L’ATTIQUE. - L’ACROPOLE. - LES PROPYLÉES - LE PARTHÉNON. - L’ERÉCHTHÉION. - LA VILLE. - LE PORT. - LES ENVIRONS D’ATHÈNES. L’ATTIQUE. — Située au sud de la Béotie, l’Attique s’avance entre la mer Égée et le golfe Saronique et présente ainsi une grande étendue de côtes. Son territoire, très pittoresque, mais en somme peu fertile, produisait surtout des oliviers. Le miel du mont Hymette, les marbres du mont Pentélique et les mines d’argent du Laurium étaient aussi de grandes sources de revenu ; mais la richesse du pays venait surtout du commerce et de l’industrie, qui étaient- presque exclusivement concentrés à Athènes. Les Athéniens habitaient primitivement, sur le plateau de l’Acropole. Après les guerres médiques, ce plateau devint un lieu sacrés et les maisons particulières ne s’élevèrent plus que dans la plaine qui .s’étend alentour. Deux grands murs reliaient la ville avec les ports. Il faut donc, pour avoir une idée complète d’Athènes, étudier successivement l’Acropole, la ville et le port. L’ACROPOLE. — L’Acropole d’Athènes renferme les plus beaux édifices que nous ait laissés l’antiquité grecque. Pour les Athéniens, ce rocher était la montagne sainte. Tout, en ce lieu, rappelait la déesse qui protégeait la ville et qui lui avait donné son nom : Athènè. Pour comprendre l’importance qu’avait le culte d’Athènè ou Minerve, il faut se rappeler l’histoire que les Athéniens racontaient sur la fondation de leur ville. Cécrops fut le premier qui choisit l’Acropole pour demeure et il attira autour de lui les habitants de l’Attique, jusque-là errants et misérables. Il fallait mettre la ville sous la protection d’un dieu. On décida qu’on choisirait celui qui produirait la chose la plus utile. Neptune, frappant la terre de son trident, créa le cheval et fit jaillir une source d’eau de mer, voulant dire par là que son peuple serait navigateur et guerrier. Mais Minerve dompta le cheval pour en faire un animal domestique et, ayant frappé la terre de sa lance, fit paraître un olivier chargé de fruits, voulant montrer par là que son peuple serait grand par l’agriculture et l’industrie. C’est en souvenir de cet événement que l’olivier, source principale de la richesse des Athéniens dans l’agriculture, a été consacré à Minerve. Cécrops, embarrassé de choisir la divinité à laquelle la ville serait consacrée, décida qu’on irait, aux voix. Seulement, comme dans ces temps reculés on n’avait pas encore imaginé que les femmes ne peuvent pas, tout aussi bien que les hommes, exercer des droits politiques, on fit voter tout le monde. Or il arriva que tous les hommes votèrent pour Neptune et toutes les femmes pour Minerve ; mais, comme parmi les colons qui accompagnaient Cécrops il y avait une femme de plus, Minerve l’emporta. Neptune protesta contre cette façon de juger et en appela au tribunal des douze dieux. Ceux-ci firent venir Cécrops en témoignage et, le vote ayant été reconnu régulier, la ville fut consacrée à Minerve. Les Athéniens, pourtant, craignant le courroux de Neptune qui avait voulu les engloutir, élevèrent, dans l’Acropole, un autel à l’oubli, monument de la réconciliation de Neptune et de Minerve ; puis, Neptune fut admis à partager les honneurs de la déesse. Voilà comment les Athéniens devinrent un peuple navigateur en même temps qu’industrieux et agricole.
Les deux grands faits mythologiques auxquels se rattachent
les premières traditions des Athéniens sont donc la naissance de Minerve et
sa dispute avec Neptune. Aussi ces événements ont-ils fait le sujet de représentations
fréquentes sur les monuments de l’art. On les voit figurer sur des médailles,
sur des bas-reliefs et surtout sur des vases peints de l’époque archaïque (fig. 411 et 412.)
