LA PÉNINSULE IBÉRIQUE. - LA TARRACONAISE. - LA LUSITANIE. - LA BÉTIQUE. - LA MAURITANIE. - LA NUMIDIE. - LES CARTHAGINOIS. - L’ÎLE DE MALTE. LA PÉNINSULE IBÉRIQUE. — La péninsule espagnole, peuplée primitivement par des tribus celtes ou ibériennes colonisée ensuite par les Phéniciens, tomba aux mains des Carthaginois vers le VIe siècle avant notre ère et devint une possession romaine après la seconde guerre punique. Elle fut, sous Auguste, divisée en trois provinces : la Tarraconaise, la Lusitanie, et la Bétique. LA TARRACONAISE. — La Tarraconaise, située au nord de l’Espagne, était beaucoup plus vaste que les deux autres provinces réunies. Tarraco (Tarragone), la capitale, était autrefois le centre d’un commerce immense, et sa population était extrêmement nombreuse. Lés édifices qui la décoraient sont aujourd’hui détruits : il ne reste qu’une grosse tour du palais d’Auguste, mais le magnifique aqueduc qui amenait les eaux dans la cité est assez bien conservé. Les murailles de la ville sont d’une construction fort ancienne, qui n’est pas pélasgique, puisqu’elle présente des assises horizontales, mais qui parait antérieure à l’époque romaine.
Nous avons parlé de l’aqueduc de Tarragone ; celui de Ségovie est encore plus remarquable. Il amène l’eau à travers une vallée large et profonde sur une série de cent dix-neuf arcades s’élevant en certains points jusqu’à la hauteur de 28 mètres. L’aqueduc de Ségovie, construit sous Trajan, est considéré comme le plus beau des édifices de ce genre qui ait été élevé par les Romains (fig. 705). Barcino, aujourd’hui Barcelone, était loin d’avoir dans l’antiquité l’importance qu’elle a acquise de nos jours. Numance, qui a joué un si grand rôle dans l’histoire, a laissé des ruines assez pauvres ; Sagonte a gardé les restes d’un théâtre, un cirque et un temple de Bacchus. Enfin il ne faut pas omettre la Nouvelle Carthage (Carthagène), bien que cette ville, fondée par les Carthaginois, n’ait pas laissé de monuments qui rappellent son passé ; et Interamnium (Alcantara), où l’on voit encore un magnifique pont romain élevé sous Trajan. LA LUSITANIE. — Dans la province de Lusitanie, qui comprend la partie occidentale de la péninsule Ibérique, nous citerons, Olisippo (Lisbonne), Salamantica (Salamanque), et surtout Mérida, ville fondée par Auguste, et qui a laissé des ruines imposantes, parmi lesquelles on remarque l’Arc de triomphe de Trajan, construit en pierres énormes ; le temple de Diane, où l’on admire quarante colonnes hautes de près de onze mètres ; le temple de Mars dont il a survécu quatre beaux fragments en marbre ; la Naumachie dont il ne reste plus que des débris ; le Théâtre dont les gradins sont assez bien conservés ; enfin un vaste aqueduc, qui s’élevait sur trois étages d’arcades montant à près de vingt-cinq mètres de hauteur et dont une trentaine de piliers sont encore debout. Toutes ces richesses justifient le vieux proverbe maure, qui dit qu’aucun homme au monde ne peut énumérer les merveilles de Mérida. LA BÉTIQUE. — La Bétique forme l’Andalousie actuelle ; c’est une province où l’élément phénicien ou carthaginois a dominé dans toute l’antiquité. Nous nous contenterons de citer Gadès (Cadix), où la mythologie place l’histoire du triple Geryon et qui a été de tout temps très importante par son commerce (fig. 706-707). LA MAURITANIE. — L’ancienne Mauritanie répond à peu près à l’empire du Maroc actuel. Elle ne figure dans l’histoire qu’au IIe siècle avant notre ère, lorsque Bocchus, qui en était roi, livra son gendre Jugurtha aux Romains, et reçut pour prix de sa trahison une partie de la Numidie. La Mauritanie, devenue province romaine, n’eut jamais une grande importance, et en fait de villes nous citerons seulement Tengis (Tanger), où l’on montrait le corps d’Antée, autrefois étouffé par Hercule. LA NUMIDIE. — La Numidie, dont le territoire forme aujourd’hui l’Algérie, avait pour capitale Cirta (Constantine), et pour ville principale Lambessa, qui a laissé quelques ruines. La figure 708 représente Juba roi de Numidie qui prit parti pour Pompée et fut vaincu par César. Cette médaille est particulièrement remarquable par, la chevelure, qui semble naturellement rebelle et crépue, mais qui révèle des soins extrêmes par la manière dont elle est arrangée. LES CARTHAGINOIS. — Les établissements phéniciens de la côte d’Afrique, étaient des postes ou des comptoirs complètement isolés au milieu des indigènes et n’avaient primitivement dans leur dépendance qu’un très petit territoire, que les premiers colons avaient