Le Selon-Luc.La nativité du personnage que le christianisme, sous le nom de Jean-Baptiste, présente comme le Précurseur de Jésus-Christ, et, par suite, distinct de lui historiquement, ne se trouve, dans les quatre Évangiles, que dans le troisième, dit Selon-Luc. Elle précède immédiatement celle de Jésus-Christ, qu’elle chevauche un moment, dans le récit d’une visite de la Vierge Marie, mère de Jésus, à la mère de Jean-Baptiste, Élisabeth. Les Évangiles Selon-Marc et Selon-Jean ne font naître ni l’un ni l’autre des deux personnages, qu’ils nous présentent, adultes déjà, au moment où ils débutent tous les deux dans leurs rôles respectifs, et presque simultanément, de même qu’ils sont nés, dans le Selon-Luc. Le Selon-Matthieu a une Nativité de Jésus-Christ. Le récit en est d’ailleurs, à la lettre, en apparence, absolument inconciliable avec celui du Selon-Luc[1]. Quant à Jean-Baptiste, le Selon-Matthieu le fait se manifester en ce temps-là, après que Joseph et Marie, de retour d’Égypte, vont se fixer à Nazareth, dont j’ai dit et prouvé que c’était Gamala, dans les montagnes qui dominent la rive orientale du lac de Génézareth. Le Selon-Matthieu, par des raccourcis narratifs, imprécis, essaie de donner l’impression que Jean, le Précurseur, est homme fait quand Jésus est à peine adolescent. Il est certain qu’à lire le Selon-Matthieu et le Selon-Marc, — pour le Selon-Jean, il n’en est pas du tout de même, — les deux personnages, Jean-Baptiste et Jésus-Christ, y apparaissent assez distincts, dans l’ensemble, pour qu’il soit difficile de soupçonner qu’il n’y a, à leur origine historique, qu’un individu : le Messie juif, Crucifié par Ponce-Pilate. Mais cette vérité que les scribes ont voulu effacer, par l’invention de la carrière de Jean-Baptiste, le Précurseur, elle rayonnait encore du jour le plus crû, même après le roman de la décapitation, imaginé au IVe siècle, vers son déclin, sinon pendant la première moitié du Ve, pour qu’il ait fallu trouver plus encore, après l’an 362 de l’ère de Denys le Petit, c’est-à-dire à la fin du IVe siècle, peut-être au début du Ve, après que l’Empereur Julien eût déterré le cadavre. Ce qu’on a trouvé, c’est justement cette Nativité, qui n’était pas nouvelle, qui s’appliquait au Christ, sous son pseudonyme apocalyptique de Jean, en grec Iôannès, et que l’on a attribuée tout simplement, non sans y avoir pratiqué quelques modifications nécessaires, et visibles encore, pour le but que l’on voulait atteindre, à Jean-Baptiste, inventé à la fin du second siècle au plutôt vers le temps où l’on a inventé l’apôtre Paul et que l’on compose des Épîtres sous son nom, ainsi que les Actes des Apôtres. Et l’on a introduit cette Nativité, devenue celle de Jean-Baptiste, dans le Selon-Luc, à côté, mais la précédant, — le Précurseur, n’est-ce pas ? — de la Nativité de Jésus-Christ. Deux naissances d’enfants, — des fils, des mâles, — deux pères, si l’on peut dire, s’agissant du Zacharie et du Joseph évangéliques, deux femmes qui deviennent enceintes, peu importe par quelle vertu, voire la vertu du Saint-Esprit ; l’une, vieille, Élisabeth, comme son auguste époux, l’autre jeune, mariée ou non ou près de l’être, à Joseph sans âge, et qui toutes deux mettent au monde chacune un beau garçon, c’en est assez, semble-t-il, pour faire apparaître comme des imposteurs ceux qui ont prétendu et osent, oseraient encore prétendre que ce Jean Baptiste, qu’on a décapité sur l’ordre d’Hérode, est le même que le Christ, est le Christ même que Ponce-Pilate a fait crucifier. Eh ! bien, non. La vérité aura le dernier mot, et nous allons montrer que la Nativité de Jean n’est que, le double de la Nativité du Christ, espèce de Thargoum ou de Parabole ou de Similitude, qui rejoint la réalité dans un marivaudage entre les deux mères, où l’on voit que la mère de Jean est le fantôme de Marie, ou si l’on préfère, la matrice de la mère du Christ[2]. Aucun Juif, familiarisé avec le symbolisme des Thargoums, n’a pu se tromper sur le sens de la Nativité de Jean, double de la Nativité du Christ. Seuls, les Goïm, les incirconcis, les nations, les païens, car le mot est inventé alors, ont pu prendre cette similitude de la naissance de Jean, distinct du Christ, pour une réalité vécue[3]. Mais les Goïm de ces temps lointains, qui ne manquaient pas d’esprit cependant, ne comprenaient pas la plaisanterie, la galéjade, la blague, l’humour, si l’on veut, des Thargoums judaïques. Il ne paraît pas que les savants du nôtre aient plus de compréhension. Ouvrons le Selon-Luc et lisons[4]. Zacharie et Elisabeth.Au temps d’Hérode, soit au plus tard l’an 750 de Rome, date de la mort de ce roi de Judée, un prêtre, nommé Zacharie, de la classe d’Abia et d’Aaron, et sa femme Élisabeth, issue des filles d’Aaron, n’ont pas de fils, et ils sont tous les deux avancés en Age, et Élisabeth est Stérile[5]. On nous dissimule, par Abia et Aaron, que Zacharie est de la race de David. Mais le scribe fera chanter par Zacharie un cantique, à la naissance de Jean, qui le dit né dans la maison de David et sauveur. La vérité est rétablie. Ouf ! Ils sont tous deux, aussi, justes devant Dieu, marchant irréprochables devant sa face, observant tous les commandements et toutes les ordonnances mosaïques (du Seigneur, dit le Scribe). Oui, on pourrait surnommer Zacharie, comme Joseph : Pan-Thora, Toute-la-Loi, — c’est compris[6]. Un jour que Zacharie est entré dans le temple pour y offrir des parfums et qu’il est en prières, — il est de semaine, comme on dit au régiment, — et tout seul évidemment, l’ange Gabriel lui apparaît et lui annonce qu’Elisabeth lui enfantera un fils, dont on ne nous donne pas le nom de circoncision, mais seulement le surnom : Iôannès, que nous traduisons Jean[7]. Et l’ange Gabriel lui prédit que ce fils sera grand devant le Seigneur, qu’il ne boira ni vin, ni boisson fermentée, qu’il sera rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère. En un mot, il sera nazir ou naziréen (nazaréen), comme le Christ[8]. Zacharie, que l’apparition de l’ange a un peu effrayé, tout juste qu’il soit, est bien vite rassuré. L’ange lui dit : Ne crains point, ta prière a été exaucée ; ta femme te donnera un fils[9]. Tout de même, l’esprit ressaisi, il s’étonne. A quoi reconnaîtrai-je cela ? demande-t-il. Car je suis vieux, et ma femme est avancée en âge. L’ange
répond, et sa réponse est éberluante : Tu vas
devenir muet et tu ne pourras parler jusqu’au jour où ces choses arriveront,
parce que tu n’as pas cru à mes paroles qui s’accompliront en leur temps. Cependant, continue le Selon-Luc, le peuple attendait Zacharie,
et s’étonnait qu’il s’attardât dans le sanctuaire. Quand il sortit, il ne
pouvait leur parler, et ils comprirent (ils ? le peuple) qu’il avait eu
quelque vision...
il leur faisait des signes, et il demeura muet. Il
rentra chez lui. Quelque temps après, Élisabeth, sa femme, devint enceinte ;
elle se tint cachée pendant cinq mois, et elle disait : C’est la grâce que le
Seigneur (Yahveh) m’a faite, quand il a jeté les yeux sur moi, pour ôter
l’opprobre où j’étais parmi les hommes (Luc, I, 21-25). Faisons
halte un moment. Qu’est-ce que cette histoire ? Voyons ! Voici un bon vieux
Juif, prêtre, fanatique de la Loi (Thora). Il a une femme, très
vieille comme lui, et qui est restée stérile, parce qu’elle n’a pas de fils.
D’où il suit qu’elle aurait été tout aussi stérile, au point de vue des
scribes, si elle avait eu des filles. Point à retenir. Ce bon vieux prêtre
juif est dans le Temple, en prière ; il prie Iahveh, El ou Eloï de lui
accorder un fils sur ses vieux jours ; il offre des parfums qui sont
agréables aux narines de son dieu. Voici qu’un ange lui annonce que sa prière
est exaucée, que sa femme lui enfantera un fils,- pas une fille. Il est si
heureux que, dans sa joie, il demande à l’ange des précisions : A quoi connaîtrai-je cela ? Question bien légitime
et curiosité bien naturelle, de haute prévoyance même ! Peut-être voudrait-il
apprendre la date exacte de la naissance du bébé promis, afin de tenir prête
la layette, de s’assurer d’une sage-femme, de n’être pas pris au dépourvu ?
Dame ! avec ces anges qui rendent enceintes les vieilles femmes et mères les
vierges sans que leur virginité s’en ressente, on ne sait jamais si le terme
de la délivrance obéira au rythme de nature. Je plaisante ? Mais, dites-moi,
est-ce que, prévu et même conçu aux jours d’Hérode,
d’après le Selon-Luc lui-même, tout comme le Christ, dans le
Selon-Matthieu[10], soit, au plus tard, en 750
de Rome, ce Jésus qui va naître en même temps que Jean, à quelque six mois
près, si l’on y tient, est-ce que le Selon-Luc, tout à l’heure, ne va
pas le faire naître, lors du Recensement de Quirinius, — voir la Crèche de
Bethléem, — soit en 760, dix ans après la mort d’Hérode, dix ans au moins
après la conception de Iôannès et de Jésus ? Alors ? Cette curiosité bien naturelle, l’ange Gabriel, pour les besoins de la cause, l’interprète comme un manque de foi : Et il inflige à Zacharie une punition étrange, sans aucune espèce de rapport avec la prétendue faute. Il le rend muet, et temporairement, jusqu’au jour où ces choses arriveront. Et, en effet, Zacharie, muet et ne se faisant comprendre que par signes, retourne dans sa maison, Élisabeth devient enceinte, et se tient cachée pendant cinq mois. Bien. Cette histoire n’est pas vraisemblable ; elle n’est pas vraie non plus. J’ai dit que c’était un Thargoum, une similitude sur la naissance du Christ. Déchiffrons-les. Et tout d’abord, ce Zacharie et cette Élisabeth, où les scribes les ont-ils pris ? D’où les font-ils venir ? Le nom de Zacharie a été porté par un prophète que l’on donne comme ayant vécu sous Darius, et qui serait l’auteur de treize chapitres de visions et de prédictions sur le Messie Juif. L’Apocalypse lui a fait de larges emprunts dans le fond et dans la forme, notamment en ce qui concerne la destruction du monde par tiers, la ruine de Jérusalem et le règne d’Iahveh Ælohim Sur toute la terre[11]. L’idée du baptême d’eau vient de lui (XIII, 1) : Il y aura une source ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem pour le péché et pour la souillure. Que ce nom ait été donné par les scribes au père du Baptiseur, et Jésus-Christ est un baptiseur comme Jean, quoi de plus naturel ? Il lui convient à merveille. Mais ce n’est pas tout[12]. Ce nom de Zacharie, d’autre part, est tiré du mot chaldéen Zachu, qui désigne le signe zodiacal que nous appelons, depuis les Grecs, le Verseau. Il précède le signe des Poissons, le Zêb, en chaldéen, symbole du baptême, d’eau, signe de la grâce. Le Zachu est le père des Poissons, c’est-à-dire du Christ, et, s’il l’est de Jean, allégoriquement, c’est que Jean, c’est le Christ. J’ai exposé tous ces faits dans l’Énigme de Jésus-Christ[13]. Voulez-vous l’opinion de Tertullien ? Nous renaissons dans l’eau à l’état de petits poissons, selon notre Poisson (avec la majuscule : Ichthus, en grec), Jésus-Christ ; et ce n’est qu’en restant dans l’eau que nous sommes sauvés (De baptismo, chap. Ier). Si Jean n’est pas le Christ, que fait Jésus-Christ de plus que Jean, en matière de baptême, d’après Tertullien lui-même ? Et l’on s’explique admirablement ce que signifie (quel signe est) ce mutisme de Zacharie, dont l’afflige, avec une incohérence qui n’est qu’apparente, mais que tous les initiés ont comprise, l’ange Gabriel. Les Goïm en restent stupides. Mais tous les Juifs saisissaient l’allégorie. Cet homme rendu muet, comme les Poissons, ils comprenaient que l’ange Gabriel lui faisait, à lui, Verseau-Zacharie, céder le pas au Christ, à l’Ichthus, son fils, et tout ensemble le plaçaient sous le signe de la grâce, les Poissons ou Zêb. L’ange Gabriel leur rappelait aussi, en clignant de l’œil, à la pensée des mystifications dont il abreuve ainsi les Gentils, de complicité avec les Juifs d’alors, pourquoi Zacharie-Joseph-Juda le Gaulonite, un même individu sous trois noms, est aussi le même sous un quatrième : celui de Zébédée[14]. Et Élisabeth ? Son nom est la transcription de deux mots hébreux, faciles à retrouver – Eloï et Shabed, Eloï nommant le dieu Iahveh, et Shabed signifiant promesse et serment. Élisabeth, c’est la promesse, le serment de Dieu, d’Iahveh, à son peuple, par Moïse. C’est en elle, que l’on fait vieille comme la Judée et stérile comme elle, jusqu’au jour de la naissance du Messie vengeur, que le Selon-Luc entend réaliser allégoriquement la Promesse, le serment d’Iahveh, que Marie réalisera selon le monde. Elle est vieille de cinq signes, des cinq signes qui, sur le Zodiaque, précèdent les Poissons, c’est-à-dire l’heure du Messie. Promesse d’Iahveh, faite à Moïse, elle reste cachée pendant cinq mois, pendant ces cinq signes, des millénaires, portant l’espoir du Christ à venir, mais stérile en ce sens que le Messie n’est venu, ne devait venir que sous le signe des Poissons ou Zéb. Car elle serait tout aussi stérile, si elle avait enfanté des filles. Pour la destériliser, il lui faut un fils, que l’ange Gabriel lui annonce, un fils, un mâle, et non point un enfant de sexe féminin. Le Christ ne peut être qu’un mâle. C’est ce qu’a très bien compris l’ange Gabriel, dans l’Apocalypse, où la femme enceinte met au Monde un fils ; le texte dit bien un fils, et non un enfant, et croit bon de préciser, de spécifier, en ajoutant : arsen un mâle, qui doit gouverner toutes les nations avec un sceptre de fer. Mais ce n’est pas tout. Ces Thargoums auxquels se complaît l’imagination juive, et dont on trouve d’autres exemples dans les Talmuds, comme dans les Évangiles, sous le nom de similitudes ou de miracles, la plupart des miracles ne sont pas, en effet, autre chose, ces Thargoums contiennent souvent une double et triple allégorie. Après l’allégorie des cinq mois ou signes pendant lesquels Élisabeth, Promesse reste cachée, le scribe en amorce une seconde, qui chevauche sur ces cinq mois et sur la première, pour conjoindre Zacharie à la Vierge, ce qui permet aux initiés de reconnaître que Zacharie est aussi le père du Christ, qui naîtra de la Vierge. Ayant fait son annonciation à Zacharie (Verseau), l’ange Gabriel, d’un coup d’aile, passe aux Poissons, marquant son passage en rendant Zacharie muet ; et, au sixième mois de la grossesse d’Élisabeth, il arrive à la Vierge, qui est, en effet, le sixième signe, après les Poissons — Agneau, Taureau, Gémeaux, Cancer des Anes, Lion et Vierge, ce qui fait bien six. Et c’est ce nombre six qu’il faut appliquer aussi à Zacharie (Verseau), pour le superposer et l’identifier à Joseph-Juda, dont le signe, l’attribut, est le Lion, qui domine la Vierge. Après le Verseau, le Lion est, en effet, le sixième signe sur le Zodiaque. En résumé, Zacharie et Élisabeth nous transportent en pleine allégorie apocalyptique et astronomique, — l’allégorie même sur laquelle, en la faisant disparaître autant que possible, ont été construits les Évangiles. Comme les Mages