NAPOLÉON ET LES FEMMES

L'AMOUR

 

V. — MADAME FOURÈS.

 

 

A Toulon, le 29 floréal an VI, du pont de l'Océan, le vaisseau sur lequel il a embarqué sa fortune, Bonaparte regarde, si longtemps qu'il peut l'apercevoir, le mouchoir qu'agite Joséphine. Il aime encore cette femme, non plus avec l'ardeur de tempérament des premiers jours, mais avec la reconnaissance de ses sens satisfaits et de son cœur dorloté. Il l'aime comme l'incarnation de la grâce et de l'élégance, comme l'être féminin par essence, le premier qui se soit offert à lui, le premier qu'il ait pleinement possédé.

Avec elle il est convenu que, dès qu'il aura conquis cette Egypte — et il ne doute point de la conquête — elle viendra le rejoindre, qu'il lui enverra une frégate ; qu'en attendant elle ira prendre les eaux. Mais, si Joséphine a été sincère en promettant, bientôt l'idée de partir d'aller si loin, à travers tant d'inconnu, la trouble et l'effraie. A Paris, elle est ressaisie par les habitudes anciennes, les sociétés, le monde, surtout ses liaisons de Milan. De son côté Bonaparte est mis en éveil.

Dès la traversée de Toulon à Malte et à Alexandrie il s'inquiète. Les vieux soupçons lui reviennent à la pensée. Il veut savoir, il interroge, on lui répond. A des reprises diverses, prenant à part ceux qu'il juge le plus ses amis, qui peuvent le moins lui refuser des vérités, il s'obstine à tout connaitre de ce qu'on a dit d'elle en Italie.

Ce qui s'est passé avant qu'il n'épousât Joséphine ne le regarde point, ne le touche point. Quand, de Milan, le 23 prairial an VI, il lui écrit : Tout me plaisait, jusqu'au souvenir de tes erreurs et de la scène affligeante qui précéda de quinze jours notre mariage, il donne la clef de son propre caractère, de sa façon de comprendre l'amour. Le droit qu'il a sur le cœur, sur l'esprit, sur les sens de cette femme, ne date que du jour où elle s'est librement obligée par un serment, où elle a accepté son amour, où elle a semblé le partager ; mais, de ce jour, elle lui appartient, et si elle le trompe, c'est fini d'elle.

Dès que les yeux de Bonaparte sont dessillés, dès que l'illusion où il a vécu s'est dissipée, l'idée du divorce se. fait jour dans son esprit : il tient rompu le lien qui l'attache à sa femme. S'il eût conservé son ignorance, sans doute il lui serait resté fidèle en Egypte comme il l'avait été en Italie, mais, désormais, à quoi bon se contraindre ? à quoi bon, dans l'ennui profond abattu sur l'Armée d'Egypte, négliger des distractions qui, quelques mois auparavant, eussent apparu à sa conscience comme des trahisons envers une maîtresse fidèle, qui maintenant ne sont plus à ses yeux que les naturelles faiblesses d'un homme de vingt-neuf ans ?

Il a la fantaisie de goûter aux femmes d'Asie, comme avaient fait quantité d'officiers ; on lui en amène une demi-douzaine, mais leur tournure et leur obésité le dégoûtent. Il n'y touche point et les renvoie tout de suite. Nul, dès ce temps, plus susceptible de dégotât, plus sensible aux odeurs, ayant des nerfs plus impressionnables et plus effarouchés.

Il rencontre mieux au Tivoli égyptien. C'est un jardin sur le modèle du Tivoli de Paris, qu'a entrepris de monter un émigré, ancien garde du corps, ancien condisciple de Bonaparte à Brienne, qui a obtenu de suivre l'armée. Comme à Paris, il y a un cercle, toute espèce de jeux, de chevaux de bois, d'escarpolettes et de balançoires, puis des jongleurs, des psylles, des almées, et l'on prend des glaces en écoutant la musique utilitaire. Ce serait charmant avec le personnel féminin des jardins d'amour de Paris ; mais, de femmes d'Europe peu ou point, et c'est pourquoi l'armée s'ennuie et pourquoi tant d'officiers, en désespoir de cause, épousent authentiquement des Egyptiennes.

