LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME II — LA FAMILLE DANS L’ANTIQUITÉ

LE VÊTEMENT. — VII. - LA PARURE

 

 

LES DIADÈMES. - LES COLLIERS. - LES PENDANTS D’OREILLES. - LES BRACELETS. - LES BAGUES. - AGRAFES ET BOUCLES.

 

LES DIADÈMES. — Les diadèmes ne paraissent pas avoir été en usage dans l’ancienne Égypte. Cependant le catalogue du musée de Boulaq en signale un qu’on prendrait plus volontiers pour un bracelet d’humérus. Mais il n’y a aucun doute sur son usage, puisqu’il a été trouvé sur le sommet de la tête d’une reine, et en partie engagé dans ses cheveux. Deux sphinx en or affrontés en forment le principal motif décoratif.

Dans les temps héroïques, les rois et les personnages opulents portaient des diadèmes ou des couronnes, mais cet ornement de la tête n’était aucunement considéré comme un signe d’autorité ; c’était une simple parure. Un des personnages retrouvés par M. Schlieman, dans les tombeaux de Mycènes, avait sur la tête une couronne d’or que reproduit la figure 447. Cette couronne, travaillée au repoussé, est enrichie de grandes feuilles d’or qui y ont été adaptées. Les ornements qui le décorent ressemblent à des boucliers.

Nous avons déjà montré, à propos des usages funèbres, les riches couronnes d’or que l’on déposait dans les tombeaux (fig. 203). Le musée du Louvre en possède plusieurs qui sont d’une grande beauté. Quelquefois ce sont des diadèmes fort simples : il y en a qui consistent en une lame de métal souple et étroite faisant l’office du ruban qui séparait les cheveux du devant de ceux du reste de la tête. D’autres, au contraire, sont d’une ornementation excessivement riche, et les bijoutiers étrusques ont fait dans ce genre des chefs-d’œuvre que l’industrie moderne s’efforce souvent d’imiter. Toutefois les vases peints ne nous offrent jamais la représentation de ces riches diadèmes, et ceux qu’on y voit sont au contraire d’une remarquable simplicité. Ceux qu’on trouve le plus habituellement ont la forme d’un croissant qui se plaçait sur le front comme le montrent les figures 448 et 449.

Le goût des bijoux prit des proportions énormes, surtout chez les femmes de mauvaise vie. Aussi les écrivains distinguent soigneusement la parure d’une honnête femme et celle d’une femme de mauvaise vie. C’est ce que nous voyons dans ce passage de Lucien : Une femme belle et modeste se contente de porter quelques bijoux propres à relever sa beauté, un collier mince autour du cou, une bague légère au doigt, des pendants aux oreilles, une agrafe, une bandelette qui arrête ses cheveux flottants, sans ajouter à ses attraits d’autre parure que ce que la pourpre ajoute à un vêtement. Mais les courtisanes, surtout celles qui sont laides, mettent une robe toute de pourpre, se font le cou tout entier d’or, usent du luxe comme moyen de séduction, et suppléent par les ornements extérieurs à ce qui leur manque de beauté. Elles s’imaginent que leurs bras seront plus blancs, quand on y verra briller l’or ; que la forme disgracieuse de leur pied se perdra dans l’or de leurs sandales ; que leur visage deviendra plus admirable quand il resplendira d’un éclat emprunté. Voilà ce que font les courtisanes, mais la femme pudique ne porte l’or qu’autant qu’il convient et où il en faut.

Pline rapporte les folles dépenses auxquelles se livraient quelquefois les dames romaines pour leur parure : J’ai vu, dit-il, Lollia Paulina, qui fut la femme de l’empereur Caligulaet ce n’était pas une fête sérieuse, une cérémonie solennelle, c’était un simple souper de fiançailles ordinaires; je l’ai vue, dis-je, couverte d’émeraudes et de perles qui se relevaient par leur mélange alternatif sur la tête, dans :ses cheveux, dans ses cordons, à ses oreilles, à son cou, à ses bracelets, à ses doigts : tout cela valait 40 millions de sesterces (8.400.000 fr.) ; et elle était en état de prouver immédiatement par les quittances que telle en était la valeur. Et ces perles provenaient non pas des dons d’un prince prodigue, mais des trésors de son aïeul, trésors qui étaient la -dépouille des provinces. Voilà à quoi aboutissent les concussions ! M. Lollius fut déshonoré dans tout l’Orient pour les présents qu’il avait extorqués aux rois, disgracié par C. César, fils d’Auguste, et obligé de s’empoisonner, afin que sa petite-fille se montrât, à la clarté des flambeaux, chargée de 40 millions de sesterces ! D’un côté, qu’on mette en regard ce que Curius ou Fabricius ont porté dans les triomphes ; qu’on -se représente les brancards triomphaux ; et d’un autre côté une seule femmelette de l’empire, une Lollia placée à table : n’aimerait-on pas mieux les faire descendre de leurs triomphes que de préparer un tel scandale ?

