LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME PREMIER — LES PEUPLES DE L’ANTIQUITÉ

LA GRÈCE — II. - LE PÉLOPONNÈSE

 

 

ASPECT DU PAYS. - LA CORINTHIE. - LA SICYONIE. - L’ACHAÏE. - L’ÉLIDE. - L’ARCADIE. - L’ARGOLIDE. - LA LACONIE. - LA MESSÉNIE.

 

ASPECT DU PAYS. — Le Péloponnèse est une presqu’île située dans la partie la plus méridionale de la Grèce, dont elle est séparée par un isthme étroit, appelé isthme de Corinthe (fig. 370). Les anciens ont tenté plusieurs fois, mais sans succès, de couper cet isthme, afin d’établir une communication entre les deux mers qui le baignent. Le Péloponnèse est hérissé, surtout dans sa partie centrale, de montagnes élevées, dont la chaîne principale s’étend jusqu’au sud de la péninsule, et s’abaisse vers le cap Ténare, où était, suivant la mythologie, l’entrée des enfers : c’est en effet, par là qu’Hercule est descendu chez Pluton ; c’est là qu’il a enchaîné Cerbère. Ces montagnes forment plusieurs groupes dont le plus célèbre est celui du mont Taygète, où Diane aimait à chasser.

Plusieurs rivières sortent de ces montagnes. Il faut citer d’abord le fleuve Alphée qui prend sa source dans l’Arcadie et va se jeter dans la mer Ionienne, un peu plus bas que l’île de Zacynthe. C’est le neuve le plus considérable du Péloponnèse, bien qu’il n’ait pas trente lieues de cours. Il est surtout célèbre dans la mythologie : le fleuve Alphée devint épris de la nymphe Aréthuse qui, pour éviter ses poursuites, se mit sous la protection de Diane. La déesse transporta la nymphe en Sicile de l’autre côté de la mer. — Il y a en effet, à Syracuse, un ruisseau qui porte le nom d’Aréthuse ; car, dans les fables grecques, les nymphes ne sont autre chose que les ruisseaux personnifiés. — Mais le fleuve continue ses poursuites à travers la mer et arriva ainsi jusqu’à Syracuse, où il unit ses eaux à celles de la nymphe. Cette légende vient de la croyance où étaient les anciens qu’un objet jeté dans le fleuve Alphée était porté par les courants jusque sur la côte de Sicile : elle a inspiré plusieurs ouvrages d’art remarquables, entre autres un magnifique vase en terre que nous reproduisons (fig. 371).

L’Alphée reçoit les eaux de l’Érymanthe, rivière fameuse par la victoire d’Hercule sur un sanglier énorme qu’Eurysthée lui avait ordonné de combattre.

L’Eurotas, qui passe à Sparte et se jette dans le golfe de Laconie, est, après l’Alphée, le cours d’eau le plus important du Péloponnèse.

Le Péloponnèse renfermait un grand nombre de villes fameuses, et formait plusieurs États dont les principaux sont : la Corinthie, la Sicyonie et l’Achaïe au nord, l’Arcadie au centre, l’Elide à l’ouest, l’Argolide à l’est, la Messénie et la Laconie au sud.

 

LA CORINTHIE. — La Corinthie est une toute petite province dont l’importance, vient uniquement de sa situation sur l’isthme. Les jeux Isthmiques, institués en l’honneur de Neptune, s’y célébraient tous les quatre ans. Neptune était, en effet, la grande divinité de ce lieu, rendez-vous de navigateurs.

La ville de Corinthe, située à proximité des deux mers, était autrefois célèbre par ses poteries, par son airain, et surtout par ses courtisanes. A Corinthe, dit Strabon, le grand nombre de courtisanes attachées au temple de Vénus attirait aux époques des grandes fêtes une foule immense d’étrangers. Les riches marchands, les militaires venaient s’y ruiner, et s’y ruiner irrémédiablement, ce qui a donné lieu à ce proverbe bien connu : Il n’est pas donné à tout le monde d’aller à Corinthe.

