INSTRUMENTS À CORDES. - INSTRUMENTS À VENT. - INSTRUMENTS DE PERCUSSION. INSTRUMENTS À CORDES. — La Bible attribue l’invention des instruments à cordes à Jubal, descendant de Caïn ; l’usage de ces instruments se trouverait ainsi avoir une date antérieure au déluge, ce qui prouve tout au moins la haute antiquité que leur attribuait l’auteur de la Genèse. Dans tous les cas, il est certain que l’art musical avait une grande importance parmi les Hébreux ; il est probable qu’il se développa surtout parmi les prêtres et les prophètes, qui s’inspiraient au son des instruments et qui avaient continuellement besoin d’un accompagnement pour leurs hymnes religieux. C’est ainsi que Saül, après avoir reçue l’onction de Samuel, rencontra une troupe de prophètes qui récitaient des chants en s’accompagnant de diverses façons, et qu’il partagea bientôt leurs transports. Plus tard, lorsqu’il fut atteint de la sombre maladie qui menaça de lui faire perdre la raison, ce fut la harpe de David qui parvenait seule à lui procurer quelques soulagements. L’usage de la harpe parait avoir existé en Égypte dès la plus haute antiquité ; c’est l’instrument qu’on rencontre le plus souvent sur les monuments. Une tradition mythologique veut qu’Apollon ait inventé les instruments à cordes en faisant résonner l’arc de sa sœur Diane. La forme de l’arc diffère beaucoup de celle de la lyre, mais elle se rapproche énormément des harpes primitives de l’ancienne Egypte. Ce qui caractérise spécialement la harpe égyptienne, c’est son dos recourbé comme une faucille, ainsi qu’on le voit sur la figure 757 qui représente un harpiste égyptien.
Nous avons reproduit déjà (tome I, fig. 18 et 19) les deux superbes harpes qui sont peintes dans le tombeau des rois à Thèbes. En voici une autre (fig. 758) qui n’est guère décorée moins richement, mais dont la forme est très différente. Ces instruments étaient de très grande dimension, puisqu’ils dépassent quelquefois la taille d’un homme. Aussi les harpistes sont habituellement représentés debout, lorsqu’ils jouent de leur instrument. Il y avait cependant des harpes plus petites, qui, au lieu de reposer directement sur le sol, se plaçaient sur des tabourets ou des supports de diverses formes. Quelquefois une tige est adaptée à l’instrument, comme le montre la figure 759, mais ce sont presque toujours des femmes qui se servent de ces petites harpes. La harpe est l’instrument de musique qui se rencontre le plus fréquemment en Égypte. Elle était aussi très employée’ en Asie, mais il ne semble pas qu’on en ait beaucoup fait usage en Grèce, ou du moins elle est de la plus extrême rareté sur les monuments. Voici pourtant (fig. 760) une harpiste qui est tirée d’une peinture de vase, mais sa coiffure et toute son allure indiquent suffisamment qu’elle n’appartient pas à la Grèce d’Europe, mais bien à l’Asie Mineure. Les villes grecques de la côte d’Asie étaient placées sous deux influences différentes, et la harpe des peuples de l’Orient pouvait bien y trouver sa place à côté de la lyre, ou de la cithare des Grecs (fig. 760). Le nombre des cordes de la harpe a beaucoup varié : on voit des harpes qui ont jusqu’à vingt-deux cordes, et d’autres, qui sont probablement les plus primitives, n’en ont que quatre ou sept. On désigne généralement sous le nom de trigone un instrument à cordes dans le genre de la harpe, mais qui, au lieu d’être arrondi en arc, présente dans son ensemble une forme triangulaire, comme on le voit sur la figure 761, qui représente un instrument dont l’original, est au musée égyptien du Louvre ; il a conservé sa couverture en beau maroquin vert.
