L'Énigme de Jésus-Christ

 

Tome deuxième

CHAPITRE IV : LA DÉCAPITATION DE JEAN-BAPTISTE.

 

 

Les deux récits.

La décapitation de Jean-Baptiste ne se trouve narrée que dans les évangiles Selon-Matthieu (XIV, 1-12) et Selon-Marc (VI, 14-29). Le Selon-Luc, venu un peu plus tard, au dire de l’Église, et dont le préambule, en un grec décent, tandis que l’ouvrage est d’un grec hébraïque, annonce que son auteur écrit après s’être informé exactement de tout depuis l’origine, qui a connu, par conséquent, semble-t-il, la tragédie de la décapitation, rapportée dans Marc et Matthieu, se borne à mentionner l’événement, par la bouche même d’Hérode, disant (Luc, IX, 9) : J’ai fait décapiter Jean. Ainsi, le témoin du forfait, c’est son auteur lui-même. Comment douter ? Le coupable avoue. Que dis-je ? Il se confesse. Habemus confitentem reum (Cicéron). Le quatrième Évangile, de Cérinthe devenu celui de Jean, — que de Jean aux débuts du christianisme, chez les Juifs, où il y en a si peu, et tous de premier plan ! — ne fait pas décapiter Jean-Baptiste. Il ne le fait même pas mourir, comme tel. Il sait qu’il n’est qu’un Jean unique, Christ mort sur la croix. Il nous apprend, dans une parenthèse, que, à un certain moment, le Baptiste, — non, il ne dit pas le Baptiste, il sait trop  bien qu’il n’y a pas de Jean-Baptiste, — il dit : Jean, tout court, — Jean n’avait pas encore, été mis en prison (Jn., III, 24). Il y sera mis plus tard. Mais l’y décapitera-t-on ? Le Selon-Jean sait bien que non, puisqu’il refait l’Évangile de Cérinthe où le Iôannès-Jean, c’est le Christ, qui meurt sur la croix, tandis que le Dieu-Jésus, le Verbe ou l’Aeôn délaissant sa demeure charnelle, remonte au ciel, après avoir rendu le crucifié à sa mère : Femme ! voilà ton fils ![1]

Bref, deux récits de la décapitation dans deux Évangiles.

Le début est presque identique dans les deux.

Hérode le Tétrarque (de Galilée), c’est-à-dire Hérode Antipas, a fait arrêter Jean, l’a fait lier et mettre en prison. Pourquoi ? A cause de quoi ou de qui ? A cause d’Hérodias, femme de Philippe, son frère (parce qu’il l’avait épousée, précise seul le Selon-Marc) et que Jean lui disait :Il ne t’est pas permis de l’avoir pour femme. Les deux Évangiles se gardent de nous dire si Hérode a épousé Hérodiade, du vivant ou non de Philippe, qu’ils lui donnent comme époux. Ils veulent même laisser entendre que Philippe n’est pas mort, et que son frère Antipas lui aurait enlevé Hérodiade. On verra pourquoi[2].

Puis, les deux récits diffèrent, et sur un détail substantiel. Le Selon-Matthieu déclare que c’est Hérode lui-même qui aurait voulu faire mourir Jean. S’il hésite, c’est parce qu’il craignait le peuple, qui regardait Jean comme un prophète. Précisons : le prophète de l’Apocalypse, pour être dans la vérité entière.

Le Selon-Marc ne prête pas d’aussi noirs desseins à Hérode. Il prétend que c’est Hérodias qui s’acharnait contre Jean, et désirait de faire mourir. Mais elle ne le pouvait pas, car, loin de vouloir la mort de Jean, Hérode le craignait, sachant que c’était un homme juste et saint, — tout comme le Christ évangélique. On ne comprend guère pourquoi il le craint, dans ce cas. Mais passons. Soit parce qu’il le craignait, soit parce que Jean était juste et, saint, Hérode veillait sur lui, il était souvent troublé (il faisait beaucoup de choses, disent certains manuscrits, en variante) et il l’écoutait avec plaisir. Mais il se présenta un jour favorable.

Ici, les deux Évangiles redeviennent d’accord pour le fond. Contrairement à leur manière d’ensemble, c’est cependant le Selon-Matthieu qui est plus ramassé, et le Selon-Marc plus détaillé.

Hérode donnait un festin, pour l’anniversaire de sa naissance, aux grands de sa cour, à ses officiers et aux premiers de la Galilée. Nous sommes dans son palais de Tibériade, on peut l’ajouter[3]. La fille même d’Hérodias étant entrée, ­— elle n’est pas nommée par les scribes, mais nous savons par Flavius Josèphe qu’elle s’appelait Salomé, tout comme la mère du Christ, avant que les scribes n’en aient fait Marie la Vierge et la Magdaléenne,  entra, dansa et plut à Hérode et à ses convives. Le roi dit à la jeune fille (plus haut, en grec, au féminin, c’était : Thugatèr ; maintenant elle est, au neutre, korasion, fillette, poupée) : — Demande-moi ce que tu veux, je te le donnerai. Il jura, disant :

Oui, quand ce serait la moitié de mon royaume ! Salomé, pressée par sa mère,qu’elle était allée consulter dehors et qui lui avait dit de demander la tête de Jean le baptisant (baptizontos), rentre chez le roi aussitôt et demande :Je veux qu’ici, à l’instant même, tu me donnes sur un plat la tête de Jean le Baptiste (Baptistou). Le roi en fut attristé, disent les deux Évangiles, même le Selon-Matthieu ; et l’on peut  se demander pourquoi, de celui-ci, qui a dit qu’Hérode cherchait à faire mourir Jean, n’attendant que l’occasion favorable. Passons encore. A cause de ses serments et de ses convives, ne croyant pas devoir opposer un refus, il envoya aussitôt un de ses gardes avec l’ordre de rapporter la tête de Jean. Cet homme alla décapiter Jean dans la prison. Et ayant apporté sa tête sur un plat, il la donna à la fillette (korasion, toujours, au genre neutre), et la fillette la donna à sa mère. Puis les disciples de Jean l’ayant appris vinrent et emportèrent son corps, et ils le mirent dans un tombeau[4].

Voilà. C’est très simple. Mais, sans y regarder de trop près, quel tissu d’invraisemblances et d’impossibilités !

Invraisemblable d’abord, cette promesse d’Hérode Antipas à une danseuse, une poupée, de la moitié de son royaume. Comment y croire, quand on sait à quel prix un Hérode quelconque mettait sa royauté ? Et cette danseuse est la fille de sa femme Hérodiade ! Quelle trinité de sadiques dans cette histoire, qui n’a pu naître que dans l’imagination d’ecclésiastiques byzantins, comme la suite va le prouver !

Impossible aussi, en fait, cette décapitation de Jean-Baptiste pour des multitudes de raisons, dont trois principales :

1° Motif mensonger de cette décapitation donné par les Évangiles, et mensonge à double branche : d’abord parce qu’il est faux qu’un Jean quelconque ait jamais reproché à Hérode Antipas d’avoir épousé la femme de son frère, et encore, moins, ensuite la femme de son frère Philippe, Hérodiade, parce qu’Hérodiade n’a jamais été la femme de Philippe. La femme de Philippe, c’est Salomé, fille d’Hérodiade, Salomé que les Évangiles, sans donner son nom, font danser. Philippe était à la fois le beau-frère et le gendre, et non le mari, d’Hérodiade, laquelle donc était non sa femme, mais sa belle-sœur et sa belle-mère. Hérodiade était la femme de 1’Hérode Lysanias qu’elle quitta, vivant, pour épouser Antipas.

2° Insuffisance matérielle quant au temps nécessaire pour que, du palais de Tibériade, en une nuit, un garde ait pu aller assassiner Jean, dans la prison où il est enchaîné, et revenir avec la tête sanglante à Tibériade, eût-il fait l’aller retour au galop de plusieurs chevaux. Et la précipitation imprévue de l’événement prouve qu’on n’avait pas assuré de relais[5].

3° Découverte, en 362, de l’ère vulgaire, du cadavre de Jean, — son squelette, je pense, — dont l’Église dit que c’est celui de Jean-Baptiste, sans préciser s’il avait sa  tête ou non, — mais dont on peut être sûr qu’il l’avait, car ce Jean, Baptiste ou non, ce mort retrouvé en Samarie, à Machéron, par l’empereur Julien, c’est le Christ crucifié par Ponce-Pilate : Iôannès, sous son nom d’Apocalypse.

En une phrase, les récits de la décapitation de Jean-Baptiste ne reposent que sur des fraudes que nous allons examiner, et dont, pour toutes, nous donnerons les raisons.

Le motif de la décapitation.

A en croire les Évangiles, on l’a vu, Jean-Baptiste aurait été décapité à l’instigation d’Hérodiade, épousée par Hérode Antipas, et furieuse des reproches de Jean à Hérode sur ce mariage : Il ne t’est pas permis de l’avoir pour femme.

Flavius Josèphe, que l’Église a essayé de synoptiser comme un autre Évangile, et qu’elle a voulu faire témoigner sur la mort de Jean, devenu Jean-Baptiste, distinct du Christ, afin précisément d’en faire un personnage distinct, Flavius Josèphe raconte ceci, — c’est un scribe d’Église qui tient la plume[6] :

En ce même temps, — celui de la mort d’Hérode Philippe, tétrarque de Trachonite, Bathanée et Gaulanitide, en 787, donnée immédiatement devant, — il arriva, par l’occasion que je vais dire, une grande guerre entre Hérode le Tétrarque (c’est Antipas) et Arétas, roi de Pétra (en Arabie). Hérode, qui avait épousé la fille d’Arétas et avait vécu longtemps avec elle, passa, en allant à Rome, chez Hérode, son frère de père et fils de la fille de Simon, le grand sacrificateur. Il conçut une telle passion pour Hérodiade, sa femme, fille d’Aristobule, leur frère à tous deux, et sœur d’Agrippa, qui fut depuis roi, qu’il lui proposa de l’épouser aussitôt qu’il serait de retour de Rome et de répudier la fille d’Arétas. Il continua ensuite son voyage et revint, après avoir terminé les affaires, — lesquelles ? Flavius Josèphe ne le dit pas, — ­qui l’avaient obligé de l’entreprendre. Jusqu’ici, rien à dire. Nous sommes dans l’Histoire. Flavius Josèphe oublie simplement de préciser, ou le scribe qui l’a refait, deux points :

1° C’est que l’Hérode, frère d’Antipas, dont il parle, et qui a pour femme Hérodiade, c’est l’Hérode Lysanias, tétrarque de l’Abilène[7].

C’est que les affaires qui ont obligé Antipas à aller à Rome consistent dans la tentative d’obtenir de Tibère que la Tétrarchie de son frère Philippe, qui vient de mourir, lui soit attribuée et vienne, arrondir sa propre tétrarchie de Trachonite, Bathanée, etc.

Continuons à lire Flavius Josèphe. Sa femme (la fille d’Arétas) découvrit ce qui s’était passé entre lui (Antipas) et Hérodiade ; mais elle n’en témoigna rien. Elle le pria de lui permettre d’aller à Machéra (ou Machœrous, Machéro, Machéron), qui était une forteresse assise sur la frontière des deux États (Judée et Arabie), et qui appartenait alors au roi son père (Arétas). Ce détail, qu’il faut retenir, est d’une importance énorme, qu’il faut souligner. Bref, Hérode, pensant que sa femme ne connaissait rien de son dessein de la répudier, l’autorise à aller à Machœrous-Machera, où, étant arrivée et conduite à son père, à qui elle conte sa disgrâce et la résolution d’Antipas d’épouser Hérodiade, Arétas, fort offensé, prétextant de quelque contestation touchant les bornes du territoire de Gamala, — patrie du Christ, la Nazareth symbolique, — déclara la guerre à Hérode. La bataille se donna, et l’armée d’Hérode fut entièrement défaite par la trahison de quelques réfugiés qui, ayant été chassés de la tétrarchie de Philippe, avaient pris parti dans les troupes d’Hérode. Ce prince écrivit à Tibère ce qui était arrivé, et il (Tibère) entra dans une si grande colère contre Arétas, qu’il manda à Vitellius de lui déclarer la guerre, de le lui amener vivant s’il le pouvait prendre, ou de lui envoyer sa tête s’il était tué dans le combat.

