LES ANCIENS PASTEURS. - LES BOUVIERS. - LES BERGERS. - LES CHEVRIERS. - LES PORCHERS. - LES CHAMELIERS. - LES PALEFRENIERS. - LES ANIERS. - DOMESTICATION DES ANTILOPES. - L’ART VÉTÉRINAIRE. LES ANCIENS PASTEURS. — La vie pastorale et nomade est antérieure à la vie agricole, qui demande un degré de civilisation plus avancée. Elle a commencé avant les villes et antérieurement à toute fixité dans la population. Les troupeaux sont la richesse des patriarches ; planter sa tente dans une contrée où on trouve des pâturages, aller plus loin quand les troupeaux ne trouvent plus sur le sol une nourriture suffisante, telle est la vie patriarcale dans l’antiquité et celle que mènent encore de nos jours les Arabes. Quand les villes se fondent et que la campagne qui les entoure commence à être cultivée, un antagonisme s’établit nécessairement entre les sédentaires et les nomades. Les troupeaux dévastent les champs labourés, mangent les bourgeons des arbres, et les pasteurs nomades, ennemis des citadins, sont repoussés loin du voisinage des villes. La lutte entre ces deux classes de population forme le fond de l’histoire des peuples primitifs. Les populations agglomérées ont toujours le dessus et imposent des tributs aux pasteurs qui se vengent en exerçant le brigandage contre les voyageurs isolés. Ces tributs payés aux rois qui résident dans les villes consistent toujours en bétail, et c’est ainsi que nous les voyons représentés sur les plus anciens monuments (fig. 24).
Les hommes qui mènent une vie sédentaire possèdent aussi des troupeaux qu’on parque dans des enclos à l’entour de la ferme. On les mène au dehors comme faisaient les nomades, mais on les ramène ensuite au point d’où ils étaient partis. Car ces troupeaux ne sont plus les compagnons d’une tribu voyageuse, mais ils sont la propriété d’un homme qui aune demeure fixe. Dès lors il faut les marquer pour qu’ils ne puissent pas être confondus avec ceux du voisin. En Égypte, dans les plus anciennes sociétés sédentaires dont il soit fait mention dans l’histoire, nous voyons des peintures qui représentent la manière dont on marque les animaux ; elles présentent un homme qui fait chauffer un fer, et d’autres qui s’en servent pour marquer les bestiaux dont les pattes sont liées (fig. 25 et 26).
Dès que les bestiaux furent attachés à une ferme, ceux qui en avaient soin se classèrent en catégories spéciales. La spécialisation dans le travail est un des traits essentiels de la race égyptienne. Chaque individu est en quelque sorte un rouage qui est chargé de remplir un rôle déterminé d’avance et dont il n’a pas à sortir. Les conducteurs des troupeaux étaient choisis par les intendants qui, selon la capacité qu’ils croyaient avoir trouvée en eux, leur assignaient une fonction déterminée. On les divisait en bouviers, bergers, chevriers et porchers ; les éleveurs de volaille, les oiseleurs, les poissonniers et les laboureurs dépendaient également de la ferme et se rattachaient à la même organisation. A côté de ceux qui avaient pour mission spéciale de faire produire la terre ou multiplier les troupeaux, il y avait ceux qui réglaient la dépense, s’occupaient des approvisionnements, de la garde ou de la vente des produits, et qui présentaient des rapports aux intendants ou aux chefs du domaine. Dans ces rapports, rien ne devait être omis, et chaque œuf était porté en compte dans le revenu d’une basse-cour. Aucun marché, si petit qu’il fût, ne pouvait être conclu sans la garantie d’un document écrit. La moindre faute, la moindre négligence, était immédiatement suivie de la bastonnade donnée au coupable séance tenante.
