L'AMIRAL DE COLIGNY

PREMIÈRE PARTIE

 

CHAPITRE V.

 

 

La revanche de Calais. — La lutte des Guise et des Châtillon prépare la guerre religieuse. — Mariage du Dauphin. — Captivité de Coligny et du connétable. — D'Andelot prisonnier à Melun. — Paix de Cateau-Cambrésis et mort de Henri II.

 

Tandis que Philippe II, complétant la conquête du Vermandois, perdait son temps à prendre Ham, le Câtelet, Chauny, Noyon, places insignifiantes et dont le sort ne pouvait guère influer sur le résultat de la campagne, l'armée française avait été réorganisée ; des levées d'hommes et d'argent se faisaient de tous côtés ; la reine Catherine s'était rendue à l'hôtel de ville de Paris avec le cardinal Bertrandi, archevêque de Sens et garde des sceaux, et tous deux avaient harangué les bourgeois qui fournirent 300.000 livres. On avait recruté des mercenaires en Allemagne, en Suisse ; et d'Italie le duc de Guise revenait avec les vieilles bandes de Brissac, les soldats qui s'étaient inutilement battus pour le Pape dans la campagne de Rome. Après la déconfiture du connétable devant Saint-Quentin, il s'était trouvé véritablement le seul homme de guerre auquel pût penser Henri II. On répétait, au soir de la bataille, dit Tavannes, que s'il eût été là, ce malheur ne fût advenu, et le Roi, dès son arrivée, lui remit un pouvoir discrétionnaire, le nommant lieutenant général du royaume et l'autorisant même à choisir des ambassadeurs, à lever des impôts. Il était à Saint-Germain, auprès de Henri II, vers le 20 octobre, et touchant le sol de France, il semblait avoir retrouvé son activité merveilleuse du siège de Metz, la clairvoyance du jugement et ses qualités d'entraînement et d'organisation. — Deux partis étaient à prendre ; d'un côté attaquer Saint-Quentin et commencer une guerre de sièges, de petits combats sur la frontière espagnole avec les risques, les misères, les incertitudes d'une campagne d'hiver ; d'autre part, le projet de reconquérir Calais que l'Angleterre détenait depuis deux siècles, de l'assaillir à l'improviste et de frapper Philippe II dans sa femme, souriait particulièrement au roi de France. Marie Tudor, qui avait été entraînée à la guerre bien plus qu'elle ne l'avait cherchée, devait en porter tout le poids. Depuis longtemps l'idée de recouvrer Calais, d'ailleurs, était dans l'air. C'était le vieux rêve de la monarchie, de ses meilleurs et plus fidèles capitaines, de reprendre le morceau qui avait été arraché du territoire, de par l'impéritie de Philippe VI, et de fermer enfin la porte aux invasions. Coligny lui-même comme gouverneur de Picardie, dit Brantôme, avait été, depuis l'avènement de Henri II et surtout la prise de Boulogne, le premier inventeur de cette entreprise. Il avait envoyé reconnaître la ville par M. de Briquemaut, que le chroniqueur appelle vieux chevalier d'honneur et homme de bien[1] ; Sénarpont, gouverneur de Boulogne, l'avait également renseigné sur ses ressources, et l'amiral avait dressé un plan d'attaque de Calais en plein hiver, alors qu'une partie de la garnison était rappelée outre-mer, l'Angleterre comptant sur la flotte, et du côté de la terre sur la protection des marais et des écluses pour empêcher un coup de main sur la place. Le mémoire de Coligny avait été goûté par le Roi, qui avait promis de lui confier l'expédition. D'autre part, Fr. de Rabutin mentionne que s'il eût plu à Dieu départir tant de grâces à M. le connétable que retourner heureusement le jour Saint-Laurent[2], le lendemain ou peu de jours sui-vans, il partait pour parachever cette entreprise. Mais Montmorency avait été honteusement battu ; l'amiral était prisonnier et c'était, pourrait-on dire, sa continuelle male-chance de préparer à l'homme qu'il en était venu à détester le plus les éléments de ses plus éclatants succès. Le duc de Guise, grâce à la résistance de Saint-Quentin, avait une armée solide et qui pouvait tout entreprendre tandis que celle du roi d'Espagne se désagrégeait, fondait aux approches de l'hiver, les Allemands, gorgés de pillage, désertant par milliers, venant s'engager parmi les troupes françaises ; les Anglais renvoyés pour éviter de perpétuels conflits avec les Espagnols, tandis que Philippe II se retirait prudemment à Bruxelles. — Le Roi envoya au château de Châtillon, près de Charlotte de Laval, le petit Feuquières, très habile, brave et vaillant gentilhomme et ingénieux, pour lui faire voir dans les coffres et papiers de M. l'amiral. Le plan de Coligny fut rapporté et discuté au conseil ; Henri II manda Sénarpont, qui en développa tous les avantages, et le duc de Guise, après avoir hésité pour mieux entraîner le Roi, — afin, dit encore Brantôme, que amprès la paix il en acquît plus de gloire, — adopta définitivement le projet. Il avait envoyé, pour examiner la place, le maréchal Pietro Strozzi et l'ingénieur Massimo del Bene et savait que les fortifications se trouvaient en mauvais état, insuffisamment défendues ; mais pour mieux dérouter l'ennemi, il fit partir M. de Nevers avec une partie des troupes pour mener en Champagne, faisant courir le bruit que c'était pour aller prendre Luxembourg et Arlon et lui-même s'avança vers Amiens, Ardres et Boulogne, feignant les avitailler et munir. — Toutefois, l'entreprise transpira et le gouverneur de Calais, lord Wentworth, demanda des renforts. La reine Marie lui répondit le 31 décembre qu'elle avait préparé des troupes pour le rejoindre, mais venait de les renvoyer. Le lendemain, 1er janvier, Guise attaquait le fort de Nieullay qui commandait un pont et l'emportait d'assaut avec 3.000 arquebusiers. En même temps, sa flotte lui apportait de Boulogne et d'Ambleteuse les munitions et la grosse artillerie. D'Andelot enleva le 2 janvier le Rysbank, qui commandait le port ; lord Wentworth n'eut pas même le temps de terminer une lettre qu'il écrivait à la Reine ; lorsqu'il accourut, il trouva le fort emporté et se retira dans la citadelle. Mais cette citadelle avait été dégarnie ; on en avait enlevé tout le matériel lors du siège de Saint-Quentin ; le gouverneur avait à peine de 500 à 800 hommes pour défendre le fort et la place. Entre le Rysbank et le château, sur la grève, le duc de Guise établit, à marée basse, une batterie de douze canons protégés de gabions et retenus de pieux et d'ancres, avec lesquels on commença à battre la muraille ; à la marée montante, il fallait se retirer pour revenir au jusant, apporter les poudres et boulets sur des claies enduites de poix ; le long des dunes, les arquebusiers établirent des petits retranchements avec du sable et du fumier, d'où ils écartaient des courtines les défenseurs anglais. D'Andelot fit creuser une tranchée entre les douves et la mer, qui rendit guéable le fossé ; les gens de pied se glissèrent entre les bancs de sable et se logèrent dans le port, et le 4 janvier, le duc de Guise ayant remarqué une brèche étroite mais suffisante, enleva d'enthousiasme ses troupes, entrant l'épée à la main dans l'eau jusqu'à la ceinture. Sous le feu des pièces que dirigeait le grand maître de l'artillerie, M. d'Estrées, et dont le grondement, de l'autre côté du détroit, venait jeter la consternation dans le port de Douvres, la muraille croulante fut escaladée, la garnison repoussée dans la ville. Lord Wentworth essaya vainement de reprendre cette citadelle qui était la clef de Calais ; il ne lui restait pas 500 hommes ; il n'attendait plus de secours, se trouvant cerné du côté de la terre par l'armée du duc de Guise ; du côté de la mer par une flotte nombreuse d'armateurs et de pirates convoqués de tous les ports du royaume. Il demanda s'il devait espérer une composition et le 8 janvier remit les clefs. — Depuis le 2 du mois, des renforts avaient été préparés de nouveau en Angleterre, mais les vents contraires retinrent les navires qui devaient les transporter. Ils ne purent mettre à la voile que le 6, furent dispersés par une tempête et ne se rallièrent qu'après plusieurs jours. La Reine, découragée, finit par renoncer à défendre ses Etats du continent et licencia ses troupes. — La capitulation de Calais stipulait que les Anglais auraient la vie sauve, sans qu'il leur fût fait aucun tort, ny à l'honneur des femmes et des filles ; que les habitants pourraient se retirer avec bon et suffisant passeport, sauf cinquante, tels qu'il plairait au duc de les retenir, le gouverneur y compris ; que la garnison passerait en Angleterre, laissant artillerie, poudres, boulets, armes, enseignes et généralement toutes munitions tant de guerre que de vivres, sans rien gaster, brûler, cacher ou empirer, et ne serait fait aucun dommage aux maisons et autres places, non pas même en arracher un clou, ny deffouir hors de terre. Quant aux meubles, or et argent monnayé, marchandises, chevaux et bestiaux, le tout demeurerait à la disposition du duc pour en disposer selon son bon plaisir. — Cette capitulation fut fidèlement exécutée. Lord Wentworth demeura prisonnier avec les autres officiers et François de Lorraine fit son entrée dans la ville reconquise-Elle fut pillée, on pourrait dire, régulièrement, car il n'y eut pas de violences. Un million d'écus d'or fut distribué entre les vainqueurs. Guise vendit pour cent mille guinées de laines et laissa l'argent pour servir aux fortifications et remparts. Les habitants furent expulsés et demeurèrent deux jours avec leurs malades et enfants au bord de la mer, attendant des navires pour passer le détroit. Mais il faut ajouter que s'il survint des contestations entre les chefs, ce ne fut nullement à cause de cette grande rigueur[3], mais pour des livres de Luther et Calvin saisis dans la ville que le duc, comme en 1552 à Metz, fit brûler, malgré le grand déplaisir qu'en manifesta d'Andelot. Le frère de Coligny, en effet, était déjà et partout une faction, dit M. Dargaud. Il ne se contraignait point pour flétrir les mœurs des prêtres et les idolâtries de l'évêque de Rome, pour condamner la messe, et toutes les abominations de la Babylone des Borgia. Il blâma la superstition de M. de Guise qui vouait aux flammes les évangiles du protestantisme. Le prince lorrain se méfiait de d'Andelot. II pressentait, dit M. Delaborde, dans cet orateur si hostile au catholicisme, l'un des héros de la Réforme. Néanmoins, il ferma les yeux et les oreilles sur l'opposition amère de l'un de ses meilleurs lieutenants. Pour mieux assurer le châtiment, il l'ajourna. — On retrouve ici l'historien huguenot. Mais, à la vérité, on peut en effet reconnaître dans les mésaventures qui bientôt poursuivirent d'Andelot, le ressentiment du duc de Guise qui lui garda rancune s'il sembla peu s'inquiéter alors de ses récriminations. — La délivrance de Calais avait suscité un mouvement unanime d'enthousiasme. On avait repris en huit jours une ville qui avait résisté plus de onze mois à Edouard III et que depuis deux cent dix ans on n'osait attaquer. Le pays se sentait lavé de cet opprobre, vengé de l'invasion espagnole et du désastre de Saint-Quentin, et avec les sautes extrêmes de sentiment qui caractérisèrent toujours la race, après l'abattement de la défaite, ne rêvait plus que batailles et conquêtes. Guise, qui avait répondu à son attente, était le libérateur, le héros national et dominait tout du rempart reconquis de Calais. — Il ne s'y attarda pas, d'ailleurs, et aussitôt alla reprendre Guines et d'autres petites places de la région, chassant devant lui les dernières troupes anglaises qui occupaient le territoire. Le Roi avait réuni une assemblée de notables auxquels il réclama de nouveaux subsides afin de continuer la guerre, puis vint à Calais embrasser le duc auquel il donna le palais de l'Estappe, et le Parlement dans ses lettres patentes déclara que Sa Majesté ne pouvait mieux payer de si grands services qu'en donnant un palais à celui qui avait donné une ville à la France[4]. Mais au grand dépit des Montmorency, le triomphe du duc de Guise devait être plus complet encore. Pour rapprocher sa famille du trône, le cardinal de Lorraine depuis longtemps cherchait à marier une de ses nièces, la petite Marie Stuart, fille de Marie de Guise et du roi d'Ecosse Jacques V, que sa mère faisait élever en France, au dauphin François. La duchesse de Valentinois l'appuyait, comptant sur l'appui de son gendre, le duc d'Aumale, dans la perspective d'un nouveau règne, tandis que le connétable, d'accord avec la reine Catherine, qui ne pouvait qu'être opposée à Diane de Poitiers, cherchait à faire manquer cette union si avantageuse pour la maison rivale. Mais la prise de Calais décida le Roi ; les fiançailles furent célébrées au Louvre le 19 avril 1558[5] et Montmorency eut encore le chagrin d'apprendre qu'aux cérémonies du mariage célébré à Notre-Dame (24 avril) le duc de Guise, en son absence, avait exercé les fonctions de grand maître de la maison du Roi, et fait prendre le pas à son neveu le duc de Lorraine et à son frère le duc d'Aumale sur tous les princes de la maison de Bourbon sauf le roi de Navarre. Une estrade de quinze pieds de haut, rapportent les chroniques, avait été dressée de l'escalier de l'évêché jusqu'au parvis, et du parvis au chœur de la cathédrale. Elle était entrelacée de pampres, la rampe couverte de brocart et le parquet de tapis. La marche du cortège était ouverte par les Suisses et fermée par les cent gentilshommes de la chambre. Les princes, les cardinaux, le légat du pape précédaient le Dauphin conduit par le roi de Navarre et la princesse Marie qui avait à peine quinze ans et déjà était d'une beauté délicieuse. Deux de ses filles d'honneur soutenaient la traîne de sa robe. Elle avait au col un ruban de précieuses perles et portait la couronne ornée de diamants, d'émeraudes et de rubis, avec une escarboucle qui valait, disait-on, 500.000 écus. Derrière elle venaient la reine Catherine, conduite par le prince de Condé, Jeanne d'Albret, Marguerite de France, sœur du Roi, escortées de la foule brillante des seigneurs et des dames. Sous le porche tendu de velours et surmonté du dais royal, le cortège s'arrêta et Henri II ôtant de son doigt l'anneau nuptial le remit au cardinal de Bourbon qui le passa à Marie Stuart et prononça les paroles de consécration. Ce fut l'évêque de Paris qui harangua les époux tandis que le duc de Guise, attentif à sa popularité, faisait écarter les seigneurs pour permettre au peuple, à la multitude tassée sur le parvis de contempler les très opulentes et très magnifiques pompes et triomphes de cette journée mémorable. Lorsque l'évêque eut fini de parler, le duc salua le peuple et fit jeter de l'argent aux cris de : Largesse ! Vive le Roi ! Vive le duc de Guise ! Vive la Dauphine ! Le cortège entra dans l'église, entendit la messe et ensuite retourna à l'évêché, aux acclamations de la foule, cependant qu'on distribuait à nouveau l'or et l'argent à pleines mains. Mais les cris, les vivats allaient surtout à la petite Dauphine, à François de Lorraine dont le voyage de retour, de Calais à Paris, n'avait été qu'une longue ovation ; qui ne pouvait traverser une rue, un carrefour de la capitale sans être applaudi, et restait pour le peuple le sauveur, le héros victorieux sur lequel s'appuyaient le Roi et le royaume. — Il y eut un dîner suivi de bal à l'évêché ; puis la famille royale regagna en litières et coches, le Roi, le Dauphin, les princes et seigneurs à cheval, le palais de la Cité que le Parlement avait abandonné pour les noces, et où eut lieu le souper avec un autre bal et des jeux. Une fête fut aussi donnée à l'Hôtel de Ville, où l'on représenta une comédie de Jodelle. Par un traité secret joint au contrat de mariage, enfin, la reine d'Ecosse léguait à la France son royaume au cas où elle viendrait à mourir sans enfant, — traité que les nobles écossais refusèrent au reste de ratifier, ce qui n'empêcha nullement le dauphin François d'être nommé le Roy-Dauphin et les Guise, désormais appuyés sur la maison royale, de paraître avoir ajouté une couronne à l'apanage des Valois[6].

