple lui donna par honneur, le nom d’Hélène. (Aboulfaradj)

[61] Il y a dans le texte poids de cent livres ; il n’est pas probable qu’il s’agisse ici de cent livres d’or ou d’argent mais bien d’airain ou de cuivre.

[62] Les Slaves. L’année 4 du règne de Tibère à laquelle Michel fixe cette invasion des Slaves, commença es septembre 582. Aboulfaradj joint à ce peuple les Avares et les Lombards ; mais d’après notre auteur, ces derniers étaient les alliés des Romains. Les Slaves vivaient en nomades dans les plaines de la Russie, de la Lituanie et de la Pologne. Plus d’une fois, ils franchirent le Danube et l’Hébrus, et vinrent ravager la Thrace et l’Illyrie.

[63] Sirmium, aujourd’hui Sirmisch, ancienne ville de la Pannonie, située à la jonction de la petite rivière de Bacuatius, Bossant, avec le Savus. Ce fut, sous les règnes postérieurs au siècle d’Auguste, une ville considérable.

Cette expédition contre Sirmium est attribuée aux Avares par les écrivains byzantins : ils la fixent à l’an 580. Deux années auparavant, les Esclavons, ayant franchi le Danube, avaient ravagé la Thrace et même menacé Constantinople. Probablement Michel a confondu ces deux invasions en une seule.

[64] Longobardi. Lombards, nation fixée au temps d’Auguste, entre l’Elbe et l’Oder, d’où elle descendit successivement vers le sud, jusqu’au Danube. Après avoir traversé ce fleuve, elle se répandit, en passant par la Norique et la Pannonie, tout le long des côtes de l’Adriatique, jusqu’à Dyrrachium ; et de là, après avoir traversé les Alpes Juliennes, dans la péninsule Italique, où elle fonda la puissante et célèbre monarchie lombarde. La bravoure de ce peuple et les conquêtes qu’il fit portèrent Justinien et les autres empereurs grecs à rechercher son alliance. (cf. Gibbon)

[65] Ce fleuve doit, suivant toute apparence être l’Euphrate, qualifié aussi de grand fleuve, comme on le voit dans Matthieu d’Édesse, qui dit en parlant de l’émir arabe surnommé Longue-main : Ayant traversé le grand fleuve Euphrate, il ravagea les contrées arméniennes situées à l’orient de ce fleuve. (Ms. arm. de la Bibl. Nat., n° 95, fol 57 r.)

[66] Aboulfaradj le nomme Magna (Magnus des écrivains byzantins), et dit que c’était un général syrien : D’abord banquier, puis intendant d’un des palais de l’empereur, il était devenu plus tard général d’armée (Lebeau, L, § 44).

[67] Aboulfaradj dit qu’il s’appelait No’man,

[68] Ce serment était, au rapport d’Aboulfaradj, de marcher avec l’empereur contre les Perses.

[69] Les Arabes se divisèrent en dix-sept troupes, suivant Aboulfaradj

[70] Le texte arménien est corrompu en cet endroit de notre manuscrit.

[71] Camir (?) ou au pluriel Camirk, la Cappadoce, pays considérable s’étendant de la Caramanie vers le nord. Dans les livres arméniens ce nom désigne aussi quelquefois la grande Caramanie.

[72] Tibère II régna effectivement quatre ans, du 26 septembre 578 au 14 août 582.

[73] Elle se nommait Constantine et était la fille aînée de Tibère.

[74] Village de la Cappadoce dont la position est aujourd’hui incertaine et qui était situé non loin d’Ariathia, que plusieurs rois ont habité (D’Anville, Géogr. Anc. Abrégée).

[75] Le général Garamis, Germanus dans Aboulfaradj.

[76] La seconde Arménie que quelques-uns appellent le pays de Sébaste, est située au nord de la première.

[77] Moup’hargin, ville appelée par les Grecs Martyropolis. Elle est située dans la province du même nom laquelle est comprise dans le pays des Aghedznik, et comme cette province est limitrophe de Déop’h, on la trouve souvent mentionnée comme faisant partie de ce dernier pays. Mouphargin sur le Nymphaeus se trouve à neuf lieues sud-est de Phison, et à dix-sept, nord-est d’Amida.

[78] Les Perses de Nisibe avaient corrompu les sentinelles de la ville ; et après s’en être rendus maîtres, avaient massacré un grand nombre de Romains. (Aboulfaradj)

[79] D’après les auteurs consultés par Lebeau, Philippique ne put s’emparer de Mouphargin ou Martyropolis, et fut destitué de ses fonctions de général par l’empereur qui envoya Commentiole pour le remplacer ; mais celui-ci ne fut pas plus heureux (Lebeau, LIII, §§ 14 et 15)

[80] Maurice étant monté sur le trône le 13août 582, la huitième année de son règne correspond par conséquent à 589-590. D’après Théophane (apud Petau, loc. laud.), Chosroès ou Khosrov II serait devenu roi de Perse en 595. Mais Michel, en faisant plus loin correspondre la vingt et unième année de Khosrov II avec la première du règne d’Héraclius, qui commença le 5 octobre 610 reporte l’avènement de Khosrov à 590, ce qui est la date généralement admise.

[81] Maurice proclama Auguste son fils Théodose, âgé de quatre ans et demi, le 26 mars, jour de Pâques, de l’an 590 (Lebeau, LIII, § 13).

[82] Ourha, et vulgairement Ourfa. Édesse, ville de la Mésopotamie, dans le pays des Aghedznik, bâtie par le roi Abgar, et devenue la résidence des rois de l’Osrhoène.

[83] Maurice envoya à Khosrov Jean, général des Thraces, à la tête de vingt mille hommes, et Anastase qui commandait un corps de vingt mille Arméniens et Boulgares, et lui fit présent aussi de quarante mille talents d’or. Khosrov entra dans son pays avec ce secours, et un chef perse, nommé Hormiqa, se joignit à lui avec une troupe de dix mille hommes. (Aboulfaradj, p 97.)

[84] Ce nom est écrit ici Raslaïn, par une mauvaise leçon rectifiée un peu plus loin où le texte porte Rataïn. Ptolémée mentionne deux villes de ce nom ou d’un nom presque semblable dans la Mésopotamie ; l’une, située entre Edesse et le mont Mesin ; l’autre entre le Cheboras et le Saoceras. Cette dernière parait être, dans Étienne de Byzance la ville de Banian, située auprès du fleuve Aberès, et la Ressina d’Ammien Marcellin, où se trouvait le monument élevé par Gordien (cf. Bochart, Geogr. sacra. Phaleg., liv. IV, chap. XXIII.) C’est cette dernière ville dont je pense qu’il est ici question. Colonie sous Septime Sévère, elle reçut de Théodose le nom de Théodosiopolis.

[85] Michel, en nous apprenant que Maurice donna sa fille Marie en mariage à Khosrov, roi des Perses, est d’accord avec les écrivains orientaux, et diffère des Grecs, qui représentent seulement la femme de Khosrov comme romaine de naissance et chrétienne de religion, et qui la nomment Sira. Elle a été célébrée sous le nom de Schir par les romanciers persans, qui décrivent l’amour du roi pour elle et celui de Schirin, pour Fer-had, le plus beau de tous les jeunes hommes de l’Orient. (Cf. Gibbon, ch. XLVI, p. 799, note x, et d’Herbelot, Bibl. orient., aux mots Khosrou, Ben Hormouz et Schirin.).

[86] Les Boulgares avaient leur résidence primitive dans les contrées du nord de la mer Caspienne, sur les bords du Volga, au-dessus des Khazares. Ce peuple fut connu des Grecs à partir du règne de Zénon. Une de leurs hordes s’étant avancée en 485 des bords du Volga ou Borysthène, fut repoussée par le grand Théodose. Quatorze ans après, ils pénétrèrent dans la Thrace et défirent une armée romaine. Ils firent depuis de fréquentes irruptions dans les pays arrosés par le Danube, dans l’Illyrie et la Thrace. En l’an 501 de notre ère, ils se répandirent dans ces deux dernières provinces. Sous le règne de Constantin IV, dans la seconde moitié du VIIe siècle, ils se divisèrent. Une partie resta sur l’ancien territoire de la nation ; les autres allèrent se fixer sur les bords du Tanaïs ; une fraction vint se joindre aux Avares en Pannonie ; une autre portion passa en Italie et s’incorpora aux Lombards dans le duché de Bénévent ; enfin, il y en eut qui s’emparèrent des pays situés à l’embouchure du Danube. (Lebeau, LXI, § 23.) Plus tard, au Xe siècle, il y eut deux royaumes Boulgares : l’un sur le Volga et l’autre sur le Danube. Le premier est appelé Boulgarie noire, par Constantin Porphyrogénète (De adm. imp., cap. XII), et grande Boulgarie, par Théophane. (Voyez Mouradgea d’Ohsson, Des peuples du Caucase, note 28 p 213.)

[87] Aboulfaradj parle aussi d’une irruption des Boulgares, qui eut lieu sous le règne de Maurice. Sortis, dit-il, de la Scythie intérieure, ils arrivèrent au fleuve Tanaïs, et après l’avoir franchi, ils établirent leur camp entre ce fleuve et le Danube. Ayant demandé à Maurice des terres pour s’y fixer, avec la promesse d’être à l’avenir les alliés des Romains, l’empereur leur accorda la Mysie supérieure et inférieure (p. 95.)

[88] Gibbon a raconté, avec son éloquence habituelle, les causes qui amenèrent le mécontentement et l’indignation de Farinée contre Maurice. Tout en rendant justice aux mesures d’économie bien entendue que l’empereur voulait introduire parmi ses troupes, il flétrit l’avarice et l’inhumanité qui le portèrent à laisser massacrer douze mille prisonniers restés entre les mains du Khakan des Avares plutôt que tic lui compter une rançon de six mille pièces d’or. (The decl. and fall, chap. XLVI, p. 802 et 803.) Lebeau ajoute que le khan proposait de réduire cette rançon à quatre siliques par tête, ou quarante-cinq sous de notre monnaie ; mais il assigne une autre cause au refus fait par Maurice de racheter ces soldats. Il dit que l’empereur ne fut pas fâché de se débarrasser de troupes qui s’étaient révoltées plusieurs fois contre lui ou ses généraux. (Hist. du Bas-Empire, LIV, § 23.)