Corinthe a été détruite de fond en comble par les Romains, et au temps de Pausanias il ne restait pas trace des anciens habitants. Les Corinthiens de cette époque provenaient d’une colonie romaine établie par Jules César. On voit aujourd’hui, à Corinthe, les restes d’un temple dont la construction est extrêmement ancienne, et qui remonte à la ville grecque primitive. Sept colonnes sont encore debout, et cinq d’entre elles portent leur architrave : ces colonnes ont à peine en hauteur quatre fois leur diamètre et les fûts sont monolithes (fig. 372). L’art grec ne montre nulle part des proportions aussi courtes, et le monument devait avoir dans son ensemble un aspect de puissance et même de pesanteur qui dénote une période où la grâce est encore subordonnée à la force.

La figure 373 montré un bas-relief sculpté sur la margelle d’un puits découvert à Corinthe. Ce bas-relief de l’ancienne Corinthe peut nous donner l’idée du genre de décoration’ employé dans les monuments petits et grands dont cette ville était remplie.

Pégase, le cheval ailé que Minerve a donné au héros corinthien Bellérophon pour aller combattre la Chimère, est un emblème que l’on trouve fréquemment sur les monnaies de Corinthe (fig. 374). Le dauphin joue aussi un grand rôle dans l’histoire mythologique, de cette ville, puisque c’est lui qui a sauvé la vie à Mélicerte. Sur une monnaie de l’époque impériale (fig. 375), nous voyons Mélicerte couché sur son dauphin et placé dans le temple de Neptune, dont la coupole est formée d’écailles de poisson et bordée de deux dauphins qui dressent la queue. Sur une autre monnaie, le dauphin vient déposer le jeune Mélicerte près du pin où le héros Sisyphe l’a recueilli. Ce pin apparaît, encore sur une autre monnaie (fig. 376 et 377), où l’on voit l’acropole, la citadelle de Corinthe, avec le temple de Neptune et la grotte dans laquelle Mélicerte avait été déposé.

 

ILA SICYONIE. — La Sicyonie est une petite contrée située à l’est de l’Achaïe, dont on la considérait même quelquefois comme une dépendance ; Sicyone en était la capitale (fig. 378 et 379). Cette ville, placée sur un plateau élevé d’où la vue s’étend au loin vers l’Acro-Corinthe, le golfe de Lépante et les montagnes de la Béotie, a été longtemps le siége principal de l’art grec. Elle a donné son nom à une des grandes écoles de peinture, qui eut pour fondateur Eupompe, et produisit Pamphile et Apelles ; comme sculpteurs, elle a donné naissance à Canachus dans l’époque archaïque, et à Lysippe dans la période macédonienne.

L’industrie de Sicyone était aussi très importante, surtout pour les articles de toilette, parmi lesquels on cite une espèce particulière de chaussure très estimée clans toute la Grèce. Les débris d’un temple et d’un théâtre sont tout ce qui reste de l’ancienne cité.

 

L’ACHAÏE. — L’Achaïe, dans laquelle on comprend quelquefois la Sicyonie et même la Corinthie, est la contrée qui occupe le nord du Péloponnèse, le long du golfe de Corinthe. Les villes principales étaient Dymes, sur la côte occidentale, Patræ, aujourd’hui Patras, Ægium, et Pelléne. Ces villes n’ont pas laissé de ruines importantes, mais seulement des débris qui permettent d’en déterminer exactement l’emplacement.

 

L’ÉLIDE. — L’Élide est une contrée qui s’étend à l’ouest du Péloponnèse, le long des côtes de la mer Ionienne. La ville principale, Élis, était une cité fort ancienne, et Pausanias la cite comme ayant conservé encore de son temps le caractère des villes d’un âge primitif. La place publique d’Élis, dit-il, n’est point faite comme celle des villes d’Ionie, ni même des villes voisines ; elle est bâtie à l’ancienne mode. Les portiques en sont distants les uns des autres et séparés par des rues de traverse. Le portique le plus exposé au midi est d’architecture dorique. Trois rangs de colonnes le partagent en trois ; on élève à Jupiter des autels qui sont adossés contre ces colonnes, de manière qu’ils sont à découvert, et qu’ils donnent sur la place. On les fait et on les défait en très peu de temps selon le besoin.