d’Orient, marchant à l’Étoile, au signe de la Vierge pour venir adorer le Roi des Juifs, Zacharie n’est un être vivant que par les signes. Les signes parlent pour lui. En dehors des signes, il n’existe pas. Ils sont la vision que, lorsqu’il sort du sanctuaire, le peuple,- des Juifs qui savent de quoi il retourne, — dit qu’il a eue. Et Élisabeth, Promesse d’Iahveh, n’a de raison d’être que comme Promesse, dont l’existence ne tient qu’à des signes. La Nativité du Iôannès, par Zacharie et Élisabeth, n’est que celle du Christ, sous son nom d’Apocalypse, et conformément aux données du Thème sur les Destinées du monde, dans lequel s’encadre l’Espérance d’Israël et la promesse d’Iahveh de rendre son peuple souverain de toutes les nations et maître de la terre entière. La Nativité du Iôannès est la nativité du Christ, à l’usage des initiés qui connaissaient le sens de l’Apocalypse, le seul Évangile historique, authentique, au Ier siècle. Peut-être même provient-elle de l’Apocalypse, d’où on l’a détachée, après y avoir fait les retouches nécessaires[15]. Et puisque c’est le Christ qui bénéficie de la promesse d’Iahveh, comme souverain au renouvellement du monde, la Nativité du Iôannès tend encore à prouver que le salut vient des Juifs, — Jésus-Christ et l’apôtre Paul le répètent souvent, — par leur Christ. Le Christ, c’est donc encore Iôannès. On ne peut faire un pas sans être ramené à cette certitude. Ce n’est pas l’apparition de Marie sur la scène et la naissance de Jean et de Jésus qui vont l’infirmer, au contraire. Poursuivons donc notre chemin. L’Ange Gabriel et Marie.Nous avons laissé Élisabeth cachée pendant cinq mois. L’Ange Gabriel a dû retourner au ciel d’où, au sixième mois, Dieu l’envoie à Nazareth, la ville symbolique, auprès d’une vierge qui s’appelle Marie, fiancée à un homme du nom de Joseph, de la maison de David, — c’est le Selon-Luc qui le dit, et il ne l’a pas dit de Zacharie, pour lui dire qu’elle concevra et enfantera un fils dont elle appellera le nom Jésus. Ce fils, dit Gabriel, sera grand, il sera appelé le Fils du Très-Haut, — le scribe indique à peine qu’il sera Nazir, lui aussi, — et le Seigneur Dieu, — Iahveh, Ælohim, — lui donnera le trône de David, son père. Il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin. En un mot, c’est bien le Messie. Marie s’étonne, comme avait fait Zacharie. Elle dit à l’ange : Comment cela arrivera-t-il, car je ne connais point d’homme. L’ange Gabriel ne la rend pas muette pour avoir trop parlé et douté. Le signe qui la concerne, en effet, ce n’est pas les Poissons, c’est la Vierge. Gabriel se souvient toujours de l’Apocalypse. Il répond en anthropophormisant non sur les Poissons, mais sur la Vierge : L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut, te couvrira de son ombre ; c’est pourquoi aussi le saint enfant qui naîtra sera appelé le Fils de Dieu[16]. Écoutez la suite. L’ange Gabriel ne peut, se tenir de mêler Élisabeth à l’événement. Voici ! dit-il ; ta parente, — le mot grec dit plus que parente : suggenis, c’est-à-dire née ensemble, — a aussi conçu un fils en sa vieillesse, et c’est (maintenant) le sixième mois de celle qui était appelée stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. Et Marie dit : Voici la servante du Seigneur (Iahveh) ; qu’il me soit fait selon sa parole. Marie acquiesce avec une soumission remarquable. C’est qu’elle a compris. Elle entre dans le jeu des signes. Le sixième mois de celle qui était appelée stérile, c’est un signe qui ne peut aboutir qu’à elle, la Vierge. Si Gabriel lui parle du sixième mois d’Élisabeth, c’est pour qu’elle comprenne bien, — et les initiés aussi, — qu’en elle s’est réalisée charnellement la Promesse d’Iahveh, humanisée dans Élisabeth. En somme, l’ange Gabriel lui apprend qu’elle est enceinte de six mois[17]. Et se rappelant toujours l’Apocalypse et la Vierge céleste, grosse du soleil, qui est délivrée à la Noël, il transpose en elle le phénomène de la course descendante du soleil, couvrant la terre d’une ombre croissante. Ainsi, Marie, vierge, qui n’a point connu d’homme, peut accepter cette maternité, sans que sa pudeur ni sa vertu ne s’en alarment ? L’ange Gabriel a régularisé les choses. L’honneur de la Vierge est sauf. Puis l’ange la quitta, achève le Selon-Luc, et on ne le reverra plus. Voulez-vous me dire ce qu’il a de plus à faire ? Que l’ange Gabriel sache de quel sexe, — un fils, — sera l’enfant de Marie, et non point parce qu’il est ange, c’est là chose compréhensible, puisque, avant lu l’Apocalypse, il y a appris que la Vierge, céleste enfante celui, un mâle, qui gouvernera les nations avec un sceptre de fer, et puisque ce mâle sera le Messie, qui ne saurait être une femme. Mais, qu’il ait prédit aussi à Zacharie qu’il aurait un fils, avant même, qu’Élisabeth, vieille et stérile, ne soit enceinte, c’est ce qu’on ne peut expliquer si le futur Iôannès, à naître, n’est pas le Messie, le Christ attendu. Car qui attendait Jean-Baptiste ? Nous sommes toujours ramenés, par quelque côté qu’on étudie cette histoire, à la réalité, à ce qu’a été la vérité le Iôannès fut le Christ. Mais nous arrivons au centre même de notre démonstration, au nœud gordien du problème. C’est ici que la mystification va se révéler, en un éclair aveuglant, d’autant plus aveuglant au milieu des ombres dont on l’entoure. Marie = ÉlisabethEn ces jours-là, Marie s’étant levée, s’empressa d’aller au pays des montagnes. Cette Marie ! elle ne fait que voyager pendant sa grossesse. Tout à l’heure, nous la verrons partir de Nazareth, pour aller à Bethléem, avec son mari, se présenter au Recensement de Quirinius. Heureusement pour elle que ces voyages ne sont que des déplacements sur le papier, imposés par le calame des scribes. Elle va, maintenant, au pays des montagnes, dans la ville de Juda. Oui, le scribe ne craint pas de nous le dire. Quel aveu ! Le nom historique de Joseph sous la plume du scribe ! La ville de Juda ! Mais c’est Gamala = Nazareth, dans les montagnes, celles qui cernent la rive orientale du lac de Génézareth ! Pourquoi irait-elle ? Elle y est. Élisabeth aussi. Je vous disais bien qu’elle ne voyage que sur le papier[18]. Au pays des montagnes, dans la ville de Juda, — de Juda de Gamala, son mari, en Évangile Joseph, — elle entre dans la maison de Zacharie, et elle salue Elisabeth, promesse d’Iahveh. Et alors, écoutez bien. Pesez chaque phrase et chaque mot dans chaque phrase. C’est ici qu’il faut avoir des oreilles pour entendre. Car voici le joint, habilement dissimulé, qui fait de Marie et d’Élisabeth la même femme. Or, il arriva, lorsque Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, que le petit enfant tressaillit dans son sein ; et Élisabeth fut remplie du Saint-Esprit (Luc, I, 41). Ainsi, plus de six mois se sont écoulés depuis qu’Élisabeth est enceinte. Jamais l’espoir qu’elle porte n’a encore donné signe de vie. Et il a suffi que Marie se présente et salue Élisabeth pour que le petit enfant, Marie sait lequel, se mette à tressaillir. De la matrice symbolique où les scribes l’ont enfermé, — Promesse de Dieu, — il a reconnu sa vraie mère ; il tressaille, il remue, il s’agite ; il essaie de lui tendre les bras. Peut-être trouve-t-il qu’il y a maldonne, et veut-il réintégrer les flancs qui vraiment l’ont porté. S’il se prête au jeu des scribes qui l’ont enveloppé dans leur Thargoum, il voudrait ne pas tromper les Goïm. Il fait ce qu’il peut pour leur dévoiler le sens de la similitude et la supercherie dans laquelle ils vont donner pendant vingt siècles. Rendons justice à son élan vers la vérité historique, vers Marie, sa vraie mère. Il ne peut pas parler. Mais s’il le pouvait, à ce moment où il est en veine, il dirait : « C’est parce que je suis le Christ futur qu’É1isabeth, où l’on m’a enfermé, pour que se réalise la Promesse d’Iahveh, est remplie du Saint-Esprit, que je lui communique. » Et il s’associerait et applaudirait, s’il était libre, aux paroles que va prononcer Élisabeth, qu’il inspire, qui élève la voix et qui s’écrie, s’adressant à Marie, en qui elle transpose sa maternité : Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ! Apercevez-vous le joint, maintenant ? Touchons-le du doigt. Ainsi, Élisabeth sait donc que Marie est enceinte ? Nullement. Au fait, même, si l’on s’en tient à la lettre du récit du scribe, elle ne l’est que dans le sein d’Élisabeth. Quand l’ange a quitté Marie, il lui a bien annoncé qu’elle concevrait un fils par la vertu de l’Esprit-Saint qui viendrait sur elle et par la puissance du Très-Haut qui la couvrirait de son ombre (comme la Vierge céleste). Mais l’événement s’est-il produit quand Marie, en ces jours-là, s’étant levée, va au pays des montagnes, dans la ville de Juda ? C’est tangent, mais on ne nous le dit pas, alors qu’on nous a prévenus, en ce qui concerne Élisabeth que Zacharie était rentré dans sa maison le Verseau, et que, quelque temps après, sa femme était devenue enceinte. Mais admettons, si l’on y tient, que nous sommes en plein sous le signe du Capricorne, et que l’événement prédit par l’ange Gabriel à Marie soit arrivé. Élisabeth n’en sait rien. Personne ne le lui a dit. Marie, elle, sait qu’Élisabeth, sa parente, suggenis, est enceinte. L’ange Gabriel l’en a informée. Elle sait qu’Élisabeth est à son sixième mois. Mais Élisabeth ? Elle sait de Marie qu’elle est vierge, c’est tout. Comment oserait-elle soupçonner que, ne connaissant point d’homme, Marie attend un bébé ? Vous verrez dans le Koran de Mahomet, Marie, vierge, blâmée par ses proches. Une fille-mère ! Aussi Élisabeth ne soupçonne-t-elle rien. Sans doute qu’elle aurait honte de Marie. Si donc elle croit à la maternité de Marie, et elle y croit, — car elle est dans la règle du jeu, — si Marie doit être, mère, elle sait que c’est elle, Élisabeth, qui porte le bébé et sert d’entrailles à Marie. C’est ce qu’elle veut dire quand elle s’écrie : Tu es bénie, entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni ! Élisabeth porte donc, dans ses entrailles, le fils de Marie. Serrons l’allégorie de plus près. L’ange Gabriel nous a fait suffisamment comprendre que Marie concevrait sous le Capricorne, deviendrait enceinte au moment où le jour devient égal à la nuit, vers le 20-25 septembre. Elle se lève aussitôt, « en ces jours-là», et s’empresse d’aller retrouver Élisabeth, dont c’est le sixième mois. Elle va revendiquer sa maternité, autrement dit, auprès d’Élisabeth qu’on lui substitue. Et Élisabeth qui sait que Marie ne vient que pour cet objet, — car elle est complice du jeu, — n’a pas une hésitation : Je suis la Promesse d’Iahveh ; elle a été tenue ; je viens de la sentir physiquement réalisée par le tressaillement en moi du fruit béni de tes entrailles. Ton fils a six mois, il est vivant. La visite de Marie à Élisabeth, c’est la conjonction des deux femmes, la réalité et la vérité se confondant avec le symbole et l’allégorie, et le Thargoum avec l’histoire. Est-ce assez clair ? Il est des mères qui confient à des nourrices le soin et le devoir d’allaiter leur bébé. D’après le Selon-Luc, c’est à Élisabeth qu’ont été confiées les entrailles de Marie pour porter l’enfant. L’étrange aventure ! En s’adressant à Marie, pour lui rendre sa salutation, Élisabeth, dont l’enfant, d’après l’Évangile, tressaille dans son sein, Élisabeth qui ne devrait pas savoir que Marie est enceinte, dans la réalité apparente du récit, ce n’est pas du fils qu’elle porte, elle, Élisabeth, qu’elle parle, mais de celui de Marie ; et le texte ne dit pas que c’est son petit enfant, à elle, Élisabeth, mais le petit enfant. C’est qu’il n’y en a qu’un : celui de Marie dans les entrailles d’Élisabeth qui avoue que ce sont celles de Marie. Elles ont les mêmes. Et afin qu’on ne s’y trompe pas, elle insiste : Et d’où me vient cet honneur que la mère de mon Seigneur vienne
me visiter ? La mère de mon Seigneur ? Vous croyez peut-être, et les exégètes vous le soutiendront, qu’Élisabeth anticipe, veut parler d’un autre enfant, distinct du fils qu’elle porte, et dont peut-être Marie doit être enceinte, ce qu’elle ne sait pas ? Le Seigneur dont elle parle, qui est le sien, parce qu’elle en est grosse, c’est le Christ, et Marie est sa mère, elle le dit, et l’on peut en être d’autant plus sûr, qu’elle va expliquer sa phrase : D’où me vient cet honneur que la mère de mon Seigneur vienne me visiter ? Elle va reprendre en style direct, à son compte, ce que le scribe avait dit en style indirect : Lorsque Élisabeth eut entendu la salutation de Marie, le petit enfant tressaillit dans son sein. Elle a dit : D’où me vient cet honneur que la mère de mon Seigneur vienne me visiter ? et elle explique : En effet, — un raccourci pour exprimer : tu es bien la mère de mon Seigneur, — ta voix, quand tu m’as saluée, n’a pas plus tôt frappé mon oreille, — elle est même plus explicite que le scribe ; elle ajoute plus tôt, — que le petit enfant a tressailli de joie dans mon sein. De joie ? c’est encore Élisabeth qui ajoute ce trait, que le scribe n’a pas donné. De joie ! Pourquoi donc ? Sinon parce que Marie est sa mère ? Et Élisabeth félicite Marie de n’avoir pas douté que la Promesse d’Iahveh se réaliserait. — Bienheureuse est celle qui a cru (c’est Marie), car ce qui lui a été dit de la part du Seigneur (Iahveh), — par l’ange Gabriel : voici le sixième mois de celle qui était stérile », — aura son accomplissement. Et alors, Marie ? Dit-elle que, personnellement, elle porte elle aussi un enfant ? Comment le dirait-elle, alors qu’elle vient de constater et qu’Élisabeth vient de lui confirmer qu’elle n’est enceinte que par son intermédiaire ; elle est sa parente, sa suggenis, née avec son double. Marie s’extasie, car ce qui lui arrive n’est pas ordinaire. Elle s’exclame : Mon âme magnifie le Seigneur... Il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante (elle répète Élisabeth : Iahveh a jeté les yeux sur moi pour ôter l’opprobre où j’étais parmi les hommes), le Tout-Puissant m’a fait de grandes choses, — oui, très grandes, d’une fantaisie démesurée — ; il a déployé la puissance de son bras... il a pris en main la cause d’Israël, son serviteur, et il s’est souvenu de sa miséricorde, ainsi qu’il en avait parlé à nos pères, envers Abraham et sa postérité à toujours. Bref, elle rend à Élisabeth l’hommage qui est dû à la Promesse d’Iahveh, de susciter à Israël un vengeur, par la naissance du Messie. Elle reconnaît que l’enfant, le seul dont il ait été question et que porte Élisabeth, c’est bien le Messie, le Christ. Que veut-on de plus ? Est-ce que, de bonne foi, dans ce marivaudage parabolique entre Élisabeth et Marie, qui est dans la règle des Thargoums ou similitudes, Élisabeth n’apparaît pas comme la remplaçante ou le double de Marie, l’une et l’autre ne s’intéressant qu’à l’enfant, leur enfant, — il n’y en a qu’un, et qui, parce qu’il est unique, prouve qu’il n’a qu’une mère : Marie-Élisabeth, présentée sous l’aspect