L'AMIRAL DE COLIGNY

DEUXIÈME PARTIE

 

CHAPITRE VI.

 

 

La paix religieuse. — Le siège et la prise du Havre.

 

La mort du duc de Guise jetait la Cour dans un embarras terrible, car aucun chef n'était capable de le remplacer. Pour Montmorency, Catherine, outre ses vieilles rancunes, le tenait en si piètre estime qu'elle écrivit au duc de Wurtemberg pour lui offrir l'administration du royaume, avec un pouvoir absolu[1]. En même temps, elle se rapprochait de Condé et eut une conférence de quatre heures, à Saint-Mesmin, avec sa femme, à laquelle elle fit espérer qu'après arrangement le prince, outre la liberté, aurait le même rang que le roi de Navarre[2]. Mais la question était toujours la liberté du culte calviniste. Ces dames finirent par conclure à une entrevue du connétable et du prince, sur la Loire, pour conférer entre eux. On voulait profiter de l'éloignement de l'amiral pour arranger les choses et, en effet, Condé, circonvenu, était sur la pente des faux calculs et des faux ménagements, comme parlent les historiens du parti. L'entrevue eut lieu dans l'He-aux-Bœufs, le 7 mars ; fut reprise le lendemain, et finalement le connétable l'emporta ; la Reine d'ailleurs se mêla à la discussion, et l'on convint que l'édit de janvier ne pouvait être maintenu. Les ministres protestèrent et au nombre de soixante-douze remirent même au prince leur avis par écrit. Condé passa outre, se fiant à des promesses vagues de Catherine joint qu'il y en avait qui ne demandaient qu'à retourner en leurs maisons à quelque prix que ce fût. Un édit, dit édit de pacification, fut ainsi arrêté le 12 mars et enregistré au Parlement le 27. La Reine permettait aux seigneurs ayant haute justice et fief de haubert l'exercice libre et public de la religion dans toute l'étendue de leur seigneurie, et dans les villes où le culte calviniste existait déjà. Un prêche était accordé pour chaque bailliage et sénéchaussée, ruais on exceptait les villes de la prévôté de Paris[3]. La paix, en somme, était faite ; Condé déclaré quitte et bon parent, l'amiral et les autres seigneurs de leur association loyaux sujets du Roi. Mais le mécontentement de la population d'Orléans, paraît-il, fut extrême. Coligny, qui avait quitté la Normandie, où il avait pris le château de Caen, Evreux (5 février 1562), et d'ailleurs la plus grande partie de la province, et où Montgommery avait remis Dieppe sous l'obéissance et service de Dieu et du Roi, arriva le blâme à la bouche (23 mars)[4], espérant dicter les conditions de l'arrangement. II était devenu par le fait le véritable chef des huguenots et voulait surtout le maintien de l'édit de janvier[5]. Condé dut lui faire valoir qu'on lui avait promis l'état du roi de Navarre, son frère, et qu'avec le concours de la Reine, il lui donnerait satisfaction. L'amiral alla à Blois voir Catherine, qui lui fit un accueil empressé. La Reine connaissait le prix et l'influence d'une flatterie habile et célébra le retour de Coligny comme un bonheur public ; il y eut grandes caresses, chères et contentements, mais, de fait, il n'obtint que des substitutions de villes pour l'exercice de la religion, — et encore cela ne fut guère qu'en papier en plusieurs endroits[6]. — Il tint cependant à ce qu'on informât les princes d'Allemagne et la reine d'Angleterre de l'arrangement pris, et écrivit même à Elisabeth qu'un article du traité, qui parlait de l'expulsion des étrangers, ne la concernait pas. Le 1er avril, Catherine fit son entrée à Orléans avec le prince de Condé, le cardinal de Bourbon, l'amiral, L'Hospital, revenu de sa terre de Vignay, le connétable, Montpensier, Bourdillon, Sipierre, — et le lendemain retourna à Blois. Le chancelier fit encore appel à la conciliation, demandant comme Coligny, pour arriver à la paix définitive, un saint, libre, général ou national concile. Les offenses et condamnations, en attendant, étaient abolies et les réformés rentraient dans leurs biens, honneurs, états, charges et offices, le prince de Condé en tête. Le gouvernement eut même, paraît-il, la condescendance de prendre sur les biens du clergé, afin de renvoyer chez eux les Allemands que les sectaires avaient fait venir. Mais Catherine avait hâte d'en terminer : — Nous avons vu, écrivait-elle au cardinal de Lorraine, tant de mal se préparer à l'entière ruine de ce royaume par les levées qui se faisaient en Allemagne ; les menaces de ceux de l'Empire, sur la restitution de Metz, dont nous ne savons encore ce qui sortira ; les Anglais étendre si avant leurs desseins que déjà la Basse-Normandie était quasi n leur disposition ; le château de Caen perdu ; noire royaume épuisé comme vous pouvez savoir ; nos amis si froids et dont les desseins sont aussi à craindre ; tout cela amassé ensemble et mis en bonne considération a été cause que nous avons pensé qu'il valait mieux conserver le Roi et le royaume que de l'exposer à un véritable danger par l'introduction de tant d'étrangers.

