DANTON ET LA PAIX

 

CHAPITRE V. — LE COMITÉ DE SALUT PUBLIC.

 

 

Danton et les Girondins étaient également compromis avec Dumouriez. La Montagne, qui s'était toujours défiée du général, sortait grandie de l'aventure. Cambon, qui le premier avait dénoncé ses malversations et protesté contre ses allures dictatoriales, devenait le maître de l'heure, l'homme nécessaire. En s'unissant à la Montagne et en lui apportant le renfort des députés indépendants qui le suivaient, il forma la nouvelle majorité qui va désormais gouverner par le moyen du Comité de Salut public, élu le 5 avril. De ce Comité, les Girondins sont exclus, mais Danton y entre avec son fidèle Delacroix. Les autres membres, Cambon, Barère, Delmas, Bréard, Jean de Bry, Guyton de Morveaux et Treilhard, appartiennent tous aux Indépendants. Danton et Delacroix représentent la Montagne. Ils sont le gage de l'entente de la Montagne et des Indépendants.

Ainsi Danton, par son attaque désespérée du 1er avril contre les Girondins, n'avait pas seulement échappé à l'enquête qui venait d'être votée contre lui, il avait encore reconquis la confiance de son parti, qui le porta au gouvernement. Il y resta jusqu'au 10 juillet, pendant trois mois.

A l'intérieur ; les luttes des Girondins et des Montagnards atteignent leur paroxysme. Elles dégénèrent bientôt en guerre civile. Le 29 mai, les sections girondines-de..Lyon renversent la Commune montagnarde dirigée par Chaliei7Ouclques jours plus tard, la Commune montagnarde de Paris environne la Convention et l'oblige, sous les canons d'Hanriot, d'expulser de son sein l'état-major du parti girondin, Après ces journées parisiennes du 31 mai et du 2 juin 1793, l’insurrection fédéraliste éclate dans les départements et double -l'insurrection royaliste de la Vendée. La République tombe dans l'anarchie.

A l'extérieur, les Coalisés, qui ont reconquis toute la Belgique, grâce à la trahison de Dumouriez, assiègent nos places du Nord. Notre armée du Rhin recule sur l'Alsace, abandonnant Mayence, qui capitule à la fin de juillet. Espagnols et Piémontais prennent l'offensive sur les Alpes et sur les Pyrénées.

Plus que jamais, il fallait au gouvernement des hommes de froide résolution et de courage indomptable.

Sans doute, Danton ne domina pas le Comité de Salut public comme il avait régné au Conseil exécutif dans la crise qui suivit le 10 août. Cambon le surveillait. Il occupa néanmoins dans le nouveau gouvernement une place de premier plan. Il fut chargé, avec Barère, de la partie diplomatique, et le faible Barère subit son génie impérieux[1]. A l'heure des victoires, il avait entonné à pleins poumons le couplet des frontières naturelles. Maintenant que les revers commençaient, on pouvait espérer qu'il saurait faire tête à l'orage, qu'il prêcherait la résistance et qu'il n'écouterait pas les timides conseils de ceux qui pensaient à la paix. A la tribune de la Convention, le 27 mars, quand la Belgique était déjà évacuée, il terminait son brûlant discours par cette promesse : La France reprendra sa force, la France redeviendra victorieuse, et bientôt les despotes auront regret de nous avoir. repoussés, car une défaite plus' complète et plus terrible les attend ! Quatre jours plus tard, à la tribune des Jacobins, il s'écriait tragiquement : Les ennemis n'entreront à Paris qu'à travers un monceau de cendres, et, de ma main, secondé par tous les bons citoyens, j'y mettrai le feu plutôt que de le livrer aux Autrichiens !

Hélas ! ces airs de bravoure ne furent que de vaines paroles, que tous les actes de Danton démentirent. Toute son œuvre diplomatique pendant les trois mois qu'il passa au pouvoir se résume d'un mot : la poursuite aussi infructueuse qu'opiniâtre d'une paix insaisissable. A cette poursuite la République ne recueillit que des rebuffades humiliantes, des affronts mérités.

Le jour même où il entrait au Comité du Salut public, Danton fit offrir la paix à l'Autriche, et il employa à cet effet l'aventurier Proli, qui venait précisément de jouer auprès de Dumouriez un rôle très ouche.

Proli, qu'on disait bâtard du prince de Kaunitz, chancelier d'Autriche, et qui passait pour un agent de l'ennemi, ne faisait pas mystère de ses désirs pacifiques. Il avait blâmé la réunion de la Belgique et la propagande. Au cours d'un dîner chez le restaurateur à la mode, Girardin, vers la fin de décembre ou le début de janvier, il avait déjà conseillé à ses convives, jacobins de marque, de faire la paix et, pour les convaincre de cette nécessité, il avait émis des doutes sur la puissance militaire de la France. Puis, il s'était targué auprès d'eux d'être dans le cas d'entamer des négociations avec les puissances et de leur donner le dénouement le plus heureux[2]. Ces propos défaitistes ne l'avaient pas empêché d'être choisi avec Pereira et Dubuisson pour la singulière mission qu'il remplit auprès de Dumouriez, au moment où la trahison de celui-ci était déjà commencée. A son retour de cette mission, il s'était montré plus pessimiste que jamais. Dans une réunion particulière de Jacobins, il avait dit : Vous saurez demain si vous êtes royalistes ou républicains[3], comme s'il désespérait alors non seulement de la victoire, mais de la République, et il avait conseillé à ses auditeurs, à l'exemple de Danton, de se réconcilier avec les Girondins.

Tel est l'homme, sujet autrichien, que Danton choisissait pour être 'son truchement auprès de l'Empereur. Sous sa dictée[4], Proli écrivit à sa mère qui était restée à Bruxelles et qui avait ses entrées chez Mercy-Argenteau comme auprès de Cobourg, la lettre suivante :

Vendredi, 5 avril 1793.

Je retrouve dans toutes vos lettres, chère et bonne maman, l'empreinte de votre âme aimante et tendre. Il n'en est point qui ne contienne à la fois l'expression de vos sentiments maternels et vos vœux pour le retour de la paix. Hé bien ! votre fils partage toutes vos sollicitudes : comme vous, il désire la paix. Si, comme vous et comme lui, la nation française désire la paix, du moins elle veut qu'elle soit honorable ; que, dans tous les points, elle se concilie avec la dignité, avec la majesté d'un souverain composé de 25 millions d'hommes égaux, libres et fiers ; qu'enfin et surtout on reconnaisse préalablement le droit qu'a ce souverain de se donner l'existence politique qui lui plaît. J'aime à croire que, si l'on voulait établir une négociation sur ces bases, les représentants de la nation française ne se refuseraient pas à traiter 'de la paix générale dans un congrès où les plénipotentiaires de la République seraient admis. Montrez ma lettre à ceux qui gouvernent aujourd'hui la Belgique, et, si la maison d'Autriche veut mettre un terme à l'effusion du sang et à la ruine de ses finances, qu'elle ratifie la trêve arrêtée par le traître Dumouriez ; que cette suspension d'armes se prolonge de l'aveu des gouvernements français et autrichien, et que ce dernier envoie sur-le-champ un négociateur aux frontières ; si cette ouverture, que je crois pouvoir faire, est accueillie, sur votre réponse, deux causeurs politiques se rendront de Paris à la frontière de Belgique pour y déterminer, de concert avec le négociateur autrichien, les bases sur lesquelles pourra s'ouvrir une négociation plus officielle et plus explicite.

Je vous en ai dit assez. Je mesurerai le degré d'importance que le gouvernement autrichien aura attachée aux ouvertures que je vous fais par le plus ou moins de promptitude de votre réponse. Ma lettre vous parviendra par un courrier extraordinaire. Je vous embrasse. Mon adresse est au lit.

PROLI.