On sait, par les peintures des tombeaux, que des instruments de ce genre existaient en Égypte an temps de Moïse, et il est probable que les Hébreux, qui ont emprunté leur civilisation aux Égyptiens, employaient les mêmes instruments de musique. Le kimnor, dont parlent les livres sacrés, était probablement un instrument de ce genre. Quand David calmait avec la musique les fureurs du roi Saül, il avait dans les mains un kimnor, sorte de harpe qu’on nous dépeint comme ayant dix cordes. Ce qui peut faire croire que c’est l’instrument que nous avons reproduit plus haut, et dont la figure 762 présente une variante, c’est que dans les peintures égyptiennes où il est représenté, il est dans les mains d’une divinité qui parait originaire d’Asie. Les monuments assyriens, il est vrai, ne montrent pas de harpes façonnées comme celle-ci, mais on y rencontre un instrument à cordes qui est aussi de forme triangulaire, seulement il est d’une construction beaucoup plus légère, et sa décoration offre un caractère tout à fait spécial. La figure 763 montre deux musiciens assyriens munis de cet instrument et suivis d’un eunuque ; ils ont dans la main droite un plectrum pour faire vibrer les cordes. Les Grecs et les Romains ont quelquefois employé une espèce de harpe triangulaire qui est évidemment dérivée de celles que nous venons de voir. Nous en donnons la représentation sur la figure 764. Il est bon d’ajouter que cet instrument n’a jamais été d’un bien grand usage en dehors des pays où,il a été inventé, et qu’on ne le trouve que d’une manière exceptionnelle. Les auteurs anciens, en parlant de l’instrument de musique qu’ils appellent psaltérion, en ont donné des descriptions tellement différentes qu’il est fort difficile de savoir exactement quel monument il faut consulter pour en trouver un modèle.
D’après l’opinion la plus répandue, le psaltérion est un instrument à cordes qui participe à la fois de la harpe et de la cithare ; on peut alors s’en faire une idée d’après les figures 765 et 766, dont les originaux sont au musée de Florence. Le bois de l’instrument est recourbé comme celui des harpes que nous avons vues, mais sa boite sonore se rapproche davantage de celle qu’on voit à la cithare. On ne le tenait pas verticalement comme la harpe, mais bien au contraire horizontalement et sur l’épaule, comme on le voit sur la figure 769, qui est tirée d’une peinture égyptienne.
Les monuments égyptiens présentent une très grande variété d’instruments à cordes, et il est quelquefois difficile de dire le nom exact sous lequel ils doivent être désignés. Il y en a un que l’on trouve fréquemment dans les peintures et qui ressemble complètement à notre guitare ; il se compose d’une caisse ovale pourvue d’un manche, et on le voit souvent en compagnie des grandes harpes. La cithare égyptienne s’employait de plusieurs manières. Quelquefois elle se plaçait sous le bras gauche et le musicien appuyait son instrument contre son corps. Mais habituellement la cithare était soutenue par un lien qui passait sous un bras et se fixait sur l’épaule du côté opposé (fig. 767, 769 et 770).
Nous voyons aussi, par les peintures égyptiennes, que les cordes de la cithare n’étaient pas toujours mises eu vibration par les doigts des deux mains. il y avait des citharistes qui se servaient alternativement d’un crochet, ou plectre, attaché à l’instrument par un cordon, et des doigts de l’autre main.
Un sarcophage, placé depuis deux siècles environ dans la cathédrale d’Agrigente, où il est employé pour les fonts baptismaux, présente, dans un de ses bas-reliefs latéraux, deux jeunes filles tenant un instrument dont la forme a vivement attiré l’attention des archéologues. Cet instrument ne se trouve sur aucun autre monument connu de l’antiquité (fig. 771 et 772). Sa forme, dit M. Fétis, est longue, étroite ; une table d’harmonie s’étend depuis la tête jusqu’à l’extrémité inférieure. La tête paraît renversée en arrière comme celle du luth ; elle est percée de trous pour l’attache dei cordes ; ces cordes passent sur un sillet qui leur donne un point d’appui nécessaire à leur sonorité, ce qui était inconnu chez les Grecs dont les lyres et les cithares résonnaient à la manière des harpes, et qui n’ont pas eu d’instrument à cordes pincées avec un manche et une touche. Les cordes sont au nombre de neuf dans les instruments du sarcophage d’Agrigente. Un renflement assez considérable se fait voir à la partie inférieure d’un des instruments et semble indiquer le corps d’un luth. D’après la forme de cet instrument, M. Fétis n’admet pas qu’il puisse être grec, mais il le croit carthaginois, c’est-à-dire d’origine phénicienne. On sait que les Carthaginois ont occupé quelque temps Agrigente. La lyre passe pour être originaire de Thrace, c’est du moins l’opinion des historiens