LA VIE PRIVÉE DES ANCIENS

TOME PREMIER — LES PEUPLES DE L’ANTIQUITÉ

L’ASIE — I. - L’ASIE CONNUE DES ANCIENS

 

 

LIMITES DE L’ASIE ANCIENNE. - MONTAGNES DE L’ASIE. - FLEUVES DE L’ASIE. - SUCCESSION DES EMPIRES.

 

LIMITES DE L’ASIE ANCIENNE. — Un tiers de l’Asie, au plus, était connu des anciens, qui n’ont jamais établi de rapports avec les peuples habitant l’empire chinois actuel ou la Sibérie. La partie occidentale de l’Asie, la seule dont il Soit question dans les récits d’autrefois, est la contrée où la Bible place le berceau du genre humain. Les limites de cette contrée n’ont jamais été nettement définies dans l’antiquité ; elles ont d’ailleurs plusieurs fois changé, au fur et à mesure que s’étendaient les connaissances géographiques. Cependant, le Caucase et la mer Caspienne sont en général considérés comme terminant, au nord, la partie de l’Asie dont il est question dans les auteurs. A l’est cette contrée s’étendait jusqu’aux Indes, mais les connaissances des anciens sûr les pays situés au delà du Gange et même de l’Indus ont toujours été très incomplètes, et on peut. en dire autant de l’Arabie, qui terminait l’Asie du côté du sud.

Si les limites de l’Asie n’ont jamais été déterminées d’une manière précise, les contrées qui comprennent le bassin du Tigre et de l’Euphrate, ainsi que la Syrie et l’Asie Mineure, ont été dès la plus haute antiquité couvertes de villes florissantes, et, jusqu’à la domination musulmane, elles ont joui d’une prospérité qui fait un singulier contraste avec l’état où nous les voyons aujourd’hui. Ajoutons ; pour ce qui est de la forme générale que les anciens pouvaient attribuer à l’Asie, que tous les géographes étaient convaincus que la mer entourait la terre de toutes parts, en sorte qu’ils considéraient la mer Caspienne comme communiquant d’un côté avec l’océan Indien, de l’autre avec l’océan Atlantique les contrées situées dans les régions septentrionales passaient pour inhabitables, à cause de la rigueur du climat et des neiges qui y tombaient perpétuellement.

 

MONTAGNES DE L’ASIE. — Les grandes chaînes de l’Émode et de l’Imaüs (Himalaya), et celles du Paropamisus ou Caucase indien, qui en est le prolongement du côté de la mer Caspienne, étaient peu connues,des anciens, qui plaçaient ailleurs leurs traditions et leurs légendes. Le Caucase, où la fable fait vivre Prométhée, se trouvait en rapport beaucoup plus direct avec les contrées historiques, comme la Médie, l’Arménie et la Colchide. De nombreuses traditions le rattachaient aux invasions des Scythes, des Amazones, ou à l’expédition des Argonautes dont la Colchide avait été le principal théâtre. Les mines de cette contrée paraissent même avoir été exploitées dans une très haute antiquité par des colons phéniciens.

Quoique moins importantes géographiquement, les montagnes de l’intérieur offrent bien plus d’intérêt par les souvenirs qui s’y rattachent. La grande chaîne du Taurus traverse l’Asie Mineure de l’est à l’ouest, mais, l’ensemble du pays paraît n’être qu’un vaste plateau hérissé de montagnes, qui, pour la plupart, rappellent quelques traditions historiques ou mythologiques.

