LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

TOME TROISIÈME. — LA TERREUR

 

CHAPITRE VIII. — LE COMPLOT DE L’ÉTRANGER.

 

 

Le Comité de salut public ne craignait pas moins les ennemis cachés de la Révolution que ses ennemis déclarés. Il se sentait environné d’espions. De Vérone, l’ancien constituant d’Antraigues, qui jouait auprès du prétendant Louis XVIII le rôle d’une sorte de ministre de la police, entretenait à Paris des agents qui le renseignaient régulièrement au moyen de lettres écrites à l’encre sympathique. Ces agents pénétraient sous un masque démagogique jusque dans les bureaux des administrations. Pour dérouter les espions, Robespierre écrivait sur son carnet : Avoir deux plans dont l’un livré par les commis.

On soupçonna de bonne heure que l’or étranger avait contribué non seulement à surprendre nos secrets militaires, mais encore à susciter des troubles et à créer des difficultés de toute sorte au gouvernement. Le 11 juillet 1793, dans un grand rapport qu’il présenta au nom du premier Comité de salut public qui venait d’être renversé, Cambon affirma que la crise économique et financière elle-même avait été aggravée sinon déchaînée par les manœuvres de l’ennemi. Depuis que je vois Pitt, dit-il, toucher 5 millions sterling pour dépenses secrètes, je ne m’étonne plus qu’on sème avec cet argent des troubles dans toute l’étendue de la République. On est parvenu avec un fonds de 120 millions en assignats à faire baisser nos changes. Et Pitt, avec 5 millions sterling, s’est procuré 500 millions en assignats avec lesquels il nous fait une guerre terrible. Certains administrateurs de département le secondent. Comment détruire la République, ont-ils dit ? En discréditant les assignats.

Cambon n’avait fait qu’une pure hypothèse. Mais, à la fin du mois de juillet, on apporta au Comité de salut public le portefeuille qu’un espion anglais avait perdu sur les remparts de Lille. Des documents qu’il renfermait, il résultait, avec certitude et précision, que depuis le mois de janvier l’espion avait distribué à ses agents disséminés dans toute la France des sommes importantes. Il avait payé à un Français du nom de Duplain une mensualité de 2.500 livres. Il avait distribué de l’argent à Lille, Nantes, Dunkerque, Rouen, Arras, Saint-Omer, Boulogne, Thouars, Tours, Caen, villes où précisément des désordres avaient éclaté. Il donnait comme instructions à ses correspondants de préparer des mèches phosphoriques pour incendier les arsenaux et les magasins de fourrages. Et des incendies avaient déjà fait des dégâts importants à Douai, à Valenciennes, à la voilerie du port de Lorient, à la cartoucherie de Bayonne, au parc d’artillerie de Chemillé.

Faites hausser le change jusqu’à 200 livres pour 1 livre sterling, écrivait-il au même correspondant. Faites que Hunter soit bien payé et assurez-le de la part de mylord que toutes ses pertes lui seront remboursées de plus du double de sa commission... Il faut discréditer le plus possible les assignats et refuser tous ceux qui ne porteront pas l’effigie du roi. Faites hausser le prix de toutes les denrées. Donnez les ordres à vos marchands d’accaparer tous les objets de première nécessité. Si vous pouvez persuader à Cott... d’acheter le suif et la chandelle à tout prix, faites-la payer au public jusqu’à 5 livres la livre.

 

En donnant lecture de ces documents à la grande séance du 1er août, Barère conclut qu’il fallait expulser tous les sujets anglais qui seraient venus habiter la France après le 14 juillet 1789. Cambon trouva la mesure trop indulgente. Elle ne s’appliquait qu’aux sujets anglais. Il proposa de faire arrêter, provisoirement et par mesure de sûreté générale, tous les étrangers suspects sans distinction : Croyez-vous que les Autrichiens qui sont en France ne sont pas, comme les Anglais, des agents de Pitt ? Il suffit qu’on respecte les Américains et les Suisses. Couthon rappela que le gouvernement anglais avait déclaré traîtres à la patrie ceux de ses nationaux qui placeraient leurs biens en France.

Je demande que par réciprocité vous décrétiez : 1° que tous les Français qui placeront des fonds sur les banques de Londres seront condamnés à une amende égale à la somme placée, dont la moitié sera applicable au dénonciateur ; 2° que ceux qui auraient placé des fonds sur Londres avant la publication de ce décret soient tenus de le déclarer dans un mois sous peine de la même amende et d’être en outre regardés comme suspects et mis comme tels en état d’arrestation.

 

Toutes ces propositions furent votées.

Jusque-là, la Révolution avait multiplié les actes de bienveillance à l’égard des sujets ennemis résidant en France. Beaucoup avaient même obtenu des emplois dans les administrations. Il y en avait jusque dans les comités révolutionnaires. Il y en avait qui siégeaient à la Convention, comme Anacharsis Clootz ou Dentzel ou Thomas Paine. Rien n’était plus facile aux espions que de se présenter comme des patriotes étrangers persécutés pour leurs idées. Ces martyrs de la liberté étaient reçus avec empressement. Ils se procuraient de puissants protecteurs non seulement dans les clubs mais jusque dans les Comités de la Convention, jusque dans le gouvernement.

Le banquier anglais Walter Boyd, qui était le banquier de Pitt et du Foreign Office, avait ouvert à Paris, avec son associé Ker, une succursale de sa maison de Londres. Il sut s’attirer les bonnes grâces des députés Delaunay d’Angers et Chabot qui le protégèrent, quand il fut en péril. Moyennant un versement de 200.000 livres, Chabot, qui était membre du Comité de sûreté générale, réussit à faire lever les scellés qui avaient été mis sur sa banque dans la nuit du 7 au 8 septembre. Et, quand Boyd, un mois plus tard, fut menacé d’arrestation, Chabot lui procura un passeport avec lequel il put s’échapper et retourner en Angleterre.

Quand Danton fut arrêté, on trouva dans ses papiers une lettre que le Foreign Office avait adressée au banquier neuchâtelois Perregaux, sujet prussien établi à Paris, pour l’inviter à verser à différents personnages désignés par des initiales C.D., W.T., De M., des sommes importantes, 3.000, 12.000 et 1.000 livres pour les récompenser des services essentiels qu’ils nous ont rendus en soufflant le feu et en portant les Jacobins au paroxysme de la fureur . Cette lettre n’a pu figurer dans les papiers de Danton que parce que Perregaux la lui communiqua comme l’intéressant directement. Il y a tout lieu de croire que Perregaux avait des rapports fréquents avec le gouvernement anglais.

