AUTOUR DE SAINTE-HÉLÈNE

PREMIÈRE SÉRIE

 

NOTES SUR ANTOMMARCHI.

 

 

Antommarchi est un personnage singulièrement fuyant, et qu'il est difficile de saisir : il a pris une habitude du mensonge si caractérisée qu'on ne saurait attacher une importance a ses allégations qu'au cas où elles se trouveraient corroborées par un document d'archives.

Mes recherches n'ont pas été si loin poussées que je prétende donner ici, depuis 1821, une biographie complète du personnage ; toutefois, sur certains points, en dehors de l'affaire du masque — la seule que j'essaie de résoudre et que je crois résoudre — je suis à même d'apporter des indications qui. vu l'état d'ignorance où l'on est de la carrière d'Antommarchi, peuvent avoir quelque intérêt.

Dans ce voyage en Italie dont j'ai parlé plus haut, Antommarchi a trois buts : Florence pour traiter avec les héritiers de Mascagni ; Rome, pourvoir les membres delà Famille qui y résident et en particulier Madame Mère à laquelle il s'est annoncé, lui-même par une lettre qu'il lui a adressée de Londres le 17 août 1821 ; Parme enfin, pour essayer de tirer de l'Impératrice-duchesse une pension et une place. Il est muni en effet d'une lettre des exécuteurs testamentaires de l'Empereur, on date de Londres le 12 septembre 1821, portant déclaration, que dans ses derniers moments, l'Empereur les a chargés de faire connaître à Sa Majesté qu'il la priait de faire payer à M. Antommarchi une rente viagère de 6.000 francs en récompense de ses services à Sainte-Hélène et qu'il désirait qu'elle l'attachât à sa maison comme chirurgien ordinaire... jusqu'à la majorité de son fils, époque à laquelle il désire qu'il lui soit attaché.

Cette lettre que Antommarchi, à ce qu'il raconte, remit au comte Neipperg, qui lui donnait audience, ne produisit point l'effet qu'il en espérait.

Le comte Neipperg lui répondit qu'il ne pouvait donner suite à son désir d'être présenté à l'archiduchesse ; l'annonce de son arrivée n'ayant fait qu'augmenter le chagrin de Marie-Louise qui n'était point en étal de le recevoir ; mais lui-même s'offrait pour lui dire ce qu'il lui avait raconté et lui remettre la lettre qu'il avait apportée. Antommarchi se confondit ; Neipperg s'éloigna et, très peu après, revint avec la réponse. Marie-Louise avait déclaré qu'elle ne pouvait prendre un étranger à son service et qu'elle n'était point disposée à payer la pension. Elle devait d'abord demander l'agrément de son père et être entièrement éclairée sur les dernières volontés de son mari. Sur ce point, Antommarchi n'en savait pas plus que l'abbé Vignali qui l'avait précédé à Parme. Les exécuteurs testamentaires, dit-il, se sont fait une loi d'agir fidèlement suivant leurs instructions. Lorsqu'il prit congé, Neipperg lui remit une bague de la part de l'archiduchesse : c'était tout ce qu'il devait tirer d'elle.

Il ne fui, comme on a vu, pas plus heureux à Rome, et, à Florence, il négocia, avec les héritiers de Mascagni, pour la publication des documents anatomiques, réunis et mis en valeur par celui-ci, un traité qui, après nombre d'incidents, ne fut point exécuté, Antommarchi avant préféré s'emparer des planches en les contrefaisant purement et simplement par la lithographie.

Dans les premiers jours de janvier 1822, Antommarchi revint de Florence à Parme : il y était annoncé. Le ministre d'Autriche en Toscane, le comte de Bombelles, avait écrit à Neipperg qu'à Florence Antommarchi s'était plaint amèrement de n'avoir pas été reçu par l'archiduchesse a son premier passage. S'il avait en l'honneur de lui parler, disait-il, il aurait porté bien des choses à sa connaissance. Sans doute, l'homme était suspect. Des gens bien informés, tels que Tito Mansi, le présentaient comme un individu fort ordinaire 1}iiî n'avait jamais eu part à la confiance de Napoléon. Arrivé en Angleterre presque entièrement dénué de moyens pécuniaires, il avait fait une assez grande dépense à Florence et cherchait même à y placer des capitaux. Néanmoins, on ne devait rien négliger et que savait-on s'il ne donnerait point des lumières sur ce testament que les exécuteurs testamentaires s'étaient jusque-là obstinément refusés à communiquer à la veuve de l'Empereur, à la mère de son fils ? Mais Antommarchi n'en savait rien de plus qu'à son premier passage, et, lorsqu'il fut de nouveau reçu par Neipperg, ce fut, sans exprimer formellement le désir d'être présenté à la duchesse, pour insister sur la pension viagère que Marie-Louise était requise de lui paver. Après avoir été chercher les ordres de Sa Majesté, écrit Neipperg à Metternich, le 11 janvier, je lui ai fait comprendre de la façon la plus claire que Sa Majesté était absolument décidée à ne pas vouloir entendre plus longtemps ni une prétention, ni une recommandation relative à cette affaire avant qu'elle ne fût éclairée sur le testament et sur les dernières dispositions de son mari. Cette réponse ne sembla pas l'avoir particulièrement satisfait et il est parti hier pour Paris.

Neipperg omettait de dire à Metternich qu'il avait remis à Antommarchi, pour le baron de Vincent, ambassadeur d'Autriche à Paris, une lettre par laquelle il exprimait les vues bienveillantes de Sa Majesté en faveur du médecin de son mari dont elle s'efforcerait de remplir le dernier désir.