Le gymnase d’Élis avait une grande réputation ; c’était le premier établissement de la Grèce pour l’éducation intellectuelle et physique. Il comprenait des esplanades pour les courses et pour la lutte, toutes bordées de platanes et de monuments religieux et artistiques, dont on cherche vainement aujourd’hui à déterminer la place. Sur des monnaies d’Élis, on voit l’aigle de Jupiter accompagné du foudre et de la couronne d’olivier, souvenir des jeux que l’Élide célébrait en l’honneur du dieu.

Pise, dont la fondation était contemporaine de celle d’Élis, a été longtemps choisie pour les jeux en l’honneur de Jupiter. Mais cette suprématie éveilla la jalousie des Éléens, et cette ville fut détruite de fond en comble, à ce point que Pausanias put à peine reconnaître l’emplacement qu’elle avait occupé. Néanmoins, pendant toute la grande période de l’antiquité, les grands jeux furent célébrés tout près de là, dans le bois sacré de l’Altys, au lieu nommé Olympie, qui n’était pas à proprement parler une ville, mais un enclos vénéré, au milieu duquel s’élevait le temple le plus fameux de l’antiquité (fig. 380).

L’emplacement de ce temple a été reconnu en premier lieu par l’expédition française de Morée, et on y a exécuté récemment encore des fouilles importantes.

Quelques débris se voient au musée du Louvre, entre autres des fragments de métopes représentant les travaux d’Hercule.

Le temple était d’ordre dorique ; le fronton antérieur représentait la lutte de Pélops et d’Œnomaüs, le fronton postérieur, le combat des Lapithes et des centaures. C’est, dans l’intérieur du temple qu’on voyait la statue colossale de Jupiter Olympien ; en or et en ivoire ; elle était considérée comme le chef-d’œuvre de Phidias et passait pour une des sept merveilles du monde. Sa hauteur était telle que, bien qu’assise, cette statue atteignait presque la voûte du temple (fig. 380).

 

L’ARCADIE. — Placée au centre du Péloponnèse, la montagneuse Arcadie, qui n’a joué presque aucun rôle dans l’histoire politique de la Grèce, était, surtout habitée par des pasteurs. Le dieu Pan, dont le culte a pris naissance en Arcadie, avait pour mission spéciale de faire multiplier les troupeaux, et ce dieu cornu, aux pieds de chèvre, fait une singulière figure au milieu des magnifiques divinités qui peuplaient l’Olympe grec. C’est sur le sommet du mont Lycée, consacré à ce dieu, que Jupiter et Saturne avaient disputé le prix de la lutte, avant la création du genre humain, et c’est dans ces parages que Lycaon fut changé en loup, et la nymphe Calisto, en ourse.

L’Arcadie, malgré le caractère pastoral de ses habitants, renfermait plusieurs villes intéressantes. Mégalopolis qui, dans les périodes macédonienne et romaine, fut la capitale de l’Arcadie, est une ville dont l’origine est relativement récente, puisqu’elle a été bâtie par Épaminondas. Elle est la patrie de Philopœmen et de l’historien Polybe. On a retrouvé, l’emplacement de son théâtre, — au dire de Pausanias, le plus grand de toute la Grèce, — mais les ruines dé Mégalopolis se réduisent en somme à peu de chose.

Mantinée, célèbre par la grande victoire qu’Épaminondas remporta, près de ses murs, n’était pas située, comme les autres villes grecques, sur une hauteur et sur le flanc d’une colline : elle était bâtie en plaine et traversée par une rivière. Il ne reste plus rien des monuments décrits : par Pausanias, si ce n’est quelques vestiges du théâtre. On a retrouvé, cependant, des parties de l’ancien mur d’enceinte, qui était très solidement bâti et flanqué de 129 tours.

Orchoméne, qu’il ne faut pas confondre avec la ville de Béotie qui, porte le même nom, n’a pas non plus laissé de ruines, et on peut en dire autant de Tégée, dont le temple était, au dire de Pausanias, le plus grand et le plus beau du Péloponnèse.