Le scribe voit rouge. Il pense déjà à Jean-Baptiste, ou mieux il ne pense qu’à lui. Il décapite, en esprit, tous ceux qui passent sous sa plume. Et, en effet, interrompant ici le récit relatif à Arétas, voici le morceau qu’il insère dans la narration, où Jean apparaît enfin[8].

Plusieurs Juifs ont cru que cette défaite de l’armée d’Hérode était une punition de Dieu, à cause de Jean surnommé le Baptiste. Surnommé, depuis qu’il  n’est plus Jean le Christ. Suit un couplet dans l’esprit du faux sur Jésus. C’était un homme de grande piété qui exhortait les Juifs à embrasser la vertu, à exercer la justice. Le scribe, n’ose pas aller aussi loin que le Selon-Marc (Hérode sachant que c’était un homme juste et saint, — justice, piété, dit Flavius Josèphe, — veillait sur lui, le craignait, l’écoutait avec plaisir). Il exhortait encore les Juifs à recevoir le baptême après s’être, rendus agréables à Dieu en ne se contentant pas de ne point commettre quelques péchés, mais en joignant la pureté du corps à celle de l’Ame[9]. Ainsi, comme une grande quantité de peuple le suivait pour écouter sa doctrine, Hérode, craignant que le pouvoir qu’il aurait sur eux n’excitât quelque sédition parce qu’ils seraient toujours prêts à entreprendre tout ce qu’il leur ordonnerait, il crut devoir prévenir ce mal, pour ne pas avoir sujet de se repentir d’avoir attendu trop tard à y remédier. Pour celle raison, il l’envoya prisonnier dans la forteresse de Machera, dont nous venons de parler (appartenant donc à Arétas avec qui il est en guerre), et les Juifs attribuèrent la défaite de son armée à un juste jugement de Dieu d’une action si injuste.

Ce morceau de Flavius Josèphe mérite d’être examiné de près[10].

D’abord, il fixe l’époque de la bataille entre les troupes d’Antipas et d’Arétas, en ce même temps que la mort de l’Hérode Philippe, soit 787, qui précède immédiatement le récit de la guerre et de son occasion[11].

Secondement, c’est avant de s’embarquer pour Rome que Hérode Antipas propose à Hérodiade de l’épouser, pour le mariage avoir lieu aussitôt son retour de Rome[12].

Troisièmement, le Machera-Machœrous-Machéron où se réfugie la fille d’Arétas appartient à son père. Dans le morceau interpolé sur Jean-Baptiste, le scribe commet donc un faux grossier : car le Machera, dont nous venons de parler, c’est bien la forteresse assise sur la frontière et qui appartenait alors au roi son père : Ainsi Hérode, qui a répudié la fille d’Arétas, et qui, s’il ne s’attend pas à une déclaration de guerre pour si peu, bien qu’en fait la guerre s’en soit suivie, déclarée sous un autre prétexte, il est vrai, Hérode qui, en tout état de cause, ne doit pas s’imaginer, je pense, que, répudiant la fille d’Arétas, ses rapports avec ce prince vont être améliorés, aurait envoyé Jean prisonnier à Machera ! Et Arétas, furieux, aurait gardé Jean prisonnier pour lui faire plaisir. Il aurait supporté, le gardant prisonnier, qu’un émissaire d’Hérode, vînt se faire, dans son royaume, l’exécuteur des hautes œuvres de celui qu’il traite déjà en ennemi. Bien plus, non content de mettre en pratique ces admirables préceptes évangéliques, chers à la canaille, qui en profite, en vertu desquels, si le méchant vous soufflette la joue gauche, vous devez lui tendre la droite, s’il vous subtilise votre porte-monnaie, il est moral de lui offrir la clef et le secret de votre coffre-fort, Arétas va pousser la condescendance jusqu’à accueillir les disciples de Jean-Baptiste, venus on ne sait d’où pour réclamer le corps, et, l’ayant reçu, vont l’emporter pour l’ensevelir. Où ? A Machœrous en Arabie, alors ? Nous verrons tout à l’heure.

Quatrièmement, si la cause de la défaite des troupes d’Hérode est la défection d’une partie de ses troupes, et en même temps prend le caractère d’un juste jugement de Dieu parce que Jean avait été mis en prison, c’est qu’il y a un lien étroit entre cette défection et Jean[13].

Le motif de la décapitation de Jean, toute inventée qu’elle soit, a pour but, entre autres, de l’absoudre, comme Christ qu’il est, et, pour qu’on ne le reconnaisse pas, de l’accusation vraie portée contre lui, mué en Jésus-Christ, et qui amena la condamnation à mort par crucifixion, historiquement.

En prison et décapité pour avoir tonné contre l’immoralité d’un grand de ce monde, il ne saurait avoir, en tant que Christ, été mis en croix, comme prétendant au trône de Judée, au royaume de David, fomenteur de troubles, de révoltes et séditions, les armes à la main, tel Bar-Abbas, Jésus Bar-Abbas.

La femme de Philippe.

Aucun savant, aucun exégète, et Ernest Renan moins que tout autre, ne s’est aperçu de la fraude évangélique qui fait d’Hérodiade la femme de l’Hérode Philippe.

Tous ont lu Flavius Josèphe, et ils n’y ont pas remarqué que, par deux fois, dans ce chapitre VII du livre XVIII des Antiquités judaïques, il est déclaré, affirmé qu’Hérodiade est la femme de l’Hérode Lysanias. Une première fois, au début, dans l’extrait que j’ai reproduit plus haut, et j’ai souligné le fait. Une deuxième fois au n° 785, alinéa 3, in fine, en ces termes :

Hérodiade épousa Hérode le tétrarque, fils d’Hérode le Grand, et de Mariamne, fille de Simon Grand sacrificateur, dont elle eut Salomé, après la naissance de laquelle elle n’eut point de honte de fouler aux pieds le respect dû à nos lois, en abandonnant son mari pour épouser, même de son vivant, Hérode son frère, tétrarque de Galilée.

Flavius Josèphe ne précise pas non plus ici que le mari d’Hérodiade est Lysanias. Qu’importe ! Immédiatement après, il ajoute ceci, qui nous fixe sur la femme de l’Hérode Philippe : Salomé, sa fille, épousa Philippe, fils d’Hérode le Grand et tétrarque de la Trachonite, lequel étant mort sans qu’elle en eût d’enfants, elle épousa Aristobule, fils de l’Hérode frère d’Agrippa, dont elle eut trois fils.

Est-ce assez clair ? Salomé a épousé l’Hérode Philippe, tétrarque de la Trachonite. Elle est la fille d’Hérodiade. Elle s’est remariée, et avec Aristobule, mais c’est que son mari Philippe était mort ; elle était veuve.

Si les savants, les érudits, les critiques et exégètes, — je ne vise que ceux qui s’occupent de l’histoire des origines du christianisme, — étaient aussi éminents qu’on le dit, rien que ce passage de Flavius Josèphe les aurait mis en garde contre les récits évangéliques sur la décapitation de Jean-Baptiste. Comment leur demander, dans ces conditions, — ils ne savent même pas lire, — d’avoir vu que c’est justement à la mort de Philippe, en 787 de Rome ou 33 de notre ère, à cause de sa tétrarchie vacante, et pour tenter de l’obtenir de 1’empereur Tibère, que l’Hérode Antipas part pour Rome et que c’est en allant s’embarquer qu’il rend visite à son frère vivant, Lysanias, tétrarque de l’Abilène, et qu’il persuade Hérodiade, femme de ce prince falot, et dévorée d’ambition, de l’accepter comme mari ? Promettre à Salomé la moitié de son royaume, au moment où il ne rêve que de s’emparer des territoires dont son mari fut tétrarque, pour les ajouter à sa tétrarchie par la grâce de Tibère ! Quelle ironie ! Et des savants austères tiennent pour historiques ces contes à dormir debout[14].

Machœrous-Machéron.

Où est Hérode Antipas, pendant la nuit d’orgie évangélique ? Après avoir habité Sepphoris, ayant fait construire Tibériade, sur les bords du lac de Génézareth, avec un palais magnifique à son usage, c’est, en 787, à Tibériade qu’il réside, qu’il offre aux premiers de la Galilée, le festin qui commémore l’anniversaire de sa naissance. Il ne peut être ailleurs.

Et Jean ? Il est en prison. A Machœrous (Machéron) en Arabie ? Admettons que ce soit possible, que contre toute vérité, Arétas ne soit pas le maître de Machœrous, que sa fille répudiée ne s’y soit pas réfugiée. Je raisonne sur les données des faussaires. Hérode envoie, de Tibériade un garde pour couper la tête à Jean-Baptiste. Connaissez-vous la distance qui existait entre Tibérias, sur la rive occidentale du lac de Génézareth, et Machœrous près de la rive orientale de la mer  Morte ? Cent quarante kilomètres, à vol d’oiseau. Aller et retour par des routes, — on suit la vallée du Jourdain, — c’est donc trois cents kilomètres au minimum de randonnée qu’a dû faire, en quelques heures de nuit, le bourreau hérodien, et, entre temps, exécuter sa mission.

Eh ! bien, malgré l’impossibilité résultant des distances, malgré l’impossibilité du fait que Machocrous est occupé par les garnisons du roi de Pétra, Arétas, — Flavius Josèphe l’a dit, tous les exégètes tiennent que Jean est à Machœrous (Machéro, Machéron ou Machéra, car le mot a diverses orthographes). Pourquoi veulent-ils qu’il en soit ainsi ?

Sans doute parce que c’est l’avis d’Ernest Renan, leur chef de file.

Voici donc l’avis de Renan, dans sa Vie de Jésus (chap. XII). Le triste Jean, dans sa prison de Machéro, s’exténuait d’attente et de désirs... Cette année (probablement l’an 30), — non, nous sommes en 787 de Rome, 33 de l’ère vulgaire, — Antipas se trouve, le jour anniversaire de sa naissance, à Machéro. Hérode le Grand, — son père, — avait fait construire à l’intérieur de la forteresse un palais magnifique, où le tétrarque (Antipas) résidait fréquemment. Il y donna un grand festin, durant lequel Salomé, etc. Et Renan renvoie, sur ce palais magnifique, au texte de Flavius Josèphe De Bello judaïco, liv. VII, chap. VI (c’est XXI qu’il faut lire), alinéa 2.

On trouve, en effet, dans Flavius Josèphe (Guerres, VII, XXI, 2) qu’Hérode le Grand avait fait construire à l’intérieur de la forteresse un palais magnifique, , ­— déclare Renan, qui n’en sait rien, car nulle part ce n’est dit, — le tétrarque (Antipas) résidait fréquemment. D’où, d’après lui, s’y est donné le fameux festin. Ainsi, l’Hérode, tétrarque de la Galilée, invite les grands (chiliarques), les premiers (les prôtes) de la Galilée et ses officiers à venir banqueter en son honneur à cent kilomètres et plus de leur résidence. Admettons.

Ce qui est sûr, c’est que ce Machéro n’est pas le Machœrous d’Arétas (même orthographié Machœrous et non Machéro, et j’y consens). Il est vrai que, à l’occasion des événements qui suivent la guerre de Vespasien et Titus (824 = 70) Flavius Josèphe parle de Machœrous comme d’une place forte qui n’a pas encore été réduite (ainsi que Massada, Iotapat et Gamala, naturellement). Et pour le plaisir de bien nous persuader qu’il s’agit de Machéro, Machéron, Machœrous, il consacre, au milieu de cette tragédie sanglante que fut l’admirable résistance juive, trois chapitres à nous ébaudir puérilement sur une plante de rue d’une grandeur prodigieuse qui était dans le château de Machéron, sur les qualités et vertus étranges d’une plante zoophyte qui croit dans l’une des vallées qui environnent Machéron, sur quelques fontaines de Machéron dont les qualités sont très différentes. Machéron ! Machéron ! Machéron !