Les Athéniens considéraient l’Acropole comme la montagne sacrée et le point auquel se rattachaient tous les souvenirs de la patrie. Quand l’armée de Xerxès arriva ; la ville était déserte, les guerriers montés sur leur flotte ; les femmes et les enfants avaient été déposés dans l’île de Salamine. Immobiles sur leurs vaisseaux, les Grecs aperçurent les flammes qui environnaient la montagne sainte, car les Perses ne laissèrent dans la ville ni un temple ni une cabane. Lorsque, après la victoire de Salamine, les Athéniens revinrent dans l’endroit qui avait été leur ville, ils ne trouvèrent qu’un monceau de cendres ; mais l’olivier sacré, celui que Minerve avait planté devant Cécrops, brûlé jusqu’au pied, avait repoussé d’une coudée pendant la nuit ; la déesse ne les abandonnait pas. Le plateau de l’Acropole, qui a environ 300 mètres de long sur 450 de large, rappelle des souvenirs d’époques très différentes. Les plus anciens se rattachent aux Pélasges qui fortifièrent le plateau jusqu’alors ceint d’une simple palissade. On voit encore les vestiges de ces imposantes murailles ; c’est tout ce qui reste des monuments antérieurs aux guerres médiques’ et qui, pour la plupart, remontaient à l’administration de Pisistrate ; les Perses n’en ont rien laissé subsister. Thémistocle, en relevant les murs, du côté du nord (fig. 413), employa d’une manière apparente les débris provenant de l’ancien Parthénon, afin de perpétuer 1esouvenir du sacrilège. Ce fut Cimon qui bâtit les murs du côté du sud, et on fait remonter à la même époque la construction du temple de la. Victoire sans ailes.
Le Parthénon (A) et les Propylées (B) furent élevés par Périclès ; l’Érechthéion (C) doit être contemporain de ces monuments. C’est la plus brillante époque de l’Acropole, qui, à ce moment, ne contient plus d’habitations privés, et se couvre de statues, d’autels et d’offrandes de toutes sortes. L’Acropole, qui sert de citadelle, est un plateau sacré où l’on accomplit des cérémonies, mais où l’on ne demeure pas. Grâce aux monuments qui subsistent encore et en s’aidant des descriptions de Pausanias pour ceux qui sont détruits, l’Acropole d’Athènes est, de tous les lieux célèbres de l’antiquité, celui qu’on peut étudier avec le plus de certitude. Pausanias, qui vivait au IIe siècle de notre ère, a visité Athènes au temps où elle avait perdu son importance, mais où elle avait encore conservé sa splendeur ; nous le suivrons donc pas à pas.
C’est par le côté occidental (fig. 414) qu’il faut monter à l’Acropole ; l’entrée était en effet de ce côté. En face de nous se dressent les Propylées avec leur escalier monumental ; un peu plus loin est le Parthénon, qui se présente également de face, et, de l’autre côté des Propylées, on voit la statue colossale, de Minerve protectrice, que les navigateurs apercevaient au loin en mer. Pour se rendre compte de la position de ces monuments, on doit se reporter au plan (fig. 413) et se placer, un peu en avant du point marqué I. Avant d’examiner en détail les monuments qui décoraient l’Acropole, il faut regarder sur le plan la place que chacun d’eux occupait sur la montagne sainte. LES PROPYLÉES. — Les Propylées, construction avancée en forme de portique qui décorait l’entrée de l’enceinte sacrée, ont été élevées l’an 437 avant notre ère. On y arrivait par un escalier divisé en deux parties que séparait un vaste palier, commençant au pied du temple de la Victoire marqué J sur le plan (fig. 413) et D sur le plan particulier des Propylées (fig. 415). Cet escalier a subi dans l’antiquité des restaurations importantes, notamment sous Auguste et sous Adrien. Les fouilles exécutées de nos jours, sous la direction de Beulé, en ont fait connaître exactement la disposition primitive.