La figure 27 représente une peinture qui décore un des tombeaux des pyramides, et sur laquelle on voit un métayer ou intendant qui va porter à son maître les comptes relatifs aux bestiaux qui composent la ferme. Ces comptes s’inscrivaient sur une espèce de pancarte que l’intendant plaçait sur un long bâton qu’il portait à son maître comme un véritable drapeau. Les animaux viennent ensuite, et chaque groupe est suivi par le gardien spécial aux soins duquel il a été confié. L’inscription qui accompagne cette peinture nous informe que le propriétaire avait en ce moment en sa possession 834 bœufs, 220 vaches, 760 ânes, 3.235 chèvres et 934 béliers. Sur la peinture, le troupeau est suivi par un homme pontant deux petits agneaux qu’il a placés dans des paniers suspendus à une perche. Ces grandes métairies présentaient en général un ordre parfait qui montre quel cas on faisait de la comptabilité. Mais à côté de cette civilisation, les pasteurs nomades continuaient à côtoyer la société sédentaire, sans toutefois vouloir s’y mêler. On les rencontrait dans .les lieux déserts et non cultivés, et ils étaient extrêmement méprisés des cultivateurs, notamment en Égypte, où ils vivaient sur les plateaux sablonneux qui avoisinent la vallée du Nil. Il y en avait aussi dans les plaines de l’Euphrate et du Tigre, et les armées qui traversaient la contrée s’approvisionnaient en route en faisant des razzias. LES BOUVIERS. — Columelle nous renseigne sur le procédé. qu’on employait pour domestiquer les bœufs : Je suis d’avis, dit-il, que l’on ne dompte pas les bouvillons avant l’âge de trois ans, ni passé celui de cinq, parce que, dans le premier de ces âges, ils sont encore trop délicats, et que, dans le dernier, ils résistent trop ; or, voici comment il faut s’y prendre pour dompter ceux qu’on aura pris à. l’état sauvage on commencera par leur préparer une étable spacieuse, où celui qui sera employé à les dompter puisse tourner avec aisance, et d’où il puisse sortir sans courir aucun danger. Il y aura dans cette étable d’amples mangeoires, au-dessus desquelles seront posées horizontalement, en forme de jougs, à la hauteur de sept pieds de terre, des solives auxquelles on puisse attacher les bouvillons. On choisira ensuite, pour essayer de les dompter, la matinée d’un jour serein qui ne soit pas fête, et on leur attachera aux cornes des cordes de, chanvre. Quant aux courroies qu’on jette sur ces animaux quand on veut les prendre, elles devront être emmaillotées de peaux avec leur laine, afin qu’elles ne les blessent point au-dessus des cornes, partie de leur front la plus délicate. Lorsqu’on aura pris des bouvillons, on les conduira aussitôt à l’étable où on les attachera à des poteaux, de façon qu’ils aient une certaine liberté autour d’eux et qu’ils soient séparés les uns des autres à quelque distance, de peur qu’ils ne se blessent mutuellement par les efforts qu’ils feront pour se détacher. S’ils sont trop revêches, on les laissera jeter toute leur, furie pendant vingt-quatre heures, et dès qu’elle sera un pou ralentie, on les fera sortir le matin, en ayant soin toutefois qu’il y ait une personne qui aille devant eux, plusieurs autres qui les retiennent par derrière avec des courroies, et une qui les suive pas à pas et qui réprime de temps en temps leurs efforts, en les frappant légèrement avec une massue de bois de saule. Lorsqu’on les aura ramenés à la maison, on les attellera à des poteaux de très près et de façon qu’ils ne puissent pas remuer la tète. Quand ils seront attachés, il faudra les flatter, en s’approchant doucement d’eux, non pas par derrière ou par les côtés, mais en face, afin qu’ils s’accoutument à envisager celui qui les abordera. Après ces espèces de caresses, il ne faudra guère que trois jours pour les apprivoiser, et ils recevront le joug le quatrième. On attachera à ce joug une branche d’arbre que l’on tirera à soi en guise de timon, et même on y joindra de temps en temps quelque poids pour éprouver leur patience dans le travail, en leur faisant faire de plus grands efforts. Après ces premiers essais il faut les attacher à une charrette vide, et la leur faire traîner d’abord peu de temps, ensuite dans un plus long espace de chemin, en la chargeant peu à peu de quelques poids. Quand ils seront ainsi domptés, il faudra les mettre aussitôt à la charrue, mais dans un champ déjà labouré, de pour qu’ils ne se rebutent dans ces commencements par la difficulté de l’ouvrage, ou qu’ils ne meurtrissent leurs cous encore tendres, en éprouvant trop de résistance de la part de la terre.
