LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME PREMIER — LES PEUPLES DE L’ANTIQUITÉ

L’ITALIE. — VIII. - LA GAULE

 

 

LES RACES PRIMITIVES. - LA CONQUÊTE ROMAINE - LA NARBONNAISE. L’AQUITAINE. - LA CELTIQUE. LA BELGIQUE. - LA RHÉTIE ET LE NORIQUE - ÎLES BRITANNIQUES.

 

LES RACES PRIMITIVES. — Les races qui peuplèrent primitivement la Gaule n’ont pas laissé d’inscriptions qui puissent jeter du jour sur leur histoire, mais elles ont couvert le sol de monuments dont l’étude constitue un problème qui n’est pas encore résolu. Ces monuments, généralement désignés sous le nom de monuments druidiques ou celtiques, mais appartenant à une civilisation beaucoup plus ancienne, se rencontrent surtout du côté de la Bretagne. Ils se composent d’énormes pierres, qu’on peut diviser en plusieurs sériés, suivant leur formé ou leur disposition. Les Menhirs ou Peulvans sont de gigantesques blocs d’un seul morceau, ayant la forme allongée d’un obélisque, et s’élevant parfois à plus de 15 mètres hors de terre. Les Dolmens, beaucoup plus nombreux, se composent de deux grosses pierres en forme de table ou d’autel. Les dolmens étaient probablement dès tombeaux, qui sont aujourd’hui dépouillés de la masse de terre qui les recouvrait autrefois. Lorsque ce monticule existe encore, on lui donne le nom de Tumulus.

La construction des dolmens prend quelquefois un très grand développement. Quelques-uns en effet se composent, non plus seulement de trois pierres ; mais d’une véritable galerie.

Les environs de Saumur présentent plusieurs dolmens intéressants, qui s’élèvent tous, sur la rive gauche de la Loire. Parmi les monuments de ce genre, un des plus importants est celui qui a reçu le nom d’Allée Couverte ou Roche aux Fées (fig. 668). Son plan présente un carré long d’environ 9 mètres 32 centimètres de longueur sur 7 de largeur, et sa hauteur est de 3 mètres. Il est composé, dit le Guide dans la France monumentale, de quinze pierres de grès, dont neuf posées de champ, quatre de chaque côté, et une pour le fond. Deux autres sont debout ; l’une, à l’entrée du dolmen, sert à rétrécir l’ouverture et à former la porte ; l’autre, placée dans l’intérieur, sert de support à la plus grande pierre du toit, qui est fendue. Quatre pierres de différentes largeurs composent ce toit ; la plus grande a 7 mètres et demi de longueur sur 7 mètres de largeur.

Dans une vaste lande, à 2 kilomètres du bourg de Carnac, se trouvent les étranges monuments connus sous le nom d’Alignements de Carnac (fig. 669).

La plupart des pierres qui les composent sont des menhirs, dont quelques-uns atteignaient une hauteur de 6 ou 7 mètres, tandis que, d’autres avaient seulement 1 mètre ou 2. Ces pierres étaient souvent plus minces à la base qu’au sommet et semblaient plantées, la pointe en bas mais aujourd’hui la plupart d’entre elles sont tombées et demeurent gisantes sur le sol.

Une catégorie bien curieuse de monuments comprend ceux qu’on désigne sous le nom de Pierres branlantes ou tournantes. Ces pierres, souvent de très grande dimension, se composent d’une roche massive, mais mobile, posée en équilibre sur une base fixe et solide. L’usage de ces singuliers monuments est jusqu’ici demeuré énigmatique ; bien qu’on ait avancé, sans avoir d’ailleurs aucune preuve à l’appui, qu’ils servaient aux épreuves judiciaires, l’accusé étant déclaré coupable s’il ne parvenait pas à faire remuer la pierre. La figure 670 nous montre une de ces pierres, qui se trouve aux environs d’Autun, où elle est connue sous le nom de pierre qui croule. C’est un bloc de granit arrondi aux extrémités supérieures et inférieur et mesurant environ  8 mètres de circonférence. Cette pierre repose sur un banc de la même roche, et il parait qu’on peut, sans de grandes difficultés, lui imprimer un léger mouvement d’oscillation.

