LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME III — LE TRAVAIL DANS L’ANTIQUITÉ

L’AGRICULTURE. — VI. - LA FERME

 

 

LES MÉTAYERS. - LA MÉTAIRIE. - LES BÂTIMENTS ACCESSOIRES. - LES PUITS. - LES CHARIOTS. - LES BASSES-COURS. - LES POULETS. - LES OIES ET LES CANARDS. - LE COLOMBIER. - LES ABEILLES.

 

LES MÉTAYERS. — L’agriculture formait la principale richesse des Égyptiens, qui apportaient dans cette branche du travail humain l’esprit positif que nous trouvons dans tous leurs actes. Ils tenaient à connaître le compte exact de leurs biens. Les maîtres ou les intendants examinaient tout avec un soin méticuleux pour se rendre compte de l’accroissement ou du dépérissement des troupeaux. A des époques régulières, tous les bestiaux étaient passés en revue, et toute une armée de scribes était sans cesse occupée d’un bout à l’autre de l’Égypte à enregistrer jusqu’aux moindres détails de la richesse agricole. Il y a là une organisation complète où chacun. a sa fonction déterminée.

Nous sommes loin de trouver une organisation aussi complète dans l’Italie primitive. Dans lès premiers siècles de Rome, tout le monde cultivait son champ. Les généraux eux-mêmes, dit Pline, étaient laboureurs... Mais aujourd’hui, ces mêmes champs sont abandonnés à des esclaves enchaînés, à des malfaiteurs condamnés au travail et flétris d’un fer chaud. Ces mots renferment en quelque sorte le premier et le dernier mot de l’agriculture romaine. On peut distinguer chez elle trois époques caractéristiques : Antérieurement aux guerres puniques, tout citoyen, sans aucune distinction, travaille à la terre ; c’est l’indice d’une société laborieuse, mais grossière. Car, dans une république bien organisée, un homme d’état ou un général peut mieux passer son temps qu’en labourant. Pendant la période brillante de l’histoire romaine, nous voyons des hommes instruits et illustres s’occuper avec passion de l’agriculture et apporter aux travaux des champs, non pas le secours de leurs bras, mais l’appoint de leur intelligence. C’est l’époque où écrivent Varron, Virgile et Columelle. C’est aussi l’époque où l’agriculture atteint son plus haut développement.

Mais la société antique était rongée par une plaie qui devait un jour la tuer : l’esclavage. La figure 82, tirée d’une pierre gravée, montre un laboureur enchaîné qui s’appuie sur son instrument de travail ; cet homme est un esclave.

Columelle signale déjà les inconvénients d’un fait qu’il considère surtout en moraliste : En général, les esclaves enchaînés doivent être de la part du maître l’objet d’une surveillance particulière. Il s’assurera par lui-même s’ils ne sont privés ni de vêtements, ni des autres choses qui leur sont nécessaires. Il doit y veiller d’autant plus scrupuleusement que ces malheureux, étant soumis à plusieurs supérieurs, au métayer, aux chefs d’atelier et aux geôliers, sont plus que les autres exposés à souffrir toutes sortes d’injustices.

Ce que Columelle ne pouvait prévoir, c’est que la substitution du travail esclave au travail libre devait un jour ruiner l’agriculture. Les petits propriétaires indépendants ne pouvaient supporter la concurrence des troupes d’esclaves que les hommes opulents avaient à leur service, et leur nombre diminuait tous les jours. Les ouvriers des champs, ne trouvant plus d’ouvrage dans les métairies, parce qu’on n’y employait que des esclaves, accouraient dans les villes et désertaient la campagne. A la fin de l’empire, les métayers sont tous des affranchis peu soucieux des intérêts de leurs maîtres ; ils ont tous sous leurs ordres des esclaves qui n’ont aucun intérêt à ce que la terre rapporte.