Les monuments de l’Égypte et de l’Asie montrent fréquemment des troupeaux ; dans la figure 28, l’homme qui les conduit est armé d’une lance, parce que le troupeau vient d’être enlevé à l’ennemi, et que c’est un butin qu’il faut pouvoir défendre. Dans les monuments grecs et romains, les troupeaux n’apparaissent guère que comme accompagnement des sujets mythologiques. LES BERGERS. — Les bergers chaldéens, qui inventèrent l’astronomie, étaient de grands observateurs qui passaient à étudier les phénomènes célestes les heures de loisir d’une profession toute contemplative. Connaissant le ciel et initiés aux secrets de la nature, ils devinrent magiciens et astrologues, et étaient très respectés. En Grèce, les rois, quelquefois même les dieux, ne dédaignaient pas de conduire eux-mêmes leurs troupeaux. Mais la considération qui, dans l’époque patriarcale, s’attachait aux bergers, disparut complètement quand la société devint plus policée, et au temps où des villes florissantes couvrent la Grèce et l’Italie, les bergers ne sont plus regardés que comme des valets de ferme. Le menu bétail, dit Pline le Naturaliste, est une ressource pré- rieuse, soit pour apaiser les dieux, soit pour nous défendre contre les outrages de l’air. Si le bœuf nourrit l’homme par son travail, l’homme doit à la brebis les toisons dont il s’habille. On distingue deux espèces de brebis, la brebis à housse et la brebis de pacage. La première a la chair mollasse, elle est nourrie de ronces et de broussailles. La seconde, qui vit dans les pâturages, est plus délicate. Les meilleures couvertures pour les brebis viennent de l’Arabie. Les figures 29 et 30 montrent quelles riches toisons avaient les béliers des contrées de l’Euphrate. Les brebis à housse dont parle Pline étaient d’une espèce particulière qu’on élevait aux environs de Tarente ; on leur mettait une couverture pour garantir leur laine des injures de l’air, car, si leur chair était peu estimée, leur toison était d’un grand prix. Columelle parle des soins qu’exigent les brebis : Il faut faire, dit-il, pour les brebis, des étables basses et spacieuses ; on les exposera au midi, parce que ce bétail, quoique le plus vêtu de tous les animaux, est cependant celui qui s’habitue le moins au froid, ainsi qu’aux grandes chaleurs de l’été. C’est pourquoi on doit avoir devant l’entrée de ces étables une cour close par de hautes murailles, dans laquelle ces animaux pourront aller avec sûreté pendant les chaleurs de l’été. On fait aussi en sorte qu’il ne séjourne aucune humidité dans leurs étables et qu’elles soient toujours couvertes de fougère très sèche ou de chaume, afin que lès brebis soient couchées plus proprement et plus mollement lorsqu’elles auront agnelé. LES CHEVRIERS. — Les chèvres se tondaient comme les brebis et on se servait de leurs poils pour fabriquer certains tissus communs qui servaient au peuple. Les anciens avaient des troupeaux de chèvres extrêmement nombreux et ils étaient confiés à des gardiens spéciaux, les chevriers, qu’on distinguait des bergers parce que les chèvres allaient principalement dans les pays rocheux et couverts de broussailles. La figure 31 représente un chevrier d’après une miniature du Virgile du Vatican. LES PORCHERS. — Columelle décrit ainsi les soins qu’il faut donner aux porcs : Il faut construire pour ces animaux des toits attenant les murailles, lesquelles auront quatre pieds de hauteur, de peur que la truie ne puisse en franchir la clôture. On ne doit pas faire de couverture à ces toits, afin que le gardien puisse faire la revue des pourceaux par en haut et retirer de dessous les mères ceux qu’elles pourront avoir étouffés en se vautrant sur eux celui qui prendra soin des porcs balayera souvent leur cour, encore plus souvent leurs toits, car, quoique cet animal soit malpropre quand il est à paître, il veut cependant que sa retraite soit très propre. Varron nous apprend que la charcuterie des Gaules était très renommée pour l’excellence de ses produits, dont il se faisait une grande exportation. Les Romains étaient extrêmement friands de certaines parties de la truie. L’art, dit Pline, l’art s’est appliqué à développer le foie des truies comme celui des oies ; c’est une invention de M. Apiccius. II les engraissait avec des figues sèches, puis les tuait subitement après les avoir abreuvées de vin miellé. Aucun animal ne fournit plus d’aliments à la gourmandise. Sa viande présente environ cinquante saveurs différentes, tandis que celle des autres n’en présente qu’une, de là tant de décrets des censeurs pour défendre dans les repas les ventres, les glandes, les testicules, les vulves, les têtes ; ce qui n’empêche pas que Publius, auteur des mimes, après être sorti de servitude, ne diva jamais, dit-on, sans un ventre de truie. En Égypte, le porc était considéré comme un animal impur, parce que Typhon, le mauvais principe, avait pris la forme du porc polir combattre Horus. Les Égyptiens, dit Hérodote, regardent le porc comme un animal impur ; en conséquence, si l’un d’eux, en passant près d’un porc, est touché par lui, on la fait descendre tout habillé dans le fleuve et on le baigne avec ses vêtements ; d’autre part, les porchers des Égyptiens, seuls de tout le peuple, n’entrent dans aucun temple de la contrée. On ne leur donne point de filles en mariage, et nul n’épouse leurs filles ; ils ne peuvent se marier qu’entre eux. Ce mépris excessif dans lequel les porchers étaient tenus et le caractère impur qu’on attribuait à cet animal expliquent peut-être sa rareté sur les monuments, où ils ne se montrent presque jamais avant la XVIIIe dynastie. On voit cependant, dans les peintures de Thèbes, un porcher avec deux truies et leurs petits porcs. LES CHAMELIERS. — Le chameau, qui occupe une place si importante dans la vie des Orientaux modernes, n’apparaît jamais sur les monuments égyptiens de l’époque pharaonique. Le chameau était cependant connu des Égyptiens, mais ils ne l’utilisaient pas comme monture. On le voit, au contraire, fréquemment sur les monuments assyriens (fig. 32). L’Asie est en effet le seul pays de l’antiquité où on ait employé le chameau. Les chameaux, dit Pline le Naturaliste, sont nourris en troupeaux dans l’Orient. On en distingue deux espèces : le chameau de la Bactriane et celui de l’Arabie. Leur différence consiste en ce que le premier porte deux bosses sur le dos, le second n’en a qu’une. Ainsi que les bœufs, les deux espèces manquent de dents incisives à la mâchoire supérieure. Ils rendent les mêmes services que nos bêtes de somme ; on les dresse même pour la guerre.