Le tumulus de Fontenay-le-Marmion (fig. 671-672), près de Caen, est formé de pierres sèches tassées les unes sur les autres. Bien qu’il ait été exposé à de fréquentes dégradations par suite de l’extraction des matériaux, il a encore environ 150 pieds de diamètre sur 25 de hauteur. Il parait qu’il était autrefois entouré de gros blocs de grès. L’intérieur se compose de plusieurs caveaux dont les murs sont construits en pierres plates et superposées, sans ciment ni mortier, qui se rétrécissent en s’élevant. On n’y a trouvé aucun instrument en métal, mais seulement deux vases de terre qui paraissent faits à la main sans l’aide du tour et une petite hache en pierre verte.

 

LA CONQUÊTE ROMAINE. — Avant l’arrivée des Romains, la Gaule était inégalement partagée entre trois peuples : les Gaulois au nord de la Garonne jusqu’au Rhin, les Ibères au Midi et les Grecs Marseillais sur les bords de la Méditerranée. La race gauloise proprement dite comprenait la branche gallique et la branche kymrique. La première était formée de plusieurs groupes de populations dont les principaux étaient les Arvernes, les Eduens, les Séquanes, les Helvétiens, les Allobroges, etc. La branche kymrique occupait la contrée située entre le Rhin et la Marne, en y comprenant la Belgique actuelle. La race ibérienne se composait des Aquitains, entre la Garonne et les Pyrénées, et des Ligures, qui s’étendaient de la Garonne aux Alpes. Enfin les villes de la côte méditerranéenne étaient presque toutes des colonies de Marseille.

Les Romains entrèrent en Gaule, appelés au secours de Marseille, qui était leur alliée, et ils s’établirent bientôt dans toute la partie méridionale de la contrée. A l’arrivée de César (fig. 673), la province romaine s’étendait de la Garonne au lac Léman. En huit ans, César conquit la Belgique, la Celtique ou Gaule centrale et l’Aquitaine. Les peuples de la Gaule avaient formé une sorte de confédération, et avaient pris pour chef Vercingétorix, qui organisa la défense contre César et le battit à Gergovie ; mais il succomba devant Alésia. Ces deux hommes, Vercingétorix et César (fig. 674-675 et 676-677) se trouvent placés, au début de notre histoire, l’un en affirmant une nationalité, l’autre en apportant une civilisation. La Gaule devint au bout de peu de temps la plus riche et la plus florissante province de l’empire romain.

Auguste divisa la Gaule en quatre provinces : la Narbonnaise, comprenant l’ancienne province romaine, avec Narbonne pour capitale ; l’Aquitaine, qui s’étendit des Pyrénées à la Loire ; la Celtique, ou Lyonnaise, comprenant tout le centre entre la Loire, le Rhône depuis Lyon, le Rhin, la Marne, la Seine et la mer ; enfin la Belgique qui embrassait tout le Nord.

 

LA NARBONNAISE. — La Narbonnaise comprenait le Languedoc, la Provence et la partie sud-ouest du Dauphiné : Narbonne qui, dans l’antiquité, était, une ville très populeuse, était particulièrement renommée pour la richesse de ses édifices, et pouvait rivaliser sous ce rapport avec les villes les plus opulentes de l’empire romain. L’importante cité de Narbonne, dit M. de Caumont dans le Bulletin monumental, ne possède plus aucun de ses grands édifices antiques. On sait seulement où se trouvaient des temples, des thermes, des arènes. La ville est d’ailleurs extrêmement riche en débris de frises et de bas-reliefs, en pierres tumulaires, en inscriptions, etc., etc. Une quantité énorme de pareils fragments ont. été incrustés dans les murs d’enceinte, rebâtis sous François Ier, et en partie disposés de manière à former une sorte de frise, au-dessous de la corniche. Ce fut à Narbonne qu’Auguste tint l’assemblée générale dans laquelle il fit une nouvelle division de la Gaule. Les habitants reconnaissants lui élevèrent un autel de marbré blanc qui existe encore, où ils célébraient tous les ans des fêtés en son honneur.

Nîmes est la ville de France la plus riche en monuments romains, et quelques-uns d’entre eux remontent au commencement de l’empire, c’est-à-dire à la plus belle époque de l’art romain.