de Marie « selon le monde » et sous l’aspect d’Élisabeth pour le besoin de lier le Messie au rythme millénariste et zodiacal des Destinées d’Israël, conformément à la révélation juive[19] ? Après cette rencontre de Marie et d’Élisabeth, où elles se confondent, — si l’on y tient, disons qu’il n’y a qu’une femme qui marivaude avec son image reflétée dans une glace, — le scribe, ayant écrit pour les initiés, peut librement raconter la délivrance d’Élisabeth, puis celle de Marie. Les Goïm, les Gentils s’y laisseront duper, c’est possible. Il n’est pas difficile de composer deux récits sur le même sujet. Mais ils ne sauraient maintenant prévaloir contre les conclusions logiques qui précèdent. On va s’apercevoir, au surplus, que si distincts que le scribe essaie de faire croire qu’ils sont, ces deux récits, ils aboutissent tous les deux à la naissance du Messie, qui est unique, sous le nom de Iôannès ou de Christ-Jésus. Nativité de JeanMarie reste trois mois environ avec Élisabeth, qui est à terme. Elle aussi. Bien que le Selon-Luc la fasse retourner dans sa maison, avant de donner la délivrance d’Élisabeth, — on comprend l’intention, — on ne peut pas croire que Marie, qui a passé trois mois auprès de sa suggenis, l’abandonne juste au moment de l’épreuve qui l’intéresse aussi intimement. Les scribes ecclésiastiques ont la spécialité de nous présenter des monstres, sans cœur, sans rien d’humain. Jésus traite sa mère avec une rudesse barbare — Femme, qu’y a-t-il de commun entre toi et moi ? et sa famille comme un ensemble d’indifférents qu’il bouscule : Qui sont ma mère et mes frères ? Écoutez aussi dans la scène du Temple, — Jésus au milieu des Docteurs, sa réponse à ses parents qui l’ont perdu, qui le cherchent pleins d’inquiétude, il est âgé de douze ans, et qui, l’ayant retrouvé, lui manifestent leur peine et leur angoisse : Pourquoi me cherchez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être occupé des affaires de mon Père ? Il est à claquer. Et sa mère, au pied de la croix ? La statue de l’insensibilité. Pas une larme, pas un cri, pas un sanglot. A Bethléem, vous rappelez-vous que pas une femme, pas un homme ne s’est trouvé pour offrir à Marie, dans les douleurs de l’enfantement, une chambre dans l’hôtellerie ? L’étable ! pour cette chair pantelante. Et Marie, donnant l’exemple à tout ce monde, le mauvais exemple, est aussi pressée de s’enfuir d’auprès d’Élisabeth à terme, qu’elle était accourue, sans penser que sa présence lui serait au moins un réconfort moral. Elle n’a même plus la curiosité d’attendre pour savoir si l’enfant sera un garçon ou une fille. Peut-on croire que c’est possible, si Marie, qui a cru à l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur, ne savait pas qu’Élisabeth n’est pas un être de chair, mais une abstraction métaphysique comme le nom qu’elle porte, et dont la grossesse n’est que pneumatique, c’est-à-dire n’existe qu’en esprit ? N’importe ! le terme d’Élisabeth étant venu, elle enfante un fils. Ses voisins et ses parents, plus humains que Marie, s’en réjouissent avec elle[20]. Le huitième jour, on circoncit l’enfant on l’appelait Zacharie, du nom de son père. Mais sa mère dit : Non ! il sera nommé Jean. On lui dit : Il n’y a personne dans ta parenté qui porte ce nom[21]. Alors, ils demandèrent par signes au père comment il voulait que l’enfant fut nommé. Le père comprend. Il est intelligent. Car faire comprendre par signes à quelqu’un comment on désire que son fils s’appelle, est une entreprise qui n’est pas facile. Essayez, si vous ne m’en croyez. Passons, puisque Zacharie, lui, a compris. Il ne répond pas par signes sauf alphabétiques. Il demande des tablettes, par signes encore ; mais on ne nous dit pas de quelle façon. Il écrit dessus : Jean est son nom. ». Et ils en furent tous surpris. Pour nous, ce qui nous surprend davantage, c’est qu’Élisabeth ait connu ce nom, qui n’a été révélé par l’ange Gabriel qu’à Zacharie, muet tout aussitôt. On devrait bien nous dire comment il s’y est pris pour le faire connaître à sa femme. Par signes ? par tablettes ? Nous ne le saurons jamais. Aussitôt le nom de Jean écrit, la bouche de Zacharie s’ouvrit, sa langue se délia, et il parlait, bénissant Dieu, et l’on s’entretenait de toutes ces choses dans tout le pays des montagnes (addition frauduleuse : de la Judée), soit aux alentours de Gamala, où nous sommes. Et alors Zacharie, rempli de l’Esprit Saint, lui aussi, — il est sous le signe des Poissons, de la grâce, — prophétisa et dit : Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et racheté son peuple et nous a suscité un puissant sauveur (une puissante corne de salut, textuellement ; hébraïsme) dans la maison de son serviteur David, tout comme Joseph, de la maison de David, Luc nous l’a dit, vous vous en souvenez ; le scribe oublie qu’il a voulu nous le cacher en disant que Zacharie est de la classe d’Abia. Il ne peut pas se dépêtrer des mensonges dans lesquels il s’enlise ; Zacharie est donc Joseph, de la maison de David, une fois de plus. Le cantique de grâces continue : Comme il en a parlé par la bouche de ses saints prophètes, dès les anciens temps ; il nous délivre de nos ennemis et de la main de tous ceux qui nous haïssent... se souvenant de sa sainte alliance, selon le serment qu’il a fait à Abraham (à Moïse surtout, le scribe a volontairement la mémoire défaillante), de nous accorder qu’après nous avoir délivrés de la main de nos ennemis, nous le servirions sans crainte, dans la sainteté et la justice. C’est, en une phrase, tout le synallagmatisme du Pacte d’Alliance entre Iahveh et son peuple : donnant, donnant. Même, Iahveh doit d’abord donner des gages : après nous avoir délivrés, alors nous le servirons... Ces anciens Juifs ne donnaient rien pour rien, ni sans avoir fait payer d’avance leur Dieu lui-même. Voilà la première partie du cantique de Zacharie à la naissance de Jean. S’agit-il de Jean-Baptiste ? Qui, s’il veut être sincère devant sa conscience, peut le soutenir ? Ce serait Jean-Baptiste, cet enfant, qui naît pour délivrer Israël de ses ennemis ? que Dieu (Iahveh) a suscité dans la maison de David, conformément à toutes les prophéties et au Pacte d’alliance avec Moïse et Abraham, et se souvenant de ce Pacte de Sainte-Alliance, pour qu’il délivre les Juifs (pour être leur Jésus ou Sauveur) de la main de ses ennemis ? C’est le scribe qui répète ! Voulez-vous me dire ce qui, aussi insignifiant que ce soit, peut s’appliquer à la vie de Jean-Baptiste et à sa carrière, dans cette prédiction de Zacharie ? alors qu’elle colle au Christ, appelez-le Jésus ou Jésus-Christ, si vous voulez et non Jean, comme la peau sur la chair ! Conclusion : le Iôannès-Jean est le Christ, et si Zacharie est le père, c’est qu’il est le double de Joseph, le même en chair, comme Élisabeth est le double de Marie. J’attends que les critiques, les savants, les exégètes, l’Église, — je ne parle pas du troupeau moutonnier des fidèles qui n’a jamais lu les Évangiles de sa foi, répondent et expliquent ce que peut signifier d’autre le cantique de Zacharie. Oui, je sais, il y a la Suite du cantique qui permet à la foi, — bonne on mauvaise, — d’ergoter. La voici : Et toi, petit enfant, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut : tu marcheras devant la face du Seigneur pour préparer ses voies, pour donner à son peuple la connaissance du salut, par la rémission de ses péchés. On soutiendra, et on l’a soutenu, que la phrase : tu marcheras devant la face du Seigneur pour préparer ses voies, etc., ne peut viser que Jean-Baptiste ; elle le désignerait comme le précurseur de Jésus-Christ. Argument désespéré, accroc du noyé à toute planche, j’allais dire à toute corne, — de salut. Jésus-Christ nous a dit lui-même qu’il n’avait pas eu besoin du témoignage de Jean comme précurseur. Mais surtout, marcher devant la face du Seigneur, est-ce que cette expression a jamais signifié : précéder le Seigneur, marcher devant lui ? Le Seigneur dont il est question ici, ce n’est pas d’abord Jésus, c’est Iahveh, c’est Dieu. Marcher devant la face de Dieu, est un hébraïsme qui signifie : agir, vivre, se conduire suivant la loi de Dieu, et puisque le dieu juif, c’est Iahveh, suivant la loi d’Iahveh. Le sens de cette expression ? mais il est cristallisé dans cet article du Décalogue : Ecoute, Israël, je suis le Seigneur, — vous lisez bien le Seigneur, et ce n’est pas Jésus-Christ, — le Seigneur, ton Dieu,... tu n’auras point d’autres dieux devant ma face (Exode, XX, I-3 ; Deuter., IV, 7). Toutes les prescriptions mosaïques, toutes celles des prophètes ne sont que le commentaire de ce commandement. Marcher devant la face de Dieu, d’Iahveh, c’est apprendre ses lois et ordonnances, et ses commandements, c’est le craindre, c’est se prosterner devant lui, c’est lui offrir des sacrifices, c’est mettre en pratique ses lois, préceptes, ordonnances, commandements, de telle manière que Iahveh puisse vous regarder sans détourner la tête, pour ne pas vous voir ne plus marcher devant sa face. C’est, en une phrase, l’aimer de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée. Les scribes évangéliques, sur cette expression si pleine de sens, dans son raccourci, et d’un sens si clair, ont essayé de donner le change, et les exégètes n’ont demandé qu’à s’y laisser prendre ; ils l’ont présentée comme une allusion à Isaïe (XL, 3) : Une voix crie Préparez au désert le chemin de l’Éternel, aplanissez dans les lieux arides une route pour notre Dieu, et à Malachie (III, 1) : Voici, j’enverrai mon messager, il préparera le chemin devant moi. Le Selon-Matthieu (III, 1-3) déclarera : Jean-Baptiste parut, disant : Repentez-vous, car le royaume de Dieu est proche. C’est de lui que parle Esaïe, quand il dit : Une voix crie dans le désert Préparez le chemin du Seigneur... Le Selon-Marc (I, 1-3) combine Malachie et Esaïe. Le Selon-Luc (III, 4-7) cite Isaïe plus longuement. Le Selon-Jean (I, 23) dit : Une voix crie dans le désert ; Redressez le chemin du Seigneur. Ce n’est pas trop des quatre Évangiles pour s’efforcer de sophistiquer la vérité historique sur l’inexistence de Jean, distinct du Christ, et présenté comme le baptiseur et précurseur. Même, ils feront venir Jésus à la rescousse, dans le Selon-Matthieu (XI, 10) et le Selon-Luc (VII, 27), où Jésus, parlant de Jean, s’exprime dans les mêmes termes Jean..., plus qu’un prophète ; c’est celui dont il est écrit (dans Malachie) : Voici j’envoie mon messager devant ta face, pour préparer le chemin devant toi. Le Selon-Marc dit aussi devant ta face pour préparer ton chemin[22]. Les scribes évangéliques des trois Synoptisés ont tellement l’intention de tromper, et ils savent si bien qu’ils trompent, qu’ils ont ajouté à la citation de Malachie ce complétif : devant ta face, qu’ils prennent au cantique de Zacharie, et qui n’est pas dans Malachie. Le faux ne leur répugne pas. Ni Esaïe, ni Malachie ne portent devant ta face ou ma face. Dans Malachie, c’est même Iahveh qui parle : J’envoie mon messager, pour préparer le chemin devant moi (et non devant toi). Il s’agit du chemin de Dieu (Iahveh), comme aussi dans Esaïe : du chemin de l’Eternel (Eloï), d’une route pour notre Dieu. Où voit-on Jésus-Christ dans tout ceci, et qu’il lui ait fallu un précurseur pour l’annoncer aux Juifs ? Il n’y a que change, fraude pour faire témoigner des textes à contresens et leur faire signifier des mensonges. La fin du cantique de Zacharie n’est encore, à propos du Iôannès, que la proclamation qu’il est le Christ. Les entrailles de la miséricorde de notre Dieu — les entrailles d’Élisabeth, vous l’avez vu, — se sont émues (il a tenu sa promesse), et le soleil levant nous a visités d’en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort. Oui, le Christ est bien un soleil levant, le soleil conçu par la Vierge céleste et qui naît le 24-25 décembre, qui s’élève pour que les jours recommencent à croître. C’est toute l’allégorie de la crèche de Bethlehem en deux mots. La crèche de Bethléem s’applique-t-elle à Jean-Baptiste ? Et aussi, le Selon-Jean, reproduisant Cérinthe, nous l’a dit : Le Verbe était Dieu... en lui était la vie, la vie était la lumière des hommes... la véritable lumière qui éclaire tout homme venant au monde... Et Jean, — en tant que Jean-Baptiste, — n’était pas la lumière. En tant que Christ, il fut, au IIe siècle, le corps où aimait descendre du ciel le dieu Jésus, Verbe ou Logos. Une fois né, le petit enfant grandissait et se fortifiait en esprit, et il demeura dans les déserts jusqu’au jour de sa manifestation à Israël. Ici se termine le chapitre premier, avec ses quatre-vingts versets, du Selon-Luc, qui contient la Nativité de Iôannès-Jean. Le chapitre Il est consacré à celle de Jésus à Bethléem. Je n’en parlerai que dans ses rapports avec mon sujet actuel[23]. Nativité de Jésus au recensement de Quirinius.Que la nativité du Iôannès-Christ a été introduite dans le Selon-Luc pour l’appliquer au personnage inventé de Jean-Baptiste, distinct du Christ de Ponce-Pilate, après lui avoir fait subir toutes les adultérations, retouches, raccords indispensables, — je les ai suffisamment fait ressortir, — on peut l’inférer encore de la Nativité de Jésus, dans ce même Évangile. Comment ! voici un scribe, — s’il n’y en a qu’un, ce qui est impossible, — qui, conformément au Selon -Matthieu, fait naître Jean « aux temps d’Hérode », en l’an 750 de Rome au plus tard, d’où il suit que Marie, enceinte des six mois d’Élisabeth, a dû mettre son fils Jésus au monde, puisqu’on veut qu’ils soient deux, en même temps que naît Jean. Je l’ai fait remarquer déjà. Point indiscutable. Ceci, dans son premier chapitre. Et, tout de suite, la page à peine tournée, il nous donne une naissance de Jésus-Christ à Bethléem, au moment du recensement de la Judée, sous Quirinius, gouverneur de Syrie, en 760. D’un chapitre à l’autre, dix ans d’écart. Pas de meilleur moyen pour faire de Jean, l’aîné des deux, le Précurseur[24]. Oui ! bien sûr ! Mais comment concilier la naissance aux temps d’Hérode et la naissance en 760 ? Impossible. Il faut toujours en revenir là, à l’immortelle vérité : la nativité du Iôannès n’est que la nativité du Christ, sous forme de Thargoum qui le fait entrer dans le système astrologique et zodiacal des destinées d’Israël et du monde, conformément aux mythes juifs, amalgamés avec le Pacte d’alliance et la promesse d’Iahvé, à son peuple, d’un messie qui le vengerait des injures des nations. Le Selon-Luc ne fait même pas chanter par ses parents, une fois Jésus né, un cantique enthousiaste comme l’a fait Zacharie à la naissance de Iôannès. Marie elle-même reste sans voix, alors qu’en apprenant que son petit enfant a tressailli, rien qu’à entendre sa salutation à Élisabeth qui le porte dans ses entrailles, elle ne peut s’empêcher de chanter un Magnificat. Iôannès seul a tous les honneurs. Puisqu’il les a reçus, comme Christ, sous le nom de