Rue et Hôtel du Bouloy[5].

 

Ainsi, le jour même où Danton entre en fonctions, il ne pense qu'à offrir la paix à l'Autriche. Pour en faire l'ouverture, il choisit un sujet ennemi, et celui-ci présente la négociation qu'il engage comme une suite de celle que Dumouriez a entreprise avec Cobourg, au moment de sa trahison ! Danton diplomate est le continuateur de Dumouriez !

Tellement sa hâte d'obtenir la paix est grande, Danton ne se borne pas à l'offrir aux Autrichiens par le canal de Proli, il emploie parallèlement à cette besogne les bons offices du général Dampierre, qui vient de succéder à Dumouriez dans le commandement de l'armée du Nord. Dampierre était l'ami de Danton. Ci-devant seigneur et fort riche, il avait avancé une partie du cautionnement d'un parent de Danton, Courtois, quand celui-ci avait été nommé trésorier du district d'Arcis[6]. Courtois, reconnaissant avait fait l'impossible pour faire nommer Dampierre à la Convention. Il avait échoué, mais Dampierre avait gardé avec Danton les meilleures relations . II lui dut peut-être sa nomination de commandant en chef. Quand il tomba, mortellement frappé, le 8 mai 1793, au combat de Raismes, Danton pleura sa perte et défendit sa mémoire[7].

Comme beaucoup de généraux de cette époque, Dampierre ne s'interdisait pas des incursions dans la politique et même dans la diplomatie. Plusieurs de ses lettres figurent dans la correspondance de l'agent de Pitt, W. A. Miles, qu'il avait connu à Paris. Il avait écrit à ce dernier, le 17 décembre 1792, pour blâmer les exigences du Conseil exécutif à l'égard de l'Angleterre et pour critiquer la conduite de notre ambassadeur Chauvelin, qui était en même temps à cette époque l'objet des critiques de l'ami de Danton François Noël[8].

Quand Dampierre reçut, le 7 avril, la communication du général autrichien Clerfayt, qui l'avertissait que la suspension d'armes convenue avec Dumouriez expirerait dans les vingt-quatre heures, il répondit le lendemain, 8 avril, en ces termes : Général, il serait petit-être utile que la trêve, que Dumouriez avait conclue avec vous, subsistât encore, et il serait alors possible de relâcher les personnes que le pouvoir exécutif a dû faire arrêter. En continuant la suspension d'armes, j'enverrais à Paris entamer une négociation et proposer l'échange des quatre députés de la Convention nationale et du ministre Beurnonville avec ces mêmes personnes détenues présentement à Paris. Je serais charmé de reprendre des négociations qui assurassent la gloire des deux armées, le repos et la tranquillité de l'Empire et de la République française[9]. Bien que Dampierre n'eût pas désigné par leurs noms, les personnes détenues à Paris, dont il proposait l'échange contre les otages livrés par Dumouriez aux Autrichiens, il était clair qu'il s'agissait de la reine et de la famille royale. L'échange, sa lettre le disait nettement, ne devait être que le prélude des propositions de paix.

Il n'est pas douteux que Dampierre, comme Proli, n'avait agi que sur l'invitation de Danton. Le peintre Sambat, ancien ami de Danton et de Proli, déposera au procès d'Hébert qu'il avait été trouvé dans la poche de Dampierre, au moment de sa mort, une lettre de Proli qui traitait de négociations de paix.

Proli, qui était un bavard intempérant, ne sut pas garder le secret. Dès le.12 avril, les Jacobins s'émurent des bruits qui circulaient. Hassenfratz exprima son mécontentement du projet qu'on prêtait, disait-il, à Barère, de vouloir proposer dans le Comité de Salut public d'entamer des négociations de paix avec les tyrans étrangers. Le lendemain, la question était portée par Robespierre à la tribune de la Convention. On venait de lire une lettre des représentants à l'armée du Nord, Dubois du Bais et Briez, qui adressaient à l'Assemblée un paquet de proclamations que le prince de Cobourg leur avait fait remettre en même temps qu'une lettre pour le général Dampierre. Plusieurs membres avaient demandé la lecture des pièces. Robespierre se leva : Je m'oppose à la lecture de la proclamation de Cobourg et en général d'aucunes pièces envoyées par les généraux ennemis. Voici ma raison. Quoique les propositions de transactions soient d'abord rejetées avec horreur, il est des esprits qui, à force de les entendre répéter, pourraient s'y accoutumer, et je ne serai point accusé de concevoir de vaines terreurs par tous ceux qui sauront que déjà des propositions de transactions ont été faites par des rebelles, qui sauront que l'aristocratie, même bourgeoise, se propose d'y entendre. Il est temps d'étouffer ces idées dangereuses ; car il y a en France non seulement des aristocrates, niais de ces lâches égoïstes qui sont prêts à sacrifier la cause du peuple à leurs molles jouissances. Robespierre conclut cet anathème aux défaitistes en proposant, pour leur ôter tout espoir, de décréter la peine de mort contre quiconque proposerait, de quelque manière que ce soit, de transiger avec les ennemis ; mais ce n'est pas assez, dit-il, de la peine de mort ; telle est l'importance de la mesure qu'il faut prendre à cet égard que je demande qu'il soit mis hors de la loi. Robespierre fut applaudi et Camille Desmoulins l'appuya : Je demande que nos généraux ne puissent correspondre avec l'ennemi ; je demande qu'ils ne puissent ouvrir aucun paquet venant de l'ennemi sans la présence de deux commissaires. L'exemple de Dumouriez doit nous servir de leçon.

Alors Danton, dont toute la diplomatie était mise en question et même anéantie par la motion de Robespierre, monta à la tribune pour donner l'avis du gouvernement. Il déploya pour le faire échouer, ou tout au moins pour en détourner la portée, une habileté consommée. Il eut l'air tout d'abord d'applaudir à l'opinion de Robespierre. Il ne voulait que la préciser. Il était d'avis lui aussi qu'on devait décréter la peine de mort contre les lâches qui transigeraient, mais il excepta aussitôt les négociateurs qui poseraient à l'ennemi cette condition préliminaire qu'il reconnaîtrait, avant tout pourparler, la souveraineté du peuple. Il est temps, continua-t-il, que la Convention nationale fasse connaître à l'Europe qu'elle sait allier la politique aux vertus républicaines. Nous touchons au moment où il faut dégager la liberté pour mieux la préserver de tous les enthousiasmes. Et il se mit à faire une critique spirituelle du décret du 19 novembre, par lequel la République avait promis secours à tous les peuples qui s'insurgeraient contre leurs tyrans. Il ne se souvenait plus que naguère encore il voulait transformer la Convention en un Comité d'insurrection contre les rois. Ce décret semblerait engager à secourir quelques patriotes qui voudraient faire une révolution en Chine. Il faut avant tout songer à la conservation de notre corps politique et fonder la grandeur française. Il conclut, après cette profession de foi d'égoïsme sacré : Décrétons que nous ne nous mêlerons pas de ce qui se passe chez nos voisins, mais décrétons aussi que la République vivra et condamnons à mort celui qui proposerait une transaction autre que celle qui aurait pour base les principes de notre liberté.