Fort bien. Mais ce Machéron, ainsi nommé dans Flavius Josèphe, à l’époque de Vespasien et Titus, où Hérode le Grand a fait construire un château, soixante­-quinze ans en ça, nous le connaissons. Pourquoi Renan ne nous apprend-il pas qu’il en est parlé aussi dans Flavius Josèphe, au moment même où Hérode le Grand le fait construire (Guerres, I, XVI, 87) ? Une phrase, une seule : Il fit bâtir, à l’opposite de la montagne qui est du côté de l’Arabie, un château extrêmement fort qu’il nomma Hérodion. C’est tout. En face du Machœrous ou Machéron d’Arabie, il a donc fait construire une forteresse, capable de faire échec à celle de l’ennemi. Elle s’appelle alors Hérodion. L’a-t-on nommée ensuite Machœrous (de Judée) pour l’opposer à Machœrous (d’Arabie), comme à notre frontière de l’Est, après Nancy et Lunéville, il y avait, de 1871 à 1914, Avricourt-français et deutsch-Avricourt ? Jamais, nulle part, Flavius Josèphe ne nous en a informés. Ce qui paraît certain, c’est que la description qu’il en donne, à l’époque des guerres de Vespasien et que Renan reprend à son compte, a tout l’air d’une fraude, en harmonie avec l’histoire évangélique de Jean-Baptiste. Ce palais, en effet, construit dans la forteresse d’Hérodion, devenue  Machœrous, d’après le Flavius Josèphe relatant la guerre vespasienne, il n’en est nullement question, lorsqu’il parle de cette forteresse à l’époque où Hérode le Grand la fait construire. Mais, — et vous allez toucher du doigt l’origine de la fraude, — ayant fait connaître en une phrase (celle de ci-dessus) la construction de ce château par Hérode le Grand, à la frontière d’Arabie, face au Machœrous des Arabes, Flavius Josèphe, sans même couper sa phrase par un point, ayant dit qu’Hérode nomma ce château Hérodion, continue ainsi : et il donna le même nom à une colline distante de soixante stades de Jérusalem, qui n’était pas naturelle, mais qu’il fit élever en forme de mamelle avec de la terre rapportée, et dont il environna le sommet de tours rondes. Il bâtit au-dessous des palais... intérieur très riche... extérieur superbe... Il y fit venir de très loin quantité de belles eaux, etc. Près de Jérusalem, ou comprend ce palais. Mais dans l’Hérodion, forteresse frontière de l’Arabie, on ne le conçoit pas. La guerre y est endémique. Voir Flavius Josèphe. Hérode Antipas n’y va jamais. Il aurait bien trop peur de s’y faire prendre par les Arabes.

En résumé, la forteresse qu’Hérode a fait construire face à Machœrous, que Flavius Josèphe nomme Machéron, soixante-quinze ans après qu’elle a été construite, elle a été appelée Hérodion, quand Hérode la faisait construire. Le palais merveilleux que Flavius Josèphe décrit, lors du siège qu’en fit Bassus, général de Vespasien, Flavius Josèphe n’en dit pas un mot, quand il parle, en une phrase, de la construction d’Hérodion sous Hérode. Le château que décrit Flavius Josèphe, sous Vespasien, comme ayant été construit dans la forteresse de l’Hérodion devenu Machéron, c’est celui dont il dit qu’il a été construit dans l’Hérodion, à vingt stades de Jérusalem[15].

Après quoi, si vous croyez à un Machéron de Judée où aurait été prisonnier Jean-Baptiste, à la frontière d’Arabie, en deçà ou au delà, avec un palais où le tétrarque (Antipas) résidait fréquemment, où il a donné un festin aux grands de sa cour, aux premiers de la Galilée, à ses officiers, taudis qu’Arétas, en face, dans Machœrous d’Arabie, concentre ses troupes pour venger l’affront fait par Hérode Antipas à sa fille répudiée, c’est que vous avez dans le génie critique et la loyauté de Renan la foi qui transporte les montagnes[16].

Si Flavius Josèphe parle aujourd’hui de Machéron, substitué à l’Hérodion de la frontière arabe, et, en le décrivant comme l’Hérodion-lès-Jérusalem, c’est qu’on le lui fait dire, — une fraude de plus ou de moins ! — pour donner le change sur le Machéron véritable où ses disciples ont enseveli Jean, — Baptiste ou non, — et non point après décapitation, mais comme étant le Christ, dont ils ont dérobé le cadavre au Guol-Golta, la fosse commune, pour faire croire à la résurrection, le transportant en Samarie, à Machéron, où ils le mirent dans un tombeau. Dans ce Machéron, il n’y avait ni palais, ni prison. Si Jean est en prison, c’est à Tibériade, et non point encore comme condamné à mort. Avant de se résoudre à le punir de la peine capitale, Hérode Antipas et Ponce-Pilate ont commencé par lui appliquer la prison, et quelquefois, deux au moins, le fouet, — c’est un parent par alliance des Hérodes, ­avec l’espoir de mettre fin à ses exploits de prétendant roi des Juifs. Et ce n’est pas leur faute s’il a diaboliquement persévéré.

Le corps retrouvé.

En 362 de l’ère vulgaire, au mois de Ioûs, c’est-à-dire août, l’empereur Julien, — l’Apostat, parfaitement ! — se trouvant à Antioche, retour des Gaules et de Lutèce, qu’il a tant aimées, et prêt à s’engager dans une guerre contre les Perses, résolut de frapper un grand coup pour prouver au monde que le mort que les Juifs adorent comme un dieu n’était et n’est jamais ressuscité. Ayant appris qu’autour du tombeau de ce mort, qu’il désigne sous son pseudonyme apocalyptique de Jôannès-Jean, il se faisait des pèlerinages, — ce qui lui a permis d’identifier sans erreur le tombeau, — où des exploiteurs, des magiciens tiraient profit de la crédulité des foules, — on y vendait déjà des morceaux de la sainte croix, — il résolut de procéder à l’exhumation du cadavre de ce mort, dont le tombeau avait été retrouvé à Machéron de Samarie, près de Sébaste, l’ancienne Sichem (voir saint Jérôme).

La découverte de ce corps du mort, sous le nom de Jean, est rapportée par M. Allard, dans son ouvrage sur Julien (Paris, tome III, p. 406), la plus savante étude peut-être, que l’on ait faite sur ce grand empereur. M. Allard est chrétien, de l’orthodoxie la plus rigoureuse. Comme l’Église, il tient que ce Jean, dont Julien profana les restes, c’est le Jean-Baptiste des Évangiles. Rien du Christ, crucifié par Ponce-Pilate, rien de Jésus-Christ. Mais cette affirmation qui ne repose que sur l’autorité de l’Église, se retourne contre elle, car elle aboutit à la preuve logique que ce Jean, dit Baptiste ou non, — et le Jésus-Christ évangélique est, lui aussi, un baptiseur, tout comme Jean, — est bien le Christ crucifié par Ponce-Pilate et non le Jean-Baptiste des Évangiles, décapité par Hérode.

Ce n’est pas, en effet, le cadavre du Jean-Baptiste ecclésiastique, dont il connaissait l’invention frauduleuse, que Julien recherchait et qu’il a exhumé. C’est le corps du mort, — il ne l’appelle qu’ainsi et Iôannès = Jean, — que les Juifs adorent comme un Dieu, et qu’on disait être ressuscité. Les Juifs-chrétiens, — à l’époque de Julien, ce sont encore les Juifs qui font le christianisme, — adorent-ils Jean-Baptiste comme un Dieu ? Non. Prétendaient-ils que Jean-Baptiste était ressuscité, pour qu’il soit besoin de les démentir en exhibant son cadavre ? Non encore. C’est donc que le corps du « mort », sous son pseudonyme d’Apocalypse, est celui du Christ, crucifié par Ponce-Pilate, et qui n’est pas ressuscité. C’est évident. Jean, c’est le Christ.

La flèche du Parthe.

Les conséquences de cette découverte auraient tué le christianisme si Julien, parti peu après pour la guerre contre les Perses, en était revenu vivant. Les chrétiens, tels qu’ils sont au IVe siècle, l’ont si bien compris, qu’ils ont fait  assassiner Julien par une flèche soi-disant Parthe. Les injures basses et les menaces prophétiques qui lui ont été adressées après la découverte du cadavre, — elles ne se comprendraient pas si ce cadavre était celui de Jean-Baptiste, — ne laissent aucun doute. C’est le prêtre Théodoret qui dit à un fonctionnaire impérial[17] : Ton tyran (Julien), qui espère que les païens seront vainqueurs, — les Perses étaient-ils donc chrétiens ? — ne pourra pas triompher. Il périra et de telle manière que personne ne saura par qui il a été frappé. Il ne reviendra pas au pays des Romains.

Dans un dialogue de Théodoret, encore, entre un professeur chrétien et Libanius, celui-ci demande à celui-là : Que fait maintenant le fils du charpentier ? Et l’autre répond : Le Maître du monde que tu appelles ironiquement le fils du charpentier, prépare un cercueil[18].

A Antioche, ce ne sont que railleries sur Julien, sur son physique, ses épaules étroites, sa barbe de boue, son profil hirsute. « Nos traits ont atteint le but. Nous t’avons percé de sarcasmes, comme de flèches. Comment feras-tu, ô brave, pour affronter les projectiles des Perses ? »

Deux des hommes engagés dans la lutte contre les chrétiens, Félix et le comte Julianus, étant morts presque en même temps, en 363, — le départ de l’empereur Julien pour l’expédition de Perse est de mars de la même année, les chrétiens, lisant sur les monuments, la formule : Julianus, pius, augustus, — c’est l’empereur, — disaient : — Félix et Julianus (le comte) sont déjà morts. C’est maintenant le tour de l’Auguste[19].

Les chrétiens priaient, faisaient des vœux pour la défaite de l’empereur Julien. Les femmes allaient en pèlerinage aux tombeaux (du Christ Iôannès, de ses frères, enterrés près de Machéron).

Comment aussi ne pas faire état du récit où Julien trouve la mort ? A une attaque des Perses, repoussée, Julien poursuit les fuyards. Les cavaliers de sa garde se rallient autour de lui. Soudain le javelot d’un cavalier effleure en sifflant le bras de Julien, s’engage entre les côtes et s’enfonce dans son foie. Julien essaie d’arracher la lame à double tranchant et se coupe les doigts de la main droite. Évanoui, il tombe de cheval. Il mourut peu après[20].

D’où partait le coup ? D’un prisonnier barbare moitié fou, moitié bouffon, dit Grégoire de Nazianze, bon apôtre (Oratio, V, 13). Sozomène dit (VI, 1) : D’un soldat exaspéré de l’expédition. Un chrétien, autrement dit. Libanius (Epitaphe de Julien) dit que ce fut un de ceux, ennemis des lois et des dieux, qui avaient déjà essayé d’attenter à la vie de Julien, qui fut frappé par ruse et trahison (Pro templis). Am. Marcellin dit : Les soldats eux-mêmes avaient entendu dire par des transfuges, qui le rapportèrent, que Julien était tombe sous un javelot romain (telo romano), disons, nous : catholique romain. Devant tous ces témoignages et d’autres, M. P. Allard conclut : La flèche du Parthe était proverbiale. Il est à peu près certain que c’est celle qui atteignit Julien. Tome III, p. 276. Oui, le jésuitisme aussi est proverbial. La cause est entendue. Le coup de pied de l’âne et la danse du scalp sont de même proverbiaux. Les voici : Dieu et son Christ (plus de Jésus, ni de Jésus-Christ) ont vaincu (Théodoret, III, 22). Et c’est le même mot que les scribes ont mis dans la bouche de Julien mourant : Tu as vaincu, Galiléen ! pour ne pas avouer l’accusation certaine d’assassinat, qu’il a proférée contre les chrétiens, avant d’expirer. Écoutez encore un Père de l’Église, Grégoire de Nazianze (Oratio, 34) : Considérons avec sérieux cette divine vengeance. Montrons que nous avons mérité, non les souffrances passées, mais les bienfaits présents, etc.