Elle croyait peu, en somme, à la conciliation[7]. Elle-même était décidée à battre en brèche l'édit d'Amboise, qui n'était qu'une trêve ; à prendre résolument parti contre la horde ambitieuse et malfaisante des huguenots qu'elle avait si longtemps ménagés. Mais elle profita de ce répit de la querelle religieuse pour reprendre Le Havre, que les sectaires avaient mis entre les mains des Anglais et contre lequel elle entraîna (l'enthousiasme toute la France.

A son retour de Normandie, passant à Mortagne, Coligny avait été rejoint par Middlemore, agent d'Elisabeth, qui venait savoir les conditions de la paix[8]. La reine d'Angleterre soupçonnait les huguenots de vouloir traiter pour eux et non pour elle[9] ; et de fait, Charles IX lui écrivit de suite pour lui annoncer la conclusion de la paix et la mettre en demeure de lui restituer le grand port de la Manche[10]. — Mais ni Coligny ni d'Andelot ne semblaient disposés à prendre les armes contre les Anglais ; il fallait donc essayer des négociations et c'est par là que commença Catherine ; elle comptait bien qu'Elisabeth s'obstinerait. Elle laissa Condé et Coligny adresser Briquemaut en Angleterre, sans toutefois lui confier un pouvoir officiel, et l'envoyé des protestants demanda la restitution du Havre et l'observation du traité de Cateau-Cambrésis, à la grande colère de la Reine, qui déclara qu'elle retiendrait Le Havre jusqu'à ce que Calais lui fût rendu[11]. Briquemaut ne lui cacha pas qu'elle devait s'attendre à la guerre. — Ce furent ensuite le jeune d'Alluye, arrogant et présomptueux, et La Haye qui furent envoyés (3 juin) ; Thomas Dannet, qui vint trouver Catherine ; mais Elisabeth finit par avouer qu'en prenant Le Havre, elle avait surtout voulu avoir un gage pour la restitution de Calais. L'ambassadeur Thomas Smith, également, demandait Calais et proposa un arbitrage que Catherine refusa, déclarant même que les principaux chefs protestants lui conseillaient de marcher sur Le Havre. — L'amiral, mandé par la Reine, s'était mis en route, mais ne dépassa pas Essonnes. Il y eut un entretien avec Condé et Middlemore, qui insistait toujours pour qu'on reconnût aux Anglais le droit d'occuper Le Havre. L'amiral, prudemment, répondit qu'Elisabeth n'avait aucun grief sérieux à formuler si l'argent prêté lui était rendu[12], et avec une évidente mauvaise foi déclara d'ailleurs qu'il n'avait jamais promis Le Havre, ne le pouvant faire contre les droits de Sa Majesté. Il récrimina ensuite contre Elisabeth, qui l'appelait le plus dissimulé des hommes, ambitieux voulant, sous prétexte de religion, se faire roi et maître absolu. Mais il n'alla pas rejoindre les troupes. Condé, sermonné d'autre part par l'ambassadeur Smith, écrivit en Angleterre, sans d'ailleurs aucun résultat[13]. Il ne restait plus qu'à mettre les Anglais dehors.