C’est le mont Latmus, entouré de sa ceinture de forêts et percé de grottes verdoyantes où venait reposer Endymion ; le mont Mycale, célèbre par la victoire navale que les Grecs remportèrent sur les Perses ; le mont Timole, qui fut choisi pour arbitre dans la querelle musicale entre Apollon et Pan ; puis le mont Sipyle, dont les échos redisent la touchante histoire de Niobé ; le mont Ida, dont les vallons furent témoins du jugement de Paris ; enfin, l’Olympe et le Dindyme, que la déesse Cybèle aimait à parcourir sur son char traîné par des lions. Les montagnes les plus élevées sont celles qui forment le massif de l’Arménie, dont le point culminant est le gigantesque mont Ararat sur lequel s’arrêta l’arche de Noé. Enfin, du Taurus méridional, se détache la chaîne du Liban, où les pieux souvenirs se mêlent aux traditions mythologiques et qui se termine prés de la mer Rouge avec le mont Sinaï.

 

FLEUVES DE L’ASIE. — L’Asie, de même que l’Afrique, est traversée de l’est à l’ouest par une vaste étendue de déserts. La partie dont nous nous occupons est coupée par quatre grands fleuves qui, bien que suivant des directions différentes, descendent tous du nord au sud. Ce sont, en commençant par l’orient, le Gange, l’Indus, le Tigre et l’Euphrate. Les anciens parlent du Gange comme d’un fleuve considérable, mais ils ne le connaissent que très confusément et nomment à peine les contrées qu’il arrose. Le cours même de l’Indus ne leur était qu’imparfaitement connu ; cependant, leurs vaisseaux se sont aventurés quelquefois, notamment sous Alexandre, dans la mer Erythrée (mer des Indes) où ce fleuve se jette. L’Indus a plus d’importance que le Gange dans l’histoire ancienne, parce qu’il a quelquefois servi de limite aux grands empires qui se sont formés en Asie.

Le Tigre et l’Euphrate, quoique moins considérables, sont pour nous d’un bien plus grand intérêt. L’Euphrate prend sa source dans l’Arménie orientale, arrose la Mésopotamie, la Babylonie et la Chaldée, et va se jeter dans le golfe Persique. Le Tigre, dont le cours commente dans la grande Arménie, forme la limite entre la Mésopotamie et l’Assyrie et, après avoir reçu plusieurs rivières et arrosé un grand nombre de villes, va se perdre dans l’Euphrate, un peu au-dessus du golfe Persique. Il paraît qu’autrefois ces deux fleuves avaient chacun une embouchure distincte, quoique fort rapprochée l’une de l’autre.

Dans le nord, nous devons signaler l’Ochus, qui sort des monts Paropamisus et se perd dans la mer Caspienne, ainsi que, l’Oxus, qui séparait la Bactriane de la Sogdiane, et qui est aujourd’hui beaucoup moins considérable qu’autrefois. Sur sa côte occidentale, la mer Caspienne recevait dans une embouchure commune l’Araxe, qui prend sa source en Arménie ; le Cyrus, qui descend du Caucase ; et enfin, en remontant vers le nord, le Rha (Volga), qui est à peine mentionné dans les auteurs anciens.

Selon les géographes romains, l’Asie est séparée de l’Europe par le Tanaïs (Don), qui traverse des contrées inconnues et se jette dans le Palus-Méotide (mer d’Azov). Les plus anciens géographes grecs terminaient l’Asie au Phase, fleuve qui vient de l’Arménie, arrose la Colchide et se jette dans le Pont-Euxin (mer Noire) ; ils le croyaient beaucoup plus grand qu’il n’est réellement. Le Pont-Euxin reçoit encore l’Halys, le seul fleuve important qu’il y ait en Asie Mineure et qui prend sa source dans le mont Taurus.

On donnait le nom de Propontide à la mer de Marmara, et la mer qui baigne. la côte de l’Asie Mineure était appelée mer Égée. Ces deux mers ne reçoivent aucun fleuve qui mérite d’être mentionné. Enfin, en Syrie, nous signalerons seulement l’Oronte, qui se jette dans la mer Intérieure (Méditerranée), et, en Palestine, le Jourdain, toute petite rivière qui se jette dans la mer Morte et doit toute son importance aux souvenirs qui s’y rattachent.