 

LA MÉTAIRIE. — Nos ancêtres, dit Varron dans son ouvrage de Re rustica, donnaient à leurs villas une étendue relative à la quantité de fruits et de productions de la terre ; aujourd’hui, on ne voit que profusion. Ils donnaient plus d’étendue aux bâtiments d’exploitation qu’aux habitations ; aujourd’hui, on fait le contraire. Autrefois, on faisait l’éloge d’une villa lorsqu’il y avait une bonne cuisine, de grandes écuries et des magasins assez vastes pour conserver l’huile et le vin ; aujourd’hui, les villas de Metellus et de Lucullus surpassent de beaucoup celles qui sont destinées à un usage utile. Ces hommes n’ont d’autre soin que de donner une exposition fraîche aux salles à manger d’été, d’exposer au contraire au soleil les appartements destinés à être habités en hiver ; au lieu que nos ancêtres songeaient plutôt à l’exposition qu’il convenait de donner aux lieux destinés à y conserver le vin et l’huile.

Le même auteur indique un peu plus loin les conditions les plus avantageuses pour l’établissement d’une métairie : Pour vos constructions, choisissez de préférence le pied d’un coteau boisé, riche en pâturages, et l’exposition la plus saine. La meilleure de toutes est le levant d’équinoxe, car on y a de l’ombre en été et du soleil en hiver. Êtes-vous forcé de bâtir au bord d’un fleuve ? Ouvrez vos jours de l’autre côté, sans quoi les habitations seraient froides pendant l’hiver et peu saines pendant l’été.

Le vieux Caton prescrit, avec sa concision ordinaire, les éléments qui composent une métairie qu’on veut élever : Clauses à proposer à un architecte pour bâtir une maison de campagne. — Si vous faites bâtir à forfait une campagne entièrement neuve, voici les obligations de l’entrepreneur : Conformément au désir, il construira toutes les murailles en moellons unis avec de la chaux, les piliers en pierres solides, les poutres qui sont nécessaires, les seuils, les jambages de porte, lés linteaux, les lambourdes, les étais, les étables d’hiver pour les bœufs, les râteliers pour l’été, l’écurie, les chambrettes pour les esclaves, trois garde-manger, une table ronde, deux chaudières, dix toits à porcs, un foyer, une porte cochère et une autre à la disposition du maître, les fenêtres, dix barreaux de dix pieds pour les grandes fenêtres, et pour les petites six lucarnes, trois bancs, cinq chaises, deux métiers de tisserand, six carreaux transparents, un petit mortier à piler le grain, un métier de foulon, les chambranles, deux pressoirs. Le propriétaire fournira les matériaux, les objets nécessaires à la main-d’œuvre ; il fera tailler et polir, il sera tenu de fournir une scie et un cordeau, cependant il n’est tenu qu’à couper et travailler les matériaux. C’est l’entrepreneur qui fournit la pierre, la chaux, le sable, l’eau, la paille et la terre employée au mortier.

On peut se faire une idée des bâtiments accessoires d’une ferme d’après une miniature du Virgile du Vatican, qui représente la cour où étaient retenus les compagnons d’Ulysse, lorsque la magicienne Circé les eut métamorphosés en porcs. La figure 83 montre les bâtiments de cette cour.

 

LES BÂTIMENTS ACCESSOIRES. — Varron décrit ainsi une cour : On devra ménager dans la cour des remises spacieuses pour les charrettes et les autres ustensiles, afin qu’ils soient à couvert de la pluie. Dans les grandes exploitations, il est bon d’avoir deux cours, l’une intérieure, l’autre extérieure. Dans la cour intérieure on devra ménager un bassin destiné à recevoir les eaux pluviales qui, en passant près des stylobates et coulant sur un plan incliné, formeront un abreuvoir où les bœufs, revenant des champs, pourront boire et se baigner pendant l’été, ainsi que les oies et les porcs lorsqu’ils reviendront des pâturages. Il en faut un également dans la cour- extérieure pour faire tremper les lupins et autres graines dont l’emploi exige un séjour sous l’eau. Cette cour, étant continuellement jonchée de litière et de paille que les bestiaux foulent sous leurs pieds, devient comme une fabrique d’engrais pour les champs.

Les agronomes anciens entrent dans de grands détails sur l’aménageaient des étables, des hangars et des celliers. Mais comme ces bâtiments ne différent pas essentiellement des nôtres, il n’est pas utile d’insister sur ce point. Nous avons déjà montré, figure 33, la disposition d’une écurie pour les chevaux. On verra celle d’une étable à bœufs sur la figure 84, tirée d’une miniature du Virgile du Vatican.

