L'AMIRAL DE COLIGNY

TROISIÈME PARTIE

 

CHAPITRE III.

 

 

Coligny, chef des protestants. — Mort de d'Andelot. — Ravages et atrocités des religionnaires. — La bataille de Moncontour et la retraite des Dix-Mille. — Nouvelles négociations. — La paix de Saint-Germain (1570). — Coligny se retire à La Rochelle.

 

Battus à Jarnac comme ils avaient été battus à Dreux et à Saint-Denis, les huguenots perdaient encore beaucoup par la mort de Condé. Mais ils étaient loin d'être domptés, car l'affaire n'avait été qu'une suite de petits combats où la plus grande partie de leurs troupes n'avait pas été engagée. C'était une escarmouche plutôt qu'une bataille, disent-ils eux-mêmes ; aussi ils écrivirent en Angleterre pour présenter les choses sous un jour favorable (17 mars)[1], et l'amiral se retira à Saintes avec d'Andelot. Il pouvait venger l'ignominie faite au corps du prince, dit Hotman, sur ceux de plusieurs des plus puissants et qualifiés de l'ennemi, et leur rendre la pareille. Il estima, au contraire, qu'il devait garder les droits de la nature et de l'humanité et les observer constamment[2]. — Il concentra ses troupes à Tonnay-Charente et y eut une entrevue avec Jeanne d'Albret, accourue sitôt la nouvelle de la mort du prince. La reine de Navarre présenta son fils comme chef à l'armée protestante, et tous jurèrent sur l'âme, honneur et vie de ne jamais abandonner la cause[3]. Mais si Jeanne d'Albret, ne pouvant se mettre à leur tête, avait donné un chef nominal aux protestants, c'était Coligny qui devait commander et mener les troupes. Il était arrivé à ses fins. Il était chef des huguenots, investi de l'autorité par l'assentiment général, tant que l'on reconnut, dit Varillas, que la mort de Condé n'était advenue que pour mettre dans tout son lustre les mérites de l'amiral. Il fit d'ailleurs adjoindre au prince Henri de Bourbon le fils de Condé, tenant, à titre de parent et d'ami, à voir honorer la mémoire du prince en la personne de l'orphelin[4]. Il chérissait dans le jeune homme, ajoute-t-on encore, le compagnon d'enfance d'un fils qu'il avait perdu à Orléans et le comptait parmi ses enfants d'adoption, — tant que les deux jeunes gens furent appelés les pages de l'amiral. — Il envoya Pardaillan en Angleterre pour rassurer Élisabeth sur les suites de l'affaire de Jarnac et demanda de nouveaux secours dans cette lutte entreprise par quelques particuliers contre les forces de tout un royaume. Les catholiques avaient chanté trop tôt victoire et il convenait de réfuter les faux bruits qu'ils faisaient répandre, aussi bien en Angleterre qu'en Allemagne. D'ailleurs le duc d'Anjou essaya vainement de prendre Angoulême, Cognac et Saint-Jean-d'Angély ; sur la Loire, de même, il tenta inutilement de barrer le passage au duc des Deux-Ponts, que déjà d'Aumale n'avait su arrêter en Bourgogne. Coligny avec d'Andelot, La Rochefoucauld et les jeunes princes, réunis à Saintes, lancèrent un nouveau manifeste[5] pour présenter à leur avantage les faits de la campagne ; ils demandaient encore aux protestants des sacrifices, de l'argent, car ils attendaient 10.000 reîtres, 8.000 lansquenets, 2,500 chevaux, 500 à 600 arquebusiers français et vingt pièces de batterie avec 50 milliers de poudre, des boulets et autres munitions. On disait qu'en Allemagne on tenait prêts de 5.000 à 6.000 chevaux et que les sieurs d'Avantigny, du Breuil et autres de la religion avaient assemblé à Vézelay de 1.000 à 2.000 chevaux et environ 700 hommes de pied qui se joignaient au duc des Deux-Ponts[6]. — D'Andelot, laissant Coligny à Saintes, se rendit en Poitou avec des troupes pour effectuer de nouvelles levées d'hommes et recueillir des subsides ; mais à son retour il fut pris de fièvre avec des symptômes alarmants. Il avait été empoisonné, selon l'éternel refrain des huguenots[7] et le bruit de l'époque pour toutes les morts douteuses. Au moment de l'agonie, il dit à l'amiral : La France aura beaucoup de maux avec vous ; mais enfin tout tombera sur l'Espagnol ! — Il ajouta encore : Je ne rêve point, mon frère, l'homme de Dieu me l'a dit ! — Il s'endormit ensuite de son dernier sommeil (7 mai 1569)[8]. — Mais Catherine qui arrivait au camp pour surveiller les opérations, se réjouit de cette mort qui la délivrait d'un ennemi implacable. Pour Coligny, qui ne perdait jamais une occasion de faire de la morale, il écrivit aux enfants de d'Andelot sous prétexte de les consoler. Il restait seul désormais à la tête du parti protestant, et dans des circonstances où bien d'autres à sa place auraient hésité. Mais il ne doutait jamais de lui-même. Il s'occupa de rejoindre le duc des Deux-Ponts, qui avait déjà passé La Charité-sur-Loire (20 mai) et se portait vers l'armée des huguenots. Il décida d'aller à sa rencontre jusque dans le Limousin. Le 5 juin, il était à Archiac, et les princes, d'un commun accord, réunirent leurs bijoux afin de les envoyer en Angleterre, ayant besoin de 20.000 livres sterling pour payer les Allemands[9]. — L'amiral, entre temps, apprit que son château de Châtillon, qui avait échappé une première fois au pillage et à l'incendie par les ordres du duc de Guise, venait d'être attaqué par les troupes catholiques, pris et saccagé et le mobilier vendu[10]. — Au moment de reprendre la campagne, il eut d'ailleurs la précaution, lui aussi, de faire son testament. Cette pièce curieuse, qui nous a été conservée[11] et sur laquelle les protestants s'étendent encore aujourd'hui en louanges flatteuses était en quelque sorte l'apologie de sa conduite. Coligny voulait s'habiller pour la postérité ; mais c'est bien inutilement qu'il proteste contre les reproches d'ambition et d'avoir pris les armes contre le Roi. — D'Archiac, il alla prendre Nontron (7 juin) qui appartenait à la reine de Navarre mais était alors occupé par les catholiques. Le lendemain, il envoya Montgommery prendre le commandement de l'armée des vicomtes et arrêter les progrès de Montluc et de Terrides qui guerroyaient dans le Béarn. A Chalm, il quitta ses troupes pour se porter au-devant du duc des Deux-Ponts, mais dont il apprit la mort à Escars, près de Limoges[12]. Son lieutenant, Volrad de Mansfeld, commandait à sa place. La jonction des deux armées s'opéra près de Saint-Yriex. — Coligny prit de suite l'offensive et alla culbuter des troupes catholiques, qu'il prit de flanc près de la Roche-Abeille[13]. Ce maigre succès lui donna l'espoir d'arriver à un accommodement qui demeurait l'éternel souhait des huguenots en attendant qu'ils pussent dicter la loi aux papistes, et il voulut éclairer le Roi sur les souffrances des réformés et la justice de leur cause ; il rédigea une requête, signalant les actes odieux qui les avaient forcés à prendre les armes, et les posa en victimes avec Charles IX pour arbitre. — Déjà même, — et c'était probablement la grande raison de cette tentative d'accommodement, il faisait au Roi des ouvertures pour le décider à intervenir en Flandre contre Philippe II, qui demeurait leur plus dangereux ennemi. Mais la requête ne parvint pas ; Coligny ne put la faire remettre, et Charles IX consulté refusa net tout arrangement. Les huguenots ne voulaient pas admettre qu'ils n'étaient pas des belligérants ordinaires et que le premier devoir de la royauté était d'en venir à bout. — Les deux armées avaient besoin de repos. Les protestants toutefois délibérèrent d'attaquer Saint-Maixent, Lusignan et Mirebeau pour nettoyer toute la région des catholiques, puis investir Saumur et gagner un passage sur la Loire ; enfin porter la guerre du côté de Paris sur la fin de l'été et l'automne. — Ils enlevèrent d'abord Lusignan, surprirent Châtellerault. Mais à Poitiers, MM de Guise et Mayenne étaient entrés avec 500 ou 600 chevaux. L'amiral hésitait à commander l'attaque et ne s'y décida que poussé par des gentilshommes qui étaient de la ville. On n'eût pas été fâché non plus de prendre le duc de Guise et cela emporta la majorité. Coligny céda par abnégation. — Le 24 juillet il arriva devant Poitiers ; malgré les sorties des assiégés, on fit brèche dans la muraille et l'on prépara l'assaut. Les pertes étaient grandes des deux côtés ; la dysenterie se mettait parmi les assiégeants ; beaucoup d'officiers se retiraient, et malade lui-même, l'amiral, ne pouvant enlever la place de force, essaya de la famine. Mais en ce moment, il était obligé de pourvoir à la défense de Châtellerault attaqué par le duc d'Anjou. Il se fit emporter en litière et leva le siège de Poitiers[14]. — Le duc d'Anjou se retira pourtant sans accepter la bataille. Coligny, qui manquait de vivres, repassa la Creuse et la Vienne et alla camper à Faye-la-Vineuse. — La guerre devenait féroce, et maîtres d'un bon nombre de villes, les religionnaires chassaient partout, des couvents et des églises, les prêtres, les moines et les religieuses. Après Jarnac, ils avaient pillé Fontgombault, dont les terres avaient été rançonnées et ravagées déjà par l'armée royale ; les cloîtres et sanctuaires de la vallée de la Creuse. Lorsque les troupes du duc des Deux-Ponts arrivèrent dans le Berry, elles brûlèrent les églises de Chalivoy, du Châtelet, les abbayes d'Orsan, du Puy-Ferrand, Notre-Dame de Pouligny, Notre-Dame de Vaudouan et Neuvy-Saint-Sépulcre. La petite ville de Sully-sur-Loire ayant été prise par les troupes de Coligny, trente-six prêtres y furent froidement massacrés ; un grand nombre d'ecclésiastiques, qui avaient cherché refuge dans la place, furent jetés au fleuve[15]. A Angoulême, les huguenots, qui avaient juré d'observer la paix, pendirent le frère Michel Grellet, supérieur de l'ordre de Saint-François, en présence de Coligny et de toute sa troupe qui criaient : Vive l'Evangile ! Ce fut ensuite un lecteur du même monastère, tué après qu'ils lui eurent coupé les testicules. D'un coup de hache, ils fendirent encore la tête du frère Jean Avril, octogénaire, et le jetèrent dans les latrines[16]. — Depuis 1559, d'ailleurs, c'était partout le pillage et l'incendie des églises. A la requête des consistoires, dit Bossuet, il arrivait souvent que les chefs huguenots faisaient enlever les toitures des maisons ; en ordonnaient la démolition ou décrétaient des taxes exorbitantes afin de contraindre les catholiques à embrasser la Réforme[17]. En Beauce, trois cents églises furent détruites ; cinq cents dans les seuls diocèses de Nimes, de Viviers, d'Uzès et de Mende[18] ; sur la surface de la France, cent cinquante cathédrales ou abbayes disparurent, et le mieux c'est que dans leurs ravages et dilapidations, les réformés se vantaient d'exécuter le vœu du Roi[19], — vœu qu'on l'empêchait, disaient-ils, d'exprimer et d'exécuter lui-même[20]. — La Cour s'épouvantait de ces horreurs, et le Parlement, à la requête du procureur général, Gilles Bourdin, rendit deux sentences contre Coligny, — sentences abominables se hâtent de crier les protestants, — qui le décrétaient de prise de corps comme criminel de lèse-majesté, perturbateur et violateur des lois, chef et conducteur de la rébellion faite contre le Roi et l'Etat ; le condamnaient à être pendu et étranglé à une potence en place de Grève, le corps suspendu vingt-quatre heures et ensuite porté à Montfaucon ; et ne pouvant être pris et appréhendé, ses armoiries devaient être traînées à la queue des chevaux, rompues et brisées en signe d'ignominie perpétuelle et ses biens confisqués. La sentence englobait encore les enfants de l'amiral. On promettait même 50.000 écus d'or à qui le remettrait à la justice du Roi, et l'intendant des finances Marillac, dit-on, s'était posté à Limoges, puis à Périgueux, avec la somme[21], prêt à payer le crime. — Mais Coligny ne put être exécuté, alors, qu'en effigie. On fit un homme de paille vêtu de toile teinte de pareille couleur qu'étaient les habits que portait l'amiral, et le visage fait suivant sa portraiture ; on le tira des prisons de la Conciergerie et on le mit sur une t'aie à laquelle fut attachée un cheval, avec un autre cheval à la queue duquel furent attachées ses armoiries ; l'effigie et les armoiries furent traînées en place de Grève, devant l'Hôtel de Ville, où elles furent disposées par le bourreau et laissées là couvertes de boue... Et d'autant que l'effigie de paille se fut gâtée à la pluie, l'amiral fut tiré en peinture en un tableau de bois où étaient inscrits ses nom, surnom, qualités et la cause pourquoi il était condamné, et fut attaché avec une chaîne à la potence et l'effigie de paille portée à Montfaucon[22]. — Le 28 septembre, un nouvel arrêt promit que les 50.000 écus seraient versés à celui qui tuerait Coligny, et il fut ajouté même que l'auteur du meurtre quel qu'il fût obtiendrait grâce, quand bien même il se serait rendu coupable d'un crime semblable à celui qu'on imputait à l'amiral. Les biens de d'Andelot furent confisqués au profit du Roi et ses enfants déclarés ignobles et inhabiles à tenir aucuns états, pour le crime de lèse-majesté au premier chef commis par leur père[23]. Montgommery et le vidame de Chartres furent frappés d'arrêts semblables, l'un pour ses cruautés dans le Béarn, l'autre pour ses intrigues en Angleterre à l'effet d'en obtenir des secours. Les arrêts publiés en France furent ensuite répandus dans toute l'Europe et, en ce qui concernait Coligny, sa charge d'amiral fut donnée au marquis de Villars.