 

LE COLLIER. — Le collier des Égyptiens peut être considéré sous trois points de vue : comme insigne honorifique, comme emblème funéraire, ou comme ornement de toilette.

Comme insigne honorifique, le collier était l’équivalent, non pas de la croix d’honneur, mais du degré le plus élevé de la Légion d’honneur, grand-croix, par exemple. 11 n’était porté que par des personnages du plus haut rang, et était en même ‘temps la marque d’un grand commandement. Cet usage parait même remonter à une très haute antiquité. On lit dans la Genèse : Pharaon dit encore à Joseph : Je t’ai établi sur toute l’Égypte ; alors Pharaon ôta son anneau de sa main et le mit en celle de Joseph, et il le revêtit d’une robe de lin fin, et il lui mit un collier d’or au cou. Et il le fit monter sur un char qui était le second après le sien, et on criait devant lui : Qu’on s’agenouille ! Et il l’établit sur tout le pays d’Égypte.

L’investiture du collier d’or, qui était le plus haut signe honorifique, est représentée sur un bas-relief du Louvre, découvert par M. Mariette près de la tombe d’Apis (fig. 450). On y voit le roi Seti Ier (XIXe dynastie) se penchant sur une sorte de balcon d’où il semble adresser la parole au personnage placé devant lui. Un épervier sacré tient un flabellum au-dessus de la tête du Pharaon qui préside la cérémonie de l’investiture du collier d’or. Le personnage honoré de cette récompense est revêtu de la robe de lin et lève le bras en signe d’allégresse pendant que deux prêtres lui attachent un collier à plusieurs rangs. Sur une table placée devant lui, on voit divers insignes qui lui sont encore destinés, entre autres une paire de bracelets, et, derrière lui, un cône préparé pour orner sa tête est posé sur une table plus petite. L’inscription explicative porte : Le roi dit aux chefs qui approchent sa personne : Donnez l’or des vaillances au dévoué chargé du trône royal, Har-Khem. Qu’il jouisse d’une longue vie et d’une vieillesse heureuse, car sa bouche n’a pas péché dans la demeure royale. Puissent ses pas se diriger du siége qu’il occupe vers une bonne sépulture. On sait qu’une bonne sépulture était la chose la plus désirable pour un Égyptien et le meilleur souhait qu’on pouvait lui faire. Des scènes analogues à notre monument du Louvre sont reproduites sur les tombeaux de Thèbes.

Les emblèmes religieux apparaissent partout dans l’ornement égyptien. on n’est donc pas surpris de les trouver même dans des colliers qui étaient simplement des objets de toilette (fig. 451). Les poissons sacrés, les lézards, les vipères, l’œil symbolique d’Horus, les fleurs de lotus forment les motifs de colliers à plusieurs rangs, dont les extrémités, qui s’attachaient sur les épaules, sont habituellement formées par une tête d’épervier.

Selon les prescriptions du rituel, un collier devait être suspendu avec quelques autres ornements symboliques au cou de chaque défunt. Ce collier funéraire est appelé Ousekh ; il s’agrafait sur les épaules et couvrait presque entièrement la poitrine. On le cousait à la momie à l’aide de petits anneaux soudés par derrière.

Le musée de Boulaq renferme de riches colliers funéraires. Des cordes enroulées, des fleurs à quatre pétales épanouies en croix, des lions et des antilopes courant, des chacals assis, des vautours, des vipères ailées, des agrafes à tête d’épervier forment une décoration aussi riche que variée. Le scarabée ailé, symbole de résurrection, et l’oiseau à tête humaine, emblème de l’âme, apparaissent naturellement sur ces monuments.

On voit quelquefois un bijou représentant une âme sous la forme d’oiseau à tête humaine ; ce bijou apparaît fréquemment à Memphis, sous les Ptolémées. A la même époque, on fabriquait en grand nombre des amulettes en pâte de verre noir, composées de deux doigts humains, dont l’un dépasse l’autre ; ces objets, accompagnant habituellement le scarabée funéraire (fig. 452), se rattachaient à certaines pratiques mystérieuses dont on n’a pas encore trouvé l’explication.

Une autre amulette, dont le sens n’est pas encore bien connu, consiste en espèces d’anneaux qu’on appliquait contre l’oreille des momies, et qu’on croit pourtant n’être pas de véritables pendants d’oreilles. Ces anneaux sont généralement en jaspe rouge ou blanc, ou bien en bronze recouvert d’or.