de la musique. Sa caisse sonore, dit M. Fétis, était formée d’une carapace de tortue ; sa table d’harmonie était faite d’une peau tendue et collée sur les bords, ou d’une planchette mince. Au-dessus de la caisse de l’instrument s’élevaient des deux côtés deux bras qui, par leur courbure, imitaient les cornes d’un bœuf, et dont les extrémités supérieures, appelées kérata, étaient tournées en dehors. Une traverse, qui fut d’abord un simple roseau, assujettissait ses bras vers leur extrémité supérieure, à l’endroit où ils s’écartaient. Sur cette traverse s’enroulaient des lanières formant des anneaux auxquelles s’attachaient les cordes en nombre égal à celles-ci ; ces cordes étaient tendues et accordées en faisant tourner les anneaux sur leur axe. Ces lyres primitives, dont se servaient les anciens poètes, chanteurs de la Thrace et de la Thessalie, étaient montées de quatre cordes qui se pinçaient à vide avec un crochet d’os, d’ivoire ou de bois appelé plectron (fig. 773). L’hymne homérique raconte ainsi comment Mercure, qui venait de naître, inventa et façonna la première lyre : Dès qu’il fut sorti du sein maternel, il ne resta pas longtemps enveloppé de langes sacrés ; mais, s’élançant, il franchit le seuil de l’antre obscur. Il rencontra une tortue et s’en empara. Elle était à l’entrée de la grotte, se traînant à pas lents et paissant les fleurs de la prairie. A cette vue, le fils de Jupiter sourit de joie, l’enlève de ses deux mains et retourne à sa demeure portant cet aimable joujou. Il vide l’écaille avec le ciseau d’un acier étincelant, et il arrache ainsi la vie à la tortue des montagnes. Il coupe ensuite des roseaux en une juste mesure et leur fait traverser le clos de la tortue à l’écaille de pierre ; tout autour, il tend avec habileté une peau de bœuf ; il y adapte un manche sur lequel, des deux côtés, il enfonce des chevilles, puis il y joint sept cordes harmonieuses de boyaux de brebis. Cet ouvrage achevé, il soulève cet instrument délicieux, il le frappe en cadence avec l’archet, et sa main lui fait rendre un son retentissant. Alors le dieu chante en improvisant des vers harmonieux. Il paraît que du temps de Pausanias, les lyres se faisaient encore avec des écailles de tortue, car cet écrivain nous dit en parlant d’un bois d’Arcadie : Ce bois, comme toutes les autres forêts d’Arcadie, nourrit des sangliers, des ours et des tortues monstrueuses, dont on peut faire des lyres aussi belles que celles qui se font des tortues des Indes. La cithare grecque n’était pas, comme la lyre, arrondie à sa base. La lyre a toujours pour origine l’écaille de tortue, tandis que la cithare, d’après la description de M. Fétis, était une caisse sonore, rectiligne à la base, et beaucoup plus variée que la lyre sous le rapport du nombre des cordes. L’inclinaison du cylindre supérieur qui va de l’une à l’autre branche de la cithare avait pour objet de produire la tension des cordes au degré nécessaire pour l’intonation de chacune. Cette tension s’opérait en attachant les cordes à la partie la plus basse du plan incliné ; puis en les faisant glisser sur le cylindre vers la partie la plus élevée, jusqu’à ce qu’elles eussent atteint leurs inclinaisons respectives. Malgré les différences qu’il peut y avoir entre la lyre et la cithare, il est bien certain que ces deux instruments appartiennent à la même famille et que les écrivains les ont très souvent confondus (fig. 774 à 776).
Plutarque parle d’un changement survenu dans la forme de la cithare. Cette modification, qui avait pour but d’augmenter la sonorité de l’instrument, eut pour inconvénient de le rendre plus lourd, et il fallut le suspendre à l’épaule par un large lien, comme on peut le voir dans la belle figure de l’Apollon citharède, ou musagète, où un anneau retient la cithare. Dès lors les deux mains étant libres firent résonner les cordes en les pinçant alternativement avec les doigts, et l’ancien plectre fut abandonné. La figure 777 montre la cithare d’Apollon citharède ; le dieu touche les cordes avec les deux mains, et on voit très distinctement l’anneau et le lien qui retiennent l’instrument de musique. Dans la figure 778, au contraire, le musicien se sert du plectrum, dont la forme et très visible ici, et il maintient avec sa main gauche l’instrument dont la base est appuyée sur un objet quelconque. Les figures 779 et 780 nous montrent encore une autre disposition de cet instrument, dont la forme, comme on le voit, était extrêmement variée. On trouve encore une autre espèce de lyre, ou cithare, d’une forme beaucoup plus allongée, à laquelle on donne le nom de barbitos. Elle est formée de neuf cordes qui étaient pincées alternativement par les deux mains. On voit un modèle de cet instrument sur une peinture d’Herculanum qui représente la muse Érato.