Il rentra donc à Paris le 6 février 1822, ayant fait à peu près partout buisson creux ; il déposa son passeport à la Préfecture de Police, obtint un permis de séjour et s'installa dans ses meubles, rue de Rivoli, n° 32. Selon un rapport de police il reçoit souvent la visite de MM. Bertrand et Montholon et quelquefois celle de M. le comte Lavallette, et il voit aussi beaucoup d'Anglais. Il doit reprendre, dit-on, l'exercice de sa profession, mais jusqu'à présent il n'a donné que des consultations gratuites (28 mars). En juillet, il a ses vacances et va les passer à Châteauroux chez le général Bertrand dans la famille duquel il est particulièrement bien accueilli.

Si ces agréments sont notables, ils ne l'ont pas vivre, et Antommarchi est déterminé à tirer tout le profit possible de son séjour à Sainte-Hélène. Il parait assuré de la complaisance, même excessive, des exécuteurs testamentaires, lesquels ont acquis une facilité vraiment miraculeuse à faire parler — et au besoin écrire — l'Empereur défunt. En effet, pour seconder les réclamations qu'Antommarchi prétend introduire contre l'Impératrice duchesse de Parme et contre les légataires de l'Empereur, ils lui délivrent une série de certificats dont les termes, qui se contredisent, acquièrent plus de force à proportion que le temps a passé.

On possède une première version dans la lettre que MM. Bertrand et Montholon ont écrit de Londres, le 12 septembre 1821 à l'impératrice Marie-Louise et dont il faut peser les termes :

Dans ses derniers moments, l'Empereur nous a chargés de faire connaître à Votre Majesté qu'il la priait de faire payer à M. Antommarchi une pension viagère de 6.000 francs en récompense de ses services à Sainte-Hélène et qu'il désirait qu'elle l'attachât à sa maison comme chirurgien ordinaire, ainsi que M. l'abbé Vignali en qualité d'aumônier, jusqu'à la majorité de son fils, époque à laquelle il désire qu'il lui soit attaché.

Ici, point de codicille, une prière exprimée verbalement. Les exécuteurs testamentaires ont sous la main toutes les pièces, ils peuvent s'en prévaloir ; ils ne se réfèrent à aucune.

Le 17 octobre 1822, les mêmes exécuteurs testamentaires, plus Marchand, se sont déterminés, sur les demandes réitérées, d'abord de Ballouhey, puis du baron de Vincent, ambassadeur d'Autriche à Paris à envoyer à celui-ci pour Marie-Louise : 1° la collection des testaments et codicilles de feu l'Empereur Napoléon signés et certifiés par eux exécuteurs testamentaires ; 2° une copie figurée du testament et des cinq codicilles enregistrés à Londres, contresignés des deux notaires qui les ont reçus en dépôt, ils y joignent la note suivante :

Outre les pièces copiées d'autre part, il existe une pièce non signée dont le commencement a été écrit par l'en l'Empereur Napoléon et dont le reste a été écrit sous sa dictée par le général Montholon. Nous ne faisons mention que pour mémoire de celte pièce qui est encore à Londres. Nous n'en avons pas de copie, mais elle porte en substance les dispositions ci-après :

Cet acte, intitulé 8e codicille, porte la date du 28 avril 1821.

Par l'article 1er écrit de la main de l'Empereur Napoléon, il recommande à son auguste épouse M. Antommarchi, son chirurgien, lui demande de l'attacher à sa maison et de lui accorder une pension de 6.000 francs.

Par l'article 2e également écrit de la main de feu l'Empereur, il recommande à son auguste épouse l'abbé Vignali, lui demande de l'attacher à sa maison comme aumônier jusqu'à la majorité du prince leur fils, époque à laquelle il exprime le désir que l'abbé Vignali passe au service de ce prince, comme aumônier.

Attesté et certifié avoir lu les deux premiers articles mentionnés ci-contre écrits de la main du testateur.

Paris, 17 octobre 1822.

Signé : BERTRAND, MONTHOLON, MARCHAND.

L'article 3 dicté au général Montholon donne à Madame, mère de Sa Majesté, divers biens en Corse de peu de valeur, dans la supposition que, par acte de son règne, Sa Majesté n'en aurait pas disposé.

L'article 4, également dicté au général Montholon, exprime le désir que la princesse Pauline rentre dans la possession de la villa Saint-Martin à l'Ile d'Elbe.

Par l'article 5, feu l'Empereur Napoléon donne à la comtesse Bertrand et à la comtesse de Montholon la moitié d'un cabaret en porcelaine de Sèvres dont l'autre moitié reste au prince son fils, conformément aux dispositions du § 4 de l'état A joint au testament.

L'article 6 donne au cardinal Fesch quelques biens en Corse de peu de valeur, dont le partage était encore à faire, à ce que pensait Sa Majesté.

Paris, le 17 octobre 1822.

Signé : MONTHOLON.

 

Cette fois, voici que la volonté est écrite au lieu d'être verbale ; qu'elle porte une date formelle : 28 avril 1821 ; qu'elle est contenue en deux articles, relatifs l'un à Antommarchi, l'autre à Vignali. Celui-ci seul doit rester au service du fils de Napoléon.