L’édifice, œuvre de Mnésiclès, était bâti en marbre et d’ordre dorique à l’extérieur ; mais le portique central, marqué A, était bordé de chaque côté par trois colonnes ioniques. Les Propylées n’étaient en réalité qu’une entrée monumentale bordée de deux ailes marquées B et C. La grande salle B, attenante à l’aile gauche de l’édifice, est la pinacothèque ou galerie de tableaux, décrite par Pausanias. L’ensemble de l’édifice s’est conservé jusqu’au XVIIe siècle : les ducs d’Athènes en firent un château fort, et, plus tard, les Turcs y mirent un magasin’ à poudre et y ajoutèrent un dôme. La foudre, qui frappa ce monument en 1656, produisit une explosion qui le détruisit en partie : des grandes colonnes doriques de la façade deux seulement ont conservé leurs chapiteaux, et les colonnes ioniques sont encore plus dégradées. En avant des Propylées, sur une terrasse haute de 8 mètres, se trouve le temple de la Victoire sans ailes (fig. 415). Ce temple s’élevait à l’endroit même d’où, suivant la fable, Égée se précipita en voyant de vaisseau de son fils Thésée revenir avec une voile noire. On y arrivait par un escalier qui se raccordait avec celui’ des Propylées. Ce petit temple, d’ordre ionique et d’une rare élégance, a été en partie, détruit par les Turcs, qui y avaient établi une batterie ; les frontons et le toit n’existent plus. La statue de la Victoire sans ailes, placée dans le temple, était une ancienne image en bois, très vénérée, sommé toutes celles qui remontaient aux premiers temps de l’art. Les Athéniens, dit Pausanias, pensent que la Victoire restera toujours parmi eux, puisqu’elle n’a plus d’ailes. De l’autre côté du petit temple de la Victoire sans ailes, mais toujours en avant des Propylées, on voit sur le plan de l’Acropole (fig. 413) un petit carré qui ne porte pas de numéro : c’est le piédestal de la statue élevée à Agrippa. Le mur ancien qui enfermait l’escalier du côté dû nord est marqué par la lettre K : plus au nord on voit, en L, la fontaine Clepsydre et la grotte de Pan. L’eau de la fontaine Clepsydre, que les anciens croyaient en communication avec la mer, est d’un goût saumâtre ; on y arrivait par un escalier taillé dans le rocher. Quand on avait dépassé le vestibule des Propylées, on trouvait plusieurs statues célèbres, entre autres, le groupe des trois Grâces, sculpté par Socrate le philosophe, la Minerve Hygie, dont le piédestal est encore debout, et une quantité de petits autels ou de monuments commémoratifs. A droite se trouvait l’enceinte consacrée à Diane Brauronia (G, fig. 413), dont le temple est détruit. On voyait là le Persée de Myron et un grand cheval de bronze, en souvenir du fameux cheval de Troie. L’enceinte consacrée à Diane était séparée, par un mur dont-il reste encore des traces, d’une autre enceinte consacrée à Minerve Ouvrière (H, fig.413) ; mais il n’est rien resté des monuments qui s’y trouvaient. LE PARTHÉNON. — Le Parthénon, dont le nom veut dire temple de la Vierge, est situé au centre de l’Acropole. L’ancien temple qui était à cette place avait été détruit par les Perses ; ce fut Périclès qui éleva l’édifice avec les contributions payées par les alliés des Athéniens. Callicrate et Ictinus en furent les architectes, et Phidias eut la direction de tous les travaux décoratifs. Le plan du Parthénon est un parallélogramme : sa longueur est de 74 mètres, sa largeur de 35. Il est d’ordre dorique ; la figure 416 nous montre le Parthénon tel qu’il était avant sa destruction.
Le corps principal, dit Beulé, est un grand rectangle divisé en deux salles inégales. La plus grande, ouverte à l’orient, est proprement le temple : elle contenait la statue de Minerve. La plus petite est l’opisthodome. Tout autour de la Cella ainsi disposée règne un péristyle qui compte huit colonnes sur les façades, dix-sept sur les côtés, les colonnes d’angles deux fois comptées. L’édifice entier est élevé sur un soubassement de trois hauts degrés ; deux degrés un peu plus petits haussent encore le sol de la Cella au-dessus du niveau du portique. Les deux frontons étaient décorés de statues exécutées par Phidias ou sous sa direction. Le fronton oriental (fig. 417) devait rappeler aux Athéniens la naissance de leur déesse. L’artiste avait représenté Jupiter, assis sur son trône, au moment où Minerve vient au monde. Aux extrémités du fronton, Von voyait la Nuit et le Jour, tous deux sur un char. Leurs chevaux semblaient, d’un côté, sortir de l’océan, et, de l’autre, y rentrer. Dans lé fronton occidental (fig. 418), Minerve choisissait son peuple, et l’olivier poussait entre elle et Neptune vaincu. Leurs chars étaient près d’eux, et les personnages divins, juges du différend, étaient rangés de chaque côté du fronton.