Nous n’avons examiné jusqu’ici que des instruments de formé très allongée. Le musée de Berlin possède une cithare dont le développement, contrairement à l’habitude, est tout en largeur (fig. 781 et 782) ; une autre du musée de Leyde présente le même caractère. En somme, les instruments à cordes de l’antiquité, tout en pouvant être ramenés assez généralement à un nombre de types primitifs fort restreint, présentent une très grande variété de formes. Mercure peut en avoir été l’inventeur, mais ils ont été tellement perfectionnés dans la suite, que le dieu lui-même aurait eu bien du mal, à un moment donné, s’il avait voulu savoir où s’arrêtaient ses droits. LES INSTRUMENTS À VENT. — La flûte égyptienne, qui apparaît si fréquemment sur les monuments figurés, était ordinairement faite en roseau. La flûte double, qu’on voit souvent accompagner les chanteurs, était plus en usage que la flûte simple. Mais, en Égypte, les joueurs de flûte double ne se couvraient pas la bouche avec la bande de cuir à deux ouvertures, qui était en usage chez les Grecs et les Romains. En général c’étaient les femmes plutôt que les hommes qui jouaient de cet instrument.
La flûte simple était parfois d’une extrême longueur, et, comme les trous étaient assez loin de l’embouchure, la pratique devait en être assez incommode. On voit aussi une espèce de flûte courbe, composée d’un tube de roseau adapté à une corne de veau, mais comme elle n’apparaît pas sur les monuments très anciens, il est vraisemblable que l’usage ne s’en est introduit que dans la période grecque ou romaine. L’étui à flûte que possède le Louvre (Musée égyptien, salle civile, armoire H) est un objet de la plus grande rareté ; il est garni de deux flûtes en roseau : la peinture qui le décore montre la musicienne jouant des deux flûtes à la fois. Les Grecs attribuaient à Minerve l’invention de la flûte. La déesse, s’étant ensuite aperçue que lorsqu’elle voulait souffler dans sa flûte ses joues grossissaient au point de la rendre laide, jeta à terre le perfide instrument, qui fut aussitôt ramassé par le satyre Marsyas. Celui-ci, moins jaloux de sa beauté, devint tellement habile dans l’art de jouer de la flûte, que non seulement il charmait les nymphes par ses accents mélodieux, mais encore il arriva, dit-on, à dominer les éléments. C’est ainsi qu’une armée ennemie ayant envahi la Phrygie, il empêcha l’invasion de son pays en faisant déborder un fleuve au son de sa flûte. La fable rapporte aussi que Marsyas osa défier Apollon dans une lutte musicale, et il fut convenu que le vaincu serait à la merci du vainqueur. Apollon chanta en même temps qu’il joua de la lyre, et les Muses, choisies comme arbitres du différend, lui décernèrent la victoire. Le pauvre Marsyas fut suspendu à un pin et impitoyablement écorché. Cette fable montre l’antagonisme qui existait sous le rapport musical entre les joueurs de lyre et les joueurs de flûte, antagonisme qui a du prendre à l’origine un caractère presque national, puisque les joueurs de lyre appartenaient assez généralement à la Grèce propre, tandis que les joueurs de flûte étaient presque tous originaires de l’Asie Mineure. Malgré la victoire de la lyre, la flûte a toujours été en vogue dans toutes les parties de la Grèce ; elle était employée dans une multitude de circonstances, et les monuments où on la voit figurer sont pour ainsi dire innombrables. La flûte des anciens était beaucoup plus bornée dans ses effets musicaux que la flûte moderne, mais elle était beaucoup plus variée dans sa forme. La flûte moderne produit le son d’après une manière spéciale d’y faire vibrer l’air en soufflant par un orifice ; mais les anciens donnent indifféremment le nom de flûte à des instruments dont la contexture, et surtout dont l’embouchure, étaient absolument dissemblables. Ainsi, la trompette, la clarinette, le cor de chasse, qui n’ont pour nous aucune espèce de rapport, auraient été qualifiés de flûte par les auteurs anciens, qui entendent ce mot dans le sens d’instrument à vent, et ne spécifient le genre de tons que par le mode auquel appartient la musique. Aussi, l’espèce de flûte qu’on doit employer pour accompagner les acteurs sur la scène était indiquée en tête de la pièce. Ce qui montre du reste combien les sons qu’on pouvait tirer des divers instruments qu’on range sous le nom de flûte étaient différents en eux-mêmes, c’est la façon dont en parlent les auteurs anciens. Que penser par exemple de ces flûtistes qui, à Delphes, prétendaient imiter avec leur instrument les sifflements du serpent Python, ou de ceux qui soufflaient tellement fort, qu’à voir la teinte colorée de leur visage et le gonflement démesuré de leurs joues, on tremblait qu’ils ne se rompissent quelque vaisseau dans la poitrine ? N’est-il pas évident que s’ils avaient eu en main un instrument un peu plus perfectionné, ils n’auraient pas compris de cette façon la manière de l’employer ? Et d’un autre côté, quand on voit Aristote comparer le son de la flûte à la voix humaine, il est certain qu’il doit faire allusion à un instrument dont le mécanisme était arrivé déjà à une grande perfection.
