DÉNOMINATION DES VASES. - L’AMPHORE. - L’HYDRIE. - LE CRATÈRE. - L’ŒNOCHÉ. - LE CYATHE. - LES COUPES. - LES CANTHARES. - L’OBBA. - LES RHYTONS. - LES TASSES. DÉNOMINATION DES VASES. — Des vases de formes et de matières souvent très différentes étaient employés au service de la table. Les descriptions de repas que nous ont laissées les auteurs anciens font mention d’ustensiles de table destinés à contenir des liquides et auxquels ils donnent des noms particuliers. Des coupes de tout genre, dit Lucien, dans le Lexiphane, étaient placées sur la table à trois pieds, vase cachant le visage du buveur, cyathe fabriqué par Mentor, ayant l’anse facile à saisir, fiole arrondie, vase à long col, coupes d’argile comme en faisait cuire Thériclès, cratères de grande contenance avec d’autres à large ouverture, verre de Phocée ou de Cnide, que le vent pourrait emporter et légers comme une aile de mouche ; il y avait encore de petites tasses, des flacons, des coupes historiées ; l’armoire en était pleine. Les vases employés pour la table étaient en terre, en verre ou en métal : mais les vases de terre étaient d’un usage beaucoup plus commun. La majeure partie du genre humain, dit Pline le naturaliste, se sert de vases de terre. On cite la poterie de Samos comme excellente pour la vaisselle de table. La même vogue appartient à Arretium en Italie, et, pour les gobelets seulement, à Surrentum, à Asta, à Pollentia, à Sagonte en Espagne, à Pergame en Asie. La ville de Tralles en Asie, et en Italie celle de Modène, donnent aussi leur nom à des poteries en terre ; car ce genre de produits rend célèbres des localités, et les fabriques de vases qui ont du renom expédient leurs ouvrages de tous côtés, par terre et par mer. Au point de vue de leur usage domestique, les vases employés pour la table forment trois classes principales, divisées chacune en plusieurs espèces. Il y a les vases destinés à contenir le liquide, les vases destinés à le verser, et les vases ou coupes pour le boire. Les trois types principaux de la première catégorie sont l’amphore, qui renferme le vin, l’hydrie, qui contient l’eau, et le cratère, dans lequel on mêle l’eau avec le vin. Chacun de ces types est caractérisé par une forme spéciale à laquelle se rattachent plusieurs variétés. Il y a encore un très grand nombre d’autres vases auxquels on a donné des noms divers, mais on n’est pas absolument d’accord sur l’usage particulier de chacun d’eux. L’AMPHORE. — Les amphores n’appartiennent pas précisément au service de la table, puisque leur place était ordinairement dans la cave ou le cellier. — La forme de ces récipients ne diffère pas essentiellement de celles que nous avons vues (fig. 11, 14) sur les monuments égyptiens. Leur base, généralement pointue ou arrondie, est toujours assez mince, en sorte que les amphores ne pouvaient presque jamais se tenir droites sans l’aide d’un support (fig. 148, 149 et 150). Dès que les amphores étaient pleines, on les bouchait soit avec des bouchons de liège, soit avec un enduit de poix, d’argile ou de plâtre. Une étiquette suspendue au col de l’amphore indiquait la contenance du vase, l’âge où l’espèce du vin, etc.
L’HYDRIE. — L’hydrie est un vase destiné à contenir de l’eau. Son ouverture est moins large que celle du cratère. L’hydrie est toujours pourvue d’une anse (fig. 151) ; quelquefois même elle en a deux (fig. 152, 153, 154). C’est ce vase que les femmes portaient sur leur tête quand elles allaient à la fontaine. L’anse latérale était destinée à placer la main droite avec ce geste si gracieux qu’on trouve dans les bas-reliefs antiques, et que les femmes du peuple ont conservé en Orient.
Comme l’hydrie répondait à notre cruche (fig. 155-156), à notre pot des vases dont ils se servaient. Mais, comme les érudits ne sont pas d’accord sur l’appropriation exacte de ces noms, les nomenclatures qu’on a essayé de faire jusqu’ici sont assez confuses et font souvent un double emploi. Il est donc préférable de s’en tenir aux grandes catégories, sans vouloir spécifier le nom qui convient grammaticalement à un vase pris en particulier (fig. 157-158).