La position respective des personnages n’a rien d’hypothétique les figures 417 et 418 reproduisent les dessins de Carrey, élève de Lebrun, qui visita Athènes au XVIIe siècle, à la suite de l’ambassadeur de France. Ces dessins sont le seul document connu qui reproduise les frontons dans leur intégrité, car, lorsque les statues ont été prises et emportées à Londres, elles étaient par terre, au milieu des cailloux et des ronces. Le milieu du fronton oriental, qui devait représenter la naissance de Minerve, est la seule partie dont la disposition soit inconnue. Elle a été détruite au VIIe siècle de notre ère, par les chrétiens, qui, en faisant du Parthénon une église, ouvrirent une fenêtre sur le fronton. Les sujets représentés sur les métopes, quoique ne se rattachant pas directement, à Minerve, rappelaient la protection qu’elle accordait aux Athéniens dans les combats ; ils figuraient les exploits des anciens héros athéniens et, entre autres, la victoire de Thésée sur les centaures. Enfin la frise montrait les rites sacrés et les cérémonies qui avaient lieu en l’honneur de la déesse. Le relief des sculptures qui décorent les métopes est très saillant et se détache presque complètement sur le fond ; c’est le contraire qui a lieu, pour les bas-reliefs de la Cella, qui sont presque plats. La raison de cette différence est facile à comprendre. Les métopes, qui sont à l’extérieur du monument, avaient besoin, pour être vues de loin, d’être fortement accentuées, tandis que la frise de la Cella étant sous le portique et destinée à être vue de près, la délicatesse du travail devait y remplacer l’énergie des parties extérieures. Les sujets, au lieu d’être mouvementés comme ceux des métopes, présentent des attitudes rythmées, convenables pour la marche d’une procession. C’est, en effet, la grande fête de la déesse qui est représentée sur cette frise célèbre. Mais cette fête n’est pas traduite par le sculpteur comme elle aurait été racontée par l’historien. En Grèce, l’idéal a toujours ses droits à côté de la réalité, et les dieux ont leur place comme les mortels dans la grande fête des Panathénées, qui fait le tour de l’édifice. Les bas-reliefs de la Cella ont été exécutés par des artistes différents mais l’unité du style dans la composition indique assez la direction suprême de Phidias. Les métopes, d’un caractère plus archaïque, sont attribués aux artistes de la génération précédente, aux vieux sculpteurs du temps de Cimon, pour lesquels Phidias était un novateur. Jans l’opinion de Beulé, Alcamène serait l’auteur du fronton occidental, tandis que le fronton oriental aurait été exécuté directement par Phidias ; qui s’était en outre réservé la statue de la déesse, placée à l’intérieur du monument. De toutes les Minerves créées par Phidias et par la statuaire antique, la plus célèbre comme art est cette grande Minerve du Parthénon : sa hauteur était d’environ 37 pieds. Elle était en or et en ivoire, debout, là poitrine couverte par l’égide ornée de la tête de Méduse, et tenait d’une main sa lance, de l’autre une Victoire. Le casque était surmonté d’un sphinx au milieu, avec un griffon de chaque côté. La place qu’elle occupait dans le temple se voit sur la figure 419, qui montre l’élévation latérale de l’édifice.
Le Parthénon avait été converti en église par les chrétiens ; les Turcs en firent une mosquée, en y ajoutant un minaret, qui a été enlevé depuis. C’est seulement depuis 1687 que ce monument n’est plus qu’une ruine. Pendant le siège des Vénitiens, une bombe mit le feu à un magasin de poudre établi par les Turcs ; et le temple sauta : huit colonnes du portique nord et six du portique sud furent renversées, ainsi qu’une grande partie de la Cella avec sa frise. Le temple se trouva coupé par le milieu et fit comme deux morceaux ; cette disposition est visible sur notre figure 420, qui représente l’état actuel du Parthénon.