Historiquement, on ne connaît pas l’origine de la flûte qu’on trouve chez tous les peuples de l’antiquité et depuis les temps les plus reculés de l’histoire. Le mot de flûte, nous l’avons dit, s’applique à différents instruments, parmi lesquels il faut distinguer la flûte simple et la flûte double. La flirte simple est de grandeur très inégale ; chez les Égyptiens elle est démesurément longue, comme nous l’avons montré sur la figure 57, où l’on voit un joueur de flûte simple qui accompagne un chanteur. Chez les Grecs et les Romains elle est quelquefois très courte (fig. 784), mais le plus souvent elle est de dimension moyenne (fig. 783 et 785). Les flûtes les plus anciennes étaient faites en roseau, mais on en fit plus tard en buis, en corne, en ivoire ou en os. Nous avons vu la flûte droite ; on fit également des flûtes recourbées. Primitivement cet instrument se composait d’un tube de roseau adapté à une corne d’animal (fig. 786 et 787). Plus tard, on en fit d’un mécanisme plus savant. La flûte courbe a été très employée en Phrygie et dans toute l’Asie Mineure, et elle a passé de là aux Grecs et aux Romains qui d’ailleurs ne l’ont employée qu’assez rarement.
La véritable flûte antique, celle qu’on voit le plus souvent représentée sur les monuments, c’est la flûte double (fig. 788). Cet instrument n’appartient à aucune nation en particulier, mais on le trouve chez tous les peuples de l’antiquité. Nous l’avons montré déjà chez les Égyptiens (fig. 58) ; la voici maintenant en Assyrie (fig. 789). C’est un eunuque qui en joue. Les joueurs de flûte se mettaient autour de la tête et devant le visage une espèce de bandage formé d’une courroie de cuir percée d’une ouverture pour la bouche. Ce bandage servait à presser les lèvres et les joues ; les auteurs comiques font souvent allusion à ce bandage. Les an- tiens croyaient qu’il rendait le son plus ferme et plus égal. Néanmoins cet appareil n’était pas indispensable, et on voit une foule de monuments sur lesquels les joueurs de flûte sont représentés sans avoir cet accessoire disgracieux. La figure 790 montre une joueuse de flûte dans l’attitude ordinaire de celles qu’on faisait venir pour charmer les convives dans un festin. Il y avait deux espèces de flûtes doubles ; dans la première les deux flûtes étaient dans le même ton, c’est-à-dire toutes les deux basses, ou bien toutes les deux hautes ; c’était la plus commune. Mais il y en avait aussi qui avaient un ton différent, l’une étant basse et l’autre haute, quoique servant ensemble au même musicien. On voit même un certain nombre de monuments sur lesquels le musicien se sert à la fois de deux flûtes de grandeur très inégale et qui devaient nécessairement produire des sons différents. Il est en somme très difficile de se rendre compte des sons qu’on obtenait avec ces instruments qui ravissaient les anciens, mais qui n’auraient peut-être pas le même charme pour nous. On donne le nom de syrinx, ou flûte de Pan, à un instrument champêtre formé de tiges creuses de roseau, de longueur inégale, disposées l’une à côté de l’autre, comme on le voit dans la figure 791, qui représente un enfant jouant de la syrinx. Cet instrument, qui est encore employé aujourd’hui parmi les musiciens ambulants, est peut-être un des plus anciens que l’homme ait inventé ; il avait pour les peuples pasteurs l’avantage de ne pas demander un bien long apprentissage. Les Grecs en attribuaient l’invention à Pan, divinité pastorale des Arcadiens (fig. 792, 793 et 794).