L’édifice connu sous le nom de Maison carrée de Nîmes (fig. 678)  est le temple romain le mieux conservé qui existe non seulement dans les Gaules, mais encore dans tout l’empire. D’après une inscription du fronton, ce temple aurait été dédié aux petits-fils d’Auguste et remonterait à l’an 754 de Rome, c’est-à-dire à l’an 1er de l’ère chrétienne. Ce temple est dans le genre de ceux que Vitruve appelle pseudoperiptères ; il a six colonnes de face et onze sur les cotés, en y comprenant celles des coins. Ces colonnes sont engagées dans le mur, à l’exception de celles qui constituent le porche (fig. 679). La Maison carrée, considérée comme un des plus élégants chefs-d’œuvre de l’architecture antique, sert aujourd’hui de musée à la ville de Nîmes.

Le plan des Arènes de Nîmes, dit le Guide dans la France monumentale, est un ovale dont le grand axe a 133m38 de largeur, sur 1014m0 pour le petit axe. La circonférence de l’édifice enter est de 358 mètres et sa hauteur à l’extérieur est de 21m31 (fig. 680).

La façade de ce bâtiment est composée du rez-de-chaussée, d’un étage au-dessus et d’un attique qui en forme le couronnement. Le rez-de-chaussée présente 60 arcades semblables, dont les proportions sont toutes les mêmes, à l’exception de quatre portes plus grandes et plus saillantes, qui répondent aux quatre points cardinaux (fig. 681). Ces arcades s’ouvrent sur une galerie qui règne sur tout le pourtour de l’édifice. Elles sont ornées de pilastres qui ont près de 66 centimètres de face. Cette partie inférieure ne paraît pas avoir été achevée complètement dans toutes ses parties et les moulures ne sont terminées que du coté de l’ouest.

L’étage supérieur présente un portique pareil, avec le même nombre d’arcades, mais fermées en bas par un mur à hauteur d’appui, formant parapet ou garde-fou. Ces arcades sont ornées de colonnes dont les proportions appartiennent à l’ordre toscan, mais qui présentent quelques-uns des attributs du dorique.

Le gigantesque édifice appelé la Tour Magne, dont les antiquaires ne sont pas encore parvenus à fixer la destination, les restes d’une fontaine extrêmement élégante, mais dont une grande partie est moderne, les ruines d’un temple de Diane, des murailles dont la construction paraît remonter au temps d’Auguste, deux portes monumentales ; dites la porte d’Auguste et la porte de France ; enfin une gracieuse fontaine, qui a conservé plusieurs parties antiques, donnant à la ville de Nîmes un aspect tout à fait particulier. C’est aux environs de cette ville qu’on trouve le magnifique aqueduc connu sous le nom de Pont du Gard (fig. 682).

Arles, qui le dispute à Nîmes pour l’importance de ses monuments antiques, était une des villes les plus commerçantes de la Narbonnaise. Son amphithéâtre (fig. 683), dont la fondation remonte au siècle d’Auguste, n’a été complètement terminé que vers les derniers temps de l’empire, en sorte qu’il y a un certain désaccord dans l’exécution. Cet amphithéâtre, pouvait contenir environ 25.000 personnes. Le monument est formé par deux rangs de portiques en arcades cintrées, celui du premier étage étant de style dorique et le second de style corinthien. Sous les Sarrasins, il est devenu une forteresse, et il a servi ensuite de refuge à la population pauvre, qui a construit dans l’arène même une multitude d’habitations. Extérieurement, l’édifice a conservé ses lignes architectoniques, mais l’intérieur est complètement dégradé.

Le théâtre d’Auguste et de Livie, qui a été en partie refait sous Constantin, a laissé des restes intéressants (fig. 684). Cet édifice qui, par sa disposition, se rapproche plus des théâtres grecs que des théâtres romains, était jadis revêtu de marbre et orné de statues. On en voit assez bien la disposition intérieure et les gradins où se plaçaient les spectateurs, mais on n’y trouve plus, comme au théâtre d’Orange, le grand mur de scène se prolongeant avec toutes ses dépendances jusqu’à la rencontre des portiques extérieurs.

La petite ville de Saint-Rémi, près d’Arles, renferme aussi de belles antiquités. L’arc de triomphe est fort endommagé ; sa partie inférieure est ornée de huit colonnes et de quatre bas-reliefs mutilés, représentant des captifs enchaînés. Deux Renommées décoraient les grandes faces des voussures de l’archivolte, et dans les entrecolonnements on voit les restes de consoles qui devaient supporter des statues dont il ne reste aucune trace.