Stymphale est un peu mieux partagée, mais, comme la description qu’en donne Pausanias est insuffisante, on ne sait pas au juste à quoi peuvent se rapporter les ruines qu’on a trouvées sur son emplacement. Près de Stymphale était un lac, célèbre dans la mythologie par les oiseaux meurtriers dont Hercule délivra la contrée : les monnaies de Stymphale (fig. 381 et 382) montrent le héros les ajustant avec ses flèches ou les combattant avec sa massue.

Phigalie, une des villes les plus anciennes et les plus importantes de l’Arcadie, était située sur un plateau élevé, dont les pentes abruptes sont baignées de deux côtés par un torrent. Les murailles de cette ville sont regardées comme titi des restes les plus remarquables de l’architecture militaire des Grecs. L’enceinte, qui suit la crête du plateau, est de construction polygonale flanquée de tours rondes. Quelques débris de colonnes marquent l’emplacement de l’ancien temple de Diane. Près de là sont les fameuses cascades de la Néda, que Beulé compare à celles de Tivoli. C’est un pays rempli de grottes profondes, dans lesquelles Cérès se retirait pour pleurer le rapt de sa fille Proserpine.

Non loin de Phigalie, on trouve le fameux temple de Bassæ, élevé par les Phigaliens en l’honneur d’Apollon Épicourios (secourable), qui les avait préservés d’une épidémie pendant la guerre du Péloponnèse. Il a été construit sous la direction d’Ictinus, un des architectes du Parthénon d’Athènes. Trente-six colonnes avec leur architrave sont encore debout, et le terrain est jonché de débris clé tout genre.

 

L’ARCOLIDE. — L’Argolide, qui formait là partie orientale du Péloponnèse, était une contrée spécialement consacrée à Junon, divinité qui a toujours été considérée comme la protectrice d’Argos.

On a retrouvé les traces de son temple, et on y a pratiqué des fouilles qui ont amené la découverte de quelques fragments précieux. Il avait été bâti près de 1’emplacement d’un autre temple, beaucoup plus ancien, détruit en 423 avant J.-C. par un incendie. Ce dernier était établi sur un plateau triangulaire formé de substructions cyclopéennes.

Argos était regardée comme une des villes les plus anciennes de la Grèce : une foule de traditions mythologiques ose rattachent à ses origines, depuis l’Égyptien Danaüs jusqu’à Oreste. Dans la période historique, Argos eut toujours une grande importance et sa population égalait celle d’Athènes. Elle avait sur le golfe un port appelé Nauplia : Pausanias fait une pompeuse description des monuments magnifiques qu’on admirait dans cette ville célèbre, mais Argos a été si souvent détruite, qu il reste aujourd’hui bien peu de chose de la ville antique. Nous citerons seulement le théâtre, taillé dans le flanc de la montagne et qui pouvait contenir vingt mille personnes ; on y voit encore soixante deux gradins assez bien conservés.

Les monnaies d’Argos portent naturellement l’image de Junon ; sur le revers on voit souvent un loup à mi-corps ; c’était le symbole des Argiens. Il est quelquefois accompagné de poissons, pour exprimer le caractère maritime de la cité.

L’ancienne Tirynthe a compté au nombre de ses rois Amphitryon et Hercule. Cette ville a été détruite dès une haute antiquité par les Argiens, et avait cessé d’exister depuis longtemps quand Pausanias visita la Grèce. Il ne reste de Tirynthe, dit-il, que les murs, qui sont l’ouvrage des Cyclopes. Ils sont construits de pierres brutes, toutes d’une telle dimension que deux mulets attelés n’ébranleraient même pas la plus petite. Les interstices sont remplis de petites pierres qui servent de liaison aux grosses.

Les murailles de Tirynthe sont une des plus étonnantes constructions que nous ait laissées l’antiquité primitive. Elles ont environ douze mètres de hauteur sur quinze d’épaisseur ; elles sont formées de blocs énormes.