Cependant la lutte devait continuer entre les Lorrains triomphants et leurs rivaux les Montmorency, dont les deux principaux, le connétable et l'amiral de Châtillon, demeuraient captifs. Hautain et taciturne, Coligny semble avoir subi une détention plutôt dure aux premiers temps de sa captivité parmi les Espagnols qui le savaient, au moins le sentaient déjà calviniste. On ne lui avait laissé à l'Écluse que les seuls serviteurs indispensables, et qui ne pouvaient sortir du château. La surveillance près de lui était continuelle ; toute sa correspondance passait sous les yeux du duc de Savoie. Le retour de François de Guise, l'écho des acclamations dont le peuple de France saluait son débarquement d'Italie, tout cet élan vers un rival dont il redoutait la fortune heureuse, joint aux fatigues, aux tracas du siège, l'avaient affecté au point qu'il se trouva de nouveau malade. Il ne se reprit qu'après quarante jours, tomba en des méditations qui le rendirent encore plus sombre, fermé, n'ayant pour distraction que la lecture d'une Bible qu'il s'était procurée, et dès qu'il fut en convalescence, la rédaction de son Mémoire sur la défense de Saint-Quentin[7], — âpre, contenu, ferme et froid comme il était lui-même, récit d'un échec fatal et justification inutile, car il devait toujours être le malheureux et le vaincu. Mais c'est à peine si aux dernières lignes il laisse échapper une plainte ; s'il incrimine, du reste injustement, car nous avons vu qu'il n'a nullement rendu justice au dévouement de la population qui fut sacrifiée, le malheur d'un gentilhomme assiégé dans une place où toutes choses lui défaillent et où il a aussi bien à combattre les amis du dedans que les ennemis du dehors. Pour le reste, il s'en remet aux mains de Dieu de tels mystères ne se jouant point sans sa permission et volonté, laquelle est toujours bonne, sainte et raisonnable, et qui ne fait rien sans juste occasion. — C'est désormais le protestant qui parle[8], le huguenot rigide, trempé par les épreuves, dur à soi-même comme aux autres, le soldat implacable de sa foi. — Plus souple, plus courtisan, meilleur diplomate que son neveu, le connétable s'était mis de suite en rapport avec le duc Emmanuel-Philibert et entre les deux grands seigneurs des relations courtoises n'avaient pas tardé à s'établir. Montmorency avait pu faire venir ses gens de service[9], disposait des ressources nécessaires pour son entretien, tandis que Coligny, dont la femme, Charlotte de Laval, et le frère, Odet de Châtillon, géraient les intérêts et administraient les biens[10], éprouvait des difficultés même pour recevoir de l'argent. Dans la seconde quinzaine de mars 1558, Montmorency obtint de quitter le château de Gand et d'être transféré à Enghien[11]. Là, il eut la visite du duc de Savoie[12] et continua à recevoir les soins d'un médecin français, Chapelain, pour sa blessure de Saint-Quentin. Chapelain, qui alla ensuite soigner Coligny à Gand, où il avait remplacé le connétable, devint plus tard premier médecin du Roi. — Cependant Guise se méfiait des intrigues des Montmorency, même prisonniers, et du camp devant Calais, il écrivait au gouverneur de Péronne, de Humières (3 janvier 1557)[13] : — Quant à ce que vous désirez savoir comme vous aurez à vous gouverner pour le fait des pacquets que M. le connétable écrira à Mme la connétable, et M. l'admirai à Mme l'admirale sa femme et à Messieurs le cardinal de Châtillon et d'Andelot ses frères, et ceux que les dites dames et sieurs leur écriront semblablement, vous ne sauriez faillir les leur envoyer ordinairement. Et toutefois, s'il y avait autre chose que pour leurs particuliers négoces et affaires et dont il vous semblât que je dusse être averti, vous me le feriez savoir[14]. — Guise, connaissant l'humeur versatile du Roi, redoutait en somme un retour de faveur de ses adversaires et l'on a même avancé qu'il n'avait cherché à prolonger la guerre que pour les empêcher, libérés par la paix, de reparaître auprès de Henri II[15]. L'occasion allait lui fournir un moyen de déprécier aux yeux du Roi les deux Châtillon dont l'influence pouvait le plus le gêner à l'armée. Il se tenait au milieu de ses troupes, dit M. H. Forneron, et paraissait menacer Saint-Quentin où se trouvait la duchesse Christierne de Lorraine, veuve de son oncle, qui avait suivi le parti de l'Espagne tandis que son fils était élevé à la cour de Henri II. Elle désirait ardemment la paix qui seule pouvait délivrer ses Etats ravagés alternativement par les coureurs des deux armées, et, sous prétexte d'une réunion de quelques heures avec le jeune prince, ménagea une entrevue entre les Guise et l'évêque d'Arras, Perronet de Granvelle, premier ministre de Philippe II et le politique le plus actif de son temps[16]. Des conférences eurent lieu au village de Marcoing, entre Cambrai et Péronne. Granvelle, dont les vues dépassaient de beaucoup les petites conceptions diplomatiques du moment, avait compris quel avantage aurait l'union des deux pays associant leurs efforts contre l'hérésie envahissante et qui menaçait déjà toute la civilisation catholique au lieu de s'épuiser en une lutte stérile et fratricide. Il entreprit de gagner les Guise, dont il reconnaissait le génie et la force adroite. Il affirma au cardinal de Lorraine que le roi d'Espagne n'avait jamais fait la guerre au Pape qu'à contre-cœur, lui avoua sa haute estime pour son frère le duc François et l'illustre maison de Guise, si attachée à l'Eglise ; — qui se trouvait en France la première après la maison royale et dont le rôle était désormais de se déclarer le champion de la cause catholique. Ainsi, dit M. H. Forneron, qui a très bien résumé ce curieux épisode, ils allaient cesser d'être des parvenus étrangers pour devenir les défenseurs de la foi, ils n'avaient plus à intriguer contre les Bourbon ou les Montmorency, ni à rechercher la protection d'une favorite ; leur cause devenait celle de la foi nationale ; ils devaient être regardés comme les chefs de l'orthodoxie en Europe et toute résistance à leur pouvoir paraîtrait une lutte contre la religion. — Granvelle frappait juste en s'adressant aux ambitions insatiables et aux rêves de grandeur et de gloire des Lorrains ; le cardinal ne put que le remercier et le prier de dire au roi d'Espagne combien il était touché de sa haute bienveillance. Mais laissant enfin ces intérêts généraux, Granvelle parla habilement de ceux plus particuliers qui se rattachaient au crédit des Guise, si utile à la bonne cause. Ne devaient-ils pas ruiner définitivement leurs adversaires, les Châtillon, acquis maintenant à la Réforme. En le quittant, il lui remit enfin une lettre que d'Andelot avait écrite à Coligny et où il parlait avec aversion du catholicisme, de la messe et des vœux que faisaient les trois frères pour le succès du calvinisme en France. — Le Roi, mon maître, ajouta le ministre, a lu cette lettre saisie par nos troupes et en a été indigné. Il désire que vous en avertissiez le Roi très chrétien, dont le zèle ne tolérera pas que de telles abominations partent de son intimité. — Le coup, en somme, était habile. Le cardinal de Lorraine emporta précieusement le document et fut heureux de s'en servir. Déjà, il avait demandé au Pape que la forme de l'Inquisition d'Espagne du tout ou à peu près fût dressée en France[17] et en avait obtenu un bref qui créait dans le royaume trois grands inquisiteurs (26 avril 1557), au nombre desquels il avait astucieusement fait désigner le cardinal de Châtillon[18]. C'était le forcer à se déclarer. Mais Odet, tout en évitant de se prononcer ouvertement sur la question de la Réforme, s'était récusé ; des représentations avaient aussi été faites au Roi, a-t-on soutenu, par des princes étrangers et le projet n'avait pas eu de suite. La lettre de d'Andelot, en tout cas, permettait au cardinal de Lorraine d'aider efficacement son frère qui avait intérêt à s'en débarrasser. — Le prince de Condé, dit encore M. Forneron, le seul des Bourbon qui eût depuis la mort de ses frères, le duc et le comte d'Enghien, de l'énergie et de l'intelligence, voyait clairement le but que poursuivaient les Guise et nourrissait contre eux une haine sourde qu'alimentaient sans cesse les humiliations du grand seigneur déchu à la condition de gentilhomme pauvre, devant le parvenu étranger qui se faisait conférer toutes les dignités et tous les gouvernements. Ses deux frères, le roi de Navarre et le cardinal de Bourbon, n'avaient ni tête ni caractère ; Condé était seul pour soutenir l'honneur de sa maison, et n'avait trouvé d'appui qu'auprès du connétable dont il avait épousé une nièce. Avec les fils et les neveux de Montmorency, il avait formé une sorte de coalition contre les empiétements des Lorrains. Cette cabale pouvait devenir dangereuse, surtout si le connétable revenu de sa captivité se plaçait à sa tête, et il fallait jeter la méfiance et la disgrâce dans le parti. L'avantage du duc de Guise, s'il éloignait d'Andelot du commandement des gens de pied dans la campagne qui allait s'ouvrir, c'était de se créer des partisans en accordant des grades et récompenses ; d'écarter toute compétition dans l'amour que le soldat a toujours pour son chef après une guerre heureuse[19]. Il liait à sa fortune tous les capitaines qui auraient été soumis à celle de d'Andelot. Son intérêt enfin était de faire connaître que les Châtillon s'étaient détachés du catholicisme, car si Condé et les fils du connétable ne se séparaient d'eux, les suivaient dans leur nouvelle foi, ils se brouillaient tous avec Montmorency, dont les convictions n'étaient pas douteuses ; se faisaient exclure de la cour et des honneurs, laissant près de Henri II son compère isolé et impuissant en face des Guise. — Le cardinal de Lorraine rapporta les paroles de Granvelle au Roi, qui ne put qu'approuver Philippe de vouloir remplacer la guerre entre souverains par la lutte contre les hérétiques. Il dit qu'il l'aiderait dans cette bonne entreprise, mais l'incident relatif à d'Andelot le fâcha extrêmement. II l'aimait beaucoup, s'était intéressé à lui durant sa captivité de Milan ; lorsque le comte de Mansfeld, gouverneur de Luxembourg, mal secondé par ses troupes dans la défense d'Yvoy en 1552 avait dû capituler, il lui avait dit en présence de Coligny qu'il serait mieux traité que les seigneurs d'Andelot et de Sipierre, que l'Empereur avait capturés devant Parme, et en même temps il avait gratifié le jeune Châtillon des terres de Fontenete et de Noyers au bailliage de Troyes[20]. Son frère, Gaspard, pourvu de la charge d'amiral, il lui avait réservé celle de colonel général de l'infanterie. Sa défection, dans les idées du Roi, était une véritable félonie et il s'en montra très affecté. Mais le cardinal insista. On savait que d'Andelot, au printemps de cette année, s'était rendu en Bretagne, dans les terres de sa femme, Claude de Rieux, et y avait fait prêcher publiquement par deux ministres, Carmel et Loiseleur, les doctrines de Calvin. Comme on lui représentait qu'il contrevenait ainsi aux édits du Roi, il avait répondu qu'il était son fidèle serviteur pour lui obéir en toutes choses civiles et de son état, mais quant à sa conscience, qu'il y avait un roi au ciel auquel il voulait servir[21]. Henri II voulut enfin éclaircir le fait et manda le cardinal de Châtillon et François de Montmorency ; il leur représenta quels bruits couraient sur d'Andelot et leur commanda de l'en avertir, désirant qu'il pût s'en justifier. Je ne suis pas injuste, fit-il, amenez-le-moi et qu'il s'explique. Je m'en rapporterai à sa parole. Selon P. de la Place, il leur demanda même qu'ils fissent tant envers luy que lorsqu'il serait mandé, il répondît honnêtement de la messe, et que ce faisant, lui ferait chose très agréable[22]. — M. Dargaud, qui se plaît à ce récit, continue : — D'Andelot, qui était théologien autant que soldat, avait une profonde horreur de la messe où il voyait le délire de l'orgueil sacerdotal. Il ne reconnaissait au clergé ni le droit ni le pouvoir de renouveler à l'autel, par une formule, le sacrifice de Jésus-Christ ; il ne lui reconnaissait même pas le don du surnaturel, le don du miracle. Le salaire de cet acte mystérieux était une simonie et la langue ignorée de la foule, le latin de l'officiant, un charlatanisme. — Comment, disait-il, approuverais-je la messe, cette fraude romaine, par laquelle, à la voix de pécheurs comme nous, l'hostie se transforme dans l'univers entier au point d'être, partout en même temps, le corps de Jésus-Christ, Jésus-Christ lui-même, vivant et expirant sur la croix pour le Monde. Je m'en fie à saint Paul : l'oblation a été faite une seule fois. Tenons-nous à cette oblation unique, et célébrons-la sous les deux espèces du pain et du vin. Mais cette communion ; cette cène, gardons-nous de la proclamer le sacrifice de Jésus-Christ, car elle n'en est que la sainte commémoration. — Le cardinal de Châtillon, qui était au fond de l'avis de son frère, et François de Montmorency, qui n'entendait rien à la controverse, n'essayèrent pas de le réfuter. Ils lui parlèrent en politiques ; ils l'engagèrent même à la dissimulation, mais le trouvèrent résolu de faire libre réponse et sans l'offense de sa conscience[23]. — Avec sa longue figure et son crâne pointu[24], d'Andelot se présenta au dîner du Roi, à Montceaux-en-Brie, maison de plaisance de la reine Catherine. Après les premiers mots d'accueil, Henri II entama la discussion. Il lui remontra la nourriture qu'il avait reçue, l'amour et grande affection qu'il lui avait toujours montrée, ajoutant qu'il n'attendait pas de lui un révoltement de la religion de son prince pour adhérer à une opinion nouvelle. Il lui déclara enfin qu'il désirait l'entendre sur quatre faits dont on l'accusait ; d'abord, d'avoir fait prêcher dans ses terres les doctrines des réformés ; deuxièmement, d'avoir assisté à leurs réunions du Pré-aux-Clercs ; troisièmement, de n'aller plus à la messe, M. de Guise lui ayant affirmé qu'on ne l'y avait vu durant tout le voyage de Calais ; enfin, d'avoir envoyé des livres de Genève à son frère l'amiral en sa captivité de l'Ecluse. D'Andelot répondit en protestant de son dévouement et défendit les opinions des religionnaires ; il contesta s'être montré aux assemblées du Pré-aux-Clercs, — où du reste on en voyait bien d'autres ! — mais avoua qu'il avait adressé des livres protestants à Coligny. Il dit de plus qu'il n'allait plus à la messe depuis qu'il avait pris l'avis et conseil des plus savants du royaume, que le Roi lui-même aurait dû consulter et remontra au cardinal de Lorraine, présent à cette scène et qui intervenait dans la discussion, qu'il était certain de sa doctrine, appelant sa conscience à témoin, les hommes et ambitions l'ayant tout détourné jusques à persécuter les membres de Jésus-Christ. — Mais le Roi se fâchait ; le sang lui montait au visage. — Au diable les énigmes ! cria-t-il ; que pensez-vous de la messe ? — D'Andelot répondit comme répondaient alors tous les sectaires : — Sire ! mon corps, ma vie et mon bras sont au service de Votre Majesté ; mais mon âme appartient à Dieu seul, et mon âme considère la messe comme une abominable invention[25]. — Henri II lui montra le collier de saint Michel qu'il portait sur la poitrine et dit encore : — Je ne vous avais pas donné cet ordre pour en user ainsi, car vous avez promis et juré de suivre ma religion ! — D'Andelot répliqua qu'il ne savait pas alors que c'était d'être chrétien et ne l'eût accepté à cette condition si Dieu l'eût touché comme il avait fait depuis, dont le Roi entra en si grande colère que n'eût été pour l'honneur qu'il l'avait nourri, il lui eût baillé de son épée au travers du corps. Il saisit un plat de terre qu'il jeta de son côté et qui, en se brisant, blessa le Dauphin. Il y eut dans la salle un moment de confusion pendant lequel d'Andelot se retira. Mais le Roi le fit arrêter dans l'escalier par Babou de la Bourdaisière, maitre de la garde-robe[26], et conduire à Meaux dans les prisons de l'évêché. On le transféra ensuite à Melun où il fut assailli par sa femme et tenté par un docteur de la Sorbonne nommé Ruzé, tant que de guerre lasse, il consentit à entendre la messe, toutefois sans autre abjuration même verbale, disent les auteurs du parti, et n'y portant pas beaucoup de révérence,acte de faiblesse d'ailleurs dont il se releva plus tard, et cependant condamna jusqu'à sa mort[27].