Aix, dit le Guide en Provence, est le plus ancien établissement des Romains dans les Gaules. Jules César lui donna le titre de colonie ; plus tard elle devint la métropole de la seconde Narbonnaise. Elle possédait alors un palais des. Thermes, digne de la magnificence romaine. Elle jouissait. d’une grande prospérité lorsque les Sarrasins la saccagèrent en 732 ; il ne resta de la ville romaine que trois tours en marbre adossées à l’ancien Capitole ; tous les édifices, les remparts, les portiques, les statues, l’amphithéâtre et les temples furent détruits.

Le pont de Saint-Chamas, près d’Aix, en Provence, produit un très  bel effet par l’harmonie de l’ensemble, car les détails ne sont pas toujours d’une extrême finesse. On l’appelle Pont Flavien, du nom de son fondateur, gravé sur le front de l’édifice. Il n’a qu’une seule arche, appuyée contre les rochers, mais chacune de ses extrémités est décorée d’un arc corinthien supportant un lion des deux côtés de son entablement (fig. 685).

Marseille (fig. 686-687), si riche en souvenirs historiques, n’a malheureusement conservé aucun des monuments qui la décoraient dans l’antiquité. Voici la description que Strabon fait de cette cité célèbre : La ville de Massalia, d’origine phocéenne, est située sur un terrain pierreux ; son port s’étend au-dessous d’un rocher, creusé en forme d’amphithéâtre, qui regarde le midi et qui se trouve, ainsi que la ville elle-même dans toutes les parties de sa vaste enceinte, défendu par de magnifiques remparts. L’acropole contient, deux temples, l’Ephesium et le temple d’Apollon delphinien : ce dernier rappelle le culte commun à tous les Ioniens ; quant à l’autre, il est spécialement consacré à Diane d’Éphèse. Les massaliotes occupent un territoire dont le sol, favorable à la culture de l’olivier et de la vigne, est en revanche, par sa nature âpre, beaucoup trop pauvre en blé ; aussi les vit-on dès le principe, plus confiants dans les ressources que pouvait leur offrir la mer que dans celles de l’agriculture, chercher à utiliser de préférence les conditions heureuses où ils se trouvaient placés pour la navigation et le commerce maritime. Massalia possède des cales où abris pour les vaisseaux et tout un arsenal ; mais ses habitants n’ont plus ce grand nombre de vaisseaux qu’ils possédaient naguère, ni cette quantité d’engins et de machines pour l’armement des navires et les sièges de villes, qui leur avaient servi à repousser les agressions des barbares et à se ménager, qui plus est, l’amitié des Romains. Beaucoup de trophées et de dépouilles, encore ex-posés dans la ville, rappellent maintes victoires navales, remportées jadis par les Massaliotes sur les différents ennemis dont l’ambition jalouse leur contestait le libre usage de la mer. Comme par le bienfait de la domination romaine, les barbares qui les entourent se civilisent chaque jour davantage et renoncent à leurs habitudes guerrières pour se tourner vers la vie publique et l’agriculture ; les Massaliotes ont donné un autre cours à leur activité. En conséquence, tout ce qu’ils comptent aujourd’hui de beaux esprits se porte avec ardeur, vers l’étude de la rhétorique et de la philosophie ; et non contents d’avoir fait dès longtemps de leur ville la grande école des barbares, et d’avoir su rendre leurs voisins philhellènes, au point que ceux-ci ne rédigeaient plus leurs contrats autrement qu’en grec, ils ont réussi à persuader aux jeunes patriciens romains de renoncer désormais au voyage d’Athènes pour venir au milieu d’eux perfectionner leurs études. Puis, l’exemple des Romains ayant gagné de proche en proche, les populations de la Gaule entière, obligées d’ailleurs maintenant à une vie toute pacifique, se sont vouées à leur tour à ce genre d’occupations, et notez que ce goût chez elles n’est pas seulement individuel, mais qu’il a passé en quelque sorte dans l’esprit public, puisque nous voyons que partout on appelle à l’envi et on entretient richement nos sophistes et nos médecins. Malgré ce changement, les mœurs des Massaliotes sont restées simples et leurs habitudes modestes ; rien ne l’atteste mieux que l’usage suivant : la dot la plus forte chez eux est de cent pièces d’or, à quoi l’on peut ajouter cinq pièces pour les habits, et cinq pour les bijoux d’orfèvrerie, mais la loi ne permet pas davantage. (STRABON.)

