LA CYRÉNAÏQUE. - LES PEUPLADES LIBYENNES. - L’OASIS D’AMMON. LA CYRÉNAÏQUE. — Sous le nom de Libye, les anciens comprenaient toutes les contrées situées à l’ouest de l’Égypte, car l’Afrique proprement dite s’entendait seulement des pays qui avoisinent l’Atlas. La Libye se divise généralement en deux parties distinctes, la Libye supérieure ou Cyrénaïque, et la Libye inférieure, qui n’avait pas de limites fixes du côté du désert. Quelques oasis habitées dans la Libye inférieure, quelques villes grecques sur la côte de la Libye supérieure, forment les seuls points où la civilisation antique ait laissé des traces, car l’ensemble de la contrée, était peuplé par des tribus vivant généralement à l’état sauvage. Les principaux monuments que l’antiquité ait trouvés sur cette côte sont des tombeaux, vastes excavations creusées dans les rochers, mais dont l’entrée s’annonce par des colonnes grecques et dont la décoration n’a absolument rien d’égyptien (fig. 125).
Là Cyrénaïque ou Libye supérieure, qui fut réunie sous les Ptoléméen au royaume d’Égypte, comprenait plusieurs villes, habitées par des Grecs. La principale était Cyrène, qui donna son nom â la contrée. Fondée par une colonie lacédémonienne, cette ville atteignit promptement un haut degré de prospérité. Son école de philosophie était particulièrement célèbre. Les habitants se faisaient remarquer par leur excessive mollesse et, sous le rapport des mœurs, ils ne le cédaient en rien aux Ioniens de l’Asie Mineure. Cyrène faisait un grand commerce de parfums ; les roses qui croissaient dans ses jardins étaient spécialement renommées pour leur odeur exquise. La prospérité de Cyrène tient surtout à sa position, entre Alexandrie et Carthage. Bien que rattachant son origine mythologique à la nymphe Cyrène, qui fut aimée d’Apollon, cette ville a généralement pour emblème les cornes d’Ammon, comme on le voit sur ses médailles (fig. 126 et 127). LES PEUPLADES LIBYENNES. — Les vastes déserts qui couvrent la Libye, à l’occident de l’Égypte, étaient habités par des peuplades errantes et disséminées, qui vivaient dans un état absolument barbare. Hérodote nomme parmi les principales : les Psylles, les Nasamons et les Adyrmachides. Ces derniers, dit-il, ont presque les mêmes usages que les Égyptiens, mais ils s’habillent comme les Libyens : leurs femmes portent à chaque jambe un anneau de cuivre. Elles laissent croître leurs cheveux et, si elles sont incommodées par les poux, elles les prennent, les tuent avec les dents et s’en débarrassent de cette manière ; ce sont, du reste, les seuls des Libyens qui en agissent ainsi. L’OASIS D’AMMON. — A la hauteur de Thèbes, au milieu des déserts qui sont sur la rive occidentale du Nil, était l’oasis d’Ammon. Le nom de cette oasis vient d’un temple d’Ammon, la grande divinité de Thèbes, et par conséquent de toute l’Égypte, quand cette ville eut la prépondérance sûr les autres provinces du royaume. L’oracle d’Ammon avait un grand crédit dans l’antiquité, et les Grecs, qui ont assimilé ce dieu à leur Jupiter, n’ont pas manqué de lui trouver une légende, pour expliquer la tête de bélier que lui prêtaient les Égyptiens. Suivant eux, Bacchus (d’autres disent Hercule), près de mourir de soif dans les déserts de l’Afrique, implora le secours de Jupiter, qui lui apparut sous la forme d’un bélier, et lui indiqua une source. Bacchus, par reconnaissance, lui éleva un temple sous le nom de Jupiter Ammon, c’est-à-dire sablonneux, à cause des plaines de sable qui couvrent toute la contrée. Parmi les cérémonies qui avaient lieu en l’honneur d’Ammon, la plus imposante était la procession qui se faisait autour du temple, et qui est représentée sur plusieurs monuments égyptiens. L’image du dieu, cachée. dans un petit autel posé sur une barque, est portée par quarante prêtres vêtus de longues robes ; les extrémités de la barque se terminent par des têtes de bélier surmontées de disques et ornées de riches colliers. De chaque côté de la barque s’élèvent deux parasols ou étendards demi-circulaires, portés sur des tiges de lotus. Un petit temple occupe le milieu : il est décoré ; de deux figures accroupies, à têtes de bélier et d’épervier, qui reçoivent les adorations de génies ailés. On croit voir dans cette scène les emblèmes sous lesquels les habitants de Thèbes adoraient lé soleil. Sur le devant de la barque un homme, clans l’attitude d’une profonde vénération, est tourné du côté de la chapelle et suivi d’un sphinx qui tient une fleur de lotus. Un autre petit sphinx accompagné de deux figures est debout à la poupe, tandis qu’à la proue on voit deux, autres figures debout qui tiennent des cordages terminés par un aspic, et semblent diriger la barque (fig. 128).
Outre son sanctuaire religieux, le temple d’Ammon avait une grande importance commerciale, car c’était un point de relâche pour les caravanes. Le sacerdoce égyptien avait multiplié avec une très grande habileté les établissements de ce genre. A l’ouest, dit un compagnon de voyage de Champollion[1], les collèges sacrés occupaient une série d’oasis, échelonnées dans le grand désert, aux abords de la vallée du Nil, parallèlement à la direction du fleuve, et figurant comme un archipel dans cet océan. La plupart de ces stations commerciales révèlent encore des traces de leur destination première, qui s’était perpétuée d’âge en âge et sous toutes les dominations ; la plus fréquente de toutes, connue dans l’antiquité sous le nom d’Oasis d’Ammon, paraît avoir conservé, très longtemps encore après la chute de l’empire égyptien, le crédit de ses oracles et une certaine importance pour le négoce. Lis possession des sources d’eau vive, trésors inappréciables qui donnaient l’existence aux oasis mêmes au milieu des sables arides, les prêtres en dispensaient les bienfaits aux caravanes des parages occidentaux de l’Afrique, qui, dès une antiquité assez reculée, s’aventurèrent à traverser l’étendue des contrées désertes, pour échanger certains produits de leur pays contre ceux de l’agriculture et de l’industrie égyptiennes.
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