Le pape Paul IV, qui avait poussé à des mesures violentes contre d'Andelot, fut toutefois assez mécontent de cet arrangement. Une dépêche de l'évêque d'Angoulême — un autre La Bourdaisière qui était ambassadeur à Rome — dit que le Pape l'avait fait appeler pour lui témoigner son ébahissement de ce que Sa Majesté ne punissait pas les hérétiques de son royaume ; que l'impunité de M. d'Andelot, qui avait confessé être sacramentaire, donnait une très mauvaise réputation à Sa Majesté ; que si on l'eût mené tout droit au feu comme il le méritait, outre que le Roi eût fait une chose très agréable à Dieu, le royaume de France fût demeuré net d'hérésie. L'ambassadeur ajoutait que le Pape revenait toujours sur M. d'Andelot, disant qu'il lui ferait un mauvais parti s'il le tenait. Sur quoi il avait représenté à Sa Sainteté beaucoup de belles choses ; il lui avait dit que M. d'Andelot avait été trompé ; que maintenant il était fort bon catholique et que s'il en était autrement, le Roi l'aurait bien puni. Mais le Pape s'était récrié, s'emportant de même contre le cardinal de Lorraine : — Le cardinal, fit-il, que j'ai nommé grand inquisiteur en France, aurait dû condamner au feu M. d'Andelot. Ne sait-il pas que jamais un hérétique n'a pu se convertir sincèrement ? Le courtisan chez lui a corrompu le ministre de Dieu, mais Dieu se venge de ceux qui le servent avec tiédeur. L'évêque d'Angoulême répondit : — La justice en France ne se mène pas comme cela.