Cette politique soi-disant réaliste fut saluée d'une double salve d'applaudissements par tous ceux qui, depuis les défaites de Belgique, étaient prêts à liquider la guerre, en sacrifiant les frontières naturelles et les peuples affranchis. Ils étaient nombreux alors. Quand Barbaroux voulut mettre la Convention en contradiction avec elle-même, quand il fit observer, à l'adresse de Danton, qu'un usurpateur pourrait faire reconnaître aux ennemis extérieurs la souveraineté du peuple, l'unité et l'indivisibilité de la République, tous les principes enfin qui doivent assurer notre liberté, et s'en jouer ensuite, et qu'il demanda que le traité de paix à intervenir fût ratifié par le peuple, il fut très mal accueilli et, d'enthousiasme, l'Assemblée vota la motion de Danton : La Convention nationale déclare, au nom du peuple français, qu'elle ne s'immiscera en aucune manière dans le Gouvernement des autres puissances ; mais elle déclare en même temps qu'elle s'ensevelira plutôt sous ses propres ruines que de souffrir qu'aucune puissance s'immisce dans le régime intérieur de la République et influence la création de la Constitution qu'elle veut se donner. La Convention décrète la peine de mort contre quiconque proposerait de négocier ou de traiter avec des puissances ennemies qui n'auraient pas préalablement reconnu solennellement l'indépendance de la nation française, sa souveraineté, l'indivisibilité et l'unité de la République, fondée sur la liberté et l'égalité.

D'une brève intervention, Robespierre montra que ce texte permettait de traiter aux dépens des Belges, des Rhénans, des Savoisiens, des Niçards, qui avaient cru à nos promesses. Il demanda qu'on amendât le décret, de telle sorte que les négociations ne pussent leur porter préjudice. Delacroix, l'ami de Danton, essaya d'écarter l'amendement comme inutile ; les pays ayant été réunis à la République continuaient d'en faire partie. Les défaitistes réclamèrent l'ordre du jour pur et simple. Mais le girondin Ducos s'y opposa : Vous avez engagé la foi de la nation française à ces peuples, et vous ne pouvez rendre la nation parjure. Puis Ducos montra que le vote de l'ordre du jour pur et simple créerait dans les pays encore occupés par nos armes l'agitation la plus dangereuse : Vos armées sont dans ces pays et vous ne doutez pas qu'il n'y existe quantité de personnes ennemies de votre révolution. Doutez-vous qu'elles ne profitent de cette déloyauté, j'oserai même dire de cette trahison, pour exaspérer le peuple ; et vous au lieu de conserver ces contrées à la liberté, vous les verrez retomber sous le despotisme qui, après en avoir fait le tombeau de nos armées, s'ouvrira facilement les barrières de la République. L'Assemblée se rangea à l'avis de Ducos et de Robespierre. Les droits des peuples réunis ne pourraient être sacrifiés par les négociateurs.

C'était mal connaître Danton que de s'imaginer qu'il pourrait être retenu dans sa poursuite de la paix par l'obligation de ne pas abandonner ces frontières naturelles qu'il avait revendiquées quelques semaines auparavant avec une impérieuse superbe. Il interpréta le décret du 13 avril comme un blanc-seing pour les négociations commencées qui ne pouvaient aboutir qu'à un échec complet, car elles devaient être considérées par les Alliés comme une preuve sans réplique du peu de confiance des gouvernants de la République dans la victoire de leurs armes.

Au moment de la trahison de Dumouriez, le naïf prince de Cobourg avait cru pouvoir promettre, dans une proclamation du 5 avril, qu'il ne poursuivrait en France que le rétablissement de l'ordre et de la Constitution monarchique de 1791. Il avait donné sa parole d'honneur qu'il rendrait les places occupées aussitôt que le Gouvernement qui serait établi en France ou le brave général Dumouriez le demanderait[10]. Ses imprudents engagements avaient soulevé l'indignation des gouvernements coalisés. qui entendaient s'indemniser aux dépens de notre territoire et prendre des garanties, autrement dit faire des conquêtes. La conférence d'Anvers du 7 avril fut unanime à désavouer Cobourg, qui dut retirer toutes ses promesses dans une nouvelle proclamation, en date du g avril, dans laquelle il déclarait la suspension d'armes rompue[11].

Les pourparlers entamés par Danton continuèrent quelque temps encore aux avant-postes. Le 12 avril, Cobourg avait écrit à Briez et à Dubois du Bais pour prendre devant eux la défense de Dumouriez, qu'ils avaient accusé de trahison. Les deux commissaires firent au général ennemi une longue réponse qui indigna la Convention quand elle en prit connaissance, le 15 avril. Un décret formel blâma Briez et Dubois du Bais pour avoir abaissé la dignité nationale en engageant avec l'ennemi une conversation politique sur nos affaires intérieures. Après l'épouvante des premiers jours, l'Assemblée se ressaisissait. Elle craignait maintenant d'affaiblir le moral des troupes et de la Nation en semblant implorer la paix.

Le 13 avril encore, l'adjudant-général Chérin eut une entrevue avec le prince de Cobourg et le colonel Mack. Ceux-ci lui déclarèrent que, si la France acceptait le retour à la Constitution monarchique de 1791 et l'abandon des conquêtes, elle pourrait sans doute obtenir la paix. Des communications du même ordre eurent lieu à l'armée du Rhin entre Custine et Wurmser. Le 11 avril, dit M. Aulard d'après les Archives des Affaires étrangères, en transmettant à Brunswick et, à Wurmser le décret du 5 par lequel la Convention prenait des otages allemands pour garantir la sûreté des personnes livrées par Dumouriez, Custine exprimait aux généraux ennemis le désir d'avoir de fréquentes occasions de converser avec eux. Wurmser répondit aussitôt avec un ton courtois, et l'aide de camp qui apporta sa lettre à Custine, le 13 avril, déclara que Wurmser, dans son particulier, désirait voir cesser la plaie de la guerre et qu'il était persuadé aussi que Sa Majesté Impériale partagerait ses désirs et ses sentiments. Custine retint l'aide de camp à souper, causa longuement avec lui et lui affirma qu'il n'attendait que la réponse du duc de Brunswick pour demander des instructions à son gouvernement[12]. Wurmser envoya la lettre de Custine au président du Conseil de guerre à Vienne[13]. Quand on parcourt la correspondance officielle, nul doute que Custine, comme Dampierre, n'ait agi d'après les instructions du Conseil exécutif dûment autorisé par le Comité de Salut public, c'est-à-dire par Danton et Barère.

Prenant ses désirs pour des réalités, le ministre des Affaires étrangères, Lebrun, se flattait que l'Autriche ne tarderait pas à souhaiter la paix[14]. Illusions puériles qui dénotaient une absence rare d'élémentaire psychologie ! L'Autriche, grisée par ses succès, formulait dès le 25 mars des buts de guerre qu'aucun gouvernement français ne pouvait accepter ; elle exigeait que la France abandonnât toutes ses conquêtes, même Avignon ; qu'elle livrât en outre ses forteresses du Nord, avec lesquelles on formerait une solide barrière pour la défense des Pays-Bas, dont la frontière serait reculée jusqu'à la Somme ; enfin que, pour protéger l'Allemagne, l'Alsace et la Lorraine fissent retour à l'Empire jusqu'à la Moselle[15].

L'Empereur François ne se bornait pas à désavouer Cobourg, il lui interdisait à l'avenir tout empiètement sur le terrain diplomatique, et il nommait auprès de lui, à poste fixe, pour diriger la partie politique des opérations, l'ancien ambassadeur à Paris Mercy-Argenteau. En attendant l'arrivée de celui-ci, qui était à Londres, Cobourg ne devait donner aucune suite à la négociation engagée par Dampierre. Si Dampierre, ajoutait-il, remettait sur le tapis l'idée d'échanger la reine et la famille royale contre Beurnonville et les quatre commissaires, vous pourriez lui laisser entrevoir que ce projet serait peut-être goûté si la proposition était faite sous une forme valable et par des gens qui ont en mains le pouvoir de l'exécuter[16]. Le neveu faisait assez bon marché de la liberté de sa tante Marie-Antoinette. Il entendait ne pas sacrifier les intérêts de sa famille à ceux de son État. En affectant de croire que le Comité de Salut public n'avait pas le pouvoir de tenir ses promesses, il rendait impossible tout pourparler ultérieur même sur ce sujet limité de l'échange des otages. Et c'était bien ce qu'il voulait, car il pressait en même temps Cobourg de pousser les opérations militaires avec la dernière énergie : Le seul but vers lequel doivent tendre tous nos soins, c'est de profiter de la confusion et de la désunion qui règnent en France pour vous emparer des forteresses, de s'établir d'une manière solide sur le territoire ennemi et y porter mes armes aussi loin que possible, sans vous arrêter à prêter l'oreille à aucune proposition autre que celles qui vous procureraient la possession immédiate de quelque forteresse ou d'autres avantages importants propres à faciliter et assurer le progrès de vos opérations. Ce n'est qu'en poussant la guerre avec la plus grande vigueur qu'on parviendra à une paix prompte et honorable[17]. Des instructions analogues furent envoyées à Wurmser. Heureusement pour la France, les généraux ennemis s'attardèrent à une guerre de sièges faite selon les règles !