Fréjus (Forojulium) passe pour presque aussi ancienne que Marseille ; considérablement agrandie sous Auguste, elle a conservé les restes d’un aqueduc, d’un amphithéâtre, et d’un arc de triomphe. Ce dernier, qu’on désigne sous le nom de Porte-Dorée, formait autrefois une des quatre portes de la ville, La petite ville de Riez, dont les habitants avaient une dévotion particulière pour Apollon, garde encore quelques colonnes d’un temple qui était autrefois consacré à ce dieu.

Orange (Arausio) renferme die superbes ruines romaines, entre autres son arc de triomphe, remarquable par ses proportions et par les sculptures qui le décorent (fig. 688).

Le théâtre d’Orange (fig. 689) est, dans cet ordre de monuments, un des plus complets et des plus singuliers que l’antiquité nous ait laissés. Par un hasard singulier, dit M. Vitet, dans la Gazette des Beaux-Arts (octobre 1861), la partie qui, dans cette sorte d’édifice, a le plus constamment souffert ; qui n’apparaît en général qu’à fleur de sol, qui souvent même a complètement disparu, soit qu’elle fût sujette à plus de remaniements, soit que, dans certains cas, on ne la construisit qu’en bois, la scène, l’emplacement occupé parles acteurs, le théâtre lui-même, à vrai dire, s’est ici conservée dans toute sa hauteur, depuis la base jusqu’au sommet (fig. 690). On peut trouver ailleurs des gradins en meilleur état : la partie semi-circulaire destinée au public ; ce que nous appelons la salle de spectacle proprement dite,- n’est plus qu’un amas de ruines, rien ne subsiste des étages supérieurs, et si les premiers rangs n’ont pas été détruits, c’est qu’ils sont assis sur le roc. La muraille au contraire, contre laquelle la scène était adossée, et les constructions latérales qui la flanquaient de droite à gauche, ce que les anciens appelaient le postscenium, le proscenium et le parascenium sont restés debout comme par miracle. La masse tout entière en subsiste, il n’y manque que les revêtements décoratifs.

Cavaillon (Cabellio), ville peu importante aujourd’hui, mais autrefois décorée d’édifices somptueux, n’a conservé de sa splendeur passée que les débris d’un arc dé triomphe. C’est une grande arcade avec un pilastre orne de feuillages, couronné par un chapiteau corinthien. De chaque côté est une victoire ailée tenant dans la main droite une palme et dans l’autre une couronne.

Le temple d’Auguste, à Vienne, est, après la Maison carrée de Nîmes, le monument religieux le mieux conservé qu’il y ait en France. Ce temple, qui est d’ordre corinthien, sert aujourd’hui de musée d’antiquités. On voit dans la même ville les restes d’un amphithéâtre et de plusieurs aqueducs.

 

L’AQUITAINE. — L’Aquitaine, qui au temps d’Auguste comprenait tout le pays situé entre la Loire, les Cévennes, les Pyrénées et l’Océan, n’a pas gardé beaucoup de traces de la domination romaine. Nous nous contenterons de citer les restes du palais Gallien, à Burdigala (Bordeaux), amphithéâtre dont les débris ont formé longtemps une ruine imposante.

Mediolanum Santonum (Saintes) a laissé des traces importantes de l’occupation romaine. Le monument le mieux conservé est Parc de triomphe élevé au bord de la Charente, à l’entrée de la voie militaire qui conduisait à Limonum (Poitiers) (fig. 691). D’après les inscriptions qu’il porte, cet arc a été élevé par Germanicus, fils de Drusus. On voit dans la même ville les restes d’un amphithéâtre romain.

 

LA CELTIQUE. — La Celtique a formé à peu près le Lyonnais, la Bourgogne, le Nivernais, l’île de France, l’Orléanais, la Normandie, la Bretagne, le Maine et l’Anjou.

Lugdunum (Lyon) était la capitale de cette vaste province. Elle n’a pas laissé de ruines importantes, mais une médaille, conserve le souvenir d’un monument érigé en l’honneur d’Auguste, comme  hommage collectif de tous les peuples de la Gaule (fig. 692).