Cependant, il s'apprêtait à résister aux forces du duc d'Anjou, bien qu'elles se fussent beaucoup augmentées et que lui-même se trouvât en mauvaise situation. Le prince d'Orange l'avait quitté pour retourner aux Pays-Bas et lever en Allemagne de nouvelles troupes pour guerroyer contre Philippe II. Beaucoup de ses officiers voulaient s'en aller. Les reîtres et les lansquenets non payés le menaçaient d'une révolte. — Il parvint à les calmer et quitta le 29 septembre Faye-la-Vineuse pour marcher à l'ennemi. — Les deux armées se rencontrèrent près d'un village nommé Saint-Cler, à deux heures de Moncontour. Les protestants avaient 7.000 chevaux environ, 9.000 arquebusiers français et 5.000 lansquenets ; les catholiques 8.000 chevaux, 15.000 hommes de pied y compris 5.000 Suisses, douze pièces de canon[24]. M. de Biron avec 1.000 lances chargea de Mouy venu en reconnaissance avec 300 chevaux et 200 arquebusiers à pied ; les huguenots perdirent là environ 40 à 50[25] chevaux et la plupart de l'arquebuserie. Le tapage des arquebuses et la canonnade engendra un tel étonnement parmi les nôtres, dit La Noue, que sans dire qui avait gagné ou perdu, chacun se retirait demi d'effroi à ce seul bruit qui s'entendait derrière, et sans un passage[26] qui de bonheur retint les catholiques, où ne pouvaient passer plus de vingt chevaux de front, toute l'armée protestante était en déroute. L'amiral rallia les troupes et se firent deux ou trois charges de 1.500 à 2.000 chevaux, et là le comte Ludovic et le comte de Mansfeld se portèrent bien. Les deux armées se mirent en bataille à une portée de mousquet seulement. Personne n'osait franchir le passage pour le péril qui y était. Mais comme les catholiques avaient là leur artillerie et que la nôtre était déjà à Moncontour, ils s'en aidèrent et nous tuèrent plus de 100 hommes dans les escadrons et sans la nuit qui survint, nous eussions plus souffert. — Le lendemain, le duc d'Anjou voulut faire reconnaître le logis de Moncontour et tâter les huguenots ; mais il les trouva aux faubourgs très bien fortifiés, et s'attacha une escarmouche à pied et à cheval. Les protestants voulaient gagner Ervaux et mettre la rivière entre eux et l'ennemi. Mais certains redoutaient une retraite nocturne et firent modifier la résolution prise. L'amiral craignait une mutinerie des reîtres par faute de payement ; trois ou quatre régiments des siens, des pays éloignés, avaient déjà demandé congé. Pour contenir l'armée en devoir et la renforcer, il avait supplié messieurs les princes qui étaient à Parthenay de venir ; ce qu'ils firent et amenèrent environ 150 bons chevaux. Le jour suivant, nous fûmes à cheval dès l'aube pour aller à Ervaux (3 octobre)[27] ayant tous des chemises blanches sur les cuirasses pour mieux nous reconnaître s'il fallait combattre[28]. Mais les lansquenets déclarèrent qu'ils ne marcheraient pas sans argent. Un quart d'heure après, cinq cornettes de reîtres firent de même et avant que le tumulte fût apaisé, il se passa plus d'une heure et demie, dont s'ensuivit que l'on ne put gagner un lieu avantageux, près d'Ervaux[29]. L'ennemi arrivait et les protestants n'eurent que le temps de se mettre en bataille. — L'amiral fit toutefois retirer les princes couvertement et avec une petite suite ; mais beaucoup trop les suivirent, ce qui donna mauvaise opinion de ce qui allait arriver. Le combat dura un peu plus d'une demi-heure et fut toute l'armée huguenote mise à vau de route ; quasi toute l'infanterie fut taillée en pièces, l'artillerie et les enseignes prises, et le comte Ludovic [pour]suivi environ une lieue, lequel fit une belle retraite avec mille chevaux en un corps[30]. Coligny avait reçu en pleine figure un coup de pistolet. II eut encore la force de tuer son assaillant, mais faillit être pris. Les reîtres avec une grêle de balles lui avaient fait perdre l'épée et le baudrier ; la courroie d'en bas de sa cuirasse était rompue et de sa blessure, le sang même ne pouvait sortir, à cause de la visière du casque qui était baissée. Enfin, un jeune gentilhomme normand, Plotinière, qu'il avait nourri page, le tira de la bataille et l'emmena à Parthenay[31]. — Cependant les Allemands, avec Volrad de Mansfeld et Ludovic de Nassau, continuaient la lutte ; ils faillirent même capturer le duc d'Anjou qui fut renversé de cheval à sa troisième charge ; mais une attaque furieuse des Suisses décida de la journée. L'infanterie allemande des protestants fut massacrée à l'exception de 200 hommes. Une partie de l'infanterie française eut le même sort et les débris de l'armée se retirèrent à Parthenay et à Niort, où ils retrouvèrent l'amiral. — La bataille de Moncontour était encore une défaite[32].