 

LES PUITS. — Toute métairie devait être pourvue d’un ou de plusieurs puits ; la construction de ces puits présente une certaine variété.

La figure 85, tirée d’une peinture antique, représente un puits composé d’une longue perche posée en équilibre sur un massif en maçonnerie et percé d’une lucarne ; une corde et un seau sont, suspendus à la perche ; deux hommes font marcher le levier.

On voit une autre espèce de puits sur un sarcophage romain (fig. 86). II se compose de deux bâtons en fourche sur lesquels repose un cylindre ; la corde qui porte le seau s’enroule autour du cylindre (axis).

Il y a au Musée britannique un croc antique en bronze, assez semblable à ceux dont nous nous servons pour retirer un seau du puits.

Ce crochet (harpaga) devait avoir dans l’antiquité un usage assez analogue ; il est disposé de manière à recevoir un manche de bois qui était sans doute de longueur différente suivant l’usage pour lequel on employait ce crochet (fig. 87).

 

LES CHARIOTS. — L’homme riche en imagination, dit Hésiode, parle de construire un chariot ; l’insensé ! il ignore que pour un chariot il faut cent pièces de bois ; il aurait dû y songer plus tôt et se munir de matériaux nécessaires. Il est permis de penser, malgré l’autorité d’Hésiode, que dans les temps primitifs la construction d’un chariot ne comportait pas autant de pièces de bois qu’il l’affirme, à moins qu’il ne veuille compter comme telles les bâtons qui forment la partie supérieure de quelques charrettes.

Les chariots égyptiens représentés sur la figure 88 sont d’une conception assez grossière ; ils ont des roues pleines. Les chars égyptiens ont, au contraire, des roues évidées, et il est probable qu’on employait les roues pleines pour les véhicules grossiers. Les chars, destinés à porter des guerriers doivent aller rapidement, tandis que les chariots agricoles, traînés par des bœufs, et destinés à porter de lourds fardeaux, pouvaient être construits dans des conditions différentes.

Un fait assez remarquable, c’est que les chariots que l’on voit sur les monuments assyriens ont les roues évidées, même dans les représentations rustiques ; celui que montre la figure 89 est d’ailleurs assez grossier. Il a la forme d’un coffre carré, et son ouverture est par devant. Il est bon de rappeler que dans l’antiquité les chars de guerre, et en général tous les chars à course rapide, ont leur ouverture par derrière et sont arrondis sur leur surface antérieure.

Le char primitif dont se servaient les paysans du Latium consistait en une plate-forme en planche supportée par deux roues ; on plaçait le chargement soit directement sur la plate-forme, soit dans un grand panier qu’elle supportait. Quelquefois la plate-forme était pourvue d’un rebord. Les roues de ces chariots n’avaient généralement pas de rayons ; elles étaient pleines et formées d’un gros morceau de bois de forme ronde auquel était adapté l’essieu. La roue ne tournait pas autour de l’essieu, auquel elle était fixée, elle n’était pas’ mobile et il tournait en même temps qu’elle (fig. 90).

Le même genre de chariot, mais plus perfectionné puisqu’il a des rebords, est représenté sur la figure 91, tirée d’une peinture de Pompéi.

Les monuments romains de la Gaule nous offrent plusieurs modèles de chariots. Sur un bas-relief trouvé près de Dijon, on voit un chariot à quatre roues, de forme rectangulaire, et qui parait être en osier (fig. 92). Une voiture d’un autre caractère, et qui est surtout remarquable par le harnachement du cheval, se voit sur un bas-relief en marbre du musée d’Avignon ; il formait la décoration d’un tombeau de Vaison (fig. 93).