Maurice avait en outre voulu, par mesure d’économie, faire hiverner ses troupes au delà du Danube, afin qu’elles vécussent sur le territoire ennemi ; mais les soldats, dans leur répugnance à supporter les rigueurs du climat de l’Esclavonie se révoltèrent et, ayant choisi Phocas pour leur général, marchèrent sur Constantinople. A cette nouvelle, le peuple se souleva contre l’empereur et la révolution fut consommée. (Lebeau LIV, §§ 34-46.)

[89] On ne peut entendre par ces mots que les grands feudataires de la couronne, qui étaient les alliés naturels du roi. Eutychius les nomme les courtisans et les vizirs. (Annal., t. II, p. 211).

[90] Le comte Romizon. Le mot qui est le latin comes désigne en arménien, non seulement un comte mais aussi un prince, un grand personnage, un courtisan, un préfet ou gouverneur d’une province et un général d’armée. Aboulfaradj (p. 99), écrit ce nom Rômizân, et dit comme Michel, que ce général reçut le surnom de Schaharbarz ce qui signifie, ajoute-t-il, sanglier sauvage.

[91] Schahrbarz monta plus tard sur le trône des Sassanides, qu’il occupa pendant deux mois en 635 suivant Théophane, apud Petau, loc. laud. ; Michel, comme on le verra plus loin, lui donne un an de règne.

[92] Merdin, ville de la Mésopotamie située sur le bord du Tigre, entre Mossoul et Bagdad.

[93] Kharran, Charrae, ville de la Mésopotamie, à dix lieues sud-est d’Edesse.

[94] Les historiens byzantins ne fournissent aucun détail sur la guerre des Perses avec Phocas : Michel nous aide à remplir cette lacune.

[95] Il y a dans notre manuscrit la vingt-huitième année. C’est évidemment une faute, puisque Phocas ne régna que sept ans, dix mois et neuf jours, de 602 à 610.

[96] Par le mot il faut entendre l’Asie propre.

Suivant la géographie de Moïse de Khoren, l’Asie propre était limitrophe de la Mysie, auprès de la mer, et divisée en quatre petits pays : la Lydie, l’Eolie, l’Ionie et la Carie. (Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, II, p. 348 et 349.)

[97] Héraclius était exarque, c’est-à-dire gouverneur général d’Afrique, et il avait pour lieutenant son frère Grégoire.

[98] Le texte arménien peut être entendu comme je l’ai traduit, ou bien ainsi : Ils les envoyèrent par mer et par terre, d’après une division faite entre eux.

[99] Le second de ces deux jeunes gens, qui était fils de Grégoire, se nommait Nicétas.

[100] 5 octobre 610.

[101] Severianus, ou, comme on lit un peu plus loin, Sévérius, Sévère ; c’est le même nom.

[102] J’omets ici quatre colonnes de notre manuscrit, à partir du folio 101 v. jusqu’au folio 102 r. Ce fragment traite de la patrie et de l’élévation miraculeuse au patriarcat d’Athanase dont il a été question précédemment.

[103] Suivant Aboulfaradj, Khosrov prit Antioche la première année d’Héraclius, et ce fut un de ses généraux, Vahram, qui exécuta l’expédition contre Césarée d’Arménie, la deuxième année du règne d’Héraclius.

[104] Césarée d’Arménie, autrement appelée Mazaca la Cappadoce, dans un canton particulier qui était appelé Cilicia, cette ville prit le nom de Césarée sous Tibère sans que ce nouveau nom fit disparaître entièrement le premier. La partie de la Cappadoce à l’ouest de I’Euphrate ayant reçu la dénomination d’Arménie mineure ou de Petite Arménie, et comprenant Césarée, c’est de là que Michel appelle cette ville Césarée d’Arménie.

Le nom de Maza ou Mazaca, est la reproduction, sous une forme grecque, du nom arménien de Césarée appelée en cette langue Majak, comme on le voit dans l’historien Agathange

[105] La cinquième année d’Héraclius, suivant Aboulfaradj d’accord sur ce point avec les auteurs byzantins.

[106] L’an 614.

[107] Le patriarche Eutychius dit comme Michel, que c’était un fragment de la Croix de Jésus-Christ que les Perses emportèrent et il ajoute que le roi en fit présent à sa femme Marie, qui était chrétienne comme nous l’avons vu.

[108] L’an 616.

[109] Les Kouschites, habitants du pays de Kousch, ou Éthiopiens.

[110] Cette même année, Schahin, le Perse, s’empara de nouveau de Chalcédoine (Aboulfaradj, p. 99). D’après les écrivains grecs, c’est ce général qui d’abord avait mis le siège devant Chalcédoine, et ce ne fut que plus tard que cette ville fut prise par Sarbar (Schar-baz). (Lebeau, LVI, § 13.)

[111] Cet Héber est la tige des Arabes purs ; il fut père de Khâtan ou Yoktân, père de Djorhom, d’où sont sortis les Djorhomites qui habitaient la ville et le territoire de la Mecque, l’époque ou Ismaël fils d’Abraham vint s’y établir. Il s’y maria avec Ra’ala, fille de Madhad, douzième roi des Djorhomites et eut d’elle douze fils, d’où sont sortis les peuples que l’on a depuis appelés Mostarabes c’est-à-dire Arabes entés ou mêlés, mais plus communément Ismaéliens du nom de leur père, et Hagaréniens, du nom d’Hagar, mère d’Ismaël. (Gagnier, Vie de Mahomet, t. I, p. 26-28). Aboulféda et les autres auteurs arabes ont donné la généalogie de Mahomet jusqu’à Ismaël.

[112] Le copiste de notre manuscrit a écrit Saraginos, c’est le mot Sarrasin, dont se servent les Grecs pour désigner les Arabes, et que les latins ont adopté. Quelques auteurs, comme Michel, le font venir, à tort, du nom de Sara, femme d’Abraham. Mats on en rapporte l’origine avec plus de vraisemblance au mot scharky, oriental, qui désigne la position géographique occupée par les Arabes, par rapport aux Juifs et aux Grecs.

[113] Cette confusion des Madianites avec les Ismaélites est déjà très ancienne puisqu’elle se retrouve dans le Livre des Juges. Primitivement fixés sur les bords orientaux de la mer Rouge, les Madianites s’étendirent vers le sud, et une de leurs colonies vint s’établir sur le bord de cette mer, non loin du mont Horeb. Ils se livraient surtout à l’élevage des bestiaux et faisaient par leurs caravanes, et pour le compte des Phéniciens le transport des marchandises de la mer Rouge dans la Phénicie. Comme leur pays faisait partie de l’Arabie, on a pu facilement rattacher leur nom à celui des peuples de souche arabe.

[114] Athrab, Yathreb et plus tard Médine depuis que Mahomet y chercha un refuge contre la persécution des Coraïschites.

[115] Cf. Aboulféda, Annales, t. I, p. 21

[116] Aboulfaradj rend le même témoignage sur les sources où Mahomet puisa sa doctrine.

[117] Le texte porte il connaissait et spoliait ; le premier de ces deux mots me parait être une mauvaise leçon. On pourrait lire peut-être il savait dépouiller, mais cette leçon n’est guère plus satisfaisante que la première.

[118] L’année 905 des Syriens et 70 des Arméniens, correspond à 592-593 de J.-C. L’année des Arméniens coïncide avec l’année 596-597, et dut commencer le 1er juillet 596 ; elle fut, par conséquent en différence de trois mois avec l’année syrienne qui date d’octobre. Ce que dit Michel, que cette année 74 cadre avec le calcul syrien, est donc inexact. Il y a aussi erreur probablement de copiste dans les deux dates 904 de l’ère syrienne et 70 de l’ère arménienne. Héraclius étant monté sur le trône le 5 octobre 610, la douzième année de son règne correspond à 622-623. Comme l’éclipse de soleil dont il est ici question est placée sous le règne de cet empereur par Aboulfaradj, la concordance qui se rencontre entre ce dernier et Michel sur ce point, exclut les deux chiffres précédents 904 et 70.

[119] Il y a dans le texte : le soleil s’obscurcit dans le mois arecaschdau. Mais, ce nom de mois n’étant pas arménien, il y a tout lieu de supposer que le copiste, venant de tracer le mot soleil, aura altéré sous une forme analogue le nom du mois ahégan. Ce qui confirme ma conjecture c’est qu’Aboulfaradj nous dit que cette éclipse, qui fut, suivant lui, de la moitié du soleil, et qu’il place l’année VI de l’hégire (627 de J.-C.) dura depuis le mois tischrin premier (octobre) jusqu’au mois khaziran (juin), c’est-à-dire pendant neuf mois, intervalle de temps qui existe précisément le même entre les mois ahégan et kaghotz dans le calendrier arménien. Il doit être entendu que je n’ai pas à m’occuper ici de savoir ce que Michel et Aboulfaradj veulent dire par une éclipse de soleil, qui dure neuf mois. Je leur laisse la responsabilité d’une assertion aussi exorbitante.

[120] On voit par ces mots que le mouvement de rotation opéré dans l’année vague arménienne avait fait passer, en 623 de J.-C. le mois kaghotz dans l’été ; il correspondit alors avec notre mois de juin (voir la note précédente). Ainsi c’est donc en 523 qu’il faut placer l’éclipse de soleil marquée par Michel.

[121] 5 octobre 624 - 5 octobre 625.