Coligny, du reste, ne perdit pas courage, mais plutôt s'employa à remonter le moral de ses capitaines[33]. De nouveau il écrivit en Angleterre et en Allemagne[34] pour demander des secours, et il eut le 5 octobre une entrevue avec Jeanne d'Albret, accourue à la nouvelle de ce nouveau désastre pour l'appuyer de ses conseils. La reine de Navarre retourna ensuite à La Rochelle, dont la garde lui était confiée avec La Rochefoucauld, et l'amiral gagna Saint-Jean-d'Angély, puis Saintes (9 octobre). Les reîtres déjà parlaient de le livrer au Roi ; au camp des catholiques, on le croyait mort ou pris et le gouverneur de Lyon l'annonçait au conseil de Genève[35]. Les vainqueurs et leurs partisans éclataient de joie et le bruit en courut jusqu'à Rome[36]. Mais l'amiral était bien vivant, libre, et s'apprêtait à faire encore parler de lui. — Le duc d'Anjou s'était mis à la poursuite des vaincus et assiégea Niort, défendu par de Mouy, mais qui fut tué par Louviers de Maurevel comme il revenait d'une sortie[37]. Après Niort, les catholiques prirent Fontenay, Saint-Maixent, Châtellerault, Lusignan et assiégèrent Saint-Jean-d'Angély, — qui était défendu par de Piles, et où l'armée s'éternisa. De chaudes discussions avaient lieu entre les chefs sur la direction à donner aux opérations, et les huguenots eurent le temps de se reprendre. Coligny, qui ne savait pas gagner une bataille, — c'était déjà l'opinion de Brantôme[38], savait au moins se relever après la défaite, — empêcher qu'elle ne devînt un désastre. — Profitant de l'inaction des catholiques, il mit La Rochelle en état de défense, assura la protection d'Angoulême et projeta de descendre de la vallée de la Dordogne dans celle de la Garonne, rejoindre les troupes de Montgommery, remonter ensuite le Rhône, arriver à Lyon et de là gagner La Charité, la vallée de l'Yonne et marcher sur Paris. Il savait qu'il s'enfonçait en plein pays huguenot et comptait recruter des partisans à Coutras, à Nérac, à Agen, à Montauban, à Nîmes, Alais, dans le Dauphiné et les Cévennes[39]. Il lui fallait d'ailleurs payer les reîtres avec le sac de quelques villes et bourgs, recueillir les forces de Montbrun, Mirabel et Saint-Romain en Languedoc et Dauphiné, et attendre les secours qui lui étaient promis d'Allemagne par le comte palatin et le prince d'Orange, ainsi que des troupes qui devaient arriver par la Bourgogne. — Il fit de nouveau écrire en Angleterre, pour y demander de l'aide, par les princes de Condé et de Navarre[40]. Il donna ordre à Montgommery de l'attendre à Montauban avec ses bandes et celles des vicomtes et quitta Saintes avec les jeunes princes et 10.000 hommes. — Mais au rapport de François Syrueilh, chanoine de Saint-André de Bordeaux et archidiacre de Blaye, ses troupes étaient dans un si triste état que mille à douze cents cavaliers résolus auraient suffi à les détruire. Ses chevaux n'en pouvaient plus et il en avait laissé plus de mille au bord de la Charente, efflanqués, hors de service, sans parler de tout ce que cahotait la rivière. Sur tout le pays planait la menace de cette nouvelle invasion des Barbares : Sauvons-nous ! criait-on, voici les reîtres de Coligny ![41] — Le 25 octobre, il était à Argentai (Dordogne), où il trouva La Bessonnière qui venait de surprendre Aurillac. Il s'établit dans le Lot inférieur, entre Villeneuve-d'Agen et Aiguillon, occupant tous les points intermédiaires. Les reîtres, écrivait Jean d'Escars, comte de la Vauguyon, à Catherine de Médicis, tiennent tous les passages sur le Lot,Sainte-Livrade, Clairac, Castelmoron[42]. Au rapport des protestants, leurs forces même s'augmentaient à mesure qu'ils s'éloignaient de la Loire, tellement l'entreprise suscitait d'enthousiasme chez leurs coreligionnaires. Coligny alla enlever Aiguillon, au confluent de la Garonne et du Lot ; il s'empara également de Port-Sainte-Marie, à trois lieues d'Agen. Il tenait tout le pays jusqu'au delà de Marmande, pillant, dévastant, mettant chacun à contribution. Montgommery était de l'autre côté de la Garonne, arrivant de Condom et les catholiques s'étaient enfermés dans les villes. Montluc gardait Agen[43] ; Damville était à Toulouse et rompait tous les ponts sur le fleuve. Coligny voulut prendre possession du pays au delà jusqu'à Bazas et Langon ; mais le pont qu'il fit établir fut détruit par artifice des catholiques[44]. Il passa enfin avec des bateaux et porta le ravage à Bazas, à Saint-Justin et jusqu'à Mont-de-Marsan. — D'ailleurs, tandis que l'amiral mettait ainsi à feu et à sang tout le midi de la France et que Montgommery faisait lever le siège de Navarrenx, investi par Terride[45], de nouvelles négociations étaient essayées entre Jeanne d'Albret et Catherine de Médicis, par l'intermédiaire de Damville ; elle fit même offrir à Coligny, s'il posait les armes, le comté de Neuchâtel, aujourd'hui en Suisse, alors en litige entre les maisons d'Orléans-Longueville et de Savoie. On envoya Castelnau et le maréchal de Cossé à la reine de Navarre[46], mais qui ne voulut rien faire sans l'assentiment de l'amiral. Coligny déclina, du reste, les offres qui lui étaient faites ; Un des lieutenants de Piles, La Personne, se présenta également pour prendre ses ordres au sujet de la reddition de Saint-Jean-d'Angély, où l'on venait de conclure avec les troupes du Roi une trêve de dix jours. Charles IX faisait demander par écrit les conditions de la capitulation. Mais au fait, la résistance n'était plus possible. La garnison, composée de 800 hommes de pied et environ 100 chevaux, sortit les drapeaux pliés, posa les armes, et s'engagea à ne point les reprendre de quatre mois. Malgré les efforts des chefs, les assiégés furent dévalisés ensuite comme ils quittaient la porte Matas[47] ; ils finirent par gagner Angoulême, d'où ils se prodiguèrent en réclamations qui restèrent lettre morte, tant que de rage Piles reprit les armes et, bien que poursuivi avec les siens par quatre compagnies de cavalerie, alla rejoindre l'armée des princes. — Coligny était d'ailleurs harcelé par les paysans partout où il passait et pouvait redouter une attaque des troupes royales ; mais la résistance opiniâtre de Saint-Jean-d'Angély lui laissa le temps de se reprendre. Il se remplumait même de ses pertes[48], tant que de Port-Sainte-Marie où il était revenu, il put se mettre en route pour le Quercy, pour Montauban et Toulouse. Montluc voulait décider Damville à envelopper les reîtres, dont pas un n'eût échappé, mais Damville se refusa. — L'amiral arriva à Montauban, ville de huguenots, dont ses troupes pillèrent les environs. De là, il écrivit à son frère Odet, qui put à son tour informer Elisabeth des péripéties de cette expédition extraordinaire[49] et publia une liste de proscription des magistrats et citoyens de Toulouse, ville très catholique où l'on avait exécuté le protestant Rapin, — un messager de paix, disait-on, envoyé par le Roi après la paix de Chartres — et où l'on désigna ceux dont les biens seraient abandonnés au pillage. Il y eut ainsi d'affreux ravages et des massacres infinis. La police, Messieurs du Parlement, disait Coligny, s'établit par le mal comme par le bien[50]. Le bourg de Saint-Aigne, attenant à la ville, fut à peu près détruit et les reîtres tentèrent de brûler le faubourg de Saint-Michel où étaient les parlementaires[51]. La Valette et Damville, cependant, avaient de 400 à 500 chevaux, plus de 6.000 arquebusiers. Mais la plupart des seigneurs n'avaient pas contre les réformés l'animadversion du peuple qui était continuellement houspillé et détruit, et l'on cite ce fait que Damville ayant rencontré Coligny, son cousin, aux environs de Toulouse, les deux chefs causèrent longuement à la vue de leurs troupes ; ils s'embrassèrent même, bien loin de se mettre à combattre, ce que ceux de la ville trouvèrent si mauvais qu'ils se mirent à crier : — Au traître ! — Un religieux dénonça le fait du haut de la chaire, mais Damville le fit arrêter. Un capitoul, poussé par le peuple, réclama la liberté du détenu ; Damville, refugié à l'archevêché, où l'on voulait mettre le feu, en sortit secrètement et se sauva[52]. Les reîtres avaient pillé Montastruc, Saint-Sulpice, Rabastens, l'Ile d'Alby, Gaillac surtout, pays de bon vin, où ils enfoncèrent les caves et vidèrent les tonneaux. Castres tenait pour le parti et fut épargné. Les huguenots descendirent dans le bas Languedoc et la panique fut si grande que Carcassonne, dans le voisinage duquel ils pillèrent Caran, Montpellier encore dévastèrent leurs faubourgs, leurs jardins pour ôter à Coligny l'envie d'y venir. De Nîmes, qui leur était favorable, ils allèrent prendre Marguerittes et Besousse, s'emparèrent d'Uzès, de Sainte-Marie, de La Vacaire, passèrent par Bagnols, Pont-Saint-Esprit, Saint-Julien et Saint-Just. IIs étaient même entrés dans le Roussillon dont ils épouvantèrent la population espagnole ; ils avaient brûlé Terrel, Montferrier, Le Crez et assiégé Lunel. Les troupes royales de Montpellier, les Suisses du pape à Avignon, leur donnèrent une belle camisade ; mais battus, battant, meurtris, harassés, charriant leurs blessés et laissant des morts par centaines, ils arrivèrent enfin entre Viviers et Privas, ayant le Rhône à droite, en face de Montélimar et du Dauphiné[53].