Les Guise, en attendant, avaient atteint leur but. Ils étaient délivrés de leurs rivaux. La charge de colonel général de l'infanterie fut donnée à Montluc, ancien page de René II de Lorraine, leur grand-père, le défenseur déjà célèbre de Sienne, Gascon d'esprit délié et capitaine d'expérience, qui d'ailleurs se fit habilement contraindre par le Roi et, pour ne pas se brouiller avec les Montmorency, n'accepta que par commission et avec des réserves. — François de Lorraine avait déjà repris la campagne ; il le rejoignit au siège de Thionville qui capitula le 22 juin et où fut occis aux tranchées d'un coup d'arquebuse le maréchal de Strozzi[28]. L'armée ensuite prit Arlon et menaça le Luxembourg. Mais Henri II désirait couvrir la Picardie, dont s'approchaient les Espagnols. La prépondérance des Guise, qui le reçurent au château de Marchais avec une hospitalité fastueuse, plus rois que le Roi lui-même dorénavant[29] ; leurs ambitions et leurs menées, leur popularité même parmi le peuple et les troupes lui portaient ombrage. Il s'en détachait peu à peu, poussé par la duchesse de Valentinois. Il n'avait pas tardé à regretter le connétable, et il s'en fallait, dit La Place, que l'absence et la captivité de son compère eussent refroidi l'amitié qu'il lui portait ; au contraire, elle semblait l'enflammer davantage, jusques à lui mander soigneusement de ses plus secrètes affaires et sans en communiquer à personne qui fût autour de lui. — Les maréchaux de Brissac et de Vieilleville représentaient alors le parti des mécontents parmi les gens de guerre ; ils étaient jaloux de l'éclat d'une gloire qui faisait oublier leurs services et des récompenses réservées aux seuls qui combattaient sous les yeux du duc de Guise. La duchesse de Valentinois se voyait reléguée au second plan, traitée avec hauteur par le cardinal de Lorraine, autrefois si empressé parmi ses courtisans ; elle était blessée de l'orgueil de ce prélat et ne le nommait plus que maître Charles. Elle parla au Roi de Montmorency, le fit souvenir de son ancienne tendresse pour ce général vieilli, malheureux, se mit en relation elle-même avec le captif et lui fit proposer d'unir leurs intérêts, et de consacrer cette alliance par un mariage entre sa petite-fille, Henriette de la Marck, et Damville, second fils du vieux favori[30]. Tiraillé des deux parts, habitué à cette sorte de tutelle qu'exerçaient sur lui alternativement les deux factions, Henri II ne savait se délivrer de l'une que pour retomber sous l'influence de l'autre. Il ne pouvait et ne voulait s'en dégager, si faible même, malgré les apparences pour le connétable, qu'au lendemain de l'arrestation de son neveu, il lui avait écrit par courrier spécial : — Ce porteur vous dira un propos touchant Andelot ; ne vous fâchez point car tout ira bien. Je ne vous ferai plus longue lettre pour ce coup, ayant si bien informé ce porteur que je m'assure qu'il vous rendra bon compte de toutes choses. Gardez votre santé ; la vie de votre ami ne dépend que de la vôtre[31]. — Le connétable, qui avait été transféré d'Enghien à Audenarde à l'approche des troupes françaises victorieuses, affligé de ce nouveau coup, voyait avec irritation s'accroître la puissance des Guise et songea que la paix seule qui devait le ramener en France lui permettrait de faire pièce à ses ennemis[32]. Il profita de ses relations avec le duc de Savoie, fit espérer un arrangement, eut connaissance des projets que Granvelle avait soumis au duc François et au cardinal de Lorraine de grouper les forces de l'union catholique contre les hérétiques, ce qui entrait du reste dans ses vues personnelles, — et se chargea de décider le Roi à la paix. Les Espagnols abaissèrent de moitié le chiffre de sa rançon et il obtint d'aller jusqu'à Beauvais conférer avec Henri II[33]. Malgré un brillant succès remporté à Gravelines par le comte d'Egmont (13 juillet 1558) sur les troupes du maréchal de Termes qui avaient pris et pillé Dunkerque, Philippe II désirait ardemment un traité. Il était à bout de ressources et avoua plus tard à l'ambassadeur de Venise que si le roi de France ne l'avait pas proposé il l'aurait demandé lui-même[34]. Le duc de Savoie n'avait pas un réal pour payer ses Allemands et leur devait plus d'un million. Mais la précipitation du connétable, l'animosité subite de Diane de Poitiers contre les Guise qui avaient tout avantage à continuer la guerre, l'imprévoyance du Roi gâtèrent tout. Les négociations commencèrent en septembre à Lille, puis se poursuivirent à l'abbaye de Cercamp. Une suspension d'armes fut signée le 17 octobre par les ambassadeurs de France, d'Espagne, d'Angleterre et du duc de Savoie, Montmorency, le maréchal de Saint-André, le cardinal de Lorraine, Morvilliers et Claude de l'Aubespine, Ruy Gomez de Silva, le duc d'Albe, Granvelle, le prince d'Orange et Viglius. Mais la mort de Marie Tudor, survenue le 15 novembre, suspendit pour deux mois les pourparlers, ce qui désola Henri II dans la crainte que Philippe ne retardât volontairement la conclusion de la paix tandis qu'il poursuivait les négociations d'un mariage avec la nouvelle reine d'Angleterre, Elisabeth. Le connétable profita de ce répit pour terminer l'affaire de sa rançon, afin de pouvoir s'occuper en toute liberté du traité. A titre de parent et ami, le duc de Savoie lui réclama enfin une somme de 200.000 écus d'or (14 décembre 1558) et il put rentrer en France.