Le banquier belge, sujet autrichien, Berchtold Proli, qu’on disait fils naturel du chancelier Kaunitz, avait été chargé par le gouvernement de Vienne d’acheter les Belges du parti vonckiste. Établi à Paris, il y fonda un journal, Le Cosmopolite, pour y défendre la politique autrichienne. Le journal disparut avec la déclaration de guerre quand il n’eut plus d’utilité. Proli se lia avec des journalistes comme Camille Desmoulins. Il menait grand train dans son appartement du Palais-Royal. Il parvint à capter la confiance d’Hérault de Séchelles qui était, comme lui, un homme de plaisir. Hérault l’employa comme secrétaire, même quand il fut entré au Comité de salut public. Le ministre Lebrun et Danton lui confièrent des missions diplomatiques secrètes. Il devint l’intime de Desfieux, qui était le principal personnage du Comité de correspondance des Jacobins, dont il avait été d’ailleurs le trésorier. Par Desfieux, personnage très suspect, il connut tous les secrets du club. Desfieux était presque illettré. Proli rédigeait ses discours. Proli était lié avec de nombreux députés montagnards comme Bentabole, Jeanbon Saint-André, Jay de Sainte-Foy. Desfieux était protégé par Collot d’Herbois, bien qu’il eût été compromis par une pièce de l’armoire de fer et qu’on le considérât comme un suppôt rétribué du tripot de Mme de Sainte-Amaranthe.

Un autre banquier belge, sujet autrichien, Walkiers, qui avait joué comme Proli un rôle équivoque dans la Révolution de son pays, était venu s’établir à Paris après la trahison de Dumouriez. Comme il était très riche, on le soupçonnait de répandre de l’argent parmi les journalistes et les clubistes pour servir les intérêts autrichiens.

Un grand d’Espagne déclassé, Guzman, qui se livrait lui aussi à la banque et à l’intrigue, s’était fait par ses largesses une clientèle dans la section des Piques. Il parvint à s’introduire dans le Comité insurrectionnel qui prépara la Révolution du 31 mai ; mais il était déjà tellement suspect qu’il en fut chassé. Saint-Just reprochera plus tard à Danton d’avoir fait avec Guzman des repas à cent écus par tête.

Deux juifs moraves, Siegmund Gotlob et Emmanuel Dobruska, qui avaient été les fournisseurs de l’empereur Joseph II dans sa guerre contre les Turcs et qui avaient été pour cette raison anoblis sous le nom de Schœnfeld, étaient arrivés en France juste au lendemain de la déclaration de guerre. Ils s’étaient présentés au club de Strasbourg comme des patriotes persécutés, avaient changé leur nom en celui de Frey (libres), étaient parvenus par des largesses opportunes à se procurer la protection du clubiste Charles Laveaux, rédacteur du Courrier de Strasbourg, alors en lutte contre le Feuillant Dietrich, maire de la ville. Ils avaient accompagné Laveaux et les fédérés du Bas-Rhin à Paris à la veille du 10 août et n’avaient pas tardé à se créer à Paris les plus belles relations parmi les députés influents, comme Louis du Bas-Rhin, Bentabole, Simond, Richard, Gaston, Piorry, Chabot. Ils soumettaient des projets au ministre des Affaires étrangères Lebrun. Ils recevaient fréquemment des lettres de change de l’étranger. Ils prenaient des intérêts dans les corsaires de la République. Ils prêtaient de l’argent, ils achetaient des biens nationaux, ils tenaient table ouverte dans un bel hôtel d’émigré où ils s’étaient installés. Pour échapper aux lois de répression sur les sujets ennemis, ils essayaient d’obtenir la naturalisation française en adoptant un vieillard. Ils se faisaient recevoir aux Jacobins grâce à Chabot qui leur servait de répondant. Dénoncés de bonne heure comme espions, ils échappèrent longtemps à toutes les recherches. Ils ne furent pas inquiétés, même après que Chabot eut été chassé du Comité de sûreté générale. Chabot se trouva présent à la perquisition qui eut lieu à leur domicile, le 26 septembre. Il épousa quelques jours plus tard, le 6 octobre, leur jeune sœur avec une dot de 200.000 livres et vint habiter dans leur hôtel. Il eut l’impudence d’annoncer ce mariage aux Jacobins en le donnant comme une preuve qu’il se rangeait désormais et renonçait à sa vie dissolue. Mais les Jacobins le huèrent et le bruit courut parmi eux que la dot de 200.000 livres que Léopoldine Frey apportait à Chabot avait été fournie par Chabot lui-même qui avait trouvé ce moyen de dissimuler le produit de ses rapines.

 

Tous ces étrangers équivoques, dont beaucoup étaient des agents de l’ennemi, jouaient dans le mouvement politique un rôle considérable qui ne tarda pas à inquiéter le Comité de salut public. Ceux-là même qui s’étaient attachés un moment à la fortune de La Fayette ou à celle de Dumouriez, comme Proli et son inséparable Desfieux, affichaient maintenant un patriotisme très écarlate et poussaient aux mesures les plus extrêmes. Ils formaient un appoint sérieux au parti hébertiste. Le Père Duchesne était un familier du banquier hollandais Kock qui lui donnait de bons dîners, dans sa maison de Passy. Anacharsis Clootz, l’orateur du genre humain, qui siégeait à la Convention, inspirait un grand journal, Le Batave, qui était l’organe des réfugiés étrangers et qui menait une campagne parallèle à celle du Père Duchesne. Or, Clootz, fidèle au propagandisme des Girondins, ne cessait de prêcher la nécessité de révolutionner les pays voisins. Dans un manifeste qu’il lança le 5 octobre, de la tribune des Jacobins, il réclamait pour la France les limites naturelles, c’est-à-dire la frontière du Rhin. Son ami Hérault de Séchelles, ancien Girondin comme lui, qui dirigeait avec Barère la politique étrangère du Comité de salut public, expédiait en Suisse des agents secrets dont la propagande alarmait nos voisins. Mais Robespierre et les autres membres du Comité, alors très préoccupés de nous procurer des approvisionnements et des matières premières pour nos fabrications de guerre, comprirent le danger de la politique imprudente d’Hérault qui pouvait nous fermer le marché suisse. Ils désavouèrent le projet d’annexer Mulhouse. Ils rappelèrent les agents secrets envoyés au-delà du Jura. En même temps, ils rappelaient Genêt notre ministre aux Etats-Unis qui avait inquiété Washington par ses intrigues politiques et ils ordonnaient même son arrestation le 11 octobre. Dans un grand discours prononcé le 27 brumaire, devant la Convention, Robespierre s’efforça de rassurer les neutres, les Américains, les Danois, les Turcs, aussi bien que les Suisses, sur les intentions de la France révolutionnaire. Celle-ci ne rêvait pas d’asservir le monde. Elle ne voulait que défendre, avec sa liberté, l’indépendance des petites nations. C’étaient les coalisés seuls qui étaient animés par l’esprit de conquête ! Un tel discours salué par les applaudissements de la Convention dut paraître alarmant aux réfugiés étrangers et à leurs protecteurs hébertistes qui ne voyaient le salut que dans la guerre à outrance aboutissant à la République universelle.

Mais les réfugiés étrangers causaient d’autres préoccupations encore au Comité de salut public. Quand la Convention, le 5 septembre, avait mis fin à la permanence des sections et limité leurs réunions à deux par semaine puis par décade, les hébertistes avaient tourné la loi en créant dans chaque section des sociétés populaires qui se réunissaient tous les soirs. L’ingénieux Proli, aidé de ses amis Desfieux, le juif bordelais Pereira, l’auteur dramatique Dubuisson, avait trouvé le moyen de fédérer ces sociétés populaires dans un Comité central sur lequel il avait la haute main. Cette puissante organisation en contact direct avec les sans-culottes des sections était un pouvoir rival non seulement des Jacobins, mais de la Commune et de la Convention elle-même. De ces sociétés populaires fédérées qui prétendaient représenter le peuple entier pouvait sortir une journée sectionnaire analogue à celles qui s’étaient produites à Lyon, à Marseille, à Toulon, un 31 mai en sens contraire qui épurerait de nouveau la Convention et livrerait la France à l’anarchie, préface de la défaite et de la restauration de la monarchie. Proli, Pereira et leurs amis ne cachaient pas le mépris où ils tenaient la Convention, leur défiance des députés en général. Or, vers le milieu de brumaire, le Comité central des sociétés populaires faisait circuler dans les sections une pétition pour demander à la Convention la suppression du salaire des prêtres et la chute du culte constitutionnel.