La trompette était surtout employée à la guerre, où les sons éclatants qu’elle produit excitaient le courage des soldats dans la mêlée. On s’en servait aussi pour appeler les soldats dans les camps, pour les rallier en cas de détresse, ou pour leur faire exécuter certaines manœuvres. Les trompettes antiques étaient en bronze ; il y en avait de deux espèces : la trompette droite et la trompette courbe. La trompette droite se trouve chez tous les peuples de l’antiquité. On la voit chez les Égyptiens, chez les Assyriens, chez les Grecs et chez les Romains. Elle est formée d’un tube droit avec une embouchure en forme de cloche ou d’entonnoir. La trompette a son origine dans la corne d’un animal dans laquelle on soufflait. Les Romains avaient des trompettes recourbées en bronze qui rendaient un son strident très utile pour la pie des camps. Ces trompettes apparaissent souvent sur les monuments (fig. 795, 796 et 797).
LES INSTRUMENTS DE PERCUSSION. — La cymbale est un instrument de musique composé de deux demi-globes creux en métal, que l’on frappe l’un contre l’autre avec les deux mains. La figure 798 montre deux cymbales du genre de celles qu’on employait dans le culte de Bacchus ou de Cybèle. Ces cymbales sont pourvues extérieurement d’un anneau fixé sur la cymbale, ou bien elles sont percées d’un petit trou dans lequel à passait un cordon qui s’attachait aux doigts du cymbaliste.
Il existe une autre espèce de cymbales que nous trouvons sur les monuments assyriens, et dont la figure 799 nous offre un curieux exemple. Ces cymbales sont pourvues d’un manche, et on s’en servait en les frappant horizontalement l’une contre l’autre, au lieu de les frapper verticalement comme on fait pour les cymbales ordinaires. Un autre instrument, qu’on appelle quelquefois trigone, est formé d’un triangle en métal sur lequel on frappe avec une petite barre également en métal qui lui fait rendre un son aigu et prolongé. Il est probable que cet instrument servait seulement comme accompagnement, car il est incapable de rendre par lui-même des sons bien variés (fig. 800). On le voit quelquefois sur les monuments, principalement sur ceux qui représentent les cérémonies du culte de Cybèle ou de Bacchus, et il s’y trouve généralement en compagnie des cymbales et du tympanon.
Les sonnettes dont se servaient les anciens avaient les mêmes formes que les nôtres ; elles consistaient en une cloche métallique pourvue à l’intérieur d’un battant qui la fait résonner quand on l’agite. On s’en servait pour une foule d’usages divers et dans tous les pays de l’antiquité. M. Layard a retrouvé, dans une chambre du palais de Nimroud, environ quatre-vingts sonnettes en bronze avec un battant de fer. La plus grande avait neuf centimètres de hauteur sur six de diamètre. Les figures 801 et 802 reproduisent deux de ces sonnettes.
On se servait aussi dans quelques contrées d’une sorte de cloche suspendue (fig. 803) sur laquelle on frappait avec une boule de métal fixée à un manche (fig. 804). Les Grecs et les Romains employaient les sonnettes pour avertir les domestiques, et ils en accrochaient au cou des bestiaux qu’on menait au pâturage. On s’en servait aussi dans les établissements de bains pour prévenir le public que l’eau était suffisamment chauffée. Enfin, dans les sacrifices et dans les processions, on avait des ustensiles pourvus de sonnettes dont le tintement prenait alors un caractère religieux. Il est probable que l’instrument de musique représenté figure 805 appartenait à cette dernière catégorie ; c’est du moins ce qu’on peut supposer d’après les têtes de divinités qui le décorent. Le sistre est un instrument de musique dont on se servait pour les cérémonies en l’honneur d’Isis. Sa partie supérieure est traversée par des tiges en métal auxquelles étaient suspendus des anneaux mobiles qui rendaient un son strident quand on les agitait (fig. 806 et 807). Le manche du sistre porte souvent une tête d’Isis ou Athor, et il est quelquefois incrusté d’or ou d’argent. Les prêtresses l’agitaient en signe de joie dans les processions. On trouve des simulacres de sistres en terre émaillée, qu’on déposait dans les tombeaux après les avoir brisés, en signe de deuil. Le sistre était presque toujours en bronze ; un alliage particulier et le travail au marteau lui donnaient une sonorité comme celle des cymbales, du triangle ou du tam-tam. De forme elliptique par le haut, il était plat à sa base où était adapté le manche. Les petites tringles métalliques qui le traversaient horizontalement se terminaient à une de leurs extrémités par un petit crochet et étaient souvent munies d’anneaux. On trouve surtout le sistre dans les monuments de la dernière époque.