Jean, le scribe, qui l’en a abreuvé et qui sait à quoi s’en tenir, trouve inutile de se répéter. Symeôn et Anna.Toutefois, à défaut des parents, qui ont épuisé leur verve pour Iôannès, la naissance de Jésus mérite au moins un hymne d’allégresse, ne serait-ce que du parrain et de la marraine. Les voici. Je vous les présente : Syméon, avec un y grec et Anna, Syméon homme juste et pieux, qui attend la consolation d’Israël. L’Esprit saint est sur lui. Il est sous le signe de la grâce. Que dis-je ? Il est le signe, — on a truqué son nom qui n’est pas Symeôn, mais Sêmneion ; et Symeôn n’est donné que pour produire une confusion avec le nom hébreu Simon, — il est la preuve, le signe envoyé par les dieux, qui enregistre que le Messie est venu à son heure, au douzième millénaire, sous les Poissons, précédant et devant préparer le retour de l’Agneau, le renouvellement du monde[25]. C’est ce que le scribe exprime sous cette forme : Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne verrait point la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur, c’est-à-dire l’Oint d’Iahveh, de Dieu, toujours. Il vient donc au Temple, le jour de la présentation de l’enfant au Seigneur (Iahveh) ; il prend l’enfant entre ses bras, bénit Dieu et dit : Maintenant, Seigneur, tu laisses aller ton serviteur en paix, selon ta parole (la parole d’alliance qui prévoyait le Messie) ; car mes yeux ont vu ton salut, que tu as préparé pour être, devant la face de tous les peuples, la lumière des nations (lumière qu’il projettera) dans l’Apocalypse (sous le nom de Jean-Iôanisès), et la gloire de ton peuple d’Israël[26]. Jean toujours, Jean partout, comme Christ, et sous le masque de Jésus-Christ[27]. Quant à Anna, Iao-Anna, grâce d’Iahveh, — l’on dit : l’an de grâce du Seigneur, — elle est là comme témoin de Siméon, le Signe, et que le Signe a bien enregistré la naissance du Messie à son heure. Car elle aussi attend la délivrance de Jérusalem. Prophétesse, naturellement, fille de Phanuel (ou face d’Eloï) de la tribu d’Aser (destin favorable) — Symeôn n’a pas de tribu, elle a l’air d’une femme, comme Élisabeth, mais sans l’être plus qu’elle. Si elle l’était vraiment, le scribe, qui doit connaître les ordonnances mosaïques, interdisant le service des femmes dans le sanctuaire, elles n’étaient admises que dans un harem (cour) spécial, — dirait-il qu’elle ne sortait point du temple, qu’elle y est donc à demeure, servant Dieu nuit et jour dans les jeûnes et les prières ? Elle est quelque représentation mathématique dont on peut trouver le sens au moyen des chiffres que le scribe nous donne : elle a vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité ; puis elle est restée veuve, et, pour lors, elle est âgée de quatre-vingt-quatre ans. Elle est l’épouse symbolique de l’Agneau, signe sous lequel le monde a commencé ; elle a vécu avec lui pendant sept signes, les sept jours de mille ans de la Genèse. Puis le mal est entré dans le monde ; le règne de Satan a commencé ; c’est ce que signifie, en effet, ce que dit le scribe qu’elle est devenue veuve. Elle ne retrouvera son époux qu’au retour de l’Agneau, quand, sous les Poissons, le Messie aura délivré Jérusalem ; elle attend cette délivrance, et c’est pourquoi elle est là pour constater que le Messie n’a pas manqué l’heure ni le jour, ni l’année de sa venue. L’an de Grâce ! Bien que donnée comme étant de la tribu d’Aser (destin favorable), elle représente les douze tribus, toute la Judée, comme Élisabeth, d’autre part. Elle est vieille, comme Élisabeth aussi, dont on ne nous dit pas l’âge, qui est le même. Quatre-vingt-quatre ans ! Le nombre a été obtenu en multipliant le nombre douze (celui des tribus d’Israël) par le nombre sept des jours de la Genèse, années de mariage d’Anna, ou chiffre des branches du chandelier, sept et douze étant des nombres sacrés. La nativité de Jésus se termine comme celle de Jean par la même phrase ou presque : Le petit enfant grandissait et se fortifiait, étant rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui. Phrase qui reviendra une page plus loin, après la scène de Jésus au milieu des docteurs : Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. C’est la phrase « raccord » entre ces récits de la nativité du Iôannès, de celle de Jésus et de la scène du temple, quand on a introduit dans le Selon-Luc les deux récits de la nativité de Jean et de la scène du temple, et qui prouve qu’on les a introduits après coup, celui de la Nativité de Jean tout spécialement dans l’intention frauduleuse et pour l’imposture que vous connaissez maintenant[28]. Mahomet et le Koran.Zacharie et Élisabeth n’étant les parents de Iôannès, nom d’apocalypse du Christ, que pour le Thargoum qui le fait entrer dans le thème des destinées d’Israël et du monde, et même ensuite, lorsqu’ils sont devenus les parents de Jean-Baptiste, disparaissent comme par enchantement des Évangiles, aussitôt Iôannès né. Le couple, en effet, n’a de raison d’être que pour cette naissance. De Marie, mère de Jésus-Christ, il sera encore question dans les Écritures à venir. D ‘Élisabeth, jamais plus. La grande ombre de Zébédée planera longtemps encore sur sa veuve, la mère de ses fils. Joseph, tué au recensement, le Selon-Luc le montrera encore vivant à l’époque de la cène de Jésus. Agé de douze ans devant les docteurs dans le Temple, scène inconciliable avec la naissance de Jésus, donnée en récit dans le Selon-Luc comme ayant eu lieu l’année du recensement, où meurt Joseph, dans le corps de Juda le Gaulonite. Le Selon-Matthieu termine la carrière de Joseph à son retour d’Égypte, après la mort d’Hérode. Il le fixe à Nazareth, et n’en parle plus. Mais dans les quatre Évangiles, — le Selon-Jean l’ignore totalement, — de Zacharie, plus rien[29]. Il faudra arriver jusqu’au VIIe siècle, pour le retrouver, dans le Koran de Mahomet. Le prophète de l’Islam, de la même race sémitique que les Juifs, n’a rien ignoré, soyez-en sûrs, de la mystification évangélique. S’il ne l’a pas dénoncée, complice des Juifs mosaïstes, dans leur silence, c’est pour les mêmes motifs : il rit sous cape, ou sous son burnous, de l’ineffable farce jouée aux roumis par ses cousins d’Israël. Mahomet ne rejette pas absolument Jésus, qu’il nomme Aïssa. Pour lui, Jésus n’est pas Dieu, ni fils de Dieu. Pour sa gloire, comme il dit, Dieu ne saurait avoir de fils. Jésus est aux yeux de Dieu, devant sa face, comme disent les prophètes juifs, ce qu’est Adam : Dieu l’a formé de la poussière[30]. Il est fils de Marie. Mais qui est son père ? Mahomet ne le dit pas. L’histoire de Jésus, dans le Koran, tient en quinze ou vingt lignes, sans un fait qui vaille, sans un événement où s’accrocher. Serviteur de Dieu, sans plus, il est venu pour confirmer le Pentateuque. Il est Pan-thora, n’est-ce pas[31]. Il vient avec des signes de la part du Seigneur. Les Juifs ne l’écoutant pas, — ils n’ont pas cru en lui, dit le Koran, ses disciples seront les auxiliaires de Dieu pour conduire les hommes vers Dieu. Les Juifs imaginent des artifices contre Jésus et Jésus contre les Juifs. Mais Dieu est le plus habile. Il enlève Jésus ; il lui fait subir la mort, de cette façon. Il le délivre des infidèles. Le sens est clair, mais il est difficile de se représenter en quoi consiste cet enlèvement vers Dieu, ce retour à Dieu, autrement qu’à la manière des gnostiques faisant aller et venir le Verbe Jésus, entre ciel et terre, du sein de Dieu au corps de Jean et réciproquement. Pour Mahomet, Jésus n’a pas été crucifié ; un homme qui lui ressemblait fut mis à sa place. Mahomet semble adopter ici la fable apparue à la fin du premier siècle, d’après laquelle Simon de Cyrène aurait été substitué au Christ, comme mis en croix, à moins qu’il ne se souvienne encore du Verbe de Cérinthe[32]. Et c’est tout sur Jésus. C’est maigre[33]. Quant à Jean, que les commentateurs chrétiens assimilent à Jean-Baptiste, et que le Koran appelle Yahia, Mahomet en parle moins encore, trois fois au sujet de sa naissance (III, 34 ; XIX, 7 et XXI, 90) et une fois pour le nommer simplement, comme Juste, après Zacharie et avant Jésus et Élie (VI, 85). La naissance de Yahia-Jean, fils de Zacharie, est rapportée deux fois dans le Koran, en termes plus on moins identiques, et intimement liée à celle de Jésus, fils de Marie (III, 31 à 42 la Famille d’Imran ; et XIX, 1-35 : Marie). Certes, le Koran nous présente bien, semble-t-il, deux enfants distincts Yahia = Jean et Jésus. Mahomet (III, 31 à 42 où figurent les deux annonciations), qui n’a pas besoin ici de l’ange Gabriel, fait annoncer par Dieu lui-même à Zacharie qu’il aura un fils. Sa femme, dont le nom n’est pas donné, est vieille et stérile. Mais s’il devient muet, comme les poissons, ce n’est pas parce qu’il doute de la promesse de Dieu, comme dans Luc ; Mahomet a plus de franchise que le Selon-Luc. C’est parce qu’il a demandé à Dieu un signe comme gage de cette promesse. Et quel gage qui soit un signe plus clair que les Poissons, pour leur père, le Zachu ? Le fils promis est symbolisé par ce mutisme. Et immédiatement après, Mahomet fait dire à Marie, par les anges, que Dieu l’a élue, qu’il lui annonce son Verbe, qu’il se nommera le Messie, fils de Marie. Si l’on veut bien considérer que le Koran ignore absolument qu’Élisabeth est la femme de Zacharie, — son nom n’est nulle part dans le Koran, — et que Marie a ou aura un époux du nom de Joseph, — même remarque que pour Élisabeth, — on est bien obligé de conclure que, pour Mahomet, le couple unique, s’il y a couple, c’est Zacharie-Marie, et que Yahia = Jean n’est que l’aspect humain du Messie ; il est le Verbe de Dieu, le mot y est, s’appliquant à lui. Au chapitre XIX (Marie), Mahomet répète l’annonciation de Dieu à Zacharie. Et si vous doutez que Yahia = Jean et Jésus sont le même enfant, pour Mahomet, voici qui va vous enlever votre doute, Un jour, dit-il, invoquant, le Seigneur, Zacharie dit, Seigneur, mes os se dérobent sous moi, mes cheveux sont blanchis par l’âge (mot à mot : ma tête s’allume des feux de la calvitie) ; je crains les miens, qui me succéderont (je crains qu’ils ne s’éloignent de toi). Ma femme est stérile. Donne-moi un héritier qui me vienne de toi, qui hérite de moi, qui hérite de la famille de Jacob. » Rappelez-vous donc les cantiques de Zacharie et de Marie dans le Selon-Luc. Qu’il s’agisse de Jean ou de Jésus, c’est toujours à Abraham, par Jacob, que remonte la promesse de l’héritage, le serment de la délivrance d’Israël. Impossible d’échapper à l’identité des deux enfants. Il n’y en a qu’un. Dieu répond : Nous t’annonçons un fils. Son nom sera Yahia. Avant lui personne n’a porté ce nom. Zacharie comprend que c’est lui qui aura un fils. Il dit : Comment aurais-je un fils ? Ma femme est stérile, et moi, je suis arrivé à l’âge de la décrépitude. Dieu dit : Il en sera ainsi. Ton Seigneur a dit : Ceci m’est facile. Je t’ai bien créé quand tu n’étais rien. Qu’on relise de près ce morceau. Zacharie a-t-il demandé à Dieu un fils ? Non, mais un héritier qui vienne de Dieu. Dieu dit : Nous t’annonçons un fils. Précise-t-il que ce sera le fils de Zacharie ? La formule est presque un faire-part, comme celui d’un père à un ami : Nous t’annonçons un fils, le nôtre. Et quand Zacharie se méprend, croyant que c’est lui qui sera le père, Dieu le détrompe-t-il en disant : Il en sera ainsi (que je l’ai dit) ? Il a plutôt l’air de suivre sa pensée première : Nous t’annonçons un Fils, — un Fils de Dieu, qui sera pour toi l’héritier — qui vienne de moi, suivant les propres termes de ta supplication. Il semble que le Koran crée intentionnellement un quiproquo entre Dieu et Zacharie sur ce fils. Mais le fond est clair : un héritier qui vienne de Dieu, qui hérite de la maison de Jacob ? Zacharie a demandé le Messie, et il l’aura, et, dans son enthousiasme, s’adressant à lui, sous le nom de Yahia, avant même qu’il ne soit né, il lui met dans la main le livre (le Pentateuque), dont Mahomet nous a dit par deux fois que Jésus est venu pour le confirmer. Il est donc impossible que, pour Zacharie, Yahia ne soit pas le Messie, le Christ. Mais cet héritier qui vienne de Dieu, qui hérite de Zacharie et de la maison de Jacob, va-t-il venir ? Où est donc la mère, l’Élisabeth du Selon-Luc ? Inconnue. Alors, Yahia, qui donc va le mettre au monde ? Quelle mère ? Ne vous troublez pas. Mahomet compose son Koran d’une manière plutôt heurtée et incohérente, mais il vous apprendra ce que vous voulez savoir. Voici venir, en effet, immédiatement, Marie, à qui un envoyé du Seigneur se présente, chargé de lui donner (à elle) un fils saint. Elle devient grosse et les douleurs de l’enfantement la surprennent auprès d’un tronc de palmier[34]. Elle rentre dans sa famille, portant l’enfant dans ses bras. Ô sœur d’Aaron, lui dit-on, tu as fait là une étrange chose ! Ton père n’était pas un homme méchant, ni ta mère une femme dissolue. Et Jésus répond, disculpant sa mère : Je suis le serviteur de Dieu, il m’a donné le Livre de Pentateuque, et m’a constitué Prophète. Jésus, qui n’en est pas encore à sa troisième tétée, a le livre, celui que Zacharie lui a mis dans les mains, celles de Yahia. Et maintenant, si vous voulez achever de comprendre tout ce symbolisme, dans le Koran, comme vous l’avez compris dans les Évangiles, où les « signes » jouent et commandent l’affabulation, où les êtres se dédoublent de leur corps charnel pour se créer une substance métaphysique, une vie chiffrée, une existence dans les étoiles, et n’hésitent pas à s’assimiler, malgré les anachronismes, à d’anciens personnages dont ils empruntent les traits, les moins, les caractéristiques, lisez dans le Koran (la Famille d’Imram, III, 31 et suivants) comment l’on mêle les temps et les personnages du temps de Moïse à ceux des temps de Tibère. Voici Imram (Amram), père de Moïse, d’Aaron, et, tout à l’heure, de leur sœur Marie. La femme d’Imram, en effet, Iao-shabed, — c’est déjà la Promesse de Dieu comme, Élisabeth (Eloïshabed), — met au monde une fille. Elle la nomme Marie, et la place sous la protection de Dieu, elle et sa postérité. Vous vous croyez au temps de Moïse ? On le dirait, évidemment. Mais, attendez la fin. Marie est une belle créature. C’est la Vierge céleste, vous allez voir. Mais pour le moment vous n’en savez rien. Vous lisez le Koran, et vous n’êtes pas prévenus. Le Koran dit que Marie est dans une cellule, et, sans crainte de nous éberluer, ajoute que c’est Zacharie qui la soigne. D’où tombe Zacharie, tout à coup, au temps de Moïse ? Je vais vous l’expliquer, car le Koran, comme littérature hermétique, c’est du beau travail ; on ne fait guère mieux dans le genre. Si nous n’avions pas l’Apocalypse, les gnostiques, Cérinthe, le Selon-Jean et le Selon-Luc, ce serait indéchiffrable. Il faut donc savoir que, comme l’Apocalypse, comme le Selon-Luc, dans la crèche de Bethléem, Mahomet nous transporte d’abord en plein ciel. Cette cellule, — une