Déjà, depuis l’institution du calendrier révolutionnaire, de nombreuses fêtes civiques avaient été célébrées dans les villes le jour de la décade, qui devenait le dimanche républicain, ainsi au Havre le 21 octobre (30 du premier mois), à Clermont de l’Oise le 10 brumaire. Mais, si les fêtes décadaires faisaient concurrence aux fêtes religieuses, elles ne les avaient pas abolies. L’évêque de la Nièvre, Tollet, avait même participé aux premières cérémonies civiques organisées par Fouché. Déjà quelques prêtres s’étaient mariés et avaient renoncé à leurs fonctions, quelques églises avaient été fermées, mais le clergé constitutionnel restait debout dans son ensemble. Déjà Cambon avait fait admettre par la Convention que les prêtres n’étaient plus des fonctionnaires et que leur salaire n’avait pas le caractère d’un traitement, mais seulement d’une pension. Le salaire des évêques avait été réduit, le même jour, à 6.000 livres et celui de leurs vicaires épiscopaux à 1 200 livres (18 septembre 1793). Déjà, depuis le 5 septembre, les prêtres non mariés étaient exclus des comités de surveillance et, depuis le 7 brumaire, les ecclésiastiques ne pouvaient plus être nommés instituteurs publics. Enfin, le 13 brumaire, l’actif des fabriques et l’acquit des fondations étaient confisqués, si bien que l’entretien du culte retombait à la générosité des fidèles. Certains représentants en mission avaient laïcisé les cimetières, encouragé le mariage des prêtres, présidé des cérémonies civiques, mais ils n’avaient pas fermé les églises. Les prêtres mariés par Fouché dans la Nièvre n’avaient pas cessé de dire la messe. Laignelot et Lequinio transformaient l’église de Rochefort en temple de la Vérité, mais ils laissaient les prêtres en fonctions. André Dumont, dans la Somme, insultait les prêtres, les obligeait à transférer leurs offices aux décadis, mais il ne supprimait pas ces offices.

Malgré tout, le culte continuait. La pétition du Comité central des sociétés populaires le menaçait jusque dans son existence, en le privant de ses dernières ressources. Ses auteurs ne cachaient pas leur intention de porter, par la suppression du salaire des prêtres, le coup suprême au despotisme sacerdotal. Le 16 brumaire au soir, ils se rendirent, accompagnés des députés Clootz et Léonard Bourdon et du juif Pereira, chez l’évêque de Paris Gobel, le réveillèrent, lui remontrèrent qu’il devait se sacrifier pour le bien public en cessant ses fonctions et en déterminant son clergé à fermer les églises. Gobel consulta son conseil épiscopal qui se prononça pour la soumission par 14 voix contre 3 et, le lendemain, 17 brumaire, il vint déclarer au département de Paris d’abord, à la Convention ensuite que ses vicaires et lui renonçaient à exercer leurs fonctions de ministres du culte catholique. Il remit sur le bureau sa croix et son anneau, puis se coiffa du bonnet rouge au milieu des applaudissements. Sur-le-champ, de nombreux députés qui étaient évêques ou curés l’imitèrent et l’exemple fut suivi dans toute la France. Trois jours plus tard, le 20 brumaire, la Commune de Paris célébrait à Notre-Dame, devenue temple de la Raison, une grande fête civique où figura une artiste vêtue de tricolore et symbolisant la Liberté. La Convention, invitée par la Commune, s’y rendit en corps. La déchristianisation était déchaînée. Les églises dépouillées se fermèrent par milliers et devinrent des temples républicains.

Le Comité de salut public, qui se débattait au milieu de la disette, qui avait à faire appliquer des lois d’une exécution aussi difficile que le maximum et les réquisitions, qui avait à cœur d’assurer l’ordre public, le Comité s’effraya d’un mouvement aussi grave et aussi subit qui pouvait ranimer la guerre civile et qui provoqua en effet des émeutes nombreuses, d’un mouvement dont les auteurs irresponsables, des étrangers sujets ennemis comme Proli et comme Clootz, lui étaient déjà suspects.

Le soir même du 17 brumaire, Clootz s’étant rendu au Comité de salut public après l’abdication de Gobel, Robespierre lui fit des reproches fort vifs : Mais, lui dit-il, vous nous avez dit dernièrement qu’il fallait entrer dans les Pays-Bas, leur rendre l’indépendance et traiter les habitants comme des frères... Pourquoi donc cherchez-vous à nous aliéner les Belges en heurtant des préjugés auxquels vous les savez fortement attachés !Oh ! oh ! répondit Clootz, le mal est déjà fait. On nous a mille fois traités d’impies. — Oui, répondit Robespierre, mais il n’y avait pas de faits ! Clootz pâlit, ne trouva rien à répondre et sortit. Deux jours plus tard, il se faisait nommer à la présidence des Jacobins.

Robespierre fut convaincu que la révolution religieuse qui ne pouvait profiter qu’aux coalisés avait été le résultat d’une intrigue de leurs agents, comme toutes les mesures extrêmes et impolitiques que la démagogie avait imposées à la Convention, telles que la création de l’armée révolutionnaire et le maximum. Dans son grand discours du 27 brumaire, il montra longuement la main de Pitt dans nos troubles intérieurs depuis 1789 et il insinua clairement que ceux qui abattaient les autels pouvaient fort bien être des contre-révolutionnaires déguisés en démagogues.

Si la Convention, dans son ensemble, était pure, il y avait cependant dans ses rangs des hommes d’argent et des fripons. Déjà on avait dû chasser du Comité de sûreté générale, le 14 septembre, les députés Chabot, Julien de Toulouse, Basire, Osselin, que la rumeur publique accusait de protéger les fournisseurs, les aristocrates et les banquiers suspects. Une perquisition faite chez Julien de Toulouse, le 18 septembre, avait confirmé les soupçons. Chabot avait eu si peur qu’il brûla de nombreux papiers dans sa cheminée.