Coligny n'avait été aucunement mêlé à ces préliminaires et tandis qu'on le croyait à Arras avec le maréchal de Saint-André et le connétable, il était toujours au château de Gand, à méditer sur ces petites tourelles de l'enceinte que baigne encore de nos jours dans la clarté rouge du soir l'eau trouble de la Liève. Par suite de la difficulté des transports et de la mauvaise volonté des Espagnols, il en était réduit à emprunter 500 écus à son oncle et écrivait à de Humières de le rembourser sur de l'argent que devait envoyer sa femme[35]. Dans cet abandon, cependant, il avait reçu de Genève des lettres de Calvin désireux de s'assurer de ce nouveau coreligionnaire et qui lui écrivait pour l'assurer de sa sympathie, l'encourager à persévérer dans les voies du Seigneur, lui recommandant la patience et la résignation[36]. Mais lorsque nombre d'autres prisonniers étaient relâchés sur parole, il n'obtint d'autres avantages qu'une autorisation de traiter de sa rançon et dut réunir 50.000 écus d'or au soleil, pour lesquels Charlotte de Laval fit appel à ses vassaux de Bresse, Bourgogne et Gâtinais[37]. Il partit dans les premiers jours de février 1558[38], mais fut encore arrêté en route, Philippe II ayant appris que le maréchal de Saint-André, qui devait réintégrer sa prison le 31 décembre, n'avait pas tenu ses engagements.