des douze demeures du ciel : il y en a plusieurs dans la maison de mon Père, a dit Jésus, — c’est la constellation de la Vierge, et Marie est la Vierge. Elle est dans la constellation qui est son signe, sur le Zodiaque. Comment croire que Marie soit dans une cellule ? Le vilain mot et la chose plus vilaine encore. L’élue de Dieu, en cellule ! Maintenant que vous savez ce qu’est cette cellule, vous allez facilement comprendre la présence de Zacharie, laquelle, quand on lit le Koran, sans s’en douter, est incompréhensible, inexplicable, incohérente. Zacharie, c’est le Verseau, vous vous le rappelez. Et si vous avez suivi ma discussion de la nativité dans le Selon-Luc, sur l’ange Gabriel et les signes, au nombre de six, en les comptant depuis le Verseau, et après lui, jusqu’au Lion, qui précède la Vierge, qui la domine, qui est l’attribut de Juda, et auquel Zacharie = Verseau s’assimile et se superpose, vous voilà dans le secret de Mahomet mettant Zacharie auprès de Marie, Zacharie et nul autre, car Mahomet ne nomme même pas Joseph, jamais, qu’il feint d’ignorer totalement, dont il ne parle pas une seule fois dans tout son Koran. Zacharie veille sur la future mère de l’héritier de Jacob. Il est, comme Joseph, le Bouvier de la Crèche de Bethléem, le compagnon de Marie, son homme — de lumière, dit Pistis-Sophia, car le soleil levant éclaire tout : scène et personnages. Jamais assimilation entre Zacharie et Joseph (qu’il ignore) n’est résultée plus clairement que du Koran. Du ciel, comme les scribes évangéliques et l’Apocalypse, le Koran nous ramène aussitôt sur la terre. Zacharie, qui continue à donner ses soins à Marie dans sa cellule, supplie Dieu de lui accorder une postérité bénie. Annonciation de Dieu au sujet de Yahia, mutisme de Zacharie. Yahia confirmera, dit le Koran, la vérité du Verbe de Dieu. Mahomet suit ici la doctrine cérinthienne, transition entre le Christ recevant dans son corps le Verbe Jésus quand du ciel il descend sur la terre, et l’affabulation évangélique l’incarnant définitivement dans le Iôannès. Puis, il déclare que les anges disent à Marie que Dieu l’a élue parmi toutes les femmes de l’univers, et Marie conçoit et donne le jour à Jésus, vous avez vu comment, près d’un palmier. En résumé, Mahomet, d’une manière plus concise que le Selon-Luc, moins cohérente aussi, mais non moins certaine, peut-être même un peu plus, quand on connaît le Thargoum de la nativité johannique, nous confirme tout ce que nous avons découvert : que Jésus-Christ n’est que Jean, à l’origine, et que Jean, c’est le Christ, qui n’est devenu Jésus-Christ que par l’incarnation en lui du Verbe Jésus. Valentin et les Nativités.Il n’est pas dans mon plan de faire ici l’exposé détaillé du système gnostique de Valentin, tel qu’il résulte de son œuvre, Pistis-Sophia (Foi-Sagesse). J’en ai indiqué quelques traits indispensables dans l’Énigme de Jésus-Christ. Les dictionnaires, aux mots Valentin et Valentinianisme, pour nommer sa doctrine, contiennent des développements plus généraux. Le dictionnaire Larousse, en sept volumes, direction Claude Augé, que j’aime citer comme une encyclopédie primaire, peut être consulté utilement, mais non sans méfiance, car sur les sujets touchant au christianisme, il ne sort pas du préjugé traditionnel. À propos de Valentin, vous y lirez donc que c’est un hérésiarque du IIe siècle, qui a essayé de remplacer les doctrines chrétiennes par son système. C’est aussi vrai, que de dire d’un tableau de peintre que ce sont les esquisses, les ébauches, les études préalables au tableau, par lesquelles on voudrait remplacer le tableau : contre-pied de la vérité. Valentin a écrit Pistis-Sophia, à l’époque, ou immédiatement après, où Cérinthe compose son Évangile, qui deviendra, après révision sévère, le quatrième Évangile que l’Église attribuera à Jean, disciple et apôtre. L’Évangile de Cérinthe, comme les trois autres, comme tous les écrits qui forment le Nouveau Testament, sont millénaristes ; ils attendent le règne, du Christ, pendant mille ans, dans la Jérusalem d’or. Valentin n’est pas millénariste ; sa Pistis-Sophia semble avoir été écrite pour l’opposer au millénarisme. Valentin, gnostique, n’est pas moins infatué d’ailleurs de la supériorité juive, à qui Dieu a réservé la connaissance, que Cérinthe, millénariste. Tous deux composent leur œuvre respective avec, sous les yeux, l’Apocalypse, et les Commentaires qu’en a faits Papias, sous le titre de Logia Kyriou, qui vient d’Eusèbe, un maître faussaire, auteur de l’histoire du christianisme d’après l’Église, — Logia Kyriou, que l’on traduit par : Discours du Seigneur, sans préciser quels discours, mais dont la traduction vraie est : Paroles du Rabbi. Paroles ? Oui, mais au sens des magiciens et des augures, c’est-à-dire révélations, et, en grec, Apocalypse. Loin que ce soit Valentin ou Cérinthe qui aient voulu « remplacer les doctrines chrétiennes » par des systèmes de leur crû, ce sont les doctrines chrétiennes, ce sont les Évangiles qui ont été composés en combinant les faits historiques relatifs au Christ crucifié de Ponce-Pilate, avec l’Apocalypse, les écrits de Cérinthe et ceux de Valentin. Le Larousse ajoute sur Valentin : il n’est pas certain qu’il ait été chrétien. Je dis qu’il est certain qu’il ne l’a pas été, car au deuxième siècle, il n’y a pas de chrétiens, c’est-à-dire des adeptes du Christ, tels que les Évangiles canoniques, lesquels n’existent pas au IIe siècle, et tels que l’Église les présentent aujourd’hui. Mais dans Valentin il y a des idées, des affabulations, des homélies, dont les scribes ecclésiastiques s’empareront sans vergogne, pour les faire entrer, après arrangements tendancieux, dans les Évangiles, qu’ils feront rétroagir au premier siècle. Tout ce qu’on lit dans les ouvrages portant la signature d’Irénée (Salomon) et de Tertullien, qu’ils en soient ou non les auteurs, et qui condamne, injurie même Valentin comme hérésiarque ou hérétique, sont des faux impudents de scribes d’Église postérieurs au IIIe, sinon au IVe, peut-être au VIe siècle[35]. Je m’étendrai plus longuement sur les affabulations de Pistis-Sophia quand j’exposerai, dans un dernier volume, comment les Évangiles ont été fabriqués et avec quoi. Au surplus, les extraits de Pistis-Sophia que je vais examiner, dont j’ai besoin seulement à cette place comme entrant dans mon sujet actuel, et renforçant ma démonstration sur l’identité charnelle du Christ, crucifié par Ponce-Pilate, et devenu Jésus-Christ, avec Jean, mué en Jean-Baptiste, en Jean, disciple et apôtre, ces extraits marqueront tout de, même aussi d’avance l’une des étapes, l’avant-dernière, sur le long chemin parcouru par les scribes pour arriver au IIIe siècle à Jésus-Christ, au IVe aux Évangiles, en passant par les affabulations judaïques du IIe, de Papias sur l’Apocalypse, de Cérinthe sur le Logos ou Verbe, de Valentin sur le Dieu-Jésus, après le départ, au premier siècle, sur le Christ Bar-Abbas (fils du Père), roi des Juifs, le Messie historique, vociférateur de l’Apocalypse, et crucifié de Ponce-Pilate. Donc, Valentin, juif qui se cache sous un nom occidental, explique, dans Pistis-Sophia, parmi bien d’autres choses, de quelle façon le Dieu-Jésus, remonté vers son Père, lors de la crucifixion de son double terrestre, le Christ de Ponce-Pilate, — j’ai indiqué la scène, d’après Cérinthe et le Selon-Jean dans l’Énigme de Jésus-Christ[36], — explique, dis-je, étant redescendu sur la terre, sur le mont des Oliviers, à ses apôtres, au nombre de sept, et à sa mère, comment il a fait naître le Christ-Jésus des Juifs. Voici : En vérité, je te le dis — il répond à Marie, sa mère, — on te proclamera bienheureuse, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’autre extrémité, car le Testament (le témoignage) du premier Mystère a habité en toi, et c’est par ce témoignage que seront sauvées toutes les terres et toutes les hauteurs, et ce témoignage c’est le commencement et la fin (l’alpha et l’oméga, l’aleph et le thav). Que vent dire Valentin, juif fanatique, persuadé de la supériorité de sa race que Dieu a prédestinée au salut du monde, et qui, au milieu des sectes et des divisions christiennes, a tenté d’être un conciliateur pour les rapprocher ? Il veut dire ceci : qu’en Marie, mère de Jésus, selon le monde, mère du crucifié de Ponce-Pilate, a habité celui qui a témoigné du premier Mystère. Or, le premier Mystère, c’est le Dieu-Jésus, c’est le Verbe ; il n’y a pas de doute. Et celui qui a témoigné du premier Mystère, c’est Iôannès (Jean), que l’on fait encore témoigner, dans les Évangiles, mué en Jean-Baptiste. Si le Dieu-Jésus dit que le Iôannès, Jean, Baptiste on non, témoin du premier Mystère, a habité en Marie, selon le monde, c’est que Marié est sa mère. Il est, comme Christ, le Jésus juif, c’est entendu. Mais il est d’abord le Iôannès ; il est d’abord Jean. Mahomet exprime la même idée quand il dit de Yahia qu’il confirmera la vérité du Verbe de Dieu. Et l’assimilation entre Iôannès = Jean et le Christ, Jésus juif de chair, est si vraie, que Marie, continuant à parler au Dieu-Jésus, dit, du corps du Baptiseur : C’est ton corps de chair, (ton corps matériel ; le texte dit hylique) en qui a habité ton Esprit (le Jésus céleste, le Dieu-Jésus), qui a baptisé le genre humain. » L’aveu, cette fois, est dépouillé d’artifices[37]. Ceci bien compris, voulez-vous savoir où le Selon-Luc a trouvé les éléments de ses récits sur la nativité de Jean-Baptiste et sur la visite de Marie à Élisabeth ? Dans Pistis-Sophia. Elle s’exprime d’abord ainsi (c’est le Dieu-Jésus qui parle), sur les scènes d’annonciation, qu’on lit dans le Selon-Luc : — Lorsque je suis parti pour venir en ce monde, dit-il, j’ai pris la ressemblance de l’ange Gabriel. Je regardai en bas le monde de l’humanité (la Judée) ; je trouvai Élisabeth (promesse d’Éloï) la mère de Jean le Baptiste, avant qu’elle n’eût conçu ; je jetai en elle une Vertu que j’avais reçue du petit Iao le Bon, afin qu’il pût prêcher avant moi et préparât ma voie, qu’il baptisât dans l’eau de la rémission des péchés[38]. C’est cette Vertu qui est dans le corps de Jean. De plus, je trouvai l’âme d’Élie, le prophète, je le fis entrer (dans la demeure céleste où il se trouve car, comme le dira le Christ dans l’Évangile : Il y a plusieurs demeures dans la maison, de mon Père), je pris son âme, je l’amenai à la Vierge de lumière (personnification divine de Marie), et elle fut jetée dans le sein d’Élisabeth. C’est donc la vertu du petit Iao et l’Âme d’Élie qui sont attachées dans le corps de Jean-Baptiste... Où est Zacharie ? Absent. Valentin l’ignore. Passons. Après cela, je regardai de nouveau en bas vers le monde de l’humanité (le même : la Judée) ; je trouvai Marie, celle que l’on nomme ma mère selon le corps matériel. Je lui parlai encore sous la figure de Gabriel ; je jetai en elle le corps que j’ai porté en Haut, et au lieu de l’âme, je jetai en elle la vertu que j’avais reçue de la main du grand Sabaoth Le Bon, et les douze Vertus des douze Sauveurs du Trésor (les douze puissances inscrites dans les Signes du Zodiaque, je pense, ou les douze tribus d’Israël : De là vient le nombre douze pour les disciples, alors que Valentin n’en produit que sept) ; je les attachai dans le corps de vos mères (ainsi, ils sont devenus supérieurs à tous les autres humains, non-juifs)[39], etc. Pas plus de Joseph, que de Zacharie, plus haut. Ce morceau, d’où le Selon-Luc a tiré une partie de son récit sur la nativité de Jean et, de Jésus, — les deux annonciations, — nous montre d’abord que l’ange Gabriel des Évangiles n’est autre que le Dieu-Jésus. Point essentiel. Le scribe s’est bien gardé de nous le dire. Ainsi, faisant disparaître tout ce qui est mythomanie par trop judaïque, et prenant un ton d’assurance benoîte et ingénue, il peut donner à son récit presque l’air d’une histoire ordinaire, arrivée et vécue, qui pourrait arriver encore. Les plus grands esprits s’y sont laissé prendre. On y relève, d’autre part, des expressions que le Selon-Luc et les Évangiles reproduiront textuellement « pour qu’il préparât ma voie, pour qu’il baptisât dans l’eau de la rémission des péchés », tout, comme le Christ qu’il est, même quand les Évangiles font entendre le contraire. Le Dieu-Jésus, dans Pistis-Sophia, ne nous dit point que c’est par application dos prophéties d’Isaïe et de Malachie, comme font les Évangiles en interpolant des faux (devant ta face, notamment), comme vous l’avez vu, afin de tromper tendancieusement le lecteur sur la vérité et sur le sens exact de l’idée traduite par le mot précurseur. Le Iôannès n’est pas, en effet, jusqu’à Valentin tout au moins, d’où vient l’idée, le précurseur du Christ, du Jésus-Christ, le Jésus juif, lui-même crucifié par Ponce-Pilate au premier siècle. S’il a préparé la voie à un Jésus, c’est au Dieu-Jésus, en ce sens qu’il il a été, en effet, le Jésus juif, en qui, au IIe siècle, Valentin fait descendre son Dieu-Jésus, comme Cérinthe son Aeôn, et d’autres le Logos ou Verbe[40]. Pour faire de Jean, le précurseur de Jésus-Christ, en faussant le texte d’Isaïe et de Malachie, il a fallu laisser passer un peu de temps sur Pistis-Sophia, pour qu’on l’oublie, pour qu’on reproduise son idée en la faussant et au moyen de faux. A quelle époque postérieure à Cérinthe et à Valentin, les Évangiles nous mènent-ils ainsi ? Simple question pour le moment. Enfin, ayant décidé que Jean n’a pas préparé les voies du Dieu-Jésus du IIe siècle, mais celles du nommé Jésus-Christ qui, au IIIe, lui a pris son corps et sa vie, les scribes se serviront de traits tels que ceux du Dieu-Jésus sur Élie, pour les mettre dans la bouche de Jésus-Christ parlant de Jean-Baptiste : Il est cet Élie qui devait venir. Valentin a été, pour les évangélistes, une mine d’or[41]. Poursuivons. Voici la visite de, Marie à Élisabeth, ce marivaudage sur le petit enfant, le Christ, qui est dans la promesse d’Iahveh pour le compte de Marie, visite que nous fait connaître le Selon-Luc. L’a-t-il inventée ? N’en croyez rien. Elle est dans Valentin, beaucoup plus loin que le morceau qui précède[42]. Je la donnerai. Mais, avant de vous en parler, comme il y a, dans le récit de Valentin, certaines expressions qui ne s’expliquent que par une scène précédente, il faut bien que je vous donne au préalable cette scène, et c’est d’autant plus nécessaire, que le Selon-Luc a négligé de nous en faire part, et pour cause : elle est trop transparente. Dans cette scène, il s’agit toujours du Iôannès-Jean et du Jésus juif, et vous allez apprendre comment ils ne sont qu’une même chair[43]. Nous sommes toujours sur le mont des Oliviers où le Dieu-Jésus, revenu sur la terre, descendant du ciel où il était remonté, lors de la crucifixion de son enveloppe ou demeure charnelle, qu’il avait quittée comme une loque sur la croix, continue à instruire ses disciples, ceux du Christ-Jésus juif. Il sert, je vous le révèle