Les admirateurs de Danton s'embarrassent peu des contradictions de sa politique étrangère. Quand ils ne les mettent pas tout bonnement sur le compte du réalisme de leur héros, qui s'accommodait des circonstances, ils applaudissent à sa roublardise. En demandant la paix au lendemain de la trahison de Dumouriez, Danton ne désirait pas l'obtenir, à les en croire. Il voulait seulement, par cette feinte, amuser l'ennemi, retarder sa marche afin de gagner un temps précieux qui serait utilisé pour réorganiser l'armée et mettre la frontière en état de défense. Cette indulgente interprétation oublie peut-être que déjà après Valmy Danton avait négocié avec les Prussiens et qu'au lieu de les amuser, il les avait sauvés. Mais surtout elle ne s'accorde pas du tout avec les faits et avec les documents.

Si l'offensive pacifique tentée par Danton au début d'avril n'avait été dans sa pensée qu'un expédient, il y aurait vite renoncé dès qu'il aurait compris qu'elle ne menait à rien. Or il persista à réclamer la paix même contre toute espérance, et, chose plus grave, il abjura pour toujours la politique belliqueuse et conquérante dont il s'était montré le champion pendant l'intervalle où il avait quitté le pouvoir. Il resta désormais jusqu'à la fin, jusqu'à l'échafaud, l'homme de la paix, l'espoir de tous les défaitistes.

L'histoire de son passage au Comité de Salut public est l'histoire d'une poursuite perpétuelle de la paix aussi vaine qu'humiliante. Il ne s'adresse pas seulement à l'Autriche, mais à toutes les autres puissances belligérantes.

Dès le 2 avril, le Conseil exécutif essayait d'entamer des pourparlers avec l'Angleterre par le moyen d'un aventurier assez mystérieux nommé James Ïilly Matthews, qui se prétendait par sa mère issu d'une famille protestante française chassée par la révocation de l'édit de Nantes. Dans des lettres confiées à ce personnage, Lebrun demandait à Grenville un passeport et un sauf-conduit pour un négociateur qu'il enverrait à Londres muni de pleins pouvoirs. Ce négociateur devait être Maret, qui avait déjà été employé à des missions de ce genre en Angleterre[18]. Quand Matthews voulut passer le détroit, il fut arrêté à Boulogne par une municipalité soupçonneuse, qui ne le laissa continuer. son voyage que sur l'ordre formel du Comité de Salut public. Grenville n'eut aucun égard aux propositions françaises d'accommodement. Il répondit durement, le 18 mai, qu'Une pouvait recevoir aucun agent de la part de la France avant d'être assuré que celle-ci avait entièrement changé de principes et de conduite à l'égard des autres nations. Il ajouta qu'il ne pouvait pas, pour le moment, reconnaître la République et qu'il n'accepterait de négocier avec elle qu'autant qu'elle consentirait à accorder aux Alliés une juste satisfaction, sûreté et indemnisation. En rapportant cette réponse, Matthews demanda pour prix de ses services une somme invraisemblable, la cession d'un bien national et le titre de consul de France à Londres. Au lieu de l'éconduire avec indignation, Danton et Barère continuèrent à l'employer. Lebrun fut autorisé à faire une nouvelle tentative auprès de Grenville. Il lui fit passer par le même canal une nouvelle lettre plus humiliante encore que la première, où il n'exigeait plus comme préliminaire des négociations la reconnaissance de la République, mais où il affectait de considérer cette reconnaissance comme une vaine étiquette de cour. Grenville ayant déclaré dans sa réponse que ces communications pourraient lui être adressées par le moyen des généraux, Lebrun saisissait la balle au bond : La République, disait-il, est tellement au-dessus de ces formes qui entravent les communications entre les différentes contrées de l'Europe qu'elle n'est aucunement éloignée d'adopter le mode que vous proposez à cet égard, quoiqu'il soit moins propre à terminer d'une manière satisfaisante le différend qui s'est élevé entre les gouvernements respectifs[19]. Avec l'approbation expresse du Comité de Salut public, il fut décidé qu'on enverrait à l'armée du Nord deux commissaires, Forster et Pétry, pour négocier en apparence un cartel d'échange de prisonniers et, en réalité, pour s'aboucher officieusement avec les généraux anglais. Leur départ tarda. Ils étaient encore à Paris quand Danton tomba du pouvoir le 10 juillet. Le nouveau Comité de Salut public, le Comité Robespierre, modifia leurs instructions et exigea qu'avant tout pourparler les Anglais reconnussent la République. Forster et Pétry ne purent même pas se mettre en rapport avec les Anglais.

En négociant avec l'Angleterre et avec l'Autriche, Danton n'avait pas oublié la Prusse. Comme au lendemain de Valmy, il espérait toujours la détacher de l'Autriche.

Pour reprendre avec elle les pourparlers interrompus, il s'avisa de mettre un de ses clients, Félix Desportes, en rapport avec le baron d'Esebeck, ministre du duc des Deux-Ponts, qui était alors retenu prisonnier à Metz. Desportes, qui avait été antérieurement accrédité comme agent diplomatique auprès de la Cour des Deux-Ponts, rendit visite à d'Esebeck au mois de mai 1793, et il lui promit la liberté s'il voulait l'aider à nouer des pourparlers avec les princes allemands. Desportes ne fut pas seul employé à cette mission. L'ami de Proli, Dubuisson, fut aussi envoyé à Metz par ordre du ministre Lebrun, le 4 mai 1793[20]. Dubuisson expliquera plus tard, quand il sera mis en prison comme agent de l'ennemi, que sa mission échoua par la faute des représentants à l'armée de la Moselle, qui s'opposèrent à la mise en liberté du baron d'Esebeck[21]. Desportes, lui, ne se décourageait pas. Il demandait au roi de Prusse un sauf-conduit pour voyager en Allemagne, et le sauf-conduit lui fut accordé au début de juin. Le baron de Luxembourg, un des chambellans de Frédéric-Guillaume, fut envoyé à Metz, en apparence pour visiter le baron d'Esebeck, en fait pour conférer avec Desportes. Mais tout se passa en compliments et en promesses vagues. La négociation non seulement n'aboutit à rien, mais ne put même pas s'ébaucher.