Les Comités avaient l’œil sur les fournisseurs et sur leurs protecteurs. Dès le 20 juillet, le rapporteur du Comité des charrois et du Comité de salut public, Dornier, avait dénoncé le scandale des marchés consentis par l’ancien ministre Servan à l’entrepreneur des charrois d’Espagnac qui trouvait moyen de toucher en numéraire 5 443 504 livres par mois pour un service pour lequel il ne pouvait dépenser que 1 502 050 livres en assignats qui perdaient 50 pour cent ! Malgré la protection de Delacroix, de Chabot et de Julien de Toulouse, d’Espagnac était mis en arrestation. Villetard faisait, le 29 juillet, un rapport foudroyant contre Servan qui était à son tour destitué et arrêté. Les marchés anciens étaient annulés et les charrois mis en régie. Bientôt éclatait en septembre l’affaire du député Robert. Cet ami de Danton, ancien journaliste, avait dans sa cave des tonneaux de rhum dont il faisait commerce. Sous prétexte que le rhum n’était pas une eau-de-vie, il n’avait pas déclaré cette denrée, comme la loi de l’accaparement l’y obligeait. Il entra en conflit avec la section de Marat qui le dénonça à la Convention. Après de violents débats d’où il sortit moralement condamné, il ne put échapper à la répression qu’en faisant don de son rhum à sa section. Puis, ce fut l’affaire du député Perrin de l’Aube qui avait passé des marchés de toile avec l’armée pour plus de 5 millions et qui avait accepté en même temps la fonction de membre du Comité des marchés, si bien qu’il était chargé de surveiller lui-même ses propres fournitures. Dénoncé par Charlier et Cambon le 23 septembre, Perrin avoua les faits, fut traduit au tribunal révolutionnaire et condamné à 12 ans de fers.

De tous ces scandales, le plus grave fut celui de la Compagnie des Indes qui éclata au moment même où les étrangers déchaînaient la déchristianisation. Par la qualité des personnages qui s’y trouvaient compromis, par l’émotion qu’il provoqua, il dépassa en importance une simple affaire de friponnerie. Il eut une portée politique considérable. Il est à la racine des divisions de la Montagne. Il donna au complot de l’étranger que le Comité de salut public soupçonnait une consistance et une réalité. Il accentua les luttes des partis en jetant entre eux le spectre de la patrie trahie et vendue.

Pendant les grands périls des mois de juillet et d’août 1793, quand la famine sévissait, quand les changes baissaient dans des proportions énormes, les députés d’affaires que nous connaissons déjà avaient eu l’idée, à la fois pour se populariser à peu de frais et pour s’enrichir, de dénoncer les compagnies financières dont les actions faisaient prime à la Bourse sur les effets publics. Delaunay d’Angers, soutenu par Delacroix, dénonça les fraudes que ces compagnies avaient imaginées pour échapper à l’impôt. Fabre d’Eglantine les accusa de faire passer en pays ennemi l’argent français et d’avilir les assignats en les convertissant en valeurs réelles qui passaient la frontière. Julien de Toulouse renchérit. Il accusa la Compagnie des Indes d’avoir avancé de l’argent au tyran défunt. Le scellé fut mis sur les caisses et papiers de la Compagnie des Indes. Fabre menaça les compagnies d’assurances-vie et incendie, des eaux, la Caisse d’Escompte et un décret de principe, voté le 24 août, supprima les compagnies par actions. Le scellé fut mis sur la Caisse d’Escompte.

Delaunay et ses complices, Chabot, Basire, Julien de Toulouse, Fabre d’Eglantine, pendant qu’ils faisaient peur aux sociétés financières, jouaient à la baisse sur leurs actions, au moyen des fonds que d’Espagnac mettait à leur disposition.

Ils n’étaient pas assez compétents en matière financière pour écrire eux-mêmes les discours qu’ils portaient à la tribune. Delaunay, Chabot, Basire, Julien de Toulouse n’étaient que les prête-noms d’un aventurier très versé dans les affaires, le célèbre baron de Batz.

Ce cadet de Gascogne qui semble bien s’être procuré de faux parchemins pour entrer dans l’armée avant 1789 était devenu fort riche par d’heureuses spéculations. Il possédait la plus grande partie des actions de la compagnie des Eaux de Paris et de la compagnie d’assurances sur la vie que les frères Périer avaient fondée quelques années avant la Révolution. Il menait grande vie et avait pour maîtresses les actrices les plus en vogue. Député à la Constituante, ses connaissances financières le firent nommer membre du Comité de liquidation qu’il présida. Il retarda tant qu’il put la liquidation des pensions de l’Ancien Régime, car il était royaliste. On le soupçonna de consentir à la Cour des avances secrètes. Quand la guerre fut déclarée, il émigra et servit un instant dans l’armée des princes en qualité d’aide de camp du prince de Nassau-Siegen. Mais il rentra en France au lendemain du 20 juin pour offrir au roi ses services. Et, le lendemain de son retour, Louis XVI écrivait sur son livre de comptes : Retour et parfaite conduite de M. de Batz à qui je redois 512.000 livres. Chose curieuse et qui donne à réfléchir, Batz, tout royaliste qu’il fût, avait l’entière confiance du ministre girondin Clavière qui le protégea à diverses reprises. Il passa en Angleterre au moment du 10 août, revint en France au début de janvier 1793 et, avec le marquis de la Guiche, essaya de délivrer le roi, le jour même du 21 janvier. Avec une audace incroyable, il traversa la chaussée du boulevard au moment du passage de la voiture qui conduisait Louis XVI à l’échafaud, en criant : Vive le roi ! Il échappa à toutes les recherches. Le procureur général syndic du département de Paris, Lullier, lui était tout acquis. Il s’était procuré en outre des protecteurs dans la police et à la Commune. Au mois de mai 1793, Clavière, qui était encore ministre des Contributions publiques, lui délivrait une attestation de civisme. Il avait alors comme confident et comme secrétaire un ancien agent de Danton, Benoist, compatriote et ami intime de Delaunay d’Angers. Ce Benoist avait été chargé par Dumouriez de missions secrètes en Allemagne auprès de Brunswick à la veille de la déclaration de guerre, puis par Danton à Londres au lendemain du 10 août, et auprès de Brunswick au lendemain de Valmy. Il fut l’intermédiaire entre Batz et les députés d’affaires, la cheville ouvrière du chantage exercé contre les compagnies financières et des opérations de bourse auxquelles ce chantage donna lieu. Vers le milieu du mois d’août, Batz réunit à sa table, dans sa maison de Charonne, ses amis et complices : Chabot, Basire, Delaunay, Julien de Toulouse, Benoist, auxquels il avait joint le littérateur Laharpe, le banquier Duroy et quelques dames : la ci-devant marquise de Janson qui cherchait à sauver la reine, Mme de Beaufort, qui était la maîtresse de Julien, l’actrice Grandmaison, maîtresse du baron et une citoyenne de Beaucaire, maîtresse de Laharpe. Il est probable qu’on ne s’entretint pas seulement d’affaires. Le baron était le fondé de pouvoirs des princes. Il essaya d’intéresser les Conventionnels, ses complices, au salut de la reine et au salut des Girondins. Chabot révéla plus tard qu’il avait offert un million à ceux qui l’aideraient à faire évader la reine et qu’il était secondé par la marquise de Janson. Sur le moment la mèche faillit être éventée. Le 9 septembre, le serrurier Zingrelet révéla, dans une déclaration au commissaire de police de la section du Luxembourg, que se trouvant la veille dans la maison du marquis de La Guiche où il était allé voir un de ses amis, domestique, il avait entendu La Guiche dire à Batz : Mon ami Batz, si la fédération des départements n’est pas soutenue, la France est perdue, la Montagne et les sans-culottes nous égorgeront tous. Alors Batz a dit : J’y sacrifierai jusqu’à mon dernier sol. Il faut à tout prix sauver Guadet, Brissot, Vergniaud et tous nos amis. Bien des départements sont déterminés à nous soutenir, mon plan fera disparaître la Montagne et les coquins de sans-culottes ; et la femme Fontanges dit : Si Batz vient à bout de nos projets, nous aurons sauvé la France. Sur cette dénonciation, on perquisitionna, pour la forme, dans la maison de Batz, à Charonne. On ne trouva rien, bien entendu. Batz en fut quitte pour changer de domicile. On n’arrêta que des comparses. Quant au baron, il continua de voir assidûment les députés ses complices. Chabot nous dit lui-même qu’il reçut sa visite le 19 brumaire.