Cependant, informé des négociations entreprises, Coligny avait envoyé à La Rochelle, vers Jeanne d'Albret. Téligny et Beauvais-Lanocle allèrent ensuite trouver le Roi à Angers. Les réformés réclamaient toujours la liberté du culte ; ils voulaient retrouver leurs biens et dignités et demandaient l'approbation de tous les actes, obligations, promesses et traités faits durant les troubles[54]. — Le Roi répondit que la mémoire des choses passées demeurerait éteinte et supprimée comme chose non avenue ; que tous les arrêts, sentences, jugements rendus seraient annulés et les confédérés remis en leurs biens et demeures ; qu'ils ne pourraient être recherchés pour pratiques ni intelligences faites avec les princes et potentats étrangers, ni à cause des traités faits ou contractés durant les troubles ; qu'ils seraient remis en leurs charges et pensions, et pour la religion, pourraient vivre et demeurer paisiblement dans le royaume avec entière liberté de conscience. — Ainsi, à force d'obstination et malgré les avantages remportés par les catholiques, les réformés arrivaient à leurs fins. Cependant, M. Delaborde, qu'il faut toujours consulter dans l'alternative, trouve encore ces conditions dérisoires. Il y avait au reste des restrictions. On ne leur accordait que deux villes de sûreté. Sa Majesté ne permettait pas qu'ils eussent au reste du royaume aucuns ministres, ni qu'il fût fait aucun exercice de religion autre que la sienne. Le Roi ne s'engageait pas non plus à remettre en place ceux qui avaient été privés de leurs charges, données à d'autres contre argent depuis longtemps dépensé et employé à réparer les dommages faits par les calvinistes ; les confédérés, de plus, devaient se départir de toutes alliances ou associations faites avec d les princes, potentats ou communautés hors du royaume ; s'interdire toute contribution ou cueillette de deniers sans l'aveu du Roi ; licencier et faire sortir de France les troupes étrangères dans le délai d'un mois et les payer ; déposer les armes et se retirer en leurs maisons ; remettre enfin entre les mains du Roi les villes, châteaux et places fortes qu'ils détenaient en y laissant l'artillerie et les munitions[55]. Il y avait d'autres clauses encore. Mais les négociateurs, peu satisfaits de ces conditions, demandèrent un délai pour en faire part aux religionnaires et le Roi les fit accompagner par Biron et Malassise. Coligny, de même que son frère Odet de Châtillon, trouvait à dire ; il ne voyait dans les propositions du traité qu'artifice et imposture, — sans doute parce qu'il redoutait de porter la responsabilité des choses advenues. L'ex-cardinal alla jusqu'à dire que ce n'était qu'une fausse paix[56] et l'amiral voulait faire intervenir la reine d'Angleterre, les princes d'Allemagne, comme garants des conditions qu'accepterait le Roi. — Les députés avaient rejoint Coligny à Montréal, à trois lieues de Carcassonne (mars 1570), et de nouveau on dépêcha Téligny et Beauvais-Lanocle, assistés de Brodeau, seigneur de la Chassetière, secrétaire du prince de Navarre, pour revendiquer le droit d'exercer le culte. A entendre les huguenots, ils n'avaient fait la guerre que pour avoir la paix. Ils remirent à Biron une lettre qui ressassait les mêmes prétentions, les mêmes protestations et les mêmes jérémiades[57] et Coligny écrivit personnellement au Roi avec l'outrecuidance de parler encore de son dévouement. II affirmait n'avoir agi que contraint et forcé et souhaitait à Charles IX une prompte réunion de ses sujets qui pût servir à sa gloire[58]. — Ces souhaits étaient, du reste, plus sincères que d'apparence et l'amiral, qui semblait tant s'intéresser au Roi, parlait surtout pour lui-même. — Biron et Malassise retournèrent à la Cour, qui se trouvait alors à Châteaubriant. Jeanne d'Albret écrivait en même temps à Charles IX pour lui remontrer la nécessité de la paix. Mais chacun la voulait à son avantage et l'on rapporte que le Roi eut un accès de colère en écoutant les revendications de Téligny qui demandait pour villes de sûreté Calais et Bordeaux. Il mit la main à sa dague et l'on fut obligé de se jeter entre eux[59]. Enfin, après de longues discussions, il arrêta certains articles que les réformés devaient accepter, — mais excluant toujours la liberté du culte. Il leur renvoya encore Biron et Malassise qui passèrent par La Rochelle afin de s'entretenir avec Jeanne d'Albret et l'assurer, ainsi que les seigneurs et toute la noblesse, que c'était la volonté dernière de Sa Majesté[60].