De guerre lasse, Danton s'efforçait entre temps de chercher des alliances, ou tout au moins d'obtenir des neutres leur concours pour frayer un chemin vers la paix. Il fit décider que Maret serait envoyé à Naples et Sémonville à Florence. Le choix de ces deux hommes était très significatif. Maret avait déjà été employé avec Noël à des missions confidentielles en Angleterre. Il était du secret de Danton. Quant à Sémonville, ce ci-devant était un ancien agent de Mirabeau, qui avait été chargé avec Talon de la distribution des fonds de la liste civile. Certains documents de l'armoire de fer le compromettaient. Avant de lui confier la mission d'aller à Florence représenter la France auprès du grand-duc de Toscane, le Comité de Salut public chargea Danton de l'interroger, de l'enquêter et de prononcer sur son civisme. Scène de haute comédie ! Danton avait fait partie de l'atelier de police dont Sémonville et Talon étaient les chefs ! L'absolution ne pouvait faire doute et fut accordée comme bien on pense. Maret et Semonville emportèrent, outre leurs instructions écrites[22], des instructions orales et secrètes qui leur permettaient d'offrir à la Toscane et aux Deux-Siciles, pour prix de leur concours en vue de la paix, la sûreté de la reine et de sa famille[23]. Cette mission finit avant d'avoir commencé. Les deux négociateurs furent enlevés par ordre de l'Autriche à leur passage dans la Valteline, le 24 juillet 1793, et retenus prisonniers à Milan. Avec Sémonville, avait été arrêté son secrétaire de légation, Mergez, cousin de Danton[24].

Une seule des multiples négociations engagées par le premier Comité de Salut public, qu'on a nommé le Comité Danton, parut donner un moment quelques résultats. Ce fut un projet d'alliance avec la Suède. La mort de Gustave III avait changé toute la politique de ce pays. Le régent Charles de Sudermanie renvoya à Paris son ambassadeur le baron de Staël, époux de la fille de Necker, pour obtenir des subsides qui lui permettraient de défendre sa neutralité contre la Russie. Staël, bien accueilli par Danton et par Lebrun, parvint à conclure, le 16 mai 1793, un projet de traité d'alliance qu'il expédia à Stockholm par un courrier extraordinaire. La France s'engageait à fournir à son alliée un subside de 10 millions qui serait porté à 18 si la Suède était attaquée[25]. En échange, la Suède devait mettre sous les armes, 60.000 hommes et équiper 15 vaisseaux de ligne et 12 frégates. Au dernier moment pourtant, tout fut remis en question. Le régent de Suède craignit d'être entraîné dans la guerre. Pour se dispenser de ratifier le traité, il émit une prétention qu'il savait inadmissible, la mise en liberté de la famille royale.

Barère raconte, dans ses Mémoires[26], que Danton fut le principal auteur du traité mort-né passé avec la Suède : Quoique mon collègue, dit-il, eût un air de bonhomie et de rondeur dans les affaires, je me défiai de lui, sachant qu'il aimait beaucoup les finances et ne voulant rien avoir à faire dans cette partie délicate, où l'on peut être très facilement soupçonné de corruption et de partage... Aux instances de Danton qui lui vantait le merveilleux projet d'alliance, il aurait répondu : Je ne suis pas de votre avis. M. de Staël est le gendre de M. Necker, avec qui il ne cesse de correspondre à Coppet. C'est connu. M. Necker et sa fille, Mme de Staël, sont bien plus Anglais que Français ; cette proposition d'alliance et de coopération maritime pour le prix de quelques millions est une spéculation fiscale plutôt qu'une opération diplomatique. Je ne vous cache point ma façon de penser : je suis contre la proposition... Barère aurait d'abord réussi à faire ajourner le projet[27], mais Danton serait revenu à la charge. Pour triompher des hésitations de Barère, il aurait proposé de faire repartir Staël pour Stockholm avec la mission de faire préciser le délai dans lequel la Suède serait tenue de terminer ses armements. Il aurait demandé en même temps au Comité d'accorder à l'ambassadeur une avance de 600.000 francs qui serviraient à acheter à Stockholm les concours nécessaires. Barère aurait laissé à Danton la responsabilité de cette dernière proposition et Danton l'aurait fait adopter par le Comité, en l'absence de Barère. Barère ajoute encore : M. de Staël partit, il est vrai, de Paris, mais il ne dépassa jamais le lac de Genève... Plus jamais on n'entendit parler de la négociation de cette prétendue coopération navale de la Suède. Barère insinue clairement que Danton et Staël se partagèrent la somme.

Ceux-là seuls pour qui la vertu de Danton est un article de foi refuseront de prendre en considération les allégations de Barère. Il n'est pas douteux cependant qu'une avance de 300.000 livres ait été consentie au baron de Staël. Cela ressort d'une lettre de notre envoyé en Suède, Verninac, en date du 19 juillet 1793. Le même Verninac ajoute que le Gouvernement français avait promis verbalement à Staël de lui donner un acompte de 1.200.000 livres destiné à nous rendre favorables les membres du cabinet suédois[28]. L'argent est-il arrivé à destination ? Staël l'a-t-il gardé pour lui ? En a-t-il fait profiter Danton ? Laissons à Barère la responsabilité de ses insinuations, mais ajoutons que, dès l'an III, bien avant qu'il n'écrivît ses Mémoires, Barère ne cessait de représenter Danton, dans son compte rendu à ses commettants, comme un homme d'argent : Danton, dit-il, qui ne connaissait d'autre moyen de gouverner que par la corruption et l'argent...[29] Il faut avouer que tout ce que nous connaissons de Danton n'est pas de nature à faire rejeter le témoignage de Barère.

Les pourparlers engagés par Danton avec les puissances avaient beau être entourés de mystère. Il fut impossible d'en cacher entièrement l'existence. La légion d'aventuriers qui y étaient employés aimait à se donner de l'importance[30]. Ils causèrent. La partie saine de la Convention ne tarda pas à manifester à l'égard de la diplomatie occulte du Comité de Salut public une défiance de plus en plus vive, dont il n'est pas difficile de retrouver les signes et les symptômes.

Ce n'étaient pas seulement les révolutionnaires restés fidèles au propagandisme, comme Anacharsis Cloots, le 26 avril 1793, qui déclaraient à la tribune qu'on ne devait traiter avec les tyrans qu'après les avoir vaincus, plus d'un Montagnard, même de ceux qui désavouaient le propagandisme, comme Robespierre, se mirent à blâmer les imprudentes et vaines initiatives du Comité de Salut public.

Le 24 avril 1793, Robespierre proposa d'insérer dans l'acte constitutionnel quatre articles qui pouvaient avoir l'inconvénient, dit-il ironiquement, de nous brouiller avec les rois sans retour : J'avoue que cet inconvénient ne m'effraie pas ! Ces articles, qui d'ailleurs furent rejetés, étaient ainsi conçus :

I. Les hommes de tous les pays sont frères, et les différents peuples doivent s'entr'aider, selon leur pouvoir, comme les citoyens du même État.

II. Celui qui opprime une Nation se déclare l'ennemi de toutes.

III. Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l'homme doivent être poursuivis par tous, non comme des ennemis ordinaires, mais comme des assassins et des brigands rebelles.

IV. Les rois, les aristocrates, les tyrans, quels qu'ils soient, sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre, qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers, qui est la nature.

 

Ces articles, qui étaient comme l'esquisse d'une société des nations, mais où n'entreraient que des nations affranchies, étaient nécessairement une critique indirecte des négociations entamées avec les despotes.

Sentant l'opposition grandir, le Comité de Salut public s'efforça de la désarmer. Le jour même où Robespierre faisait sa proposition, qui était comme un sabot à tout pourparler, Barère donna lecture d'une proclamation que le Comité adressait aux armées pour démentir les bruits de paix. A l'en croire, ceux qui répandaient ces bruits étaient des mauvais citoyens ou des agents de l'ennemi qui voulaient ébranler le courage des soldats : Les représentants du peuple sauront bien saisir le moment d'une paix honorable et digne de la République ; mais c'est votre constance, c'est votre indignation contre les traîtres, c'est son triomphe qui nous donneront la paix. Pour y parvenir, il faut combattre ; et bientôt nos ennemis, épuisés devant nos places fortes, s'estimeront heureux de l'obtenir. Ils vous parlent de paix et ils font une guerre atroce ; ils prennent le rôle de pacificateurs, et ils agissent comme des cannibales ; ils vous parlent de l'honneur national, et ils violent tous les droits des nations. Les perfides ! Ils vous parlaient aussi de paix, lorsque, le 13 avril, dans la forêt de Saint-Amand, leurs soldats vous embrassaient pour massacrer ensuite votre avant-garde. Leur cri est la paix et la royauté, le vôtre doit être la République et la guerre !