 

Retenons que l’affaire d’agiotage se doublait d’une intrigue royaliste. Après avoir travaillé pendant deux mois à la Compagnie des Indes, Delaunay présenta, le 8 octobre, un décret qui réglait sa liquidation. Le décret était rédigé de telle sorte qu’il permettait à la compagnie d’éluder le paiement de l’impôt du quart de ses dividendes ainsi que les amendes qu’elle avait encourues pour ses fraudes antérieures. En outre, le décret autorisait la compagnie à se liquider elle-même sous la simple surveillance de commissaires nommés par le ministre des Contributions publiques. Fabre d’Eglantine, qui avait jusque-là combattu la compagnie avec vigueur, s’étonna des ménagements du rapporteur Delaunay et fit voter un amendement qui stipulait que la liquidation serait faite par les agents de l’État et non plus par la compagnie elle-même. Le texte définitif du décret fut renvoyé à la commission pour rédaction. Vingt et un jours plus tard, Fabre d’Eglantine et Delaunay remettaient à Louis du Bas-Rhin, secrétaire de l’Assemblée, un texte définitif qui parut au Bulletin sans que personne remarquât sur le moment qu’il avait subi deux altérations graves, toutes deux à l’avantage de la compagnie. En contradiction formelle avec l’amendement de Fabre d’Eglantine, la liquidation se ferait par les soins de la compagnie. Et, en outre, elle n’aurait à payer que les amendes qu’elle aurait encourues pour les fraudes pour lesquelles elle ne pourrait prouver sa bonne foi.

Pourquoi Fabre avait-il fait volte-face ? Fabre avait très mauvaise réputation. Il avait obtenu du roi en 1789 une sauvegarde pour échapper à ses créanciers. Au moment de l’invasion en 1792, quand il était secrétaire de Danton au ministère de la Justice, il avait passé avec le ministre de la Guerre Servan un marché de souliers dont l’exécution avait motivé de sérieux reproches de son successeur Pache. Il avait maîtresses et équipages. Il fréquentait les banquiers de toute nationalité. Pour expliquer sa signature au bas du faux décret il ne trouvera plus tard, au moment de son procès, qu’une explication dérisoire : c’est qu’il avait signé sans lire !

 

Il résulte des aveux de Chabot et des pièces du dossier que Delaunay et ses associés, Chabot, Basire, Julien de Toulouse, avaient soutiré à la Compagnie des Indes une somme de 500.000 livres pour prix du décret qui lui laissait le soin de se liquider elle-même et qui frustrait le fisc des formidables amendes et des impôts qu’elle aurait dû payer. Au début Fabre d’Eglantine ne faisait pas partie de la bande. Il n’avait pas assisté au dîner du mois d’août chez le baron de Batz à Charonne. Chabot nous dit qu’il spéculait à part et Proli ajoute qu’il prenait conseil d’un banquier d’origine lyonnaise, nommé Levrat. S’il prit d’abord parti contre le décret présenté par Delaunay, nul doute qu’il n’ait voulu le forcer à entrer en composition avec lui. S’il donna finalement sa signature, c’est que Delaunay consentit à lui faire une part dans les 500.000 livres.

Fabre était un habile homme qui possédait plus d’un tour dans son sac. Il voyait qu’Hébert et les Jacobins dénonçaient avec âpreté les fripons de la Convention. Danton lui-même, son ami, avait été attaqué. Il se dit que les hébertistes, ces gêneurs, étaient vulnérables puisqu’ils comptaient dans leurs rangs des sujets étrangers suspects. Fabre, secondé par ses amis du département de Paris, Dufourny et Lullier, prit hardiment l’offensive contre cette avant-garde hébertiste formée d’étrangers. Dufourny lançait, dès la fin de septembre, un mandat d’arrêt contre Proli et contre son intime, Desfieux, qui n’étaient relâchés, le 12 octobre, que grâce à l’intervention de Collot d’Herbois et d’Hérault de Séchelles. Pour détourner les soupçons, Fabre secondait de toutes ses forces le Comité de salut public dans sa lutte contre les sujets ennemis. Alors que Chabot et Delaunay d’Angers s’efforçaient d’empêcher le séquestre de leurs biens, il renchérissait sur Robespierre qui jugeait la mesure indispensable et qui finit par l’obtenir le 10 octobre. Comment après cela soupçonner Fabre de s’entendre avec les banquiers quand il contribuait à faire mettre le scellé sur leurs caisses et sur leurs papiers ? Dans le même temps où il négociait avec Delaunay l’abandon de son opposition au décret de liquidation de la Compagnie des Indes, il s’avisait d’une manœuvre audacieuse qui devait lui assurer la confiance des gouvernants et qui eut d’abord un plein succès. Vers le 12 octobre, il demanda à être entendu par une dizaine de membres des deux Comités de gouvernement, qu’il avait spécialement choisis, Robespierre, Saint-Just, Lebas, Panis, Vadier, Amar, David, Moyse Bayle et Guffoy, et il leur dénonça un grand complot formé contre la République par les révolutionnaires outranciers qui n’étaient, à tout prendre, que des agents de l’ennemi. Il désigna Proli et ses amis, Desfieux, Pereira, Dubuisson, qui surprenaient, à l’en croire, les secrets du gouvernement, qui étaient les inséparables des banquiers les plus dangereux, tels que Walckiers, Simon, De Monts, tous Bruxellois, agents de l’empereur, tels encore que Grenus, de Genève, et Greffuelhe. Il montra Proli et Desfieux inspirant des journaux, qui ont l’air d’être patriotes et qui, à des yeux exercés, ne sont rien moins que cela, comme par exemple le Batave. Puis il s’en prit aux protecteurs des agents de l’étranger qu’il avait dénoncés, à Julien de Toulouse, à Chabot, à Hérault de Séchelles enfin. Les deux premiers n’étaient que des instruments aux mains de Desfieux et de Proli qui avaient traîné Chabot chez le banquier Simon, de Bruxelles et chez ses femmes. Ils avaient marié Chabot avec la sœur d’un certain Junius Frey, lequel ne s’appelle pas ainsi, mais bien le baron de Schœnfeld, lequel est autrichien et a des parents maintenant commandant dans l’armée prussienne. Qu’était-ce que cette dot de 200.000 livres avouée par Chabot, sinon le prix de sa corruption ?

