LES PRÉPARATIFS. - LE TRAJET. - LA MAISON DE L’ÉPOUX. - LA
NOCE. LES
PRÉPARATIFS. — Dans les familles riches, on offrait une génisse à
Diane ou à Minerve, divinités qui n’ont jamais subi le joug de l’hymen. Mais
le sacrifice le plus agréable qu’on puisse faire à ces divinités, c’est une
mèche de cheveux : riche ou pauvre, personne n’y manquait au moment du
mariage. Diane était particulièrement honorée par les jeunes filles, qui lui
apportaient une mèche de leurs cheveux : les jeunes gens consacraient aussi
leur chevelure à Apollon. Les préparatifs pour la toilette d’une fiancée sont figurés sur un bas-relief antique. La jeune fille se couvre le visage pour cacher les larmes que l’émotion lui fait verser, tandis qu’une esclave lui lave et lui parfume les pieds (fig. 133). Le costume de la mariée est surtout caractérisé par le voile. On verra plus loin, sur la figure 135, la manière dont le voile se portait.
Les jeunes filles portaient aussi une ceinture d’une
espèce particulière, qu’elles quittaient après le mariage. Cette ceinture,
qu’on appelait la zona,
est celle que l’époux dénouait dans la chambre nuptiale. On voit très souvent
cette ceinture d’hymen figurer sur les peintures qui décorent les vases funèbres
et elle prend alors un caractère mystique. Ce que la ceinture nuptiale
présentait de particulier, c’était surtout la manière dont elle était portée.
Au lieu de mettre la ceinture au-dessous des seins, comme les femmes mariées,
les jeunes filles la portaient autour des hanches. Cette manière de porter la
ceinture est extrêmement rare sur les monuments, maison la voit très
distinctement sur la figure 136, qui représente Électre à côté d’Oreste. La
ceinture de mariage ne différait de la ceinture ordinaire des jeunes filles
qu’en ce qu’elle était plus large. En
Grèce, les cérémonies du mariage comprenaient trois parties distinctes : la
première avait lieu dans le foyer du père de la jeune fille, la seconde
contenait le trajet jusqu’à sa nouvelle demeure, et la troisième se passait
devant le foyer de l’époux. Le père de la jeune fille a rassemblé toutes les personnes
de sa famille, et, en présence des deux futurs époux, il offre un sacrifice
devant le foyer de ses pères, et dit qu’il autorise sa fille à suivre l’époux
qu’il lui donne et à renoncer au culte que jusque-là elle avait rendu à ses
aïeux. Elle est par là dégagée de tout lien avec la famille qu’elle quitte,
et elle doit désormais son culte aux aïeux de son époux qui vont devenir les
siens. A partir du mariage,
dit Étienne de Byzance, la femme
n’a plus rien de commun avec la religion domestique de ses pères ; elle
sacrifie au foyer de son mari. Le mariage est une cérémonie qui de tout temps a été accompagnée de la consécration religieuse, mais qui, dans les temps primitifs, garde son caractère exclusivement intime et domestique. Ce n’est qu’à des époques postérieures que le sacerdoce commence à y prendre part ; mais même alors c’est toujours devant le foyer que la cérémonie a lieu. LE TRAJET.
— La figure 135, tirée d’un vase peint, représente une mariée qui vient de
quitter la maison paternelle. Elle a la tête couverte de son voile de mariée
qui retombe presque jusqu’aux pieds. Un proche parent de l’époux, ou un ami
désigné par lui, la conduit par la main, tandis qu’une femme placée devant
elle agite de la main droite un rameau chargé de fruits. Enfin, derrière elle
est une autre femme, probablement celle qui est chargée de l’instruire sur
ses devoirs nouveaux.
En quittant la maison paternelle pour se rendre à la
maison de l’époux, la jeune fille est ordinairement placée sur un char et un
jeune garçon porte devant le cortège le flambeau nuptial. C’est la mère de
l’époux qui doit l’allumer. Je
n’ai point allumé pour toi le flambeau de l’hymen dit, dans Euripide, une
mère qui a vu mourir son fils non encore marié. Dans certaines parties de la
Grèce, on brillait le char en arrivant devant la maison de l’époux pour
indiquer qu’elle ne devait plus s’en éloigner. Au reste, les cérémonies relatives
au mariage variaient suivant les localités. Habituellement la mariée portait
une couronne de fleurs par-dessus son voile. Cette couronne n’est pas toujours
composée avec la même plante, mais elle est toujours symbolique.
En Béotie, dit Plutarque,
quand on a mis le voile à- la nouvelle
mariée, on la couronne d’asperges sauvages, parce que cette plante donne du
milieu d’une tige très épineuse, un fruit très agréable.