Les seules Européennes qu'on voit et qui fréquentent au Tivoli sont arrivées avec l'armée. Or, avant le départ, les ordres les plus sévères ont été donnés pour que toutes les femmes d'officiers restent aux dépôts des demi-brigades ; celles-là seules donc sont parvenues jusqu'au Caire qui, par un subterfuge, sous des habits d'homme, ont enfreint la consigne, échappé aux rondes, et fait la traversée en quelque cale de navire.

Ce sont des audacieuses, des guerrières, habituées aux aventures et prêtes, comme la femme du général Verdier, à tirer des coups de fusil. Entre elles, la plus jolie, une petite femme à cheveux blonds, à peau éclatante, à dents merveilleuses, très agréable en tout temps, ici adorée.

Elle se nomme Marguerite-Pauline Bellisle : apprentie chez une modiste de Carcassonne, elle s'est fait épouser par le neveu de sa patronne, un joli lieutenant du 22e Chasseurs à cheval qui s'appelle Fourès. En pleine lune de miel, ordre d'embarquer pour l'Egypte : la mariée s'est costumée en chasseur à cheval et faufilée sur le même bateau que son mari. Au Caire, elle a repris ses habits féminins, fraie peu avec les autres officiers, et l'union de ce couple est citée comme un modèle édifiant. A la fête donnée le 20 frimaire an VII (1er décembre) sur l'Esbekieh, où, après la revue générale des troupes, Conté lance une montgolfière qui, pense-t-on, doit prodigieusement surprendre les gens du Caire et ne leur fait même point tourner la tête, les deux tout jeunes aides de camp du Général en chef, Merlin et Eugène Beauharnais, se montrent Mme Fourès : ils l'admirent avec une telle véhémence que Bonaparte à son tour regarde et s'informe.

Le soir même, il la retrouve au Tivoli égyptien, lui adresse des œillades, s'approche, lui fait des compliments, s'arrête longuement près d'elle. Puis des officieux comme il s'en trouve s'entremettent.

Calcul ou vertu, la petite ne se rend pas tout de suite. Il faut des protestations, des déclarations, des lettres, de riches cadeaux. Enfin on s'arrange. Le 17 décembre, Fourès reçoit l'ordre de s'embarquer — tout seul cette fois — sur le chebec le Chasseur, capitaine Laurens, avec mission d'atteindre la côte d'Italie et de porter des dépêches au Directoire : à Paris, il doit voir Lucien et Joseph Bonaparte et revenir promptement à Damiette. Il revint plus vite qu'on ne pensait.

Dès le jour du départ de Fourès, Bonaparte a invité la petite femme à diner avec plusieurs autres dames françaises. Il l'a à côté de lui et lui fait fort galamment les honneurs. Mais tout d'un coup, simulant une maladresse, il renverse sur sa robe une carafe d'eau glacée et l'entraine dans son appartement sous prétexte de réparer le désordre de sa toilette. Les apparences étaient à peu près conservées, dit-on. — A peu près, en effet. Seulement l'absence du Général et de Mme Fourès se prolongea trop longtemps pour que les convives, demeurés à table, pussent conserver des doutes sur la réalité de l'accident.

Le doute fut moins permis encore lorsqu'on vit meubler en hâte une maison voisine du palais d'Elfi-Bey, habitation du Général ; Mme Fourès y était à peine installée que survint Fourès.

Le Chasseur, ayant mis à la voile le 28 décembre, avait, dès le lendemain, été pris par le vaisseau anglais le Lion, et les Anglais, fort au courant de ce qui se passait à l'armée française, avaient eu la malice de renvoyer Fourès sur parole de ne point servir contre eux pendant toute la durée de la guerre.