Le même Barère, dans son discours du 3 mai, déclarait avec une tranquille audace que le gouvernement français laissait aux coalitions despotiques l'initiative de la paix, alors qu'il faisait ou laissait écrire à Lebrun les lettres humiliantes qu'on a lues.

Le Comité Danton n'avait pas le courage de prendre/ la responsabilité de sa diplomatie véritable. Ses actes secrets démentaient continuellement ses déclarations ; publiques. Il avait beau proclamer à la tribune qu'il ne poursuivait que la victoire, il ne croyait pas à \ cette victoire. Ses partisans étaient réellement, dans le fond de leur âme, des défaitistes, comme nous disons aujourd'hui. Tel ce Thomas Paine, que la Législative avait fait citoyen français et que les électeurs de quatre départements avaient envoyé siéger à la Convention. Il écrivait à Danton, son ami, à la date du 6 mai, trois jours après la carmagnole de Barère : Aujourd'hui, après six ans d'attente, je désespère de voir accomplir le grand œuvre de la liberté européenne ! Ce ne sont ni les puissances étrangères coalisées, ni les intrigues des aristocrates et des prêtres qui m'ôtent l'espérance, mais bien la manière tumultueuse dont on conduit les affaires intérieures de la Révolution... Tout ce qu'on peut attendre de mieux maintenant ne se rapporte plus qu'à la France, et je me suis trouvé parfaitement d'accord avec vous quand vous avez proposé de n'intervenir dans le gouvernement d'aucune nation étrangère et de ne pas souffrir qu'aucun pays étranger n'intervienne dans le gouvernement de la France... Le décret rendu à ce sujet était un acte préalable nécessaire pour le rétablissement de la paix. Après ces aveux d'une franchise méritoire, Paine remarquait que les Alliés n'avaient encore reconnu ni Monsieur ni d'Artois comme régents, ce qui laissait l'espoir d'une paix qui n'exigerait pas le rétablissement de la royauté. Pour prévenir les dangers d'une rupture entre Paris et les départements, il conseillait à Danton de faire transférer la capitale en province. La lettre, écrite en anglais, fut saisie dans les papiers de Danton. Elle figure aujourd'hui dans les cartons du grand Comité de Salut public, du Comité Robespierre[31], et il est à peu près certain qu'elle fut imputée à crime à l'auteur comme au destinataire.

Le Comité Danton pensait comme Thomas Paine. La Convention avait fait défense à ses commissaires auprès des armées d'entrer en négociations avec l'ennemi. Passant outre à cette défense, ou plutôt lui donnant une interprétation diamétralement opposée à son esprit, il autorisait ces mêmes commissaires, par une circulaire confidentielle, à ne pas laisser échapper l'occasion d'arracher le secret de nos ennemis -sans compromettre la dignité nationale, c'est-à-dire à communiquer avec l'ennemi toutes les fois qu'ils croyaient pouvoir en tirer des renseignements[32]. En fait, dit avec raison M. Aulard, le Comité ne tint aucun compte des répugnances officielles de la Convention. M. Aulard en donne encore cette preuve que le Comité envoya, au mois de juin, le représentant Cusset à l'armée de la Moselle en le chargeant d'une mission secrète assez obscure dans le Luxembourg.

Les tendances défaitistes de la diplomatie de Lebrun provoquèrent des résistances jusque dans ses bureaux. Un de ses commis, qui, avant de coiffer le bonnet rouge et de se faire naturaliser Français, avait été secrétaire de l'ambassade de Naples, l'Italien Louis Pio[33], le dénonçait au Comité de Salut public au début de mai et l'avertissait de sa dénonciation par cette lettre insolente :

CITOYEN MINISTRE,

Un homme libre doit être franc. Je suis l'un et l'autre. Hier, vous ne m'avez pas vu paraître au rendez-vous que vous m'aviez indiqué ; c'est que je m'occupais de vous dans le Comité de Salut public. Oui, citoyen, je vous ai dénoncé, et dans ce même Comité et dans celui de Sûreté générale. Depuis huit mois, vous m'étiez suspect. J'en avais écrit à Danton, vous devez vous en rappeler. Mes soupçons ne se sont pas détruits depuis ; mais, pour pouvoir fixer mes idées une fois pour toutes, j'ai voulu vous voir de-près. J'ai été pendant quarante-cinq jours dans vos bureaux, et j'en ai eu assez. Je vous ai dit des vérités à plusieurs reprises ; vous n'en avez pas tenu compte, et j'ai pris le parti de vous dénoncer ouvertement. Je ne veux plus de place de vos mains, c'est le bien de la Patrie que je veux, c'est la République qui doit être sauvée.

Respect au Ministre.

Ce 9 mai, l'an deuxième de la République.

Paris, Café Pelletier,

Le citoyen PIO[34].

 

Malgré toute sa défiance, Pio, qui allait dénoncer Lebrun à Danton, n'était qu'un naïf. Comme tant d'autres, il ne connaissait que le Danton de la tribune.

Nous savons ce que contenait la dénonciation de Pio contre Lebrun, car il a pris soin de la faire imprimer dans le journal de Marat[35]. Il reprochait d'abord au ministre de choisir pour leur confier des missions des agents douteux, tels que Noël et Proli. Noël était un aristocrate, Proli l'agent secret de la maison d'Autriche. Lebrun, qui connaissait (Proli), l'a cependant envoyé à Dumouriez sous prétexte de surveillance. Mais n'était-ce pas plutôt pour accélérer la marche de Dumouriez sur Paris ? Pour protéger les royalistes et achever la contre-révolution ? Puis Pio reprochait à Lebrun ses négociations secrètes : Il est connu actuellement, disait-il, que nos ennemis tâchent d'entrer en négociations avec nous ; du moins est-ce l'aveu secret du cabinet ministériel. Or il est constant que Lebrun a séduit plusieurs individus en leur promettant de les envoyer chargés de ces mêmes négociations. On se le disait tout bas à l'oreille, le 22 du mois d'avril, dans le département. Ces propos étaient d'autant plus étranges que l'on avait encore sous les yeux le décret du 13 du même mois, portant qu'on ne peut entrer en négociations avec aucune puissance, à moins que préalablement elle ne reconnaisse la République française. Pio attaquait aussi Barère et Delacroix, qu'il considérait comme les protecteurs du ministre. Mais il est visible qu'il ne connaissait qu'une partie de la vérité. Il ne savait pas que l'initiative des négociations venait du gouvernement français. Qu'aurait-il dit s'il avait connu les instructions secrètes que Lebrun rédigeait vers la même époque pour préparer la négociation avec la Prusse ? Prenant son parti du second partage de la Pologne qui venait d'être opéré par la Prusse et l'Autriche, Lebrun se déclarait prêt à y donner un consentement tacite si cela était nécessaire pour détacher la Prusse de la coalition[36]. Cambon reprochera à Lebrun, au cours de son procès devant le tribunal révolutionnaire, d'avoir proposé au Comité de Salut public, pour décider l'Angleterre à la paix, l'amnistie et la rentrée des émigrés[37].