Le 29 avril 1823, les exécuteurs testamentaires écrivent à Antommarchi : Nous certifions très volontiers que feu l'Empereur Napoléon vous a légué avant de mourir, par son codicille du 27 avril 1821, une pension viagère de 6.000 francs qu'il a recommandé à son auguste veuve de vous faire payer, pour les services que vous étiez venu lui rendre a Sainte-Hélène en votre qualité de médecin.

Nulle indication si le codicille allégué est ou non signé, valable ou non ; les termes diffèrent à la fois du certificat du 12 septembre 1821, et de celui prétendu authentique du 17 octobre 1822.

Le 12 juin 1823, les exécuteurs testamentaires ont, parait-il, retrouvé le 8° codicille et ils en délivrent à Antommarchi une expédition qu'ils certifient conforme[1].

Aujourd'hui 27 avril 1821.

Malade de corps et sain d'esprit j'ai écrit de ma propre main ce huitième codicille à mon testament :

1° J'institue mes exécuteurs testamentaires Montholon, Bertrand et Marchand et Las Cases ou son fils trésorier.

2° Je prie ma bien-aimée Marie-Louise de prendre a son service mon chirurgien Antommarchi, auquel je lègue une pension pour sa vie duranl.de six mille francs qu'elle lui paiera.

POUR COPIE CONFORME :

Signé : MONTHOLON, BERTRAND, MARCHAND.

Paris, le 12 juin 1823.

 

Ainsi, ce n'est plus le 28, c'est le 27 que ce codicille a été écrit ; il comporte deux articles, mais le premier ne concerne point Antommarchi, il renferme la nomination des exécuteurs testamentaires ; le second article remanie Antommarchi, mais il n'est plus question du désir exprimé par l'Empereur que l'Impératrice attache Antommarchi à sa maison comme chirurgien ordinaire, moins encore que le fils de Napoléon le recueille. Aucune mention de Vignali.

Ce codicille n'a point été mentionné au procès-verbal dressé le 27 avril, a neuf heures du soir — le jour même où l'on prétend qu'il a été rédigé — parle grand-maréchal Bertrand, dans la chambre de l'Empereur et décrivant, sous neuf numéros, le testament, les sept codicilles et les instructions aux exécuteurs testamentaires.

Il ne ligure point dans la copie authentique prise par Marchand a Lord du Camel où sont reproduites toutes les dispositions, même celles du codicille secret, et tous les étals de mobilier.

Il n'a point été déposé à la Cour des Prérogatives à Cantorbéry, lorsque les exécuteurs testamentaires ont requis l'authentification du testament et des codicilles.

Il est donc dépourvu de tout caractère authentique.

Il est en contradiction avec les termes du certificat délivre le 12 septembre 1821 par les exécuteurs testamentaires.

Il n'a point, jusqu'à la date au moins du 17 octobre 1822, été communiqué à la principale intéressée ainsi qu'en témoigne la lettre qu'adresse le 17 avril au comte de Neipperg M. Ballouhey, ancien secrétaire des dépenses des Impératrices Joséphine et Marie-Louise et chargé des a lia ires de la duchesse de Parme à Paris :

J'espérais bien, monsieur le Comte, vous adresser en même temps la copie du testament que vous m'avez fait demander par M. Amelin le 27 février dernier, mais il m'a été impossible de l'obtenir malgré toutes mes démarches à ce sujet.

On m'avait d'abord promis un extrait un peu plus détaillé que celui qu'on a fait parvenir[2] en m'assurant en outre que si on le demandait directement, on le donnerait en entier. Enfin, après m'avoir fait aller bien des fois pour obtenir cet extrait qu'on m'avait promis, on m'a dit qu'on ne pouvait rien me remettre parce qu'on m'avait l'ait parvenir ce qui pouvait être communiqué.

S. Exc. M. le Baron de Vincent (ambassadeur d'Autriche) qui a bien voulu m'aider de ses conseils pour obtenir la copie du testament dont il s'agit a été d'avis, d'après mes vaines sollicitations a cet égard, qu'il ne convenait plus de faire des démarches pour cet objet et qu'il ferait bien de rendre compte du refus qu'on m'a fait de me donner celte copie après me l'avoir promise plusieurs fois.

La première communication qui a été faite du codicille a l'Impératrice, est celle du 17 octobre 1822, dont on vient de voir les termes, en contradiction, et avec ceux du certificat du 29 avril 1823, et avec la copie figurée en date du 19 juin 1823.

Si ce codicille n'est pas un faux caractérisé, il est au moins dépourvu de toute valeur légale.

Pourlant, les exécuteurs testamentaires sont .d'avis qu'il doit cire admis, puisqu'ils délivrent des certificats attestant qu'il existe et qu'ils en donnent même une copie conforme.

A quels motifs obéissent-ils, il n'est point difficile de le deviner.....

 

Nombre de questions litigieuses se sont posées pour l'exécution du testament. Un compromis a été conclu entre les légataires. Un tribunal arbitral a été nommé par eux. C'est devant ce tribunal que Antommarchi, muni des certificats des exécuteurs testamentaires, présente sa cause qui eût dû être écartée a priori.

Par jugement arbitral rendu par le duc de Bassano, le duc de Vicence et le comte Daru arbitres et amiables compositeurs nommés par le compromis fait entre les légataires de Napoléon Bonaparte... à l'effet déjuger souverainement et en dernier ressort... toutes les contestations qui pourraient s'élever sur l'interprétation d'aucune des dispositions contenues aux testaments et codicilles de Napoléon Bonaparte.... etc., un secours provisoire annuel de 1.800 francs est fixé en faveur du Dr Antommarchi qui a assisté le testateur jusqu'à ses derniers moments ; lequel secours provisoire sera de nature à cesser de l'instant où, conformément au vœu énoncé par le testateur, Sa Majesté l'Archiduchesse Marie-Louise se chargera de la pension attribuée à M. Antommarchi.