Les réformés, qui s'étaient emparés du Havre à peu près dans le même temps qu'ils se saisissaient de Rouen et de Dieppe, pillant et saccageant les églises, s'y livrant à des mascarades d'oripeaux religieux et à des parodies de la messe, avaient appelé eux-mêmes, on l'a vu, les secours de l'étranger. De Beauvoir, lieutenant pour Coligny, et le nouveau conseil de ville s'inquiétant de l'activité des troupes royales, avaient fait armer des compagnies franches, réunir des approvisionnements et des munitions. Elisabeth se fit livrer les forts, l'artillerie, et mit au Havre le comte de Warwick, avec des forces qui lui parurent suffisantes, de 6.000 à 7.000 hommes. Les habitants les accueillirent d'enthousiasme, dans la croyance qu'ils venaient secourir Charles IX, détenu par les Guise, et jurèrent fidélité à la Reine. — Le nouveau gouverneur fit aussitôt réparer et compléter les fortifications. La ville était fermée au nord et au sud-ouest par deux longues murailles, — celle du nord se développant entre deux bastions ; celle de l'ouest partant du second bastion et aboutissant à la Tour[14] ; on avait continué ce système à l'est en même temps que la ville s'était agrandie par la création du quartier Saint-François. De ce côté, Le Havre s'étendait jusqu'au delà des Barres, vers l'Eure, sur le terrain qui comprit plus tard la Citadelle. Il y avait six bastions et Warwick fit construire en outre un fort à quatre bastions dans le quartier de Percanville, pour assurer ses communications avec la plaine de l'Eure et gêner les attaques de ce côté, dont le terrain était d'ailleurs semé de criques et de fondrières, avec des barrages permettant d'inonder les abords de la place. Le côté d'Ingouville, enfin, n'était qu'un mare-rage. Mais le réduit était la grosse Tour, défendue par une tranchée qui se soudait au rempart, à l'endroit dit l'Ecluse, et avait été garnie d'artillerie sur tout son parcours. En somme, la place était beaucoup moins forte que les Anglais ne l'avaient cru et ils avaient bien à faire pour la mettre en état. — Warwick avait demandé 2.000 pionniers ; on lui en envoya 300, et encore les travaux furent interrompus, faute d'argent et par suite de maladies[15]. Les exhalaisons des terrains remués engendraient la peste, qui décimait la garnison et, en quelques jours, les Anglais avaient perdu 2,500 hommes. Le gouverneur avait expulsé les papistes et même les huguenots réfugiés dans la ville à mesure que s'accentuaient les progrès des troupes royales[16] et fait saisir sur la côte de Normandie, pour éviter une attaque par mer, tous les vaisseaux qu'il put trouver. Ses troupes étaient l'écume des garnisons d'outre-Manche et traitaient la ville en pays conquis, forçant les magasins, saccageant les maisons[17]. — L'armée française, cependant, approchait, catholiques et protestants unis dans la même haine de l'Angleterre. Déjà, elle avait repris Caudebec ; Richelieu, avec huit enseignes, occupait Caen ; le capitaine Hémery était à Honfleur. Dès le 22 mai, le Rhingrave, qui avait pris position entre Montivillers et Barfleur, surveillant les mouvements des troupes anglaises, interceptant les communications et les vivres qu'on était obligé de faire venir par eau, fit avancer des troupes contre un nouveau fort et s'établit à Ingouville ; après une vive escarmouche, il dut se retirer ; mais une autre attaque eut lieu du côté de la mer, où étaient les fortifications de la digue, et où furent tués environ 150 hommes. Le vieux maréchal de Brissac était arrivé pour prendre le commandement des troupes ; il avait environ trente enseignes de Français, trente-sept de Suisses, quarante canons et 4.000 pionniers. Charry devait lui amener encore vingt autres enseignes. Le 5 juin, des attaques furent conduites contre le fort Warwick et le boulevard de Sainte-Adresse. Les Suisses, établis dans le village de l'Eure et aux environs, avaient dressé une batterie sur le rivage, leurs canons menaçant l'entrée du port, et le Rhingrave avait établi une autre batterie de sept pièces balayant tout l'espace entre le rempart et la grève, malgré les retranchements élevés par les Anglais, dont la grande digue était loin d'être terminée. Avec cela, la garnison diminuait de jour en jour ; la peste y faisait de tels ravages que nombre de capitaines restaient avec 10 ou 12 hommes valides dans leur compagnie ; 1.200 hommes de renfort étaient annoncés, mais n'arrivaient pas ; le Rhingrave tirait nuit et jour, gênant le travail des tranchées, canonnant les navires qui approchaient du port ; l'eau fraîche faisait défaut par suite des conduites coupées ; la bière même manquait, et les malades et blessés n'arrivaient pas à avoir de la viande fraîche ; on laissait les corps des morts dans les maisons sans les enterrer, et le 11 juillet, on dut constater que la peste redoublait ses ravages. — Du côté des Français, on pressait les travaux, car des ingénieurs envoyés pour examiner la place et les fortifications craignaient qu'il ne fallût beaucoup de temps pour en venir à bout. Des galères, qui descendaient la Seine, leur amenaient en abondance les munitions et les vivres[18]. Par des tranchées ouvertes au pied de la Côte, ils pouvaient battre le rempart, de la porte d'Ingouville au bastion de Sainte-Adresse, et canonner les retranchements élevés par les Anglais entre le boulevard et la mer. Les Français cherchaient surtout à s'emparer de l'entrée du port et le clocher de Notre-Dame fut démantelé par l'artillerie[19]. Les renforts arrivèrent enfin aux Anglais, mais la plupart de nouvelles recrues et quand même ils ne purent mettre en ligne plus de 2.000 hommes.