Le même Cambon, dans son rapport du ri juillet 1792 sur l'œuvre du Comité qui venait d'être renversé, le défendit du soupçon d'avoir fait bon marché de la dignité de la République dans les négociations entreprises : Si le Comité ne craignait pas de trahir l'intérêt de la République, il vous mettrait sous les yeux les rapports diplomatiques où vous verriez qu'on a souvent proposé pour condition de paix de transférer la Convention dans un autre lieu qu'à Paris, d'abattre le parti de la Montagne, de renoncer à nos principes d'égalité, de former un gouvernement permanent, de donner une grande autorité au Conseil exécutif pour en faire une espèce de Sénat aristocratique ; en un mot, sortez de Paris, ruinez cette ville parce qu'elle a voulu la Révolution, établissez un gouvernement qui ait une tendance à la royauté, ce sont quelques-unes des conditions de la paix humiliante qu'on voudrait nous dicter. Votre Comité n'a pas négligé les relations d'intérêt et d'amitié que la République doit conserver avec tous les peuples. Depuis son établissement, il a jeté partout des germes diplomatiques et le Conseil exécutif a envoyé des agents dans tous les États qui ne sont pas en guerre avec nous...

Si Cambon était de bonne foi, il faudrait supposer que le Comité dont il faisait partie n'était pas tenu entièrement au courant de la correspondance diplomatique par ses deux collègues, Danton et Barère, chargés spécialement de cette partie. Le secret de Danton continuait. C'était travestir la vérité que de prétendre que les puissances avaient proposé la paix et de négliger de mettre en regard des conditions qu'elles avaient mises à l'ouverture des négociations les concessions que Danton et Barère leur avaient faites spontanément en violation du décret du 13 avril.

Le décret du 13 avril faisait au Comité de Salut public une obligation stricte d'obtenir la reconnaissance de la République avant toute négociation préalable avec l'ennemi. Les contemporains ont cru que, poussant la logique jusqu'au bout, Danton n'avait pas hésité à faire bon marché de la République pour obtenir la paix, et les documents prouvent que leur impression était fondée. Ils ont cru aussi qu'entre sa politique extérieure, faite de, renoncement ou plutôt d'abdication, et sa politique intérieure, faite de tumultueuse faiblesse et de rouerie démagogique, il y avait un lien évident, un lien nécessaire. Ici encore, ils étaient dans le vrai. En tentant de négocier, à diverses reprises, la mise en liberté de Marie-Antoinette, Danton ne se proposait pas seulement d'obtenir la paix.

Pas plus qu'il ne croyait à la victoire, il ne croyait à la République. Ses intrigues avec les royalistes pendant la période où il siège au Comité de Salut public sont dans un rapport direct avec ses singulières tractations diplomatiques.

L'intime ami de Danton, Courtois (de l'Aube) a déclaré, dans des souvenirs publiés par Alfred Bégis[38], que Danton et lui Courtois avaient projeté, avec l'aide de la duchesse de Choiseul, veuve du célèbre ministre de Louis XV, de faire évader la reine. Ils auraient recruté à cet effet des spadassins et se seraient ménagé des intelligences au Temple. Tout était prêt quand la reine refusa au dernier moment de se laisser délivrer seule en abandonnant ses enfants. Le projet dut être abandonné.

Sur cette tentative d'évasion, l'ancien agent de Mirabeau, passé au service de l'Autriche, Pellenc, envoyait de Londres, le 23 juin 1793, à Mercy-Argenteau, des renseignements très précis que M. de Pimodan, qui a vu sa correspondance, résume en ces termes : Le dauphin, ayant besoin de prendre le grand air pour sa santé, certains Conventionnels espéraient obtenir qu'il fût conduit au bois de Boulogne sous bonne escorte. Dans le bois, il trouverait un grand concours de royalistes qui se joindraient aux gens de l'escorte choisis ou gagnés, si bien que tous ensemble ramèneraient le prince à la Convention et lui demanderaient de le proclamer roi[39].

Dès le 11 juin, un agent royaliste écrivait de Paris au comte d'Antraigues, qui faisait à Vérone, auprès du prétendant, l'office de ministre de la police : Je sais positivement qu'il y a ici un agent qui communique avec la reine. Je sais de plus que Danton et Lacroix ont des conférences avec cette veuve[40].

Un mois et demi plus tard, dans sa dépêche du 31 juillet, l'ambassadeur d'Espagne à Venise, Clemente de Campos, tout en confirmant cette information du correspondant de d'Antraigues, précisait que l'agent du prince de Cobourg qui correspondait avec la Reine était le cousin du général Ferraris. Il ajoutait que la Reine avait été trahie par le commissaire du Temple qui lui servait d'intermédiaire et que la Commune, prévenue par ce traître, avait séparé le dauphin de sa mère au début de juillet[41].

Or, par une coïncidence curieuse et qui donne à réfléchir, huit jours après que Pellenc avait averti Mercy-Argenteau des bruits qui couraient sur la prochaine évasion de la Reine, on découvrait à Paris un obscur complot royaliste, auquel était mêlé le général Arthur Dillon, le général Miranda, le vicomte de Castellane et quelques autres comparses qui furent arrêtés. Il s'agissait de s'emparer de l'Hôtel de Ville et du Temple par une attaque insurrectionnelle, puis de délivrer le Dauphin et de le proclamer roi sous la régence de Marie-Antoinette. C'est après la découverte de ce complot que le Dauphin fut séparé de sa mère le 1er juillet[42].

Joueur et endetté, le général Arthur Dillon avait déjà essayé d'entraîner ses troupes sur Paris pour rétablir la royauté après le 10 août. Un moment suspendu de son emploi, il n'avait dû qu'à l'amitié de Camille Desmoulins et de Chabot, qu'il avait connus dans les tripots, d'être rétabli en fonctions. Quand Saint-Just, à qui lé nouveau complot avait été dénoncé, demanda l'arrestation de Dillon, à la séance du Comité de Salut public du 30 juin, Delacroix offrit sa démission. De sa prison, Dillon appela Camille Desmoulins à son secours. Ni Camille ni Chabot ne lui manquèrent. Camille s'efforça de prouver son innocence dans des pamphlets. Chabot, qui était membre du Comité de Sûreté générale, le fit remettre en liberté provisoire le 7 août[43] et détruisit, paraît-il, les pièces les plus compromettantes de son dossier[44]. Quand les Dantonistes seront traduits au Tribunal révolutionnaire, Dillon, reconnaissant, essaiera de les sauver par un coup de. main[45].

Les contemporains ne doutèrent pas que Danton était derrière Dillon. Le 1er brumaire an III, plusieurs Conventionnels, Chaudron-Rousseau, Thuriot, Bentabole dénoncèrent le projet que certains Girondins ou alliés secrets des Girondins auraient formé en juin 1793 pour mettre le jeune Capet sur le trône, et Cambon rappela à cette occasion que le Comité de Salut public avait subi les attaques de Desmoulins parce qu'il avait fait arrêter Dillon.

Entre la découverte du complot Dillon et le renouvellement du Comité de Salut public, qui eut lieu le 10 juillet, il y eut plus qu'une simple coïncidence, mais un rapport de cause à effet. Au dire de Barère[46], Danton et ses amis auraient provoqué le renouvellement du Comité dans l'espoir d'en chasser la majorité, qui, avec Cambon et Saint-Just, venait de faire arrêter Dillon et Castellane. Mais leur calcul échoua. Danton et Delacroix ne furent pas réélus dans le nouveau Comité, qui comprit surtout des Montagnards robespierristes.

Le Comité Danton fut renversé pour des raisons multiples. Il n'avait pas mieux dirigé les opérations militaires que la diplomatie. Au début de juillet, les Vendéens remportaient un succès important à Chatillon-sur-Sèvre et les Autrichiens s'emparaient du camp de Famars. A l'intérieur, la révolte girondine s'étendait. Danton avait négocié avec les révoltés du Calvados[47] comme avec les révoltés de Lyon. Ses tractations avec les ennemis du dedans parurent aussi suspectes que ses pourparlers décevants avec les ennemis de l'extérieur.