 

SUCCESSION DES EMPIRES. — De vagues traditions, répandues chez tous les peuples de l’Orient, parlaient d’une ancienne patrie où ils avaient habité avant de se disperser ; ce pays, dans leurs souvenirs, apparaissait à tous comme un lieu de délices, où les premiers hommes avaient vécu dans un état d’innocence, à l’abri de tout danger et ne connaissant pas le travail.

Mais, dès qu’il s’agissait de désigner l’emplacement de cet Éden, chaque peuple avait une tradition différente. Les tribus qui vivaient entre l’Euphrate et la Méditerranée le croyaient à l’orient et nommaient l’Arménie et le mont Ararat ; les habitants de la Perse le voyaient au nord, du côté de la. Bactriane ; quelques-uns désignaient l’Inde, d’autres les bords de la Caspienne. On parlait de grands fleuves qui partaient de cette heureuse contrée, pour couler ensuite dans des directions différentes : seulement, on nommait soit l’Euphrate et le Tigre, soit l’Inclus ou l’Oxus. Naguère encore, on regardait les contrées situées au pied du Caucase comme celles qui se rapportaient le mieux à cette tradition, tandis qu’aujourd’hui, les pays qui avoisinent le plateau de Pamir sont regardés comme y répondant plus exactement. Mais il est un fait remarquable, c’est que tous les endroits que la tradition désigne comme ayant été un jardin délicieux, montrent des contrées âpres et stériles, des climats rudes et des terrains bouleversés où il ne semble pas que la vie ait jamais pu être douce et facile. Les traditions relatives au déluge sont, comme celles du paradis terrestre, communes  à tous les peuples de l’Orient.

L’origine des grandes monarchies asiatiques repose également sur des données historiques extrêmement incertaines. C’est à des personnages mythiques, comme Ninus et Sémiramis,que lei historiens grecs, attribuaient la formation des plus anciens empires. Le nom de Sémiramis était toujours invoqué quand il s’agissait de designer des constructions gigantesques dont l’origine était inconnue. Le premier empire d’Assyrie dura jusqu’à Sardanapale, prince que les historiens représentent comme très efféminé et avec lequel la monarchie succomba.

La formation du royaume de Médie fut le premier résultat de cette chute, mais un second empire d’Assyrie ne tarda pas à se former. Ce fut alors la grande époque de Babylone, car Ninive avait été détruite de fond en comble. Une nouvelle Ninive, pourtant, s’éleva sur les, ruines de la ville ancienne, et ce sont les débris de cette seconde, capitale qu’on voit aujourd’hui dans les musées de Paris et de Londres.

La puissance des Perses commence avec Cyrus, et s’étend bientôt depuis l’Indus jusqu’à la Méditerranée : le royaume de Lydie, malgré les efforts de Crésus, tombe au pouvoir de Cyrus, en sorte que les villes grecques du littoral se trouvèrent réunies au royaume de Perse, auquel Cambyse joignit encore l’Égypte dont il s’était emparé.

Ce .formidable empire succombe pourtant, à son tour, devant les armes victorieuses d’Alexandre, et les rois grecs de Syrie parviennent à en garder une grande partie sous leur autorité. Ils se trouvent bientôt en face des Romains qui les absorbent, mais ceux-ci sont arrêtés par les Parthes Arsacides ; et c’est à peine s’ils peuvent maintenir leur autorité, qui ne s’étend jamais au delà de l’Euphrate. Enfin, le second royaume de Perse se fonde et les princes des dynasties Sassanides, repoussant définitivement les Romains du Bas-Empire, restent maîtres du pays jusqu’à l’avènement de l’Islamisme, époque qui marque là fin du monde antique en Orient.

Ces empires qui se succèdent en Orient, si grande qu’ait été leur étendue, peuvent difficilement franchir certaines limites. L’Arabie au sud, l’Inde à l’ouest, la Bactriane au nord-ouest, et la Scythie au nord, sont des contrées où les anciens pénétrèrent quelquefois comme soldats, mais où ils ne purent jamais établir solidement leur civilisation.