Hérault de Séchelles, d’après Fabre, n’était de même qu’un instrument entre les mains de Proli qui par lui savait tout ce qui se passait au Comité de salut public. Hérault de Séchelles employait à des missions secrètes en pays étranger un tas d’hommes suspects comme Pereira, Dubuisson, Coindre, Lafaye. Fabre insinuait qu’il pourrait bien être lui aussi du complot de l’étranger. Chose curieuse et significative, à laquelle ne prirent pas garde les membres des Comités, Fabre, qui dénonçait si durement Chabot et Julien de Toulouse, ne disait rien de Delaunay d’Angers qui était leur ami et complice. Celui-ci venait de lui faire sa part sur les 500.000 livres de la Compagnie des Indes.

Les membres des Comités étaient tous préparés à recevoir les confidences de Fabre d’Eglantine.

Il y a des factions dans la République, avait dit Saint-Just dans le grand discours où il avait demandé, le 10 octobre, le séquestre des biens des Anglais. Faction de ses ennemis extérieurs, faction des voleurs qui ne la servent que pour sucer ses mamelles mais qui la traînent à sa perte par l’épuisement. Il y a aussi quelques hommes impatients d’arriver aux emplois, de faire parler d’eux et de profiter de la guerre. Et, dans la même séance, répondant à Chabot qui s’était prononcé contre le séquestre, Robespierre avait ajouté : Depuis le commencement de la Révolution, on a dû remarquer qu’il existe en France deux factions bien distinctes, la faction anglo-prussienne et la faction autrichienne, toutes deux réunies contre la République, mais divisées entre elles pour leurs intérêts particuliers. Vous avez déjà porté un grand coup à la faction anglo-prussienne, l’autre n’est pas morte, vous avez à la terrasser. La faction anglo-prussienne, c’était la faction de Brissot qui avait eu la velléité de placer sur le trône de France le duc d’York ou le duc de Brunswick. La faction autrichienne, qu’il fallait terrasser à son tour, c’était la faction des Proli, des Guzman, des Simon, des Frey que Chabot protégeait. Et Robespierre précisait sa pensée : Je me méfie indistinctement de tous ces étrangers dont le visage est couvert du masque du patriotisme et qui s’efforcent de paraître plus républicains et plus énergiques que nous. Ce sont les agents des puissances étrangères ; car je sais bien que nos ennemis n’ont pas manqué de dire : il faut que nos émissaires affectent le patriotisme le plus chaud, le plus exagéré, afin de pouvoir s’insinuer plus aisément dans nos Comités et dans nos assemblées. Ce sont eux qui sèment la discorde, qui rôdent autour des citoyens les plus estimables, autour des législateurs même les plus incorruptibles ; ils emploient le poison du modérantisme et l’art de l’exagération pour suggérer des idées plus ou moins favorables à leurs vues secrètes.

 

Fabre d’Eglantine savait qu’il trouverait des oreilles complaisantes quand il alla révéler à Saint-Just, à Robespierre et à huit de leurs collègues du Comité de sûreté générale le complot de l’étranger. Ceux-ci furent tellement convaincus qu’il disait vrai qu’ils se hâtèrent de mettre en arrestation, le jour même ou les jours suivants, plusieurs meneurs hébertistes ou agents d’Hérault de Séchelles qui leur parurent suspects par l’exagération même de leur patriotisme. Dans le nombre figuraient Louis Comte, un ancien agent du Comité de salut public qui avait dénoncé Danton comme suspect d’intelligences avec les fédéralistes et les royalistes du Calvados ; Maillard, le fameux Tape-dur qui dirigeait depuis le 10 août une police secrète extraordinaire et dont Fabre d’Eglantine redoutait sans doute la surveillance ; l’agitateur Rutledge d’origine anglaise qui avait joué un rôle important au club des Cordeliers et qui connaissait le passé de Fabre d’Eglantine qu’il avait dénoncé autrefois comme un ami de Necker et de Delessart ; le banquier hollandais Van den Yver, qui était le banquier de la Dubarry et l’ami d’Anacharsis Clootz, tous arrêtés les 11 et 12 octobre sur les dénonciations de Fabre.

Robespierre écrivait sur son carnet : Hesse, à Orléans, à destituer. Et le ci-devant prince allemand Charles de Hesse, qui avait donné de tels gages à la Révolution qu’on l’appelait le général Marat, était relevé de son commandement le 13 octobre.

Désormais le complot de l’étranger est à l’ordre du jour des préoccupations gouvernementales.

Robespierre n’avait pas déjà grande confiance dans Hérault de Séchelles qui avait été successivement feuillant, girondin, puis hébertiste. Il connaissait le scepticisme élégant de ce ci-devant très riche et libertin qui s’encanaillait maintenant à hurler avec les démagogues. Hérault n’avait pas seulement commis l’imprudence d’admettre un Proli dans son intimité, de le loger dans sa maison, de le prendre comme secrétaire. Il avait ramené de sa mission en Savoie la brune Adèle de Bellegarde, femme d’un colonel qui servait dans l’armée du roi de Sardaigne. Il favorisait la politique de guerre à outrance chère à Anacharsis Clootz. Robespierre et ses collègues du Comité de salut public furent convaincus que son zèle était suspect. Robespierre écrivit sur son carnet : Infâme violation des secrets du Comité soit de la part des commis, soit de la part d’autres personnes... Chassez surtout le traître qui siégerait dans votre sein. Hérault de Séchelles fut éloigné des délibérations du gouvernement par un arrêté signé de Carnot qui l’envoya en mission dans le Haut-Rhin. Arrivé à Belfort, le 14 brumaire, Hérault voulut entrer en rapports avec ses collègues Saint-Just et Lebas qui venaient d’être envoyés à Strasbourg en mission extraordinaire. Lebas écrivit à Robespierre le 15 brumaire : Hérault vient de nous annoncer qu’il était envoyé dans le département du Haut-Rhin. Il nous propose une correspondance. Notre surprise est extrême... Saint-Just ajouta sur la même lettre : La confiance n’a plus de prix lorsqu’on la partage avec des hommes corrompus. Hérault ne devait plus jamais siéger au Comité de salut public. La dénonciation de Fabre d’Eglantine l’avait tué dans l’esprit de ses collègues.

 

Moins heureux que Fabre d’Eglantine, Basire, Chabot, Julien de Toulouse, ses complices dans la falsification du décret de liquidation de la Compagnie des Indes, étaient presque journellement attaqués aux Jacobins ou dans la presse, Chabot surtout que son mariage autrichien affichait. Le capucin ne vivait plus que dans des transes perpétuelles. Le 14 octobre (23 du premier mois), le Comité de sûreté générale lui avait fait subir un long interrogatoire à propos de la dénonciation qu’avait portée contre lui un employé de l’entreprise d’Espagnac, un certain Rocin qui l’accusait d’avoir favorisé à son détriment les friponneries de ce fournisseur déjà arrêté. Il était interrogé aussi sur le brûlement de ses papiers, sur la mise en liberté des royalistes Dillon et Castellane qu’il avait ordonnée quand il siégeait encore au Comité de sûreté générale, sur ses relations avec les agents de change, sur l’accroissement de sa fortune. Chabot se vit sur les bords de l’abîme. Comprenant que le gouvernement lui était irrémédiablement hostile, il s’efforça de se créer un parti à la Convention en dénonçant les tendances dictatoriales et inquisitoriales des deux Comités de salut public et de sûreté générale. Il remporta d’abord quelques succès.