La Cour, cependant, s'était mise en chemin pour venir au siège ; elle séjourna à Mantes jusqu'au 4 juillet, retardée par une indisposition du Roi, puis passa par Gaillon, où Catherine donna audience à l'ambassadeur Smith, qui essayait de nouvelles négociations. La Reine le laissa parler et continua sa route. A Louviers, Charles IX manda les ambassadeurs des puissances étrangères et leur déclara que les Anglais lui ayant pris Le Havre, il tenait à y entrer par force[20]. En même temps Catherine ordonnait à Matignon, qui commandait en Basse-Normandie, de redoubler de vigilance pour éviter un débarquement de l'ennemi. — Le 21, le connétable était arrivé au siège avec les maréchaux de Montmorency et de Bourdillon et grand nombre de gentilshommes. Il descendit à l'abbaye de Graville, puis alla se loger à Vitanval, après s'être rendu compte des travaux. Le lendemain, il vint à la tranchée et envoya sommer les Anglais par un trompette. Sur un refus courtois de Warwick, qui fit apporter du vin et but même avec les assaillants, le connétable fit battre furieusement les défenses de la tour ; on tira même à travers la porte du Perray et le long de la courtine, ce qui étonna fort les Anglais, vu la difficulté de loger l'artillerie en des tranchées de pierres et de gravois, — lesdites tranchées n'étant couvertes que de sacs de laine ou de sable mouillé par la marée. — La défense, d'ailleurs, faiblissait. Les Anglais finirent par mettre le feu à deux moulins qui étaient près de la porte et se retirèrent. Le maréchal de Montmorency fit alors élever une plate-forme où il logea quatre pièces de canon, chargées de battre la courtine qui n'avait fossé au dehors ni contrescarpe au dedans, et malgré une attaque de goutte, Brissac vint inspecter ces travaux et féliciter les troupes. Peu après, des lettres furent prises aux avant-postes, écrites par Smith, auxquelles on en substitua d'autres pour Warwick, lui disant qu'il ne devait attendre aucun secours d'Angleterre. Condé, décidé enfin par le propos d'Elisabeth, rapporté par d'Alluye, qu'elle n'avait pris Le Havre que pour ravoir Calais, arriva avec le duc de Montpensier et s'en fut aux tranchées, tandis que d'Estrées, grand maître de l'artillerie, faisait tirer sur le boulevard de Sainte-Adresse et la tour du quai. Déjà la place n'était plus tenable. Le 23 juillet, une barque sortit du port et gagna quelques vaisseaux qui étaient en rade, portant des lettres de Warwick, qui demandait à être secouru. Les vaisseaux approchèrent, mais furent repoussés à coups de canon. Déjà la garnison pensait se concentrer de l'autre côté du port et continuer la résistance sur le rivage de l'Eure. Mais les sieurs d'Estrées et de Caillac installèrent la grosse artillerie en face de la tour et contre la porte du Perray. Au boulevard de Sainte-Adresse, le maréchal de Bourdillon fit une nouvelle batterie et, du côté de l'Eure, Suisses et Français avaient gagné le pied du fort Warwick. Les tranchées conduites d'autre part au bastion de Sainte-Adresse arrivaient maintenant à la jetée. Deux brèches étaient ouvertes ; celle de la Tour, où deux mille hommes s'apprêtaient à donner l'assaut, et celle du boulevard, assez large pour laisser passer soixante hommes de front et où allaient pénétrer les reîtres et le gros du corps français. Il y eut encore une sortie du côté du fort de l'Eure et les Anglais, qui y firent des pertes terribles, se décidèrent à traiter. — Ils abandonnaient l'artillerie, les munitions, les navires, remirent la Tour du quai et eurent six jours pour partir (28 juillet).