Et voici enfin Philopatris ou l’Homme qui s’instruit, dialogue plein d’allusions au christianisme, et notamment à l’assassinat de Julien, prédit sous une forme obscure. Un chrétien, parlant à Critias, lui dit : Si tu veux être discret, je t’initierai à des mystères importants qui doivent bientôt s’accomplir. Ce ne sont point des songes, mais des réalités. Tout s’accomplira au mois de mésori (le mois d’août ou de Ioüs, en égyptien, car la scène se passe à Alexandrie). Il s’agit si bien du meurtre prémédité de Julien, qu’un autre interlocuteur vient s’opposer aux prédictions sinistres du Chrétien ; il chante la victoire de l’empereur sur les Perses ; Critias se réjouit que l’empereur vive, et l’on rend à ce si grand prince des actions de grâce[21].

Mais cette danse du scalp sur un homme que l’on a fait assassiner, d’un chef d’empire dont la disparition pouvait avoir pour les peuples les plus graves conséquences, — considération d’ailleurs qui ne faisait qu’exciter les espoirs des chrétiens, comme toute complication ou désordre politique et social sert les intérêts de tout ce qui est révolutionnaire et destructeur, — cette danse du scalp effrontée n’a pas suffi à l’Église. Il est des morts qu’il faut qu’on tue, car leurs œuvres les suivent. Le grand empereur Julien fut de ceux-là.

Les scribes ont eu beau changer en Jean-Baptiste le cadavre squelette, retrouvé par Julien, du Iôannès, du Christ-Jean pour prouver qu’il n’était pas ressuscité, de ce mort que les Juifs (minim, les Juifs christiens, les chrétiens d’alors), adoraient comme un dieu, cette fraude, à l’époque, ne pouvait tromper personne, parmi les élites tout au moins.

Il a fallu l’anarchie, les troubles, le désarroi, les destructions, les ruines des invasions barbares, pendant deux siècles, pour faire disparaître le souvenir de la découverte de Julien et falsifier les textes, les interpoler, en fabriquant parallèlement et en concomitance de la fable du Baptiste décapité, ce que les scribes, avec un cynisme impudent et une impudeur cynique, appellent encore dans les Évangiles le miracle de Jean. — Cette génération méchante et adultère demande un  miracle, s’écrie Jésus au IIIe siècle ; il ne lui en sera pas donné d’autre que celui de Jonas (Iôannès)[22].

Les scribes, dans la forme mystagogique des Thargoums ou paraboles ou similitudes, avouent. Les Évangiles ne sont, après tout, qu’un genre de littérature, auquel il faut savoir se faire pour comprendre.

Et c’est une preuve de plus que le Christ et Jean sont le même personnage historique.

Mais les œuvres profanes, l’Église, avant Charlemagne, n’a jamais été sûre de mettre la main dessus. Quelques-unes pouvaient échapper, bien que les événements ultérieurs ne l’aient pas permis. Courant au plus pressé, elle a arrangé les Évangiles, pour achever de démentir quasi-directement l’histoire vraie du cadavre dérobé au Golgotha, de son transport en Samarie et de sa découverte par Julien.

Quand je dis : les Évangiles, au pluriel, sur ce point, je me trompe. Elle en a arrangé un, un seul. Le sort est tombé sur le Selon-Matthieu, de ce Matthieu ou Lévi, péager, qui est déjà l’un des douze disciples dans les Évangiles, et sur qui tombe aussi le sort, dans les Actes des Apôtres, quand il s’agit de remplacer Juda Iscariote, comme douzième, le Christ disparu. Car ces deux Matthieu n’en font qu’un, sous le nom duquel on a mis un Évangile.

Voici ce que l’Église a trouvé (Matt., XXVII, 62-66) : Le lendemain (de la crucifixion et de la mise tu tombeau), les chefs des prêtres et des Pharisiens se rendirent ensemble chez Pilate et lui dirent : Seigneur (Kyrie), nous nous sommes souvenus que, de son vivant, cet imposteur (comme dans Flavius Josèphe) disait : après trois jours, je ressusciterai. Ordonne donc que la tombe soit soigneusement surveillée jusqu’au troisième jour, de peur que, les disciples ne viennent voler le corps et ne disent ensuite : Il est ressuscité des morts. Imposture dernière qui serait pire que la première.Pilate leur répondit : Vous avez des gardes ; allez et surveillez comme vous l’entendez. Alors ils allèrent s’assurer du sépulcre, en scellant la pierre en présence de la garde.

Ce morceau, qui n’est que dans le Selon-Matthieu, n’a été fait que pour répondre, après Julien mort, à ceux qui disaient ce qui s’est exactement passé, afin de leur donner un démenti. Et la preuve, c’est que, d’après le Selon-Matthieu lui-même, la garde était inutile puisque, le premier jour de la semaine,... un ange s’approcha de la pierre, l’éloigna en la roulant et s’assit dessus. Cet ange est quelque Simon dit la Pierre, justement à cause de son exploit, d’où est sortie la résurrection, sur laquelle l’Église est bâtie. Cet ange est d’aspect si foudroyant que les gardes, tremblants d’épouvante devant lui, étaient comme morts ? Leur compte est bon, comme pour Ananias et Séphira.

Au surplus, l’ange lui-même est inutile aussi, car, quand il a ôté la pierre, Jésus ne sort pas du sépulcre. Il en est sorti sans que nul le voie, la pierre encore scellée. Un dieu peut, en effet, passer à travers la pierre. C’est ce qu’a fait Jésus pour se rendre en Galilée. Mais, coup de théâtre ! les deux Marie qui se trouvaient là, qui étaient entrées dans le tombeau pour voir s’il était bien vide, en sortent, et voici que Jésus s’avance à leur rencontre et leur dit : Salut !

Osez maintenant soutenir que Julien a retrouvé son squelette en Samarie. Et pourtant, il l’a retrouvé, il a, et l’Église ne peut pas le nier, sauf à nous aiguiller par fraude sur Jean-Baptiste, retrouvé le corps du Iôannès, du mort que les Juifs adoraient comme un dieu. Ce mort que les Juifs adoraient comme un Dieu, ce n’est  pas Jean-Baptiste, comme le prétend par un mensonge diabolique l’Église ; ce n’est pas Jean l’apôtre, ni Jean l’Évangéliste.

Alors, qui est-ce ? Il ne reste que le Iôannès-Christ, devenu, en Jésus-Christ, celui que les chrétiens adorent.

C’est donc lui.

Le Iôannès, sous son nom d’Apocalypse, c’est le Christ, crucifié par Ponce-Pilate. On ne peut pas échapper à l’étreinte de cette vérité.

La danseuse.

Dans les deux Évangiles qui narrent la décapitation de Jean-Baptiste, la danseuse qui plaît à Hérode, c’est la fille, pas nommée, de sa nouvelle femme Hérodiade. C’est Salomé. Les plus anciens manuscrits du Nouveau Testament, le Codex Sinaïticus et le Codex Vaticanus, dont, l’Église et les savants nous disent, sans rire, qu’ils sont du IVe siècle, sont conformes à cette version. Dans leur texte, c’est Salomé qui danse. Le IVe siècle va de l’an 301 à l’an 400. Donc, entre 301 et 400, conformément aux textes évangéliques, toute la chrétienté est prévenue. Plus que tous autres surtout, les Docteurs, polémistes, apologistes et Pères de l’Église sont fixes. Pour eux, c’est Salomé qui danse, n’est-ce pas ? ou ils n’ont pas lu les Évangiles. Eh ! bien, ils les ignorent, car, pour eux, la danseuse, c’est Hérodiade.

Voici un témoin, et de marque : Saint Jean-Chrysostôme, c’est-à-dire, Bouche-d’Or. Va-t-on le récuser ? Dans une de ses Homélies (In decoll. Precursoris), fulminant contre l’impératrice Eudoxie, — et ceci peu avant ou peu après l’an 400, — il la compare à Jézabel ; il en fait aussi une nouvelle Hérodiade. Et il s’écrie : Hérodiade danse toujours en demandant la tête de Jean ; et on lui donnera la tête de Jean, PARCE QU’ELLE DANSE. C’est clair[23].

La phrase, avec ses deux propositions liées, ne laisse aucun doute. Malgré les manuscrits Sinaïticus et Vaticanus, donnés comme du IVe siècle, et faisant danser Salomé, vers l’an 400, les vrais manuscrits de l’époque étaient différents. C’est Hérodiade qui y dansait. D’où il suit que le Sinaïticus et le Vaticanus sont des contrefaçons de manuscrits du IVe siècle[24].

Deuxième témoin : Athanase d’Alexandrie, l’un des plus fougueux défenseurs de toutes les impostures judaïques qui sont devenues l’essentiel du dogme catholique. Les évêques ariens, — ceux qui ont toujours soutenu, jusqu’à ce que la persécution les ait anéantis, comme de vulgaires Albigeois, qu’en Jésus-Christ, il y a deux personnes ; ils faisaient de la mythologie à la mode grecque, -l’avaient déposé, au concile de Tyr, en 335 de l’ère vulgaire, avec l’approbation de l’empereur Constance. Il s’écrie : L’empereur Constance leur renouvelle la promesse d’Hérode... A qui ? A Salomé ? Non. A Hérodiade. Aussi, reprennent­-ils la danse de leurs calomnies[25]. Pas de doute. Danse, promesse à la danseuse, qui est Salomé, dans les Évangiles, et chez Athanase, promesse à Hérodiade. C’est Hérodiade la danseuse, au temps d’Athanase. Et si la danse des calomnies aboutit à une autre promesse d’un autre Antipas à une nouvelle Hérodiade, c’est bien, pour Athanase, l’ancienne Hérodiade qui dansait et à qui avait été faite la promesse, et non sa fille.

Nous voici arrivés à la fin de notre examen des fraudes internes sur l’imposture de la décapitation de Jean-Baptiste. Il en est d’autres extérieures aux récits évangéliques. Nous en avons rencontré et dans le passage interpolé de Flavius Josèphe et ailleurs. Celles qui restent, nous allons les mettre en lumière et les tirer au clair en répondant à une question qui se pose, qu’il est impossible de ne pas se poser : Pourquoi a-t-on substitué, comme danseuse, la fille à la mère, Salomé à Hérodiade, d’abord, et ensuite, l’Hérode Philippe à l’Hérode Lysanias ? Car il faut que tout s’explique dans la fraude, puisque tout s’y tient.

La réponse à cette question s’encadre dans l’ensemble des fraudes qui constituent l’imposture générale relative à l’invention de Jésus-Christ, par l’incarnation littéraire du Dieu-Jésus, Verbe ou Logos, dans le corps de Jean. Après avoir indiqué les fraudes, il nous reste donc, pour la clarté, à parcourir ce que j’appellerai les étapes de l’imposture, et j’en aurai fini.

Les étapes de l’imposture.

Lorsque, utilisant les éléments historiques de la carrière du Christ, en en faisant disparaître le plus possible son humanité de Prétendant davidique au trône de Judée contre les Hérodes, protégés de Rome, et les combinant avec les fables métaphysiques de Cérinthe sur l’Aeôn céleste, le Verbe ou Logos, et de Valentin et autres gnostiques sur le Dieu-Jésus, les scribes judaïques ou judaïsants eurent, à la fin du IIe siècle, et surtout au commencement du IIIe, inventé Jésus-Christ, la grande figure de Jean-Iôannès Messie juif ou Christ, dominait toujours. On avait eu beau biffer son nom de circoncision, sous son pseudonyme apocalyptique de Jean, sa mémoire restait présente à tous dans les communautés purement juives où s’agitaient les spéculations chrétiennes sur le Christ, Communautés universellement répandues dans l’empire romain[26].