entre nous, de truchement au juif Valentin, qui est un des premiers fabricateurs des fables qui, convenablement arrangées par la suite, dégagées de leur métaphysique compliquée, et transposées sur le plan catholique, deviendront les Évangiles synoptisés. et serviront à rapprocher, des doctrines, fables et dogmes orthodoxes, autant que faire se pouvait, — et c’était difficile, à moins de le refaire tout entier, — le texte de l’Évangile de Cérinthe en le transformant en Selon-Jean. Le Dieu-Jésus est un magister ou didaskalos qui fait la classe à des élèves, tient des séances d’interrogation et d’application sur ses enseignements après conférence. Valentin, dirait-on, voudrait, dans la forme, imiter les dialogues de Platon. Voici donc le morceau[44] : — Marie prit la parole et dit : La Pitié et la Vérité se sont rencontrées, la Justice et la Paix se sont baisées. Titre symbolique où, figurant sous l’aspect d’abstractions la scène qui va suivre, avec personnages vivants, où l’Esprit (Jésus céleste) se délie du lit de Marie pour rencontrer et baiser le Jésus terrestre, en sorte que tous deux deviennent une seule et même chair, Valentin, personnifiant dans le Jésus céleste la Pitié et la Justice, et dans le Jésus terrestre la Vérité et la Paix, va faire se rencontrer et se baiser pour se réunir et se confondre, tout ensemble la Pitié et la Vérité, la Justice et la Paix. En sorte que, par trois fois, Valentin nous signifie que Jésus (l’Esprit céleste) s’est uni, pour ne former qu’une seule personne, s’est fondu dans le Jésus terrestre ; et ce Jésus terrestre, Marie va finir, on va le voir, par le désigner par son nom de Jean, non sans avoir pris et repris les détours de la similitude et de l’allégorie. Le Jésus terrestre, c’est Jean. Ayant débuté par le titre qui résume tout le développement qui va suivre, Marie entre en matière en ces termes, personnifiant les abstractions : — Lorsque tu étais petit (selon la chair), avant que l’Esprit (Dieu-Jésus) ne fut descendu sur toi, alors que tu te trouvais dans une vigne avec Joseph[45], l’Esprit est descendu des hauteurs, il est venu à moi dans ma maison, te ressemblant, et comme je ne le connaissais pas, — Pour moi, je ne le connaissais pas, répétera Jean, de Jésus, dans l’Évangile, — et que je pensais que c’était toi, il m’a dit : — Où est Jésus mon frère, que je le rencontre ? — Et lorsqu’il m’eut dit cela, je fus dans l’embarras, et je pensais que c’était son fantôme pour m’éprouver. Je le pris, je l’attachai au pied du lit dans ma maison, jusqu’à ce que je fusse allée vous trouver dans le champ, toi et Joseph, et que je vous eusse trouvés dans la vigne. Joseph était occupé à mettre la vigne en échalas. Il arriva donc que, m’ayant entendu dire cette chose à Joseph, tu compris la chose, tu te réjouis et tu dis : Où est-il, que je le voie ? Non, je l’attends en ce lieu. (Il ne l’attend d’ailleurs pas. Le récit a été touché). Et il arriva que, Joseph, t’ayant entendu dire ces paroles, fut dans le trouble, et nous allâmes ensemble, nous entrâmes dans la maison, nous trouvâmes l’Esprit attaché au lit, et nous te regardâmes avec lui ; nous trouvâmes que lu lui ressemblais. Et celui qui était attaché au lit se délia, il t’embrassa, il te baisa, et toi aussi, tu le baisas ; vous ne devîntes qu’une seule et même, personne. Et pour que nul n’en ignore, Marie va expliquer que la Pitié, la Justice c’est le Jésus céleste, et que la Vérité et la Paix, c’est le Jésus terrestre ou Jean. — Voilà donc la chose et son explication, continue-t-elle : la Pitié, c’est l’Esprit qui est descendu des hauteurs, envoyé par le premier Mystère... La Vérité aussi, c’est la Vertu qui a habité en moi, venue de Barbilô[46] ; elle est devenue ton corps hylique (matériel)... La Justice, c’est ton Esprit, — commence- t-on à voir que l’Esprit, le Dieu-Jésus, la Justice, et la Pitié aussi, c’est tout un ? — qui a amené tous les mystères d’en-Haut, afin de les donner au genre humain par le baptême. (Autrement dit, le Jésus céleste se manifeste en Jean-Baptiste, son double terrestre.) La Paix aussi, c’est la Vertu qui a habité en ton corps hylique selon le monde, — le corps hylique du Jésus céleste, c’est le corps de Jean, Jésus de chair : Paix, Vérité, Jean, Jésus terrestre, c’est tout un, — ce corps qui a baptisé le genre humain, — saluez Jean-Baptiste, corps hylique en qui a habité la Vertu du Jésus céleste ! — afin de le rendre étranger au péché et le rendre en paix avec ton Esprit, afin que la Justice et la Paix, — les deux Jésus, — se baisent... La Vérité, c’est ton corps hylique (le Iôannès-Christ) qui a poussé en moi sur la terre des hommes. » Nous retrouverons cette expression tout à l’heure, après le morceau relatif à la rencontre d’Élisabeth et de Marie. En somme, que signifient, dépouillés de leur vêtement allégorique, ces triples paralogismes ? Que faut-il comprendre ? Au fond, une idée très simple. C’est que l’Esprit, le premier Mystère, le Jésus céleste, formant un être unique divin sous des noms différents, suivant qu’on le prend comme Puissance émanante ou Vertu émanée, est descendu du ciel pour se rencontrer, c’est-à-dire, comme la suite le prouve, pour se confondre, se mêler dans un baiser, ne faire qu’une seule et même personne, avec le fils de Marie, en chair, qu’on appelle Jésus aussi, oui, mais le Jésus juif, selon le monde. L’expression est typique. Selon le monde, c’est la chair, la matière : Jean, Jésus terrestre, en style abstrait : la Vérité et la Paix. Le Jésus céleste a pris du sang chez Barbilô, avant de descendre du ciel pour pousser en Marie la Vérité, qui, par ce sang, devient chair, la chair de celui qui la personnifie, et qui n’est autre que le Jésus juif, dont Marie, qui ne le désigne encore que par son rôle de baptiseur d’eau, finira par donner le nom : Jean, dans la scène de la rencontre de Marie avec Élisabeth, qui va venir ci-dessous. Le Jésus céleste, lui, personnifie la Pitié, d’abord. Qu’en dit Marie ? Que la Pitié a baisé la Vérité, c’est-à-dire que le Dieu-Jésus a baisé Jean, la Vérité, Vertu (puissance émanée), dit Marie, qui a habité en elle, et est devenue le corps selon le monde, hylique, matériel, charnel du Dieu-Jésus. Autrement dit, le Jésus céleste est le père du Jésus hylique, qu’il a poussé en Marie, et qui est né d’elle, selon la chair, grâce au sang de Barbilô. C’est ainsi que le Jésus terrestre participe du Jésus divin, jusqu’à ne faire qu’une seule et même personne avec lui. Quoi de plus clair pour comprendre comment, au IIe siècle, les spéculations métaphysiques des gnostiques ont préparé le « mystère » de l’Incarnation ? Jusqu’à Barbilô qui fournit le sang ! Et l’Église, pour ne pas avouer qu’elle leur doit tout, fait des gnostiques, comme de bien d’autres, à qui elle a pris, volé sans scrupule, des hérétiques[47]. Et pour nous mieux persuader, la démonstration s’offre en double paralogisme : une première fois, par la Pitié et la Vérité,- historique, ô combien ! dans la personne du Iôannès-Christ crucifié par Ponce-Pilate, — et une deuxième fois par la Justice et la Paix, — ce qui est moins vrai du Christ historique, soulevant le peuple contre l’État ; mais, au temps de Valentin, la paix est faite, par la destruction de la nation juive. Entre les deux paralogismes s’expliquant sur des abstractions, — et l’encadrant, — la scène de l’Esprit lié au lit de Marie et qui s’en détache pour se fondre, se perdre dans le corps hylique du fils de Marie, scène qui matérialise les représentations métaphysiques de Valentin et l’illustre dans la réalité dramatique. — La Justice, continue Marie, c’est ton Esprit (comme la Pitié). La Paix, c’est (comme la Vérité) la Vertu qui a habité en ton corps hylique, lequel a poussé en moi sur la terre des hommes. Mêmes expressions dans les deux paralogismes : donc même sens. En résumé, l’Esprit, le Dieu-Jésus, le Verbe d’une part, personnifiant la Pitié et la Justice qui ne sont que ses émanations ou vertus, et, de l’autre, le Jésus humain, fils de Marie selon la chair, même quand on l’appelle Iôannès, ou Yahia, c’est-à-dire Jean, représentant la Vérité et la Paix, en qui, — après échange d’un baiser plus que fraternel, qui les jumelle puis les mêle, qui les fond ensemble pneumatiquement, — le Dieu-Jésus, empruntant son enveloppe mortelle, a habité. Quoi de plus clair que cette explication, où l’Incarnation est plus qu’en germe : en marche ! Le Selon-Luc, ni aucun Évangile, n’a reproduit cette scène significative entre le Jésus-Verbe et le Christ Iôannès, crucifié par Ponce-Pilate, Jésus juif. Elle leur a paru trop difficile à transposer sur le plan humain pour donner le change voulu. Reste enfin la scène, entre les deux Annonciations, de la visite de Marie à Élisabeth. Dans le Selon-Luc, il faut beaucoup de perspicacité, pour y découvrir l’identité des deux soi-disant mères, mettant au monde l’unique enfant. Le Selon-Luc a pris cette scène dans Pistis-Sophia ; la complète identité de Jésus et de Jean y est affirmée dans des termes si nets, qu’après avoir transcrit cette scène, j’en aurai fini avec Valentin, la Pistis-Sophia et les Nativités. Après avoir assimilé le Jésus céleste, Pitié et Justice, au Jésus de chair, Vérité et Paix, la Pistis-Sophia, continuant l’allégorie assimile Marie à Élisabeth et le fils de Marie à Jean. Voici le morceau, — Mon Seigneur et mon fils et mon Sauveur, (c’est toujours Marie qui parle, se prosternant aux pieds de Jésus et les baisant), ne te mets pas en colère contre moi, mais pardonne-moi, afin que je dise une autre fois l’explication, de ces paroles : La Pitié et la Vérité se sont rencontrées. C’est moi, Marie, ta mère, avec la mère de Jean, lorsque je la rencontrai (rencontre par laquelle deux personnes, dans le Selon-Luc lui-même, en deviennent une seule, on le sait). La Pitié donc, c’est la Vertu de Sabaoth qui est en moi, celle qui est sortie de ma bouche, c’est-à-dire toi (Dieu-Jésus)... La Vérité aussi, c’est la Vertu qui était en Élisabeth, c’est-à-dire Jean. Voilà le mot lâché. La Vérité, c’est Jean. Marie continue : Et encore : la Pitié et la Vérité se sont rencontrées, c’est toi, mon Seigneur, lorsque tu as rencontré Jean, au jour où tu devais recevoir le baptême. C’est encore toi et Jean qui êtes la Justice et la Paix qui se sont baisées. La Vérité (Jean-Jésus) a fleuri sur terre et la Justice (le Dieu-Jésus) a regardé du haut du ciel. Que penser de ce morceau ? Quand je vous disais tout à l’heure que l’Esprit ou Dieu-Jésus, dans la scène de la vigne et du lit de Marie, s’était uni au Jésus terrestre, et que ce Jésus terrestre, pour Valentin, ne pouvait être que Jean, n’était que Jean, vous aviez le droit peut-être de m’accuser d’imposture et de suspecter mes explications, comme données pour les besoins de ma cause. Mais maintenant ! Marie vous le dit elle-même. La Pitié, la Justice, c’est toujours le Dieu-Jésus, le Jésus céleste, l’Esprit, mais la Vérité et la Paix ? Tout à l’heure, c’était le Jésus hylique, terrestre, de chair, qui a poussé en Marie ; maintenant, c’est Jean aussi. En rencontrant le Jésus terrestre, c’est donc Jean que le Dieu Jésus a rencontré. En baisant le Jésus terrestre, avec qui il devient une seule et même personne, c’est donc Jean que le Jésus céleste a baisé et avec qui il devient une même personne, en sorte que le Christ juif et Jean sont donc bien une seule et même personne. Bien plus ! et nous n’en demandions pas tant pour le moment, — mais nous nous en souviendrons, — Jean, en baptisant Jésus, c’est lui-même, Jean, qu’il a donc baptisé ; et c’est cette Vérité qui a fleuri sur la terre, tandis que la Justice, le Dieu-Jésus regardait du haut du ciel. D’où il suit qu’Élisabeth mère de Jean, Jésus hylique et Marie en qui a poussé le Jésus hylique, sont, sous un double aspect, une même femme, une unique mère, n’ayant eu qu’un unique enfant, et Zacharie et Joseph (le père selon la chair, quoique, dans les Nativités, on le cache ; mais tout au long des Évangiles, il est donné comme tel) sont le même homme. Marie, résumant toute la parabole, conclut enfin : La Vérité a fleuri sur terre et la Justice a regardé du haut du ciel, au temps où tu t’es servi toi-même, et où, prenant la forme de Gabriel, tu as regardé sur moi du haut du ciel ; tu m’as parlé, et, lorsque tu m’as eu parlé, tu as poussé en moi. C’est la Vérité... Comme Jean est la Vérité, Jean c’est Jésus[48]. Et Jésus (le Dieu-Jésus) répond : Courage ! c’est bien. C’est là l’explication de toutes les paroles au sujet desquelles ma Vertu de lumière a prophétisé autrefois par David le prophète. Le Dieu-Jésus étant le Verbe, il n’a en effet qu’à parler, pour se servir lui-même, même, sous la forme, de l’ange Gabriel, et pour faire pousser en Marie le Jésus charnel, qu’Élisabeth, par l’effet de la même Vertu, reçoit en elle, sous le nom de Jean. Coup double qui ne fait qu’une mire, qu’une mouche unique dans la cible. Et comme si nous pouvions hésiter encore, c’est Jésus lui-même qui vient à la rescousse pour applaudir à l’explication de Marie et confirmer la Vérité, — historique. Jésus-Jean, le Christ Jean, c’est le commencement et la fin. Il est l’alpha et l’oméga, en hébreu : l’aleph et le thav. Telle est, par Valentin, la preuve que Jean, à qui l’on a ajouté l’épithète de Baptiste, qui convient d’ailleurs tout aussi bien à Jésus-Christ, fut le Jésus juif, le Christ, que Ponce-Pilate a fait crucifier. Un mot, pour finir. Le système de Valentin, sans qu’il y paraisse, est celui d’un Juif messianiste, fanatique, qui se souvient des promesses d’Iahveh. Et c’est pourquoi il personnifie dans le Jésus céleste la Pitié et la Justice : pitié d’Iahveh pour son peuple qu’il devait délivrer de ses ennemis, qu’il délivrera, car on espère toujours, et qui fondera le règne de la Justice : Israël, vengé des injures des nations, sera le maître du monde. Quant au Jésus humain, le crucifié de Ponce-Pilate, il reste la Vérité, — historique, ai-je ajouté, et c’est vrai, — parce qu’il a tenté, au prix de sa vie, de rétablir le royaume d’Israël, sous la souveraineté juive, par quoi la Paix aurait régné sur le monde vaincu et soumis, comme a régné un temps la paix romaine[49]. Au fond, Pistis-Sophia n’est que l’hymne de reconnaissance d’un Juif, messianiste encore, du IIe siècle, envers le Christ, Jean-Jésus, crucifié par Ponce-Pilate. L’ouvrage pourrait porter en épigraphe : Honneur au courage malheureux ! Ne pouvant faire plus, Valentin a tressé à son héros la plus enviable des couronnes posthumes : si les Évangiles l’ont divinisé, c’est Valentin qui, par Pistis-Sophia, le leur a permis[50]. |
[1] J’ai montré dans l’ÉNIGME DE JÉSUS-CHRIST, Chap. II, au titre II, La Crèche de Bethléem, que ces deux récits trouvent leur unité dans la naissance du Messie, décrite dans l’Apocalypse, d’où ils sont tirés, et que deux scribes différents traitent chacun à sa manière. Voir les titres Nazareth et la Crèche de Bethléem.