Les amulettes étaient, au reste, d’un usage très général. Aussi les enfants égyptiens, même lorsqu’ils ont le corps absolument nu, portent souvent un collier de perles, au centre duquel on plaçait une amulette qui consistait en un morceau de papyrus attaché ou cousu dans une petite poche en linge et contenant des invocations, et plus souvent encore en emblèmes religieux ou images de divinités.

Le musée de Boulaq est le plus riche du monde en bijouterie égyptienne. On se rappelle encore la sensation de surprises que causa aux hommes spéciaux la vue des bijoux de l’Égypte ancienne qui figurèrent à l’Exposition universelle de 1867. Parmi les plus belles pièces, il faut signaler une magnifique chaîne dont le fermoir est formé par deux têtes d’oies qui relient les extrémités ; un scarabée est pendu à la chaîne. Les pattes, dit le catalogue, sont d’un travail si fin qu’on les croirait moulées sur nature ; elles sont soudées au corps qui est d’or massif. Le corselet et les élytres sont en pâte de verre bleu tendre rayée par des lignes d’or.

Les oiseaux, et notamment les vautours, jouent un grand rôle dans la décoration des bijoux égyptiens ; et il faut convenir que les artisans ont su en tirer le meilleur parti. Le collier dont nous donnons un fragment (fig. 453) est un des plus magnifiques spécimens de la bijouterie antique. Des fleurs et des jetons alternés forment l’ensemble du collier auquel est suspendu un vautour dont les ailes éployées décrivent une grande ligne courbe. Dans la figure 454, les ailes ont un caractère plus raide et plus impérieux, mais qui n’est pas sans grandeur.

Quelquefois aussi on voit dans les colliers de petits cylindres en or, ornés de légendes gravées : on y enfermait un fragment de texte sacré en papyrus, auquel on attachait certaines vertus, probablement le pouvoir de chasser le mauvais sort. On peut également citer un collier composé d’yeux symboliques en argent alternant avec des petits grains en terre émaillée.

On y voit quelquefois des mouches en or massif, auxquelles on prête une signification symbolique, sur laquelle toutefois les archéologues ne sont pas d’accord (fig. 455). Un charmant collier du Louvre (salle civile, vitrine P) est formé de petites vipères sacrées qui relèvent la tête, avec une pendeloque qui se termine par une tête de la déesse Mathor.

Un pectoral du musée de Boulaq est signalé comme un des objets les plus précieux de la bijouterie égyptienne. La forme générale du monument, dit le catalogue, est celle d’un petit naos ou chapelle. Au centre, Amosis est debout sur une barque. Deux divinités, Ammon et Phu, lui versent sur la tête l’eau de purification. Deux éperviers planent au-dessus de la scène comme des symboles du soleil vivifiant. Le travail de ce beau monument est tout à fait hors ligne. Le fond des figures est découpé à jour. Les figures elles-mêmes sont dessinées par des cloisons d’or dans lesquelles on a introduit des plaquettes de pierres dures, cornaline, turquoise, lapis, pâte imitant le feldspath vert. Ainsi disposée, cette sorte de mosaïque, ou chaque couleur est séparée de celle qui l’avoisine par un brillant filet d’or, donne un ensemble aussi harmonieux que riche.

L’argent est en général plus rare que l’or dans les bijoux égyptiens. Mais l’habileté des ouvriers dans le travail des métaux n’a jamais été dépassée et les petites chaînettes en or sont aussi souples que celles qui sortent aujourd’hui de nos ateliers les plus en renom.

Chez les Grecs et chez les Romains, l’usage des colliers était très général, et, à l’exception de la classe pauvre, presque toutes les femmes en portaient. Ces colliers, dit l’ancien catalogue du musée Campana, se composaient soit de simples fils d’or tressés ou contournés en nœuds ou en agrafes, soit d’une série de grains d’ambre, de grenats ou d’émeraudes, auxquels on supposait des vertus médicales particulières, soit de perles fines, de pâtes de verre ou d’émaux entremêlés par groupes, ou alternant avec des boules, des vases, des glands, des coquilles, des têtes d’hommes ou d’animaux, en or ciselé ou estampé. Quelquefois, cette première série est accompagnée de deux autres qui descendent plus bas, jusque vers la poitrine ; mais plus fréquemment, c’est un nombre variable de chaînettes qui viennent se suspendre à la chaîne principale ou s’y attacher en festons. Le milieu du collier porte également un pendant de dimensions plus grandes. Tantôt c’est une fleur, une tête d’animal ou un scarabée ; d’autres fois un morceau de silex taillé en pointe de flèche ou en foudre. Ces sortes de pierres, qui se retrouvent aussi dans d’autres ornements, étaient des amulettes et avaient une signification particulière dans la céraunoscopie, c’est-à-dire dans la science fulgurale des augures étrusques. Souvent enfin, le pendant du milieu est formé par une bulle d’or, ornée de bas-reliefs ciselés ou estampés (fig. 456 à 459).