Cette enceinte ne présente ni bastions, ni tours, ni aucun des accessoires qu’on prodigua plus tard dans les fortifications, mais on y trouve des constructions fort singulières, connues sous le nom de galeries de Tirynthe (fig. 383). Ces galeries sont pratiquées dans l’épaisseur des murailles, et leur voûte présente la forme d’une ogive, formée d’assises horizontales disposées en encorbellement ; d’autres pierres sont placées horizontalement à la partie supérieure. On ignore la destination exacte de ces galeries qui communiquaient sans doute avec des constructions disparues. Le docteur Schlieman fit faire, en 1877, des fouilles à Tirynthe, et découvrit quelques objets intéressants ; mais ces fouilles sont bien loin d’avoir l’importance de celles qu’il entreprit quelques semaines plus tard, dans l’antique cité de Mycènes

Mycènes, fondée par Persée, fils de Jupiter, est, une ville dont l’histoire est presque entièrement mythologique. Le massacre des enfants de Thyeste, l’assassinat d’Agamemnon par Égisthe et Clytemnestre, la vengeance d’Oreste, etc., sont des événements qui ont eu Mycènes pour théâtre et qui ont souvent inspiré les poètes tragiques de l’antiquité sous l’influence dorienne, Argos devint bientôt plus puissante que Mycènes ; les Argiens s’emparèrent de cette ville en 468 (av. J.-C.) et en chassèrent tous les habitants. Depuis cette époque, et, malgré quelques tentatives de reconstruction, Mycènes est toujours demeurée à peu près déserte.

La conservation des ruines de Mycènes est probablement due à l’emplacement de cette ville, située dans un endroit sauvage et surtout assez éloigné de tout centre de population. Il est plus facile aux habitants d’Argos et de Nauplie de prendre de nouveaux blocs de pierre dans les carrières qui avoisinent leur ville, que de les aller chercher dans la vieille cité abandonnée. Placée comme un nid d’aigle au milieu de montagnes escarpées, Mycènes, ruinée depuis trois mille ans, offre encore aujourd’hui le type le mieux conservé d’une place forte aux temps héroïques.

Les murailles sont cyclopéennes et pélasgiques. Ce dernier appareil est particulièrement remarquable à Mycènes : les polygones sont parfaitement rapportés, sans lé secours de petites pierres, et soigneusement taillés sur leur surface extérieure. Près de la’ porte des Lions, on voit des blocs presque quadrangulaires et rangés par assises horizontales, mais dont les joints présentent des lignes obliques et irrégulières, au lieu des lignes verticales et régulières qui caractérisent l’appareil hellénique.

La porte des Lions (fig. 384) est située à l’angle nord-ouest de l’Acropole : elle est évasée par le bas et formée de trois grosses pierres ; celle du linteau a 4m50 de longueur. Elle supporte un bloc où sont sculptés deux lions qui se dressent face à face et sont séparés par une colonne. Leurs têtes ont disparu, ainsi que le chapiteau de la colonne. Cette espèce d’écusson était le symbole d’Apollon Agyeus, le gardien des portes. La porte est elle-même précédée d’une avenue de quinze mètres de long sur neuf mètres de large, comprise entre deux gros murs.

Les ruines de Mycènes semblent être aujourd’hui dans un état analogue à celui où elles étaient quand Pausanias les a visitées. Les fouilles récentes, donnent un grand intérêt au passage sur lequel s’est appuyé le docteur Schlieman pour sa découverte. Le voici : Au nombre des ruines du rempart se trouve la porte sur laquelle se dressent des lions. On dit que le mur et la porte sont l’œuvre des Cyclopes. On trouve dans les ruines de Mycènes la fontaine de Persée et les édifices souterrains où Atrée et ses enfants conservaient leurs trésors. On y trouve aussi la tombe d’Atrée et celle des compagnons d’Agamemnon qui, à leur retour de Troie, furent massacrés par Égisthe pendant un banquet. Les Lacédémoniens d’Amyclée doutent de l’identité du sépulcre de Cassandre. On y trouve enfin le tombeau d’Agamemnon et celui d’Eurymédon. Télédamos et Pélops furent déposés dans le même tombeau, car on dit que ces deux jumeaux, fils de Cassandre, furent égorgés par Égisthe en même temps que leur mère. On enterra Clytemnestre et Égisthe à une petite distance à l’extérieur des murs, parce qu’on ne les jugea pas dignes d’être inhumés à l’intérieur, là où reposaient Agamemnon et tous ceux qui avaient été enterrés avec lui.