C'est donc la reconnaissance par les arbitres de la validité d'une disposition, qui, si elle existe, n'a aucune valeur légale.

M. Antommarchi proteste contre ce jugement, souverain des arbitres auxquels il a soumis sa cause, et, tant cet homme est, parait-il, à ménager, les exécuteurs testamentaires introduisent de nouveau sa cause et, par un nouveau jugement arbitral, en date du 16 mai 1823, les arbitres mettent à la charge des légataires une pension annuelle de 3.000 francs en faveur de M. Antommarchi, jusqu'au moment où Sa Majesté l'Archiduchesse Marie-Louise se chargera d'accomplir les intentions manifestées à cet égard par le testateur, en lui accordant une pension.

 

Jusqu'ici, il a été uniquement question d'un legs de 6.000 francs de rente viagère que l'Empereur eut fait à Antommarchi par un codicille non signé, non déposé, qu'on ne représente pas, qui n'a aucune valeur légale et dont les termes, dans les diverses copies qu'en fournissent les exécuteurs testamentaires, varient au point qu'il est impossible d'en admettre l'authenticité.

Brusquement une nouvelle prétention surgit : Les exécuteurs testamentaires ont délivré le 14 février 1822 au docteur Antommarchi la déclaration suivante :

Nous soussignés déclarons et attestons que feu l'Empereur Napoléon nous a dit peu de jours avant sa mort qu'il avait promis a son médecin le docteur Antommarchi de lui laisser cent mille francs.

Signé : MONTHOLON, BERTRAND, MARCHAND.

 

Antommarchi a envoyé aussitôt cette pièce aux arbitres en l'accompagnant d'une lettre où il les a priés de vouloir bien prendre en considération cet acte de justice et de bienveillance de la part de l'Empereur envers le médecin qui a eu l'honneur de lui donner tous ses soins jusqu'à la dernière heure. Et il a ajouté : J'ai l'honneur de vous faire observer qu'à Sainte-Hélène, Messieurs les exécuteurs testamentaires ont déjà exécuté un ordre semblable donné verbalement par l'Empereur en laveur de son médecin anglais consultant.

Le docteur Arnott a reçu en effet, selon Hudson Lowe, 500 £ et une tabatière en or ; selon le compte des exécuteurs testamentaires 13.900 francs. Mais il n'était point le médecin aux gages de Napoléon ; il avait droit à des honoraires ; et Antommarchi a reçu deux années de son traitement, soit 18.000 francs avant de quitter Sainte-Hélène.

Les arbitres n'ont tenu aucun compte de l'allégation qui leur était ainsi fournie. Antommarchi ne parait point s'y attacher dans la lettre, en date du 25 avril, par laquelle il sollicite du baron de Vincent l'autorisation d'aller à Vienne à l'effet, dit-il, d'avoir l'honneur de soumettre à S. M. l'empereur ma position : les services que j'ai rendus au feu l'Empereur Napoléon dans ses derniers moments, les extraordinaires dépenses que je suis obligé de faire pour la publication de mon ouvrage sur l'anatomie et enfin pour humilier à Sa Majesté la demande pour obtenir une décision en ma faveur pour la pension de six mille francs que feu l'Empereur en mourant demanda à son auguste épouse de paver à son médecin pour les services qu'il avait eu l'occasion de lui rendre.

Avant qu'il connût le sort de cette demande qui ne fut rejetée par l'empereur François que le 12 septembre, Antommarchi a fait intervenir le général Sébastiani qui, en qualité de député de la Corse, a écrit le 1er juillet au prince de Metternich une lettre contenant au sujet de la pension et du don de cent mille francs les plus étranges allégations : L'Empereur Napoléon, écrit Sébastiani, n'a pas compris le docteur Antommarchi dans son testament, parce que les lois françaises annulent tous les legs faits par le testateur en faveur de leurs médecins. Réclamant ensuite comme une assurance positive la déclaration faite en 1821 à Antommarchi par le comte Neipperg et le baron de Vincent que l'Impératrice Marie-Louise accorderait à M. le docteur Antommarchi la pension viagère de 6.000 francs aussitôt que les dernières dispositions de Napoléon lui seraient connues et que l'empereur François aurait accordé son agrément, Sébastiani ne mettait point en doute que cette gracieuse promesse ne fut réalisée ; puis, passant aux cent mille francs qui devaient être payés au docteur sur la succession, il disait que les légataires ayant plus qu'absorbé la portion disponible par le testateur il convenait que le docteur fut remboursé sur la moitié réservée appartenant au duc de Reichstadt. Il demandait donc que les dépositaires de la succession de l'Empereur Napoléon fussent autorisés à rembourser de cette façon la somme de cent mille francs qui lui avait été accordée. Jamais, disait-il, demande ne fut plus juste et ne mérita davantage l'intérêt de Votre Altesse qui seule peut assurer le sort d'un homme d'un très grand mérite qui doit puissamment contribuer au perfectionnement des études anatomiques en Europe.

Cette demande, si elle avait été accueillie, eût résolu la question réservée, depuis 1821, par la duchesse de l'arme et surtout par le gouvernement autrichien, de l'acceptation de la succession ; il ne put donc y être fait aucune réponse.