En créant ainsi Jésus-Christ par la transposition sur le plan humain, puis catholique, des conceptions métaphysiques de Cérinthe et des Gnostiques, les scribes fondaient ensemble, — c’est tout le mystère de l’incarnation, — en le donnant comme un être biologique personnel, le Christ juif historique et le Dieu-Jésus des affabulations millénaires de Cérinthe et gnostiques de Valentin. Ce n’était plus tout à fait du Cérinthe et du Valentin, mais on pouvait les y retrouver. Les Juifs n’y regardaient pas de très près[27]. Seulement, en donnant le nom de Jésus-Christ à cet être hybride, les scribes effaçaient, cette fois, jusqu’au pseudonyme de Jean, après lui avoir supprimé son nom de circoncision Juda, fils de Juda. Les scribes exagéraient. Ce résidu de la combinaison Jésus-Christ, il était l’Histoire, et même, pour une part, l’Histoire héroïque. Impossible, et impie sans doute, de le détruire. Le nom survit quand l’homme tombe, Jean, le Iôannès ! que faisait-on de Jean ? Les scribes le repêchèrent, si l’on peut dire d’un homme qui a symbolisé l’eau, et, à son surnom de Jean ajoutant l’épithète le Baptiste, ils en firent le Précurseur de Jésus, de Jésus-Christ. L’idée ne leur avait pas coûté un gros effort d’imagination. Elle est en puissance dans Pistis-Sophia de Valentin, comme l’incarnation y est en germe. Les scribes ont toujours pris ait plus près les matériaux qu’ils ont contre façonnés. Mais l’idée était adroite. Faire de Jean le Précurseur de Jésus-Christ, c’est à peine sortir encore des conceptions valentiniennes et cérinthiennes où Jean est la demeure, l’enveloppe charnelle, le corps qu’emprunte le Dieu-Jésus quand il descend du ciel sur la terre de Judée, comme les déesses de l’Olympe sur les champs troyens prenaient la figure de leur héros préféré. Et ce Précurseur, on commence par en faire une « voix qui crie dans le désert ». C’est lui qui devient métaphysique. Pas pour longtemps. Voici qu’il baptise, qu’il baptise même Jésus-Christ. Voici qu’il injurie les Pharisiens : Race de vipères ! Oh ! oh ! Mais ce Jean, devenu distinct de Jésus-Christ, chair lui-même, comme il rappelle le Christ ! Les communautés juives christianisantes s’agitent. Entre Jean et Jésus-Christ, elles hésitent, elles balancent. Les Évangiles portent l’empreinte profonde des polémiques et discussions qui se sont produites au IIIe siècle, sur cette substitution de Jésus Christ à Jean comme Christ. Elles ont dû être terribles pour que les Évangiles, —procès-verbal de conciliation entre les sectes. — aient été obligés d’en tenir compte.  Oh ! à leur manière habituelle ! En édulcorant, en essayant de donner le change pour faire mentir la vérité ! Tout de même, c’est leur leitmotiv[28].

On étoffe à peine la carrière de Jean : baptême, prédication, prison, avec des éléments pris à sa carrière de Christ, fiche de consolation aux Johannistes. Mais la propagande effrénée se poursuit en faveur de Jésus-Christ : on fabrique les Lettres de Paul, on lui prête une vie de missionnaire, après l’avoir dédoublé du prince hérodien Saül ; on compose les Actes des Apôtres. Submergés de documents faux, les Johannistes ne désarment pas. Pour eux, la force de leur conviction résulte de la crucifixion. Le Christ avait été crucifié, et tous savaient et disaient, — même la littérature profane (Apulée, Lucien, Flavius Josèphe, Juste de Tibériade, Tacite, etc., etc.) en témoignait, — que ce crucifié, c’était Jean, l’auteur de l’Apocalypse. Les historiens, les littérateurs, qui les lit ? Une élite. Les manuscrits sont chers. Qu’importe l’élite aux scribes ? Une poignée ! Il reste l’immense foule anonyme qui ne lit rien, qui ne sait rien, qui ne peut aller aux sources se renseigner sur l’histoire. Et puis les Incendies n’ont pas été inventés pour rien. Avec la foule ou a beau jeu pour une propagande de mensonges, de fables que l’on répand comme vérités, surtout en dosant adroitement le peu de vérité historique nécessaire, où raccrocher la légende. Les savants ? Ils écrivent et personne ne les lit. Leurs œuvres ne résistent pas aux torches. Ils ne vont pas se mêler à la foule. Mais les chrétiens, avec leurs prêtres, appelant les multitudes dans des réunions secrètes puis publiques, quelle action multipliée ils ont pour répandre les fables judaïques ! D’ailleurs, pourquoi ne pas parer aux objections, même de l’élite ou des gens informés ? Vous dites que c’est Jean, le christ Crucifié ? Mais vous n’y pensez pas ? répond l’Église. Ce crucifié dont vous parlez, Messie peut-être, — il s’en est tant levé à cette époque, imposteurs, brigands de grands chemins, Bar-Abbas, Apollos, Pérégrinus ! — c’est celui de 788-789, ce n’est pas le nôtre, notre Jésus-Christ, qui est mort en 781-782, sous le consulat des deux Geminus. » Mais oui, c’est à ce point. L’Église, au IIIe siècle, a fait rétrograder de sept ans, d’un sabbat d’années, la crucifixion du Christ, pour qu’on n’y retrouve pas Jean. C’est l’époque où l’on fabrique les Actes des Apôtres qui débutent ainsi en 782 et qui, sous le nom de Jean, relatent des faits qui appartiennent au Christ et qui ont disparu des Évangiles : deux emprisonnements, deux supplices du fouet. Jean y prêche sa propre résurrection. Toutefois, comme il est mort, Pierre le domine. Il lui reprend des miracles, qui sont à lui dans les Évangiles (le Centenier notamment). Pierre est le plus grand, jusqu’à ce que Saül, mué en Paul, mette tous les apôtres dans sa poche. Le Christ crucifié en 781-782, c’est encore le système de Lactance (De verd sapientid, Liv. IV, ch. X) et de Saint-Augustin. Jésus-Christ aurait été crucifié par les Juifs, par les Romains, en 782, l’an quinzième du règne de Tibère, sous le Consulat des deux Geminus, avant le septième jour des calendes d’avril, soit le 6 (ou avant le dixième jour d’avril, d’après certains manuscrits).

Ouvrez Tacite, Annales, livre V. Sous les consuls Rubellius et Fufius, surnommés tous deux Geminus... Au paragraphe V, une lacune qui embrasse la fin de l’année courante, la suivante toute entière, et au moins dix mois de la troisième. Pourquoi ? Parce que dans l’Apologie de Tertullien, en latin (IIIe siècle, toujours) et dans l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, en grec (IVe), on a introduit l’histoire fantastique de Tibère demandant au Sénat romain de reconnaître Jésus-Christ comme Dieu et de lui élever une statue. C’est ce morceau que de vils païens ont  voulu dérober à la postérité, en le supprimant dans Tacite. Quand le texte reprend : On entendit à ce sujet quarante-quatre discours... Ce sujet, ne serait-ce pas justement la divination du Christ ? Les ciseaux de l’Église sont habiles. Si le Jésus-Christ des Évangiles était mort en 781-782 crucifié, comme le Selon-Luc le fait naître en 760, un recensement de Quirinius, il serait mort à 21-22 ans. L’Église ne peut se dépêtrer du filet de faux qu’elle a tissé.

Imposture formidable, mais qui ne suffit pas, car si Jean n’est pas le Christ, mort crucifié, il faut bien qu’il soit mort d’autre façon. De quelle ? On cherche. Il y a un moment où, en tant que Christ, il est en prison. C’est l’occasion favorable, comme disent et l’Évangile Selon-Matthieu et l’Évangile Selon-Marc. Jésus-Christ n’étant plus emprisonné qu’avant le jugement du sanhédrin qui l’a condamné au supplice de la croix, il devient impossible de le confondre avec Jean. On amorce donc le trépas de Jean. Justement le quatrième Évangile pour une fois va être utile. Jean n’avait pas encore été mis en prison, dit-il, indiquant ainsi sans doute qu’il y sera mis tout à l’heure, mais esquivant le motif. Tel est le premier temps du mouvement mortel pour Jean. Il suffit, puisque, ensuite, Jean, dans cet Évangile, disparaît totalement, sans qu’on nous dise ce qu’il devient. C’est inutile. Il y continue comme Christ, accueillant dans son corps le Dieu-Jésus ; et cet assemblage fait le Jésus-Christ si contradictoire, si peu cohérent du Selon-Jean et des Synoptisés.

L’extrait que j’ai reproduit ci avant de Flavius Josèphe, d’après la traduction Arnaud d’Andilly[29], sur Jean-Baptiste mis en prison, ce qui causa la défaite des troupes d’Hérode par les troupes d’Arétas, du côté de Gérasa et Gamala, cet extrait, traduit sur un manuscrit déjà sophistiqué, comme attribuant à Jean-Baptiste des faits qui appartiennent à sa carrière, comme Christ, va plus loin que le quatrième Évangile, le Selon-Jean. Jean est en prison, c’est fait, et il dit pourquoi. Par mesure préventive, de peur qu’il ne fomente quelque trouble. Oui, sa doctrine de petit saint-Jean pieux et saint, sans intention autre qu’avouable, a cette vertu. Mais de méfait à sa charge, point. Incarcéré préventivement, du moins est-il vivant. Il n’est pas condamné à mort. Mais ne donnez tout de même pas une obole de sa peau. Il ne perd rien pour attendre. Voici que, dans un autre manuscrit de Flavius Josèphe, qu’a traduit l’abbé Gillet[30], nous faisons, dans la fraude, un pas en avant. Deuxième temps du mouvement. On y lit : Dieu a permis qu’Hérode (Antipas) perdit cette bataille (contre Arétas) pour le punir d’avoir fait mourir Iôannès, surnommé le Baptiste. L’addition saute aux yeux, elle met la charrue avant les bœufs ; la suite immédiate le prouve ; le récit revient en arrière. Il le fit mettre aux fers et conduire à Machéron, où il le fit mourir, etc. Autre addition, — mais précieuse, car, à dessein ou non, elle laisse échapper le secret de l’enlèvement du cadavre du Christ au Golgotha (la fosse commune)ses disciples le prirent, pour l’ensevelir dans un tombeau. Julien l’y a retrouvé en 362, au mois d’août.

Aucun Évangile ne parle de Machéron. Ce n’est pas que les Évangiles hésitent devant la fraude. Mais quand ils la perpètrent, autant qu’ils peuvent, ils grattent et couvrent.

Voilà donc Jean décédé, et à Machéron-Machéra = Machœrous. On peut choisir. Mais Flavius Josèphe ne précise pas de quelle mort. Alors ? Rien ne prouve  qu’il n’a pas été crucifié. C’est ce que ne manquaient pas de dire ceux qui savaient qu’il était le Christ, sans accepter d’en faire un dieu. Cette fois, il fallait dire le supplice. L’Église s’en charge par le Selon-Luc, d’abord, qui prête à Hérode Antipas, comme vous le savez, ce propos qui est l’aveu du coupable : J’ai fait décapiter Jean ! Oui, à Machéron, c’est entendu. Mais il reste des points obscurs. Décapité ? Pour quel motif ? Comment ? Quand ça ? Qui l’a vu ?

— Le motif ? Le Selon-Luc et le Selon-Marc, répond Antipas, vous l’ont dit : Parce que Jean me reprochait, d’avoir pris Hérodiade, femme de mon frère, Philippe ou Lysanias, peu me chaut ! — Mais Flavius Josèphe, pour qui sait le lire entre les lignes, déclare que Jean a été mis à mort, sans dire que c’est par décapitation. — Et c’est exact, car il a été crucifié !Et pour avoir, entre autres méfaits, poussé à la trahison quelque légion de vos troupes dans la guerre contre Arétas. — Oui, c’est vrai encore. Alors, Flavius Josèphe le disait ? Il ne le dit plus. Il le dit autrement. Oh ! moi, vous savez, j’étais mort depuis si longtemps quand ils ont truqué, sophistiqué l’histoire de mon règne ! Je n’ai pas pu protester. Vous essayez de retrouver la vérité qui me réhabilitera ? Merci, Monsieur, et bon courage[31].

Comment la décapitation a été exécutée ? Et qui peut en témoigner ? Le Selon-Matthieu et le Selon-Marc sont suffisamment explicites. Jean est bien décapité. Le garde n’a pas reçu une mission pour rire. Il a rapporté la tête ; il l’a mise sur un plateau, et comme on offre les rafraîchissements dans le monde bien stylé, il l’a présentée à Salomé qui l’a remise à sa mère. Que de témoins ont vu, touché cette tête coupée ! Qu’est-ce qu’Hérodiade a bien pu en faire ? Pourquoi, l’histoire tournant court, les scribes, si bien informés de tout, ne l’ont-ils pas dit ?