Quand on quitte le Parthénon par la façade orientale, on trouve (fig. 413) en face la porte du temple, une substruction quadrangulaire, que l’on croit être l’emplacement d’un autel de Minerve. Sur une ligne plus rapprochée du temple, dit le Guide en Grèce, et parallèlement à la façade, se dressaient à droite et à gauche un certain nombre de statues célèbres, savoir : en regard de l’angle nord-est du Parthénon, le Jupiter Polieus, le Jupiter de Léocharès, la Dispute de Minerve et Neptune, Procné et Itys ; et, en regard de l’angle sud-est, l’Apollon Parnopios, bronze attribué à Phidias ; Xantippe, Anacréon, Io et Calisto. Le long du mur de Cimon, au sud, était une série de figures, représentant la guerre des dieux et des géants, le combat des Athéniens contre les Amazones, la bataille de Marathon, la défaite des Gaulois, en Mysie. C’était un présent d’Attale. Il ne reste plus rien de tous ces édifices. L’emplacement qu’occupaient les derniers monuments qu’on vient de nommer est indiqué sur le plan (fig. 413), un peu au-dessus du mur de Cimon (P). Remontant ensuite vers le nord, on trouve en E l’emplacement d’un petit temple rond, dédié à Rome et à Auguste, et on arrive ensuite à l’Érechthéion (C. du plan 413). L’ÉRECHTHÉION. — L’Érechthéion (fig. 421 et 422) était un édifice double, comprenant deux temples : celui de Pandrose, à l’ouest, et celui de Minerve Poliade (ou protectrice de la ville), à l’est et sur un niveau plus élevé. Un escalier conduisait de l’un à l’autre ; les reliques précieuses, dont la conservation était indispensable, expliquent, autant que l’inégalité du terrain, les irrégularités de cet édifice. En effet, si le Parthénon était par sa dimension le monument le plus important de l’Acropole ; l’Érechthéion en était le plus vénéré. C’est là qu’était la plus ancienne statue de Minerve, celle qui était tombée du ciel. C’est là que Neptune et Minerve s’étaient disputés pour la possession d’Athènes ; on y montrait, la source sacrée produite par le trident de Neptune dont la marque se volait sur. le rocher, et le fameux olivier, source féconde de la richesse publique, puisqu’il était la souche de tous les oliviers de l’Attique, l’olivier saint que Minerve avait fait surgir en frappant la terre de sa lance et que les flammes de Xerxès n’avaient pu détruire. Là aussi étaient l’autel de l’oubli, que les Athéniens élevèrent pour réconcilier les divinités, et le tombeau d’Érechthée. Enfin ce temple racontait l’origine même d’Athènes, puisqu’il était bâti sur l’emplacement de la maison de Cécrops. Aussi l’Érechthéion était le centre de la fête des Panathénées, la plus grande fête des Athéniens.
L’édifice est bâti en marbre pentélique ; il était entièrement couvert, et une lampé d’or, précieux ouvrage sculpté par Callimaque, y brûlait nuit et jour devant l’image vénérée de la déesse. Cette lampe était suspendue à un palmier de bronze qui montait jusqu’au plafond et dissimulait la fumée. Le temple renfermait, en outre, une infinité de reliques saintes ; les trophées pris sur les Perses avaient été déposés là, à l’exception du trône de Xerxès, qui était dans le Parthénon.
La façade ouest (fig. 423) était comprise dans l’enceinte réservée des prêtresses, qui sont probablement figurées sous forme de cariatides dans le joli portique appelé Pandrosion. Ces jeunes filles, dont le mouvement est si souple, dont la forme est si élégante, 5ont conçues et traitées d’une façon qui en fait des supports présentant à l’œil l’apparence d’une merveilleuse solidité : des colonnes sembleraient moins résistantes. Ces figures sont exhaussées sur une plinthe, et chacune d’elles fléchit la jambe qui se trouvé le plus près du centre de l’édifice, ce qui donne de la variété au groupe en même temps que de la logique au mouvement. C’est là qu’on peut voir à quel point le sculpteur entrait dans les vues de l’architecte, à quel point leurs’ études étaient dirigées simultanément et convergeaient vers le même buta On serait tenté de croire, en voyant ce monument, qu’il est l’œuvre d’un artiste unique, architecte et sculpteur tout à. la fois.