conquis oit acheté. La plupart du temps, ces colons se constituaient au moyen d’une compagnie de marchands qui conservaient des rapports amicaux avec la métropole, qu’ils enrichissaient par une redevance et dont ils invoquaient la protection en cas de péril. Souvent aussi, les colonies naissaient des factions politiques en lutte dans-la vieille cité ; car alors il arrivait que la faction vaincue quittait la métropole pour aller fonder .un établissement où elle apportait quelquefois de grandes richesses et fine organisation fortement constituée’ déjà. C’est ce qui arriva à Carthage, qui, pourvue dès le début d’une certaine puissance, sut de bonne heure faire respecter son autorité parmi les indigènes, et fonda elle-même des colonies qui donnèrent à son commerce une très grande extension. Carthage était composée de plusieurs parties. L’ancienne ville occupait le terrain placé autour de la citadelle appelée Byrsa, qui était située sur une éminence. Trois ou quatre rues, aux maisons très hautes et élevées de plusieurs étages, suivant l’usage phénicien, reliaient le forum, placé au centre de la ville, avec la citadelle. Ces rues, pavées en dalles, paraissent avoir été assez étroites, car quand les soldats romains s’emparèrent de Carthage, ils entrèrent dans les maisons, et purent communiquer d’un côté de la rue à l’autre, en mettant des planches et des solives sur les terrasses qui les couvraient. Le forum était de forme rectangulaire et entouré de hautes maisons : sur une de ses faces se trouvait le temple d’Apollon, qui, selon Dureau de la Malle, échappa à la ruine de Carthage et fut plus tard consacré au culte chrétien. Ce temple était orné d’une grande statue du Dieu qui fut emportée à Rome, où on la désignait sous le nom de grand, Apollon de Carthage : elle subsistait encore au temps de Plutarque. Outre le temple d’Apollon, il y avait un temple d’Esculape ; un temple d’Astarté et un temple de Baal, qui contenait les archives de la république. De grandes citernes publiques, alimentées par des aqueducs, un gymnase, un théâtre, un amphithéâtre, un cirque, et plusieurs édifices, dont un nombre, il est vrai, ont été élevés sous la domination romaine, attestent, l’importance que Carthage a conservée jusqu’aux invasions barbares. Outre la vieille ville, il y avait un immense faubourg appelé Megara, qui était rempli de jardins plantés d’arbres fruitiers et coupé de canaux. C’est près de ce faubourg que se trouvait le lieu consacré aux sépultures ; les Carthaginois ne brûlaient pas leurs morts, mais les enterraient suivant un usage commun à tous les peuples sémitiques. Carthage était pourvue d’un port marchand et d’un port militaire. Le port marchand était de forme elliptique et entouré, dans toute sa circonférence, par de nombreux points d’attache pour amarrer les navires ; il communiquait à la mer par une grande entrée que l’on fermait avec une chaîne de fer ; de larges quais, bordant le rivage de la mer, permettaient aux marchands d’y déposer leurs denrées. Mais le port important était le port militaire appelé Cothon. Le faubourg de Mégare était séparé de la ville vieille par une muraille particulière, mais l’enceinte de la cité était défendue au dehors par une enceinte fortifiée. Il est impossible de parler de Carthage sans rappeler Annibal, le plus grand homme de guerre de l’antiquité. Nous aurions voulu en reproduire ici l’image, mais nous devons dire que le superbe buste (fig. 709) que la tradition considère comme son portrait, ne présente pas sous ce rapport de bien grandes garanties d’authenticité. Utique, où est né Caton, était située non loin de Carthage. Cette ville était la plus ancienne colonie des Phéniciens sur cette côte.
Les Carthaginois comme tous les peuples d’origine syrienne ou phénicienne n’avaient aucune aptitude pour les beaux-arts et leurs production sous ce rapport paraît s’être borné à quelques ex-voto (fig. 710, 711, 712 et 713), dont la déplorable faiblesse comme dessin est d’autant plus remarquable que, les artistes grecs, travaillant pour leur compte, faisaient des chefs-d’œuvre, comme on peut en juger par les médailles ci-dessous (fig. 714-715). Au reste si les Carthaginois ont été impuissants à cultiver les beaux-arts, il est certain du moins qu’ils les appréciaient ; car leurs généraux ne manquaient pas d’enlever partout les tableaux et les statues célèbres, pour les envoyer dans leur patrie. On pense que, pour la décoration, des édifices, les Carthaginois employaient des artistes grecs dont la Sicile était abondamment pourvue.