Ainsi la jeune épouse, si, son mari ne se décourage pas et ne se rebute pas de ses premières rigueurs, lui fera goûter les douceurs de la plus
agréable compagnie. Dans d’autres contrées, la couronne de la mariée
devait être faite avec des fleurs consacrées à Vénus,
Les
parents et les amis suivaient en général le char de la mariée en chantant des
hymnes en l’honneur du dieu de l’hyménée, et en apportant des présents de
diverses sortes. Quand on arrivait près de la maison de l’époux, celui-ci se
présentait au devant du cortège, et serrait la main à son épouse. Un charmant petit bas-relief en terre cuite du musée Campana, au Louvre, nous montre le mariage de Thétis et Pelée. L’époux, dont le bras gauche (fig. 136) est enveloppé du manteau qu’il retient autour de son corps, présente la main à Thétis qui porte le voile nuptial retombant sur les yeux. Une servante qui la soutient par derrière tourne en même temps la tête vers les personnages qui forment le cortège et qui apportent des présents à la mariée. Ces personnages sont les heures, ou les saisons, personnifiées par de charmantes jeunes filles (fig. 137). La première, qui porte des fleurs, épanouies, caractérise le Printemps ; sa tournure presque enfantine contraste avec la robuste jeune fille qui représente l’Été. Celle-ci tient dans la main droite une couronne de feuillage et dans la gauche des épis. L’Automne tient une corbeille pleine de fruits et traîne après elle un agneau. Enfin l’Hiver (fig. 138), séparée de ses deux sœurs par une figure d’Hercule, est couverte d’un manteau et tient des pièces de gibier, un sanglier, un lièvre et une couple de perdrix.
LA MAISON
DE L’ÉPOUX. — La maison où l’épouse était attendue était non
seulement meublée à neuf et parée, mais on y avait souvent ajouté des
constructions nouvelles en vue de la femme qui allait l’habiter.
Tu me construiras une chambre nuptiale,
dit l’amante de Daphnis à son berger, dans Théocrite ;
tu me construiras une maison et une
bergerie. La porte était toute pavoisée de guirlandes ; un jeune
enfant apportait une corbeille de fruits, emblème d’abondance et de
fécondité, en récitant un hymne avec le refrain : J’ai changé mon état pour un meilleur. La mariée
prenait alors un fruit, choisissant habituellement lune figue ou un coing,
dont la saveur très douce était considérée nommé un emblème du bonheur
tranquille dont on allait jouir. Quelquefois, au lieu de fruits, la corbeille
contenait un pain sur une branche de chêne ; c’était un hommage à Cérès, qui
avait enseigné aux hommes l’agriculture et les avait tirés de l’état sauvage
: la mariée allait de même entrer dans une vie nouvelle préférable à la
précédente. Arrivée devant la porte, la mariée tourne encore un regard
du côté de ses parents qui l’entourent comme s’ils voulaient la défendre :
mais cette lutte n’est que simulée. L’époux l’enlève et lui fait franchir le seuil
en ayant soin que ses pieds ne touchent pas le sol, car ce serait un affreux
présage. Cette cérémonie, qu’on appelle le rapt, présente au premier abord
quelque chose de brutal, cependant elle a son origine dans une croyance assez
touchante : si la mariée entrait d’elle-même dans sa nouvelle demeure, elle
serait par là assimilée à une étrangère qui reçoit un bon accueil. Enlevée
par son mari, elle est considérée, dès qu’elle a mis les pieds dans la
maison, comme si elle venait de naître, et elle prend ainsi possession de son
logis. Son premier acte est d’accomplir les rites sacrés devant le foyer
domestique, emblème des aïeux de son mari qui sont devenus les siens. LA NOCE.
— Un festin réunissant les deux familles était l’accompagnement habituel d’un
mariage. Nous avons vu que les parents et les amis avaient fait un présent à
la mariée. Il était de bon goût que le marié offrit de même quelques présents
à ceux qu’il invitait au repas du mariage. Nous devons à Athénée le curieux
récit d’un repas de noces en Macédoine. Caranus le Macédonien, dit-il,
donna le jour de ses noces un repas à vingt personnes.
Aussitôt que les convives se furent placés sur les lits, chacun d’eux reçut
en présent une coupe d’argent, et lorsqu’elle fut vidée, on apporta des plats
en airain de Corinthe contenant des poules, des canards, des ramiers et
différents autres mets. Les invités, ayant pris ce qui leur convenait,
laissèrent le reste aux esclaves, auxquels on rit également don des plats.