[122] Ce siège de Constantinople fut fait à la fois par les Perses et les Avares réunis ; ceux-ci, se portant contre cette ville avec les Esclavons par la Thrace, tentèrent plusieurs attaques qui furent repoussées, tandis que les Perses, de l’autre côté du Bosphore, campés à Chrysopolis, tenaient Chalcédoine investie. (Lebeau, LVII, § 29).

[123] Gharadeghan est le nom du général perse qui de concert avec Schahr-barz, assiégeait Constantinople. Aboulfaradj écrit son nom, Kardigân. Suivant le témoignage de Théophane ; le mot n’est pas un nom propre, mais la dénomination d’une haute dignité chez les Perses de celle de général en chef. (P. 170, D, éd. de Venise.)

[124] Aboulfaradj dit 300 et Lebeau 500.

[125] Michel veut désigner, par le titre de roi du Nord, le khak’an, le roi des Khazares, dont nous savons, par les écrivains byzantins et par Aboulfaradj, qu’Héraclius sollicita le secours. Quoique le titre de khak’an fût particulier aux souverains turcs et tatares, et que les Khazares ne fussent pas de race turque, leur chef prenait néanmoins des qualifications usitées chez une nation qui avait été longtemps puissante dans le nord de l’Asie (d’Ohsson, Des peuples du Caucase, p. 187). Les Khuarea occupaient les pays arrosés par le cours inférieur du Volga ou Etel. Mais le siège et les limites de leur domination paraissent avoir varié suivant les siècles. On voit dans la géographie de Moïse de Khoren, que le titre de roi du Nord servait spécialement à désigner, comme dans notre auteur, le khak’an des Khazares. (Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, II, p 356-357.) Plus loin Mi-chel nomme le khak’an des Kkazares, lorsqu’il parle de la fuite de Justinien II auprès de ce chef, dont il épousa la fille.

[126] La Porte Caspienne ou le défilé de Tarpant (Derbend). Le pays des Gasp est mentionné en trois sens différents dans les auteurs arméniens : 1° d’une manière générale en perlant des deux pays qui entourent la mer Caspienne ; 2° dans une acception particulière pour désigner là contrées situées sud-ouest de cette mer sur les limites du Ghilan ; 3° pour désigner les pays situés au nord-ouest et occupés par les Alans. (Tchamitch, t. III, tables, p. 156, col 2). La défilé qui est dans le pays de Tarpent, sur le bord occidental de la mer Caspienne, et nommé, par les Arméniens la porte de Djor, défilé de Djor ou bien encore la porte de fer, la porte des Alans, des Huns, de Tarpent ou de Bahl — (Tchamitch, ibid., p. 164, col. 1.)

[127] Ville d’Arménie, située dans la province de même nom. Cette province formait la seconde des quinze divisions de la grande Arménie. Elle était bornée au nord par les provinces d’Oudi et d’Artzakh ; au sud, par celle d’Aderbadagan à l’est par la mer Caspienne. Comme cette ville devait se rencontrer presque immédiatement sur le passage du khak’an, après avoir franchi le défilé de Derbend, il n’y a pas à douter qu’il ne s’agisse ici réellement de la ville P’haidagaran, et non de Dep’hkis ou Tiflis en Géorgie, que Thomas Ardzrouni et Jean Erzengatri prétendent avoir été nommée anciennement P’haidagaran (Cf. Luc Indjidji, Arménie ancienne, p. 327-328.) Le géographe Vartan dit aussi que P’haidagaran est Dephkis (Saint-Martin, Mémoires sur l’Arménie, p. 424-425). Tiflis portait encore ce nom au XVe siècle, puisqu’on lit dans l’Histoire de Timour et des Timourides, par Thomas Medzopetzi, ms. arm. de la Bibliothèque nationale copié d’après quatre mss. de la bibliothèque du couvent de Saint Laure à Venise, fol. 47.

[128] R’ouxipahan, général perse, dont le nom est transcrit par les écrivains byzantins, et Rouzbihan par Aboulfaradj.

[129] Aboulfaradj a écrit ce nom de ce lieu que les traducteurs on rendu je ne sais pourquoi par Scythia. Au moment où Chosroès prit la fuite devant Héraclius victorieux, il résidait, avec ses troupes, à Destagerd, considérable, nommée autrefois par les Macédoniens Artemita, et située sur les bords de l’Arbu. La rivière se nomme aujourd’hui Diiala, et la ville, Daskere-el-Mélik. Ce doit être la même qui est appelée Discarthas dans les Acta Sanctorum, XXII, janvier, p. 430. Chosroes, ayant passé le Tigre, se dirigea vers la Susiane et choisit, pour sa retraite, une grande ville nommée par les Perses Guédéser et par les Grecs Séleucie, un peu su delà de Suse et du fleuve Eulœus, à près de cent lieues de Ctésiphon. (Lebeau, LVII, § 30-§ 32.)

[130] La ville de Ninive cessa d’exister 600 ans avant J.-C. et l’emplacement de ses ruines à l’époque de la bataille de Ninive, était même ignoré. Il restait cependant au temps des premiers khalifes, le faubourg désigné sous le nom de Mossoul. (Gibbon, chap. XLVI, p. 813 et ibid.)

[131] Théodosiopolis ou Erzroum. (Cf. Moïse de Khoren, Histoire d’Arménie, liv. III, chap. 69.) On lit, dans la Géographie de Vartan : La ville de Garin est Arzroum, qui porte le nom de Théodosiopolis et qui fut entourée d’un rempart par l’empereur Théodose le Jeune. (Cf. Saint-Martin, Mém. sur l’Arménie, p. 446-447)

[132] Ezër ou Esdras. 30e catholicos d’Arménie, monta sur le siège patriarcal en 628.

[133] Saint Grégoire, l’Illuminateur, premier catholicos ou patriarche universel d’Arménie, occupa le siège de 302 à 332. Ses grands travaux pour répandre le christianisme dans sa patrie, le baptême, qu’il conféra au roi Dertad, le premier souverain chrétien de l’Arménie, et le martyre qu’il souffrit en ont fait le plus illustre apôtre des Arméniens, et, pour eux, un saint tout national. Ses discours, ont été publiés par les Mékhitaristes de saint Lazare à Venise, en 1838, 1 vol. in 8°.

[134] Cette lettre a pour auteur le pape Léon Ier, ou le Grand. Il l’adressa dès que parut l’hérésie d’Eutychès, à Flavien, pour exposer la foi catholique sur le mystère de l’Incarnation, c’est-à-dire l’unité de personnes et la distinction des deux natures en Jésus-Christ.

[135] Mempèdej, ville de la Syrie, appelée par les habitants du pays Mabeg ou Bambyce, et par les Grecs Hiérapolis. C’était la métropole de l’Euphratésienne ; elle était située non loin de l’Euphrate, à l’ouest de ce fleuve et à dix lieues sud de Zeugena.

[136] Thermerour, je pense que c’est la ville que les Arabes nomment Tell-Mahra. Elle était située dans la Mésopotamie. C’était, au rapport de l’auteur du Merased-Al-Itthila (fol. 134), une petite ville située entre le château de Moslema et Er-Rakka. Elle renfermait dans son enceinte une forteresse occupant le milieu de la ville, un marché et des boutiques.

[137] Hêms, Émesse, ville de Syrie à peu de distance de l’Oronte, sur la droite.

[138] Aria. Ce nom de ville me paraît altéré ; je n’ai pu, malgré toutes mes recherches, le déterminer avec exactitude.

[139] Guris, Cyrrhus, aujourd’hui Corus, ville de Syrie reculée vers les montagnes, au nord de Bérée.

[140] Hiérapolis ou Mempedj, on lit dans la Chronique de Michel (fol. 24 r.) : Nechao s’avança de nouveau vers les pays arrosés pars l’Euphrate et détruisit Mèmpèdj. Nabuchodonosor marcha en personne contre lui et le tua. Il releva Mèmpèdj et y transporta l’idole Gaïnan. Il donna à cette ville, le nom d’Arabolis (Hiérapolis), c’est-à-dire la ville des prêtres, parce qu’il y établit un collège nombreux de prêtres.

[141] L’ancienne Chalcis, ville de Syrie. On lit dans le Merased-al-Itthila (fol. 538) : Kinnesrim, et suivant d’autres Kinnisrim, ville située à une journée de marche d’Alep, autrefois florissante et populeuse. Mais lorsque les Grecs s’emparèrent d’Alep en 351 (962-963) les habitants de Kinnesrim, effrayés, quittèrent cette ville, se répandirent dans le pays, et il n’y resta plus qu’un khan où s’arrêtent les caravanes.

[142] Arabissus ou Arabia et Abramiassus, ville et siège épiscopal de la seconde Arménie, sous la juridiction du métropolitain de Mélitène.

Dans la Notice d’Hiéroclès, Arabissus est attribuée à la seconde Arménie. C’est par cette ville que passaient, après Ptandaris, suivant l’itinéraire d’Antonin, les voyageurs qui se rendaient de Cucuse à Mélitène. Dans une Novelle de Justinien, Arabissus est rangée parmi les villes de la troisième Arménie. (Lequien, Oriens Christianus, t. I, 449-450)

[143] Épiphane de Cilicie, aujourd’hui peut-être Surfendkar, ville située à 13 lieues N. E. d’Issus, sur le Carsus, Ma-Hersi ou Makersi. Quand on a traversé le torrent, on se trouve resserré entre le mont Amanus et le rivage de la mer, et c’est là que se termine la Cilicie ; ce passage est appelé Syriae Pylae, les Portes de Syrie. (D’Anville, Géogr. anc. abrégée., t. II. p. 96)

[144] Schamshahad aujourd’hui, ou Schemchad capitale de la Commagène auprès de l’Euphrate et non loin de Marasch.

[145] Schyrosyeh, des écrivains Byzantins.

[146] Adeser, des mêmes.

[147] Borane, des mêmes.

[148] Zarimandouki dans Aboulfaradj.

[149] Comme cette série des derniers Sassanides diffère considérablement, et pour les noms et pour la durée des règnes dans Michel et dans Théophane, je mets en regard la liste que chacun d’eux nous a donnée :

MICHEL

THÉOPHANE

Schirin, 9 mois.