LE CRATÉRE. - On donnait le nom de cratère à un vase d’une grande capacité, contenant de l’eau et du vin mêlés, dont on remplissait les coupes à boire, qu’on passait ensuite aux convives. Les anciens en effet buvaient rarement leur vin pur. Ce mélange préparé d’avance jure un peu avec nos habitudes modernes. Mais le vin des anciens n’était pas préparé comme le nôtre. Le cratère était habituellement pourvu de deux anses placées au bas de sa partie évasée et au-dessus du pied, comme le montre la figure 159. Comme le cratère était presque toujours très grand, ces anses, qui sont au contraire fort petites, servaient à remuer le vase plutôt qu’à le porter. Au reste, le mélange ne se faisait pas toujours dans le cratère, et Athénée nous apprend qu’on le faisait quelquefois dans la coupe des convives Il était d’usage chez les anciens de verser d’abord l’eau dans le vase à boire et ensuite le vin. Xénophane dit à ce sujet : Si tu verses à boire, ne mets pas d’abord le vin dans le calice, mais premièrement l’eau, et le vin par-dessus. — Hésiode a dit aussi : Verse d’abord trois parties d’eau de source claire et courante, puis mets-y une quatrième partie de vin. — On lit dans Théophraste : Chez les Grecs, on mêlait autrefois le vin tout autrement que de nos jours ; en effet, on ne versait pas l’eau sur le vin, mais le vin sur l’eau. L’ŒNOCHÉ. — Il y a une charmante catégorie de vases qu’on appelle œnoché. Ils ont généralement le col fort étroit ; on s’en servait pour puiser le liquide dans les cratères. Nous en donnons deux représentations sur les figures 160 et 161 : on remarquera la forme serpentine de l’anse et celle du goulot, qui est très commune dans les vases de cette espèce.
LE CYATHE. — Le cyathe est une coupe munie d’une anse, avec laquelle les serviteurs de la table puisaient le liquide contenu dans le cratère pour le verser aux convives. Le cyathe, qui est d’invention grecque, a été ensuite adopté par les Romains. Il y en avait en terre et en argent, quelquefois décorés avec un grand luxe. Le cyathe est caractérisé par son unique manche (fig. 162 et 163).
L’usage du cyathe était assez incommode, parce que, comme ce récipient était fort petit, celui qui versait à boire était obligé, pour remplir une seule coupe, de puiser à plusieurs reprises dans le cratère, ce qui devait quelquefois impatienter le buveur. Cependant il s’explique par la manière dont les Grecs portaient les santés. On buvait en l’honneur des personnes absentes, et, quand c’était un amant qui buvait à sa maîtresse, sa coupe devait contenir autant de cyathes que le nom de la personne invoquée renfermait de lettres. De même, quand on invoquait les Muses, la coupe devait contenir neuf cyathes.
Dans le repas grec, qui est représenté sur notre figure 164, on voit un jeune esclave qui tient en main les ustensiles avec lesquels il va puiser le liquide contenu dans un grand vase posé sur un trépied derrière lui. Dans la main droite, il porte un petit vase et, dans la gauche, une sorte de cuillère dont la forme se rapproche du cyathe. Il est probable qu’elle devait s’employer moins pour transvaser des liquides que pour enlever les petites saletés qui surnageaient quelquefois sur les cratères. En effet, comme dans les amphores on mettait toujours un peu d’huile sur le vin pour intercepter tout contact avec l’air, il devait arriver souvent que de petites gouttes d’huile se mêlaient avec lui lorsqu’il était transvasé, et il était important de l’épurer avant de le verser dans les coupes.
Dans la figure 165, nous voyons un esclave puiser du liquidé avec un guttus, pour le servir ensuite aux convives, qui sont couchés sur un lit et semblent chanter pendant qu’un joueur de flûte les accompagne. Le guttus est un petit vase qui paraît avoir un emploi à peu près analogue à celui du cyathe, mais dont la forme est très différente, puisqu’il est profond et pointu par le bas. Au reste, il existe une grande confusion dans la dénomination de tous ces petits vases, et les auteurs anciens en parlent assez souvent sans désigner bien nettement la forme particulière à chacun d’eux. LES COUPES. — Les coupes dont on se servait pour boire avaient des formes très variées, mais qui se rattachent à deux types principaux, celles qui reposent sur un pied et celles qui n’en ont pas. Les coupes les plus usuelles étaient larges, peu profondes, pourvues de deux anses et portant sur un socle très bas, comme on en voit la représentation dans les figures 166 et 167. On voit aussi plusieurs coupes peintes qui présentent la même forme : nos collections en renferment un assez grand nombre (fig. 168).