Reste la date. Quand ? C’est l’année 787. Pas de doute. Hérodiade, femme de Lysanias, a épousé Antipas, retour de Rome, où il était allé demander à Tibère la tétrarchie de Philippe, après la mort de ce dernier. Or, la mort de Philippe, c’est bien 787. Attirer l’attention sur Hérodiade, en la faisant danser par surcroît, quelle maladresse ! Si l’on reportait l’intérêt de l’action sur quelqu’un d’autre ? Sa fille, par exemple. Hérodiade passe au second plan ; elle s’efface. Le festin d’ailleurs n’est pas un banquet de mariage. Hérode fête l’anniversaire de sa naissance, Et voici la fille, anonyme, qui remplace sa mère comme danseuse. Une poupée ! Korasion ! Cette fille et femme de souverains ! Une danseuse !

Tout de même, la date de 787 résistait. Hérodiade avait beau passer au second plan et mettre sa fille en vedette, elle est la femme d’Hérode Antipas, et son mariage coïncide avec cette guerre d’Arétas qui en fut la conséquence.

Les mauvaises langues disaient : Mais puisque Jésus-Christ est mort en 781-782, crucifié, et après son Précurseur Jean-Baptiste, comment se fait-il qu’il vocifère toujours, ce Jean, en 787, soit six ans après, et que vous le décapitiez ensuite ? C’est inconciliable. — Mais les Évangiles vous disent-ils que Jean est décapité en 787 ?Non, bien sûr, pas plus qu’ils ne disent que Jésus-Christ fut  crucifié en 781-782 ou en 788-789. Sauf l’an 15 du règne de Tibère, soit 782 de Rome, où Jean commence sa manifestation à Israël, il n’y a aucune date dans les Évangiles. Tout s’y passe en ce temps-là ! Mais Flavius Josèphe ? Il est précis. Hérode Antipas a enlevé, à son frère Lysanias vivant, Hérodiade qu’il convoitait, et pour l’épouser après avoir répudié la fille d’Arétas. D’où la guerre, en ce temps-là, au temps de la mort de Philippe qui est de 787. — Oh ! oh ! Hérode Antipas a épousé la femme de son frère vivant, dites-vous ? de son frère Lysanias ? et Philippe est mort en 787 ? Comme il est facile de s’entendre ! Tenez ! Remplaçons Lysanias par Philippe. Nous ne sortons pas de la famille. Antipas épouse alors Hérodiade, femme de Philippe, et du vivant de Philippe, par conséquent. Philippe est mort en 787. Donc Antipas a épousé Hérodiade antérieurement à cette mort. Qu’est-ce qui vous permet de dire que ce n’est pas vers 779-780, avant la crucifixion que nous avons fixée en 781-782 ?Tout de même la guerre d’Arétas... — Est-ce que les Évangiles en parlent ? Jean y est-il pour quelque chose ? Sa mort peut être cause que Dieu a fait perdre à Hérode cette guerre. Mais Hérode n’a pas fait mourir Jean parce qu’il a perdu cette guerre. Il l’a fait décapiter, parce que Salomé et Hérodiade ont demandé sa tête, et ce, parce qu’il reprochait à Hérode Antipas d’avoir pris la femme de son frère Philippe, vivant toujours. Les Évangiles le disent assez clairement. Voilà comment l’Église écrit l’Histoire.

Vous savez maintenant pourquoi Salomé a remplacé Hérodiade comme danseuse, et pourquoi l’Hérode Philippe a été substitué a l’Hérode Lysanias, comme mari d’Hérodiade, dans les Évangiles, et pourquoi les Évangiles ne spécifient pas que Philippe, dont Antipas enlève la prétendue femme, est vivant ou mort, laissant supposer qu’il est vivant[32].

Mais voici Julien. Près d’un siècle a passé. Les fables judaïques se sont répandues. Ne croyez pas que celle des Évangiles a triomphé. Sous Constantin, tout le monde chrétien est arien, à peine dégagé des affabulations mythologiques de Cérinthe et de Valentin. Pendant tout le IVe siècle c’est une discussion enragée sur le Verbe ou Logos. Polémiques de théologiens sur le Christ, sur ses deux natures, sur les deux personnes qui sont en lui. Jean-Baptiste, en tant que Précurseur de Jésus-Christ, et décapité, reste un individu contesté et nié. Le Iôannès, c’est le Christ. Julien le déterre. Il y a, parmi les chrétiens, un mouvement de stupeur. Mais Julien mort, assassiné, ils se reprennent. Pour parer le coup, ils inséreront dans le Selon-Luc, qui n’a pas eu sa part avec la décapitation, une Nativité symbolique, qui appartient d’ailleurs à Jean comme Christ, mais qu’ils lui attribueront en tant que Jean-Baptiste, et c’est parce qu’il en est ainsi qu’en la lui attribuant comme Baptiseur, ils fourniront à la Vérité, sans s’en douter, un élément de plus, comme preuve, dont aucun exégète n’a eu l’intuition, qu’en Jean-Baptiste et en Jésus Christ, il n’y a qu’un même et unique personnage historique le Crucifié de Ponce-Pilate.

 

 

 



[1] J’ai montré tout ceci dans l’Énigme de Jésus-Christ, Tome I, au chapitre 1er.

[2] En réalité Antipas et Philippe n’étaient que demi-frères, frères consanguins, frères de père.

[3] Les Évangiles, bien entendu, ne précisent pas le lieu du festin. Mais il ne peut être que là. Je suis en désaccord sur ce point, comme sur tant d’autres, avec les savants, exégètes et critiques, qui, tous, Renan en tête, situent le festin à Machéro, Machéron, Machœrous, forteresse de guerre à la frontière de l’Arabie. J’en discute plus loin, documents du dossier en mains. Le lecteur nous départagera.

[4] Les Évangiles ne disent pas où. Ils sont prudents. Bien qu’ils aient fait ressusciter le Christ, nous verrons plus loin que ce tombeau, qui est celui du crucifié de Ponce-Pilate, sous le pseudonyme apocalyptique de Jean, se trouvait en Samarie. Rufin (II, 29), Théodoret (III, 3), Philostorge (VII, 4), saint Jérôme (tome I, p. 899 de Migne), tous écrivains d’Église, la Chronique d’Alexandrie (Migne, Patr., XCII, p. 295) sont d’accord que Jean fut enterré en territoire samaritain, et, cette étude le prouvera, à Machéron des montagnes d’Éphraïm, dont par le Esaïe, non loin des lieux où Jean-Baptiste et Jésus-Christ baptisent, dans les ÉvangilesHaggan-Aïn, source du Jardin, non loin de l’actuelle Djenin, contraction de Djenane-Aïn, qui a le même sens en arabe).

C’est pour donner le change sur ce Machéron, que dans Flavius Josèphe, on invente un Machéron juif à la frontière d’Arabie, qui intervient à l’occasion de la guerre de Vespasien, et que tous les exégètes et critiques déclarent que, dans la nuit tragique de la décapitation de Jean-Baptiste, Hérode-Antipas et Jean, se trouvaient dans ce Machéron, frontière d’Arabie. Je n’esquive pas la discussion sur ce point important ; on la lira plus loin.

Le Nouveau Larousse Illustré, direction Claude Augé, termine les quelques lignes qu’il consacre à Jean le Baptiste, — distinct du Christ, bien entendu, — par ces précisions :

Les disciples de Jean recueillirent bon corps et le déposèrent à Sébaste, l’ancienne Samarie dans le tombeau où reposaient les Prophètes Élisée et Abdias. Tel est le récit de l’Évangile.

Duquel, Évangile ? J’en connais quatre, qui sont canoniques. Aucun ne donne le nom du lieu où fut transporté le corps. Le Nouveau Larousse illustré, direction Claude Augé, étoffe singulièrement ses sources d’information. L’auteur de l’article, qui doit être d’Église — ce qui juge la valeur de la documentation de ce dictionnaire sur l’histoire du christianisme, — rend tout de même hommage à la vérité. S’il avait parlé de Julien déterrant à Sébaste, dans les tombeaux des prophètes, le cadavre du mort que les Juifs adorent comme un dieu, il aurait identifié loyalement le Iôannès au Christ. Le Larousse confond les Évangiles avec saint Jérôme.

[5] Je me place, ici, sur le terrain du faux où l’on me mène, bien entendu, et qui fait de Machéron, frontière d’Arabie, le lieu où Jean est en prison.

[6] Antiquités judaïques ou Histoire des juifs, liv. XVIII, ch. VII, 92.

[7] Certains manuscrits, dont le T (Codex Borgianus), texte alexandrin, donné comme du VIe siècle, porte : A cause d’Hérodias, femme de... son frère. Il omet Philippe. Il ne dit pas de quel frère. Il sait qu’Hérodiade n’était pas la femme de l’Hérode Philippe, mais de l’Hérode Lysanias. Au VIe siècle, on n’avait pas encore fait jouer la fraude qui résulte de l’attribution d’Hérodiade comme femme à Philippe, et dont nous parlerons. On n’avait pas non plus substitué Philippe à Lysanias, son frère.

Il est bon de savoir que jamais Flavius Josèphe ne désigne le Tétrarque de l’Abilène, par son prénom Lysanias, que nous ne connaissons que par le Selon-Luc (III, 1). Flavius Josèphe dit du Tétrarque de l’Abilène qu’il était fils d’Hérode par Mariamne, fille du grand sacrificateur Simon. Du moins, il le dit actuellement. Mais ne le lui a-t-on pas fait dire ? Le disait-il quand il a écrit ? Hérode le Grand eut neuf femmes, dont, entre autres, et à part Mariamne ci-dessus, une Cléopâtre, de Jérusalem, (font il eut deux fils : l’Hérode Philippe, tétrarque de Trachonite, Bathanée, etc., et un autre Hérode, sur lequel règne le silence le plus complet. J’ai le soupçon que cet Hérode est le Lysanias évangélique, tétrarque de l’Abilène, qui eut pour mère Cléopâtre, et à qui Flavius Josèphe donne aujourd’hui pour mère, Mariamne. Il était le frère et non le demi-frère de Philippe. Sur ce point, l’Évangile confirme.

Je montrerai, quand je tirerai au clair les questions relatives à la parenté du Christ, que sa grand’mère, la mère de Marie, est justement cette Cléopâtre, qu’Hérode le Grand épousa en secondes noces, après la mort d’Héli, son premier mari, père de Marie. Les Actes des Apôtres (XIII, 1) citent un Ménahem, prophète et docteur, comme Barnabas, Lucius, Saül. C’est le nom du dernier des fils de Joseph et de Marie, le Josès-Nathanaël des Évangiles, son neveu. Le Ménahem des Actes avait été élevé avec le tétrarque Hérode ; Il était son frère de lait. Ce Ménahem, prophète et docteur, disciple du Christ, pour avoir sucé le même lait qu’un Hérode, a la même mère, femme d’Hérode le Grand et cette mère ne peut être qu’une parente du Christ. C’est Cléopâtre, mère, de Marie. On ne peut pas comprendre qu’un disciple du Christ, Ménahem, en l’espèce, prophète et docteur, un gros personnage par conséquent, ait pu être élevé avec un Hérode, tétrarque, tel qu’Antipas ou Archélaüs, les deux seuls autres fils d’Hérode le Grand, qui furent tétrarques, et ennemis acharnés du Christ. Il n’avait pas la même mère qu’eux. Sa mère ne peut être que celle d’Hérode et Philippe, tous deux fils de Cléopâtre et d’Hérode le Grand. Ménahem est fils de Cléopâtre et d’Héli. Il est le frère cadet de Marie. Rien d’étonnant qu’il soit docteur, prophète, disciple et apôtre du Christ. Si le dernier fils de Joseph et Marie porte son nom, c’est même qu’il en est le parrain. Cléopâtre, veuve d’Héli, l’apporta, encore au berceau, à Hérode le Grand, second mari, à qui elle donna deux autres fils : Hérode, sans autre désignation, et Philippe. Pour avoir été élevé avec l’un des deux, Il faut que ce soit avec le premier, qui doit le suivre, comme âge, à un an près. Si cet Hérode, frère de Philippe, a été tétrarque, c’est l’Hérode Lysanias, qui n’est donc pas fils de Mariamne. On a touché, sur ce point, le texte de Flavius Josèphe. Hérode Lysanias et Hérode Philippe sont les frères utérins de Marie, les oncles maternels du Christ, dont la carrière justement semble s’être déroulée avec une certaine sécurité, tant qu’elle ne sort pas de la Bathanée, la Gaulanitide, l’Iturée, l’Abilène. Bathanée, Iturée, Gaulanitide, Abilène sont des régions qui cernent au nord et à l’est le lac de Genézareth, terres d’élection du Christ pour sa propagande. Tout s’explique.