631 Siroès, 1 an.

Azdachir, son fils, 2 ans.

635 Adeser ou Artaxercès III, son fils, 7 mois

Schahr-Baz, 1 an.

635 Sarbarazas, quelques jours

Baram, fille de Khosrov, quelques jours.

636 Borane, fille de Cosroès, 7 mois.

Zarmantoukhd, sa sœur

 

Scharôri.

 

Tapouran-Khosrov.

 

Beros.

636. Hormisdès III, 11 ans.

Ormezt.

 

Azdadjad.

 

 

[150] Michel commet ici une erreur ; Martine était la fille de Marie, sœur d’Héraclius. Ce mariage était contracté à un degré de parenté qui le faisait considérer comme incestueux, d’après les lois romaines et ecclésiastiques. Il en résulta cinq fils : Flavius ou Fabius Constantin, qui mourut en bas âge ; Théodore qui succombe avant son père ; Héraclius surnommé Héracléonas ; David et Marie. Le récit de Michel pourrait conduire à supposer que le mariage d’Héraclius avec Martine eut lieu après son retour des campagnes de Perse, en 628, tandis qu’il date de 614.

[151] Ce calcul de Michel rejette l’époque où Mahomet prit l’exercice du pouvoir à l’an 625 de notre ère, près de trois ans après le commencement de l’hégire, fixé au 19 avril 622. Ce chiffre de 7 ans paraît une erreur de notre auteur, ou du moins une faute de copiste. D’ailleurs, un autre auteur Syrien, Aboulfaradj, compte 10 ans et 2 mois depuis le commencement de la prédication de Mahomet, ce qui veut dire probablement depuis le moment où il se réfugia à Médine jusqu’à sa mort. Mahomet mourut le 12 de rabi’ premier de l’an XI de l’hégire (8 juin 632).

[152] Abou Bekr ayant succédé à Mahomet le 8 juin 632, et ayant occupé le khalifat jusqu’au 24 juillet 634, date de l’avènement d’Omar, son règne est ainsi de 2 ans, 1 mois et 17 jours. Michel le fixe à 2 ans, 7 mois, et Aboulféda à 2 ans, 3 mois, 10 jours. (Annal., t. I, p. 221)

[153] Azdardjad, autrement appelé Azgard, Yezdedjerd, Yezdigerd, fils de Schariar, fils de Parwiz.

On lit dans Aboulfaradj (p. 105) que les Perses étaient divisés entre Yezdigerd, fils de Kosrov, et Hormisdas, mentionné par Michel sous le nom d’Ormezt. Ces dissensions expliquent pourquoi Théophane et les autres auteurs Byzantins comptent Hormizdas comme le dernier roi Sassanide, et Michel, ainsi que les écrivains orientaux, Yezdedjerd.

[154] Sergius, gouverneur de Césarée, s’avança à la rencontre des Arabes, à la tête de cinq mille hommes, près de Tadun, ville voisine de Gaza. Ayant été blessé et fait prisonnier, les Arabes l’enfermèrent dans une peau de chameau fraîchement écorchée, et cette peau, se rétrécissant à mesure quelle se desséchait, le fit mourir dans des tourments horribles. (Lebeau, LVIII § 14).

[155] Les stylites étaient des solitaires qui passaient leur vie sur le sommet d’une colonne, dans les plus dures austérités, à l’exemple de saint Siméon le Stylite, né dans le petit bourg de Sisan, sur les confins de la Cilicie et de la Syrie, vers la fin du IVe siècle. Le solitaire dont parle Michel doit être saint Siméon Stylite le jeune, qui naquit à Antioche, l’an 521, et dont la mémoire est célébrée par l’Église le 24 mai.

[156] C’est le Chrysorrhoas, autrement Bardine ou Baradi, qui coule partagé en plusieurs canaux dans l’intérieur de Damas, ainsi que dans les environs.

[157] Asath, ou Sa’d, fils d’Abou Wakkas.

[158] L’auteur veut parler de la bataille de Kadésiya, ville de l’Irak, à trois journées de Coufa, et située près du canal qui joignait la ville de Hira à l’Euphrate. Le chef des troupes arabes était Saad ben Abou Wakkas et celui des Perses Roustem. Cette bataille eut lieu dans le mois de Moharram de l’année XV de l’hégire (février - mars 636). Le roi des Perses, renfermé alors dans Ispahan, n’y assista point, comme le prétend Michel. (Cf. le récit de Hamza d’Ispahan, Reiski Adnot. hist. ad Abulf. Annal., not. 94)

[159] Le texte a été tronqué en cet endroit par le copiste. Je crois devoir le restituer ainsi : parce que j’avais un fragment d’étoffe dans ma poche, et que la flèche rencontrait toujours cet obstacle. Ou ce morceau d’étoffe était assez épais pour arrêter le choc d’une flèche, ou l’Arabe qui raconte ce fait regardait l’obstacle qu’opposait à ce qu’il fut blessé l’interposition d’un corps aussi léger, comme un miracle et un effet de la protection divine. Ce récit est rapporté d’une manière différente et très curieuse par Aboulfa-radj.

[160] Lebeau raconte que cette surprise, exécutée par les Arabes, eut lieu au monastère d’Abilkodos, à quelque distance de Tripoli. Il se tenait tous les ans à Pâques, près du couvent, une foire très considérable et très fréquentée ; les Arabes y firent un butin immense et s’emparèrent de la fille du gouverneur de Tripoli avec quarante jeunes filles qui l’accompagnaient. (Liv. LVIII § 32.)

[161] Ce fut dans le mois de safar de l’année XVI de l’hégire, au rapport d’Aboulféda (Annal., t. I, p. 233), que les Arabes traversèrent le Tigre et s’emparèrent de Madayn ou Ctésiphon, capitale de l’empire des Perses. Suivant Hamza d’Ispahan, loc. laud., les Arabes séjournèrent vingt-huit mois à Nahr-Schîr, sur la rive occidentale du Tigre, en face de Madayn, avant de pouvoir traverser le fleuve.

[162] Le Sedjestan, province de la Perse bornée au nord par Balkh, à l’est par le Caboul et Candahar, au sud et au sud-est par le Beloutchistan, et à l’ouest par le Kerman et le Khoraçan.

[163] Je crois que ce nom, peut-être altéré par les copistes, est le même que celui du souverain des Turks, Tharkhan, dont parle Aboulfaradj dans le texte arabe de sa chronique, p. 183.

[164] Aboulféda dit que l’on ne sait pas au juste par la main de qui et de quel genre de mort périt Yezdedjerd, t. I, p. 267. Aboulfaradj raconte que Tarkhan, excité par des propos qu’avaient tenus un Turc et par Màhwa, gouverneur de Merw, qui en voulait à Yezdedjerd, le repoussa. Le roi de Perse prit la fuite, fut battu par Mahwa et, s’étant réfugié dans un moulin, auprès de Merw, il fut surpris par des cavaliers turcs qui s’étaient mis à sa poursuite et tué. (Hist. dyn., p. 183.)

[165] Notre manuscrit porte 418 ans. Michel prolonge ainsi la durée de la dynastie Sassanide jusqu’en 648, puisqu’il en fixe le commencement à l’année 230, comme on le voit au fol. 42 r. de notre manuscrit, où il dit : L’année 542 de l’ère [syrienne] (230 de J.-C.), Ardaschir, fils de P’hap’hag (Babek), régna sur les Perses, et commença leur dernière dynastie, laquelle dura 418 ans, et porta le nom de Sassanide ; elle compte vingt rois, qui finirent sous la domination des Arabes, créée par Mahmed. »

Théophane (ap. Petau, loc. laud.) place la fin du règne des Sassanides en 647. Aboulfaradj assigne à cette dynastie une durée de 418 ans, à partir de l’an 518 de l’ère des Grecs (227 de J.-C.) jusqu’à 956 (645 de J.-C.).

[166] Cyrus, évêque d’Alexandrie.

[167] Le tahégan, monnaie arménienne d’or ou d’argent. Le tahégan d’or est assimilé par Michel au dinar d’or des Arabes, comme on le voit dans un passage qu’on lira plus loin, et où il nomme d’abord le tahégan, ensuite la drachme ou dirhem, et puis le sou qu’il assimile à l’obole des Arabes (fol. 113 v.). L’on ignore aujourd’hui la valeur du tahégan. Suivant Cirbied (Notices et extr. des mss, t. IX. p.319) les tahégans d’or valaient cent p’hoghs, et ceux d’argent quarante.

[168] Quoique le mot osdigan, désignât primitivement et d’une manière spéciale les préfets envoyés par les khalifes pour gouverner l’Arménie (Indjidji, Archéologie, t. II p.223), cependant il paraît que déjà, du temps de Michel, ce nom avait pris la signification de gouverneur, préfet, commandant en général. Le premier osdigan d’Arménie fut envoyé par le khalife Merwan et se nommait Aptêla (Abd Allah), suivant l’historien Etienne Asoghig (liv. II, ch. II, cité par Indjidji, ibid. Il résidait à Touin et quelquefois à Nakhdjewan et dépendait, comme on le voit dans l’ouvrage de Jean Catholicos, de l’osdigan de l’Aderbadagan lequel avait sous sa juridiction la Perse, la Géorgie, l’Albanie et l’Arménie. (Indjidji, II, p. 223 et 224)

[169] Cette réponse de Manuel aux envoyés arabes est tronquée dans notre ms. et inintelligible. On y lit (fol. 107 r.) : Je n’ai pas de manteau pour vous donner de l’or, mais je vous donnerai mon épée. J’ai rétabli dans ma traduction le véritable sens d’Aboulfaradj.