Tombé du pouvoir, le démagogue en fut-il plus sage ? Revint-il à une compréhension plus exacte de l'intérêt français ? Persista-t-il au contraire à poursuivre sa politique défaitiste, par des voies d'autant plus criminelles qu'elles étaient maintenant plus indirectes, plus tortueuses ? Fut-il l'espoir avoué ou secret de toute une faction dont l'opposition, obscure mais dangereuse, entrava gravement l'action gouvernementale du grand Comité de Salut public ?

Ces questions n'ont jamais été posées par les historiens. -Elles demandent à être examinées et, si possible, résolues.

 

 

 



[1] M. Bornarel a montré que le rapport présenté par Barère à la Convention le 29 mai 1793 fut en partie rédigé par Danton (La Révolution française, 1890, t. XIX, p. 184 et suiv.)

[2] Déposition de Moine au procès d'Hébert.

[3] Dépositions de Sambat et de Dufouruy au procès d'Hébert. On trouvera des renseignements biographiques sur Proli dans mon livre la Révolution et les Étrangers, p. 103, 106, etc.

[4] Proli avouera au Tribunal révolutionnaire qu'il avait écrit cette lettre sur l'invitation de quelques membres du Comité de Salut public.

[5] La lettre de Proli, déjà publiée par M. DARD dans son Hérault de Séchelles, p. 236, note, figure aux Archives des Affaires étrangères, France, 342, fol. 51.

[6] Voir la déclaration de Saintex aux Jacobins, le 28 septembre 1793, dans le Journal de la Montagne.

[7] Par exemple devant la Convention, le 10 mai 1793 et le 1er nivôse an II.

[8] Voir la correspondance de Noël aux Affaires étrangères. Miles répondit à Dampierre le 8 janvier 1793.

[9] MORTIMER-TERNAUX, Histoire de la Terreur, t. VII, p. 71, note.

[10] La proclamation de Cobourg est aux Archives parlementaires, t. LXI, p. 603.

[11] Voir cette pièce aux Archives parlementaires, t. LXII, p. 66.

[12] AULARD, La diplomatie du premier Comité de Saint-Public, dans la Révolution française, t. XVIII, p. 340.

[13] Voir la lettre de Wurmser à l'Empereur, en date du 2 mai 1703 dans VIVENOT, t. III, p. 43-46.

[14] Voir sa lettre du 20 avril à Descorches partant pour Constantinople.

[15] Lettre de Ph. Cobenzl à Mercy, datée de Vienne le 26 mars 1793 (Vivenot, t. II, p. 522).

[16] Vivenot, t. III, p. 39.

[17] François II à Cobourg, Vienne, le 24 avril 1793 (Vivenot, t. III, p. 34).

[18] M. AULARD a publié les lettres confiées à Matthews et la réponse de Grenville dans son étude citée, la Révolution française, t. XVIII, p. 150, note.

[19] M. Aulard a publié la lettre de Lebrun en date du 8 juin 1793.

[20] AULARD, La diplomatie du premier Comité de Salut public, dans la Révolution française, 1890, t. I, p. 239.

[21] Voir l'Exposé précis de sa vie politique, écrit par DUBUISSON en prison (Archives nationales, W 75).

[22] Les instructions de Sémonville sont datées du 23 mai, celles de Maret du 18 juin.

[23] ERNOUF, Maret, p. 153.

[24] Voir KAULEN, Papiers de Barthélemy, t. II, à la table.

[25] C'est en vue de cette négociation que Barère fit voter, le 3 mai, un décret qui mettait à la disposition du Comité de Salut public les fonds nécessaires pour indemniser les alliés de la République des frais d'armement et des dépenses qu'ils feront pour le développement de ses forces contre ses ennemis.

[26] T. II, p. 87 et suiv. Sur la négociation avec la Suède, voir aussi la correspondance de Staël publiée par LÉOUZON-LEDUC, p. 255-259.

[27] Il est certain que le Comité de Salut public consacra plusieurs séances à son examen, mais il est certain aussi que le Comité approuva le projet d'alliance (AULARD, Actes du Comité de Salut public, t. IV, séance du 16 mai 1793).

[28] La dépêche de Verninac est citée dans l'étude de M. AULARD sur la diplomatie du premier Comité de Salut public. (La Révolution française, 1890, t. I, p- 444)-

[29] Mémoires de Barère, t. II, p. 326.

[30] Je n'en ai nommé que quelques-uns. Il y en eut beaucoup I d'autres, dont tous ne sont pas connus. Ainsi, le 22 juin 1793, le Comité autorisa le ministre des Affaires étrangères à envoyer en Comité autorisa deux agents intelligents et patriotes pour sonder les véritables vues du Gouvernement anglais. Ainsi, le 27 juin, le ministre exposa au Conseil exécutif qu'un prêtre brabançon, possédant des relations intimes avec les généraux ennemis, s'est offert à servir la République et de faire connaître les projets des puissances, l'état de leurs armées, etc. Les services de cet espion furent agréés par le Comité, etc., etc.

[31] Archives nationales, Ani 49. On la trouvera reproduite dans les pièces justificatives de l'absurde compilation du Dr ROBINET, Danton émigré, p. 239-243.

[32] MORTIMER-TERNAUX, Histoire de la Terreur, t. VII, p. 77, note.

[33] Sur Pio, voir l'article que je lui ai consacré dans le numéro de janvier 19X9 des Annales révolutionnaires.

[34] Archives des Affaires étrangères, France, 324.

[35] Publiciste du 13 mai 1793.

[36] Voir ces instructions dans l'article de M. AULARD déjà cité, p. 435.

[37] Nous avons publié les débats du procès Lebrun d'après les notes d'audience du juré Topino-Lebrun, dans les Annales révolutionnaires de mai-juin 1917.

[38] Voir le texte de Courtois dans l'article de M. BLOTTIÈRE : Courtois et la Duchesse de Choiseul, Danton et Marie-Antoinette, dans les Annales révolutionnaires, t. V, 1912, p. 23-36.

[39] Comte de PIMODAN, Mercy-Argenteau, p. 378.

[40] Voir notre étude : La police royaliste sous la Terreur, les correspondants parisiens de d'Antraigues et leurs lettres, dans les Annales révolutionnaires, t. X, 1918, p. 378.

[41] La lettre de l'ambassadeur d'Espagne à Venise figure en copie au dossier du procès des Dantonistes, (Archives nationales, W 342) et en original dans les papiers de Robespierre. Elle a été imprimée, texte espagnol en regard de la traduction française, dans le recueil de ces papiers publié en 1828, chez Baudouin, t. III, p. 388 et suiv.

[42] Sur le complot Dillon, voir notre étude : Les divisions de la Montagne, la chute de. Danton, dans les Annales révolutionnaires, 1913, t. VI, p. 219 et suiv.

[43] Chabot s'est excusé de cette mise en liberté en prétendant qu'il voulait par là mieux connaître la conspiration. Voir son mémoire adressé au Comité de Sûreté générale le troisième jour de la troisième décade du premier mois, l'an second (Archives nationales, F⁷ 4637). Mme Roland, qui était à Sainte-Pélagie avec Castellane, dit que celui-ci acheta sa mise en liberté de Chabot pour 30.000 livres et que Dillon était sorti des Madelonnettes de la même manière (Mémoires édition Perroud, t. I, p. 317). Dans son rapport sur la conspiration dénoncée par Chabot et Basire, Fabre d'Églantine accuse Chabot d'avoir enlevé du Comité de Sûreté générale les pièces à charge contre Dillon et Castellane (Annales révolutionnaires, 1916 t. VIII, p. 255).

[44] Voir le rapport de FABRE d'ÉGLANTINE sur la conspiration dénoncée par Chabot et Basire dans les Annales révolutionnaires, 1916, t. VIII, p. 255.

[45] Ce sera la fameuse conspiration des prisons.

[46] Mémoires, t. II, p. 103 et suiv.

[47] Voir notre article : Danton et Louis Comte, dans la seconde série de nos Études robespierristes.