[8] Le récit relatif à Arétas, repris après le morceau sur Jean-Baptiste, finit d’ailleurs en queue de poisson. Il a été violemment sophistiqué. Tel quel, il nous apprend que Vitellius, sur l’ordre de Tibère, part en guerre contre Arétas, avec deux légions et de la cavalerie et d’autres troupes indigènes. Il arrive à Ptolémaïde. Là, les Juifs le supplient de ne point traverser la Judée, parce que les légions romaines portaient dans leurs drapeaux des figures contraires à notre religion. Les légions gauloises : un porc sauvage, un sanglier. Dirait-on pas que les troupes romaines, enseignes déployées, n’ont jamais foulé la Judée ! Vitellius fait passer son armée par le grand Champ. Il perd trois jours à Jérusalem. Puis, ayant reçu la nouvelle de la mort de Tibère et de l’avènement de Caligula, il ne poursuit pas son expédition, — il rappelle ses troupes et les envoie dans leurs quartiers d’hiver.

Ainsi, guerre d’Arétas et d’Hérode et défaite d’Hérode, en 787-788. Ordre de Tibère à Vitellius de venger cet échec. Et Vitellius n’est en marche qu’en 790, au moment de la mort de Tibère. Il lui a fallu deux ans pour se décider à commencer d’exécuter les ordres foudroyants de Tibère, et qu’il néglige absolument ensuite. Et plus jamais ni Vitellius, ni tout autre ne portera la guerre contre Arétas. Si ce récit est vrai dans le fond, il est sûr qu’on l’a sophistiqué en ce qui concerne la chronologie.

Arétas d’ailleurs, apprenant que Vitellius marchait contre lui, consulte des devins qui l’assurent que jamais Vitellius n’arriverait à Petra, parce ou l’auteur de Cette guerre, ou l’exécuteur de ses ordres, ou celui que L’on voulait attaquer, mourrait auparavant. Moyen élégant d’avouer que ce récit est une invention.

[9] Dirait-on pas que Jean a inventé le baptême, comme si en tous temps et en tous pays les ablutions n’étaient pas les signes extérieurs de la purification de l’Ame ! Avant d’être initié aux mystères d’Isis, Apulée passe par ces ablutions ordonnées (Métam., liv. II). Il en était de même dans le culte d’Osiris (Plutarque, De Isis et Osiris.)

[10] Rien qu’au point de vue des faits matériels.

Au point de vue tendance, il est tout aussi remarquable. Il présente Jean, comme un personnage dont le portrait ressemble comme une réplique, comme un frère, à celui de Jésus dans le célèbre faux, passage unique sur Jésus, dans tout Flavius Josèphe, qui se lit dons les Antiquités judaïques (XVIII, IV, 772). J’en ai fait justice dans l’Énigme de Jésus-Christ. Jésus est un sage, Jean, homme de grande piété ; il pousse, les Juifs à embrasser la vertu. Il baptise, — comme Jésus dans les Évangiles. Les foules le suivent, comme Jésus. Ce n’est pas de lui, de son nom, pas plus que de celui de Jésus, que vient le nom de chrétien. Tout de même, il y a des chrétiens de saint Jean, comme de Jésus, qui ont persévéré, malgré les persécutions dont l’Église les a frappés. Jésus meurt sur la croix. Jean, dans le passage que nous examinons, n’est encore qu’en prison. Son tour viendra de mourir. Mais, attention ! Jean est en prison. Pourquoi ? Par mesure préventive, de peur qu’il ne fomente quelque trouble, quelque sédition. Oui, cet homme pieux, juste, qui ne prêche que la vertu, il est inquiétant. Il exhorte les Juifs à la morale, au bien, tout comme le Christ, mais sa doctrine, comme celle du Christ, produit sur les foules l’effet d’une excitation à l’émeute, à la révolte : elles sont toujours prêtes, après avoir entendu sa parole, à entreprendre tout ce qu’il ordonnerait, trouble, sédition, émeute, révolte. Et vous me direz que le scribe, dans ce tissu de contradictions, ignore que Jean est le Christ lui-même, dont il ne peut s’empêcher d’évoquer la vraie figure !

[11] Philippe, frère d’Hérode, mourut en ce même temps, — en la vingtième année du règne de Tibère —, et après avoir joui durant trente-sept ans des tétrarchies de la Trachonite, de la Gaulanitide et de la Bathanée.

Auguste est mort en août 767 de Rome, date à laquelle Tibère lui a succédé. La vingtième année d son règne est bien 787. Hérode Philippe est devenu tétrarque à la mort de son frère Hérode le Grand, soit en 750. Trente-sept ans comme tétrarque nous mènent bien à 787.

[12] Ceci, pour montrer ce que vaut l’exégèse de certains critiques. M. Paul Stapfer, qui fut doyen de la Faculté de théologie protestante de Paris, le meilleur des hommes au demeurant, — je l’ai connu, — qui a écrit des ouvrages remarqués et suivis sur le christianisme, qui a traduit le Nouveau Testament, etc., soutient dans son ouvrage, la Palestine au temps de Jésus-Christ, qu’Antipas a rencontré Hérodiade à Rome même, chez un Hérode Philippe dont elle était la femme ; que, de Rome, il l’a ramenée en Galilée avec sa fille Salomé, et qu’il lui a offert le mariage, à Rome, pour l’épouser au retour en Galilée. Où M. Paul Stapfer a-t-il trouvé ces fantaisies ? Question sans réponse. Il a sans doute lu, dans Flavius Josèphe, que l’Hérode Philippe a été élevé à Rome. Oui. Il y a fait son éducation ; il n’est pas le seul des fils d’Hérode le Grand à qui cet honneur ait été fait. C’est sur ce trait que, peut-être, M. Paul Stapfer a laissé vagabonder son imagination.

Quant à l’Église, — elle n’en est pas à une fraude de plus ou de moins, afin de brouiller les idées sur l’unique Philippe connu, tétrarque de Trachonite, elle invente un quatrième Hérode, frère d’Antipas, de Lysanias et de Philippe susdits, qui serait un Hérode prénommé aussi Philippe, tétrarque de l’Iturée, dont il n’y a aucune trace, nulle part.

[13] Je ne puis qu’en prendre acte et l’indiquer ici. Je dirai plus tard ce que fut cette trahison de quelques réfugiés qui, ayant été chassés de la tétrarchie de Philippe, avaient pris parti dans les troupes d’Hérode, ainsi que cette bataille aux environs de Gamala, et je montrerai quel rôle y joua le Christ. Je crois pouvoir dire d’ores et déjà,qu’elle est devenue, dans les Évangiles, le miracle du Possédé de Gérasa, le nommé Légion, — car nous sommes plusieurs, dit-il, — que Jésus-Christ délivre d’un Esprit impur. Le démon ou les démons chassés, — les réfugiés traîtres, — entrèrent dans des pourceaux (qui paissaient sur la montagne), dont le troupeau fut précipité dans la mer de Génézareth.

[14] Une deuxième fois. Hérode Antipas, et cette fois-ci directement à l’instigation d’Hérodiade, — la première fois, on n’en sait rien, — fera le voyage de Rome, sous Caligula, pour obtenir le titre de roi, que Caligula avait donné à Hérode Agrippa, propre frère d’Hérodiade, en lui attribuant les tétrarchies de Philippe et de Lysanias. Je signale enfin, sans en tirer de conclusions, qu’il est aussi un autre fils d’Hérode le Grand, qui a épousé sa belle-sœur, la femme de son frère ; c’est Archélaüs, qui fut pendant quinze ans ethnarque de Judée, puis déposé ; après quoi, la Judée devint province romaine. Archélaüs, qu’Hérode le Grand avait eu de Malthacé, épousa, en effet, la Cappadocienne Glaphyra, veuve d’Alexander, et fille d’Hérode le Grand par une première Marianne (car Hérode le Grand eut deux femmes nommées Marianne). Entre Alexander et Archélaüs cette Glaphyra fut la femme du roi de Mauritanie Juba, qui mourut aussi. Dans Flavius Josèphe, Archélaüs, après sa déposition, est exilé en Gaule, à Vienne. Hérode Antipas, exilé aussi et dépossédé de sa tétrarchie, fut envoyé à Lyon, en Gaule, d’après les Antiquités (liv. XVIII, chap. IX, 788 in fine). Il s’enfuit en Espagne où il mourut, d’après Guerre des Juifs (liv. II, ch. XVII, 163).

[15] Antonin le Martyr, vers 570, c’est-à-dire à une époque où il n’y a plus de martyrs, même au sens chrétien, rapporte qu’une basilique avait été édifiée à Machéron-Sichem-Naplouse, près du puits de la Samaritaine, et qu’elle avait été dédiée à Joannès-Baptiste. Je n’ai qu’une confiance mineure dans ces constructions de basiliques, en général, et tout particulièrement, lorsqu’il s’agit d’une basilique édifiée en Samarie, à la fin du VIe siècle. A partir des Croisades, je n’y contredis pas. A cette époque, le Christianisme n’est plus en Judée. Il n’y sera jamais plus que par la violence. Les Juifs qui n’ont pas donné dans la mystification chrétienne et qui habitent alors la Palestine ne se soucient guère d’élever des basiliques. Le christianisme est passé en Occident où il ne pouvait réussir qu’auprès de peuples tombés en décadence ou de barbares, — tous incapables de ne pas se laisser prendre à la mystification ecclésiastique. Ce que rapporte Antonin le Martyr, si ce qu’on lui fait dire est authentique, et j’en doute, n’a pour dessein que de parer le coup de la découverte du mort que les Juifs-christiens adorent comme un dieu, par quoi le Iôannès s’identifie au Christ. Les ragots d’Antonin sont de la même main que les fraudes et faux perpétrés par l’Église dans les œuvres de Julien. Inventions rétroactives. Mais la fraude nous permet de juger Renan et son Machéro ; car elle est construite sur un fait certain : c’est que le Machéron de Jean-Baptiste est le Machéron de Samarie.

[16] C’est à Renan, au flair si caractéristique, que l’on doit déjà la trouvaille du rocher à pic, qui est au-dessous de l’Église des Maronites, comme mont de la Précipitation à Nazareth, quand ses compatriotes veulent jeter Jésus-Christ dans l’abîme, du haut de la montagne où leur ville était bâtie. Et cette bataille entre les troupes d’Arétas (Renan dit : Hareth) et celles d’Hérode Antipas, — vous vous rappelez, causée justement par la répudiation de la femme d’Hérode fille d’Arétas, et prétextée par des incidents de frontière ? Eh ! bien, Renan nous apprend qu’elle eut lieu six ans après la mort de Jean. Arétas est un monsieur pour qui la vengeance est un plat qui se mange froid, glacé. Ah ! on est bien renseigné quand on lit Renan ! C’est pour son flair, son sens critique sans doute que les gouvernements de la République laïque, démocratique et obligatoire lui ont confié des missions archéologiques en Phénicie, comme ils donnent à des sous-Renan des chaires officielles de professeurs d’histoire du christianisme dans les Universités.

[17] Acta de Théodoret, citation de P. Allard, tome III, p. 77.

[18] Théodoret, Hist. ecclés., III, 2.

[19] Ammien Marcellin, Histoire, XXIII, 1.

[20] Ammien Marcellin, XXV, 3 ; Libanius, Zosime, III, Zonare, XIII.