[170] Dispon et plus loin Gadispon, c’est-à-dire Ctésiphon, ou Madayn

[171] Dès l’année 637 Jean Catéas, gouverneur de l’Osroène, effrayé des progrès rapides des Arabes, était entré en négociation avec Yézid et, dans une conférence qu’ils eurent ensemble à Kinesrim, Jean s’engagea à payer tous les ans trois cent mille pièces d’or, à condition que les Arabes ne passeraient pas l’Euphrate. Jean Catéas, destitué par l’empereur, fut remplacé par le général Ptolémée. (Lebeau, Liv. LVIII. §. 41.)

[172] Thermorazen. On lit dans le Merased-al-ittila : Tell-Mauzen, ville ancienne, à une distance de 10 milles de Ras’aïn, bâtie de grosses pierres noires.

[173] Pagi (Critica, t. II, p. 824) extrait de Nicéphore et de la Chronique orientale la véritable date de la mort d’Héraclius, le 11 février 641. (Cf. Gibbon, ch. LI, p. 92 — Petau (Rat. Temp.) la fixe au 11 mars 641. Aboulfa-radj à l’an 951 de l’ère des Grecs (641 de J.-C.).— Héraclius avait régné trente ans, quatre mois et six jours.

[174] Constantin III, monté sur le trône en 641. Il l’occupa, suivant Lebeau, conjointement avec Héracléonas ; au dire de Michel, les règnes de ces deux princes furent successifs.

[175] Héracléonas régna avec sa mère Martine six mois, au bout desquels le sénat ordonna, par un décret, de lui couper le nez, et à Martine, la langue. D’après Lebeau, la moitié de ces six mois doit être imputée sur le temps pendant lequel il fait régner ensemble Constantin et Héracléonas.

[176] Constant II, qui commença son règne sur la fin de 941.

[177] C’était un esclave perse qui appartenait à Mogaira, fils de Scho’ba ; il s’appelait Abou Loulou ou de son nom perse Firouz.

[178] Omar parvint au khalifat le 24 juillet 634. Il fut assassiné le 24 du mois dsou’lhidjé de l’année XXIII (1er novembre 644 (Aboulféda, Annal., t. I, p. 251.) Othman lui succéda le 3 moharrem de la même année (9 novembre 644). Ainsi c’est par erreur que Michel ou le copiste de notre manuscrit ont attribué douze ans, au règne d’Omar.

[179] Césarée de Palestine, comme on lit dans Aboulfaradj.

[180] Amasie, aujourd’hui Amasieh, la plus considérable des villes du Pont, sur l’Iris, à vingt lieues sud d’Amisus et située au milieu d’un pays de plaine appelé Phanarœa. Elle eut le rang de métropole de la première des provinces du Pont, ou l’Helenopontus. (D’Anville, Géogr. anc., t. II p. 21.)

[181] Michel ne donne aucun détail sur cette expédition des Arabes en Cappadoce. Aboulfaradj (p. 110) supplée à cette lacune. Il raconte que les Arabe, ayant pénétré dans cette contrée, vinrent mettre le siège devant Césarée pendant dix jours ; n’ayant pu prendre cette ville, ils saccagèrent tout le pays. Puis ils revinrent recommencer le siège et Césarée, après une défense prolongée, se rendit à composition.

[182] Cette première expédition des Arabes contre Chypre eut lieu l’an XVIII de l’hégire (commencé le 24 septembre 628). Aboulféda nous apprend qu’un grand nombre d’habitants furent tués ou réduits en esclavage, et que les autres obtinrent la paix moyennant un tribut de 700 dinars (t. I, p. 263). Aboulfaradj (p. 110) fixe l’expédition de Chypre à l’année 960 de l’ère des Grecs (648 de J.-C.) et il est d’accord, sur ce point, avec Aboulféda, et l’historien arabe Ibn al Athir. (ms. de la Bibliothèque nationale, t. II, (174 V.)

[183] Le glaive des Hagaréniens ou Arabes descendants d’Hagar.

[184] Constantia ou Salamine. Un tremblement de terre qui fit entrer la mer dans une partie de son emplacement ayant ruiné cette ville, elle fut rebâtie sous le nom de Constantia, dans le IVe siècle. Elle est située dans la partie E. de l’île, vers l’endroit où commence le promontoire Kleides (clefs), près de l’embouchure du fleuve Pedaeus. (D’Anville, Géogr. Anc., t. II, p. 150-151.)

[185] Les Égyptiens étaient venus se joindre à Moawiya sous la conduite d’Abd Allah ben Sa’d.

[186] Saint Marouthas, qui devint évêque de la ville de Sopharène dans la Mésopotamie, du temps de l’empereur Théodose Ier. Envoyé deux fois en ambassade par Arcadius et par son fils Théodose le Jeune, auprès du roi de Perse, il répandit dans ce royaume les doctrines de l’Evangile. (Cf. les hist. ecclés. de Sozomène, VIII, 16 ; de Socrate, VII, 8 ; et de Théodoret, V, 39.) La mémoire de saint Marouthas a été fixée par les Grecs, et d’après eux, par les Latins, au 4 décembre.

[187] Barsoma, métropolitain de Nisibe, l’un des plus ardents propagateurs du Nestorianisme dans la Mésopotamie. (Assemani, Bibl. or., t. II, p. 10.)

[188] Baui, Babuaeus dans Amrou, vingt et unième évêque de Séleucie. Mage dans l’origine, il embrassa le christianisme. Les évêques ou primats de Séleucie et de Ctésiphon étaient les chefs religieux des chrétiens Perses et Chaldéens qui étaient sous la domination du roi de Perse ; ils relevaient du patriarche d’Antioche. (Assemani, Bibl. or., t. III, p. 388.)

[189] Ce roi était Firouz ou Pérozès, seizième prince de la dynastie Sassanide, lequel régna de 459 à 483. Les intrigues ourdies auprès de lui par Barsoma, et les persécutions que ce dernier fit éprouver aux adversaires du Nestorianisme, sont racontées dans Assemani. (Bibl. orient., II, p. 403-404.)

[190] Hatra, en syriaque Adri, ou Beth-’Adri dépendant de la juridiction de l’évêque nestorien de Maalta, ville située dans la partie de la Babylonie qui touche à l’Assyrie, ou, suivant Siméon de Beth-Arsam, relevant du siège de Nouhadra (Naarda), qui était aussi une ville de la Mésopotamie sur l’Euphrate. (Assem., Bibl orient., t. III, pars II, p. 713.)

Hatra, située dans le désert, assez loin du Tigre était habité par les Arabes Scénites : elle est aujourd’hui ruinée. Suivant l’auteur du Moschtarek, cité par Aboulféda, c’était une ville ancienne placée dans le désert, à l’opposite de Tecrit, et tombée en ruines. (Géogr., édit. Reinaud et de Siane, p. 284.)

[191] Cranmia, je pense que ce mot est une mauvaise leçon du mot Séleucie, qui figure comme l’une des trois villes où Barsoma réunit ses conciles. (Assemani, loc. laud.)

Séleucie, comme on sait, fut fondée par Séleucus Nicator, sur la rive droite du Tigre, pour être la capitale de sa domination dans l’Orient.

Sunéon, évêque de Beth-Asram ne fait qu’un seul concile des deux que Barsoma rassembla à Ctésiphon et à Séleucie, et dit qu’il tint le troisième à Lapetha, métropole des Houzites (Oxiana). (Assemani, t. II, p. 404.)

[192] Asoresdan ; par ce mot, les Arméniens entendent l’Assyrie, ou le pays qui est à l’orient du Tigre sur les confins et au sud de l’Arménie, tandis que la dénomination, le pays des Asori, ou plutôt les Asori, désigne pour eux la contrée qui s’étend à l’ouest de l’Euphrate, la Syrie ou pays de Scham.

[193] L’an 967 de l’ère des Syriens correspond à 655-656 de J.-C. L’an 97 de l’ère arménienne nous donne, d’après le système de Michel, l’année 656 de notre ère, celle qui vit mourir Othman, (cf. note 2 Aboulfaradj fixe la seconde expédition des Arabes contre Chypre, dont il est ici question, à l’an 965 de l’ère des Grecs (653 de J.-C.). Cette divergence entre les deux auteurs syriens s’explique par les paroles d’Ibn al Athir, qui nous dit (loc. laud.) qu’il y avait plusieurs sentiments sur la date de ces invasions des arabes dans l’île de Chypre, et que les uns les plaçaient à l’année XXVIII de l’hégire (25 septembre 648-14 septembre 649), les autres à l’année XXIX (14 septembre 649 - 4 septembre 650), quelques-uns à l’an XXXIII (2 août 653-22 juillet 654) et d’autres prétendant que ce fut seulement dans cette dernière année que Chypre fut soumise.

[194] Abou Al’awar dans Aboulfaradj. Ibn al Athir ne nomme point les chefs arabes qui prirent part, avec Moawiya à la conquête de Chypre. On lit dans cet historien (t. II, fol. 174 v.) : Lorsque, dans cette année, Moawiya envahit l’île de Chypre, il fut secondé par une foule des compagnons de Mahomet, parmi lesquels étaient Abou Daar, Ibadé, fils de Samit, et la femme de celui-ci, Omm-Haram, ainsi qu’Aboul Darda et Shédad, fils de Aws.

Abou Daar mourut l’an XXXII de l’hégire dans l’année qui précéda le combat naval qui eut lieu auprès des côtes de la Lycie entre la flotte des Grecs et celle des Arabes, qui étaient sous les ordres d’Abou Al’awar ou Phélgour, suivant le témoignage de Michel et d’Aboulfaradj. (Voir ce dernier, p. 111, et Ibn al Athir, fol. 193 r. et 195 y.).

L’auteur d’un Traité sur la guerre à faire aux infidèles, imprimé à Boulak, dit que ce fut Ibadè ben Essàmit qui fut envoyé à Chypre par Moawiya. Moawiya fut le premier qui fit des expéditions maritimes. Il envoya Ibadé ben Essàmit contre Chypre. Celui-ci était accompagné de sa femme Omm Haran.