 

LES PENDANTS D’OREILLES. — Les dames égyptiennes portaient des boucles d’oreilles d’une forme assez variée (fig. 460 et 461). Quelquefois elles sont larges et rondes, ou bien faites avec un anneau formé de plusieurs anneaux soudés ensemble.

Une tête de gazelle, ou des vipères sacrées, dont le corps est enrichi de pierres précieuses, forment souvent à ces pendants d’oreilles une décoration extrêmement élégante. On y voit aussi paraître l’égide de Pacht : Le catalogue du musée de Boulaq signale comme pièce capitale un bijou dont il donne la description suivante. Une paire de magnifiques pendants d’oreilles en or, recouverts d’un riche vernis rougeâtre. Ces ornements pesants n’ont pu servir qu’attachés par un fil, soit à l’oreille elle-même autour de laquelle ce fil se serait enroulé, soit à la coiffure symbolique dont était décoré le personnage auquel ces pendants d’oreilles furent destinés. Un disque lenticulaire, garni à sa circonférence d’une gorge de poulie, forme la partie principale de nos deux monuments. A ce disque sont suspendus cinq unaus coiffés du soleil, qui eux-mêmes soutiennent, au bout de sept chaînettes d’or, sept uræus (aspics) également munis du globe emblématique.

Les pendants d’oreilles ont toujours été en usage en Grèce et à Rome. Les peintures de vase en montrent fréquemment dans la coiffure des femmes (fig. 462 et 463). La collection des bijoux antiques au Louvre possède plusieurs boucles d’oreilles dont la forme est d’une élégance exquise. Les bijoutiers grecs, étrusques et romains ont apporté dans ce genre de travail un goût et une délicatesse incomparables.

Ovide, dans son Art d’aimer, s’élève contre le luxe des boucles d’oreilles et la dimension qu’on leur donnait. Ne chargez point, dit-il, vos oreilles de ces pierres de grand prix que le noir Indien recueille sur le bord de la vaste plaine. Ne vous montrez point avec des vêtements tout pesants d’or : ces richesses que vous étalez pour nous séduire, souvent nous éloignent de vous. Plusieurs bijoux d’une grande élégance, mais d’une simplicité un peu affectée, témoignent de l’horreur qu’on avait dans l’antiquité pour tout ce qui est lourd et surchargé. Les figures 464 à 467 se composent simplement d’une ou deux petites perles de métal, qui vacillent au bout d’un fil d’or. D’autres pendants d’oreilles sont formés d’un petit triangle d’or mobile, dont une des facettes scintille à la lumière (fig. 469), ou bien d’une graine (fig. 470), ou bien encore d’un petit amour voltigeant (fig. 468).

La figure 471 affecte la forme d’une corne enroulée dont le gros bout se termine par une espèce de tête de folie ; et, pour affirmer davantage le caractère scénique de ce bijou, chacun des pendants d’oreilles porte, suspendue après un anneau, un petit enfant, cachant .sa tète derrière un masque de théâtre ou faisant de la musique.

D’autres bijoux nous montrent à quel point le caprice et la fantaisie s’ingéniaient à trouver des motifs variés. Tantôt c’est une petite urne suspendue à une fleur (fig. 473), tantôt un petit oiseau voltigeant au-dessus d’un nid formé par un panier (fig. 472), tantôt des graines de dormes différentes reliées ensemble par un petit fil d’or (fig. 474).

Les fleurs (fig. 477) et les oiseaux (fig. 475 et 476) sont fréquemment employés dans la décoration des pendants d’oreilles, dont la forme varie à l’infini.

Quelquefois c’est une rosace en or, ornée au centre d’une pierre précieuse ou d’une fleur en relief, portant latéralement deux élégantes chaînettes, et au milieu une pierre richement enchâssée (fig. 479), ou un cygne qui allonge gracieusement son cou (478).

D’autres fois, c’est un paon en verre bleu transparent, dont la queue et les ailes sont ornées d’émaux et de fils d’or. L’oiseau est suspendu à une rosace en or, ornée au centre d’une fleur en relief et portant latéralement deux chaînettes.