[2] Ainsi Marie pourra-t-elle être dite mère, tout en restant Vierge, comme la Vierge-céleste qui, chaque année, conçoit le Soleil, conçoit seulement.
[3] J’ai dit, dans L’ÉNIGME DE JÉSUS-CHRIST, Tome I, que les Juifs non christiens, ni chrétiens se sont faits les complices des Juifs qui ont construit le christianisme : ils se sont tus sur les manœuvres et les changes qui ont abouti aux légendes évangéliques, et qu’ils n’ont pas ignoré, tout heureux des bons tours que par les fables judaïques, leur race jouait à ces dupes de Goïm. Le Thargoum de la Nativité de Jean en est une preuve importante. Il prouve ainsi qu’au Ve siècle, la rupture n’est pas définitive entre les juifs chrétiens et les autres. Ils se ménagent encore sur le dos des aryens-goïms.
[4] Je passe le prologue à Théophile, où le scribe va raconter l’histoire de Jésus-christ, puisée aux meilleures sources : sept ou huit lignes écrites dans le style grec le plus pur, taudis que l’Évangile use d’une langue incorrecte, rugueuse, farcie d’hébraïsmes. Le scribe du prologue, tout lettré qu’il soit, est un faussaire qui a arrangé ecclésiastiquement son Évangile, puisant dans la même matière juive que le Selon-Marc et le Selon-Matthieu.
[5]
L’édition du Saint-Siège, à propos d’Abia susnommé, renvoie à l’Ancien
Testament, I Paral. (ou Chron.), XXIV. On y trouve, en effet, au
verset 10, un Abija, ou Abia. Le Selon-Matthieu fait descendre aussi Joseph et
Jésus-Christ d’un Abia, fils de Roboam, fils de Salomon, fils de David.
Suivons le Saint-Siège et assimilons Abia à Abija. La
classe d’Abija, — le mot grec qui est traduit par classe, signifie tour de service,
les classes, au nombre de 21, ayant été instituées pour le service du Temple, est
la huitième. Cet Abija est fils d’Aaron, qui est fils de Lévi (I Chron., XXIII, 6, 12, 24), par Kehath
et Amram. Puisque Zacharie est prêtre, il est de Lévi. Élisabeth, issue des
filles d’Aaron, est donc aussi de Lévi. Il y eut un autre Abija, qui est fils
de Samuel (I Sam., VIII, 2-3),
lequel était aussi de Lévi.
L’Abija du Selon-Matthieu donné comme fils préféré de
Roboam, que ce roi, fils de Salomon, fils de David, avait eu de sa deuxième
femme, Maaca, fille d’Absalon (sa cousine germaine, donc), qu’il aimait plus
que ses dix-huit autres femmes et ses soixante concubines (II Chron., XI, 20-22), cet Abija, dont
la mère n’est plus Maaca, mais (II Chron.,
XIII, 2) Micaja, fille d’Uriel, de Guibéa, est donc, d’après le Selon-Matthieu, l’ancêtre de Joseph et
du Christ, — et non de Zacharie ni de Jean. Le Selon-Matthieu donne ainsi le change par une confusion
voulue, entre deux Abija, pour qu’on ne puisse identifier Zacharie à Joseph et
Jean au Christ. Il n’y a pas, pour les fraudes des scribes, de petits moyens.
L’Abija Zacharien ne fut que lévite, l’Abija de Matthieu, fut roi. Ainsi !
Il y a enfin un troisième Abija, Fils de Samuel, que son père établit juge en Israël. Mais comme il se livrait à la cupidité, recevait des présents, et violait la justice, tout comme son frère Joël (I Sam., VIII, 3), les Scribes gardent sur lui le silence. Ils l’ignorent.
[6] Voir l’Énigme de Jésus-Christ, chap. IV, au litre II : la Thora, etc., le Messie, et tout le chapitre.
[7] L’expression grecque est typique. L’ange Gabriel ne dit pas : Tu l’appelleras Jean. Il dit : Tu appelleras son nom : Jean. Vous comprenez.
[8] Voir L’ÉNIGME DE JÉSUS-CHRIST, Chap. II, au titre Où est né le Christ, le paragraphe Nazir = nazaréen. Le mot nazir n’y est pas, comme il n’est pas dans le récit de la naissance de Samuel (I Rois, I, 5-9) avec laquelle celle de Jean offre tant de ressemblance. Le scribe ne nous dit pas, non plus, si, comme nazir, Jean est né à Nazareth. Apparemment, il le fait naître à Jérusalem où doit habiter Zacharie, de service au temple. Apparence seulement, car vous verrez tout à l’heure Marie, au sixième mois de la grossesse d’Élisabeth. en visite chez cette dernière, au pays des montagnes dans la ville de Juda. Vous y reconnaîtrez Gamala, la patrie du Nazaréen, où, donc se trouve Élisabeth, mère de Jean, comme Marie, mère du Christ, ce qui ne vous étonnera plus bientôt. Jean est nazir. Vous pouvez le retrouver sous le nom et l’épithète accolées Iôan-nazir, comme on fait de Jésus-Christ qitis le Talmud de Babylone (Sanhédrin), et il y est donné comme fils, l’un des fils, de Marie et de Panthora, ou Joseph. Les Juifs, restés Juifs, vous prouvent ainsi qu’ils savent que Jean fut le Christ. Ils ont formé le mot Iôan-nazir de la même façon que les Juifs-chrétiens ont formé Jésus-Christ, mais ceux-ci, apostats de leur ancienne religion, et tout aussi convaincus que leurs anciens coreligionnaires que Jean fut le Christ, mais, mal¬honnêtes, l’ayant mué en Jean-Baptiste. Voir aussi sur Iôan-nazir, Théologie catholique de Pfeiller (Théologiae judaïcae et mahieuticae principia).
[9] Il résulte de la déclaration de l’ange qui, enfin, éclaire sa lanterne : Ta prière a été exaucée, que lorsqu’on nous a présenté Zacharie, en prière, sans qu’on précise ce qu’il demande à Dieu tout spécialement, il lui demandait un fils. Le Koran de Mahomet est bien plus franc — Un jour, dit Mahomet, Zacharie, invoquant le Seigneur, dit : Seigneur... ma femme est stérile. Donne-moi un héritier qui me vienne de toi.... qui hérite de la famille de Jacob. — Et Dieu répond : Nous t’annonçons un fils, etc. Voir au paragraphe Mahomet et le Coran, à la fin du chapitre, et comparer de près le Selon-Luc et le Koran. Très instructif.
[10] Et même dans le Selon-Luc, par déduction, puisque Jésus est conçu après l’Annonciation de l’ange Gabriel, faite à Zacharie, aux temps d’Hérode, puis six mois après à la Vierge Marie. Qu’il s’agisse de Jean ou de Jésus, dans le Selon-Luc, leur conception date des temps d’Hérode.
[11] Nous en parlerons plus longuement dans l’ouvrage sur L’Apocalypse.
[12]
Je note, en passant, que c’est dans les prédictions de ce Zacharie (IX, 9) que
l’on peut lire ceci : Sois transportée d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des cris de
joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; Il est juste et
victorieux : Il est humble et monté sur un âne, Sur un âne, le petit d’une
ânesse... Et vous comprendrez, en partie, pourquoi le Christ entre à
Jérusalem sur un âne. Pour le reste, l’âne, signe du zodiaque (le Cancer), est
un symbole de victoire. Voir L’ÉNIGME DE JÉSUS-CHRIST,
Chap. IV, titre II, la Thora,
etc., au paragraphe Le Messie,
et les notes.
On comprend encore que le nom de Zacharie, dans ce Thargoum de la Nativité, ait été donné au père de Iôannès, à la condition toutefois qu’il soit bien le Christ. Autrement, non.
[13] Chap. Ier, au titre II : Le Christ historique, § V, L’heure du Messie et le règne de mille ans.
[14] Le Verseau ou Zachu, en latin Amphora, est représenté sur certains zodiaques par un homme muni d’une cruche ou amphore qu’il verse. Il est l’architriclin (maître d’hôtel) dans l’allégorie ou Thargoum, — car ce n’est pas autre chose, — des noces de Cana. J’en donnerai l’explication plus tard.
[15] J’ai indiqué ce thème des Destinées du monde au premier chapitre de L’ÉNIGME DE JÉSUS-CHRIST, § V : L’heure du Messie et le règne de mille ans. Il est tout au long dans le livre de Dupuis : Origine de tous les cultes, du XVIIIe siècle. Je ne l’ai pas imaginé.
[16]
J’ai expliqué la signification de cette allégorie astrale à la Crèche de Bethléem, dans l’Énigme de Jésus-Christ. Elle est sans
intérêt ici.
Il s’agit du phénomène de l’équinoxe d’automne, quand, les jours ayant raccourci depuis le solstice d’été, l’ombre (la nuit) couvre la terre, un même nombre d’heures que luit la lumière. La vierge ne sera donc enceinte que pendant trois mois. Mais avec les six mois d’Élisabeth, on obtient neuf. Le compte est juste. Preuve encore qu’il n’y a qu’une femme, qu’une mère en Élisabeth-Marie.
[17]
Le moine Cedrenus George (XIe siècle) dans sa Chronique universelle, place
l’annonciation de l’ange à Marie au 21 mars. Il lui faut neuf mois de grossesse
pour Marie, qui enfante le 25 décembre. Il n’a rien compris au mythe solaire, à
la parabole des Nativités, et encore moins au sens de cette phrase : La Vertu du
Très-Haut te couvrira de son ombre. Nous sommes l’équinoxe d’automne, 22
septembre. Marie est enceinte de six mois, comme Élisabeth dont le mari a
entendu l’Annonciation en mars, sous les Poissons naturellement, qui
chevauchent sur le mois d’avril, on le sait.
Du moins, le moine Cedrenus avoue indirectement que Jean et Jésus sont nés ensemble. Que fait-il de Jean, comme Précurseur ?
[18] J’entends bien que les traducteurs ordinaires, tous ecclésiastiques interprètent : dans une ville de Juda, comprenez : de la tribu de Juda, Cette ville ne peut être alors que Jérusalem, où habite Zacharie et donc aussi sa femme. Si c’était vrai, pourquoi ne nous le dirait-on pas, tout simplement ? Quel mal y aurait-il ? Ce n’est pas vrai. Et puis, Jérusalem, est-ce le pays des montagnes ? Sont-ce les montagnes qui sont la caractéristique typique de Jérusalem, — ou bien de Gamala ? Juda, Ici, c’est le Gaulonite, le père du Christ, le Joseph évangélique.
[19] Que j’ai expliquée dans l’Énigme de Jésus-Christ, chap. 141, au § V, L’heure du Messie et le règne de mille ans.
[20] Au fond, Marie ayant passé trois mois avec Élisabeth, enceinte de six mois, — six et trois font neuf, — ne s’en va qu’ayant accouché par l’intermédiaire d’Élisabeth.
[21] Ce qui est inexact, si Joseph est Juda le Gaulonite, père du Christ-Iôannès, ayant pour frère Simon-Pierre, comme tout le fait présumer. Et Simon est fils de Jonas. Jonas n’est que la contraction de Iôannès. Le prophète ninivite Jonas, — celui de la Baleine, — est un Iôannès.
[22] Mais, même dans ce change, Iôannès apparaît encore comme le Christ. Jésus, — et c’est le dieu Jésus de Cérinthe qui parle ici, — en disant de Jean qu’il est plus qu’un prophète, laisse entendre clairement qu’il est le Christ car il n’y a que le Christ au-dessus des prophètes. Et il ajoute, précisant : Je vous dis que parmi tous ceux qui sont nés des femmes, il n’en est point paru de plus grand que Jean-Baptiste. Plus grand donc que Jésus qui est né de Marie, une femme cependant ? Non. Car le Jésus qui parle n’est pas né de la femme, sans quoi il ne dirait tout de même pas que Jean (Baptiste est de trop, addition de scribe pour l’intention) est plus grand que lui, Christ-Messie. Le Jésus qui parle, c’est l’Aeôn de Cérinthe, le pur esprit, le Verbe ou Logos de Valentin. Et s’il déclare que Jean a été le plus grand de tous ceux qui sont nés de la femme, c’est qu’il se souvient que c’est le corps de Jean seul qui a été jugé digne de le recevoir, lui, émanation de Dieu, que les Scribes ont ensuite incarné en Jean.
[23] Pour le reste, j’ai dit dans l’Énigme de Jésus-Christ, en expliquant le sens et la portée de la Crèche de Bethléem, ce qui importe. Voir sur le Recensement de Quirinius, Ici et là (au titre aussi : Juda le Gaulonite, père du Christ).
[24] Ayant cette intention, le scribe ne pouvait d’ailleurs mieux choisir l’événement, pour rappeler aux initiés que Juda le Gaulonite était l’homme de la révolte du recensement, et le père du Christ, sous son surnom évangélique de Joseph. Pour les Goïm, c’est mieux encore. Juda de Gamala-Joseph a péri dans la révolte du recensement dont il fut l’âme et l’animateur avec Sadok. Comment le retrouver, ce farouche, dans le doux Joseph qui se rend à Bethléem, sujet soumis, qui fait même le voyage avec sa femme enceinte, depuis Nazareth pour obéir aux Romains, et qui est mêlé à cette idylle, à cette pastorale de la Crèche de Bethléem ?
[25] J’ai exposé le thème des cycles et millénaires, correspondant aux douze signes du Zodiaque, sur les Destinées d’Israël et du monde, dans l’Énigme de Jésus-Christ, § V, L’heure du messie et le règne de mille ans.
[26] Symeôn dit la lumière, comme Cérinthe et le Selon-Jean. Zacharie avait dit de Iôannès : un soleil levant ; mais lumière ou soleil levant, tous deux éclairent les nations. D’ailleurs d’où vient la lumière, sinon du soleil ? Le Christ, c’est encore Iôannès. J’ai déjà signalé dans l’Énigme de Jésus-Christ, qu’il y avait, dans le texte grec, un calembour, intraduisible littéralement, sur l’Apocalypse, dans l’expression : ton salut, que tu as préparé pour être la lumière... Le sens est : Ce petit enfant, dont Syméôn a dit qu’il était la consolation d’Israël, le Vengeur, le Messie, sera le salut, le sauveur d’Israël par sa victoire sur les nations, et révèlera par l’Apocalypse la lumière, c’est-à-dire l’Espérance d’Israël, — sous son nom de Iôannès, évidemment. Syméôn sait que ce petit enfant et Iôannès, c’est tout un.
Les traductions ecclésiastiques traduisent, interprètent plutôt : Phôs eis Apokalypsin, la lumière qui doit éclairer le nations, ou lumière des nations. L’expression est cependant claire. Le sens le plus rapproché des interprétations ecclésiastiques serait, pour leur faire reste de droit : la lumière des nations pour la révélation, ou la lumière des nations dans une révélation.