[195] Le colosse de Rhodes était une statue d’Apollon ou du soleil élevée par les habitants de cette île, trois cents ans avant notre ère, comme un trophée commémoratif du siège qu’ils soutinrent contre Démétrius. Ce colosse avait soixante dix coudées de haut. Michel donne le nombre de cent sept, mais sans ajouter le nom de la mesure, omis sans doute par le copiste. Le colosse de Rhodes, après être demeuré en place pendant cinquante cinq ans, fut renversé par un tremblement de terre et les fragments restèrent pendant huit siècles gisant sur le sol faisant supposer, d’après les paroles de Michel et d’Aboulfaradj, qu’il en restait encore debout une partie que les Arabes achevèrent de renverser.

[196] Il y a, dans notre manuscrit, Marouth, mauvaise leçon que le texte d’Aboulfaradj, où on lit Aroud, m’a aidé à rectifier ; ce sont l’île et la ville d’Aradua.

D’après Aboulfaradj (p. 110), Moawiya prit la ville d’Aradus dans l’île de ce nom ; et, en l’année 965 de l’ère des Grecs (654 de J.-C.), Abou Al’awar s’empara de l’île de Cos, puis de Crête et enfin de Rhodes.

[197] Glose. Je crois qu’il faut lire : l’île de Côs.

[198] Kermanigé ou Kermanig. Cermanicia ou Marasch, dans la Cilicie, à vingt lieues nord-est d’Anazarbe. Cette ville, appelée aussi Banicia et située dans la Lycanitis, est aujourd’hui le chef-lieu d’un gouvernement considérable. Elle faisait partie, à l’époque des Croisades, du royaume de Léon, ainsi appelé du nom de plusieurs princes arméniens de la dynastie Roupénienne, dont le premier parvint à la couronne vers le commencement du XIIe siècle. Il est fait mention de cette ville dans Tchamitch, t. III, p. 6.

[199] C’est saint Maxime qui, après avoir été premier secrétaire d’Héraclius, embrassa la vie religieuse dans le monastère de Chrysopolis, près Chalcédoine, dont il devint plus tard abbé. (Cf. Fleury, Hist. eccl., liv. 38, § 35-41.)

[200] Agathos monta sur le trône pontifical en 678 ou 679. — On pourrait inférer du récit de notre auteur, que Maxime vivait encore à cette époque mais ce serait une erreur, car il était mort en 662. Michel a voulu dire seulement que les doctrines professées par Maxime de son vivant, c’est-à-dire la croyance à deux volontés en Jésus Christ furent examinées par le pape Agathon.

[201] Ce fut en 680 indiction IX, que ce concile, le sixième œcuménique, fut ouvert ; il se tint à Constantinople et fut terminé l’année suivante. Il décida qu’il y avait en Jésus-Christ deux volontés et deux opérations, comme deux natures.

[202] L’an 966 de l’ère syrienne, et 95 de l’ère des Arméniens, (cette année 95, d’après les calculs de notre auteur, commençant en 659), correspondent à 65 de J.-C. L’an IX du règne d’Othman s’étend de la fin de 653 sur une très grande partie de l’année 654 L’année 37 de l’hégire (19 juin 657-9 juin 658) est donc ici une erreur de chiffre qu’il faut rectifier d’après les trois indications précédentes. Ainsi, l’incendie de la flotte de Moawiya eut lieu dans cours de l’avant-dernière année du khalifat d’Othman. Lebeau recule à tort cet événement jusqu’à l’an 685. (Liv. LX, § 18.)

[203] Cette flotte était destinée, suivant Aboulfaradj, contre Constantinople. Les flottes grecque et arabe se rencontrèrent près du mont Phénix, nommé aussi mont Olympe sur les côtes de Lycie. Ce combat naval eut lieu en 655, et Aboulabar commandait les Arabes. (Théophane, p. 228. Lebeau, liv. LX, § 18.)

[204] Cette interprétation du nom de Thessalonique est fondée sur un jeu de mots : donne la victoire à un autre.

[205] Othman fut tué, au rapport d’Aboulféda (t. I, p 279), le 18 de daou’l-hidjé de l’an XXXV (15 juin 656) et Ali déclaré khalife le même jour, suivant quelques-uns ou au bout de cinq jours, suivant d’autres.

[206] Ceci est une erreur de Michel. La Syrie, après la mort d’Othman, tomba au pouvoir de Moawiya ; il suspendit la chemise ensanglantée d’Othman à la chaire de la mosquée de Damas et souleva les Syriens contre Ali. Celui-ci avait établi le siège de son empire à Coufa. Ce fut plus tard, l’an 38 (9 juin 558-29 mai 659) de l’hégire, qu’Amrou ben el Asy soumit l’Egypte à Moawiy (Abulfed., Annal., t. I, p. 279).

[207] Aboulféda raconte différemment le meurtre d’Ali : Trois kharedjites, Abd er-Rahman, fils de Moldjem, le Mouradite, Amrou, fils de Becr, et Borak, fils d’Abd Allah, que quelques-uns nomment Hedjadj, ces deux derniers de la tribu de Taym, se réunirent et, voulant venger la mémoire de leurs frères tués à Nahrawan et rendre la paix au pays troublé par les guerres des deux khalifes rivaux, se concertèrent pour les assassiner. Abd er-Rahman, qui s’était chargé d’Ali s’adjoignit Wardan de Taym-er-Rôbab et Schehib, fils d’Aschdja’. Les conjurés tombèrent sur Ali au moment où il se rendait à la mosquée pour présider à la prière publique. Il expira quelques instants après, le 17 de ramadhan de l’an XL (24 janvier 661), après avoir occupé le khalifat pendant quinze ans (lunaires) moins trois mois (Abulf., Annal., t. I, p. 333-339).

Michel omet dans la série des khalifes, Haçan, fils d’Ali, qui succéda à son père dans l’Irak ; mais au bout de quelques mois, l’an XL (commencé le 5 mai 641) il se soumit à Moawiya. Il régna suivant quelques auteurs, cinq mois et demi, suivant d’autres, six mois et quelques jours, ou, suivant une troisième version, un peu plus de sept mois.

Après l’abdication d’Haçan. Moawiwa fut reconnu khalife par tous les Arabes.

[208] Dix-neuf ans, suivant Aboulfaradj. C’est le temps pendant lequel Moawiva occupa seul le trône du khalifat, c’est de 661 à 680. Son règne, comme souverain de l’Égypte, avait commencé en 656 ce qui forme en tout vingt-quatre ans.

[209] Constant fut tué le 15 juillet 668.

[210] Constantin IV Pogonat, qui régna dix sept ans, de 668 à 685.

[211] On compte trois expéditions des Arabes en Afrique, depuis qu’Amrou s’était rendu maître de la Cyrénaïque et avait porté ses armes sur les frontières de la Tripolitaine. Ces expéditions entreprises sous Constantin II, et dans les premières années du règne de Constantin IV, eurent lieu, la première en 648, la seconde en 665, et le troisième en 670. Michel les a confondu, en une seule, après laquelle il place l’échec éprouvé par les Arabes dans l’Asie Mineure, en 668. (Voyez la note suiv.)

[212] Ces événement sont racontés différemment par Aboulfaradj (p. 111) : L’année, dit-il, qui suivit l’invasion des Arabes en Afrique, ils saccagèrent la Lycie et la Cilicie. Étant revenus ravager la Lycie, trois patrices romains fondirent sur eux, les vainquirent et leur tuèrent trente mille hommes. Les Arabes, en 657, s’étaient rendus maîtres d’Amorium, ville de Galatie, sur le fleuve Sangaris. L’hiver suivant, l’eunuque André, ministre de Constantin, fils de Constant, qui gouvernait Constantinople en l’absence de son père, passa le Bosphore surprit de nuit Amorium et passa au fil de l’épée cinq mille Arabes qui s’y trouvaient en garnison. (Lebeau, LX, § 40)

[213] Aboulfaradj prétend que cet homme était charpentier (p. 114).

[214] Baalbek ou Héliopolis, ville de Syrie.

[215] C’est le feu grégeois appelé naphte par notre auteur parce que cette substance formait la base de sa composition.

[216] Il est ici question, sans aucun doute, du premier siège de Constantinople par les Arabes. Il commença au printemps de 673. N’ayant pu s’emparer de cette ville malgré leurs efforts, prolongés de cinq mois, ils se portèrent sur Cyzique qu’ils prirent et où ils se cantonnaient chaque printemps ; ils sortaient de là pour renouveler leurs assauts contre Constantinople. Ce siège dura jusqu’en 679, sans que les Arabes pussent venir à bout de leur entreprises et eut l’issue la plus funeste pour eux. Michel, ainsi que les autres historiens, ne nous apprennent rien sur ce siège mémorable.

[217] L’année 989 de l’ère des Grecs ou Syriens (677 de J.-C.).

[218] Voici comment Aboulfaradj raconte cette invasion (page 114) : Constantin envoya des soldats, romains rebelles ou satellites qui sont appelés par les Syriens, audacieux. Ils occupèrent le pays depuis le mont de Galilée jusqu’à la montagne Noire et tout le Liban.