Le 25 février 1820, M. le comte de Montholon, en son nom personnel, écrit à Antommarchi la lettre suivante :

Paris, le 25 février 1826.

Mon cher docteur Antommarchi,

Je regarde comme un devoir d'accéder au désir que vous me témoignez et je m'empresse de déclarer que l'Empereur Napoléon a ordonné, alors que l'épuisement de ses forces physiques lui défendait de continuer d'écrire ses dispositions testamentaires, de vous remettre la somme de 100.000 francs, Sa Majesté reconnaissant que la pension de 6.000 francs qu'elle chargeait l'Impératrice de vous faire était un trop faible témoignage de sa satisfaction des soins que vous lui aviez donnés depuis votre arrivée à Sainte-Hélène et de ceux surtout que votre dévouement vous inspirait depuis sa maladie.

L'Empereur était loin de prévoir que le sort de Louis XIV lui était réservé et qu'a l'exemple de ce grand roi, ses dernières volontés devaient être méconnues par sa famille, par les tribunaux, et par les hommes mêmes comblés de ses bienfaits. J'ai été trop témoin et confident de ses bienveillantes intentions à cet égard pour n'être pas convaincu que, s'il avait pu supposer la plus minime partie des obstacles que l'exécution de ses dernières volontés a éprouvées, il eût. en votre faveur, fait un effort, peut-être surnaturel, pour écrire et signer légalement la récompense qu'il vous destinait ; mais sa grande Ame ne pouvait comprendre de semblables difficultés à l'exécution de son testament.

J'ignore, mon cher docteur, quel bénéfice vous pourrez tirer de cette lettre, mais croyez que je saisirai toujours avec empressement les occasions que vous m'offrirez de vous donner témoignage de l'estime particulière que m'a inspirée votre honorable conduite a Sainte-Hélène et qu'en ma qualité d'exécuteur testamentaire de Napoléon, je proclamerai, en tant qu'il dépendra de moi, qu'il ne fut pas ingrat a votre égard et vous a légué 100.000 francs, indépendamment d'une pension viagère de 6.000 francs. Si la fatalité n'a pas permis que sa volonté fût considérée comme légalement exprimée, devait-il donc penser qu'elle cesserait d'être sacrée pour sa famille ?

Signe : MONTHOLON.

 

On voit le chemin qu'a fait la promesse de 100.000 francs attestée le 14 février 1823 par les exécuteurs testamentaires (Encore cette attestation est-elle douteuse.) En 1823, les exécuteurs testamentaires, déclaraient que l'Empereur Napoléon leur avait dit qu'il avait promis à son médecin Antommarchi de lui laisser 100.000 francs. En 1820, Montholon affirme que l'Empereur a ordonné de remettre à Antommarchi sur les fonds libres de la succession la somme de 100.000 francs.

Quant aux attestations de dévouement que Montholon donne à Antommarchi, il suffit de les comparer aux pièces qu'il a publiées lui même, vingt ans plus tard, dans les Récits de la Captivité et qu'ont confirmées les documents de source anglaise publiés par Forsyth.

Quelques mois plus tard, le 2 mai 1820, en vue d'un voyage qu'il projette a Parme, Antommarchi obtient, de Montholon et de Bertrand, la lettre suivante a l'adresse de Marie-Louise :

MADAME,

Celui qui eut, à l'Ile Sainte-Hélène, l'honneur d'être le médecin de votre illustre époux, le Dr Antommarchi, désirant se rendre à Parme nous a priés de lui donner une lettre pour Votre Majesté. Nous eûmes l'honneur, Madame, de vous informer, dès notre retour de Sainte-Hélène, que l'Empereur Napoléon, par un codicille écrit de sa main peu de jours avant son décès, avait adressé à Votre Majesté l'invitation de faire une pension viagère de 6.000 francs au médecin qui l'avait soigné pendant les dernières années de son existence. Cette pension, récompense si honorable des services et des soins que M. Antommarchi a donnés au prince objet de vos regrets, serait de plus une marque non moins flatteuse de votre bienveillante protection.

Nous prions Votre Majesté d'agréer avec bonté, Madame, les respects de vos très humbles et très obéissants serviteurs.

Signe : MONTHOLON, BERTRAND.

 

Le 29 juin 1826, Antommarchi obtient que la préfecture de police lui délivre un passeport pour Florence par Pont-de-Beauvoisin.

Ce qui a déterminé Antommarchi a entreprendre ce nouveau voyage dont le' but réel est l'arme, c'est sans doute le médiocre succès de son livre Les derniers moments de Napoléon imprimé en 1825, et le procès que lui ont intenté les héritiers du Dr Mascagni pour la reproduction lithographique, sous son nom, des planches gravées de Mascagni sous le titre : Planches anatomiques du corps humain exécutées d'après leurs dimensions naturelles (Paris, Lasteyrie, 1823 a 1820, 15 livraisons). Cette contrefaçon a, dès 1823, été attaquée par une brochure : Lettre des héritiers de feu Paul Mascagni à M. le comte de Lasteyrie à Paris (Pise, chez Nicolas Capurro) où on lisait : On a publié sous le nom du Dr Antommarchi des planches qui ne lui appartiennent pas. Ces planches sont du fameux Paul Mascagni... Antommarchi, à qui quelques-unes de ces planches furent communiquées par leur auteur, s'en empara et les publia sous son nom. Il voulut aussi s'en approprier quelques autres gravées à Londres en 1810, mais il ne put y parvenir.