On regardait autrefois comme un très grand honneur, dit Athénée, de posséder des vases à boire. Achille avait un vase d’un travail admirable, et qu’il conservait précieusement. Aucun autre que lui n’y buvait, et il ne s’en servait pour faire des libations à aucune autre divinité qu’à Jupiter. Priam, rachetant le corps de son fils au prix de ce qu’il avait de plus précieux, offre à Achille une coupe d’une rare beauté. Jupiter, lorsqu’il prend la figure d’Amphitryon, donne aussi à Alcmène un vase à boire pour prix de la conception d’Hercule. Les coupes auxquelles on attachait tant de prix dans les temps héroïques étaient en or et en argent. Ces vases de métal précieux devinrent très communs en Grèce, à partir de la période macédonienne, et en Italie, à partir de l’Empire. Néanmoins la plupart des coupes qui ont été retrouvées à Pompéi ou ailleurs sont en bronze.
La figure 169 montre une coupe extrêmement élégante, et ses anses présentent une disposition charmante. On donne à ce genre de coupe le nom de cymbium, à cause de la ressemblance qu’on a trouvée dans sa forme avec certaines barques nommées cymbia. Les coupes profondes sont souvent dépourvues d’anses, ou bien, si elles en ont, c’est à titre d’ornement ; comme elles sont toujours adaptées à un pied assez long pour être facilement saisi avec la main, les anses n’auraient pas d’ailleurs une bien grande utilité. La figure 170 nous montre un joli spécimen de ce genre de coupe sur pied. Il y avait, dit Athénée, différentes manières de boire dans diverses villes, comme le montre Critias. Voici ce qu’il dit en parlant de la république de Lacédémone : L’habitant de Thiase et celui de Chio boivent le vin dans de grandes coupes, en passant le vase à droite : celui de l’Attique le présente de même, mais on y boit dans de petites coupes. Quant à celui de la Thessalie, il porte la santé dans de grands vases, à qui il lui plaît ; mais, chez les Lacédémoniens, chacun boit du vase qui est à côté de lui, et c’est un esclave qui lui verse à boire autant qu’il en veut (liv. XI, 10). Les Grecs étaient fort adonnés à la boisson ; cependant les sages ne permettaient de vider que trois coupes dans un repas, une pour la santé, la seconde pour se mettre en belle humeur et la troisième pour se disposer au sommeil. Mais ces belles maximes étaient rarement suivies dans les festins où les occasions de boire ne manquaient jamais. D’abord il y avait la coupe en l’honneur de Bacchus, l’inventeur du vin, qu’on invoquait toujours, pour que ce dieu empêchât le repas d’être troublé par quelque excès. Le vin que buvaient les Grecs était presque toujours coupé d’eau : les nourrices de Bacchus étaient les Naïades, allusion facile à comprendre et qui prouve que les anciens prenaient rarement du vin pur. Les proportions de ce mélange étaient très variables ; la fabrication des vins différait beaucoup de la nôtre et, en outre, les vins grecs étaient généralement cuits. Il est donc impossible de faire une comparaison quelconque entre nos usages et ceux des anciens, pour ce qui concerne le vin. C’était généralement vers la fin du repas que les coupes circulaient et qu’on portait les santés. Xénophane de Colophon, cité par Athénée, décrit ainsi le moment où on apporte les vins : Déjà l’ensemble de la table est propre, chacun a les mains bien nettes, les coupes sont rincées : tous les convives ont leurs couronnes sur la tète. L’un présente dans une coupe un parfum d’une odeur exquise : le cratère est là rempli de la source de la joie. Un autre tient le vin tout prêt et dit qu’il ne le quittera pas sans y faire raison ; c’est un vin délicat qui parfume par son bouquet tous les pots. Au milieu de tout ceci, l’encens flatte l’odorat par les émissions d’une saveur agréable et pure ; des pains d’une couleur dorée sont sous la main ; la table riante est chargée de fromage et de miel : l’autel qui est au milieu même de la salle est paré de fleurs de tous côtés. La musique et les chants retentissent dans toute la maison ; mais il faut que des gens sages commencent par célébrer les louanges de la divinité, et ne fassent entendre que des paroles saintes et de bon augure. Ils doivent demander en faisant des libations de pouvoir toujours se maintenir dans les termes de la justice (liv. XI, 7). LES CANTHARES. — Athénée nous apprend qu’on employait !e terme de canthare pour désigner un vaisseau sur lequel on navigue. Mais il s’agit ici d’une coupe à deux anses d’une forme particulière, comme celle que nous montre la figure 171. Les anses remontent généralement plus haut que l’orifice du vase et le pied des canthares est assez élevé. C’est un vase d’une forme extrêmement gracieuse, mais dont la dimension était assez variée. C’est ainsi que dans un fragment cité par Athénée un personnage se plaint de l’exiguïté du canthare qu’on lui apporte : Ha ! malheureux que je suis ! Les potiers ne font plus de ces grands canthares ; ce ne sont plus que des petits vases, bien polis, il est vrai, mais qui semblent faits pour être avalés plutôt que le vin. Le canthare est un vase d’invention grecque et ordinairement consacré à Bacchus, ce qui n’est d’ailleurs pas bien étonnant, puisqu’on n’y buvait que du vin. L’OBBA. — On se servait également d’une espèce de coupe nommée obba. Elle ‘était généralement en terre et avait cela de caractéristique qu’elle se terminait en pointe parle bas, de manière à ne pouvoir être posée. C’était par conséquent une coupe qu’il était nécessaire de vider d’un seul trait (fig. 172). Il y avait un certain nombre de coupes qui devaient comme celle-ci être vidées sans se reprendre. Athénée en cite une à laquelle il donne le nom d’amystis : Amystis désigne proprement la boisson que l’on boit tout d’un trait et sans détacher les lèvres, comme on le voit dans Platon le comique : Débouchant une urne brillante de liqueur parfumée, il en versa sur-le-champ dans le ventre creux d’une coupe ; ensuite il l’agita et la but pure, sans même reprendre haleine. — L’amystis devait se boire tandis qu’un autre chantait quelques vers dans un intervalle déterminé, ce qui ne laissait que très peu de temps. On lit dans Ameipsias : Joue-moi un air de flûte et toi chante ; moi, je vais boire pendant que tu joueras de la flûte. — Çà donc, prends l’amystis. LES RHYTONS. — Le rhyton est un vase rappelant des cornes de bœuf dans lesquelles buvaient les bergers de la Thrace. Les Grecs ont imité la forme de ces cornes dans des terres cuites, dont nos musées et nos collections d’amateurs possèdent de nombreux exemplaires. La forme des rhytons s’est souvent modifiée et il y en a une très grande variété. La plus grande partie néanmoins affecte la forme d’une tête d’animal dans le cou duquel s’emmanche le récipient. Ainsi la figure 173 nous montre une tête de sanglier et la figure 174 une tête de lévrier. Le col des rhytons est souvent orné de peintures remarquables : le musée, du Louvre et la Bibliothèque nationale en possèdent de superbes échantillons.
Le rhyton ordinaire était percé par le petit bout et on le tenait à une certaine distance de la figure, de façon que le jet pût arriver directement dans la bouche. C’est ce que nous montre la figure 175, qui représente un jeune homme couché sur un lit et buvant avec un rhyton de forme primitive, c’est-à-dire ressemblant à une corne. Une femme est assise sur le pied du lit, devant lequel est une petite table servie. Au fond, une servante apporte la boîte à parfums.
II est bon de remarquer que la grande ouverture du rhyton se trouve à peu près horizontale, pendant qu’on boit, car sans cela le liquide se renverserait par en haut au lieu de s’échapper en jet par le petit trou percé au bas. Il y a cependant une autre espèce de rhytons : ceux-ci ne sont pas percés et on y boit comme dans une coupe ordinaire. Seulement on a soin qu’il ne soit pas possible de le poser quand on y a versé le liquide, car il fallait le vider d’un seul trait. Les figures 176 et 177 qui représentent l’une une tête de cerf, et l’autre une tête de cheval, nous offrent des modèles de ce système. Dans ces deux rhytons, la tête, au lieu de décrire une ligne cambrée comme dans les précédents, forme simplement la pointe du vase, qui ne peut par conséquent se poser que lorsqu’il est vide. Mais il serait impossible de faire arriver le jet dans la bouche, parce que le liquide serait aussitôt renversé par la grande ouverture.
Les rhytons sont presque toujours en terre, niais on en a fait aussi en métal. On finit cependant par reconnaître l’inconvénient du défaut de station dans un récipient destiné à contenir des liquides, et tout en conservant le mode de décoration usité dans les rhytons, on leur donna une base de manière qu’on pût les poser sur une surface plate. C’est cette catégorie de vases, imités du rhyton que les, amateurs connaissent sous le nom de vases d’une forme singulière. La tète d’animal se montre encore dans cette catégorie, mais elle est fréquemment remplacée par une figure d’homme auquel les artistes grecs se sont complus à donner le plus souvent une physionomie grotesque. LES TASSES. — On trouve chez les anciens des tasses en terre cuite et des tasses en métal. La forme de ces ustensiles est à peu près celle qui est employée aujourd’hui et la différence est surtout dans la décoration. Nos musées renferment un grand nombre de tasses revêtues de peintures, et généralement pourvues de deux anses, qui ne présentent pas toujours la même disposition. Les figures 178, 179 et 180 font voir les types les plus habituels de ce genre de tasses.
Il y avait aussi des bols ronds destinés à contenir des mets liquides et portant sur un pied, comme le montrent les figures 181 et 182. Ces bols sont généralement dépourvus de décoration.
|