[21] Philopatris, a été longtemps attribué à Lucien de Samosate, l’auteur de Pérégrinus. Mais les allusions à la Guerre des Perses et à Julien l’Apostat ont forcé les critiques à le remettre à sa vraie date. Au surplus, le dialogue est si incohérent, si plein de coq-à-l’âne, qu’on peut être certain qu’il a été bouleversé de fond en comble. 0n y sent que l’auteur y donnait des renseignements historiques précieux sur les origines véritables du christianisme. Comme Apulée, dans l’Ane d’or, il fait des allusions transparentes à l’Apocalypse, qu’il semble considérer, au IVe siècle, — et les Évangiles sont faits, — comme le véritable livre des chrétiens. Il raille le un en trois et le trois en un, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, le galiléen ravi jusqu’au troisième ciel, qui nous a renouvelés par l’eau et nous a rachetés du séjour des Impies. On voit que cet auteur, au IVe siècle, considère toujours le Iôannès comme le Christ historique. Il fait des allusions à Moïse (le Bègue) et aux tables du témoignage ; il cite le mot des Actes, à propos des Athéniens visités par Saint-Paul : Au dieu Inconnu ! On assiste à un début d’initiation dans une pièce à voûte dorée, — quelque ekklesia. Tandis que les gens se réjouissent des succès espérés de l’Empereur, les chrétiens, comme des gens sûrs de leur fait,... disent que ce monde va changer de place (toujours l’Apocalypse)... et que nos armées vont être vaincues par les ennemis. On les blâme, gens aux desseins pervers, aux propos injurieux, et aux imprécations contre leur patrie.

L’ensemble est d’une forme telle qu’on peut y suivre toutes les traces des sophistications que le texte a subies — suppressions, interpolations qui coupent les idées, plaisanteries de mauvais goût remplaçant des renseignements disparus, succession de scènes sans lien ou mal liées, — bref, toutes les marques qui prouvent que ce Dialogue, dans son texte original, a gêné l’Église, car on y trouvait la preuve que son histoire du christianisme est la falsification de l’Histoire vraie. Une fois de plus on constate que toutes les œuvres qui parlent du christianisme ont été ou supprimées ou fraudées.

[22] Ceci dans le Selon-Matthieu, XVI, 4, en réponse aux Pharisiens et aux Saducéens qui lui demandent de leur faire un signe ou miracle, — le mot grec est : sêmeion, que nous connaissons. Il aurait pu ajouter, après Jonas on Iôannès : ressuscité. Revoir chapitre Ier : JEAN-BAPTISTE A-T-IL, ÉTÉ LE CHRIST ? le paragraphe final.

[23] L’impératrice Eudoxie était la fille d’un général, Bauto, venu des bords de la Seine, du pays Franc. En l’an 400, est-on encore Gaulois ? Est-on Franc ? Elle fut mariée à l’empereur Arcadius, en 395. Elle avait déjà tout le charme, tout l’esprit, toute l’élégance, toute la grâce du génie français. Elle en avait aussi la claire raison, l’équilibre. C’est dire que, jetée dans ce milieu byzantin surchauffé par les fanatismes religieux, faute au Iôannès, comme disait Julien, — assez sceptique aux fables judaïques, ainsi qu’à leur métaphysique en baudruche et à leur théologie de déments, elle fut immédiatement en horreur à l’Église, déjà puissante, dont les hommes, répandus, pareils, dans leurs robes noires, à des nuées de chauves-souris, à travers l’Empire, payaient d’audace, fomentaient des troubles, parlaient presque en maîtres, — tout comme les socialistes et communistes dans les sociétés démocratiques d’aujourd’hui, — qu’ils tueront. Eudoxie, particulièrement malmenée par le kanaïte Chrysostome, salie et diffamée à l’envi par d’autres le fit exiler par deux fois et chasser du Palais patriarcal, et de Sainte-Sophie, définitivement, en 403. Mais la nuit même où Chrysostome quitta Constantinople, Sainte-Sophie était la proie des flammes ; le feu se communiquait à une partie de la ville et au Sénat, qui périt avec toutes ses œuvres d’art et ses manuscrits. Chance heureuse ! Tout ce qui démontrait la fourberie purement humaine du christianisme est détruit. La flèche du Parthe qui assassina Julien fut, cette fois, la torche incendiaire. Après les hommes, les œuvres. Quant à Eudoxie, elle mourut un an après, en 404. De quoi ? Nul ne le sait.

[24] Mais c’est là une question qui déborde le cadre de cette étude. J’en apporterai la discussion, au sujet des Évangiles, (manuscrits et composition) et nous reparlerons de cette plaisanterie du Sinaïticus découvert dans le couvent de Sainte-Catherine, au pied du Sinaï, en 1859, le 4 février, par Tischendorf, et du Vaticanus, entré au Vatican, le diable sait quand, mais ne nous le dit pas, et Dieu l’ignore. Moïse ayant reçu la Thora juive au sommet du Sinaï, c’est bien le moins que les Chrétiens trouvent la nouvelle alliance au pied du même mont. Il n’y a pas de couvent sur sa cime. Quant au Vaticanus, son frère jumeau, — le même scribe l’a écrit qui a écrit le Sinaïticus, — Il met le Palais de Saint-Pierre à la même hauteur que le Sinaï. Le pape égale Moïse.

Ces deux manuscrits, du IVe siècle, portent la fraude sur Philippe, époux d’Hérodiade, qui fut, on l’a vu, la femme de Lysanias et la belle-mère de Philippe, — et que le Codex Borgianus, au VIe siècle, deux cents ans plus tard, ne connaît pas encore, ou dont il n’a pas voulu faire état, s’il la connaît.

[25] Dans son Histoire des Ariens. Cet Athanase ne répugnait pas aux troubles et aux désordres. C’est un de ces vrais christiens qui ne rêvaient que d’abattre l’Empire romain. Les Juifs ne pouvaient plus, du moins par laforce. Mais les Barbares sont aux portes. Sur les ruines politiques, et autres, l’Église, avec le réseau de ses communautés partout, aidera, en les dominant, les barbares à se fixer.

[26] Elles s’en vantent dès le temps de Caligula, dans une lettre d’Agrippa à cet empereur, rapportée par l’auteur, que l’on dit être Flavius Josèphe, de « l’ambassade de Philon vers l’empereur Caïus. » — « Jérusalem n’est pas seulement la capitale de la Judée : elle l’est aussi de plusieurs, autres pays à cause de tant de colonies dont elle les a peuplées, dans l’Égypte, la Phénicie, la Syrie, la Pamphylie, la Cilicie, plusieurs autres parties de l’Asie, jusque dans la Bithynie et bien avant dans le Pont. En Europe, la Thessalie, le Béotie, la Macédoine, l’Étolie, Athènes, Argos, Corinthe, avec la plus grande partie du Péloponnèse, et même des îles telles que l’Eubée, Chypre et Candie... Les pays au-delà de l’Euphrate où, exceptée une partie de la province de Babylone, et quelques autres gouvernements, toutes les villes assises en des contrées fertiles sont habitées par des Juifs... répandus dans tous les endroits du monde où votre gloire éclata ».

Si Flavius Josèphe a écrit ce morceau, c’est qu’un scribe lui tient la plume, et un scribe christien, élève de Papias, — car il connaît son Apocalypse, l’Évangile premier. Il se souvient du septième ange qui pose son pied droit sur la mer, le gauche sur la terre, et qui, en sonnant de la trompette, provoque de grandes voix dans le ciel, qui disent : L’empire du monde appartient désormais à notre Seigneur (Dieu, Iahveh) et à son Christ, et il règnera au cycle des cycles (pendant tous les Aeôns). L’Espérance d’Israël se réalise (Apoc., X, 5, XI, 157).

[27] Toutefois, il devait y en avoir qui voyaient clair, d’abord et ce qui le prouve, parce que tout le judaïsme n’est pas passé au christianisme, et ensuite, parce que dans des ouvrages, comme l’Anti-Celse, d’un faux Origène qui écrit au IVe siècle, après l’invention de Jésus-Christ, on éprouve encore le besoin de rendre hommage à la vérité historique, sous forme d’une hypothèse possible. En accordant que le Fils de Dieu, — le faussaire veut parler de Jésus-Christ, — soit un esprit de Dieu envoyé par Dieu dans un corps humain (Celse : le Discours vrai, Liv. III, 82)... Voilà l’aveu. Suit tout un morceau sur le phénomène : l’envoi de l’esprit dans un corps d’homme, et des allusions à la doctrine sur deux Fils de Dieu l’un le Logos, et l’autre le Christ-chair, c’est moi qui ajoute pour expliquer), qui sont incompréhensibles si l’on ne connaît pas les inventions métaphysiques de Cérinthe et des Gnostiques. Tout le passage, — soyez sûrs que le Scribe ecclésiastique qui a l’air de citer l’ouvrage de Celse, l’a contrefait dans la forme pour lui enlever de sa force, — suffirait à prouver comment on a fabriqué Jésus-Christ, avec le Logos, le Verbe, l’Aeôn, le Dieu Jésus, et le Christ crucifié par Ponce-Pilate.

[28] Luc, III, 15, Luc, IX, 7, Matthieu, XIV, 1-2, Marc, VI, 14-15. Voir le chapitre : Jean n’est-il pas le Christ, et les ambassades inventées pour détruire la certitude qu’il l’est, et où Jean qui a baptisé Jésus, qui a entendu la voix du ciel, fait demander par ses disciples à Jésus s’il est le Christ. Il a tout oublié, même qu’il a joué, enfant, avec son cousin.

Et je rappelle ce que j’ai dit à propos de l’Anti-Celse.

[29] Amsterdam, 1700, avec approbation des Docteurs A. Debreda, curé de Saint-André, P. Merlin, curé de Saint-Eustache, Mazure, ancien curé de Saint-Paul, T. Fortin, proviseur du collège Harcourt d’actuel lycée Saint-Louis, à Paris, boulevard Saint-Michel (je pense), Gobillon, curé de Saint-Laurent.

[30] Qui nous avoue ceci : Les contradictions et les altérations naissent pour ainsi dire à chaque pas... Je suis obligé de dire si souvent que le texte est altéré et qu’il se contredit soi-même, que j’ai tout sujet de craindre qu’une si fréquente répétition ne soit importune et à charge (Flavius Josèphe, trad. tome III, p. 276). Je n’ai rien dit de plus dur que l’abbé Gillet.

[31] Pauvre Antipas ! L’Église n’a pas même voulu nous laisser savoir ce qu’il est devenu. Pourquoi ? En quoi en aurait-elle été gênée ? Les manuscrits de Flavius Josèphe qu’elle a recopiés, sophistiqués, et qu’elle nous a transmis sont contradictoires, même sur la fin d’Antipas.

D’après l’Histoire des Juifs (liv. XVIII, chap. IX), Caïus Caligula ôta à Antipas sa tétrarchie, qu’il donna à Agrippa, et le condamna à un exil perpétuel à Lyon, qui est une ville des Gaules. Il envoie Hérodiade en exil avec lui.

Dans Guerre des Juifs (liv. II, chap. XVI), Antipas, dépossédé par Caïus de sa tétrarchie au profit d’Agrippa s’enfuit en Espagne, où Hérodiade l’accompagna, et il y mourut.

Retenons que si Antipas a été disgracié, exilé, l’infâme Hérodiade ne l’a as abandonné, fidèle dans les mauvais jours. Le Saint Pierre-Simon, dit Képhas, premier pape, qui a renié son maître, par trois fois, la nuit de l’arrestation, ne la vaut pas, non plus que les disciples dont Saint-Justin déclare que lorsqu’il fut crucifié (le Christ), tous l’abandonnèrent et le renièrent (L, 12).

[32] C’est en faisant état de toutes ces fraudes, qu’il n’a pas vues, puisqu’il les tient comme documents sincères, que Renan, qui place la guerre d’Arétas à sa vraie date, — impossible de ruser avec la Chronologie de l’Histoire, la fait éclater six ans après la mort de Jean.

Il y a d’ailleurs tant de faux, mathématiquement prouvés, dans la table évangélique que l’Église elle-même y trébuche à chaque pas. Que l’Église réponde à cette constatation, qui touche à notre sujet.