Le Roi était arrivé à Criquetot lorsqu'il reçut ces nouvelles. Il était temps, car Elisabeth avait fait embarquer, sur soixante navires, 6.000 hommes avec des canons, des armes, des vivres. Lorsque la flotte parut, Catherine par ironie envoya Lignerolles à l'amiral anglais, lord Clinton, pour savoir s'il voulait descendre à terre où il trouverait Leurs Majestés, prêtes à lui faire réception et honneur. Mais l'amiral refusa. Il dit dans un mouvement d'humeur que la peste avait plus fait pour les Français que toutes les forces réunies de la France[21]. — Warwick était déjà à bord d'une galère, avec un coup d'arquebuse à la cuisse. Les débris de la garnison s'embarquèrent, hormis 200 à 300 pestiférés, et Catherine, tout en ne laissant pénétrer le Roi à cause de la maladie, fit son entrée dans la ville. Elle visita la Tour, les tranchées et batteries, prodiguant à tous des paroles affectueuses et les témoignages de sa gratitude. C'était sa revanche contre les huguenots qui avaient livré la place, et dont certains, jusqu'au dernier moment, lui conseillaient une transaction ; c'était le fait glorieux de son règne au moment où l'on allait proclamer la majorité de Charles IX. L'enthousiasme gagnait Paris, les principales villes du royaume, dans la joie d'avoir bouté les Anglais dehors, et partout des réjouissances furent ordonnées. Heureuse et triomphante, la Reine pouvait revenir. — Quant à l'armée d'Elisabeth, elle ramenait la contagion, qui fit de tels ravages à Londres que 20.000 personnes moururent, dont une grande partie de la noblesse. Ce fut à peu près alors le seul résultat des combinaisons profondes et de la diplomatie de la reine d'Angleterre[22].

 

 

 



[1] DE THOU, Histoire universelle, liv. XXXIV.

[2] DE THOU, Histoire universelle, liv. XXXIV.

[3] L'édit — l'édit d'Amboise — fut arrêté sans la participation de d'Andelot et des ministres. C'était un traité politique qui modifiait considérablement celui de 1561 et par lequel la gentilhommerie provinciale s'isolait du protestantisme de Genève. L'ambassadeur d'Espagne écrivait à ce propos : Il y a grande murmuration de cet appointement entre les catholiques. La reine a donné au seigneur de Fresnes qui est retourné en Espagne grand espoir que tout ceci se rhabillerait et qu'il fallait reculer pour mieux sauter. Mémoires de Condé, t. II.

[4] Cf. sa lettre au Rhingrave, 16 mars. Revue des Documents historiques, t. III, 1876.

[5] CASTELNAU.

[6] Th. DE BÈZE, t. II, p. 335.

[7] Coligny d'ailleurs reprocha amèrement au prince de Condé d'avoir d'un trait de plume ruiné plus d'églises protestantes que toutes les forces ennemies n'en eussent pu abattre en dix ans. (LA POPELINIÈRE.)

[8] Coligny et Condé eurent encore plusieurs conférences à Orléans avec Middlemore et Smith qui avait remplacé Throckmorton, à propos du traité d'Hampton-Court et d'un nouvel accord signé à Caen lors du dernier voyage de Throckmorton. Coligny se perdit en arguties et accusa la parcimonie et les lenteurs de l'Angleterre qui avaient force les huguenots à traiter. (Calend. ; Smith to the queen. 1er avril.)

[9] Calend. 1563. Middlemore to the queen.

[10] Record office. State pap., France. vol. XXX.

[11] Smith lui conseillait d'ailleurs non de demander Le Havre mais de le prendre.