Bibracte, la capitale des Éduens, était une des plus anciennes et des plus célèbres villes des Gaules ; elle était le centre d’un collège de druides où toute la noblesse du pays venait étudier. L’un de ses chefs, Divitiac (fig. 693-694), vint à Rome, où il fut l’ami de Cicéron, qui a témoigné de son savoir, et plus tard il se déclara l’allié des Romains, ce qui n’a pas empêché Bibracte d’être détruite par Jules César et de recevoir ensuite une colonie romaine ; elle prit alors le nom d’Augustodunum (Autun), et redevint très florissante sous l’empire. C’est au règne d’Auguste qu’on fait remonter les murailles de cette ville, qui avaient 5 kilomètres de circuit et étaient défendues par 220 tours rondes. Deux portes monumentales subsistent encore ; la porte d’Arroux et la porte Saint-André.

La porte Saint-André (fig. 695) était percée de deux grandes arcades : deux pavillons d’un mètre environ de saillie sont adjacents à deux portelles du coté de la ville. Au-dessus, est un autre étage composé de pilastres d’ordre ionique avec de petites arcades au nombre de dix. Mais ces constructions sont regardées comme ne remontant pas plus haut que Constantin Ier. La porte Saint-André a 14 mètres de largeur sur 20 de hauteur.

La porte d’Arroux, également percée de deux grandes arcades, était surmontée d’un étage de pilastres d’ordre corinthien, composé de dix, colonnettes dont il ne reste que sept aujourd’hui. Ces deux portes communiquaient avec les remparts et on y voit encore des tracés de gonds et de rainures pour les herses.

Andomatunum (Langres), capitale des Lingons, ville qui fut autrefois beaucoup plus importante qu’aujourd’hui, n’a conservé de sa splendeur passée qu’un arc de triomphe enclavé dans l’ancienne muraille de la ville et dont on fait remonter la construction l’époque de Gordien. Mais tout le sol est couvert de débris, et on y a trouvé de nombreux fragments de sculpture et d’architecture.

La Normandie, si riche en monuments du moyen âge, est assez pauvre en souvenirs du monde romain, et la Bretagne en possède encore moins, mais nous pouvons nous arrêter un moment sur Lutèce (fig. 696-697), la ville qui est aujourd’hui Paris.

Lutèce, chef-lieu des Parisii, peuple de la Gaule dont elle prit le nom dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, était à l’origine enfermée dans la petite île de la Seine, que nous appelons la Cité. Un pont reliait de chaque côté la ville aux deux rives du fleuve et la mettait en communication avec deux voies principales, l’une se dirigeant vers les provinces du nord et l’autre vers les provinces du sud. L’aristocratie gallo-romaine habitait en dehors de la ville et affectionnait particulièrement le rive gauche ; un camp romain était établi sur l’emplacement actuel du Luxembourg.

C’est dans le palais des Thermes, à Paris, que l’empereur Julien fut proclamé empereur en 361. Une belle statue en marbré grée représentant cet empereur se voit dans la salle même des Thermes (fig. 698). Cette statue, de grandeur naturelle et d’une parfaite conservation, montre l’empereur debout, avec la tête ceinte de la couronne. La barbe est longue et les cheveux, plaqués sur le front, tombent au-dessous du bandeau. La main droite soutient sur la poitrine les plis du manteau, et dans la main gauche l’empereur tient un rouleau ; ses pieds sont chaussés de sandales.