Cette affaire avait mal tourné pour Antommarchi, et s'il avait tenté de faire de la clientèle, la clientèle n'était point venue. On ne trouve nulle part qu'il ait été même autorisé à exercer à Paris comme médecin étranger.

 

Le ministre de l'Intérieur auquel le préfet de Police a fait part de la délivrance du passeport s'est empressé d'écrire au ministre des Affaires étrangères pour l'aviser et au préfet de l'Isère pour que celui-ci signale le passage d'Antommarchi à Pont-de-Beauvoisin ; mais ces précautions paraissent être restées inutiles. Antommarchi ne semble pas s'être servi de son passeport, dont il demande le 8 mars le visa pour Vienne. On ne trouve pas qu'il ait davantage exécuté ce projet de voyage, peut être parce que le visa lui a été refusé a l'Ambassade d'Autriche.

 

En 1829 il publie à Paris, chez Didot, un Mémoire sur la non-existence de la communication normale des vaisseaux lymphatiques et des veines.

 

Aucune indication jusqu'en 1831 où, le 11 mars, il obtient un passeport pour Munich en Bavière. C'est la voie qu'il a prise, pour gagner la Pologne. Il offrit, dit M. Gonnard, ses services a l'insurrection polonaise, arriva à Varsovie le 17 mai, fut nommé chirurgien en chef de l'hôpital des officiers et inspecteur général des hôpitaux militaires. Mais il ne tarda pas a se brouiller avec ses confrères polonais qu'il traita de barbiers parvenus, et avec la Faculté de médecine de Varsovie et il démissionna le 23 août 1831. Il revint en France, publia chez Barrois : Mémoire et observations sur le cholera morbus régnant à Varsovie, et, à ce qu'il semble, durant le choléra de 1832, essaya d'instituer un nouveau traitement de la terrible maladie qui affolait Paris.

Le duc de Reichstadt meurt le 22juillet 1832. Antommarchi accourt à Parme et il écrit à Marie-Louise la lettre suivante :

Parme, le 10 septembre 1832.

MADAME,

Votre Majesté commit ma position à Sainte-Hélène et les bienveillantes dispositions de l'Empereur Napoléon à mon égard. Mlle sait aussi avec quelle parcimonie j'ai été traité par les exécuteurs testamentaires, quelle obstination ils ont mise a renvoyer à Sa munificence le soin d'acquitter les charges que la succession devait porter. Je ne reviendrai pas sur ces pénibles détails.

Votre Majesté a daigné me promettre que les intentions de l'Empereur Napoléon seraient remplies. J'ai Sa parole ; j'y compte et me borne à Lui rappeler que la vie s'écoule et que j'attends depuis douze ans que d'augustes volontés s'accomplissent.

 

En même temps il expose au baron Mareschall, ministre de la duchesse que la succession présentant un actif de cinq millions environ, l'héritier à réserve y a été compris pour moitié, que le banquier dépositaire doit donc deux millions aux héritiers du duc de Reichstadt : C'est sur ces fonds, dit-il, que je mets sous la protection de S. M. l'impératrice Marie-Louise l'acquittement des dernières volontés de son auguste époux en ma faveur.

 

Le gouvernement autrichien était formellement opposé à ce que Marie-Louise acceptât la succession de son fils ; toutefois il prétendait lui en laisser la responsabilité, l'intention de l'empereur, notre auguste maître, écrit Metternich le 13 octobre 1832, étant que la solution des questions relatives a la succession de feu l'empereur Napoléon et qui, avant le triste événement que nous déplorons tous, auraient dû être fournies à la décision de la haute tutelle de Mgr le duc de Reichstadt, ail désormais à dépendre uniquement du bon plaisir de S. M. Madame l'archiduchesse duchesse de Parme. Il convenait assurément qu'avant de prendre aucune décision, Marie-Louise eût reçu les informations qu'elle avait vainement demandées sur l'état dans lequel se présentait la succession. Ces informations furent de telle nature que le 8 juin 1833, Metternich n'hésita plus il écrire : Tout se réunit, me parait-il, pour déterminer définitivement Madame l'archiduchesse à renoncer, ainsi que son auguste père et elle-même s'y étaient déjà décidés précédemment, ù l'idée de pouvoir faire valoir les droits de S. A. le duc de Reichstadt a une partie de la succession de Napoléon et, dès lors. Madame l'archiduchesse trouvera sans doute avec.moi que le moment le plus opportun pour déclarer celte renonciation est celui où on la demande comme un acte de condescendance à laquelle on devra lui tenir compte de s'être prêtée, ainsi qu'a notre gouvernement de la lui avoir conseillée.

En conséquence, le 21 juin, l'archiduchesse approuva un rapport de son ministre le baron Mareschall concluant à la renonciation et Mareschall en donna avis à Metternich priant de donner acte de celte déclaration à M. l'ambassadeur de France ainsi qu'a tout autre qu'elle pourrait concerner.

Cette renonciation diplomatique ne parut point plus tard suffisante à la justice française et il fallut que, le 12 mars 1837. Marie-Louise, princesse impériale, archiduchesse d'Autriche, duchesse de l'arme, Plaisance et Guastalla, donnât pouvoir à M. Porcher de Lafontaine avocat à la Cour royale, chevalier de la Légion d'honneur, de renouveler la renonciation devant tel tribunal ou autorité qu'il appartiendra.

