LES PATRIARCHES. - LES JUGES. - LES ROIS. - DIVISION DE LA PALESTINE. - JÉRUSALEM. - LES AUTRES VILLES DE PALESTINE. - LES PEUPLES VOISINS. LES PATRIARCHES. — Les traditions nationales des Juifs, rapportées dans l’Écriture sainte, sont empreintes d’un caractère merveilleux qui en atteste la haute antiquité. Malgré quelques divergences de détail que présentent les récits des étrangers, cette histoire offre un ensemble assez complet. Une tribu nomade, venue de la Chaldée, franchit l’Euphrate et vint s’établir en, Syrie. Ses chefs primitifs sont d’abord Abraltam, l’ancêtre de la nation, et ensuite Israël, qui lui a donné son nom. Les Hébreux (gens d’au delà du fleuve) désertèrent le pays de Chanaan pour éviter une famine et se rendirent en Égypte où il y avait du blé en abondance. L’Égypte était alors sous la domination des rois Pasteurs, qui, étant originaires d’Asie, accueillaient volontiers, les étrangers venus du même pays qu’eux. Mais, quand les Pasteurs furent expulsés d’Égypte par les dynasties nationales, la situation des Hébreux fut toute différente, et les Égyptiens ; ne voyant plus en eux que des étrangers, les confondirent dans la haine commune qu’ils portaient aux nomades ennemis de leur culte et envahisseurs de leur pays. Les Hébreux, commandés par Moïse, furent obligés de quitter la contrée et de retourner en Asie. Pour se rendre dans le pays de Chanaan, qu’ils regardaient comme le patrimoine de leurs aïeux, ils ne purent, prendre la route directe de l’isthme de Suez, parce que les Pharaons occupaient militairement toutes les positions et qu’il aurait fallu combattre avec peu de chance de succès. Ils préférèrent traverser la mer Rouge et le désert, et arrivèrent par la rive orientale du Jourdain, tournant ainsi la difficulté. Moïse mourut avant d’entrer dans la terre promise, mais Josué, qui lui succéda dans le commandement, s’empara de Jéricho, la place la plus forte du pays, et, à partir de ce moment, il ne rencontra plus de résistance sérieuse. Parmi les monuments découverts en Égypte, aucun ne se rapporte au séjour des Hébreux dans la contrée. Mais on voit assez fréquemment, des personnages que leur type et leur costume font aisément reconnaître pour asiatiques : les Juifs devaient avoir une certaine ressemblance avec ceux que montre notre figure 163, représentant des prisonniers dont le premier a les mains attachées derrière le dos. Les peuples qui habitaient à l’orient de la vallée du Nil sont, en général, caractérisés parleur barbe et par un nez fortement busqué, comme on peut le voir dans la figure 164, tirée des peintures de Thèbes. Le personnage qui, dans cette figure, marche en avant des autres, est un Égyptien, et la différence notable du profil suffirait pour montrer la distance profonde qui les sépare. Une particularité assez curieuse du costume de ces Asiatiques est la petite croix que deux d’entre eux portent au cou, et qui est probablement une amulette dont la signification symbolique nous est inconnue.
LES JUGES. — Après la mort de Moïse et de Josué, une grande anarchie s’établit parmi les conquérants. Les Hébreux, nomades et habitués à vivre sous la tente, se trouvaient subitement habiter un pays couvert de villes dont ils étaient politiquement les maîtres, mais dont la civilisation plus rainée était pour eux un perpétuel sujet de tentations. Un grand nombre d’entre eux avaient contracté des unions avec les femmes du pays, et l’unité religieuse établie par Moïse était sérieusement menacée. Ce n’est pas que le peuple voulut renoncer à Javeh, le Dieu national dont Moïse avait promulgué la loi sur la, montagne, mais il aurait volontiers associé son culte à celui des autres dieux de la contrée. Les peuplades voisines, jalouses de la suprématie naissante d’Israël, s’ingéraient volontiers dans, les affaires (le la nation et y trouvaient souvent des partisans. Lés Hébreux restés fidèles combattaient ces prétentions, et l’énergie de ces luttes est personnifiée dans la légende de Samson, l’Hercule du peuple d’Israël. Cependant, malgré les miracles prodigués en faveur des adorateurs de Javeh, les affaires marchaient en somme assez mal, quand un homme de génie, Samuel, parvint à reconstituer, la nation et à lui rendre momentanément l’unité qu’elle avait perdue depuis Moïse. En fondant le pouvoir théocratique, Samuel avait besoin d’un bras pour le défendre, et Saül fut choisi pour remplir ce rôle. Mais, en prenant le titre de roi, Saül ne voulut pas accepter longtemps la tutelle où on voulait le tenir et la guerre civile éclata. Samuel, dont le crédit était immense, suscita à Saül un rival dans la personne de David, qu’il sacra roi d’Israël, et auquel se rattache la grandeur politique de la nation. Pendant la période d’anarchie qui précéda l’établissement d’un royaume régulier, le peuple n’eut d’autres chefs que les Juges, dont l’autorité, à la fois religieuse et militaire, fut toujours contestée et ne parvint pas à établir un état définitif. Ce fut d’ailleurs une époque d’une extrême barbarie, et l’histoire de la fille de Jephté semble