Fourès, que Marmont avait vainement tenté de retenir à Alexandrie, arriva furieux au Caire et fit expier assez rudement à son épouse les libertés qu'elle avait prises. Pour se soustraire à ses emportements, Mme Fourès demanda le divorce, qui fut prononcé en présence d'un commissaire des guerres de l'armée. Au retour de l'expédition de Syrie, le mari fut de nouveau autorisé à repasser en France et un ordre pressant de faciliter son voyage fut adressé au commissaire de la marine.

Après son divorce, Mme Fourès, qui avait repris son nom de Bellisle, mais qui dans l'armée, comme jadis à Carcassonne, n'était connue que sous le joli nom de Bellilote, s'afficha en favorite. Richement parée, vivant avec un luxe extrême, recevant à sa table les généraux, faisant les honneurs du palais aux quelques Françaises de l'armée, on la voyait aux promenades, tantôt roulant en calèche avec Bonaparte, l'aide de camp de service trottant à la portière — Eugène de Beauharnais comme les autres, — tantôt caracolant en habit de général, tricorne en tète, sur un cheval arabe dressé pour elle. Voilà notre générale disait les soldats. Les beaux parleurs l'appelaient la Clioupâtre.

Au col, elle portait, pendu à une longue d'aine, le portrait miniaturé de son amant. C'était une liaison publique, et qui, d'ailleurs, n'étonnait point. En tout état-major des armées de la République on eût trouvé, dés 92, des jeunes femmes en habits -masculins faisant parfois le service d'aide de camp, comme les demoiselles de Fernig, plus souvent faisant un autre service comme Illyrine de Morency, Ida Saint-Elme, tant d'autres.

Un costume d'homme était de rigueur alors en toute garde-robe de femme vivant librement, et l'habitude qu'avaient les généraux d'emmener à la guerre leur maîtresse ou même leur femme, était si bien enracinée que, pendant les campagnes d'Espagne jusqu'à la fin de l'Empire, nul pour ainsi dire n'y manqua. Exemple : Masséna en 1810-1811.

Bonaparte était à ce point amoureux de Bellilote qu'il ne lui avait point caché l'intention de répudier Joséphine et qu'il lui avait parlé de l'épouser, elle, l'apprentie modiste de Carcassonne, au cas où elle lui donnerait un enfant. Mais quoi ! la petite sotte n'en savait pas avoir, disait-il avec humeur. Et à qui rapportait le propos elle ripostait : Ma foi ! ce n'est pas de ma faute !

Pendant l'expédition de Syrie, elle resta au Caire, et Bonaparte lui écrivait les lettres les plus tendres. Au retour, après Aboukir, quand le Général monta à bord de la Muiron pour revenir en France, il donna l'ordre que la ci-devant Mme Fourès le rejoignit le plus tôt possible et par le premier navire qui serait armé.

Kléber ne l'entendit point ainsi. Successeur de Bonaparte dans le commandement de l'armée, il tenait sans doute la possession de Bellilote comme une des prérogatives du général en chef, et il mit obstacle sur obstacle au départ.

Enfin, il se détermina à l'adresser à Menou, commandant à Rosette, avec ce billet d'introduction :

Au Caire, le 9 vendémiaire an VIII.

La personne qui vous remettra cette lettre mon cher général, est la citoyenne Fourès ; elle désire passer en France, rejoindre le héros, l'amant qu'elle a perdu et attend de votre obligeante courtoisie que vous lui ferez faire ce voyage le plus tôt possible et en bonne compagnie et tout cela, elle saura mieux le solliciter que moi.

Je vous salue bien cordialement.

KLÉBER.

Menou répondit le 18 :

Mon cher général, la belle est arrivée, mais je ne l'ai point vue. Je lui rendrai sans la voir tous les services qui seront en mon pouvoir pourvu qu'il n'y ait rien à démêler avec son mari. Il y a longtemps que je sais et que j'ai éprouvé qu'il ne revient rien de bon à se mêler d'affaires semblables. Soyez assuré qu'en France il sera parlé de celle-ci ; l'homme en question a beaucoup d'ennemis et il se trouvera au Corps Législatif quelqu'un qui fera sur la galante aventure un discours de deux heures au moins. Vous voyez d'ici tout ce qu'on peut dire là-bas ! Nous serions bien arrangés, nous autres pauvres diables, si nous entrions pour quelque, chose dans la bataille.