Les perles sont assez fréquentes sur les pendants d’oreilles antiques. Au premier rang, dit Pline le naturaliste, au faîte, pour ainsi dire, de tous les joyaux sont les perles. C’est spécialement l’océan Indien qui les envoie, et elles nous arrivent à travers tant de mers et tant de terres, malgré les ardeurs d’un soleil brûlant ; et encore les Indiens eux-mêmes n’en prennent-ils que dans un très petit nombre d’îles. Elles sont les plus abondantes à Taprobane et à Stoïs, ainsi qu’à Perinsula, promontoire de l’Inde. Les plus estimées sont celles de la côte d’Arabie, sur le golfe Persique. Les femmes mettent leur gloire à en charger leurs doigts, et à en suspendre deux et trois à leurs oreilles. il y a, pour cet objet de luxe, des noms et des raffinements inventés par une excessive corruption. Une boucle d’oreille qui porte deux ou trois perles s’appelle grelot, comme si les femmes se plaisaient au bruit et au choc de ces perles. Déjà les moins riches affectent ces joyaux ; elles disent qu’une perle est en public le licteur d’une femme. Bien plus, elles en portent à leurs pieds ; elles en ornent les cordons de leur chaussure, mais encore leur chaussure tout entière ; ce n’est plus assez de porter des perles, il faut les fouler et marcher dessus.

Les Romains poussèrent leur passion pour la bijouterie jusqu’aux dernières limites du luxe. Pétrone parle du prix exorbitant que coûtaient quelquefois les pendants d’oreilles. Scintilla détache de son cou une cassolette d’or, et en tire deux pendants d’oreilles, qu’elle fait admirer à Fortunata. Grâce à la générosité de mon mari, personne, dit-elle, n’en a de plus beaux. — Parbleu, dit Habbinas, ne m’as-tu pas ruiné pour t’acheter ces babioles de verre ? Certes, si j’avais une fille je lui ferais couper les oreilles.

 

LES BRACELETS. — Les bracelets se portaient à différentes parties du bras. On en mettait soit au poignet, soit au-dessus du coude, soit encore plus haut, autour de l’humérus. De là, la différence qu’on trouve dans la dimension de ces bracelets, dont quelques-uns sont d’un diamètre relativement considérable.

Les égyptiens étaient grands amateurs de bracelets et en portaient quelquefois plusieurs. Il y a des bracelets de toute espèce : en ivoire, en bronze, en porcelaine, en argent et en or. La décoration en est extrêmement variée.

Nous avons, au musée égyptien du Louvre (salle civile, vitrine 9), un superbe bracelet qui représente un lion et un griffon accroupis au milieu de bouquets de lotus (fig. 480).

Les bracelets égyptiens sont souvent incrustés d’émaux, ou plutôt de pâtes de verre taillées à l’avance et ajustées dans des cloisons d’or, comme des pierres fines.

Plusieurs sont formés par des grains de lapis, alternant avec des grains d’or ou de quartz rouge, et montés sur des fils d’or très flexibles.

Il y a des bracelets à double charnière, ornés de figures d’or finement gravées, qui se détachent sur un fond de pâte de verre bleu imitant le lapis.

Le musée de Boulaq, au Caire, est particulièrement riche en bracelets. On peut citer entre autres un grand bracelet qui n’a pu être porté qu’à l’humérus : il est composé de deux parties réunies par une charnière.

L’une des deux représente un épervier aux ailes éployées : le jeu des plumes a été imité d’une manière surprenante par de petites pierres de lapis, de cornaline et de pâtes de verre de la couleur du feldspath, enchâssées dans des cloisons d’or. Les Égyptiens étaient d’une remarquable habileté dans ce genre de travail.

Ailleurs on voit pour décoration une large torsade supportant un cartouche royal flanqué de deux sphinx : un appendice, orné d’incrustations, empêchait le bracelet de tourner sur le bras. Sur un autre, on voit une espèce de damier dont chaque case est de deux couleurs ; la fermeture est faite par une aiguillette d’or qui réunit deux lames du même métal.

La figure 481 nous montre un bracelet décoré de figures qu’encadrent des lotus et des plantes aquatiques. D’un côté, c’est un personnage qui coupe les herbes d’eau avec sa faucille ; de l’autre, un personnage monté sur un petit bateau est occupé à faire de la musique.

Ces bracelets sont d’une grande largeur et devaient couvrir une partie du poignet. Quelques figures éthiopiennes nous montrent même des personnages portant une espèce de bracelet qui recouvre entièrement le bras jusqu’au coude. Nous en donnons un exemple dans la figure 482, tirée de la décoration du temple de Naga, en Nubie.

Le personnage, ici représenté, est une déesse. Outre cet immense bracelet, qui a l’air d’une véritable mitaine, elle porte au-dessous de l’épaule un autre bracelet moins volumineux ; mais pourtant assez large.

D’autres bracelets, au contraire, semblent de simples anneaux, comme on le voit sur la figure 483, où le bijou se compose d’une torsade.

Outre les bracelets qui se mettaient aux bras, on a retrouvé des anneaux d’or qu’on se plaçait autour de la jambe. Ces anneaux sont plats et creux ; leur circonférence extérieure est bordée par une petite chaînette en or imitant le filigrane.