prouver que les sacrifices humains, qui paraissent avoir été pratiqués par tous les peuples de la Syrie, étaient également admis parmi les Israélites. Nous ne connaissons aucun monument qui se rattache à la période des Juges. LES ROIS. — David fut un serviteur zélé des vieilles traditions d’Israël en même temps qu’un grand capitaine. Il étendit au loin ses conquêtes et, pour maintenir la suprématie de son peuple, il établit sa capitale dans le lieu qui prit le nom de Jérusalem ; il y transporta l’arche sainte, emblème religieux auquel se rattachaient toutes les croyances des Hébreux. Son successeur Salomon éleva au Dieu d’Israël le temple qui l’a rendu si fameux, et soli règne marque le plus haut degré de puissance auquel soit arrivée la nation. Sa cour fastueuse était réglée selon l’usage des monarchies orientales, et son nom, devenu légendaire, éveille dans l’esprit des idées inouïes de luxe et de prospérité. Quoiqu’il fût plein de respect pour la loi juive, dit M. Maspero[1], il ne se piquait pas d’une fidélité exclusive au Dieu national. Moitié débauche, moitié politique, il avait multiplié le nombre de ses femmes outre mesure et rempli son harem d’étrangères, esclaves achetées sur les marchés d’Égypte et de Phénicie, ou simples otages qui répondaient de la fidélité de leur père ou de leurs frères ; la mère de son fils aîné était une Ammonite, la reine une Égyptienne. De même que les pharaons, sans rien relâcher de leur piété, avaient fait des offrandes aux dieux des vaincus, Salomon, pour plaire à ses femmes et sans doute aussi à ses vassaux païens, non seulement toléra, mais pratiqua lui-même à l’occasion les cultes étrangers. Le zèle que Salomon montra pour le Dieu d’Israël, et la tolérance dont il usa toujours pour les croyances des peuples qui lui étaient soumis, ne purent établir entre ces peuples divers l’union qu’il avait rêvée. Aussitôt qu’il fut mort, non seulement les nations conquises s’empressèrent de recouvrer leur indépendance, mais le peuple même d’Israël se divisa, et le schisme des dix tribus réduisit singulièrement le royaume de Juda. La puissance tout artificielle que David et Salomon avaient donnée à leur peuple n’avait pas été de longue durée : les causes mêmes qui l’avaient empêché de subsister arrêtèrent absolument son essor par la suite. L’histoire des rois de Juda n’offre, en effet, qu’une longue suite de désastres militaires et de luttes intestines. Quand le pouvoir royal veut faire alliance avec les païens, le sacerdoce se dressé contré lui et les prophètes surgissent pour annoncer la colère du Dieu d’Israël. Quand, au contraire, c’est l’élément religieux qui prend le dessus, le vieux fond de la population païenne exprime son mécontentement en favorisant l’arrivée des étrangers, toujours prêts à profiter de ces interminables dissensions. Le peu de monuments qui se rattachent à l’histoire des rois de Juda sont loin d’être des témoignages de leur gloire. En Égypte, c’est un roi de Juda, dont Champollion croit avoir retrouvé l’image dans les ruines de Thèbes (fig. 165) : il est enchaîné. Un bas-relief assyrien du musée britannique (fig. 166), nous montre un roi d’Israël, Jéhu, baissant la terre devant un roi d’Assyrie, Salmanasar, dont il implore l’assistance. Ce document, que la rareté des monuments sur l’histoire des Israélites rend infiniment précieux, est gravé sur une espèce d’obélisque dont nous avons au Louvre un moulage.
L’inscription nous apprend que le roi d’Assyrie reçut un tribut de Jéhu, comme il en avait reçu d’ailleurs de tous les autres princes de Syrie : le monument nous montre le roi d’Israël prosterné devant Salmanasar dont il reconnaît la suzeraineté. Les luttes des Juifs contre les Assyriens aboutirent à la captivité de Babylone. La domination persane fut favorable aux Juifs, que Cyrus rétablit à Jérusalem. Ils furent ensuite soumis, aux princes macédoniens, mais sous les Macchabées, la Judée retrouva pour un moment un gouverné ment national. Des artisans, venus de Grèce ou d’Asie Mineure, s’établirent alors en assez grand nombre en Palestine ; c’est ce qui explique le style des monuments qu’on trouve dans la contrée et principalement des tombeaux, dont, la plupart furent, sinon élevés vers cette époque, du moins restaurés et modifiés d’après un goût qui se ressent de la présence de ces étrangers. Les Juifs, dont la littérature poétique a tant d’importance, paraissent avoir eu également le goût de la musique ; mais ils’ n’étaient nullement portés vers les arts plastiques, dont le développement aurait été arrêté par leur loi religieuse qui proscrivait absolument les représentations figurées. L’emblème qu’on retrouve le plus souvent sur les très rares monuments que ce peuple nous a laissés, est la grappe de raisin. On la trouve également sur plusieurs monnaies (fig. 169), ainsi que des instruments de musique, tels que la trompette (fig. 168), et la cithare dont on voit des exemples (fig. 167 et 170). Ces monnaies, qui remontent au temps des Macchabées, sont d’ailleurs d’un travail excessivement grossier.