Le palais qu’on croit avoir été élevé par Constance, et qui fut habité, par Julien, était au pied d’une colline, en regard de la Cité. Une voie romaine, aujourd’hui la rue Saint-Jacques, le bordait d’un côté, et de l’autre s’étendaient des jardins. Les ruines qu’on désigne aujourd’hui sous le nom de Thermes de Julien, sont un débris de ce palais (fig. 699). Derrière la grille qui donne sur le boulevard Saint-Michel, dit le Guide dans la France monumentale, est un fossé qui contient un aqueduc et des substructions parmi lesquelles deux petits escaliers de service conduisaient au sol d’un fourneau destiné à chauffer les bains (fig. 700). On arrive ensuite à un vaste emplacement découvert que des niches, alternativement carrées et rondes, font reconnaître pour une salle de bains chauds ou tepidarium, dont la voûte écroulée a disparu. De là on entre dans une pièce qui sert de vestibule à une vaste salle (grande salle du musée des Thermes) ; elle recevait directement les eaux d’Arcueil par un aqueduc dont les ruines se suivent jusqu’à 16 kilomètres de Paris, aux belles sources de Rungis. Distribuée dans des baignoires et dans le grand bassin qui occupe le nord, cette eau, dont on retrouve tous les conduits, était dirigée aussi dans les vases qui surmontaient l’hypocauste ou fourneau. La position culminante qu’occupe la grande salle ; relativement à toutes les ruines qui l’entourent, démontre que, recevant directement les eaux froides de l’aqueduc, elle ne devait offrir que des bains froids ; c’était donc la cella frigidaria de Vitruve. De plus, elle est trop ouverte de toutes parts pour faire admettre qu’on y ait jamais pris de bains chauds.

Varron qualifie de balneum un bain privé, et de thermœ les bains consacrés au public. La dénomination de thermes, conservée à cette ruine par tradition, est donc une raison de croire que le bain fut livré aux Parisiens ; sa grande étendue peut faire supposer qu’il était plus que suffisant aux besoins du palais, et un motif encore plus déterminant pour y reconnaître un bain public est la présence, dans la grande salle, de huit proues de navire placées à la retombée des voûtes, où elles font l’office de chapiteaux. Elles étaient l’emblème du commerce de la ville, et par cet attribut de Paris, qui s’est conservé jusqu’à nos jours, peut-être on voulut consacrer un lieu livré aux commerçants par eau. Ces ruines sont au-dessus du sol ; des souterrains non moins curieux commencent au vestibule ; ils offrent, sous la grande salle ; quatre pièces, un aqueduc qui, après le service des bains, conduisait les eaux à la Seine, puis une large galerie d’occident en orient. Ces souterrains se prolongent jusque sous l’hôtel de Cluny, qui est bâti aux dépens du palais.

L’empereur Julien nous a laissé de Lutèce la description suivante : J’étais alors en quartier d’hiver (l’an, 358 ap. J.-C.) auprès de ma chère Lutèce. Les Celtes appellent ainsi la petite ville des Parisii ; c’est un flot jeté sur le fleuve qui l’enveloppe de toutes parts : des ponts de bois y conduisent de deux côtés. Le fleuve diminue ou grossit rarement : il est presque toujours au même niveau, en été comme en hiver. L’eau qu’il fournit est très agréable et très limpide à voir et à qui veut boire. Comme c’est une île, les habitants sont forcés de puiser leur eau dans le fleuve. L’hiver y est très doux à cause, dit-on, de la chaleur de l’Océan, dont on n’est pas à plus de 900 stades, et qui peut-être répand, jusque-là de douces vapeurs ; car il paraît que l’eau de la mer est plus chaude que l’eau douce. Que ce soit cette cause, ou quelque autre qui m’est inconnue, le fait n’en est pas moins réel : les habitants de ce pays ont de plus tièdes hivers. Il y pousse de bonnes vignes, et quelques-uns se sont imaginés d’avoir des figuiers, en les entourant, pendant l’hiver, comme d’un manteau de paille ou de tout autre objet qui sert à préserver les arbres des injures de l’air. (JULIEN, Misopogon.)

 

LA GAULE BELGIQUE. — La Gaule Belgique comprenait à l’époque où Jules César en fit la conquête (57-51 av. J.-C.), toute la contrée s’étendant entre le Rhin d’un côté, la Seine et la Marne de l’autre. Les Bataves faisaient partie de cette vaste province, qui possédait ainsi une partie de la Hollande actuelle, entre autres les villes de Leyde (Lugdunum Batavorum), et Nimègue (Noviomagus), la ville de Cologne (Colonia Agrippina), qui devint très importante sous la domination romaine ; Tongres, Tournay (Turnacum), Trèves (Treveri), Reims (Duro Cortorum), Metz (Divodurum), Strasbourg (Argentoratum), sont les villes historiques les plus importantes de cette contrée.

Reims (fig. 701-702), a conservé de nombreuses antiquités : la plus considérable est un arc de triomphe qu’on désigne quelquefois sous le nom de Porte de Mars. Il se compose de trois arcades, de huit colonnes corinthiennes et de bas-reliefs représentant d’un côté la louve allaitant Romulus et Remus, de l’autre Léda avec le cygne, et au centre les douze mois de l’année.