Pausanias ne donne aucun autre détail, et c’est en suivant sa courte description que plusieurs archéologues avaient fait des fouilles demeurées sans résultat. Le docteur Schlieman, dans un travail lu devant la Société des antiquaires de Londres, a exposé les raisons qui lui ont fait entreprendre de nouvelles fouilles dans une autre direction. Heureusement pour moi, dit-il, ce passage de Pausanias relatif à la situation des tombeaux a toujours reçu une fausse interprétation. Leake, Dodwell, Prokesch, Curtius, qui ont exploré le Péloponnèse tout entier Pausanias en main, se sont complètement mépris, parce qu’ils ont pensé que l’auteur grec, en, parlant des murailles, indiquait celles de la ville, et non celles de l’Acropole. En conséquence, ils ont cherché les cinq tombeaux dans la ville basse et le tombeau de Clytemnestre et d’Égisthe en dehors des murailles de cette ville basse. Mais la preuve que Pausanias voulait indiquer les murs de la citadelle, c’est qu’il parle de la porte des Lions qui existe dans ces murs.

Conformément à l’idée qu’il poursuivait, le docteur Schlieman a fait creuser 34 puits ; 28 n’ont donné aucun résultat, niais les six derniers l’ont amplement dédommagé. Près de la porte des Lions, on trouva d’abord un grand cercle de pierres plates légèrement inclinées et disposées parallèlement sur deux rangs. Dans la partie occidentale du cercle, on découvrit bientôt trois rangées de stèles, parmi lesquelles neuf étaient encore debout. Sous l’une d’elles était un cadavre portant une sorte de cuirasse formée de plaques d’or. Plusieurs stèles sont sculptées et retracent des scènes de combat.

Au-dessous des pierres plates et inclinées sont de vastes chambres creusées dans le roc : le docteur Schlieman a trouvé dans la première trois cadavres, reposant sur un lit de cailloux et entourés encore des cendres du bûcher funéraire. Ce sont des cadavres de femmes littéralement couvertes de bijoux. De nombreuses pièces d’orfèvrerie étaient déposées dans ce sépulcre. Nous citerons entre autres : douze couronnes en or, dix diadèmes en or, dont deux ont conservé une partie de crâne humain, une grande couronne ornée de trente feuilles en or, six coupes d’or ornées, deux plaques d’or décorées de tours sur lesquelles se tient un pigeon, deux autres représentant de grands oiseaux, sept, des lion assis, onze, des cerfs ; quatre petits lions en or, diverses statuettes représentant des femmes et de nombreux fragments en or.

On découvrit ensuite une seconde chambre funéraire de 8 mètres de long sur 6 de large : les restes de cinq hommes, dont les corps avaient été évidemment brûlés dans cette chambre même, étaient étendus au, milieu. Ils étaient couverts de bijoux portant tous les traces de l’action, du feu. Les crânes étaient dans un tel état de décomposition qu’aucun ne put être sauvé. Mais trois de ces personnages avaient la tête recouverte d’un masque en or massif (fig. 385 et 386). Ces masques sont d’un travail primitif extrêmement soigné dans les détails et on pourrait y compter les poils des cils et des favoris. Un des cadavres portait, outre son masque, un casque en or massif, dont l’arrière est sculpté de façon à imiter la chevelure ; il avait une cuirasse composée de plaques d’or. Le docteur. Schlieman voit ici le corps d’Agamemnon et de ses compagnons, massacrés par Égisthe et Clytemnestre.