Après la prise de Jérusalem par Pompée, la Judée jouit encore sous Hérode et ses successeurs d’une grande prospérité. Mais, à la suite de la grande insurrection qui eut lieu contre les Romains, Jérusalem fut prise et détruite de fond en comble par Titus, et à partir de ce moment les Juifs cessèrent de faire une nation distincte. Une médaille de l’empereur Vespasien (fig. 171) fait allusion à la prise de Jérusalem et à la destruction de la nationalité juive. On y voit la Judée, personnifiée dans une femme assise et pleurant au pied d’un palmier ; derrière elle, l’empereur est debout près d’un trophée d’armes. Un monument bien autrement important et qui se rattache au même événement est le bas-relief qui décore l’arc de triomphe de Titus à Rome. On a là une représentation peut-être unique des objets sacrés qui décoraient le temple de Jérusalem et que les Romains ont emportés triomphalement après leur victoire. On y remarque, entre autres, le fameux chandelier à sept branches, la table des pains de proposition et les trompettes sacrées (fig. 172).
La destruction de Jérusalem amena la dispersion des Juifs dans les diverses provinces de l’empire romain. A partir de cette époque, ils cessèrent d’avoir une patrie circonscrite sur la carte ; mais ils ne firent aucune concession sous le rapport dé leurs opinions religieuses ; et ce peuple qui, tant qu’il avait existé politiqueraient, s’était tant de fois laissé entraîner à des rébellions contre le sacerdoce qui le dirigeait, fut, à partir de ce jour, inébranlable dans sa foi. Les Juifs formèrent, dans toutes les villes romaines, un groupe particulier, conservant son culte et ses usages, enterrant ses morts selon ses rites particuliers. Des lampes sépulcrales, portant pour emblème le chandelier à sept branches (fig. 173), ont été trouvées à Rome dans l’emplacement de l’ancien cimetière juif. DIVISION DE LA PALESTINE. — La Palestine comprend la contrée située entre la Syrie au nord et l’Arabie au sud. Elle est traversée par une chaîne de montagnes, le Liban, et arrosée par un fleuve, le Jourdain, qui va se jeter dans la mer Morte ou lac Asphaltite (fig. 174). Les Hébreux divisèrent la Palestine en douze cantons, répartis entre les douze tribus. Sous Roboam, fils de Salomon, dix tribus se séparèrent et le pays se trouva divisé en deux royaumes, celui d’Israël et celui de Juda. A partir des Macchabées, nous trouvons la Palestine divisée en quatre provinces qui sont la Galilée, la Samarie, la Judée et la Pérée, située à l’orient du Jourdain.
La province la plus septentrionale de la Palestine était la Galilée : elle était voisine de la Phénicie. Tibériade, qui en fut la capitale sous la domination romaine, était une ville importante. Elle fut bâtie par Hérode Antipas, sous le règne de Tibère, dont elle prit le nom. Les Juifs orthodoxes montrèrent une grande répugnance pour le séjour de cette ville, dont on avait établi les fondations sur d’anciens tombeaux qu’il avait fallu détruire ; Hérode y attira des Juifs pauvres et même des païens, en leur donnant des terrains et en leur accordant divers privilèges, et la ville nouvelle atteignit bientôt une grande prospérité. Après la destruction de Jérusalem, les principaux docteurs juifs ne voulant pas quitter la terre sainte, vinrent s’établir à Tibériade, qui devint alors un point central pour l’érudition rabbinique. Cette ville a conservé des ruines assez importantes, entre autres, les thermes, où il y a des sources dont les eaux attirent encore aujourd’hui les malades. A défaut de cités bien importantes, l’ancienne Galilée renfermait du moins quelques points intéressants par les souvenirs qui s’y rattachent : Nazareth, où Jésus a passé son enfance ; Cana, où il a fait son premier miracle ; Bethsaïde, lieu de naissance des apôtres Pierre et André ; Capharnaüm, dont il est fréquemment question dans l’Évangile ; Endor, où le roi Saül consulta la Pythonisse, etc. Au point de eue monumental nous n’avons aucune antiquité à signaler. Samarie était la ville la plus importante de la contrée qui vient après la Galilée et à laquelle elle a donné son nom. Cette ville, détruite par Salmanasar et redevenue florissante sous Hérode, a laissé peu de ruines antiques. On trouve pourtant, sur la colline qu’occupait Samarie, quelques colonnes debout, que l’on regarde comme les restes d’un temple romain dédié à Auguste. Non loin de là était Sichem (aujourd’hui Naplouse), une des plus anciennes villes du pays de Chanaan, puisqu’il en est question dans l’histoire d’Abraham. On montre aux environs le Puits de Jacob, où la tradition place l’entretien que Jésus eut avec la Samaritaine, et le Tombeau de Joseph, dont les cendres auraient été rapportées d’Égypte en ce lieu. Ce monument est en grande vénération dans le pays. C’est à Sichem que s’est tenue, après la mort de Salomon, la grande assemblée à la suite de laquelle eut lieu le schisme des dix tribus. L’empereur Vespasien avait fait de Sichem une colonie romaine. JÉRUSALEM. — La Judée proprement dite avait pour capitale Jérusalem, une des plus célèbres villes du monde. Elle était à la fois la ville sainte, la capitale politique, et la place la plus forte de la Palestine. C’est au roi David que Jérusalem doit son importance ; avant lui, elle portait le nom de Jébus. Jébus, dit M. Maspero[2], s’élevait sur une éminence entourée à l’est, au sud et à l’ouest, par le lit du Kédron et la gorge de Hinnom, bornée au nord par une légère dépression de terrain. Elle ne présentait pas une surface unie : elle était coupée en deux par un ravin profond qui courait du nord au sud et séparait les hauteurs de Sion des collines de Millo et de Moriah. Un assaut vigoureux, conduit par Joab, fit tomber la ville aux mains des Hébreux. En changeant de possesseur, elle changea de nom : elle devint Jérusalem. David se hâta de la mettre en état de défense : laissant Moriah au peuple, il établit sa résidence à Sion et fortifia Millo, sans toutefois enfermer ces trois points dans une enceinte continue. Plus tard, quand le succès de