Le 17 brumaire, jour même de l’abdication de Gobel, Amar, au nom du Comité de sûreté générale, était venu demander à l’Assemblée l’arrestation du député Lecointe-Puyraveau qu’une lettre anonyme, à lui adressée et interceptée par la section de la Halle au Blé, faisait soupçonner d’intelligences avec les Vendéens. Basire, l’ami de Chabot, prit la défense de l’accusé en faisant valoir habilement que si on envoyait un député au tribunal révolutionnaire sur une preuve aussi fragile, il n’y aurait pas un seul Conventionnel qui pût se croire désormais en sûreté. L’Assemblée refusa le vote qu’Amar lui demandait.

Deux jours plus tard, Dubarran, au nom du Comité de sûreté générale, vint demander la mise en accusation du député Osselin sur lequel pesaient des charges accablantes. Bien qu’il eût rédigé la loi contre les émigrés, Osselin avait soustrait à l’application de cette loi une émigrée, la marquise de Charry dont il avait fait sa maîtresse. Il l’avait prise sous sa caution personnelle au temps où il était encore membre du Comité de sûreté générale ; il lui avait procuré ensuite un asile d’abord chez Danton, ensuite chez son frère, curé marié, qui habitait aux environs de Versailles. Les faits étaient si patents et la réputation d’Osselin si mauvaise — c’était un tripoteur avéré — que la mise en accusation cette fois fut votée.

Mais, le lendemain, Chabot, Basire, Thuriot, tous ceux qui avaient été les amis d’Osselin et qui se sentaient aussi coupables que lui retrouvèrent leur courage. Philippeaux, appuyé par Romme, avait proposé que l’Assemblée obligeât tous ses membres à faire connaître l’état de leur fortune depuis la Révolution.

Basire combattit la proposition comme très propre à favoriser les projets des aristocrates et à diviser les patriotes. — Les patriotes, dit-il, ne doivent pas être chicanés, tracassés par des poursuites judiciaires... Il n’y a pas un seul muscadin qui ne se réjouisse de voir monter sur l’échafaud ceux qui ont commencé la Révolution, ceux qui, les premiers, ont jeté les fondements de la liberté. Il s’éleva contre le système de terreur dont on menaçait les patriotes. Sur une intervention de Thuriot, la motion de Philippeaux fut rejetée.

Enhardi par ce premier succès, qui débarrassait les députés d’affaires d’une enquête indiscrète sur leur fortune, Chabot voulut davantage. Il revint sur la mise en accusation d’Osselin votée la veille et demanda qu’aucun député ne pût être envoyé au tribunal révolutionnaire sans être entendu au préalable par l’Assemblée. En termes plus véhéments et plus nets que Basire, il fit à son tour le procès de la tyrannie que les Comités faisaient peser sur les députés. La mort ne saurait m’effrayer ; si ma tête est nécessaire au salut de la République, qu’elle tombe ! Mais ce qui m’importe, c’est que la liberté triomphe, c’est que la terreur n’écrase pas tous les départements, ce qui m’importe, c’est que la Convention discute et non pas qu’elle décrète simplement sur un rapport ; ce qui m’importe, c’est qu’il n’y ait pas toujours qu’un avis sur tous les décrets. Car s’il n’y a pas de côté droit, j’en formerai un à moi seul, dussé-je perdre la tête, afin qu’il y ait une opposition et qu’on ne dise pas que nous rendons des décrets de confiance et sans discussion. Thuriot ne se borna pas à appuyer Chabot. Il s’attaqua, sans les nommer, à Hébert et à ses partisans, à ceux qui prêchaient des maximes qui tendent à anéantir le génie et tout ce qui tient au commerce et à l’industrie, à ces hommes qui veulent se baigner dans le sang de leurs semblables. Après un assez vif débat, la proposition de Chabot fut votée.

 

Ainsi les fripons de la Convention espéraient échapper à la surveillance des Comités qui n’oseraient plus faire arrêter aucun d’entre eux s’il leur fallait chaque fois affronter un débat public et contradictoire devant une Assemblée qui leur manifestait déjà sa défiance.

Mais ils avaient compté sans les Jacobins qui protestèrent le lendemain avec véhémence par la voix de Dufourny, de Montaut, de Renaudin, d’Hébert lui-même contre un vote qui allait assurer l’impunité des fripons et exciter l’audace des contre-révolutionnaires. Chabot, Basire, Thuriot furent l’objet de violentes attaques. Hébert fit décider qu’ils seraient soumis à une commission d’enquête nommée par les Jacobins.

Quand Dubarran et Barère demandèrent à la Convention, les 21 et 22 brumaire, qu’Osselin ne fût pas entendu et que le décret voté le 20 brumaire fût rapporté, ils ne trouvèrent plus de contradicteurs. Thuriot, Chabot, Basire se rétractèrent platement. Thuriot fut expulsé des Jacobins le lendemain 23 brumaire.

Chabot, vert de peur, craignit, il en fait lui-même l’aveu, qu’on ne vînt chez lui opérer une perquisition. Un paquet d’assignats de 100.000 livres que Benoist lui avait remis sur les 500.000 livres versées par la Compagnie des Indes le gênait beaucoup. Il faudrait en expliquer la provenance ! Alors Chabot prit un parti désespéré. Pour se couvrir, il imita, mais maladroitement, Fabre d’Eglantine. Il courut dénoncer ses complices auprès de Robespierre d’abord, puis du Comité de sûreté générale. Il raconta que le baron de Batz et son agent Benoist avaient acheté Delaunay et Julien de Toulouse pour faire chanter la Compagnie des Indes, qu’ils lui avaient remis, à lui Chabot, 100.000 livres pour acheter Fabre d’Eglantine, mais qu’il n’en avait rien fait ; que le baron de Batz stipendiait aussi les hébertistes pour dénoncer les députés qu’il s’efforçait de corrompre. Il insinua qu’Hébert, Dufourny, Lullier, ses propres accusateurs, étaient des agents de Batz. Celui-ci, à l’en croire, ne cherchait pas seulement à s’enrichir. Il voulait renverser la République en déshonorant les députés qu’il aurait corrompus d’abord. Sa conspiration avait deux branches : une branche corruptrice représentée par Delaunay, Benoist, Julien de Toulouse, une branche diffamatrice représentée par les hébertistes. Batz avait essayé déjà de sauver la reine et les Girondins. Chabot n’avait semblé accueillir ses propositions que pour connaître ses projets afin de les dénoncer ensuite. Il avait exposé sa réputation pour sauver la République ! Basire, à son tour, vint confirmer le récit de Chabot au sujet du chantage exercé par Delaunay et Julien de Toulouse sur la Compagnie des Indes sous l’inspiration du baron de Batz. Il mit en cause Danton à diverses reprises, en répétant que Delaunay comptait sur son concours. Mais Basire s’abstint de dénoncer les hébertistes. Chabot avait accusé Hébert d’avoir fait transférer Marie-Antoinette au Temple, à la demande de la ci-devant duchesse de Rochechouart. Il avait représenté toutes les mesures révolutionnaires que les hébertistes avaient exigées et obtenues, telles que le maximum, comme un moyen de dégoûter le peuple de la Révolution et de le pousser à la révolte. Basire s’en tenait à l’affaire d’agiotage.