 

Antommarchi n'attendit point que la grand'mère du duc de Reichstadt, appelée à la succession par la renonciation de sa belle-fille, eût été régulièrement investie. Déjà, sur la nouvelle de la mort du docteur Burton, il avait lancé la Souscription nationale pour le masque de Napoléon et il avait, comme on l'a vu, sollicité les divers membres de la famille ; mais il ne se contenta point à si pende frais. Dès qu'il apprit la renonciation de Marie-Louise, il se retourna contre Madame Mère et il lui adressa, le 21 février 1831, cette lettre comminatoire :

MADAME,

Le Prince comte de Survilliers a dû vous instruire de ma démarche auprès de lui pour l'accomplissement des dernières volontés de l'empereur Napoléon, votre auguste fils, à mon égard.

Ces dispositions consistent a me faire jouir d'une pension viagère de six mille francs et de cent mille francs à titre de récompense pour les soins médicaux que j'ai été lui rendre à Sainte-Hélène.

Pour que ces dispositions puissent recevoir leur exécution, il serait à désirer que Votre Altesse y joignit son approbation et m'envoyer une délégation spéciale, afin d'obtenir, sur la portion héréditaire de la succession de l'Empereur, le paiement du legs de cent mille francs et la constitution d'un capital pour servir la rente viagère de six mille francs.

M. Laffitte étant détenteur de cette portion héréditaire en 1826, j'ai formé opposition entre ses mains pour la conservation de mes droits, afin d'arriver à une solution longtemps attendue.

Si je ne recevais pas, de Voire Altesse, la délégation que je la prie de m'adresser, je me trouverais donc dans la nécessité d'avoir recours aux tribunaux pour obtenir l'exécution des dernières volontés du Grand Homme ; j'ose espérer. Madame, que vous ne consentirez pas que ces choses prêtent à un éclat pareil qui ne manquerait pas de faire beaucoup de plaisir aux ennemis de l'Empereur et de sa famille.

Par l'état des choses, si, après le délai probable, je n'avais pas l'honneur de recevoir une réponse favorable à cette lettre, je regarderais le silence de Votre Altesse comme un refus et, alors, je ferais valoir juridiquement mes droits. Voulant garder jusqu'à la dernière extrémité la mesure des convenances, je vais adresser copie de la présente lettre à M. le comte de Survilliers.

Je suis, etc.

Paris, 24 février 1831.

 

Malgré cette tentative de chantage qui ne pouvait réussir que par l'intimidation, puisque Antommarchi n'avait en main aucun titre qui présentât la moindre validité : il ne s'en pose pas moins en défenseur de la mémoire de l'Empereur et, trois mois après avoir écrit cette lettre, il adresse à S. M. Louis-Philippe, roi des Français, cette requête (16 juin 1834) à laquelle il donna la plus grande publicité, qu'il fil servir de réclame utile à la vente du Masque et qui dut faire suite à d'autres pétitions non retrouvées :

Sire, écrit-il, lorsque j'eus l'honneur de présenter à Votre Majesté l'offre de mes services pour aller recueillir la dépouille mortelle de l'Empereur Napoléon déposée à Sainte-Hélène, je me flattais que les nombreuses pétitions dont les deux Chambres avaient renvoyé l'examen à vos ministres pourraient avoir quelque droit a leur attention et qu'ils s'occuperaient de l'objet de ces demandes. Jusqu'à présent, ils ont gardé un profond silence ; il ne parait pas qu'aucune décision ait été prise et l'Angleterre s'étonne de posséder encore ces cendres françaises.

Permettez moi, Sire, de faire observer à Votre Majesté que cette restitution si ardemment désirée, proclamerait la bonne harmonie qui règne entre les deux cabinets, et l'heureuse sympathie qui unit les deux peuples, en imposerait aux éternels ennemis du repos de l'Europe, les forcerait de renoncer a leurs projets désastreux. et amènerait le rétablissement de la paix et de la tranquillité après lesquelles la France soupire depuis si longtemps....

 

A l'époque où le choléra avait éclaté à Paris, Antommarchi avait trouvé une certaine clientèle. Au moins, une Mme Caroline Delestre, dans une réclame qu'elle fit insérer dans Napoléon, journal anecdotique et biographique de l'Empire et de la Grande Armée (Paris 1835, in-4°, col. 40) écrivit-elle : Ayant eu le bonheur de connaître beaucoup le Dr Antommarchi dont les soins affectueux me sauvèrent au moment du choléra d'une mort presque certaine... Mais cette cliente fut sans doute l'unique a survivre et elle payait en phrases. Antommarchi était à bout d'expédients. Il touchait encore sa pension de 3.000 francs, mais elle était loin de suffire a ses dépenses — et surtout il ses ambitions.

En septembre 1834, en vue d'un prochain départ, il dressait et signait de sa main un inventaire des objets précieux qu'il possédait dont voici l'extrait relatif aux souvenirs qu'il avait rapportés de Sainte-Hélène ou qui se rapportaient à l'Empereur :

 

EXTRAIT

 

Une petite malle couverte en peau, contenant une boite verte, avec un masque modèle de l'Empereur (en plâtre).

La chaîne.

Une croix en filigrane que l'Empereur m'a donnée à Sainte-Hélène.

Un petit sabre en argent et son fourreau en vermeil.

Un petit Napoléon en or.

Une caisse d'argenterie que le comte Bertrand m'a donnée a notre retour de Sainte-Hélène, contenant 12 cuillères a soupe, 12 fourchettes, 12 petites cuillers, le tout à filets ; 12 couteaux a l'anglaise. La théière en argent dont l'Empereur se servait a Sainte-Hélène, un sucrier idem, une pince a sucre idem, avec quatre godets en cristal et deux petites cuillers a sel en vermeil.