ses premières guerres lui donna quelques instants de repos, il se fit construire, par des ouvriers tyriens, un palais en bois de cèdre et en pierre de taille ; pour le moment, il alla chercher l’arche à Kiriath-Jéarim, où elle était restée depuis la mort d’Éli, et la plaça auprès de lui sur la colline de Sion. C’était faire de Jérusalem non seulement la capitale politiquée, mais la capitale religieuse du pays. Ce fut sous le règne de Salomon que Jérusalem atteignit le plus haut degré de splendeur auquel elle soit parvenue. La construction de temple et d’autres édifices magnifiques et les rapports commerciaux établis entre l’Inde et l’Afrique en firent pendant quelque temps le centre de la civilisation dans l’Asie occidentale. Toutefois cette prospérité dura peu, et, pendant trois siècles, les invasions qui ravagèrent successivement le pays et les guerres intérieures amoindrirent beaucoup son importance. Prise et détruite par Nabuchodonosor, 587 ans avant J.-C., elle se releva après la captivité de Babylone, fut de nouveau prise par Pompe et devint tributaire de Rome. A la suite d’une révolte, Jérusalem soutint contre l’empereur Titus un siége célèbre et fut détruite de fond en comble. Soixante ans plus tard, Hadrien éleva sur son emplacement une ville nouvelle qu’il nomma Ælia Capitolina, et un temple de Jupiter Capitolin se dressa à la place même où avait été le sanctuaire d’Israël. Il est resté quelques médailles (fig. 175 et 176) de cette ville qui, sous Constantin, reprit le nom de Jérusalem qu’elle a toujours porté depuis. Les différents quartiers de Jérusalem furent successivement entourés de murailles épaisses. Josèphe en distingue trois dont la plus ancienne environnait Sion. Ces murailles, garnies d’un parapet crénelé, étaient construites obliquement ou en zigzag : elles étaient flanquées de 164 tours, dont 90 se trouvaient sur l’enceinte extérieure, 14 dans la seconde et 60 sur l’ancienne muraille de Sion. Jérusalem avait 120.000 habitants au temps d’Alexandre le Grand, et la population était sans doute beaucoup plus considérable sous le règne de Titus : mais le chiure de 1.100.000 hommes, donné par Josèphe comme celui des habitants ayant perdu la vie pendant le siége, est évidemment très exagéré. Le principal monument de Jérusalem était d’ abord le temple, bâti par Salomon, brillé par Nabuchodonosor, mais rebâti et considérablement agrandi dans la suite. Hérode a élevé dans cette ville un grand nombre d’édifices superbes, entre autres, le palais royal, qui était de marbre blanc, et dont la magnificence, selon Josèphe, était au delà de toute description. Jérusalem était assise sur plusieurs collines, dont la place est indiquée sur notre plan (fig. 177). Nous voyons d’abord la plus célèbre de toutes, la colline de Sion, où était l’ancienne citadelle, et qu’on désignait sous le nom de haute ville. La vallée de Hinnom en forme la limite au sud et à l’ouest. Sion est séparée de la colline d’Akra, où basse ville, par un vallon nommé Tyropœon, ou vallon des fromagers. C’est de ce côté que la ville a pris son grand développement à partir de David. Nous lisons dans les psaumes : Il s’élève magnifiquement, délice de toute la terre, le mont Sion ; du côté nord est la ville du grand roi. C’est sur la colline d’Akra qu’est aujourd’hui l’église du Saint-Sépulcre.
Le quartier de Besetha, appelé ville neuve, n’est pas mentionné dans la Bible, et Josèphe nous apprend qu’il fut enclavé dans la ville par Hérode Agrippa. Enfin, à l’est d’Akra, est la colline de Moriah où, selon la tradition, Abraham conduisit son fils Isaac pour le sacrifier c’est sur cette colline que s’élevait le fameux temple de Salomon[3]. La Bible est très sobre de renseignements sur l’aspect que présentaient les villes israélites. Les rues et les places paraissent avoir emprunté leurs noms de l’industrie qui s’y pratiquait habituellement : ainsi la rue des Boulangers est mentionnée dans Jérémie. Il n’est pas certain, que les rues aient été pavées avant Hérode, mais la ville a eu de tout temps des citernes et des puits publics ; il en est plusieurs fois question dans l’Écriture. Les tribunaux et les grandes places où se tenaient les marchés étaient situés près des portes de la ville. Ainsi, nous lisons dans la Bible : Demain à cette heure on donnera le sac de farine pour un sicle et les deux sacs d’orge pour un sicle à la porte de Samarie. Ces portes étaient surmontées d’un bâtiment et flanquées de tours fortifiées. Des portiers étaient établis dans les tours, comme le montre un passage de Samuel : Puis la sentinelle vit un autre homme qui courait et elle cria au portier : Voilà un homme qui court tout seul. Le saint sépulcre et les lieux qui furent témoins de la Passion sont naturellement les points où se rendent tout d’abord les pèlerins et les touristes qui visitent Jérusalem. Mais, malgré l’intérêt particulier qui s’attache à ces pieux souvenirs, nous devons nous abstenir d’une description qui serait nécessairement en dehors, du cadre que nous nous sommes tracé. Quand on sort de Jérusalem par la porte orientale, nommée par les chrétiens porte Saint-Étienne, par suite d’une tradition contestée qui place près de ce lieu la mort du premier martyr, on arrive à la vallée de Josaphat. A chaque pas, le pèlerin rencontre ici de pieux souvenirs, car, à défaut d’une grande certitude historique, des traditions anciennes ont donne des noms à chaque monticule, presque à chaque caillou. Après avoir traversé le torrent desséché du Cédron, on arrive au pied du mont des Oliviers : on voit d’abord une petite église, où l’on montre le tombeau de la Vierge et celui de saint Joseph. M. de Vogué, dit le Guide en Orient, a démontré que cette tradition est erronée et que ces chapelles ont servi de sépultures à plusieurs personnages de la dynastie latine de Jérusalem. Ensuite, on voit la Grotte de l’Agonie, le jardin de Gethsemani, dans lequel on montre l’endroit où s’est accomplie la trahison de Judas, puis une église qui marque l’emplacement où a eu lieu l’Ascension.