Les hostilités cependant n'étaient pas suspendues. Coligny voulait passer le Rhône, aller chercher les huguenots du Dauphiné et ensemble gagner les sources de l'Yonne ou de la Seine à travers le Beaujolais et le Morvan. Il tenta d'abord la traversée à Saint-Andréol, entre Viviers et l'embouchure de l'Ardèche. Mais une attaque des catholiques le décontenança. Les protestants purent néanmoins faire passer quelque artillerie et s'emparer du fort de Grane. Ils remontèrent le Rhône jusqu'à la jonction de la Drôme et de l'Ouvèze ; prirent le Pouzin et occupèrent le pays jusqu'à Aubenas. Le fleuve était gardé par quatre frégates couvertes ; mais quand même ils tentèrent le passage, construisirent hâtivement un fort sur la rive gauche et battirent de Gordes, gouverneur du Dauphiné, qui accourait avec des troupes. Ils s'emparèrent ensuite de Loriol ; firent des levées de fantassins dans les évêchés de Gap et de Die, et de Gordes, revenu avec de nouvelles troupes, fut encore battu par Ludovic de Nassau. Le passage désormais était libre ; les huguenots purent franchir le Rhône et remonter par les monts du Forez[61]. — Ils étaient d'ailleurs dans un état lamentable et les contemporains[62] disent très bien qu'il y avait chez eux plus de courage et de ténacité que de force réelle. Les reîtres n'avaient que leur pourpoint et étaient mal armés ; il n'y avait dans la cavalerie que 1.000 gentilshommes qui fussent bien équipés. Tous se ressentaient d'un voyage de trois ou quatre cents lieues, sans une semaine de repos : Ils avaient perdu beaucoup de monde, surtout dans l'infanterie et ceux des religionnaires qu'ils appelaient aux armes dans les pays traversés se refusaient le plus souvent, aimant mieux guerroyer autour de leur clocher que de courir les aventures à la suite de l'amiral. Coligny lui-même, enfin, était fatigué, malade et dut s'arrêter à Saint-Etienne de Forez. — C'est là que le trouvèrent Malassise et Biron qui poursuivaient toujours leurs tentatives d'arrangement. La maladie de l'amiral interrompait toute négociation, au moins momentanément, et indisposait certains qui étaient las de la longueur de la guerre. Les envoyés cependant préférèrent attendre. Le refus fait par le Roi de reconnaître aux réformés le droit d'exercer leur culte rendait d'ailleurs tout accommodement impossible. Chacun se réclamait du vrai Dieu et de sa conscience et l'on annonça seulement l'envoi de nouveaux députés. La proposition d'une trêve fut même repoussée par Coligny, qui désirait fortement la paix, nous dit-on, mais croyait devoir continuer la campagne dans la conviction qu'il ne tirerait rien de la Cour tant qu'il se tiendrait dans les provinces éloignées de Paris. — Il quitta donc Saint-Etienne de Forez à peine rétabli et s'achemina vers la capitale, informant de cette résolution des réfugiés français qui erraient aux environs de Genève et Briquemaut qui guerroyait autour de La Charité. Venez avec nous, leur manda l'amiral. Nous remonterons la Saône par le Beaujolais et le Charolais. Dans quelques jours nous serons à Cluny. Ce pays me connaît. La terre de Coligny n'est pas si éloignée de la Saône[63]. — Briquemaut quitta La Charité, traversa les monts du Morvan, s'empara de Saint-Léonard, près de Chalon-sur-Saône, et rejoignit l'amiral qui s'était avancé par Feurs, Saint-Symphorien, Roanne, Saint-Exmond. Laissant Beaune à droite et Autun à gauche, Coligny s'avança vers Arnay-le-Duc, sur l'Arroux. Il enleva le bourg, détruisit l'église et le prieuré et se fortifia pour attendre l'ennemi, ayant à peine 2,500 arquebusiers montés, 2.000 chevaux et vingt cornettes de reîtres. Il était temps, car les catholiques arrivaient. Ils avaient suivi la route de Poitiers à Bourges et de Bourges dans le Nivernais. Ils avaient de 14.000 à 17.000 hommes, dont 10.000 fantassins, une assez forte artillerie et même des reîtres qui avaient passé dans leur camp après l'affaire de Moncontour[64]. — Deux de leurs batteries incommodèrent de suite les réformés, qui ne purent répondre, ayant laissé leur artillerie dans le Dauphiné. Mais le maréchal de Cossé qui commandait l'armée royale, vieil ami de Coligny, était de plus du parti des politiques qui déplorait cette guerre ; qui préconisait un accommodement et pensait tout obtenir des négociations[65]. Il prit si mal — ou si bien — ses mesures, que la bataille resta indécise (27 juin). L'affaire se passa en charges de cavalerie où les uns et les autres furent à tour de rôle poursuivis. Elle dura sept heures, toutefois, tant étaient acharnés les deux partis[66], et le lendemain l'amiral qui manquait de poudre décampa pour retourner à La Charité[67]. Il se cantonna entre Vézelay, Sancerre et Antrain, au voisinage de sa terre de Châtillon. Il était à bout de ressources, du reste ; Tavannes arrivait par l'Orléanais ; Cossé, malgré l'encombrement de ses bagages et de l'infanterie, par la vallée de la Nièvre. Il se décida enfin à écouter les propositions de Charles IX[68] et de nouveau les négociateurs, Biron et Malassise, se remirent en route. Ils allèrent à Gaillon pour faire entendre au Roi les conditions qu'accepteraient les réformés pour terminer la guerre, — en somme l'exercice public de leur culte admis sur des bases analogues à celles de l'édit de 1562. L'amiral disait d'ailleurs que si le Roi voulait sincèrement la paix, son frère et lui avaient en main de quoi lui faire le plus grand et notable service que sa couronne ni nul de ses prédécesseurs avaient reçu de deux cents ans en deçà[69]. — La suspension d'armes fut enfin conclue le 10 juillet ; les négociations reprirent avec Téligny, Beauvais-Lanocle, Cavagne et La Chassetière pour les protestants, et les conférences se tinrent à Saint-Germain où le Roi venait de se rendre. D'ailleurs, du côté des catholiques, la paix semblait également nécessaire. L'armée des princes leur avait fait tête à Arnay-le-Duc ; la guerre s'éternisait dans le Dauphiné, le Languedoc, et la Gascogne ; le Béarn avait été reconquis par les protestants ; le Poitou et la Saintonge semblaient bien près de l'être. D'autres occasions enfin, secrètes et particulières[70], disposèrent le Roi et Catherine de Médicis à conclure un arrangement. Tous en avaient besoin et les gens de guerre commettaient partout des ravages qui indisposaient jusqu'à l'amiral[71]. — Coligny, du reste, essaya de suite de se rapprocher de Catherine à laquelle il écrivit avec de grandes protestations. La Reine affecta de se montrer touchée d'une telle démarche et dans les négociations entamées parut se prêter à des concessions que certains même trouvèrent excessives[72]. Mais, en fait, le traité fut surtout l'œuvre du tiers parti, Montmorency, Biron, Cossé, les politiques[73], qui voulaient arracher la France aux désastres de la guerre civile, se séparer de l'Espagne et de la papauté. Rien ne prouve du reste que Charles IX n'ait pas été sincère dans son désir d'y mettre fin. Il voulait régner par lui-même et s'affranchir de la tutelle de Catherine, prendre en main le gouvernement. C'était plus qu'il n'en fallait pour l'engager à s'entendre, — au moins provisoirement — avec les huguenots[74]. — Les négociations toutefois traînèrent jusque dans les premiers jours d'août ; le Parlement n'enregistra le traité que le 11[75]. Les protestants obtenaient le droit de continuer le culte réformé aux lieux où il se tenait le 1er août 1570 ; on leur désignait encore les faubourgs de deux villes par province pour y faire leurs cérémonies et le même droit pouvait être attribué à la demeure de tout seigneur haut justicier ; la liberté de conscience était donnée à tous, au moins en lieu privé ; ils obtenaient encore le droit de célébrer les mariages et enterrements à la protestante, une amnistie générale, la liberté des prisonniers, enfin leur réintégration dans tous les biens, charges et honneurs qu'ils avaient possédés avant les troubles. Ils pouvaient encore être admis dans les universités, écoles ou hôpitaux au même titre que les catholiques et l'édit était qualifié de perpétuel et irrévocable[76]. — D'autres déclarations encore étaient faites touchant les princes de Navarre et de Condé, Jeanne d'Albret, le prince d'Orange. La Rochelle, Montauban, Cognac et La Charité étaient enfin accordés comme places de sûreté, pour deux ans (art. 39)[77]. Mais l'arrangement intervenait à point, car Coligny écrivait à la reine d'Angleterre[78] qu'il n'avait pas d'espérance de continuer la campagne et que les affaires étaient réduites à un état douteux et incertain. Les troupes allemandes, en effet, n'étaient pas payées ; on leur devait plus de 300.000 livres. Lorsqu'on alla les reconduire à la frontière, elles se mutinèrent, menaçant d'entraîner les princes et l'amiral[79], qui eut beaucoup de mal à en venir à bout[80]. L'affaire enfin réglée par l'intervention de Charles IX, il se replia sur le Nivernais, et de Luzy écrivit encore au duc de Wurtemberg au sujet des avances qui avaient été faites pour soutenir la cause des réformés. Une autre correspondance s'établissait encore avec le Roi, livré à la haine vivace des fauteurs de désordre et de crime, comme disent les protestants, et de suite il recommença à se plaindre des infractions aux termes de l'édit. — Les catholiques, il est vrai, y mettaient de la mauvaise volonté. On avait pillé la maison du cardinal de Châtillon comme celle de d'Andelot, comme celle de Coligny, dont les papiers et les meubles avaient été enlevés[81]. Bartezieux, qui commandait en Champagne, en réclamait une grosse somme[82]. L'amiral s'adressa à Charles IX et en même temps, soigneux des intérêts de sa famille, il fit remettre la veuve et les enfants de d'Andelot en possession du château de Tanlay, occupé par un intrus. Les reîtres enfin partis sous la conduite du marquis de Renel, il retourna à Châtillon où il visita sa propriété dévastée, et ambitieux avec de grandes allures de désintéressement et d'indépendance, — malgré ce que dit Brantôme, — il se mit enfin en route pour La Rochelle, où il espérait préparer l'expédition de Flandre, dans laquelle il voulait entraîner le Roi et toute la France.