LES PALEFRENIERS. — La Thessalie était pour les Grecs le pays des chevaux et des cavaliers. C’est dans ce pays que la plupart des fables sur les centaures ont pris naissance. L’Apulie fournissait les meilleurs chevaux de l’Italie ; mais ces chevaux, aussi bien que ceux de la Thessalie, étaient surtout des chevaux de luxe. Ce sont au reste les seuls dont les auteurs anciens parlent fréquemment. Les haras de la Babylonie avaient une très grande réputation ; c’est là qu’on élevait les chevaux du roi de Perse et d’Assyrie, Varron parle de la manière dont il faut disposer une écurie : Quand les cavales sont pleines, il faut les ménager au travail et ne pas les exposer au froid, ce qui leur serait fatal pendant la gestation. Par ce motif, il faut préserver de toute humidité le sol de leurs écuries et tenir closes portes et fenêtres. On adaptera aussi de longues barres aux mangeoires pour séparer les cavales et les empêcher de se battre entre elles. La figure 33 représente une écurie d’après une ruine encore existante en Sicile. Elle est construite en maçonnerie, mais elle n’est pas divisée en stalles, en sorte qu’il fallait mettre une barre pour séparer un cheval de son voisin. En revanche, au lieu de la mangeoire commune qu’on voit souvent dans nos écuries, chaque animal avait sa mangeoire distincte. Les chevaux avaient pour l’agriculture une importance beaucoup moindre qu’ils n’en ont acquis chez nous. Pour le labourage, on employait presque exclusivement les bœufs, et pour les voitures, on se servait de préférence de mules. Le cheval ne parait pas sur les monuments agricoles de l’Égypte, où il est néanmoins d’une importation fort ancienne. C’est de la Mésopotamie, dit M. Lenormant, que les Égyptiens rapportèrent pour la première fois le cheval, qui apparaît seulement alors dans leurs sculptures et qui semble leur avoir été jusque-là inconnu. Le roi établit des haras dans les pâturages de la basse Égypte ; l’animal qui venait d’être une de leurs plus précieuses conquêtes y prospéra, et, en peu de temps, la vallée du Nil devint un pays de grande production chevaline. En même temps que le cheval, les Égyptiens empruntèrent aux Asiatiques l’usage des chars de guerre qui, des lors, tinrent une place importante dans les armées des pharaons. LES ANIERS. — L’âne apparaît sur les plus anciens monuments de l’art. Il serait difficile d’affirmer qu’il a été domestiqué antérieurement au cheval, mais nous n’avons pas du cheval des représentations aussi anciennes que de l’âne. On se rappelle avoir vu à l’exposition universelle de 1867 le moulage d’un bas-relief représentant un troupeau d’ânes, et se rapportant, suivant M. Mariette, à la cinquième dynastie. La fréquence de l’âne sur les monuments de l’Égypte et de. l’Asie démontre suffisamment l’emploi qui en était fait dans ces contrées, où il rend encore aujourd’hui les plus grands services (fig. 34 et 35).