La vallée de Josaphat, dont notre figure 178 donne une vue d’ensemble, est remplie de monuments funèbres : quelques-uns méritent d’être signalés. Le premier qu’on rencontre a reçu, sans beaucoup de raison, le nom de Tombeau des Prophètes. C’est un caveau circulaire d’où partent des, galeries présentant un assez grand nombre die niches funéraires. On ne connaît exactement ni la date ni l’histoire de ce monument. Le Tombeau d’Absalon (fig. 179), qui vient ensuite, est un monolithe cubique dont la basé est taillée dans le roc, et dont la partie supérieure est en maçonnerie. Elle se compose, dit le Guide en Orient, d’un dé carré surmonté d’un cylindre qui se termine par un tore figurant un énorme câble tordu ; le tout est surmonté d’une sorte de pyramide, évidée en gorge et couronné d’une touffe de palmes. La hauteur totale du monument est de 16m36. Sa base est à demi enterrée sous les pierres que, depuis des siècles, les Juifs lancent contre la tombe maudite. La date de ce monument, qu’on désignait autrefois sous le nom de tombeau d’Ezéchias, est inconnue : on le croit contemporain d’Hérode.
Dans le même groupe de rochers est un riche fronton, orné d’acrotères et de rinceaux, auquel on a donné le nom de Tombeau de Josaphat (fig. 180). On voit encore là deux autres monuments confus sous les noms de Tombeau de saint Jacques et de Tombeau de Zacharie. Ces divers tombeaux sont l’objet d’une grande vénération, mais leur origine historique est très problématique.
Enfin, il faut encore mentionner la Retraite des Apôtres (fig. 181). C’est une frise dorique, offrant des métopes séparées chacune par un triglyphe : cette frise est supportée par des colonnes. Suivant la tradition, les apôtres auraient trouvé en ce lieu un refuge après l’arrestation de Jésus-Christ.
D’autres monuments funéraires non moins intéressants se trouvent au nord de. Jérusalem, en sortant par la porte dite porte de Damas. Les plus importants sont ceux qu’on désigne sous le nom de Tombeaux des rois. Ces tombeaux, fameux par les discussions archéologiques qu’ils ont soulevées, sont situés, à environ 800 mètres de la route de Damas. Un plan incliné vers l’est, dit M. de Saulcy, et placé entre deux murailles de rochers, aboutit à une paroi verticale, dans laquelle est percé un soupirail donnant sur une sorte de citerne... Dans la muraille de gauche est une porte en plein cintre, ornée d’un simple filet creux à l’extérieur. Cette porte, enterrée jusqu’à la naissance du cintre, débouche sur une large cour carrée, à parois verticales taillées dans le roc, et dont le sol est rendu inégal par des accumulations de décombres. Dans la muraille du fond est pratiqué, avec un art très remarquable, un large vestibule soutenu autrefois par deux colonnes dont il ne reste qu’un seul chapiteau appendu à droite au plafond. Au-dessus du vestibule court une longue frise sculptée arec une délicatesse et un goût exquis. Le centre de la frise est occupé par une grappe de raisin, emblème de la terre promise et type habituel des monnaies asmonéennes. A droite et à gauche sont placées symétriquement une triple palme d’un dessin élégant, une couronne et des triglyphes alternant avec des patères ou boucliers ronds répétés trois fois : Au-dessous règne une guirlande de feuillages et de fruits retombant à angle droit de chaque côté de l’ouverture du vestibule. Au dessus des triglyphes commence une belle corniche malheureusement très endommagée. Une fois descendu sur le sol du vestibule on aperçoit, au fond de la paroi de gauche, une petite porte basse par laquelle on ne peut passer qu’en rampant. Nous reproduisons ci-dessous (fig. 182) l’entrée des Tombeaux des rois de Juda.