 

 

 



[1] H. DE LA FERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois, p. 239.

[2] Cette assertion est parfaitement controuvée ; l'amiral n'avait pas une telle grandeur d'âme. Après Jarnac, il fit donner la pistollade à deux prisonniers, le baron d'Ingrandes et Louis de Billy, sieur de Voutran, pour venger la mort de Condé. (Revue des questions historiques, t. XXXVIII.)

[3] Dans ses jeunes années, écrivait autrefois Capefigue, Jeanne d'Albret aimait autant une danse qu'un sermon. Devenue huguenote, elle disait à Catherine : Madame, si j'avais mon royaume et mon fils, je les jetterais à la mer plutôt que d'aller à la messe. — En Navarre, ce furent, d'ailleurs, des persécutions terribles. Les prêtres étaient chassés de ses terres, quelques-lins encore plus maltraités, les églises ruinées, les monastères pillés,rigueurs qui firent révolter son peuple et induisirent le pape Pie IV à l'assigner en l'office de l'inquisition. Mais la bulle ne put être fulminée dans son pays ; on se borna à l'afficher dans les carrefours de Rome. Son grand-père avait perdu la plus grande partie de la Navarre ; le reste s'en allait perdre tout à fait si Charles IX ne fût intervenu (1563). — Cf. Ch. BERNARD, Histoire du roi Louis XIII, in-f°, 1646, t. I, p. 150.

[4] Histoire de Charles IX, édit. de 1684, in-12.

[5] State pap. Fr. ; Histoire des princes de Condé, t. II, p. 403.

[6] Lettre d'Elisabeth au duc d'Anjou, 17 avril 1569. Record office Fr., vol. XLV ; H. DE LA FERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois, p. 240 ; lettre d'Elisabeth à Catherine et à Charles IX, Record office Fr., vol. XLV ; DE LA FERRIÈRE, ibid., p. 240. — La reine Elisabeth écrivait pour déplorer des victoires comme celle de Jarnac, qui ne pouvaient qu'affaiblir le royaume et que le Roi ne remportait qu'aux dépens de ses sujets, — attendrissement dont on voit assez le sens.

[7] Lettres de Frédéric le Pieux, t. III, p. 334, Munich, 1868 ; DE THOU ; Correspondance de La Mothe-Fénelon, t. II, p. 8.

[8] Son frère trouve que personne ne l'a surpassé en France, dans la profession des armes, et ne doute pas que les ennemis ne lui rendent ce même témoignage. (Vie de Coligny, 1665.) Le protestant Bordier l'appelle un redoutable homme de guerre (Histoire de France, t. II, p. 64) ; mais c'était surtout un brouillon. — Le bruit de son empoisonnement courut de même au camp du duc d'Anjou et M. Delaborde, sans alléguer une preuve, abonde dans le, même sens, toutefois que d'Andelot semble avoir été emporté par une fièvre pestilentielle. — Son corps, toujours est-il, fut transporté à La Rochelle et déposé dans la Tour de la Chaine. (ARCÈRE, Histoire de La Rochelle.) Son fils le retira en 1579 et le fit porter à La Roche-Bernard. D'après un manuscrit de la bibliothèque de Montauban, il fut ensuite emmené à Nîmes (MÉNARD, Histoire des évêques de Nîmes) et placé dans un tombeau de pierre élevé sur des colonnes, dans la cour de l'ancien hôtel de ville. En 1728 ou 1729, les religieuses du couvent de Notre-Dame du Refuge, alors en possession de l'immeuble, pensèrent que la pauvreté de leur maison provenait de la présence de ce corps hérétique. Une nuit, armées de croix et de chapelets, elles firent descendre le sarcophage et tirèrent le corps d'une caisse de bois où il était, enveloppé de toile cirée avec des aromates ; elles le hachèrent en morceaux et le brûlèrent. Quelques os qu'on retrouva furent ensuite jetés dans les fossés de la place. (Bulletin de la Société du protestantisme, t. III.)

[9] Elisabeth avança 20.000 livres (3 août 1569) au reçu des bijoux, State pap. ; duc D'AUMALE, Histoire des princes de Condé, t. II, p. 90, note 1.

[10] La tour de Châtillon, dite tour de César, encore debout à quatre lieues de Montargis, date des comtes de Champagne (XIe ou XIIe s.) Haute de 26 mètres, elle était autrefois surmontée de constructions en bois qui en doublaient l'élévation et qui furent brûlées par la foudre en 178/1 ; un mur d'enceinte avec bastions aux angles l'entourait. Le château avait été reconstruit par Coligny qui y ajouta une aile. Dans une vaste galerie, des peintres italiens avaient retracé les événements militaires de la famille, et une partie de la décoration était l'œuvre de Jean Goujon, — entre autres deux cariatides qui soutenaient la tablette de la cheminée dans la chambre de l'amiral, et qui furent enlevées en 1810. — Assiégés en 1569 par le maréchal de La Châtre et Martinenge, gouverneur de Gien, les protestants de Châtillon incendièrent la ville et se retirèrent dans le château, où ils durent enfin capituler. On le pilla encore après la bataille de Moncontour, et en 1799, tout fut détruit et rasé par la bande noire. Il reste à peine l'enceinte bastionnée, quelques bâtiments, un puits couvert dont les sculptures sont attribuées encore à Jean Goujon, une porte surmontée d'un bâtiment moderne et trois rangs de terrasses qui formaient une sorte de soubassement au château. La terrasse du milieu, restaurée par le duc de Luxembourg est soutenue par neuf arcades. — Les fortifications de la ville datent du quatorzième siècle. — Cf. Claude CHÂTILLON, Topographie française, 1668 ; BECQUEREL, Souvenirs historiques sur l'amiral de Coligny, 1876 : Annales de la Société historique et archéologique du Gâtinais, t. XV.

[11] L'amiral de Coligny, testament olographe. Bulletin de la Société du protestantisme, t. I, p. 263.

[12] Le duc des Deux-Ponts avait reçu en présent, d'un médecin d'Avallon, du vin de Bourgogne et lui aussi avait été empoisonné. — TAVANNES ; DE THOU. — D'autre part on rapporte qu'il mourut d'une fièvre quarte.

[13] C'était une petite armée d'Italiens commandée par le comte de Santa-Fiore et envoyée par le Pape, mais qui n'était pas de force contre les rudes combattants huguenots.