Parmi les restes d’édifices romains qu’on doit signaler dans la Gaule Belgique, il faut indiquer les arches de Jouy, près de Metz. Bien que cet aqueduc n’ait pas le caractère grandiose et monumental- du pont du Garde on peut le considérer comme un des édifices les plus importants qui soient restés de la domination romaine dans les Gaules.

L’antique ville de Trèves, dont la fondation remonterait, suivant la légende locale, jusqu’à un fils de la fabuleuse Sémiramis, a des ruines romaines d’une basse époque, mais très importantes par leur étendue. La Porte Romaine ou Porte Noire, paraît avoir été élevée sous Constantin. C’est le reste le plus intéressant qui nous ait été conservé de l’antiquité de cette ville, où l’on trouve aussi quelques débris d’aqueducs et d’amphithéâtres.

 

LA RHÉTIE ET LE NORIQUE. — L’empire romain était limité par le Rhin et le Danube, au delà desquels on trouvait la Germanie, contrée couverte de forêts et habitée par des peuples barbares. Le pays qui s’étend entre le versant septentrional des Alpes et le Danube formaient-la Rhétie et le Norique, dont la population est regardée comme appartenant à la race celtique. Augusta Vindelicorum (Augsbourg), ville fondée par Auguste, était la cité la plus puissante de là Rhétie ; elle n’a gardé aucun monument antique. Lauriacum (Lorsch), où était établie une grande manufacture d’armes, était la ville la plus opulente, du Norique ; on-y exploitait des mines de fer, d’argent et même d’or. Néanmoins l’importance des deux provinces venait surtout de leur situation militaire, qui en faisait comme un poste avancé contre les invasions venant du nord.

 

ÎLES BRITANNIQUES. — Les îles Britanniques se composaient de deux grandes îles, la Bretagne à l’est et l’Hibernie (Irlande) à l’ouest. La Bretagne méridionale (Angleterre) qui fut conquise par les Romains, était séparée de la Calédonie (Écosse) par une muraille que ceux-ci élevèrent pour se préserver des incursions des Pictes. Londinum (Londres), Durovernum (Cantorbéry) et Dubris (Douvres) avaient acquis dès l’époque romaine une assez grande importance commerciale. Néanmoins les Romains n’ont pas laissé dans ce pays des monuments grandioses comme on en trouve en Gaule. En revanche, on y voit des constructions primitives assez analogues à celles qu’on désigne chez nous sous le nom de monuments celtiques.

Les ruines d’Avebury ou Abury, dans le Wiltshire (Grande-Bretagne), offrent une disposition extrêmement curieuse. Les pierres, situées sur la partie la plus élevée d’une plaine (fig. 703), sont rangées dans la forme d’un vaste cercle auquel on arrive par deux sortes d’avenues de forme serpentine. Au milieu de ce cercle, on en voyait deux autres, qu’on a désignés sous le nom de Temple du Nord et Temple du Sud, car on a voulu donner une signification religieuse à cette étrange construction, qui demeure, malgré tout, énigmatique. Au reste, il n’en reste presque plus de traces aujourd’hui. Les pierres qui entouraient le grand cercle d’Abury, ont dû être autrefois au nombre de cent. Les deux petits cercles se composaient de trente pierres dans la rangée extérieure et de douze pierres dans la rangée intérieure : au centre de celui du midi, on voyait une pierre debout, circulaire à sa base ; avec 8 pieds de diamètre et 3 pieds de hauteur ; un groupe de pierres, occupait le centre de celui du Nord. Toutes ces pierres paraissent n’avoir été taillées par aucun instrument ; on a trouvé dans les décombres des ossements brûlés, et une quantité de cormes de daim.

Les pierres celtiques de Stone-Henge (fig. 704), sont groupées au milieu d’un champ entouré circulairement d’un fossé et d’un petit rempart de terre. Le cercle extérieur est composé d’énormes pierres levées, qui en supportaient, d’autres formant une espèce d’architrave ; un second cercle, placé intérieurement, se compose de pierres plus petites que les premières. Enfin le centre même du cercle était occupé par une autre construction de forme ovale. Ce monument paraît être d’une antiquité beaucoup moins reculée que ceux de Carnac.