Après avoir franchi un corridor, on pénètre dans une antichambre percée de trois portes. Celle du milieu ouvré sur un caveau renfermant neuf trous pratiqués dans le rocher pour recevoir des cercueils. Chacune des trois faces autres que la face d’entrée est percée de trois ouvertures Mes deux latérales n’ont que la moitié de la hauteur de l’ouverture centrale ; les six ouvertures latérales donnent accès dans des tombes simples et les trois centrales dans de petites chambres présentant une couchette à droite et à gauche, et au fond une autre couchette placée transversalement : en tout quinze lits. Deux de ces chambres sont munies, au-dessus de chaque couchette, d’entailles destinées à contenir des lampes sépulcrales. Quant aux tombes simples, on remarque au fond un carré, probablement destiné à cacher des trésors ou objets précieux. Au fond de la chambre à trois couchettes, percée dans la face nord, et au-dessous de la couchette du, fond, est une ouverture qui communique par un plan incliné et voûté dans une dernière chambre située précisément en face de la porte d’entrée principale, et qui paraît n’avoir contenu qu’un sarcophage. C’est là que M. de Saulcy a trouvé les deux morceaux du beau sarcophage qu’on peut aujourd’hui admirer au Louvre[4]. Ce monument (fig. 183 à 186), qui occupait la place d’honneur dans le caveau, est regardé par l’éminent archéologue comme étant le tombeau élevé par Salomon à son père David. Cette opinion est assurément contestable, mais le sarcophage, qui a certainement appartenu à un personnage puissant, est extrêmement intéressant par l’ornementation qui le décore et dont le style n’a pas son équivalent dans d’autres pays.
Voici la description qu’en a donnée M. de Saulcy, dans son Histoire de l’art judaïque. Il est fort difficile de se faire une idée dé la richesse des ornements de ce précieux monument, quand on ne l’a pas sous les yeux... C’est une sorte de tuile bombée, en calcaire compacte, d’un grain très fin, et par conséquent très dur, dans lequel courent de petites fibres de silex. Une moulure, formée de deux plates-bandes enfermant une doucine, encadre toute la surface concave ; au-dessus règne un second encadrement de rinceaux élégants, reproduisant sur les deux longs côtés les mêmes motifs avec d’assez légères modifications. Ce sont des fleurs, des fruits et des feuilles, parmi lesquelles on reconnaît des grappes de raisins, des lis, des grenades, des coloquintes, des amandes, des glands, et des rosaces assez, semblables à des anémones épanouies. Deux grandes bandes rectangulaires, encadrées dans une torsade, se montrent à droite et à gauche ; dons chacune des bandes se voient deux cordons de triples feuilles d’olivier accompagnées de deux olives répétées quatorze fois, tournées dans un sens, de l’extrémité vers le centre du monument, et quatorze fois en sens inverse ; c’est-à-dire que toutes les pointes de feuilles sont dirigées vers le centre. Dans chaque bande, une rosace à quatre pétales marque ce centre, Entre ces deux bandes règne, d’un bout à l’autre du couvercle, un très beau rinceau double, en entrelacs, qui part d’une triple palmette et offre en position symétrique un pampre, une grappe, une anémone, un triple lis, une triple pommé de cèdre, une triple grappe de raisin et un triple gland. Une seule des deux extrémités est assez bien conservée et nous fait connaître l’ornementation qui leur était appliquée (fig. 183). C’est une triple palme, des aisselles de laquelle s’élèvent deux lis et aux côtés de laquelle sont placés deux anneaux, le tout inscrit dans. la moulure qui encadre la grande surface convexe dû couvercle. Rien n’est plus élégant que l’ensemble de ces ornements empruntés au règne végétal, et le développement de la surface extérieure de ce beau monument semble un charmant dessin de dentelle ; toute ces figures en relief ont été enlevées à la râpe, et l’on n’aperçoit pas trace de l’emploi du ciseau, ni de celui du trépan. C’est donc un art peu avancé qui a été employé à la construction de ce curieux débris.
On a donné, toujours sans raison bien plausible, le nom de Tombeau des Juges à un monument sépulcral taillé dans le roc et remarquable par les ornements qui le décorent. La porte est encadrée de belles moulures avec deux acrotères en palmettes aux angles du fronton, dont le tympan présente un gracieux enroulement de feuillage. On a beaucoup discuté sur l’époque à laquelle il fallait, rattacher ces tombeaux, dont on place quelquefois la date de construction au Bas-Empire, M. Viollet-Le-Duc n’est pas de cet avis : Dans ces sculptures, dit-il, absence absolue de toute représentation d’hommes ou d’animaux ; c’est, sur tous les tombeaux, le même faire, une exécution sèche, précise, plate, découpée, pleine de caractère, en même temps qu’on y trouve un modèle fin, travaillé, un coup de ciseau primitif, dirai-je ; c’est-à-dire les qualités opposées à la sculpture du Bas-Empire qui est molle, lourde, saillante et monotone, qui manque absolument de style et n’indique qu’un art avili tombé dans le métier. Le Tombeau des Juges renferme plusieurs chambres dans lesquelles on trouve environ soixante niches funéraires. Plusieurs de ces niches sont réunies deux par deux au moyen d’arceaux arrondis. LES AUTRES VILLES DE PALESTINE. — Après Jérusalem, les points les plus importants à signaler dams la Judée sont : Bethléem, ville petite mais fort ancienne et qui fut le lieu de naissance de David et de Jésus-Christ ; Hébron, où furent ensevelis Abraham, Isaac et Jacob ; Jéricho, la première ville du pays de Chanaan qui fut conquise par les Israélites. M. de Saulcy, dans son voyage à la mer Morte, a cru reconnaître les ruines de Sodome, hypothèse qui n’est plus guère admise aujourd’hui. Cette découverte, dit le Guide en Orient, n’a été confirmée par aucun des voyageurs qui ont depuis visité la contrée. Nous citerons entre autres un de nos collaborateurs, dont les patientes recherches n’ont pas duré moins d’une journée sous la conduite des guides de M. de Saulcy. Les prétendues ruines de Sodome ne sont, à ce qu’il paraît, que des amas de pierres apportées pendant l’hiver par les torrents qui descendent des ravins... Sur la plage de la mer Morte, se trouve ce que M. de Saulcy regarde comme les