Suivant l’opinion du chroniqueur Eutychius, les Maronites étaient les sectateurs de Maroun, moine ou abbé, qui vivait au temps de l’empereur Maurice et qui, tout en reconnaissant, contre Eutichès deux natures en Jésus-Christ, admettait qu’il n’avait eu qu’une seule volonté et une seule opération. Les maronites ou monothélites, ayant été condamnés par le sixième concile œcuménique tenu a Constantinople sous l’empereur Constan-tin Pogonat, en 681 ils furent chassés de la plupart des villes de Syrie et obligés de se retirer dans les montagnes du Liban et de l’Anti-Liban (D’Herbelot, Bibl. orient., au mot Maroan). Cédrénus, dans ses Annales, parle de cette occupation du Liban par les Mardaïtes ou maronites ; on peut consulter aussi Théophane, p. 235. — Le témoignage d’Eutychius sur l’origine des maronites a été combattu avec raison, puisqu’il fait remonter jusqu’à Maurice la naissance du monothélisme, qu’aucun auteur ne place avant Héraclius. Il est à présumer qu’une fraction de ce peuple s’était écartée des doctrines orthodoxes c’est à cette fraction seulement qu’il faut appliquer ce que racontent à ce sujet Michel, Aboulfaradj, Cédrénus et Théophane. Le nom de rebelles ou Mardaïtes, qui est un mot arabe leur fut donné, dit-on, par l’empereur, parce que ces peuples, se voyant abandonnés par la cour de Constantinople au milieu des invasions des Arabes en Syrie, s’étaient choisi un chef particulier. Une autre opinion que l’étymologie arabe du mot Mardaïte rend plus vraisemblable, leur fait imposer cette dénomination par les Arabes, qui se regardaient par droit de conquête comme maîtres légitimes de la Syrie, et qui considéraient les populations réfugiées dans le Liban pour se soustraire à leur domination, comme une agrégation de rebelles.

[219] Cette étymologie du nom des Géorgiens est tout à fait erronée. Ce peuple a pris son nom de Georges, un de ses rois.

[220] Michel veut parle ici de la prise de la ville de Hadath sur les Maronites après un siège de sept ans, par les Arabes, qui la rasèrent entièrement, vers l’an 679.

[221] Moawiya mourut dans le mois de redjeb de l’an 60 (mars 680) ; son fils Yézid, lui succéda le même mois de la même année.

[222] Yézid mourut le 15 de rabi premier, l’an 64 (12 novembre 683), après un règne de trois ans et demi suivant Aboulféda (t. I, p. 399) de trois ans et huit mois suivant Aboulfaradj.

[223] Aboulféda raconte sous la date de l’année 66, commencée le 7 août 685, l’insurrection de Mokhtar, fils d’Abou Obéid, le Thakhafite, qui voulait venger le meurtre d’Hossein. Il s’empara de Coufa et parvint à mettre à mort les principaux auteurs de ce meurtre. Afin d’en imposer à la crédulité du vulgaire, il faisait porter, sur une mule, une litière dans laquelle il prétendait qu’était contenu un objet sacré pareil à l’arche des Israélites. Mo’sab, ayant été nommé gouverneur de Basra par son frère Abd Allah ben Zobéir, khalife de la Mecque, marcha contre Mokhtar et, après un combat sanglant l’obligea à se renfermer dans la citadelle de Couffa où il l’assiégea et où Mokhtar périt, ce qui arriva dans le mois de ramadhan de l’an 47 (avril 687). (Cf. Reiskii, adnot. ad Abulf. Annal., t. I, p. 95)

[224] Il y a une faute dans le texte arménien de notre manuscrit. Aboulfaradj fournit la véritable leçon, qui est Aptela (Abd Allah), il le nomme, Abd Allah bar-Zobéir. (Cf. note 165).

[225] Moawiya II, qui fut reconnu khalife en Syrie le jour même de la mort de son père Yezid. Son règne, dit Aboulféda, fut de trois mois ou, suivant d’autres, de quarante jours, au bout desquels il abdiqua. Aboulfaradj lui donne quatre mois environ de règne. En même temps que Moawiya montait sur le trône, on proclamait khalife à La Mecque, Abd Allah ben Zobt lequel exerça le pouvoir pendant neuf ans, jusqu’au mois de djoumada second de l’an 63 (novembre 692).

[226] Michel veut parler de Merwan, fils de Hakem, khalife en 685. Il périt étouffé par sa femme, le 3 de ramadhan de l’an 65 (3 avril 685), après avoir régné neuf mois et dix huit jours. Suivant Aboulféda, le jour même de sa mort, son fils Abd el-Malek lui succéda.

[227] À la mort d’Abd Allah ben Zobéir, l’Hedjaz, le Yémen et l’Irak reconnurent la domination d’Abd el-Melek (en 691) par l’acquisition de provinces, celui-ci se trouva maître de tout l’empire arabe.

[228] Justinien II, monta sur le trône l’an 997 de l’ère des Grecs (685 de J.-C.) et qui l’occupa pendant dix ans jusqu’en 695.

[229] Le traité qu’avait fait Justinien II avec le khalife Abd el-Melek portait une clause secrète par laquelle l’empereur s’obligeait à délivrer les Arabes des incursions continuelles des Mardaïtes. Celui-ci envoya son général Léonce avec des présents et une lettre affectueuse vers Jean, chef de cette nation. Léonce, l’ayant invité un festin, le fit assassiner, puis ayant calmé par des présents ou intimidé par des menaces, les maronites indignés, il choisit douze mille des plus braves, sous prétexte que l’empire avait besoin de leurs secours, et les dispersa dans la petite Arménie, la Thrace et la Pamphylie. (Lebeau LXII, § 2.)

[230] Kesoun ou Keson, ville de la Syrie euphratésienne, limitrophe du canton de Marasch, près de Behesdin, Pendenessus

[231] Michel compte dans la série des khalifes Abd Allah ben Zobeir dont le règne fut en grande partie contemporain de celui d’Abd el-Melek, qui régnait à Damas.

[232] Il y a dans le texte d’ Aboulfaradj : Mohammed, émir de l’île Kardou. Kardou autrement appelée Beth-Zabde, est une île du Tigre qui renfermait une ville du même nom, à 12 milles au nord de Mossoul. C’est la Bizabde ou Bizabda d’Ammien Marcellin : elle a donné aux pays environnants, situés sur les rives du Tigre, le nom de Zabdicène. (Cf. Assemani)

[233] Ville de l’île de Chypre.

[234] En comparant Aboulfaradj avec notre auteur, on voit que le chiffre de l’ère syrienne 1005 = 695 de J.-C. est donné par ce dernier exactement mais qu’il y a erreur de copiste dans le troisième chiffre de l’année de l’ère arménienne. Au lieu de 137, il faut lire 133 c’est-à-dire 694 de J.-C.

[235] Le mot Les Pouscherigs, désigne à ce que je crois la plaine de Possène, auprès d’Antioche, où avait eu lieu en 638 entre les Arabes commandés par Yésid et les Grecs guidés par le général Nestorius la bataille qui livra cette ville aux premiers. Hattun, qui vivait vers la fin du XIIIe siècle, rapporte qu’on voyait dans ce lieu des ossements amoncelés (Lebeau, LVIII, § 53).

[236] Cette année commença le 2 mai 694.

[237] Léonce régna depuis l’an 695 jusqu’en 698, pendant près de trois ans.

[238] Absimare Tibère, qui était préfet de la Cilicie, et qui s’assit sur le trône impérial de 697 à 703.

[239] Ce pourrait être un château avec un petit bourg situé dans l’Asie Mineure, non loin d’Amasie, aujourd’hui Samsoun-kalé. (Indjidji, Descr. de l’Arménie moderne, p. 31.) — Les succès contre les Arabes attribués ici par Michel à Tibère II, furent le fait de l’un de ses généraux, Héraclius.

[240] Michel commet ici une erreur en substituant le nom d’Abd Allah à d’Abd el-Melek. Hedjadj et Mohammed étaient deux généraux au service du khalife le témoignage d’Aboulféda et d’Aboulfaradj ne laisse aucun doute sur ce point.

[241] C’est Hedjadj, fils de Yousouf, qui fut gouverneur pendant vingt ans des deux Irak et du Khoraçan, ou suivant Aboulfaradj (p. 117), de toute la Perse et de l’Arabie.

Il mourut l’an CXL de l’hégire (713-714 de J.-C.) (Cf. le règne d’Abd el-Melek dans Aboulféda, Annal., t. I, p. 409-437)

[242] Aboul Kassem Mohammed fils d’Ali, fils d’Abou Thaleb, connu sous le nom de Ibn Hanefia ; Aboulféda, id., p. 425 Il fut rétabli par Abd el-Melek préfet de la Mésopotamie, de l’Assyrie, de l’Arménie et de l’Aderbidjan. (Aboulfaradj, p. 117.)

[243] Plusieurs seigneurs de la petite Arménie formèrent le complot de massacrer les garnisons arabes que Baane avait laissées dans le pays et l’exécutèrent. Ils députèrent ensuite à l’empereur et reçurent des troupes romaines. (Lebeau, LXII, § 29). C’est là ce qui provoqua la vengeance de Mahmed ou Mohammed.

[244] Nakhdjawan écrit aussi Nakhitchewan, ou Nakhtchouan, province du pays de Vasbouragan au nord. Comme elle fut le siège du gouvernement des princes de la famille de Sisag de Siounik, quelquefois on trouve, dans les auteurs arméniens, cette province mentionnée comme faisant partie du pays de Siounik. D’autres fois ce nom est pris dans un sens plus étendu, et le Nakhdjawan est prolongé jusqu’au pied du mont Masis. (Tchamitch., t. III).

[245] Les Ananiens sont les trois jeunes hébreux : Ananie, Misaël et Azarias, qui furent jetés dans la fournaise ardente à Babylone par ordre de Nabuchodonosor, et qui furent conservés miraculeusement au milieu des flammes. (Daniel, chap. III)

[246] Même erreur que précédemment c’est Aptelmelek, Abd el-Melek qu’il faut lire.

[247] Athanase appelé Bar-Goumi. Abd el-Melek ayant en son jeune frère Abd el-Aziz en Egypte lui adjoignit Athanase comme conseil et administrateur. (Aboulfaradj, p. 118).

[248] Ce fut à Édesse qu’Athanase fit élever un magnifique temple à la sainte Vierge. Il en fit bâtir deux autres à Fostat en Egypte (Aboulfaradj, p. 118)

[249] Eukhadia ou Eukhaites, village de celle des deux provinces du Pont, à laquelle les Romains donnent le nom de Pont Polémoniaque. Ce lieu était aussi appelé Ablata, nom sous lequel il est mentionné par Ptolémée (Géographie) ainsi que par notre auteur, passim, qui l’écrit quelquefois Ablastha. S. Théodore, qui fut officier général dans l’armée de l’empereur Licinius, vers le commencement du IVe siècle était originaire d’Eukhaites. Il souffrit le martyre en 319 ; sa mémoire est célébrée le 7 février. (Cf. les Bollandistes, ce jour. p. 23 et suiv.)