La paix fut enfin conclue à Cateau-Cambrésis les 2 et 3 avril et souleva un long cri d'indignation. Nous gardions Calais, avec une vague promesse de restitution que l'Angleterre elle-même, il est vrai, devait se charger de rendre caduque ; les Trois-Evêchés : Toul, Metz et Verdun ; on nous rendait Saint-Quentin, Ham, le Câtelet, tout le Vermandois. Mais nous abandonnions cent cinquante places fortes remises comme dot de Marguerite de France, sœur de Henri II, qui épousait le duc de Savoie, et d'Elisabeth, fille aînée du Roi, qui épousait Philippe II ; le premier recevait toutes nos possessions de Savoie et de Piémont sauf le marquisat de Saluces ; le deuxième, toutes nos places du Nord et du Milanais, le Roi, écrivait Granvelle, s'étant résolu, pour montrer sa bonne et sincère affection, d'y condescendre franchement. Enfin, Claude, seconde fille de Henri II, était donnée au jeune duc de Lorraine et lui apportait Stenay avec 300.000 écus d'or[39]. Nos troupes abandonnaient la Corse aux Génois, Sienne à Côme de Médicis, se retiraient d'Italie, du Luxembourg, de Lorraine, de Navarre et de Flandre. On ne songea même pas à stipuler la réintégration d'Antoine de Bourbon dans ses états de Navarre[40]. — Sire, s'écria le duc de Guise lorsqu'un envoyé du maréchal de Brissac vint faire au Roi des représentations sur la calamité de telles concessions, quand vous ne feriez que perdre pendant trente ans, si ne sauriez-vous perdre ce que vous voulez donner en un tel coup ; mettez-moi dans la pire ville de celles que vous voulez rendre, je la conserverai plus glorieusement sur la brèche ! — Et Tavannes, qui se fait l'interprète des vieux capitaines, même hostiles au parti des Lorrains, qui se battaient depuis vingt ans contre l'Espagne, dit à son tour, dans un mouvement de colère, qu'on avait alors négligé et le sang et la vie de trop de Français et rendu cent cinquante forteresses, pour tirer de prison un vieillard connétable et se décharger de deux filles de France, ce qui était une pauvre couverture de lâcheté. — Mais Henri II, satisfait déjà d'avoir arrêté, au moins momentanément lui semblait-il, l'accroissement de puissance du duc de Guise, ne voyait surtout que l'avantage d'une paix, achetée très cher sans doute, et d'une entente avec Philippe II qui allait lui permettre de combattre enfin efficacement l'hérésie protestante. Certes, on peut comprendre ces visées d'une politique d'ailleurs beaucoup plus élevée que la sienne, si elles demeurent blâmables pour le pays même autant qu'au point de vue sentimental des humanitaires et des partisans malgré tout de la liberté de conscience. L'alliance sincère des deux grandes puissances catholiques et latines au moment où la huguenote Elisabeth montait sur le trône d'Angleterre et allait devenir le plus ferme soutien de la Réforme, en même temps qu'elle l'utiliserait comme instrument de guerre contre les ennemis du Sud, pouvait en effet influer singulièrement sur l'état politique de l'Europe occidentale et de la chrétienté. Mais outre que Henri II était peu apte à tenir le rôle que lui assignaient les circonstances, le roi d'Espagne n'avait aucunement renoncé aux rêves de domination de Charles-Quint. Il devait poursuivre implacablement toute sa vie l'extermination des hérétiques dans ses Etats ; mais il, savait aussi que la même mesure en France provoquerait un affaiblissement dont il devait profiter. Le mal était déjà trop profond pour se réduire même avec quelques expédients énergiques[41]. — C'est, en effet, vers 1555 que s'organisent à Paris, avec pasteurs, anciens et diacres, les églises protestantes qui ajoutent dorénavant à la prière isolée ou faite en commun la prédication régulière et l'administration des sacrements[42]. Les églises protestantes se multiplièrent par toute la France dans les deux années qui suivirent et même à Paris les conversions se firent plus nombreuses, — où cependant la persécution était plus forte avec la Chambre ardente, les criailleries de la Sorbonne, des prêtres et des moines, aussi bien que l'animadversion du peuple enragé contre les huguenots. Après le désastre de Saint-Quentin, on alla jusqu'à dire qu'il y fallait voir un châtiment encouru pour avoir traité les hérétiques avec trop de douceur[43]. Au début de 1558, Henri II avait contraint le Parlement à enregistrer l'édit de l'inquisition, mais qui n'avait pu être appliqué, on l'a vu plus haut, et peu après on avait su que deux des princes de Bourbon, Condé et le roi de Navarre, avaient accepté la Réforme. Soudain que la paix fut faite, dit Pasquier, M. le cardinal de Lorraine qui en avait été un des premiers entremetteurs, déclara en plein Parlement que l'opinion du Roi avait été de la faire à quelque prix et condition que ce fût, pour delà, voyant le grand enjambement que la religion nouvelle faisait sur la nôtre, vaquer plus à son aise à l'extermination et bannissement de l'hérésie de Calvin[44]. La situation ainsi était franchement déterminée. Les prédicateurs, durant le carême de 1559, allèrent jusqu'à exciter le peuple à se soulever contre les religionnaires, contre les magistrats qui leur montraient tant d'indulgence qu'ils semblaient du parti, et le cardinal de Lorraine dit au président Séguier en présence de Henri II et de la duchesse de Valentinois : — Vous êtes cause que non seulement Poitiers, mais tout le Poitou jusques au pays de Bordeaux, Toulouse, Provence et généralement France est toute remplie de cette vermine, qui s'augmente et pullule sous l'espérance de vous[45]. — A la vérité, des dissentiments se produisaient parmi les juges sur la question religieuse et tandis que la Grand'Chambre, la Chambre ardente, se montrait impitoyable aux hérétiques, l'autre Chambre, dite de la Tournelle, avec Séguier et Harlay, traînait les procès en longueur et, ne pouvant absoudre, condamnait au simple bannissement. Un des premiers articles de la paix de. Cateau-Cambrésis spécifiait, dit Tavannes, que les rois de France et d'Espagne désormais ne permettraient plus aux luthériens vivre en leurs Etats, craignant l'exemple de la révolte d'Allemagne et lorsque le duc d'Albe vint à Paris, chargé d'épouser la princesse Elisabeth pour le roi d'Espagne[46], il eut également à s'entendre avec. Henri II sur les moyens que devaient employer les deux rois pour extirper définitivement la Réforme. Le Roi s'en ouvrit au prince d'Orange, très jeune encore et qui accompagnait le duc dans son ambassade. Le cardinal de Lorraine, le duc de Guise, tout le parti catholique, ne cessaient d'autre part de le pousser, tant, dit La Place, qu'il fut enfin advisé d'y pourvoir à la première Mercuriale. — Quand cela ne servirait, Sire, lui affirma le cardinal, qu'à faire paraître au roi d'Espagne que vous êtes ferme en la foi, et que vous ne voulez tolérer en votre royaume chose quelconque qui puisse apporter quelque tache à votre très excellent titre de roi très chrétien[47]. — Ce qu'on appelait alors la Mercuriale était une séance non publique, qui se tenait toutes chambres réunies, tous les trois mois, le mercredi et à des époques indéterminées, pour l'examen des erreurs et désordres relevés dans l'administration de la justice. C'était une séance de discipline et de jurisprudence[48]. — A la première qui eut lieu, le premier mercredi d'avril, la discussion fut vive, le procureur général du Roi nommé Boudin ayant requis la mort uniformément contre tous les hérétiques et nombre de conseillers disant qu'il fallait assembler un concile pour extirper les erreurs qui pullulaient en l'Eglise et cependant faire cesser les peines capitales ordonnées pour le fait de la religion. Un des juges, Ranconnet, se borna à lire la biographie de saint Martin de Tours, donnant le récit de ses efforts pour sauver les priscilliens de Trèves, si bien que l'assemblée inclinant à la conciliation, les présidents Le Maître et Mynard, dévoués au cardinal de Lorraine, s'empressèrent de l'avertir. La Mercuriale fut interrompue et renvoyée au 10 juin. — Les huguenots, cependant, songeaient à organiser la résistance ; ils s'assemblèrent à Paris même (26 mai) pour s'accorder en unité de doctrine et discipline[49], — en réalité aussi pour se concerter, prendre des dispositions, présentement de sauvegarde, qu'ils devaient fort bien utiliser quelques mois plus tard. C'est très probablement au synode de mai 1559 qu'il faut faire remonter l'organisation militaire du protestantisme en France ; la constitution de cette immense société secrète qui allait se lever à la fois contre le catholicisme et le pouvoir royal et dont l'audace et la ténacité devaient être un bien autre danger pour le royaume que les ambitions de la maison de Guise. — A peu près au même moment, il y eut une nouvelle intervention des princes protestants d'Allemagne, ayant entendu les grandes punitions qui se faisaient de ceux de la dite religion, en quoi ils portaient la tristesse de ses bons et loyaux sujets, et suppliaient le Roi de bien aviser à toutes les circonstances du fait. Une longue exhortation suivait, mais Henri II pour toute réponse dit aux ambassadeurs qu'ils étaient les bienvenus, et quant à leur charge il enverrait en bref un gentilhomme vers les électeurs et princes pour leur faire entendre son vouloir et réponse, laquelle serait telle qu'ils s'en contenteraient. — Vieilleville l'avait dissuadé de se rendre au Parlement pour la Mercuriale du 10 juin où le sollicitaient le cardinal de Lorraine et le parti de la répression, mais ensuite, dit le maréchal, ils revinrent à la charge et lui tinrent tant de langaiges et comminatoirs de l'ire de Dieu, qu'il pensait déjà être damné s'il n'y allait. Il se transporta donc aux Augustins où se tenait la séance — la grande salle et chambre du Palais étant prise par les préparatifs des noces de sa fille Elisabeth[50] et de sa sœur Marguerite avec les cardinaux de Lorraine et de Guise, le cardinal de Sens, le connétable et le chancelier, le duc de Guise, les princes de Montpensier et de La Roche-sur-Yon, ses gardes et les Suisses, tambour battant, les cent gentilshommes de sa maison, et sous le poêle avec grande magnificence. Il monta à la Grand'Chambre et s'assit avec brusquerie en son lit de justice sous le dais préparé là, disant que depuis qu'il avait plu à Dieu lui donner la paix, il lui avait semblé devoir remédier à la division de la religion, et qu'il était venu pour entendre en quels termes les choses étaient. — Lors le cardinal de Sens dit que le Roi voulait que l'on continuât la délibération commencée pour l'article de la mercuriale. Les conseillers poursuivirent donc, donnant chacun leur avis, mais, se hâte d'ajouter La Place, ils opinèrent en sa présence en pareille liberté que ceux qui avaient dit leur avis auparavant. Claude Viole et Gaston de Grieu ramenèrent la demande du concile ; du Faur revint sur les abus de la cour de Rome ; les présidents de Harlay, Séguier et de Thou dirent que la cour avait toujours fait devoir de bien juger et que le procureur général et ses avocats étaient à blâmer d'avoir voulu entreprendre de toucher à ses arrêts. Mais le pire fut Anne du Bourg, qui s'adressa directement au Roi après avoir réclamé la suspension des poursuites contre les huguenots, s'écriant que l'on voyait tous les jours des crimes dignes de mort rester impunis : blasphèmes, adultères, horribles débauches, parjures, et que l'on inventait de nouveaux supplices contre des hommes à qui l'on ne pouvait rien reprocher, hormis d'avoir révélé la Sainte Ecriture, la dépravation romaine, d'en avoir réclamé la réforme et de servir Dieu selon leur conscience. — L'attaque était directe et personne ne s'y trompa. Du Bourg se faisait le censeur de la Cour, des Guise, du Roi lui-même ; se croyait le droit de les reprendre, de leur crier l'opprobre et le mépris. Un frémissement d'indignation courut parmi les seigneurs et gentilshommes, et Henri II, outré de colère, s'étant fait apporter par le notaire qui rédigeait les actes le registre des séances, lui commanda de lire toutes les dictes opinions et dit après que lui déplaisait grandement ce qu'il en avait connu. Et sur l'heure appela le connétable et furent saisis par le capitaine des gardes, comte de Montgommery, les sieurs du Faur et Anne du Bourg ; et demeura le Roi tellement animé et courroucé qu'entre autres propos il dit qu'il verrait de ses yeux brûler le dit du Bourg avant six jours. — On les mena à la Bastille. On arrêta encore du Ferrier, Antoine Fumée, Nicole du Val, Claude Viole, Eustache de la Porte et Paul de Foix. Mais du Ferrier, du Val et Viole parvinrent à s'échapper. Henri II nomma le 19 une commission chargée d'instruire le procès et envoya de même des lettres patentes aux juges de province, commandant que tous les luthériens fussent détruits, et que s'ils les épargnaient comme il avait entendu qu'aucuns avaient fait, ce serait à eux qu'il s'en prendrait et seraient en exemple aux autres[51].

Quelques réflexions se présentent ici sur la fin malheureuse du conseiller Anne du Bourg, honnête homme après tout, éloquent et docte, entraîné par la passion à des écarts de parole qui furent durement châtiés, et dont les protestants ont fait, avec raison d'ailleurs, un des martyrs de leur cause. Nous verrons trop souvent encore combien, au seizième siècle, les mœurs étaient cruelles ; mais il faut bien se dire également que, même aujourd'hui, nul n'oserait en plein tribunal tenir en face, au souverain de n'importe quel pays d'Europe, un langage tel que celui tenu .par du Bourg à Henri II. Le Roi était en somme le premier personnage du royaume, la personnification visible de la nation ; et à notre époque où cependant le crime de lèse-majesté est pour ainsi dire aboli, si l'on peut critiquer le souverain ou le chef de l'Etat, l'attaquer, le blâmer dans sa vie ou dans ses actes, on n'a pas acquis davantage le droit de l'insulter. Anne du Bourg, glorifié pour son courage et sa fin édifiante par les calvinistes, ne monterait pas sans doute sur l'échafaud au temps où nous sommes ; mais il passerait en jugement et. serait certainement condamné.