Les peuplades voisines de l’Égypte portaient également des anneaux aux jambes. Hérodote signale en particulier les Guidanes. Chez ceux-ci, dit-il, les femmes portent autour de la cheville du pied des anneaux de cuir chacune en grand nombre, pour ce motif, dit-on, qu’elles s’ajustent un nouvel anneau toutes les fois qu’un homme nouveau s’unit à elles ; celle qui en a le plus est jugée la meilleure, parce qu’elle a été aimée du plus grand nombre d’hommes.

Les peuples orientaux ont toujours été très amoureux de la parure le bracelet est un bijou qui tient une grande importance dans le costume assyrien. On en voit de différentes formes, mais qui peuvent, en général, se rattacher à trois types principaux. La figure 484 est une espèce de faisceau contourné en manière de serpent et dont les tiges sont reliées entre elles par des petits cordons qui les croisent à angle droit. On a pu voir déjà par les exemples donnés plus haut que les. Assyriens de haut parage portaient habituellement deux bracelets. Celui qui est ici représenté se portait, non pas au poignet, mais autour de l’avant-bras, un peu au-dessus de la saignée du coude.

La figure 485, au contraire, montre un bijou qui, de même que le. suivant, se portait toujours au poignet. C’est un bracelet plat et uni qui se ferme par le moyen de deux petites têtes adaptées dans une sorte de fleur ornementale.

Le plus original, on pourrait presque dire le plus assyrien de ces bijoux est celui que reproduit notre figure 486 ; il se compose de quatre fleurs analogues à celle qui servait de fermeture au dernier bijou. Ces fleurs, dont la surface convexe est extrêmement bombée, embrassent les quatre côtés du bras, sans laisser aucun espace intermittent. Nous avons vu ces bijoux au bras d’un roi d’Assyrie, dans notre figure 296.

On remarquera que les bracelets ont eu dans l’antiquité grecque une importance assez minime relativement à celle des colliers et des couronnes. On en trouve même assez rarement sur les figures qui décorent les vases grecs, mais ce bijou, qu’on rencontre quelquefois chez les Étrusques, est devenu très à la mode sous l’empire romain.

Les bracelets antiques que nous possédons, dit M. Ch. Clément, dans la notice du musée Campana, sont en général d’un travail assez simple. Ils sont formés soit d’un fil en or, en argent ou en bronze, soit de bandes ou de plaques réunies, plus ou moins ornés de fils appliqués, de cordelé ou de granulé, terminés de diverses manières, surtout en têtes de serpents. Il est à remarquer que ces objets ne portent presque jamais ni les pierres fines, ni les pâtes de verre, ni les émaux, qui entrent très fréquemment dans la composition des colliers, des pendants d’oreilles et des bagues, et que le travail du métal fait tous les frais de leur ornementation. (Fig. 487 et 488.)

Les Grecs et les Romains ont souvent adopté le serpent comme forme ornementale pour les bracelets. Quelquefois, comme dans la figure 489, le serpent a la forme pleine et s’enroule simplement autour du bras. Dans d’autres occasions, au lieu d’être arrondi, le serpent se déroule en une spirale plate comme un ruban et la tête seule est pleine. A cette catégorie de bijoux appartient un admirable bracelet d’or massif, découvert à Pompéi et que reproduit notre figure 490. Les écailles sont marquées seulement dans la partie supérieure à partir du cou et dans la partie inférieure un peu au-dessus de la queue. Le milieu du corps est uni et travaillé au marteau, car c’est le seul moyen de rendre le bracelet élastique et dilatable à volonté.

La queue est annelée et se redresse à l’extrémité dans un mouvement infiniment gracieux. Mais la tête est, sans contredit, la partie la plus remarquable de ce beau bijou (fig. 491) ; elle est soudée avec le reste du corps.

Les yeux étincelants du reptile sont imités avec deux rubis et sa langue vibrante est formée d’une petite lame de métal fixée dans la gueule. Les dents et les écailles sont travaillées au ciseau avec une délicatesse exquise.

Sous la période impériale, quand les dames romaines prirent l’habitude de se couvrir de bijoux, les bracelets eurent naturellement une grande importance. On en peut juger par le passage suivant que nous extrayons du Satyricon de Pétrone.