Le sistre, avons-nous dit, était l’instrument consacré à Isis. La déesse, dit Apulée, portait divers objets : dans sa main droite était un sistre d’airain dont la lame étroite et courbée en forme de baudrier était traversée par trois petites verges qui, agitées par le mouvement de son bras, rendaient un son aigu. Il y avait plusieurs espèces de sistres ; la plupart sont traversés par des verges transversales terminées par des crochets, d’autres contiennent des anneaux de diverses dimensions, qui résonnaient quand on agitait l’instrument. Plutarque, dans son traité d’Isis et Osiris, nous donne la raison mythologique pour laquelle le sistre était spécialement consacré à Isis. Le sistre indique que tous les êtres doivent être agités sans que rien fasse cesser leur mouvement, et qu’il faut en quelque sorte les secouer, les réveiller de leur état de marasme et de torpeur. On prétend, en effet, qu’au bruit des sistres, Typhon est détourné et mis en fuite. On donne à entendre par là que le principe de corruption entrave et arrête le cours de la nature, au lieu que la cause génératrice, par le moyen du mouvement, la dégage et lui rend toute sa force. Le tambour est indiqué dans les monuments égyptiens comme un instrument militaire (fig. 808). Il paraît que les Parthes et quelques populations asiatiques l’employaient également, mais on ne voit pas que les Grecs et les Romains s’en soient jamais servis dans leurs armées. Le tambour égyptien est un cylindre creux, en bois ou en métal, pourvu d’une peau tendue aux deux bouts. On le frappait des deux côtés à la fois avec une baguette ; il aurait donc été impossible de le porter comme dans les armées modernes, où on ne frappe que d’un seul côté. II était suspendu par une courroie au cou de celui qui en frappait, de telle façon que la peau sur laquelle portait la baguette se trouve dans une position verticale. En un mot, le cylindre était tourné de droite à gauche, au lieu d’être tourné de haut en bas, et les deux baguettes frappaient à la même hauteur de chaque côté de l’instrument. Le tympanon est un terreau de bois ou de métal couvert par une peau tendue comme la toile d’un tamis. Un instrument de ce genre se trouve aux mains d’un des personnages représentés sur un bas-relief assyrien que reproduit la figure 809. Le tympanon se frappait avec la main et non avec une baguette comme le tambour. Dans l’histoire de Jacob, le tambourin est mentionné comme accompagnant le chant et les instruments à corde. Pourquoi t’es-tu enfui en cachette et t’es-tu dérobé de moi sans m’en donner avis ; je t’eusse conduit avec des chansons, au son de la harpe et du tambourin. Nous retrouvons le tambourin dans l’Exode : Et Marie, sœur d’Aaron, prit un tambourin, et toutes les femmes sortirent après elle avec des tambourins et des flûtes. Dans les monuments égyptiens on voit quelquefois une espèce de tambourin qui, au lieu d’être rond comme celui-ci, est d’une forme carrée ou plutôt rectangulaire ; mais les bords sont légèrement courbés en dedans, de manière à former un angle aigu aux quatre angles. Cet instrument, qui est toujours tenu par des femmes, est assez fréquent en Égypte, mais on ne le voit pas sur les monuments grecs et romains. Sa forme particulière est très visible sur la figure 810.
Le véritable tympanon phrygien, celui qu’on portait aux fêtes de Cybèle, est toujours rond et garni de grelots (fig. 811 et 812). On le voit fréquemment aux mains des danseuses (fig. 813).
Le tympanon, ou tambourin, est un instrument de musique assez semblable à notre tambour de basque. On s’en servait en frappant avec la main sur la peau et quelquefois en faisant courir l’index autour du bord (fig. 814).
Les anciens se servaient aussi de colliers de métal que l’on agitait et qui devaient produire un bruit analogue à celui du sistre (fig. 815). |