L’ÎLE DE MALTE. — L’île de Melita (Malte), désignée dans l’Odyssée sous le nom d’Hypérie, et qui porte aussi le nom d’Ogygie, est située entre la Sicile et la côte d’Afrique. Habitée successivement par les Pélasges, les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois et les Romains, cette petite île avait été dans la mythologie, la demeure de la nymphe Calypso ; les curieux vont encore visiter aujourd’hui sa grotte mais celle-ci ne répond nullement aux poétiques descriptions d’Homère. L’attribution de cette grotte à la déesse est d’ailleurs absolument hypothétique, et on pourrait tout aussi bien lui donner pour habitation tout autre excavation analogue, car il y en a un assez grand nombre non seulement dans file de Malte, mais encore sur toute la côte méridionale de la Sicile. Ces grottes paraissent avoir été habitées par une population troglodyte dont on ne connaît pas l’histoire, mais qui pourrait bien avoir été d’origine phénicienne. Nous avons vu, en effet que la côte de la Phénicie, les montagnes de l’Arabie Pétrée, et toutes les régions adjacentes offrent des excavations analogues. La grotte de Calypso se compose de deux étages de cavernes formant plusieurs chambres : l’une d’elles dont l’entrée est un peu plus grande a reçu pour cette raison le nom de boudoir de la déesse (fig. 716).
L’île de Malte (fig. 717-718), peuplée de Phéniciens, a toujours été en rapport avec l’Orient et quelques-unes de ses monnaies attestent une influence égyptienne très prononcée. Les monnaies de Gaulos (Gozzo), petite île, à côté de Malte, montrent au contraire une influence phénicienne (fig. 719-720). Les monuments qu’on a trouvés dans ces deux îles, paraissent également d’origine phénicienne. Les ruines de Crendi, à Malte, ressemblent de loin à une masse de roches naturelles, mais de près on reconnaît le travail des âges primitifs. Ces ruines, dit le guide, sont formées d’énormes pierres encore à peu près telles que les a fournies la nature. Les unes sont fichées tout droit dans le sol et se dressent jusqu’a douze mètres de hauteur, les autres, de sept mètres de longueur sur quatre de largeur et un mètre d’épaisseur, sont enclavées dans les murs qu’elles soutiennent comme, des piliers. En pénétrant dans ces ruines, on voit qu’elles forment des salles à ciel ouvert, de grandeur et de forme différentes, qui paraissent avoir été des temples. Les parois intérieures sont aplanies et travaillées avec une régularité bien différente de l’aspect extérieur de l’enceinte. Le sol est formé de pierres concassées, au-dessous desquelles on trouve de larges blocs. Les murs de rond de ces salles dessinent un hémicycle : les portes principales, creusées dans les cotés droits, sont bâties avec quatre pierres formant une baie trapézoïde de 2 à 3 mètres. On a trouvé dans ces salles des ossements d’hommes et d’animaux, et des figures sculptées d’une forme bizarre et monstrueuse ; mais comme il n’y a aucune inscription, il est difficile d’en comprendre la signification. Les deux édifices sont composés de plusieurs salies communiquant ensemble et où se trouvent de larges tables monolithes supportées tantôt par un gros pilier, tantôt sur un piédestal évidé sur les côtés.- La tour des Géants (fig. 721) dans l’île de Gozzo est un monument du même caractère, mais beaucoup plus grand. L’édifice se compose de deux temples ou enclos ayant chacun la forme d’un double trèfle : les portes sont formées de deux larges pierres de 3m30 de long sur 2 mètres de large. On entre dans la première partie du monument par un passage bâti également avec de très grosses pierres. L’abside qu’on trouve à main droite est fermée par une clôture qui présente un marchepied demi-circulaire : on a retrouvé les scellements d’une grille qui l’accompagnait jadis. Deux pierres debout, surmontées d’un architrave formaient au fond de l’abside une sorte de tabernacle, sur lequel était probablement une pierre conique sacrée, analogue à celles qu’on voit sur les monnaies de Paphos. Dans l’abside de gauche, un bassin rond placé derrière l’autel parait avoir servi aux ablutions. Le second enclos qu’un passage fait communiquer avec le premier offre une disposition analogue. Cette singulière construction ne présente aucune trace de voûte ni de plafond, et les cérémonies qu’on y faisait devaient s’accomplir en plein air. On ne sait rien sur ces monuments, dont l’origine aussi bien que la destination sont restées jusqu’à ce jour énigmatiques.
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