La robe de Fortunata, retroussée par une ceinture vert pâle, laissait apercevoir au-dessous sa tunique couleur cerise, ses jarretières en torsade d’or et ses mules ornées de broderies du même métal. Après avoir essuyé ses mains au mouchoir qu’elle portait autour du cou, elle se plaça sur le même lit qu’occupait l’épouse d’Habbinas, Scintilla, qui lui en témoigna sa satisfaction. Elles en vinrent bientôt à un tel degré d’intimité, que Fortunata, détachant de ses gros bras les bracelets dont ils étaient ornés, les offrit à l’admiration de Scintilla. Enfin elle ôta jusqu’à ses jarretières ; elle ôta même le réseau de sa coiffure qu’elle assura être filé de l’or le plus pur. Trimalcion, qui le remarqua, fit apporter tous les bijoux de sa femme. — Voyez, dit-il, quel est l’attirail d’une femme ! C’est ainsi que nous nous dépouillons pour elles, sots que nous sommes ! Ces bracelets doivent peser six livres et demie ; j’en ai moi-même un de dix livres, que j’ai fait faire avec les millièmes voués à Mercure. — Et, pour nous montrer qu’il n’en imposait pas, il fit apporter une balance, et tous les convives furent forcés de vérifier le poids de chacun de ces bracelets.

 

LES BAGUES. — L’usage des bagues, soit comme ornements des doigts, soit comme cachets, remonte à la plus haute antiquité. Les Égyptiens ont été de tout temps très amateurs de bagues : on voir quelquefois deux ou trois anneaux au même doigt. Mais c’est le troisième doigt qui était regardé par excellence comme le doigt des bagues. On portait même quelquefois des anneaux au pouce. Quelques bagues étaient très simples : il y en avait qui étaient faites avec un scarabée ou une pierre gravée. Quelquefois elles avaient la forme d’une coquille, d’un nœud, d’un serpent, et elles portaient une devise. La plupart du temps, les bagues étaient en or, et rarement de bronze, quoique ce métal ait été fréquemment employé pour les cachets (fig. 492 à 497).

La monture ordinaire des scarabées placés sur les bagues se composait d’un fil d’or qui s’amincissait aux extrémités et s’enroulait de chaque côté sur l’anneau. Ces scarabées, étant la plupart du temps destinés à servir de cachets, portaient généralement au revers une gravure ou une légende ayant trait à un sujet religieux. Une belle bague en or du Louvre représente une dame devant le coffret sacré d’Osiris. Il y a de ces bagues qui sont pourvues d’un cachet mobile au travers duquel passe une aiguille destinée à le faire mouvoir. Les plus anciens anneaux sont pourvus d’un cachet assez lourd dont la forme est quelquefois cubique, mais plus souvent ovoïde.

Outre les bagues en or, on en a retrouvé un très grand nombre en terre émaillée, quelques-unes décorées de la tête d’Isis. Quelques-unes portaient, gravés sur le chaton, des souhaits de bonne année.

Sur une momie du British Museum, on voit deux mains croisées avec des bagues à presque tous les doigts, y compris le pouce. La main gauche en est complètement chargée : trois anneaux sur l’index, deux aux deux doigts suivants et un seulement au petit doigt. La main droite porte seulement un anneau au pouce et deux sur le troisième doigt. Ces mains sont taillées dans le bois et les doigts sont en partie cassés. Wilkinson fait observer que la main gauche est en général plus ornée que la droite.

On voit dans tous les cabinets d’antiquités un grand nombre de scarabées sculptés en diverses matières et de diverses grandeurs. La partie supérieure représente l’insecte, et la partie inférieure, qui est plane et de forme à peu près ovale, porte le plus souvent des caractères hiéroglyphiques sculptés en creux, La plupart de ces scarabées sont percés dans leur longueur d’un trou par lequel il paraît qu’on passait un fil pour les suspendre ; tout annonce que les scarabées étaient des amulettes.

L’usage des bagues et des cachets paraît avoir été répandu en Orient dès une très haute antiquité. Nous le trouvons en Babylonie, en Perse, en Phénicie, et parmi les Juifs. Il est probable que c’est par l’Asie Mineure qu’il s’est introduit parmi les Grecs : mais il ne semble pas qu’il ait existé au temps de la guerre de Troie. Du moins Homère, qui décrit avec tant de complaisance les vêtements et les objets précieux qui parent ses héros, ne dit rien sur les bagues.

Dans la période historique, les Grecs, imités plus tard par les Romains, portaient toujours un anneau au quatrième doigt de la main gauche. Voici, dit Aulu-Gelle, la raison qu’en donne Apion, dans ses Égyptiaques : En disséquant les corps humains, selon la coutume égyptienne, la science appelée par les Grecs anatomie fit découvrir un nerf très délié, partant de ce seul doigt pour se diriger vers le cœur, où. il vient aboutir, et l’on accorda cette distinction à ce doigt, à cause de ce lion, de cette espèce de rapport qui l’unit au cœur, la partie noble de l’homme.