On voit que Menou paraissait assez peu se soucier de l'Homme en question. Un mois plus tard, jour pour jour, il eût écrit d'une autre encre. Enfin, grâce, dit-on, à Desgenettes, Mme Fourès obtient de s'embarquer avec Junot et quelques savants de l'Expédition Rigel, Lallemand et Corancez fils — sur un bateau neutre l'América. Mais malgré son pavillon, l'América fut pris par les Anglais.

Voilà Bellilote captive, puis relâchée, enfin amenée en France. Elle y arrive quand tout est terminé ; la réconciliation est accomplie entre Joséphine et Bonaparte, et la journée du 18 Brumaire a fait de son amant le premier magistrat de la République, l'homme qui doit donner à tous l'exemple de la dignité dans la vie et de la rigidité dans les mœurs.

On prétend qu'alors il interdit à Bellilote de venir à Paris. Elle ne fit point faute pourtant de s'y montrer en compagnie, aux Français et dans les autres théâtres. Seulement le Consul refusa de la recevoir.

Par contre, beaucoup d'argent : il en donne chaque année et chaque fois qu'elle en demande. En 1811, le 1er mars, il lui fait don encore de 60.000 francs sur la Caisse des Théâtres. Il fait acheter pour elle une maison de campagne aux environs de Paris et il s'intéresse à son mariage avec un personnage bizarre et de peu de scrupules, M. Henri de Ranchoup, ci-devant officier d'Infanterie.

Le mariage a lieu à Belleville en 1800 et le mari dont les aventures méritent d'être contées tant elles sont singulières, est nommé le 11 Brumaire an X (19 octobre 1801) sous-commissaire des relations commerciales à Santander ; trois ans plus tard, il obtient d'y être mis en pied. En 1807, il est transféré à Carthagène et le 27 juin 1810 il obtient le Consulat de Gothembourg.

Sa femme ne l'y suit pas, s'installe à Paris.

Elle occupe un bel appartement rue Napoléon, tient un grand état de maison, dépense à tort et à travers, est folle de monde et de plaisir, s'empresse aux bals, aux spectacles, aux promenades à la mode, reçoit quantité de Russes, mais ne néglige pas les Français. Elle a pour amant, en 1811, le commandant Paulin, aide de camp de Bertrand, et, presque en même temps, Peyrusse, le frère du caissier de la Couronne. Cela ne l'empêche pas de courir après l'Empereur, d'épier son regard et de désirer son sourire. Dans toute fête publique où elle peut espérer qu'il passera, elle se place au premier rang. Dans tous les bals masqués où il y a chance qu'il vienne, elle trouve moyen de se faire inviter. Un soir, dans un de ces bals, elle le reconnaît sous son domino gris de fer, l'aborde, l'agace, croit, à un mot qu'il lui dit ou qu'elle croit entendre, qu'elle a éveillé un souvenir dans son esprit. Décrire une jubilation comme celle où je la vis le lendemain n'est pas en mon pouvoir, écrit Paulin. Qui sait ? C'est peut-être le lendemain qu'il lui envoya les 60.000 francs.

Paulin parti pour l'Illyrie, elle prend un autre, deux autres amants, elle en prend dix, et de toute nation, Russes surtout et Français. Mais ces amours fort retentissants n'empêchent point qu'on la trouve en même temps fort répandue dans les cercles à la mode. Elle fréquente chez la baronne Girard, chez la comtesse de Sucy, chez la baronne Boyer. C'est qu'elle est en vérité très intelligente et très agréable, et qu'elle plait aux femmes comme aux hommes. Elle vient de publier chez Delaunay un roman, Lord Wentworth et, du coup la voilà passée femme de lettres.