La haute antiquité de ces tombes ne saurait être contestée : l’absence de toute inscription semble indiquer que l’alphabet n’était pas connu à Mycènes à l’époque où les corps ont été déposés en ce lieu. L’absence complète de fer, la présence de trente-cinq flèches dont la pointe est en obsidienne, et les nombreux fragments de poterie dont aucune n’est faite au tour sont des indices qui rappellent une époque au moins bien voisine de celle qu’on assigne à la guerre de Troie. Des contestations ne pouvaient manquer de survenir au sujet des individualités historiques que le docteur Schlieman attribue aux personnages dont il a retrouvé les tombeaux ; ce n’est pas ici le lieu de les discuter ; mais nous ne pouvions négliger de signaler l’importance de cette découverte.

Non loin de l’Acropole, dans l’emplacement occupé par la ville basse, est le Trésor des Atrides, qu’on désignait autrefois sous le nom de tombeau d’Agamemnon. Cette construction souterraine, regardée comme un des restes les plus curieux de l’architecture primitive des Grecs, est admirablement conservée.

Une avenue en ruine, ouverte sur le flanc dé la colline, conduit à une porte formée de trois gros blocs : le linteau est un monolithe de 8m15 de longueur sur 6m50 de profondeur et 1m22 de hauteur (fig. 387).

On pénètre, dit le Guide en Grèce, dans la grande salle circulaire, dont la voûte présente une forme parabolique (fig. 388). Elle a environ 12 mètres de hauteur sur 15 mètres de diamètre (fig. 389 et 390). Ce monument, qui semble construit d’hier et qui a pourtant traversé tant de siècles, frappe vivement par son caractère de grandeur et de force. Le mode de construction de la voûte est surtout remarquable. Des assises annulaires horizontales ont été posées les unes sur des autres en encorbellement, de manière à observer la courbe que l’on voulait obtenir : les arêtes inférieures ont ensuite été abattues au ciseau. Comme ces espèces de voussoirs n’étaient pas taillés en coins, il restait entre eux des intervalles triangulaires. Ces intervalles sont remplis par de petites pierres introduites par force, ce qui donne à chaque rang d’assise horizontale la solidité que l’on obtient ordinairement par un joint concentrique dans toute sa longueur. Le sommet de la voûte s’ouvre à la partie supérieure de la colline dans laquelle le monument est creusé. La muraille se découvre à fleur de terre, et c’est en cet endroit qu’on peut le mieux se rendre compte des détails de la construction. La pierre du sommet qui a été enlevée n’était pas une clef de voûte, mais seulement  un couvercle ; un bouchon, s’il est permis de s’exprimer ainsi. Les traces de clous en cuivre que l’on remarque à l’intérieur semblent indiquer que les murs étaient recouverts de plaques de métal, comme l’était à Argos la salle d’airain décrite par Pausanias. A droite de la grande salle on en trouve une seconde de forme carrée et simplement taillée dans le roc.

On ne connaît pas exactement la destination de ce monument, mais on croit qu’il a dit, selon un usage fréquent dans l’âge héroïque, renfermer des coffrets, des armes et des ornements précieux, et on lui a donné, d’après Pausanias, le nom de trésor d’Atrée, parce qu’on en fait remonter la construction au temps des Atrides.

Trézène, si célèbre par l’histoire tragique d’Hippolyte, n’a pas laissé de ruines importantes ; on peut en dire autant d’Hermione, qui était comme Trézène une ville consacrée à Neptune.

Dans l’intérieur de l’Argolide, nous devons également signaler le fameux marais de Lerne, où Hercule tua l’hydre. Au dire des anciens, c’était un lac sans fond, et Néron tenta en vain de le sonder. C’est aujourd’hui un marécage couvert de plantes aquatiques.

Némée est célèbre par les jeux qu’on y célébrait et surtout parle lion tué par Hercule.

Némée n’a jamais été une ville importante, mais elle attirait les voyageurs par ses jeux périodiques et par son bois sacré qui renfermait un stade, un théâtre, et le temple de Jupiter Néméen. L’emplacement de ce temple a été retrouvé : trois colonnes doriques, hautes d’environ 10 mètres, sont encore debout.

Épidaure, célèbre par son temple d’Esculape, était un point de réunion où accouraient, de tous les points de la Grèce, les malades atteints d’un mal chronique, ou ceux qu’attiraient les distractions qu’on trouve toujours dans une station de santé. Il. y avait entre autres un magnifique théâtre.