Un chariot gaulois du musée de Saint-Germain est représenté sur la figure 94. Il est à deux roues et fait en bois. L’ouverture de ce chariot se trouve placée par derrière, à la façon des chars antiques ; mais des bas-reliefs gallo-romains nous montrent des véhicules à deux roues comme celui-ci et dans lesquels on devait monter par les côtés, en avant de la roue, de la même manière que pour le tilbury de nos jours. Certains bas-reliefs, écrit A. de Caumont dans son Abécédaire ou Rudiment d’archéologie, nous montrent les véhicules les plus ordinaires pour aller de la campagne à la ville et pour les voyages : tel est le cisium, qui ressemble beaucoup à notre cabriolet moderne. Il y en avait à un, à deux, à trois chevaux. Rich, dans son Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, dit du cisium que c’était une voiture légère à deux roues qui servait chez les Romains de voiture publique ou particulière, quand il fallait arriver au plus vite. Elle contenait deux personnes, en y comprenant le conducteur, était ouverte par devant et munie de timons. On y attelait à l’occasion un ou quelquefois deux chevaux de volée, comme on le pratique encore maintenant à Naples. Un bas-relief d’Igel montre un de ces véhicules.

 

LES BASSES-COURS. — L’élevage des volailles avait une grande importance dans l’économie d’une ferme. En Égypte, notamment, le soin des basses-cours était confié à une catégorie particulière de domestiques, et on estimait beaucoup les éleveurs d’oiseaux, surtout ceux qui savaient élever et faire multiplier les oiseaux sauvages pris à la chasse. C’est un de ces éleveurs qui est représenté sur la figure 95.

La Grèce, l’Italie et la Gaule ont été pourvues de basses-cours très riches, au fur et à mesure que l’agriculture y est devenue florissante, mais c’est toujours à l’Égypte qu’il faut recourir pour trouver les méthodes les plus anciennes et en même temps les plus perfectionnées.

 

LES POULETS. — Varron décrit ainsi le poulailler d’une ferme de moyenne dimension : Pour deux cents poules, il faut un lieu clos dans lequel on dispose deux cabanes l’une à côté de l’autre, toutes deux au soleil levant. Chacune aura dix pieds de longueur et à peu près autant en hauteur. Les fenêtres auront trois pieds de large sur quatre de haut et seront tissues à claires voies, de façon à laisser entrer- beaucoup do jour sans livrer passage à aucune bête nuisible. On ménagera de plus entre ces cabanes un passage pour le gardien du poulailler. Dans chaque cabane se trouveront des perches en nombre suffisant pour servir de juchoir à toutes les poules ; vis-à-vis de chaque perche on creusera dans le mur des trous pour servir de nids.

Les éleveurs romains avaient des soins particuliers pour les poules pondeuses ; les œufs tenaient une très grande place dans la cuisine romaine, et les lettrés se piquaient d’être professeurs en ce genre. Apprenez, mortels, dit Horace, et ne l’oubliez jamais, que les œufs de forme allongée sont de beaucoup préférables aux œufs ronds, qui renferment presque toujours un poulet ; la coque des premiers est moins dure et le blanc est plus laiteux ; le jaune en est aussi plus nourrissant.

Les Égyptiens connaissaient l’art de faire éclore les œufs artificiellement, et une partie de l’occupation des éleveurs consistait à aller dénicher des œufs d’oiseaux sauvages, que l’on s’efforçait ensuite d’élever dans les basses-cours. Diodore de Sicile dit en parlant des éleveurs de ce pays :

Aux connaissances héritées de leurs pères, les Égyptiens ajoutent de nouveaux perfectionnements. Les nourrisseurs de poules et d’oies méritent sous ce rapport toute notre admiration, car, au lieu de se servir du moyen ordinaire pour la propagation de ces oiseaux, ils sont parvenus à les multiplier prodigieusement par un artifice qui leur est propre. Au lieu de faire couver les oiseaux, ils les font éclore contre toute attente par une manœuvre artificielle et ingénieuse. n C’est ainsi que les oies, les canards, les pigeons, les sarcelles, les cailles et une foule d’autres oiseaux paraissaient fréquemment sur la table des Égyptiens, et ceux qui ne pouvaient être élevés dans les basses-cours étaient salés et soigneusement conservés dans des pots quand ils n’avaient pas été consommés frais.