Cependant les fêtes continuaient à Paris pour le triple mariage des filles de France. Le 20 juin, le duc d'Albe avait épousé à Notre-Dame pour le roi d'Espagne, la princesse Elisabeth qui n'avait que treize ans, et c'était encore le duc de Guise, après l'avoir proclamée reine d'Espagne, qui avait en criant : Largesse ! fait distribuer à la foule l'or et l'argent comme au mariage du Dauphin. Le 27 fut signé le contrat de Marguerite et du duc de Savoie. On ne vivait que parmi les festins, joutes, bals, mascarades. Devant les Tournelles, la rue Saint-Antoine avait été dépavée, convertie en lices, ornée de théâtres et arcs triomphaux[52] et toute une semaine, les seigneurs s'étaient mesurés avec ceux d'Espagne, montrant bien qu'ils étaient plus experts au fait de la cavalerie et que la lance leur appartenait sur toutes armes. Le 29, le Roi devait être tenant avec le duc de Guise, Nemours et le prince de Ferrare. Les luttes surtout brillantes avec de tels champions duraient encore le lendemain lorsque Henri II qu'attendait son destin défia le capitaine des gardes Montgommery. Une inquiétude singulière, paraît-il, pesait sur les fêtes depuis quelques jours ; de mauvaises prédictions avaient été répandues ; la reine Catherine avait rêvé qu'on arrachait un œil de la tête de son mari ; le maréchal de Vieilleville, avec de sombres pressentiments que rapporte Carloix, avait essayé de retenir le Roi qui, lui-même, s'était vu étendu dans une arène, noyé dans son sang[53]. Diane de Poitiers parla de ces présages sinistres au connétable qui dut lui remontrer qu'un tournoi n'était pas une bataille et cependant Montgommery plus que nul autre se sentit troublé, car il refusa d'abord l'honneur de courir et ne céda que devant les ordres réitérés du Roi. Plusieurs des seigneurs qui étaient présents cherchèrent à l'arrêter ; la Reine le fit supplier de ne plus combattre ; mais Henri II lui demanda seulement un ruban de sa main qu'il ajouta aux couleurs de Diane de Poitiers, le blanc et le noir, et piqua son cheval. Un jeune garçon, voyant des fenêtres du palais Gabriel de Lorges, comte de Montgommery, s'élancer dans les lices, s'écria, dit-on : — Hélas ! cet homme va tuer le Roi ! — Il ne croyait pas si bien dire. Au choc des deux adversaires, les lances se brisèrent. Montgommery n'eut pas le temps, ou la présence d'esprit, de jeter le tronçon de la sienne qui glissa sur l'armure royale, souleva la visière du casque qui n'avait pas été bouclée et, crevant l'œil gauche, pénétra dans le cerveau[54]. Henri II, assommé par le coup, tomba sur le col de son cheval qui courait toujours et ne fut arrêté qu'a l'extrémité des barrières par les écuyers. On descendit des arçons le malheureux homme frappé à mort, tandis que survenaient avec des cris d'épouvante le Dauphin, la reine Catherine, les ducs de Savoie et de Guise, la duchesse de Valentinois, les courtisans et les familiers. On l'étendit sur une banquette pour le désarmer, examiner l'horrible blessure. Vieilleville et le grand écuyer l'emportèrent enfin dans sa chambre qui fut fermée et interdite à tout le monde sauf ceux qui pouvaient y faire service. Comme on le transportait aux Tournelles, Henri II dit, selon certaines relations : Je suis tué dans un duel ; cela était prédit ; nul ne peut éviter son destin ! — D'autres affirment qu'il rappela que Vieilleville lui avait annoncé ce malheur et l'avait instamment voulu divertir de recommencer le tournoi. Selon Brantôme, enfin, il perdit cœur et d'après de Thou il est douteux qu'il ait prononcé une seule parole[55]. — La consternation, chose certaine, était générale ; Catherine de Médicis, Diane de Poitiers, le connétable, pour des raisons diverses, étaient au désespoir. Cinq ou six chirurgiens des plus experts de France, dit Vieilleville, firent diligence et devoir de profondir la plaie et sonder l'endroit où les esquilles des tronçons de lance pouvaient avoir donné. Mais il ne leur fut possible, encore que durant quatre jours ils eussent anatomisé quatre têtes de criminels que l'on avait décapités en la conciergerie du Palais, contre lesquelles on cognait le tronçon par grande force au pareil côté qu'il était entré dedans celle du Roi. Il agonisa dix jours et, selon ceux qui tiennent à le faire parler avant sa mort, donna des ordres à la Reine pour faire célébrer le mariage de sa sœur avec le duc de Savoie et ses dernières instructions pour le gouvernement du royaume. Le mariage eut lieu dans l'église Saint-Paul, un peu après minuit, avec torches et flambeaux (9 juillet). Le Roi avait déjà perdu la parole, le jugement et tout usage de raison, ne connaissant plus personne et mourut le lendemain, à une heure après-midi,avec spasme et attraction et une extension monstrueuse et hideuse des mains et des pieds, donnant signe évident de la véhémence du mal[56]. Henri II, qui était dans sa quarante et unième année, avait régné douze ans. Prince de doux esprit, mais de fort petit sens et du tout propre à se laisser mener en laisse, écrit Régnier de la Planche, qui se trouva avoir prononcé son oraison funèbre, il avait vu l'ambition et l'avarice de ceux qui le possédaient remplir de sang l'Allemagne et l'Italie, mettre en vente et comme au plus offrant les lois et toute justice, épuiser la bourse des pauvres et des riches par des exactions suivies de calamités. — Toutefois, il avait finalement aperçu que ceux de Guise l'avaient mal servi en lui faisant rompre les trêves si solennellement jurées, dont étaient ensuivies tant de pertes irréparables, et avait résolu après avoir achevé les mariages de les déchasser arrière soi comme une peste de son royaume. — Les intentions du Roi, après cette diatribe, n'étaient peut-être pas aussi certaines que veut l'affirmer l'historien de l'Estat de France, mais au moment où la maison de Lorraine allait prendre le pouvoir, les huguenots pouvaient en effet manifester quelques regrets[57].

 

 

 



[1] BRANTÔME : M. de Guise le Grand, Hommes illustres, etc. On sait que Briquemaut fut exécuté après la Saint-Barthélemy.

[2] La bataille de Saint-Quentin, qui fut livrée, on l'a vu, le jour de Saint-Laurent.

[3] VIEILLEVILLE.

[4] Le Roi donna de même à Sénarpont trois corps de ferme en plus d'un hôtel dans la rue Royale, à Calais ; d'Andelot eut l'hôtel du gouverneur, rue Courtenvaux. Dans les armes de la ville figurèrent dorénavant deux croix de Lorraine en mémoire du duc de Guise et un petit écusson d'argent à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes de même qui est de Jérusalem que cette maison prend au troisième quartier d'en haut de ses armes. Ch. DEMOTIER, Annales de Calais, p. 124.

[5] Le Roi, dit La Place, s'excusa envers son compère, lui mandant par lettres secrètes qu'il avait été contraint de ce faire avec plusieurs choses contre sa volonté ; mais que le temps lui en ferait raison. — Commentaires, liv. I, p. 8.

[6] On sait que dans l'acte de ratification du traité de 1559 entre la France et l'Angleterre, François II signa non seulement comme dauphin de France, mais encore comme roi d'Ecosse, d'Angleterre et d'Irlande ; Marie Stuart, de son côté, avait pris les armes d'Angleterre. — C'est déjà sa querelle avec Élisabeth qui commence.

[7] Le Discours de Gaspard de Coligny, seigneur de Chastillon, admiral de France, où sont sommairement contenues les choses qui se sont passées durant le Siège de Saint-Quentin en 1557. Ce récit est daté du 28 décembre de la même année. Ecourté dans la collection Buchon, on le trouvera en entier dans la Guerre de 1557 en Picardie, Saint-Quentin, 1896.

[8] C'est au moment de la captivité de l'amiral à l'Ecluse que François Hotman place les débuts de sa conversion au protestantisme. Il avait commencé, dit-il, à prendre quelque goust de la pure religion et vraye piété et du vrai moyen de prier et servir Dieu. (Edit. de 1665, p. 21.) Tant, dit Th. de Bèze, qu'il fut gagné au Seigneur pour être un jour un instrument d'élite en son église. (Histoire ecclésiastique, t. I, p. 40.) Mais cette évolution, de l'aveu même des historiens huguenots, était bien antérieure.

[9] Le cardinal de Châtillon lui écrit à ce propos (18 septembre 1557) : Monseigneur, après que madame la connétable vous a dépêché Yvoy votre maistre d'hôtel avec tout ce que vous lui aviez donné en charge de vous envoyer par luy, tant des personnes que autre chose qui sont par un mémoire que vous lui avez envoyé, j'ai reçu une lettre du médecin Vesalius par laquelle il me mande qu'il était venu au camp du Roi son maistre pour solliciter le passeport de tous vos gens, à quoi déjà l'on avait mis ordre à tout ce qu'il mande, hors du vin, d'autant que par deux ou trois fois on ne l'avait voulu laisser passer, à quoi l'on a mis ordre incontinent... (Bibl. nat., mss. fr. 3130, f° 32.) — Une autre lettre, du duc de Savoie, indique qu'on lui a fait parvenir des hardes, du vin, sa vaisselle d'argent. (Ibid., mss. fr. 6637, f° 347.)

[10] Titres des 11 et 14 décembre 1557. Archives, t. CXXV, p. 13 et 14. Odet de Châtillon avait obtenu des lettres patentes lui permettant de recevoir et passer les quittances pour et au nom de son frère... des deniers qui lui seraient et pourraient être dus durant sa détention.

[11] Il demanda qu'on lui envoyât de France une mule et une haquenée. (Cf. DELABORDE, t. I, Bibl. nat., mss. fr. 3139, f° 49.)

[12] M. le connétable n'a pour le désastre qui lui est advenu, perdu rien du courage qu'il a au service de son maistre, comme il l'a bien fait paraistre à M. de Savoye qui l'est allé voir pour les sages et braves réponses qu'il lui a faites. (Le cardinal de Châtillon à Delavigne, 13 mai 1558. Bibl. nat., mss. fr. 4129, f° 75.)

[13] 1558, n. s.

[14] Bibl. nat., mss. fr. 3123, f° 17.

[15] Comte DELABORDE, Gaspard de Coligny, t. I.

[16] Granvelle avait la réputation d'écrire de sa main cinquante lettres par jour et de fatiguer en même temps six secrétaires à qui il dictait des lettres dans six langues différentes. (LOTHROP-MOTLEY).

[17] Th. DE BÈZE, Histoire ecclésiastique, t. I, p. 414.

[18] Les trois inquisiteurs auraient été le cardinal de Lorraine, le cardinal de Bourbon et le cardinal de Châtillon.