Les membres des Comités furent convaincus qu’il y avait un grand fonds de vérité dans les récits de Basire et de Chabot. Mais ils ne doutèrent pas non plus que ces deux dénonciateurs, qu’ils surveillaient déjà auparavant, ne fussent aussi coupables que leurs collègues Delaunay et Julien de Toulouse. Ils ordonnèrent leur arrestation à tous les quatre. Ils joignirent au mandat d’arrêt les banquiers de Batz, Benoist, Simon, Duroy et Boyd et le fameux Proli auquel ils accolèrent son ami Dubuisson. Delaunay fut écroué au Luxembourg en même temps que Chabot et Basire. Julien réussit à échapper aux recherches et trouva un asile au siège même du Comité de sûreté générale, chez un commis de ce Comité — ce qui jette d’étranges lueurs sur la manière dont le gouvernement révolutionnaire était servi par ses agents les plus directs. Boyd était déjà en fuite. Batz parvint à dépister la police comme à son ordinaire. Il fila dans le midi de la France. Simon était à Dunkerque, d’où il partit pour Hambourg. On arrêta à sa place le fameux Saint-Simon, le futur théoricien socialiste, qui agiotait sur les biens nationaux avec son ami le comte de Redern sujet prussien. On ne trouva pas Benoist. Proli se tint caché dans les environs de Paris où on ne le découvrit que plus tard.

Il est remarquable que les deux Comités, contrairement à ce que Chabot et Basire espéraient, n’inquiétèrent ni Hébert, ni Dufourny, ni Lullier, ni l’inspirateur et l’ami des deux derniers, Fabre d’Eglantine. Ils furent convaincus au contraire que Fabre, qui avait pourtant signé le faux décret avec Delaunay, était complètement innocent. Et leur conviction se fondait, moins sur l’examen des pièces qu’ils ne regardèrent que distraitement que sur la dénonciation que Fabre avait portée un mois auparavant contre Chabot, contre Hérault de Séchelles, contre les banquiers et agents de l’étranger. Ils crurent naïvement que ce justicier avait été un prophète. Ils ne virent dans les révélations de Chabot et de Basire que la confirmation de ses soupçons. Et, dans leur candeur, ils confièrent à Fabre le soin d’instruire avec Amar l’affaire où il était directement impliqué. Quant à Danton, que Basire surtout avait mis en cause, ils ne cherchèrent pas à l’inquiéter. Au contraire, ils prièrent Basire de supprimer ce qui le concernait dans la mise au net de sa dénonciation.

Ce qui les préoccupa, ce fut moins le côté financier de l’affaire qu’ils négligèrent que son côté politique et patriotique. Ils crurent vraiment à la réalité du complot de l’étranger. Billaud-Varenne, dans son discours du 28 brumaire à la Convention, mit en garde contre l’exaltation malentendue, le zèle astucieusement exagéré de ceux qui semaient la calomnie et la suspicion et qui recevaient l’or de Pitt pour diviser et diffamer les patriotes.

Pas un moment Hébert et ses amis ne songèrent à défendre les Proli, les Desfieux, les Dubuisson que l’infâme Chabot avait dénoncés comme les agents de Pitt. Hébert tremblait pour lui-même, Collot d’Herbois, en mission à Lyon, n’était plus là pour défendre ses amis et les protéger contre les attaques de Chabot. Clootz, qui s’était tu quand on avait arrêté son ami le banquier Van den Yver, ne rompit pas le silence. Personne n’osa douter de la réalité du complot. Le 1er frimaire, Hébert remercia platement Robespierre, aux Jacobins, de l’avoir protégé contre les dénonciations. Il fit mieux : il rétracta ses précédentes attaques contre Danton, et il masqua sa reculade en demandant impérieusement que les complices de Brissot qui vivaient encore, et Mme Elisabeth avec eux, fussent livrés à Fouquier-Tinville. Après lui, Momoro démentit que les Cordeliers aient songé à s’agiter, à s’insurger pour Dubuisson, pour Proli. Et, comme Hébert, Momoro termina par un air de bravoure contre les prêtres : Tant qu’il restera un de ces hommes autrefois si menteurs, qui n’ait pas encore abjuré solennellement ses impostures, il faudra toujours trembler, s’il reste un seul prêtre, puisque maintenant, en changeant de tactique, pour se soutenir ils veulent engager le peuple à soudoyer leurs farces. Il faudra les punir et tout le mal cessera. Hébert et Momoro faisaient la partie belle à Robespierre. Il écarta dédaigneusement leur politique de violences : Est-il vrai que nos plus dangereux ennemis soient les restes impurs de la race de nos tyrans ?... A qui persuadera-t-on que la punition de la méprisable sœur de Capet imposerait plus à nos ennemis que celle de Capet lui-même et de sa méprisable compagne ! Donc pas de guillotinades nouvelles et inutiles ! répondit Robespierre à Hébert, et il répondait ensuite à Momoro : pas de surenchère antireligieuse ! Vous craignez, dites-vous, les prêtres ! Les prêtres craignent bien davantage les progrès de la lumière. Vous avez peur des prêtres ! Et ils s’empressent d’abdiquer leurs titres pour les échanger contre ceux de municipaux, d’administrateurs et même de présidents de sociétés populaires. Croyez seulement à leur amour de la patrie sur la foi de leur abjuration subite, et ils seront très contents de vous... Je ne vois plus qu’un seul moyen de réveiller le fanatisme, c’est d’affecter de croire à sa puissance. Le fanatisme est un animal féroce et capricieux ; il fuyait devant la raison ; poursuivez-le avec de grands cris, il retournera sur ses pas. Et courageusement Robespierre disait leur fait aux déchristianisateurs dont il perçait à jour les calculs démagogiques. Il ne voulait pas que sous prétexte d’abattre le fanatisme, on instituât un fanatisme nouveau. Il désavouait les mascarades anticléricales. Il faisait ressortir les graves dangers de la révolution religieuse. Il affirmait que la Convention ferait respecter la liberté des cultes. Il montrait que la déchristianisation était un coup astucieusement combiné par les lâches émissaires des tyrans étrangers, qui voulaient incendier la France et la rendre odieuse à tous les peuples. Il nomma et exécuta, en une philippique passionnée, ceux qu’il croyait coupables : Proli, Dubuisson, Pereira, Desfieux. Il les fit exclure du club sans que Clootz qui présidait ouvrît la bouche pour leur défense.

L’effet de son discours fut immense. Depuis dix jours la déchristianisation se déployait sans obstacle. Désormais la presse fait volte-face. La Convention retrouve la force de résister à la démagogie. Elle confirmera bientôt expressément, le 18 frimaire, la liberté des cultes.

Les hébertistes s’abandonnèrent. La veille, ils accusaient Basire et Chabot. Et quand Basire et Chabot se dressent en les accusant à leur tour, ils tremblent et se réfugient sous l’égide de Robespierre, qui les protège, mais en les humiliant et en discréditant leur politique.

La dénonciation de Chabot succédant à celle de Fabre d’Eglantine prit de ce fait une énorme importance. Elle va dominer le duel des partis. Elle va exaspérer les haines de toutes les inquiétudes patriotiques. Le Complot de l’Étranger a pris corps. Il sera le chancre rongeur qui dévorera la Montagne.