[14] Lors du siège de Poitiers, un des domestiques de Coligny tenta encore de l'empoisonner. Il fut condamné à mort et exécuté (20 septembre 1569). On montre encore sur les dunes, à l'est de la ville, un rocher dit Rocher de Coligny, derrière lequel s'abritait l'amiral pour observer la ville investie.

[15] L. SAUSSAYE, Annales ecclésiastiques, 1615. — Déjà, en 1563. Bayeux avait cru se racheter moyennant 10.000 livres. La ville fut quand même pillée et saccagée par les troupes de Coligny. (HERMANT, Histoire du diocèse de Bayeux, p. 410.) Cf. dans les Archives curieuses de l'histoire de France, les horribles cruautés des huguenots en France (1562-1566), t. VI, et Articles présentés le 19 août 1563 à Messieurs les commissaires députés par le Roi, par l'évêque et les chanoines de Bayeux, dans Histoire sommaire de la ville de Bayeux, par M. BÉZIERS, chanoine du Saint-Sépulcre. Bibl. nat., L R 7, 798. — Mais immanquablement, lorsqu'on rappelle ces faits, les protestants d'aujourd'hui s'écrient qu'on est mal renseigné ou que les témoignages invoqués ne méritent aucune créance.

[16] Michel Grellet prédit à Coligny qu'il aurait le sort de la reine Jézabel, meurtrière des prophètes. — Le frère Pierre Bourreau, docteur en théologie, fut pendu à un arbre près des remparts, après avoir été retenu huit mois en prison. Les protestants avaient enfermé dans une maison trente catholiques, attachés deux par deux et que l'on privait de nourriture dans l'espoir qu'ils se dévoreraient entre eux. Ils y moururent de faim. D'autres furent attachés à des cordes fixées au plancher et sciés en deux ; d'autres fixés à des pieux et brûlés lentement par derrière. A Chasseneuil, proche Angoulême, un prêtre eut les mains plongées dans un vase de cuivre plein d'huile bouillante, tant que la chair se détacha des os ; ils lui versaient encore cette huile chaude dans la bouche et le criblèrent de coups d'escopette. Dans la paroisse de Rivières, un autre eut le menton fendu pour lui arracher la langue ; un autre encore la peau des pieds arrachée avec un fer brûlant. Le vicaire de Fougue-brune fut attaché à des bœufs qui traînaient une charrue et frappé à coups d'aiguillon et de fouet. D'autres furent torturés par les ordres du capitaine Piles ; un des huguenots se fit un collier avec des oreilles de prêtres et se vantait de cet exploit devant les chefs. Ils coupèrent les oreilles, les narines et arrachèrent les yeux à d'autres ecclésiastiques qui célébraient l'office, et à un autre, ils ouvrirent le ventre, le remplirent d'avoine et le firent servir de crèche à leurs chevaux. A Angoulême encore, Coligny faisait attacher des moines et des religieuses à des poutres enduites de soufre auxquelles on mettait le feu. (Intermédiaire des chercheurs, 15 décembre 1901.) MÉZERAY (Histoire de France) compte ici 120 personnes torturées. Ailleurs, l'imagerie du temps nous montre un combat contre une nef remplie de moines qui sont presque tous jetés à l'eau ; puis des femmes et des vieillards égorgés et mutilés, un ermite qui a les pieds enferrés comme un cheval de bataille. C'étaient les habitudes des protestants, nous le savons déjà, et M. H. Bordier, qui signale si âprement les atrocités de la réaction catholique, évite aussi soigneusement, selon le système de ses coreligionnaires, de rappeler ce que les huguenots faisaient à l'occasion ; il ne voit dans la révolte du peuple que la rancune pour le tort économique. — Le capitaine Piles, dont il est question plus haut, est montré au moment de la Saint-Barthélemy, s'écriant : Est-ce donc là cette parole que le Roi nous a donnée ; les promesses, la paix qu'il nous a promise. — Cet assassin trouvait extraordinaire d'être expédié du coup de hallebarde qu'on lui donna dans le côté. — Cf. H. BORDIER, la Saint-Barthélemy et la critique moderne.

[17] BOSSUET, Variations, liv. X.

[18] On sait quels massacres furent les Michelades de Nîmes (MESNARD, Histoire de Nîmes, t. V). A Saint-Macaire, en Gascogne, les huguenots fendirent le ventre à plusieurs prêtres et arrachèrent lentement leurs entrailles enroulées à des bâtons. Dans le même lieu ils en enfouirent vivants un grand nombre et tuèrent à petits coups les enfants des catholiques. — En 1569, Montgommery, ayant capturé la plupart des seigneurs catholiques du Béarn, leur avait garanti la vie sauve par les clauses d'une capitulation formelle. Il les enferma au château de Pau et le 23 août leur fit servir une collation durant laquelle ils furent tous poignardés sous prétexte des ordres de Jeanne d'Albret, qui ne voulait pas qu'on fit grâce à des sujets rebelles. — D'AUBIGNÉ, Histoire, liv. V, chap. XIX ; SPONDE, Ad. ann., 1569. — Mais on n'en finirait pas de tout citer. Nous renvoyons au travail de M. J. ROUQUETTE, sur les Saint-Barthélemy calvinistes, Paris, 1908, qui indique très bien que la tuerie de Nîmes précéda de cinq ans la Saint-Barthélemy comme d'autres massacres huguenots à Montpellier devancèrent de six mois celui de Vassy.

[19] Coligny soutenait contre l'évidence même qu'il avait affaire à une faction et qu'il combattait au nom du Roi — ce qui était toujours le bon prétexte des protestants et un arrangement commode qui leur donnait toute liberté d'action.

[20] DARESTE, Histoire de France, t. IV, liv. XXIV, p. 188. — S'il est impossible, nous le répétons, de tout mentionner, on peut rappeler encore toutefois la destruction de la cathédrale de Saintes ; de l'église abbatiale de Saint-Jean-d'Angély ; en 1562, le pillage et la dévastation de Poitiers. Pour les atrocités des huguenots, voir le Théâtre des cruautés des hérétiques de notre temps, dans MÉZERAY, t. II ; les noms des victimes sont conservés par les chroniques locales ; Archives curieuses de l'histoire de France, 1re série, t. VI.

[21] Mémoires de Condé, t. I. p. 209 ; Mémoires de Claude Haton, t. II, p. 565.

[22] Mémoires de Condé, t. I, p. 211.

[23] BRANTÔME, t. I, p. 457.

[24] TAVANNES, Discours de la bataille de Moncontour (Revue de Champagne et de Brie, 1878).

[25] Deux cents hommes, selon Tavannes, qui donne à de Mouy trois ou quatre cornettes de cavalerie française, deux de reîtres et quelques gens de pied ; mais ce fut toujours le système des protestants de dissimuler leurs pertes.

[26] Un défilé ou peut-être une rivière, la Dives ; le texte de La Noue manque ici de clarté.

[27] Le second jour, le duc d'Anjou avec son armée alla loger à Maizé, proche les ennemis, la rivière de Dives entre deux, laquelle ne se pouvait passer. Par l'avis des capitaines, il résolut d'aller à eux au-dessous de la source d'icelle rivière, à la plaine de Moncontour. (TAVANNES, op. cit.).

[28] LA NOUE, édit. Buchon, p. 328-330.

[29] LA NOUE, édit. Buchon, p. 328-330.

[30] LA NOUE, édit. Buchon, p. 328-330.

[31] Il savait, dit Brantôme que s'il venait à être pris, infailliblement il eût été tué de sang-froid sur le champ de bataille ou qui est le plus certain, exécuté par le glaive de la justice.

[32] La bataille de Moncontour avait coûté 8.000 hommes aux protestants. — et selon d'autres textes, 10.000 ou même 12.000 hommes.

[33] Coligny avait son franc parler et la main prompte comme tous les gens de l'époque. Après Moncontour, raconte encore Brantôme, le sieur de Genlis le jeune, qu'on appelait Yvoy, voulut prendre la parole au nom de tous en disant : Eh ! Mort-Dieu, qui eût pensé qu'aussi vous eussiez donné la bataille si légèrement. — Comment, dit M. l'Amiral, et petit capitaine de merde, osez-vous contrôler mes actions ?Et lui voulut donner de l'épée, etc. (T. I, p. 459.)

[34] Il faut lire dans Vieilleville les intrigues employées dans le but d'obtenir l'intervention des princes d'Allemagne en faveur des réformés.

[35] Lettres du duc d'Alençon, 5 et 7 octobre. Bibl. nat., mss. fr. 3178, 164-165.