La silhouette de cet édifice est extrêmement, remarquable, particulièrement dans la composition des angles. La chevelure des jeunes filles est disposée pour recevoir un chapiteau circulaire, orné d’un rang d’oves et de fers de lance, et, comme un fronton aurait surchargé ces supports féminins, la tribune est simplement couverte par une terrasse, et l’entablement sans frise se compose d’une simple corniche qui porte sur l’architrave. Quand oui quitte l’Érechthéion, on trouve, à l’angle de l’enceinte sacrée, un rocher aplani, marquant l’emplacement d’un vaste piédestal (D du plan 413). C’est là que s’élevait la fameuse Minerve colossale, coulée en bronze par Phidias. Cette statue, qu’il ne faut pas confondre avec celle qui était dans le Parthénon, s’élevait d’un tiers plus haut que tous les édifices, et on l’apercevait de partout, mais principalement en regardant l’Acropole du côté du nord, comme le montre la figure 424. C’est de ce côté que le rocher offre son plus grand escarpement. LA VILLE. — Lysippe dit dans une de ses comédies : Qui ne désire pas voir Athènes est stupide ; qui la voit sans s’y plaire est plus stupide encore, mais le comble de la stupidité est de la voir, de s’y plaire et de la quitter. Malgré l’immense célébrité d’Athènes, nous trouvons peu de descriptions de la ville même dans les auteurs anciens ; ils parlent à peu près exclusivement des monuments qui la décorent. Mais le portrait coloré qu’en a tracé Viollet-Le-Duc résume très bien l’idée que nous pouvons nous faire de cette cité célèbre : Nulle cité, dit-il, n’était plus active, et, pour qui venait de l’Asie ou de l’Égypte, il semblait, en parcourant Athènes, qu’on entrait dans une fourmilière. Possédant au moment de sa plus grande puissance les trois ports de Munychie, de Phalère et du Pirée, elle couvrait un territoire dont le périmètre était de deux cents stades (185 kilomètres), mais c’était autour de l’Acropole que les maisons étaient serrées et la population toujours en activité. Là,’les chariots se croisaient, pleins de marchandises, venant des ports ou les y conduisant. Le peuple, vivant sur les places, dans les rues, était affairé, menant grand bruit. Puis des boutiques, des ateliers entraient et sortaient sans cesse des étrangers qui venaient acheter et vendre, des esclaves portant des messages ou des objets. Les femmes circulaient dans les rues comme les hommes, se rendant aux marchés, aux jeux, aux confréries. Dès l’aube, de grosses troupes de paysans apportaient des légumes, des fruits, des volailles, et criaient leurs denrées par les rues. Les maisons élégantes occupaient la seconde zone ; elles possédaient, la plupart, un jardin et parfois des dépendances importantes. On voyait autour d’elles des clients, des parasites qui attendaient l’heure du maître et qui, pour passer le temps, s’entretenaient des nouvelles du jour, répétant les propos vrais ou faux qui couraient la ville, faisaient causer les esclaves, raillaient entre eux les étrangère qui passaient ou les interpellaient pour se donner le plaisir de critiquer leur accent, leur démarche, leurs habits.
Quoique la première place revienne de droit à l’Acropole, quand on parle d’Athènes, la ville elle-même présente le plus vif intérêt, soit sous le rapport de l’art, soit à cause des souvenirs dont on trouve la trace à chaque pas. C’est une étude toujours instructive, même lorsqu’il ne reste du passé que des débris informes. Ainsi, on a retrouvé l’emplacement du Pnyx, où se tenaient les assemblées populaires. L’enceinte figure un hémicycle dont la base est le rocher dans lequel la tribune a été taillée sur place à même le marbre de la colline. C’est un gros bloc, formant une espèce d’estrade composée de trois marches. Tout cet ensemble, dit M. Burnouf, est d’une grande majesté. Il plaçait les pieds de l’orateur au-dessus du peuple ; il paraissait sur un piédestal proportionné à sa taille, et sa voix descendait d’en haut sur la foule attentive et passionnée. De sa main droite, il pouvait montrer les Propylées. Au-dessous de lui, soir l’estrade de marbre ; étaient assis les greffiers écrivant sur leurs genoux ou feuilletant les actes publics pour y chercher les preuves dont ils avaient besoin. On sait l’importance qu’avaient à Athènes les assemblées populaires ; mais, pour se rendre un compte exact de ce qu’était cette démocratie, il faut se rappeler qu’il y avait dans cette ville 30.000 citoyens en état de porter les armes, et que la place publique en pouvait contenir au plus 5.000. Ceux qui étaient à leur travail, ou qui n’avaient pas su arriver les premiers, n’entendaient donc pas les orateurs et ne pouvaient voter en connaissance de cause, si même il leur était possible de voter. Il est donc présumable que les familles opulentes et pouvant envoyer, à leurs frais, un certain nombre de citoyens dévoués à leurs intérêts, devaient avoir une influence tout à fait prépondérante. On croit aussi avoir retrouvé quelques traces de l’Aréopage, dans quelques blocs de pierre auxquels aboutit un escalier taillé dans le roc ; mais, ici, il règne encore bien des incertitudes. On montre aussi l’emplacement de l’ancien Prytanée, où étaient conservées les lois de Solon, et les restes d’un portique auquel on a donné ; sans preuves positives, le nom de porte de l’Agora.