L’usage des bagues paraît assez ancien en Italie, et les Étrusques en ont porté antérieurement aux Romains. Ceux-ci se servaient primitivement d’anneaux en fer, et ce n’est que vers la fin de la république qu’on a commencé à employer dans la vie usuelle des bagues en métal précieux. Pline le Naturaliste est formel à cet égard. Il est démontré, dit-il, qu’à Rome les sénateurs ont porté fort tard les anneaux d’or. La république en donnait seulement à ses ambassadeurs ; sans doute parce que c’était chez les étrangers la plus haute marque de distinction. Nul autre n’avait le droit de les porter même dans la cérémonie du triomphe ; et, quoique la couronne étrusque d’or fût suspendue sur la tête du triomphateur, il n’avait qu’un anneau de fer, comme l’esclave qui soutenait la couronne. Ce fut ainsi que Marius triompha de Jugurtha. Il ne prit l’anneau d’or qu’à son troisième consulat. Ceux même qui l’avaient reçu à titre d’ambassadeurs ne le portaient qu’en public. Dans leurs maisons, ils reprenaient celui de fer. C’est par une suite de cet usage que, aujourd’hui encore, on envoie aux fiancées un anneau de fer sans pierreries.

Sous l’empire, l’usage s’introduisit de faire graver l’image du souverain sur le chaton de la bague. On commença aussi à porter des anneaux à plusieurs doigts et même à en porter plusieurs au même doigt. Les pères de l’Église s’élevèrent contre cet usage, et saint Clément d’Alexandrie donne les prescriptions suivantes sur l’unique anneau qu’il est permis aux chrétiens de porter, ainsi que sur la décoration dont il peut être orné : Si des emplois publics ou le soin de nos affaires particulières nous éloignent de notre famille, il nous est permis d’avoir un anneau qui nous serve à sceller et à enfermer plus sûrement les objets de quelque importance ; tous les autres anneaux qui ne sont point destinés à cet usage nous sont interdits. Quant à l’anneau qu’il nous est permis d’avoir, il ne faut pas le porter au même doigt que les femmes, mais à l’extrémité du petit doigt, afin qu’il n’embarrasse point l’usage de la main. Les images qu’on y fait graver et qui nous servent de sceau doivent être de préférence une colombe, un poisson, un vaisseau aux ailes déployées ; on y peut encore faire graver une lyre ou une ancre ; enfin un homme qui, pêchant au bord de la mer, nous rappelle saint Pierre et Moïse. Mais il faut se garder de porter à ses doigts l’image des idoles, dont la pensée seule est un crime.

 

AGRAFES ET BOUCLES. — Outre les bijoux qui servaient directement à l’ornement de la personne, il y en avait qui, comme les agrafes et les boucles, peuvent être considérés comme de simples additions au vêtement. Néanmoins, comme les voiles et les draperies sans couture formaient une partie importante du costume antique, ces bijoux accessoires étaient quelquefois très visibles et devaient, par conséquent, être assez richement décorés.

Les figures 498 et 499 nous montrent la forme la plus habituelle des fibules dont on se servait pour fixer les tissus légers. Ces fibules, dont la pointe est disposée de manière à ne jamais piquer les doigts de la personne qui s’en sert, figurent en très grand nombre dans la plupart des collections de bijoux antiques ; elles étaient presque toujours en or. Ce genre d’agrafes était d’un emploi très fréquent, hais des fibules de ce genre n’auraient pas été suffisantes pour maintenir un vêtement un peu lourd, comme les amples manteaux qui enveloppaient tout le corps. Les figures 500 à 502 nous montrent des agrafes romaines destinées à fixer de lourdes étoffes. Ces agrafes, dont toute la partie interne était dissimulée sous les plis du manteau, présentaient extérieurement l’apparence d’une plaque métallique de forme ronde ou carrée.

La boucle d’argent représentée sur la figure 503 et dont on voit le profil en 504 servait probablement à fixer une ceinture. La plaque circulaire, qui faisait le milieu de la ceinture, est décorée d’une figure de la Lune montée sur un bige et tenant un flambeau. Un croissant pare le front de la déesse et sept constellations apparaissent sur le champ de la plaque. Cette boucle, qui est au musée de Naples, est d’un travail très soigné comme ciselure, et a sans doute appartenu à un personnage opulent.

Une autre boucle du même musée, qu’on voit sur la figure 505 ; est ornée d’un petit bas-relief circulaire représentant la dispute de Neptune et de Minerve, près de l’olivier sacré. Ces boucles avaient pour mission de maintenir la ceinture assez serrée autour du corps. La ceinture faisait l’office de poche en même temps qu’elle entourait le vêtement de dessous. Un effet, les anciens avaient l’habitude d’y suspendre leur bourse et d’y placer les papiers qu’ils pouvaient porter avec eux. L’absence de ceinture autour de la tunique était considérée comme une très grande négligence, et, excepté les moments de grande affliction, comme le deuil, pendant lequel les cheveux étaient épars et les vêtements en désordre, c’eût été une marque d’inconvenance de ne pas avoir le corps entouré et bouclé par une ceinture.