On peut traduire aussi : la lumière des nations jusqu’à l’Apocalypse, très correctement. Dans ce sens, qui est peut-être dans l’intention du scribe, le Iôannès, jusqu’à l’Apocalypse, a été, en tant que Christ, la lumière des nations. Mais après lui, il y a le dieu Jésus de Cérinthe, le Verbe ou Logos de Valentin, et enfin Jésus-Christ, né de l’incarnation du Verbe Jésus dans Iôannès-Jean. Le gaillard qui a écrit ce texte Phôs eis Apokalypsin connaissait toute l’imposture de la fabrication du christianisme, et il a dû éprouver une jubilation intense, dans sa haine judaïque des Goïm, à la pensée des interprétations qu’en donneraient les exégètes, s’il les a prévus, pour la plus grande confusion de la vérité historique.
[27] Symeôn achève, s’adressant spécialement à Marie, bien que Joseph soit là : Voici, cet enfant est destiné à être une cause de chute et de relèvement, — ou de mort et de résurrection, car le texte est voulu à double entente —, pour beaucoup en Israël et comme un signe (sêmeion) que l’on contestera (ou contredira) et de toi-même, une épée transpercera l’âme, — l’explication est incohérente, — afin que soient révélées les pensées du cœur d’un grand nombre.
Une épée te transpercera l’âme !. Quelle douleur dans ce simple petit bout de phrase ! Que de déceptions il contient et que de destins tragiques ! Que de larmes ! Cent ans d’histoire christienne depuis la crucifixion du Christ, cent trente ans, depuis la Révolte du Recensement ! il englobe, ce petit bout de phrase, les temps qui vont d’Auguste à Hadrien. Hadrien, c’est 135 de notre ère. Et l’on nous donne le Selon-Luc comme écrit vers l’an 70 !
Pauvre Marie, à qui Dieu a fait de grandes choses ! Bienheureuse l’a dite l’Église et la postérité ! Bienheureuse ! Du sein de Dieu où tu reposes, comme dit Renan, que regardes-tu sur la terre ?
Ton mari, Juda-Joseph-Zacharie-Zébédée, tué en 760, entre le temple et l’autel, à la révolte du recensement ; ton fils aîné, le Christ, le premier-né des sept, le premier-né des morts, crucifié a la Pâque de 788-789.
Deux autres fils, Simon-Pierre et Jacques, morts en croix en 801, sous Tibère Alexandre. Un quatrième (Jacques, André-Stéphanos), lapidé par Saül, avant même la crucifixion de l’aîné ; Ménahem, le benjamin, massacré par les partisans d’un de ses alliés en messianisme, — et sans compter Éléazar, ton gendre, époux de Martha-Thamar, ta fille, et les morts tragiques que nous ignorons, Philippe peut-être et Juda Didyme, tes deux autres fils... Infortunée !
[28] Je pourrai encore faire état, pour prouver qu’il n’y a eu qu’un enfant, le Christ-Jean, de la Présentation au temple. Joannès est nazir ou Nazaréen. Jésus aussi. Le Selon-Luc fait porter le seul enfant Jésus à Jérusalem pour le présenter au Seigneur Iahveh, en exécution de ce qui est écrit dans la Thora — Tout enfant mâle premier-né sera nazir, c’est-à-dire consacré ou voué au Seigneur, et pour offrir en sacrifice le couple de tourterelles ou de colombes, qui les rachète de la mort par le feu. L’enfant Joannès n’y est pas porté. C’est parce que primitivement c’est à lui que la scène s’appliquait. Cette scène, en effet, déplacée dans le Selon-Luc, est la suite naturelle du récit de la Nativité johannique. On a coupé le récit au chapitre Ier, qui fête la naissance du Christ, entre les versets 79 et 80, où se lit une première fois la finale : Le petit enfant grandissait, etc., puis on a interpolé le faux relatif à la Nativité au Recensement, que suit alors la Présentation au temple du Nazir Jésus, puis le cantique de Symeôn. Et voici de nouveau la phrase raccord, à peine variée du verset 80 : Le petit enfant, — toujours le même, — grandissait et se fortifiait, etc., que l’on retrouve une troisième fois, chap. II, verset 52, raccrochant une fois de plus le récit dans lequel on a interpolé la scène de Jésus au temple devant les docteurs.
Tout l’Évangile Selon-Luc, quand on y regarde de près, est ainsi fait de pièces et de morceaux, vrai manteau d’Arlequin, et d’une manière qui tend toujours à « noyer » le peu de vérité historique, déjà sophistiquée, qu’on peut trouver dans les deux autres synoptisés.
[29] Sauf un rappel de son fils, le nommant comme assassiné entre le Temple et l’Autel (Mt., XXIII, 35 ; Lc., XI, 51), comme Juda-Joseph.
[30] Mahomet n’ignore pas qu’Adam a été créé androgyne, le sixième jour de la création, soit, le monde ayant commencé sous l’Agneau, sous le sixième signe : la Vierge, comme Jésus-Christ. C’est ce qu’il veut dire en comparant Jésus à Adam.
[31] Mahomet ne l’ignore pas. La preuve, c’est qu’il fait allusion à la calomnie de l’adultère de Marie, d’où serait né Jésus, avec le légionnaire romain Panthère. Voir Koran, IV, Les Femmes, 155 : ... ils ont inventé contre Marie un mensonge atroce, entré dans le Thalmud, on ne sait quand, après le IVe siècle, et que le pseudo-Origène dans le Contra Celsum, impute misérablement à Celse, en le mettant dans la bouche d’un Juif imaginaire.
[32] Voir dans l’Énigme de Jésus-Christ, chap. 1er, au paragraphe Femme ! Femme ! Vois le fils de toi.
[33] Voir Koran, III, La Famille d’Imram (Amram), qui est le père de Moïse et d’Aaron (tribu de Lévi), et de Marie, leur sœur, la joueuse de tambour du camp de Magdala (Maria, mère de Jésus, n’est dite de Magdala ou Magdaléenne, qu’en raison de son fanatisme), — et Koran, IV, Les Femmes, etc.
Il y a encore, cependant, dans le Koran, une histoire où Jésus, à la demande des apôtres, fait descendre du ciel une table, toute servie pour un festin. Elle doit provenir des Évangiles de l’enfance ou écrits analogues, œuvres où des scribes faisaient accomplir par le Christ toutes sortes de miracles, voire ridicules. L’Église qui en a compris la niaiserie, les a fait disparaître. Mais le document, dans le Koran, est précieux. Il a eu comme modèle la vision de Simon-Pierre, avant la conversion du centenier Corneille (Actes des Apôtres, X, 11 et ss.). Comme les Actes débutent en 782, sept ans avant la crucifixion, et que le Christ y figure encore sous le nom de Iôannès, — combien effacé ! —, Il apparaît que la conversion du centenier Corneille, attribuée à Simon-Pierre, est du Christ lui-même. Elle n’est qu’une deuxième édition revue et considérablement amplifiée, de l’histoire du centenier de Capernaüm (Luc, VII, 1-10, Mat., VIII, 5-13).
A noter enfin, en ce qui concerne Jésus, (Koran, III, 43), que l’ange qui annonce sa naissance à Marie, en dit ceci : Il enseignera le Livre et la sagesse, le Pentateuque et la Bonne nouvelle. Envoyé aux enfants d’Israël. Il leur dira : Je viens vers vous accompagné des signes du Seigneur. Je formerai de boue la figure d’un oiseau, je soufflerai sur lui, et, par la permission de Dieu, l’oiseau sera vivant (c’est la colombe). Je guérirai l’aveugle de naissance et le lépreux. Je ressusciterai les morts ; je vous dirai ce que vous avez mangé et caché dans vos maisons.... etc.
Ce développement se retrouve presque mot pour mot, mis dans la bouche de Dieu, qui s’adresse à Jésus : Je t’ai enseigné... tu formas de boue la figure d’un oiseau... tu fis sortir les morts de leurs tombeaux. Et Dieu ajouta : Les Juifs, au milieu des miracles que tu fis éclater à leurs yeux, s’écriaient : Tout ceci n’est que de la magie. Mahomet connaît ses auteurs, voire les Grecs et les Latins, mieux qu’Origène. Ce n’est pas lui qui confondrait, ou ferait semblant, le Celse épicurien (IIe siècle), qui a écrit un ouvrage perdu, sur la magie, où il consacrait bien quelques pages au Christ, avec l’ami de l’empereur Julien, Celse le Platonicien, auteur du Discours de vérité.
[34] Un tronc de palmier ! Très couleur locale. Parmi les arbres, en effet, il en est un qui est béni comme le Musulman : c’est le palmier ! a dit le Prophète.
[35] Au VIe siècle, Il y a encore une nombreuse école valentinienne, — qui n’a cédé qu’à la persécution.
[36] Au chap. 1er, au paragraphe Femme ! femme, vois le fils de toi.
[37] Pistis-Sophia, traduction Amélineau, p. 60. Tous mes extraits proviennent de cette traduction.
[38] Le petit Iao, le Bon ? Qu’est-ce ? Pour comprendre, il faut savoir que Iao signifie Dieu : que le Iaô de certaines sectes juives, Iahveh, était un Dieu Inférieur au vrai Dieu, le grand Iao, le grand Sabaoth, Iahveh est Iao, le Petit. Il n’est pas tout bon, puisqu’il a fait ou laissé entrer le mal dans le monde, en le créant, Il a un principe bon, et un principe mauvais. Le Dieu-Jésus a pris la Vertu dont il parle au bon principe du petit Iao. Comment les Scribes qui ont fabriqué les Évangiles et le Christianisme n’auraient-ils pas eu beau jeu auprès des masses pour qu’elles ne découvrent pas les mystifications dont ils sont fait ? Allez donc demander aux foules et même aux savants de s’y reconnaître dans les systèmes de la métaphysique juive et judaïque. Les meilleurs des exégètes et des critiques y ont perdu leur raison et leur bon sens.
[39] Pistis-Sophia, pp.6-3.
[40] Et plus loin, p. 182, dans la Pistis-Sophia, si le Jésus céleste dit de Jean, Jésus Juif, qu’il a prophétisé sur lui, c’est-à-dire l’a annoncé, c’est que Valentin veut justifier ses inventions métaphysiques du Dieu-Jésus, transformer déjà le Christ Bar-Ahbas, condamné pour crimes de droit commun, en un petit Saint-Jean, comme on dit, en faire un prédicateur moral qui, en prophétisant sur le Dieu Jésus, n’était que la vertu qui est en lui, vertu qui, émanée en Jean, a prophétisé de même, sous l’aspect du Jésus juif. Toujours un même personnage, sous deux noms. En somme, tes affabulations de Valentin ne sont pas autre chose, dans leurs procédés littéraires, que l’application de l’anthropomorphisme et du théomorphisme : des dieux qui ont un double, humain, hylique sur ta terre, et inversement. Le cyclope d’Homère est la personnification d’un volcan : le Borée joufflu n’est que le dieu du vent. Les dieux de l’Olympe s’incarnent dans des mortels quand ils descendent sur la terre. Mais alors que l’anthropomorphisme grec est loyal, simple, riant, — Hellas a été la civilisation des idées claires : le miracle grec ! — les fictions mythologiques de Valentin, ses créations et ses jeux métaphysiques sont autrement compliqués, abstraits, et, touchant à la religion, autrement subversives au point de vue de la conscience. Ce Juif s’est moqué du monde et de Dieu.
[41] Les scribes ecclésiastiques ont eu l’art d’utiliser les matériaux des édifices qu’ils ont démolis, en les traitant d’hérétiques où de païens : livres, temples, fêtes, coutumes, etc.
[42] A la page 64 de la traduction Amélineau. Pistis-Sophia ne se distingue pas par l’art de la composition, telle qu’elle nous est parvenue.
[43] Dans ce morceau, Jean est appelé Jésus, le Jésus de chair, évidemment, le Christ juif. Ce qui prouve qu’il l’a été, si c’est bien de Jean qu’il s’agit ici sous le nom de Jésus. Or, ce point est certain. La deuxième scène, plus loin, entre Marie et Elisabeth le dit expressément, formellement, nommément, on le verra. Quant au Dieu-Jésus, ici, c’est l’Esprit. Je doute que dans le Valentin original le Dieu-Jésus ne fut pas nommé Dieu-Jésus et non Esprit, et Iôannès ne fut pas appelé Iôannès. Mais, de traductions en traductions, nous n’avons qu’une version en copte, de copies en copies, et de plus en plus avec l’optique chrétienne, il n’y aurait rien d’étonnant à ce que le nom de Iôannès ait été remplacé par celui de Jésus, et le terme de l’Esprit substitué au Dieu-Jésus pour que, lisant le morceau, d’un esprit qui ignore, on ne comprenne pas. Mais, après tout ce que j’ai exposé sur Iôannès, qu’il soit dit Jésus, peu importe ! il est le Christ, et c’est en lui que descend le Dieu-Jésus. Il est, le Jésus chair, et l’Esprit est le Jésus-Verbe. Il convient de ne pas les confondre pour que tout soit clair et se comprenne. De même Marie devait y être désignée comme Élisabeth. Mais qu’importe encore ? Marie est là qui attend pour faire entrer Élisabeth, et qui va vous dire la Vérité, toute la Vérité, rien que la Vérité, — je le jure ! Si vous ne me croyez pas, du moins la croirez-vous, Elle, la mère de Jésus-Christ !
[44] Pistis-Sophia, pp. 62 et 63.
[45] Il n’y en a qu’une, de vigne : celle du Seigneur, pour le vin de la grande Pâque, après la victoire sur les nations. On la retrouve dans les Paraboles. C’est celle où il attachera son ânon, le petit de l’ânesse, — l’âne, signe de victoire, et c’est pourquoi, Jésus Christ est à âne, dans sa montée triomphale à Jérusalem.
[46] Barbilô, dans Valentin, est un personnage qui, conformément au nom qu’il porte, — la Sangsue, — tient au ciel une provision de sang. Il sue de sang. La métaphysique de Valentin est un mélange de matérialisme épais et de spiritualisme. Il est le père lointain des deux hypostases.
[47] Un mystère, l’incarnation ? Au lieu de se mettre un doigt sur la bouche et de faire : chut ! comme pour la virginité de Marie, mère, l’Église ferait mieux d’expliquer à ses fidèles Pistis-Sophia et le Selon-Luc, qui n’est qu’un démarquage de Pistis-Sophia. Au lieu de cela, ses Conciles et ses pontifes s’empêtrent et ânonnent dans des définitions logomachiques, incohérent galimatias digne de maisons de fous, sur les deux hypostases ! Et vous voulez qu’on n’en rie pas !
[48] Le Selon-Luc s’est souvenu de ce détail dans les marivaudages entre Marie et Élisabeth, l’ange Gabriel restant dans la coulisse :
— A peine, dit Élisabeth à Marie, ai-je entendu la salutation, que le petit enfant a tressailli dans mon sein.
[49] Et Valentin l’ignore moins que personne. L’explication qu’il donne, par la bouche de Marie, du mot célèbre : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ! que j’ai reproduite dans l’Énigme de Jésus-Christ, le prouve. Croit-on aussi, vraiment, que si les Évangiles étaient antérieurs à Valentin, ce Juif, qui vit après la destruction du royaume de Judée par Hadrien, en 135, qui a toutes les raisons de ne pas mécontenter Rome, — et Pistis-Sophia, Foi sagesse, montre qu’il a renoncé à la doctrine millénariste de la domination d’Israël par les armes, adoptant celle, — Foi assagie, — du salut du monde, venant des Juifs par la connaissance, — croit-on que Valentin donnerait un sens farouche et dangereux à une phrase des Évangiles qui n’est que soumission à l’autorité romaine ?
[50] Aussi n’est-ce qu’à son corps défendant que l’Église le classe parmi les hérésiarques. Mais comment faire autrement ? Avouer que les Évangiles ont été faits après et avec Pistis-Sophia, entre autres documents, sous les yeux ? Tout le christianisme croule. Il faut donc que ce soit Valentin qui ait contrefait les Évangiles. Rome sauvée !