[19] Le duc de Guise dit à ce propos qu'il était prêt de marcher à Thionville, où le voyage était dressé, mais qu'il n'espérait y prospérer si le sieur d'Andelot y commandait aux gens de pied desquels il était colonel. — Pierre DE LA PLACE, Commentaires, liv. I.

[20] Lettre patente donnée à Sedan. DU BOUCHET, Preuves, p. 1110.

[21] DE BÈZE, t. I, p. 150.

[22] Pierre DE LA PLACE, Commentaires, liv. I.

[23] Pierre DE LA PLACE, Commentaires, liv. I.

[24] H. FORNERON, t. II, p. 339.

[25] Selon une autre version, il aurait dit : La messe est un sacrilège devant Dieu et devant les hommes. Il y a quelques variantes dans les diverses relations données par la Place, Brantôme, Bèze, de Thou, etc., mais le sens reste le même.

[26] Par le bonhomme M. de Lorges, l'un des capitaines de ses gardes, dit P. DE LA PLACE.

[27] Th. DE BÈZE, t. I, p. 145. A Melun, sa femme, qui était enceinte, lui montrait son ventre pour l'émouvoir à compassion du fruit qu'elle portait, et l'adjurait de céder. (Lettre de Calvin au marquis de Vic, 19 juillet 1558.) — Il écrivit à la On une lettre de soumission au Roi et consentit à entendre l'office. (Cf. lettres de Calvin à d'Andelot et de d'Andelot au Roi, dans le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme, t. III.)

[28] Le maréchal de Strozzi avait traduit en grec les Commentaires de César, avec des additions et instructions pour les gens de guerre écrites en latin. Sa bibliothèque fut estimée 15.000 écus et dut passer, après sa mort, dans celle de Catherine de Médicis. Il possédait encore un cabinet d'armes et d'armures et une collection de machines de guerre. (BRANTÔME, t. I, p. 167.) — Les blessés de Thionville furent conduits à Metz pour y être soignés dans un hôpital que Coligny y avait fait construire avec autant de prévoyance que d'humanité. Ce trait que signale DE THOU (Histoire universelle, t. II, p. 173) est un des rares que l'on puisse mentionner à l'actif du grand héros des calvinistes et il était juste de ne pas l'oublier.

[29] La présence d'Henri II, dit M. Forneron, n'empêchait nullement le duc de donner des ordres ni de diriger ses troupes. Tandis qu'il séjournait à Marchais avec le Roi, on apprend que Corbie est menacé ; il faut y jeter des renforts à la hâte ; le conseil est assemblé et d'Estrées et Montluc insistent pour être envoyés au secours de la place. Le conseil ne se déterminant pas, Guise fait partir d'autorité sept enseignes d'infanterie gasconne avec des vivres et munitions qui arrivent juste comme se présentait la cavalerie espagnole et font tête sur le bord du fossé. Les Espagnols se retirèrent, renonçant à prendre Corbie. — Op. cit., t. I, p. 216.

[30] H. FORNERON, op. cit., t. I, p. 218.

[31] Bibl. nat., mss. fr. 3139, f° 5.

[32] Le Roi lui avait écrit également que selon les propos du duc de Guise, tant que la guerre durerait ni lui ni Coligny ne sortirait de prison. Bibl. nat., mss. fr. 3134, f° 117.

[33] Montmorency se hâta d'aller délivrer d'Andelot (17 août 1558). Il l'emmena à Saint-Germain avec Condé et le Roi reçut amicalement cette mauvaise tête qui avait été si osé de lui résister en face. Il lui rendit sa charge et ses états et lui en promit même de plus grands.

[34] Ambassadeurs vénitiens, SURIANO.

[35] Du camp près d'Amiens, Odet de Châtillon écrivait encore le 22 septembre au duc de Savoie au sujet de ces 500 écus qu'on n'arrivait pas à faire passer.

[36] Calvin écrivit en même temps à Charlotte de Laval (4 septembre 1558) pour la fortifier, elle aussi, en constance invincible.

[37] Ce fut le cardinal de Châtillon qui s'occupa encore de faire transporter l'argent qui passa par Amiens le 9 février 1558 (1559 n. s.). Cf. A. DE LAMORLIÈRE, Antiquités d'Amiens, 1627, in-4°, p. 362. L'échevinage, par délibération du 15 février, accorda une escorte pour le transport de 30.000 écus. Revue des Sociétés savantes, t. VI, 1883, p. 463.

[38] 1559 n. s.

[39] Coligny était rentré à Châtillon lorsqu'il apprit l'issue des conférences par un billet du connétable : — Messieurs mes neveux, je n'ai voulu laisser partir ce courrier sans vous faire la présente pour vous avertir que grâce à Notre Seigneur, la paix est faite, et qu'est Madame sœur du Roi mariée, dont je vous prie l'advertir et lui baiser les mains de ma part, espérant qu'elle en aura contentement, de quoi je serai aussi aise que très humble serviteur qu'elle ait ; vous priant au demeurant vouloir envoyer cette lettre à la connétable à laquelle je vous prie écrire, pour la hâte que nous avons de faire partir ledit courrier pour porter ces nouvelles au Roi. — 27 mars 1559 (Bibl. nat., mss. fr. 3139, f° 74).

[40] La Navarre avait été enlevée en 1513 par Ferdinand d'Aragon à Jean, sire d'Albret ; François Ier la reconquit presque entièrement en 1520 et la perdit ensuite. Charles-Quint, à son lit de mort, ordonna à Philippe II de la restituer et Philippe II fit plus tard la même recommandation à Philippe III. C'est dire que les choses restèrent en état. Cf. MORÉRI, v° Navarre. Edit. de 1702.

[41] Beaucoup ne pouvaient croire, dit Castelnau, qu'il y eût une telle multitude de réformés en France comme depuis elle se découvrit, ni que les protestants osassent ou plissent faire tête au Roi et mettre sus une armée et avoir secours d'Allemagne comme ils eurent. (Mémoires, liv. I, chap. VII.)

[42] Th. DE BÈZE, Histoire ecclésiastique, t. I, p. 97.

[43] Th. DE BÈZE, Histoire ecclésiastique, t. I, p. 115.

[44] Et. PASQUIER, p. 76 ; liv. IV, lettre 3 ; BRANTÔME.

[45] LA PLACE, liv. I.

[46] Juin 1559. Pour bien marquer sa tendance catholique, ce fut le duc de Guise avec le cardinal et le duc de Lorraine que le Roi envoya au-devant de lui.

[47] VIEILLEVILLE, liv. VII, chap. XXIV.

[48] Le Dictionnaire de Trévoux spécifie que la Mercuriale se faisait le premier mercredi après l'ouverture des audiences de la Saint-Martin et de Pâques et avait été établie par les édits de Charles VIII et Louis XII. Edit. de 1734, t. III.

[49] DIETERLEN, le Synode général de Paris en 1559, Paris, 1873, in-8°.

[50] Le contrat fut signé au Louvre le 20 juin en présence des notaires et secrétaires de la maison et couronne de France.

[51] Th. DE BÈZE, t. I, p. 194 ; LA PLACE, liv. I ; CASTELNAU, liv. I, chap. III ; VIEILLEVILLE, liv. VII, chap. XXV.

[52] D'AUBIGNÉ, Histoire universelle, liv. II, chap. XIII.

[53] Un quatrain de Nostradamus annonçait également une grande catastrophe en champ clos et de Thou a recueilli une prétendue prophétie de l'astrologue italien Luco Gaurico affirmant que le Roi périrait en duel. Cf. BAYLE, v° Henri II.

[54] TAVANNES. — Selon La Place, il fut atteint tellement que les éclats de la lance lui entrèrent par un des yeux, de telle roideur que le test au derrière en fut fêlé et le cerveau estonné, auquel s'engendra une apostume.

[55] On ne peut, faire aucun fond sur les affirmations des protestants La Place et d'Aubigné, qui agrémentent toujours leurs récits selon les besoins de la cause et rapportent qu'il tourna la face vers la Bastille, lui échappant de dire qu'il avait injustement affligé les gens de bien qui étaient là dedans. Le cardinal de Lorraine qui se tenait près de lui releva ces paroles et dit en s'y opposant : que le Diable les avait dictées. On remarquait aussi le serinent qu'il avait fait publiquement que de ses yeux il verrait brûler du Bourg. (D'AUBIGNÉ, liv. II, chap. XIV.) — M. Forneron dit très justement : Il mourut probablement sans avoir repris connaissance. Il n'y a donc pas à s'indigner pour les paroles du cardinal de Lorraine, contre ce vil ministre qui avait tant de fois insulté à la conscience humaine et égaré par de perfides obsessions celle de son souverain. (Comte J. DELABORDE, Gaspard de Coligny, t. I.)

[56] Lettre d'Antoine Caraccioli, évêque de Troyes, à Corneille Musse, évêque de Bibonte (14 juillet 1559) ; Épîtres du prince de Ruscelli, traduites par BELLEFOREST, in-8°, 1574, p. 394 ; Relation d'André Vésale dans Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, t. I, p. 432. — On peut voir au Musée du Louvre, galerie de la Renaissance, le masque mortuaire de Henri II (rez-de-chaussée, salle dite de Michel Colomb). C'est une terre cuite, faite d'après un moulage pris sur le cadavre du Roi et qui rend d'une manière frappante son expression de souffrance au cours de l'agonie.

[57] Tous les protestants d'ailleurs n'eurent pas la retenue de Régnier de la Planche et plusieurs crièrent que Dieu s'était servi de la main de celui qui avait arrêté les conseillers évangéliques pour frapper le Roi par son juste jugement. Montgommery, qui avait accidentellement tué Henri II, se fit d'ailleurs huguenot.