Elle peint aussi, non sans agrément : on en peut juger par un portrait aimable où elle s'est représentée effeuillant une marguerite.

Elle y est charmante avec sa tète drôle et vivante, un peu ronde, — un peu modiste mais très fraiche et très éclatante sous les cheveux d'un blond cendré nattés et frisés à l'enfant ; avec ses grands yeux d'un bleu clair qui veulent être pudiques, à la façon des cruches cassées, et auxquels des sourcils d'un noir d'ébène donnent un éclat singulier ; avec son corps délicat et appétissant, des bras d'une vraie beauté, cet ensemble aimable, frais, gentil qui rachète par l'éclat et la grâce ce qui manque en distinction.

Vers 1816, la gêne arrive, puis une sorte de misère. Alors elle vend son mobilier qui est d'importance, et part pour le Brésil en compagnie d'un sieur Jean-Auguste Bellard, ancien officier de la garde. Le bruit court à Paris que, avec sa fortune réalisée, elle se propose de nouer des relations avec Sainte-Hélène et de faire évader Napoléon. Elle n'y pense guère, ayant pris l'Empereur en horreur et affectant les opinions les plus purement blanches. Lorsque en ses mémoires Mme d'Abrantès, avec quantité d'éloges, se fait l'écho du racontar, Mme de Ranchoup proteste. Cela la pourrait mettre mal avec la police qui la surveille comme ancienne amie de Bonaparte, et qui, en 1825, lorsqu'elle revient en compagnie de Bellard, la fait filer pas à pas.

Au fait, par ses voyages, elle n'a voulu, semble-t-il, que se refaire une aisance : elle a emporté une pacotille, qu'elle échange au Brésil contre des bois de palissandre et d'acajou, revient avec ses bois, les vend, achète des meubles qu'elle retourne vendre et fait ainsi la navette jusqu'en 1837, où elle se fixe à Paris. Elle continue à écrire, publie un nouveau roman : Une Chaclaine du XIIe siècle, et, installée dans un appartement modeste de la rue de la Ville-l'Évêque, entourée de singes et d'oiseaux en liberté, elle mène jusqu'à l'âge de quatre-vingt-douze ans car elle est morte seulement le 18 mars 1869 — une existence que beaucoup envieraient. Elle a gardé son intelligence intacte, elle écrit, elle peint, elle joue de la harpe, elle achète des tableaux, elle entretient ses relations avec les femmes qu'elle a connues jadis, elle forme même de nouvelles amitiés, — avec Mlle Rosa Bonheur entre autres.

Son goût d'art, on le trouvera dans les tableaux assez nombreux qu'elle a légués au musée de Blois — elle était attirée à Blois par une amie, la baronne de Wimpffen —. Beaucoup de copies, beaucoup de ces tableaux qu'on dit de l'école de Raphaël, du Titien, de Léonard, de Bouclier ; quelques toiles attribuées à Prud'hon, d'autres à Reynolds, à Terburg, à Jean Meel, à Carlo Niaratti, Jeaurat ; deux tableaux modernes, l'un de Rosa Bonheur, l'autre de Compte-Calix ; des Enfants Jésus, des Bohémiens, des Vénus, des Amours, des Psychés, des Ermites, des Leçons de flûte — rien qui rappelle les temps de l'Égypte, et le palais d'Elfi-Bey, et l'homme qui dans cette vie devrait tenir toute la place. Mme de Ranchoup — la comtesse de Ranchoup, comme elle se faisait appeler — avait, avant sa mort, brûlé toutes les lettres que lui. avait écrites le général Bonaparte.

Elle eût voulu, semble-t-il, anéantir jusqu'au souvenir de cet amour qui lui vaut seul un peu de la curiosité de l'histoire, cet amour très jeune, très sensuel, qui a encore des 'côtés de naïveté, mais qui, surtout, dénote déjà chez Bonaparte ce désir, dès lors impérieux, d'un enfant à lui, un enfant à qui il transmettrait, avec son nom, l'héritage de sa gloire.