Non loin de là est la Tour des Vents (fig. 425), monument qui ne parait pas antérieur à la domination romaine, et qui servait à la fois de girouette, de cadran solaire et d’horloge hydraulique. C’est, dit le Guide, une tour octogone, tout en marbre blanc. Chacune de ses faces est orientée vers les huit points de l’horizon athénien, auxquels correspondaient les vents, dont les noms et les figures symboliques sont sculptés sur la frise. Au-dessous de chacune de ces figures, on remarque un cadran solaire. La cymaise, au-dessous de la frisé, est ornée de têtes de lions servant de gouttières..... A l’intérieur de l’édifice, on distingue encore, dans le pavement, des cavités et des canaux qui appartenaient sans doute à la clepsydre ou horloge hydraulique. Celle-ci recevait ses eaux de la fontaine de l’Acropole par un aqueduc dont on voit encore quelques arcades. Le monument choragique de Lysicrate appartient, au contraire, à la belle époque de la Grèce : on le regarde comme le plus ancien édifice auquel l’ordre corinthien ait été appliqué partout. Il se compose de trois parties : un soubassement quadrangulaire, une colonnade circulaire et une coupole avec un fleuron qui offre une gracieuse composition de feuillage. Les bas-reliefs de la frise représentent les’ aventures de Bacchus avec les pirates tyrrhéniens. Le monument était situé dans la rue des Trépieds, sur les côtés de laquelle les vainqueurs des jeux scéniques avaient élevé de petits monuments, destinés à porter le trépied qu’ils avaient gagné par leur victoire dans ces luttes et où l’on inscrivait le nom du triomphateur. Parmi ces monuments, autrefois nombreux et variés, celui-ci est le seul qui soit resté. Sur l’architrave on lit cette inscription : Lysicrate de Cicyne, fils de Lysithidès, avait fait la dépense du chœur. La tribu Acamantide avait remporté le prix pour les chœurs de jeunes gens. Théon était le joueur de flûte, Lysiade athénien était le poète, Évaénètes l’archonte. Parmi les temples restés debout en dehors de l’Acropole, le plus important est le temple de Thésée, monument funéraire construit pour recevoir les restes de ce héros, que Cimon, fils de Miltiade, avait, sur la foi d’un oracle, retrouvé dans la petite île de Scyros. C’est le monument de l’ordre dorique le mieux conservé que nous ait laissé l’antiquité. Il fut élevé, trente ans avant le Parthénon, par l’architecte Micon. Le temple de Jupiter Olympien, situé à quelque distance de la ville, avait été commencé sous Pisistrate. Les travaux, interrompus pendant plusieurs siècles, furent repris sous la période macédonienne, puis suspendus de nouveau. Sylla en enleva les colonnes pour les envoyer à Rome ; mais le monument fut enfin repris et terminé sous Hadrien. Il était d’ordre corinthien, avec 10 colonnes sur chaque face et 22 sur chacun des côtés latéraux. Il ne reste plus que 16 colonnes de cet édifice, qui, pendant des siècles, a été comme une carrière où les habitants d’Athènes venaient prendre des matériaux. Cette ruine est d’un grand effet, à cause de son isolement dans la plaine et surtout de sa position : on a de là une vue magnifique sur l’Acropole et toute la contrée environnante. Non loin est la fontaine Callirhoé, dont l’eau, autrefois renommée pour sa pureté, servait dans les cérémonies sacrées, mais qui n’est plus qu’une mare d’eau sale. Le théâtre de Bacchus, où ont été représentés les chefs-d’œuvre d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide et d’Aristophane, a laissé quelques débris. Il est difficile aujourd’hui de se rendre compte de sa splendeur passée ; deux rangs de sièges, creusés dans le rocher et appartenant aux gradins supérieurs, sont tout ce qu’on en retrouvé. L’emplacement de ce théâtre, au pied de l’Acropole, est marqué sur une médaille que reproduit la figure 426. Il faut encore citer, parmi les monuments d’Athènes, le théâtre d’Hérode Atticus, qui a laissé des ruines très vastes, mais dont la construction accuse une période de décadence, et l’arc d’Hadrien, qui donnait accès à un quartier nouveau, élevé sous cet empereur. L’inscription gravée sur la frise de cet arc portait, d’un côté : C’est ici l’Athènes de Thésée, l’ancienne ville ; et, de l’autre : C’est ici la ville d’Hadrien