En Grèce, l’âne a pris dans l’agriculture une très grande importance, et les agronomes vantent particulièrement les ânes de l’Arcadie. Voici du reste ce qu’en dit Columelle : Ayant à parler du bétail, nous commencerons par l’ânon d’Arcadie, cet animal vil et commun, auquel la plupart des auteurs d’économie rurale veulent qu’on ait principalement égard dans l’achat et l’entretien des bêtes de somme, et avec raison ; en effet, on peut se le procurer, même dans les campagnes qui manquent de pâturages, parce qu’il se contente de peu de fourrage et qu’il n’est pas difficile sur le choix, puisqu’on le nourrit de feuilles et d’épines, ou de buissons, ou de bottes de sarment. D’ailleurs, il souffre très bravement la négligence d’un surveillant ignorant, ainsi que les coups et la disette. Aussi, peut-on en tirer du service plus longtemps que de toute autre bête de somme, parce que, comme il supporte très bien le travail et la faim, il est rare qu’il soit attaqué de quelque maladie. Cet animal, si facile à entretenir, rend néanmoins plus de services qu’il n’est grand, puisqu’il laboure les terres avec des charrues légères, pour peu qu’elles soient aisées au labour, comme celle de la Bétique et de toute la Libye, et qu’il tire des voitures, pourvu qu’elles ne soient pas très pesantes. Mais le travail de cet animal le plus usité, presque partout, consiste à tourner la meule et à moudre le blé. C’est pourquoi il n’y a point de campagne qui puisse se passer d’un ânon, cet animal étant très nécessaire, tant pour porter à la ville que pour en rapporter commodément, sur son cou ou sur son dos, la plupart des choses qui servent à notre usage. Une lampe d’argile montre un ânier italien et son baudet (fig. 36). DOMESTICATION DES ANTILOPES. — Les monuments égyptiens de toutes les époques représentent des chasses d’antilopes ou de gazelles, qu’on voit tantôt poursuivis par de grands lévriers, tantôt ramenés vivants par les valets. Mais, dans les bas-reliefs des plus anciennes dynasties, ces animaux sont représentés en domesticité, non pas comme les troupeaux de daims et de cerfs dans les parcs anglais, mais comme de véritables animaux de ferme, dont on exploitait soit la peau, soit la chair, et qui paraissent en compagnie du bœuf, du mouton et de la chèvre. On a vu que, dans les grandes fermes, il y avait des scribes chargés de compter et d’enregistrer les troupeaux, et, dans les inscriptions d’une tombe découverte à Saqqarah par Mariette-Bey, M. Lenormant a retrouvé l’état des biens d’un nommé Sabon. Ce personnage possédait neuf mille têtes de bétail, parmi lesquelles on compte trois mille six cent quatre-vingt-sept antilopes.
Dans plusieurs monuments, on voit des pâtres rapportant de jeunes antilopes sur leurs épaules, comme on en voit d’autres qui tiennent de la même manière des chevreaux ou de petits veaux (fig. 37). On en voit aussi qui donnent aux antilopes une espèce de pâtée à l’aide de laquelle on les engraissait. Mais la domestication des antilopes parait avoir cessé après l’expulsion des pasteurs, ou, du moins, les monuments postérieurs à cette époque ne présentent plus rien de semblable. L’ART VÉTÉRINAIRE. — Nous voyons, par les monuments, que l’art vétérinaire avait une assez grande importance parmi les Égyptiens, et ceux qui le pratiquaient avec habileté, bien qu’appartenant à la classe des pasteurs, étaient les plus estimés. Nous voyons, par les peintures, le soin qu’on apportait à l’éducation des animaux (fig. 38). Souvent on voit le berger qui leur présente leur nourriture qu’ils viennent manger dans la main. Ce sont en général des herbes ou des médicaments qu’il fait ainsi avaler aux bêtes, et qu’il est quelquefois obligé de leur introduire dans la bouche. Ce ne sont pas seulement les bœufs et les moutons qui sont traités de la sorte, et les mêmes soins sont donnés à des animaux du désert, que les Égyptiens étaient fort habiles à apprivoiser et qu’ils prenaient plaisir à élever dans les fermes. Attentifs à épier les habitudes et à satisfaire les goûts de ces bêtes, ils arrivaient à domestiquer même les animaux les plus rebelles, qui finissaient par se laisser tenir en laisse comme des moutons ou des chèvres. On élevait ainsi des oies sauvages et une foule d’oiseaux qui prenaient place dans les basses-cours, à côté des volailles. Une peinture de Beni-Hassan nous montre en détail les soins qui étaient donnés aux animaux. C’est d’abord une oie que l’éleveur est en train d’embecquer (fig. 39) ; puis on voit les antilopes et les chèvres. Une chèvre a la patte de devant attachée pour l’empêcher de se lever pendant qu’on lui administre le médicament. Plus loin, ce sont des vaches auxquelles on fait avaler une drogue contenue dans un vase placé devant elles (fig. 40).
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