[250] C’est l’image de Jésus-Christ qui fut envoyée par le Sauveur lui-même, ce qu’assure la légende, au roi Abgar ; Athanase la déposa dans le baptistère qu’il éleva à Édesse. (Aboulfaradj, p. 118.)

[251] Le khan des khazars, maître de tous le pays qui bordent les Palus Meotides, tenait alors sa cour dans la ville de Dore, dans l’ancienne Gothie, vers le bord occidental de Palus. Lebeau dit qu’il fit épouser à Justinien sa sœur, nommée Théodora, mais que, gagné par l’or de Tibère, il trahit son beau-frère et voulut le faire périr. Celui-ci eut recours à Terbel, roi des Boulgares qui lui donna un corps de 15.000 Boulgares et Esclavons, avec lequel Justinien revint à Constantinople dont il se rendit maître. (Lebeau LVII, § 30-33.)

[252] L’année 1017 de l’ère grecque ou des Syriens suivant Aboulfaradj (p 119). 705 de J.-C.

[253] Il y a ici erreur dans l’une des deux dates du synchronisme donné par notre auteur. L’année 1011 des Syriens correspond à 699 de J.-C. et l’année 148 de l’ère arménienne suivant le système de Michel, à 707, chiffre qui se rapproche, à deux ans près de celui qui est fourni par Aboulfaradj. (Cf. note précédente.) On peut croire que le copiste a substitué le chiffre 8 au 6. Dans ce cas il faudrait lire 146 de l’ère arménienne et en même temps 1017 de l’ère des Syriens, comme porte le texte d’Aboulfaradj, ce qui nous donnerait 705 de J.-C. Lebeau fixe la date de 701, LXII, § 26

[254] Mamouesdia, Mamesdia ou l’ancienne ville de Mopsueste ou Mésis dans la Cilicie.

Cette ville avait été détruite dans les guerres des Arabes contre les Maronites. Ce fut le général Abd Allah qui en releva les murs.

[255] Walid Ier proclamé khalife vers le milieu du mois de schéwal de l’an LXXXVI (octobre 705), régna suivant Aboulfaradj, neuf ans et cinq mois.

[256] Le même auteur attribue cette expression des Arméniens à Philippique Bardane, successeur de Justinien II ; les Arméniens recueillis par les Arabes devinrent leurs alliés contre les Romains

[257] Je crois que c’est le chef dont Aboulfaradj nous dit qu’il se nommait Mo’adh, prince des Arabes Taglibites, qui professaient le christianisme. Ayant refusé, malgré les instances de Mohammed, d’embrasser l’islamisme, celui-ci le fit jeter dans une citerne pleine de boue. Après l’en avoir fait retirer, il employa les séductions les plus pressantes pour le gagner ; mais, comme il lui opposait toujours les mêmes refus, Mohammed le fit mourir. (p. 119)

[258] Danaia ou Tyane nommée dans la retraite du jeune Cyrus, ville de la Cataonie qui a eu rang de métropole dans la Cappadoce seconde. (D’Anville, Géogr.)

[259] Daranda et Daranta autrement Analibla ou Daranalis, aujourd’hui Derindeh, ville de la seconde Arménie de l’Arménie Mineure. L’Euphrate est resserré entre deux montagnes qui forment le passage de ce fleuve au travers du mont Capotes ou Kepouh, comme l’écrivent les Arméniens. (D’Anville, ibid., p. 71.) La prise de Tyanr et de Daranda par les Arabes eut lieu dans deux expéditions différentes, dont la première est de 709 et la seconde de 710.

[260] Djérdjoum, forteresse de la Cilicie dont la position m’est inconnue.

[261] Podandus, aujourd’hui Podando, ville de la Cappadoce, lieu décrié dit d’Anville, par le désagrément de sa situation enfoncée dans les montagnes qui forment un défilé donnant passage de la Cataonie dans la Cilicie. (Géo anc., t. II. p. 6)

[262] L’an 1022 de l’ère des Grecs, ou 711 de J.C. — Philippique régna deux ans et six mois suivant Aboulfa-radj. Lebeau lui donne dix sept mois environ de règne.

[263] Antioche ad Pisidium, ce qui veut dire aux confins de la Pisidie, est assez fréquemment citée comme ville de la Pisidie même, ainsi qu’on le voit dans notre auteur, et elle devint en effet métropole de la seconde Pisidie c’est aujourd’hui Ak-Schehr ou ville blanche. (D’Anville, ibid., p. 5) — Les deux expéditions des Arabes contre Amasie et contre Antioche sont fixées, l’une à l’an 712 et l’autre à 713.

[264] Depuis l’an 7133 jusqu’à l’an 716, pendant deux ans et cinq mois, ou, suivant notre auteur, pendant deux ans. Anastase, avant son couronnement, se nommait Artémius et était premier secrétaire d’État.

[265] Soleyman fut reconnu khalife aussitôt après la mort de son frère Walid dans le mois de djoumada second de l’an XCVI (février - mars 713). Il mourut dans le mois de safar de l’an XCIX (septembre - octobre 717), après deux ans huit mois de règne (Aboulfaradj, t. I, p. 37) ou deux ans et cinq mois suivant Aboulfaradj.

[266] Les Galates. A cette époque la Galatie était partagée en deux provinces ; cette division datait du règne de Théodose Ier qui avait élevé Pessinonte au rang de métropole d’une seconde Galatie, surnom Salutaris. (D’Anville, Géo anc., t. II, p. 58.) Les Arabes ravagèrent ce pays sous le commandement de Moslema.

[267] En 716.

[268] L’an 1029 de l’ère des Grecs. — 717 de J.-C. suivant Aboulfaradj.

[269] Cette expédition des Arabes eut lieu sous la conduite de Moslema, frère du khalife Soleyman. Aboulféda (t. I p. 434) en fixe la date à l’an XCVI (715-6 de J C.)

[270] Il y a dans le texte Pracmia, mais c’est une faute ; on doit lire Pergame, ville de la Mysie dans l’Asie Mineure.

[271] On lit dans notre manuscrit un mot qui est peut-être Sardes, ville de la Lydie. Au lieu de ce nom, le texte d’Aboulfaradj porte Rhodes (p. 121).

[272] Le khalife Soleyman partit lui-même pour aller presser le siège de Constantinople, l’an XCVIII (commençant le 26 août 716.) Il s’arrêta dans la plaine de Dabek, en Syrie non loin de Kinnesrim, d’où il envoya des troupes à son frère Moslema et l’ordre de ne se retirer qu’après s’être emparé de Constantinople. (Aboulféda, t. I, p 434.)

[273] L’édition du texte d’Aboulfaradj publiée par Bruns et Kirsch porte un mot que les traducteurs n’ont pas rendu dans leur version. Kirsch, note 130, croit que ce mot peut signifier chaussure ou quelque chose d’analogue. Le texte de Michel montre qu’il faut lire Boulgares.

[274] L’expression zehet est l’arabe qui signifie celui qui s’éloigne des choses mondaines pour se consacrer à Dieu, ce mot se trouve commenté et expliqué par les paroles d’Aboulfaradj : Il y avait avec les Arabes, dit-il, trente mille soldats qui faisaient la guerre à leurs frais, et dont quelques-uns étaient disposés combattre dans la voie de Dieu. Ils s’appelaient dans leur langue (p. 121). Cette demi-dénomination est l’arabe qui désigne celui qui va faire la guerre en volontaire aux infidèles. (Cf. M. Reinaud, De l’art militaire des arabes au moyen âge, dans le Journal asiatique, cahier de septembre.)

[275] On lit dans le texte arménien : contre toutes les fortifications de la ville. Le copiste a inséré fautivement le mot qui semble indiquer que le mot doit être pris comme un nom commun et dans le sens ordinaire de lieu fortifié ou place forte. Mais c’est ici un nom propre, comme on le voit par le texte d’Aboulfaradj (p. i) où on lit : C’est Amorium (Amoria ou Amour), ville de la Galatie. C’est là que l’empereur Théodose avait, au dire de ce chroniqueur, renfermé les parents de Léon, ce qui explique pourquoi celui-ci vint assiéger cette ville. Suivant le même auteur, les habitants épouvantés les lui rendirent, tandis que Michel raconte que ce fut Théodose qui les lui renvoya. Dans le même temps, le khalife Soleyman avait mis le siège devant Chalcédoine, afin d’empêcher les approvisionnements d’arriver à Constantinople.

[276] Léon III, l’Isaurien, couronné le 25 mars 717.

[277] Ce fut dans les premiers mois de l’année XCVIII (23 août 716 - 14 août 717), que les Arabes levèrent le siège de Constantinople. Lebeau a reculé, à tort, d’une année, ce siège qu’il fait commencer le 15 août 717 et finir l’année suivante à pareil jour. Il résulte de l’enchaînement des fait, rapportés par Michel, que ce fut quelque mois après l’avènement de Léon III que les Arabes se retirèrent, par conséquent en 717, et, comme il ajoute qu’ils partirent en apprenant la mort du khalife Soleyman survenue, d’après Aboulfaradj (voir note 206), en septembre - octobre 717, c’est donc vers cette époque de l’année 717 qu’il faut placer la levée du second siège de Constantinople par les Arabes.

[278] Omar II cousin germain du côté paternel de Soleyman et fils d’Abd el-Aziz ; il occupa le trône depuis octobre 717 jusqu’en 720 ; son règne dura deux ans et cinq mois, suivant Aboulfaradj (p. 23), qui retarde son avènement et qui place sa mort dans le mois de schebat en 1034 de l’ère des Grecs, 722 de J.-C.