Ensuite, il parut un service d’argenterie où étaient des pigeons, des
tourtereaux, des perdrix et autres volatiles, puis des lièvres, des chevreaux
et des pains faits avec art. Après que chacun fut rassasié, on se lava les
mains et les couronnes furent apportées. Alors entrèrent les joueuses de
flûte et les Rhodiennes pinçant de la harpe. Elles n’avaient pour tout vêtement
qu’un léger voile. Quand elles se furent retirées, il en arriva d’autres,
portant chacune une coupe d’or et une coupe d’argent dont elles firent
présent à tous les convives. On se remit
ensuite à souper et chacun des convives reçut un plat d’argent, doré en placage
fort épais, et assez grand pour contenir un cochon rôti et même fort gros.
Cette pièce était posée sur le dos, montrant le ventre en haut, rempli de
toutes sortes de bonnes choses. En effet, il y avait des grives rôties, des
vulves, force bec-figues, où l’on avait versé des jaunes d’œuf ; outre cela,
des huîtres, des pétoncles : chacun des convives eut pour lui le cochon et le
plat sur lequel on l’avait servi, et reçut ensuite un chevreau tout bouillant
dans la sauce, sur un autre plat avec sa cuillère d’or. Caranus voyant
ses convives embarrassés par la quantité des présents qu’ils avaient reçus,
leur fit donner des bourses de filet et des corbeilles à pain, tissues de
brins d’ivoire : tous célébrèrent la générosité du nouvel époux qui leur fit
remettre encore une couronne et deux pots de parfums, l’un en or et l’autre
en argent. A ce moment on vit entrer dans la salle la troupe de ceux qui
venaient de célébrer à Athènes la fête des Chytres ou marmites, et
ensuite celle des baladins et des femmes qui faisaient des tours, cabriolant
sur des épées et jetant du feu par la bouche. Ensuite on se remit à boire de
plus belle et on apporta les vins vigoureux, ceux de Thase, de Mende et de
Lesbos, qu’on servit dans des coupes d’or. Quand on eut
ainsi bu, on apporta à chacun un plat de verre d’environ deux coudées de
diamètre, dans un réseau d’argent et rempli de toutes sortes de poissons
frits, qu’on y avait comme amoncelés. On y avait joint une corbeille à pain,
tissée en argent et pleine de pains de Cappadoce. Après que chacun eut pris
ce qu’il voulait, on se lava les mains et on donna le reste aux esclaves. A ce moment
un des invités, sautant de son lit, demanda un gobelet contenant un conge ;
l’ayant rempli de vin de Thase, et le buvant, il ajouta : Celui qui boira le plus aura lieu de se féliciter le plus. — Eh bien ! dit Caranus, puisque
tu as bu le premier, agrée le présent que je te fais du gobelet, et quiconque
en videra un pareil, le gardera aussi pour soi. A
ces mots neuf personnes se levèrent, se saisirent de gobelets, et ce fut à
qui aurait bu le premier. Un des convives, assez malheureux de ne pouvoir
boire cette quantité, s’assied sur son lit et se met à gémir d’être le seul
sans gobelet ; mais Caranus lui fait présent du vase vide. On vit alors
entrer un chœur d’hommes chantant en accord et suivi d’une troupe de
danseuses vêtues les unes en Nymphes, les autres en Néréides. Puis on ouvrit
le reste de la salle, qui était partagée par des rideaux blancs. Les torches
jetèrent subitement un grand éclat et on vit des Amours, des Dianes, des
Pans, des Mercures et autres personnages artificiels, portant des lumières
artificielles dans des flambeaux d’argent. Tandis que chacun admirait
l’habileté de l’artiste, on servit des sangliers vraiment d’Érymanthe dans
des plats carrés, autour desquels s’élevait une bordure d’or. Toutes ces
pièces étaient percées d’un javelot d’argent. La trompe donna alors le signal
de la fin du repas, selon l’usage des Macédoniens. Caranus pourtant s’étant mis à boire dans de petits gobelets, ordonna aux esclaves de verser à la ronde ; car ce vin était l’antidote de ceux qu’on avait bus auparavant. On fit entrer ensuite le bouffon Androgène, qui, après avoir fait mille plaisanteries aux dépens des convives, dansa avec une vieille femme de plus de 80 ans. Ce fut alors qu’on apporta le dessert qui fut présenté à chacun dans des corbeilles tissées en ivoire ; il comprenait toutes sortes de gâteaux de Crète, de Samos, de l’Attique, etc. Enfin chacun put sortir emportant les riches présents qu’il avait reçus. (Liv. IV.) |