[36] Archives de Genève, n° 1879.

[37] Maurevel fut quand même félicité par Charles IX, accouru à l'armée pour ne pas laisser à son frère toute la gloire d'enlever la ville et qui se déshonora en lui faisant donner le collier de son ordre. On sait que c'est le même Maurevel, le tueur du Roi, comme on l'appelait, qui tira sur Coligny le 22 août 1572. — C'était un ancien page du duc de Lorraine, qui avait dans son enfance tué son gouverneur et s'était enfui en Espagne. En 1569, il avait obtenu des lettres d'abolition et s'était offert pour tuer Coligny pendant la guerre. La Cour avait accepté ses services et lui avait facilité les moyens de se rendre au camp huguenot. Mais il manqua d'audace, et tombé dans la misère fut recueilli par de Mouy qu'il assassina.

[38] Edit. Lalanne, t. IV, p. 319.

[39] Mémoires de Castelnau, liv. II, chap. XII.

[40] Octobre 1569 ; Bulletin de la Société du protestantisme, t. XI, p. 350 ; LA FERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois, p. 248.

[41] Chronique de F. SYRUEILH ; Archives historiques de la Gironde, t. XIII.

[42] Documents inédits sur l'histoire de l'Agenais, publiés par TAMISEY DE LARROQUE, p. 131.

[43] Quand il traversa le Périgord, l'amiral commanda des représailles contre les paysans qui avaient massacré les traînards de l'armée de Mouvans (BRANTÔME).

[44] Archives historiques de la Gascogne, fasc. VI : Commentaires de MONTLUC, liv. VII ; Fr. COMBES, la Retraite des Dix-Mille de l'amiral Coligny (Lectures faites à la Sorbonne, 1885, t. II).

[45] Montgommery recevait par mer l'argent et les secours de l'Angleterre ; il battait les catholiques à Navarrenx, à Orthez, et hors de Béarn, à Saint-Sever (MONTLUC, Commentaires).

[46] Après la bataille de Moncontour, l'armée catholique avait été remise au maréchal de Cossé, frère de Brissac, mais qui lui était bien inférieur comme capacités et d'ailleurs à demi huguenot. Charles IX, qui avait rejoint ses troupes, s'en retourna lorsqu'il apprit la retraite des protestants et de l'amiral : — Ils fuient, s'écria-t-il, et gens qui fuient ne sont pas gibier de Roi. LACRETELLE, Histoire des guerres de religion, t. III ; MONTLUC, Commentaires.

[47] DE THOU, Histoire universelle, t. IV, p. 232.

[48] Mémoires de Jean d'Antras.

[49] Record office. Fr., vol. XLVI ; LA FERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois, p. 250.

[50] BRANTÔME, t. I, p. 458.

[51] Les dégâts furent évalués à 4 millions d'or (Archives de la Haute-Garonne, Registre des Edits, f° 242).

[52] Mémoires de Jacques Gaches. Edit. Ch. Pradel, 1879 ; Histoire du Languedoc, liv. XXXIX.

[53] La Retraite des Dix-Mille de l'amiral Coligny, dans Lectures historiques à la Sorbonne et à l'Institut, etc., par Fr. COMBES.

[54] Bibl. nat., mss. fr. 3239, f° 17.

[55] D'Angers, 4 février 1570.

[56] Lettre de Châtillon à lord Cecil ; LA FERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois, p. 254-256.

[57] Bibl. nat., mss. fr. 2229, f° 4.

[58] Bibl. nat., mss. fr. 6621, f° 100 ; lettre datée de Montréal, 11 mars 1570.

[59] Bibl. nat., mss. fr., 3188, f° 23.

[60] LA POPELINIÈRE, Histoire, liv. XXI, f° 66.

[61] Fr. COMBES, op. cit.

[62] D'AUBIGNÉ, Histoire, liv. V ; DE THOU.

[63] DE THOU, liv. XLVII.

[64] Suivant d'autres textes, les catholiques avaient 4.000 Suisses, 6.000 fantassins français et 3.000 chevaux, tant français, qu'allemands et italiens.

[65] Cossé écrivait au Roi que l'amiral n'avait pas un seul homme qui ne fût à cheval ; qu'il ne traînait charrettes, bagages ni canons et qu'il conseillait aux siens d'en faire autant pour le joindre. (Bibl. nat., mss. fr. 15552, f° 22, lettre du 14 juin 1570, de La Ferté-aux-Moines.)

[66] L'amiral, nous dit-on, se souvenant de la bataille de Dreux, n'osa poursuivre plus avant les catholiques. Fr. COMBES, op. cit.

[67] Bibl. nal., mss. fr. 15552, fa 104 ; LA NOUE, op. cit., chap. XXIX.

[68] 6 juillet. Bibl. nat., mss. fr. 15552, f° 114.

[69] Dépêche de La Mothe-Fénelon, annexe, 15 juillet 1570.

[70] M. DELABORDE, op. cit.

[71] LA NOUE, op. cit.

[72] Lettre du 29 juillet, datée de Neufwy : Bibl. nat., mss. fr. 3193, f° 41.

[73] Correspondance de Walsingham, 27 août 1570, t. I, p. 226. — Les partisans de la préméditation avancent que c'est de cette époque qu'aurait été arrêté, dans l'idée de Catherine, le massacre de la Saint-Barthélemy (DE THOU, liv. IV, p. 328), de concert avec Birague et les trois frères de Gondi. LE LABOUREUR (Additions aux Mémoires de Castelnau, t. II) dit également que le complot était formé entre Catherine, le duc d'Anjou, le cardinal de Lorraine et d'autres ministres. Il n'est aucunement parlé du Roi. — Le projet du massacre a été reporté, d'autre part, on l'a vu, à l'entretien de Bayonne (Fr. COMBES, Catherine de Médicis et le duc d'Albe à Bayonne ; Lectures à la Sorbonne et les auteurs qu'il cite.)

[74] Record office. Fr., vol. 48 ; LA FERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois, p. 261-262.

[75] C'est cette paix de Saint-Germain qui fut appelée la paix boiteuse ou malassise, par allusion au boiteux Gontaut-Biron et au sieur de Malassise, qui l'avaient négociée.

[76] Le Pape, on le sait, ne fut pas consulté pour la paix de Saint-Germain, et même on agit contre ses prières et ses menaces. On se borna à lui représenter la force des choses ; on affirma qu'on n'avait pas cessé d'être soumis au Saint-Siège, et Charles IX déclara surtout qu'il était libre de faire ce que bon lui semblait. Le Pape, cependant, se plaignait en disant qu'on avait imposé un traité honteux par lequel les hérétiques, vaincus, imposaient des lois abominables, infâmes et pernicieuses. (Lettres de Pie V, Paris, 1826, p. 92.) Philippe II essayait de même de faire avorter les négociations ; mais la sincérité de Charles IX est attestée par ses négociations avec l'Angleterre, malgré les difficultés soulevées par les Guise, le Pape, le roi d'Espagne. Le parti des politiques, Cossé, Damville, Montmorency, triomphait ; c'était la politique de L'Hospital, une sorte de compromis donnant satisfaction aux huguenots et qui délivrait la France de la tutelle espagnole (WALSINGHAM). Ce fut le même parti qui fit le mariage de la reine Margot, malgré les intrigues de Philippe II et de l'Italie.

[77] Bibl. nat., mss. fr. 15552, F. 202. — On donnait en somme aux réformés toutes les garanties et sûretés refusées à la paix de Longjumeau, tant que Montluc put s'écrier : Nous avions battu et rebattu nos ennemis ; mais ils avaient si bon crédit au conseil du Roi, que les édits étaient toujours à leur avantage. Nous gagnions par les armes, mais eux gagnaient par ces diables d'écritures. Commentaires, liv. VII, p. 390, édit. Buchon.

[78] Record office, vol. XLVIII ; LA FERRIÈRE, le Seizième siècle et les Valois, p. 262.

[79] Lettre de Castelnau au Roi, 27 août 1570. Bibl. nat. ; mss. fr. 15552, f° 236.

[80] Lettres de Catherine à Castelnau et lettre de Charles IX ; 18, 22 août, 1er septembre 1570 ; Bibl. nat., mss. fr., VO Colbert, 471, f°. 33-49. — Les reîtres furent payés le 9 septembre.

[81] Bibl. nat., mss. fr., V° Colbert, 24, f° 223.

[82] Lettre du 22 août, mss. V° Colbert, vol. 7, f° 205.