Une lettre autographe du comte Bertrand envoyant au Dr Antommarchi ladite caisse.

Un télescope que l'Empereur Napoléon portait dans ses mémorables campagnes et dont il m'a fait cadeau a Sainte-Hélène en 1820.

Un portrait de Mme Achille Murat.

Un portrait de l'Impératrice Marie-Louise en portefeuille (aquarelle).

Un masque de l'Empereur Napoléon en bronze, de la Souscription Antommarchi (1833) fondu par L. Richard et Quesnel a Paris.

Un morceau de cire à cacheter ayant appartenu à l'Empereur.

 

Ces préparatifs furent suivis d'un prompt départ puisque, à la fin de 1834 Antommarchi arrive à la Nouvelle-Orléans. Il semblait vouloir y exercer la médecine homéopathique a laquelle il s'était converti, et pour obtenir un bon accueil il fit hommage à la cité d'un masque en plâtre de l'Empereur, qui fut solennellement déposé à l'Hôtel de Ville ; mais ce beau début ne lui servit à rien et, en 1830, il s'embarqua pour Cuba et se fixa à Santiago. Il semble y avoir eu des succès dans une spécialité que rien jusque-là ne l'avait préparé à exercer : celle de l'oculistique. Il fit ici la première opération de la cataracte[3] qu'on ait faite dans cette province, sinon dans l'Ile de Cuba, et il fut bien reçu et accepté par ce qu'il y avait de mieux dans la ville, et en particulier par le gouverneur général Moya dans la maison duquel il mourut de la fièvre jaune le 3 avril 1838. Il fut d'abord inhumé dans le tombeau de famille du marquis Tempu ; puis, à ce qu'il semble, ses restes auraient été placés dans un monument que lui aurait érigé le gouvernement de l'Empereur Napoléon III. Il parait du moins ressortir du document suivant, retrouvé dans les archives du Consulat de France à Santiago-de-Cuba qu'un tel projet fut formé en 18bV, attestant une fois de plus combien peu l'empereur Napoléon III était instruit du drame de Sainte-Hélène.

 

MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Paris, le 27 novembre 1851.

 

Direction politique.

Monsieur. Sa Majesté l'Empereur, informé que les restes du Dr Antommarchi gisaient abandonnés à Saint-Jacques de Cuba, dans le tombeau d'une famille étrangère, a décidé qu'une sépulture décente et honorable serait donnée aux dépouilles mortelles de ce fidèle serviteur de Napoléon Ier et que les frais de cette sépulture incomberaient à la liste civile impériale. Je vous prie en conséquence de vouloir bien me transmettre tous les renseignements propres a m'éclaire sur les dispositions qu'il paraîtrait convenable d'adopter pour l'érection d'un tombeau destiné à recevoir les cendres du Dr Antommarchi et sur le chiffre de dépense que ces travaux nécessiteraient. Recevez, etc.

Signé : DROUYN DE LHUYS.

 

Il a jusqu'ici été impossible au capitaine Thomason de retrouver dans quelle partie du nouveau cimetière auraient été transportés les restes d'Antommarchi.

Après sa mort, écrivait de Romans, le 15 juin 1892, au Salut public, de Lyon, M. Stella, capitaine en retraite, son neveu, le Masque passa (avec les autres objets désignés dans l'inventaire de 1834) aux mains de son frère Dominique, propriétaire a Morsiglia (Corse). A la mort de ce dernier, ce fut son frère, Joseph-Marie, domicilié à Caracas (Venezuela) qui hérita du Masque et sa veuve, qui vil toujours et qui se trouve à Santa-Fe de Bogota, est en possession du vrai masque moulé a Sainte-Hélène.

 

Le bruit se répandit, au début de 1902, que les descendants du Dr Antommarchi avaient l'intention de faire vendre aux États-Unis les reliques impériales qu'ils détenaient. Le ministre de France à Bogota en avait averti le département, en envoyant l'extrait de l'inventaire de 1834 et la photographie des objets qui y étaient désignés.

On ne sait, écrivait-il, ni dans quelle ville ils ont été envoyés, ni par les soins de qui la vente devra se faire.

Le Figaro du 23 avril 1902 renfermait des informations analogues.

Si les objets n'ont point été partagés, ils pouvaient se trouver, récemment encore, en la possession du baron Antommarchi qui a signé la lettre publiée par le Temps et qui y disait avoir en sa possession la lettre du grand maréchal désignée dans l'inventaire de 1834.

Divers journaux ont depuis lors annoncé la mort, à Santiago de Cuba, du baron Antommarchi.

 

FIN DE LA PREMIÈRE SÉRIE

 

 

 



[1] Expédition fournie par les exécuteurs testamentaires à Antommarchi et déposée aux Archives nationales.

[2] Cet extrait comprenait uniquement le codicille du 21 avril 1821.

[3] Ces renseignements m'ont été envoyés par le capitaine Henry D. Thomason du National Sanitary Department, détaché près la République de Cuba under the provisional administration of the United States. Le capitaine Henry D. Thomason s'est occupé avec un grand zèle de rechercher la tombe de François Antommarchi dans le cimetière de Santiago et c'est à ce sujet qu'il est entré en correspondance avec moi. Je regrette de lui apporter ici quelques désillusions sur un personnage qu'il estime parce qu'il dévoua sa vie à l'Empereur et qu'il fut l'un plus intime compagnon durant les deux dernières années de vie du héros.