et non celle de Thésée. LE PORT. — Athènes est distante de la mer d’environ 6 kilomètres. La presqu’île du Pirée ou Munychie, qui s’avance dans la direction de Salamine, consiste en deux collines rocheuses séparées par un isthme étroit. Jusqu’aux guerres médiques, le petit port de Phalère, placé à l’entrée de l’isthme, était le seul dont on se servit. Les ports du Pirée et de Munychie furent fortifiés par Thémistocle, qui joignit la presqu’île à la ville d’Athènes par des fortifications au milieu desquelles passait une route c’est ce qu’on a appelé les longs murs (fig. 427). Le port du Pirée, beaucoup plus grand que les deux autres, prit, à partir de ce moment, une grande importance militaire et commerciale. Mais le Pirée fut détruit par Sylla, et, au temps de Strabon, il n’y avait plus en ce lieu qu’un petit village. LES ENVIRONS D’ATHÈNES. — Aucun des monuments qui décoraient autrefois le Pirée n’a laissé de ruines ; on a reconnu pourtant la trace des anciennes fortifications qui reliaient le port avec la ville d’Athènes. Près, du rivage qui regarde Salamine, on voit fine fosse creusée dans le rocher et que la vague vient remplir : près de là gisent quelques tronçons de colonnes. On croit voir, en ce lieu, l’emplacement du tombeau de Thémistocle, qui est mort à Magnésie et dont les cendres auraient été rapportées près du rivage qu’il avait illustré. On donne aussi le nom de trône de Xerxès à un petit mamelon situé un peu plus loin (fig. 427) et où Xerxès se serait placé pour voir le combat des deux flottes.
Le mont Hymette, dont le miel était si renommé, et le mont Pentélique, célèbre par ses carrières de marbre, n’ont pas conservé de traces du passé. Dans la plaine de Marathon on trouve qu’un petit monticule qu’on a quelquefois regardé comme le tombeau des Athéniens morts dans la bataille. Le caractère beaucoup plus ancien de petits objets trouvés près de là a fait penser à quelques archéologues que c’était plutôt un tumulus de l’âge préhistorique. Le fameux temple de Minerve, au cap Sunium, n’a conservé aucune des colonnes de sa façade : les faces latérales en avaient chacune 12. On en voit encore 9 du côté du sud et 2 du côté du nord, avec leur architrave. On trouve aussi quelques traces de fortifications au pied de la montagne. Éleusis, dont la fondation remonte aux temps- les plus reculés, doit sa célébrité aux mystères qu’on y célébrait en l’honneur de Cérès et de Proserpine : c’était la plus importante cérémonie religieuse de toute la Grèce. Éleusis était à l’origine un des douze États dont se composait l’Attique. A la suite d’une guerre qui éclata entre les deux cités, les Éleusiniens vaincus reconnurent la suprématie politique d’Athènes, à la condition que celle-ci respecterait ses mystères et lui garderait toute son importance religieuse. Éleusis conserva, en effet, pendant toute la durée du paganisme, son caractère de sanctuaire religieux. Elle fut détruite de fond en comble par Marie, et, à partir de ce moment, le nom de cette ville m’apparaît plus dans l’histoire.
Éleusis passait pour être le premier point de la Grèce où le blé avait été planté. C’est là que Triptolème avait appris aux hommes à labourer la terre, et les Éleusiniens montraient avec orgueil le premier champ qui, suivant les traditions grecques, avait été ensemencé. Triptolème, fils d’un roi d’Éleusis qui avait donné l’hospitalité à Cérès, était aussi l’instituteur des mystères de la déesse. Un vase grec (fig. 428) montre Cérès remettant des épis à Triptolème, à qui elle a prêté son char attelé de serpents pour parcourir la terre. Le temple de Cérès à Éleusis était, selon Strabon, le plus grand de la Grèce ; il avait été construit sur les plans d’Ictinus, un des architectes du Parthénon. Il n’en est rien resté, mais un puits antique, découvert dans une grotte sacrée, passe pour être celui qu’a décrit Pausanias et autour duquel, selon la tradition les femmes d’Éleusis formèrent le premier chœur en l’honneur de la déesse. Sur les monnaies d’Éleusis, on voit Cérès (fig. 429), assise sur un char ailé que traînent des serpents ; la déesse tient en main des épis. Au revers (fig. 430), on voit un porc, symbole de la fécondité.
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