restes d’un château, d’un poste avancé de la ville antique. C’est un tas peu considérable de pierres roulées, qui indiquent sans aucun doute l’emplacement d’un tombeau. En résumé ce site est peut-être celui de Sodome, mais on n’y remarque pas la plus légère trace de la ville. La ville de Césarée, dont l’importance date seulement de l’époque romaine, mérite de nous arrêter un moment. L’historien juif Josèphe nous en a laissé une description extrêmement Curieuse, parce qu’elle nous montre ce qu’était une ville bâtie d’un bloc, par le caprice d’un souverain, ou d’un gouverneur de province : Le dedans du port était pourvu de spacieux magasins voûtés, propres à retirer toutes sortes de marchandises et à loger les matelots. Un vaste quai offrait tout autour une admirable promenade ; l’entrée en était au nord, exposition que la situation du lieu rendait très favorable. On voyait à chacun des côtés de cette entrée trois colosses, portés sur des colonnes ; le corps entier de toute cette construction était accompagné de belles maisons, bâties en pierres blanches ; toutes les rues de la ville, percées à une égale distance les unes des autres, venaient y aboutir. Le temple d’Auguste, également merveilleux par sa grandeur et sa beauté, était bâti sur une colline vis-à-vis de l’entrée du port. On voyait au dedans de ce temple une statue colossale de l’empereur, qui ne cédait en rien à celle du Jupiter Olympien ; sur le modèle de laquelle elle avait été faite ; et une autre statue, colossale aussi, de la ville de Rome, qui pouvait de même être comparée à celle de la Junon d’Argos. Ce fut sans doute à l’utilité de la province et à l’avantage du commercé général qu’Hérode consacra les dépenses qu’il fit pour bâtir cette ville et construire ce port ; mais il déféra à Auguste tout l’honneur et toute la gloire de sa fondation, en lui faisant porter son nom et en l’appelant Césarée. Afin que tout, dans cette admirable ville, fût digne du nom glorieux qu’il lui donnait, il y fit construire une place pour le marché, un théâtre et un amphithéâtre. La contrée située à l’orient du Jourdain s’appelait la Pérée : on la nomme aussi quelquefois Décapole, à cause de dix villes qu’on suppose y avoir autrefois formé une confédération. C’est là qu’on trouvait Gadara, que Josèphe appelle la forte métropole de la Pérée ; Bozra et Géraza, qui ont laissé des ruines importantes de l’époque romaine. Ce qui frappe surtout à Géraza (aujourd’hui Djerach), dit le Guide en Orient, c’est une longue rue droite, formant angle avec une autre, et dont chaque côté est bordé d’une rangée, de colonnes, pour la plupart corinthiennes, mais de dimensions différentes. A son extrémité sud, cette rue aboutit- à une place semi-circulaire, entourée de colonnades d’ordre ionique ; soixante-sept colonnes sont encore debout, mais il y en avait plus de cent. On trouve encore à Géraza les restes d’un grand théâtre, avec vingt-huit rangs de gradins, faisant face à la ville ; un arc de triomphe orné de riches sculptures ; une arène qui pouvait se transformer en naumachie ; des bains dont les décombres occupent un emplacement considérable, etc. Sans avoir à beaucoup près l’importance des ruines de Géraza, les restes de Rabbath-Ammon, ville qui fut prise par David, sont assez imposantes. Les prophètes ont plusieurs fois frappé cette ville de malédictions. Rabbath deviendra par sa ruine un monceau de pierres, dit Jérémie. J’abandonnerai Rabbath pour être la demeure des chameaux et la retraite des bestiaux, dit Ézéchiel. L’emplacement de cette antique cité est aujourd’hui complètement désert. On y a retrouvé deux théâtres, dont le plus grand est pourvu de quarante-trois rangs de gradins très bien conservés et de colonnes corinthiennes. On y voit aussi les restes d’un odéon, de deux temples et de l’ancienne enceinte. LES PEUPLES VOISINS. — Parmi les petits peuples qui ont été en rapport avec la Palestine, il faut nommer en premier lieu les Philistins, que les livres sacrés nous dépeignent comme les ennemis acharnés des Juifs. On ne sait rien de bien positif sur leur origine, bien qu’on les regarde généralement comme venus de Crète. Ils paraissent avoir habité le pays antérieurement aux Hébreux ; ces derniers les chassèrent et les reléguèrent sur la côte qui touche l’isthme de Suez, d’où ils faisaient continuellement des incursions contre leurs anciens ennemis. Le pays qu’ils habitaient a été tour à tour soumis aux Juifs, aux Perses, aux Macédoniens et aux Romains. Les villes les plus importantes étaient : Joppé (Jaffa) qui servit souvent de port aux Juifs. Strabon rapporte que des hauteurs voisines on apercevait Jérusalem. C’est dans cette ville qu’abordèrent les navires chargés des troncs de cèdre qu’Hiram avait envoyés pour la construction du temple. C’est aussi là que s’est embarqué Jonas. Mythologiquement, c’est ce lieu qui aurait été le théâtre de la fable d’Andromède, exposée au monstre marin, et délivrée par le héros Persée. La ville de Joppé a été prise et détruite par les Romains. Ascalon était le siège du culte syrien de Dagon : cette ville a appartenu tour à tour aux Philistins et aux Juifs. Hérode y fit bâtir des monuments somptueux et, sous l’empire, elle prit une grande extension. Gaza, qui fut prise et détruite par Alexandre, était une ville importante par sa position entre l’Égypte, l’Arabie Pétrée et la Syrie. Elle a conservé quelques antiquités. Outre les Philistins, la Bible nomme souvent, comme étant en guerre avec les Hébreux, diverses peuplades dont les principales sont les Ammonites, les Moabites, les Amalécites, les Madianites et les Iduméens ou Édomites. Ces peuplades sont confondues ensemble sous le nom de Nabathéens, et paraissent avoir appartenu à la même race que les Arabes ; ou du moins elles présentent de grands rapports avec eux. Il n’est d’ailleurs resté d’eux aucun monument où l’on puisse étudier leurs costumes et leurs usages. Les Assyriens, qui ont conquis ce pays, ont représenté dans leurs bas-reliefs un Arabe monté sur un chameau et fuyant devant deux cavaliers assyriens qui le poursuivent (fig. 187). L’Arabe poursuivi n’a pour tout vêtement qu’un petit tablier ou caleçon, attaché à la hauteur du nombril et ne descendant pas plus bas que le milieu de la cuisse.