[12] Le Roi même offrit à Elisabeth de lui rembourser l'argent avancé. (LINGUARD, t. II, p. 472.) — Il y a d'ailleurs dans Brantôme une histoire singulière et qui en dit long sur la mentalité de Coligny. — Un peu avant les tumultes de Flandre, rapporte le chroniqueur, le comte d'Egmont les prévoyant prit la poste et s'en alla en Espagne trouver le roi son maitre. Il passa à Paris, où il se tint un conseil étroit de lui et de deux grands personnages français que je ne nommerai point, fors un qui était huguenot, M. l'amiral ; l'autre n'était pas de cette religion, ce disait-il, mais il la favorisait de tout sous main, ne s'osant déclarer manifestement pour plusieurs raisons que je dirais bien (L'Hospital ?). Ces trois firent là un bon symbole, et y taillèrent bien de la besogne que l'on a bien sçu depuis et tendant à rompre la paix entre la France et l'Espagne. Tant y a que ledit d'Egmont, après cette belle consultation s'en alla en Espagne, où il fut bien vu et reçu de son maitre auquel il annonça tout ce qui devait advenir en Flandre, etc. Le roi d'Espagne trouva ces événements fort étranges et demanda au comte les remèdes et son avis pour y pourvoir ; qui lui fit réponse qu'il n'en savait de plus propre que de faire la guerre en France et que jamais il n'y fit plus beau, et que déjà il lui promettait plusieurs villes aux frontières aussi sûres que s'il les tenait en la main ; car il avait parlé à ses deux marchands qui lui aideraient en partie à la livraison de la marchandise. (T. II, p. 119.) Philippe II refusa, du reste, cet arrangement, mais on voit ici encore Coligny sacrifier volontairement son pays, proposer de livrer des villes, préparer l'invasion du sol natal pour détourner la persécution religieuse qui déjà menaçait ses coreligionnaires.

[13] A la dernière heure, Condé offrit de restituer Calais dans le délai fixé par le traité, sous la garantie du Roi, de la Reine et de tous les princes du sang. Elisabeth refusa et quand Middlemore revint le voir à Pontoise. le prince l'éconduisit en disant : Cessez de me suivre ainsi, vous me rendez suspect à la Reine ; et il déclara que les Anglais avaient abusé du blanc-seing remis à ses négociateurs. — Smith s'adressa encore à l'amiral qui s'était retiré à Châtillon, mais Coligny se récusa ; d'ailleurs, à toutes les demandes de secours qu'il leur avait adressées, les Anglais du Havre avaient fait la sourde oreille : plusieurs expéditions qui avaient été faites au dehors étaient l'œuvre des réfugiés français.

[14] La tour François Ier, depuis longtemps détruite, — analogue à celles du château de Ham et du château de Tournai, et d'où l'on barrait l'entrée du port d'une chaîne tendue jusqu'à la tour du Vidame, de l'autre côté de la passe. — La ville a été tellement bouleversée par les travaux de l'édilité qu'il est d'ailleurs difficile aujourd'hui de se faire une idée des dispositions du siège de 1563.

[15] Ses archers manquaient de cordes et de flèches ; ses canons étaient si vieux qu'il était dangereux de s'en servir. Calend. of State pap., 1563.

[16] Mai 1563 ; tout ce qu'ils laissaient dans la ville avait été considéré comme prise de guerre.

[17] De l'aveu même des Anglais, le peuple avait été dépouillé par les soldats et aucune justice n'était faite. (Calend., 1563.) On avait expulsé des papistes jusqu'aux femmes et aux enfants ; lorsqu'on voulut de même faire sortir les huguenots, ils récriminèrent, mais Warwick répondit qu'il ne reconnaissait à aucun le droit de commenter la sainte volonté et gracieux plaisir de la Reine. Lors de la prise de Honfleur par de Mouy, les lits avaient pourtant été envoyés au Havre où l'on en manquait.

[18] L'armée française était campée sur la Côte ; les reîtres et lansquenets dans la direction de Sanvic ; les Suisses dans la plaine de l'Eure. Sans compter les reîtres, c'était 20.000 hommes, chiffre qui s'augmentait encore de jour en jour. — Les travaux du siège étaient conduits par l'ingénieur italien Bartolomeo de Pezaro. (Comte DE LA FERRIÈRE, Revue des Sociétés savantes, mars 1863.)

[19] Selon une tradition locale, la tour de l'église Notre-Dame fut abaissée et mise dans l'état actuel après le siège, ayant servi aux Anglais à placer des canons.

[20] Archives de Vienne ; lettre de Chantonnay à la duchesse de Parme.

[21] Record office ; State pap. France.

[22] Calend. of state pap., 1563. Cf. CASTELNAU, Mémoires, liv. V, chap. II et III ; A.-F. BORÉLY, Histoire de la ville du Havre et de son ancien gouvernement, t. II.