 

LES OIES ET LES CANARDS. — Les oies, dont les Égyptiens étaient extrêmement friands, étaient élevées par troupeaux considérables. Car non seulement les particuliers en avaient pour le service de leurs tables, mais encore on en engraissait beaucoup pour les services publics. Les prêtres, les soldats et en général tous les fonctionnaires recevaient en payement des matières et étaient en quelque sorte nourris par le gouvernement. Aussi le dénombrement des oies avait une grande importance et nous le voyons représenté avec les détails les plus circonstanciés sur un monument du British Museum et qui provient des ruines de Thèbes. Les nourrisseurs d’oies arrivent suivis de leurs troupeaux qu’ils vont faire enregistrer. Quelques-uns tiennent des paniers d’œufs ou bien d’autres paniers contenant des petites volailles, car tout devait être écrit jusque dans les plus petits détails.

Sans être poussé au même degré qu’en Égypte, l’élevage des oies et des canards avait une certaine importance dans l’agriculture romaine. Voici à cet égard les préceptes de Varron : Quand on veut élever des canards, il faut avant tout choisir, si l’on peut, un terrain de marécages ; c’est celui qui leur convient le mieux. A défaut de cela, ayez un emplacement où se trouve un lac naturel, un étang ou un bassin fait de main d’homme avec des degrés par lesquels les canards puissent descendre. Le clos qui leur sert d’habitation doit être entouré d’un mur et n’avoir qu’une seule porte. Le long du mur régnera une suite de petites loges, couvertes de toits, construites uniformément et d’une largeur couve nable. Chacune aura un vestibule pavé de briques dans toute son étendue. Le clos lui-même sera traversé dans toute sa longueur d’un canal toujours plein. C’est là qu’on dépose ce qu’ils mangent. Les murs seront recouverts d’un enduit bien poli pour empêcher les chats et autres animaux nuisibles de s’y introduire. On étendra en outre sur le clos un filet à larges mailles, dans le double but d’empêcher l’aigle de fondre sur les canards et les canards de s’envoler au dehors.

 

LE COLOMBIER. — Palladius, le dernier des écrivains latins qui se soit occupé d’économie rurale, décrit ainsi un colombier : Le colombier peut être placé au haut d’une tourelle, dans le corps de logis du propriétaire. Les murailles en seront lisses et blanchies, et on y pratiquera, suivant l’usage, sur des quatre côtés de très petites fenêtres par où les pigeons ne puissent entrer et sortir qu’un à un. Les nids seront façonnés sur les murs même dans l’intérieur du colombier..... Au-dessous du colombier seront pratiquées deux cellules dont l’une, étroite et obscure, servira à loger des tourterelles ; dans l’autre cellule on nourrira des grives.

 

LES ABEILLES. — Le miel avait beaucoup plus d’importance dans l’antiquité qu’il n’en a de nos jours, par la raison qu’on était obligé de l’employer dans toutes les occasions où nous nous servons de sucre. En outre le vin était généralement mêlé avec du miel. C’est ce qui explique le développement qu’a pris presque partout l’élevage des abeilles. Le miel de l’Attique était regardé comme le meilleur.

Il y avait plusieurs manières de récolter le miel. En Arménie et en Médie on s’efforçait de prendre des essaims sauvages, et le miel qu’on en tirait passait pour avoir une saveur toute particulière. Dans les petites fermes de la Grèce et de l’Italie on se contenta de pratiquer des trous sous le toit des maisons en imitant ainsi les ruches naturelles. Mais on eut bientôt des ruches artificielles que Varron décrit ainsi :

Les ruches d’osier doivent être enduites en dedans et en dehors avec de la bouse de vache pour faire disparaître leurs aspérités qui rebuteraient les abeilles. On les assujettit par rangs le long des murs de façon qu’il n’y ait pas d’adhérence entre elles et qu’elles soient à l’abri de toute secousse. La même distance qui sépare le premier rang du second doit régner entre le second et le troisième. On pratique au milieu de chaque ruche de petits trous de droite et de gauche, pour que les abeilles puissent entrer et sortir, et on pose un couvercle qu’on peut lever à volonté lorsqu’on veut en retirer le miel : Les ruches en écorce sont les meilleures.