Les déserts qui avoisinent la Palestine étaient généralement peuplés de nomades, habitant sous dés tentes de peau de chèvre et n’ayant’ aucun domicile fixe. Leurs mœurs ne devaient pas être fort éloignées de celles des Arabes de nos jours. Cependant, tous n’étaient pas nomades et l’ancienne Idumée possédait quelques villes, dont une surtout, Pétra, a pris sous l’empire romain une très grande importance. Strabon dépeint cette ville comme un point de station pour le commerce entre l’Égypte et la Perse. Il n’est guère question de Pétra avant les Ptolémées ; néanmoins, il parait y avoir eu très anciennement, en ce lieu, une population indigène habitant les cavernes. Les innombrables excavations qu’on trouve aux environs de cette ville ont été de tout temps un problème et un sujet d’étonnement pour les voyageurs. A mesure que l’on avance, dit le Guide en Orient, la vallée se resserre entre des falaises peu élevées de grès gris, percées de nombreuses grottes sépulcrales. Mais bientôt on remarque au sud-ouest une gorge sombre et étroite. Il est impossible de concevoir quelque chose de plus imposant et de plus sublime que ce défilé. Sa largeur suffit tout juste au passage de deux cavaliers de front. Les deux côtés se dressent à pic et ont, en quelques endroits, une hauteur de 80 ou 100 mètres ; à l’entrée on aperçoit, à une trentaine de mètres au-dessus du torrent, une arche hardiment jetée d’un côté à l’autre. C’était peut-être un pont ou plutôt un arc de triomphe ; il était orné de pilastres et de niches pour dix statues. Des deux côtés du pont, les rochers de grès rouge coupés et minés parles eaux sont creusés de nombreux tombeaux. Le chemin a été autrefois pavé de larges dalles, dont il reste encore les débris où l’on peut distinguer les ornières creusées par les roues des chars ; à gauche, un aqueduc avait été taillé dans le roc. On avance ainsi, pendant trois quarts d’heure au moins, jusqu’à un point où une raie lumineuse apparaît tout à coup entre l’étroite fissure du défilé. En face se montre un monument éclairé d’une vive lumière et connu sous le nom de Trésor de Pharaon — car tout ce qui est grand ici est rapporté aux anciens rois d’Égypte —. C’est un temple tout entier d’ordre corinthien, dont la façade, qui a deux étages d’élévation, est richement ornée de colonnes, de sculptures et de statues. L’édifice est entièrement taillé dans la paroi rosée du rocher. La salle principale de l’intérieur est grande et fort élevée, mais d’un style très simple ; trois portes, l’une au fond et les deux autres sur les côtés, ouvrent sur autant de petites cellules sans ornements. Il y a en outre deux chambres qui ont leur entrée directe sur le portique. Le centre de l’étage supérieur est une élévation circulaire entourée de colonnes, avec un dôme surmonté d’une urne à plus de 30 mètres du sol. A partir du Trésor de Pharaon, la vallée s’élargit un peu. Les hautes murailles de grès qui la bordent sont remplies d’une infinité de niches, de grottes sépulcrales et de tombeaux de toutes les formes et de toutes les dimensions, qui s’étagent les uns au-dessus des autres à une grande hauteur. Quelques-uns de ces tombeaux sont fort grands et remarquables par la beauté de leurs façades, dont la forme habituelle est une pyramide tronquée, flanquée de deux pilastres. Plusieurs de ces monuments sont surmontés d’un fronton en forme d’escalier double. Ce genre d’ornement, qui se reproduit quelquefois dans les Irises, semble particulier à Pétra. Le bassin, occupé par la ville proprement dite, était d’une étendue médiocre. On croit avoir reconnu, parmi les débris dont le sol est jonché, l’emplacement du forum et d’un temple ; mais le monument le plus important est le théâtre, qui est creusé dans la montagne et produit un singulier effet au milieu des tombeaux qui l’entourent de toutes parts. |