Il ne reste malheureusement rien du fameux temple d’Esculape, dont on croit avoir retrouvé l’emplacement au fond du vallon sacré, près du petit village de Koroni, — dont le nom vient sans doute de Coronis, la nymphe aimée d’Apollon qui fut mère du dieu de la médecine. — Ce temple était le centre d’un grand établissement où les malades se faisaient soigner sous la protection du dieu dont les prêtres exerçaient tous la médecine. Des ex-voto et de nombreuses inscriptions placées sur des colonnes rappelaient les guérisons mémorables et le traitement qui avait réussi. Plusieurs de ces colonnes existaient encore au temps de Pausanias. Comme il n’était permis ni de naître ni de mourir dans l’enceinte sacrée, des bâtiments spéciaux, placés en dehors, recevaient les femmes en couche et les malades à l’agonie, et les employés du temple venaient leur donner les soins nécessaires.

 

LA LACONIE. — La Laconie forme la partie sud-est du Péloponnèse. La capitale de la Laconie est Sparte ou Lacédémone, ville toute militaire, organisée comme un camp et rebelle à la civilisation. L’absence totale de monuments dans cette ville célèbre avait vivement frappé les anciens. Si la ville de Lacédémone, dit Thucydide, était dévastée et qu’il ne restât que ses temples et les fondements des autres édifices, je crois qu’après un long temps la postérité ajouterait peu de foi à sa puissance. Et cependant, sur cinq parties du Péloponnèse, elle en possède deux, elle commande au reste et elle a au dehors un grand nombre d’alliés. Mais, composée de bâtiments contigus, comme on n’y recherche la magnificence, ni dans les temples, ni dans les autres édifices, et que la population y est divisée par bourgades, suivant l’ancien usage de la Grèce, elle parait bien au-dessous de ce qu’elle est. Si de même il arrivait qu’Athènes fût dévastée, on se figurerait, à l’inspection de ses ruines, que sa puissance est double de ce qu’elle est en effet.

Sparte n’a laissé dans l’histoire que son nom, et ses ruines sont si peu apparentes, que l’emplacement même de l’antique cité a été longtemps ignoré.

Non loin de Sparte était Amyclée, une des plus anciennes villes du Péloponnèse, célèbre par le culte qu’on y rendait à Apollon. il, reste quelques fragments de colonnes et les soubassements du temple Gythium, qu’on regardait comme le port de Sparte, et Hélos, dont les habitants, connus sous le nom d’Hilotes, furent réduits en esclavage par les Lacédémoniens, n’ont pas laissé de ruines qui méritent d’être signalées ici.

L’île de Cythère, située au sud de la Laconie, était autrefois fameuse par le culte qu’on y rendait à Vénus au temps de la mythologie, les fleurs naissaient d’elles-mêmes sous les pas dé la déesse, dont Cythère était la résidence favorite. Aujourd’hui cette île n’est plus qu’un rocher dénudé, que hantent les chauves-souris.

 

LA MESSÉNIE. — La Messénie, au sud-ouest du Péloponnèse, est une contrée peu montueuse et extrêmement fertile, qui excita de bonne heure la convoitise des Lacédémoniens. Ils parvinrent à s’en emparer après trois guerres meurtrières, célèbres dans l’histoire grecque.

Messène, devenue plus tard la ville la plus importante du pays, n’en était pas pourtant la plus ancienne, puisque sa fondation date seulement d’Épaminondas. Cette ville aujourd’hui disparue n’a laissé que quelques ruines dispersées au milieu des champs et des bois d’oliviers.

Outre Messène, il faut citer Ira et Ithôme, ces remparts de l’antique résistance des Messéniens, et Pylos, où régna le roi Nestor. Pylos, située près de l’endroit où est aujourd’hui Navarin, n’a pas laissé de ruinés, mais on montre aux environs une vaste grotte qu’on désigne comme le lieu où, selon la mythologie, Mercure avait caché les bœufs qu’il avait volés à Apollon.