Nos recherches sur la ville natale du Christ, aussi bien en ce qui concerne le nom que l’emplacement véritables, nous ont conduits à la certitude que les scribes ecclésiastiques et l’Église ont substitué à Gamala, la Nazareth actuelle, et, tout ensemble, à cette quasi-certitude que le père du Christ a été, historiquement, non pas le Joseph, d’ailleurs presque inexistant, des Évangiles, mais Juda le Gaulonite, lui-même de la ville de Gamala. Le moment est donc venu de démontrer que les découvertes relatives au Père du Christ, par notre étude touchant Nazareth et Bethlehem, sont, sans conteste, confirmées par des témoignages d’auteurs et d’ouvrages, tant profanes que dits sacrés, par des preuves, qui sont plus que des présomptions graves, précises et concordantes, et dont le recoupement et la confrontation permettent d’identifier en une seule et même personne Juda de Gamala et Joseph, époux de Marie. Ces preuves, nous les tirons des œuvres de Flavius Josèphe, de l’Apocalypse, des Évangiles, des Épîtres de Pierre et de Jude, de l’Assomption de Moïse, sans insister sur des indications éparses ici ou là, — que j’ai déjà signalées, et j’en signalerai d’autres, pour le détail, — qui se raccordent plus ou moins avec notre sujet, qu’il faut traiter maintenant dans l’ensemble. Il commencera ainsi à apparaître, à côté de nos conclusions et s’y encadrant, en attendant des démonstrations particulières et toutes consacrées à cet objet, que le Christ, le Crucifié de Ponce Pilate, a été historiquement le même personnage que les Iôannès ou Jean, tout ensemble le Baptiste, le disciple bien-aimé et celui qui a vu la Révélation ou Apocalypse[1], et que, par suite, le Zacharie et le Zébédée des Évangiles se confondent en réalité avec Joseph et Juda le Gaulonite, dont ils ne sont que des aspects, sous des noms différents. Par voie de conséquence, Elisabeth, femme de Zacharie, apparaîtra comme le double de Marie, femme de Joseph, laquelle est aussi la veuve de Zébédée. La découverte de la fraude sur Nazareth et Bethlehem, avons-nous dit précédemment, est la clef qui ouvre la porte sur l’Histoire. En démontrant que Juda le Gaulonite est le père, en chair, du Christ, on entre en plein dans l’histoire, dont, même quand elle essaie gauchement de la truquer, de la démentir et de la renier, la Légende ne cesse pas, — bel hommage rendu ! — de se servir, en la transposant symboliquement, allégoriquement, en esprit[2]. Nazareth et Bethlehem nous en avaient donné le soupçon et l’avant-goût. L’étude sur le Père du Christ va achever de nous persuader. A. — LE TÉMOIGNAGE DE FLAVIUS-JOSÈPHEI. — L’historien juif et ses ouvrages.Né en l’an 785 = 82 ou 790 = 37, peu avant ou peu après la crucifixion du Christ sous Ponce Pilate[3], Flavius Josèphe est donc le contemporain des événements qui ont marqué l’histoire juive dans ses rapports avec les Romains au Ier siècle. De son vivant, il y a joué un rôle de premier plan, soit comme ambassadeur à Rome, soit comme chef de guerre aux heures tragiques où Vespasien et Titus réprimèrent le soulèvement qui a suivi la rébellion de Ménahem. Il n’a donc rien ignoré de ces événements ni de ceux qui les ont immédiatement précédés et qui n’en furent que le prélude et l’origine. Il a écrit deux gros ouvrages consacrés tant à l’histoire ancienne des Juifs (Antiquités judaïques), qu’à l’histoire contemporaine (Guerres des Juifs contre les Romains). Les Antiquités judaïques commencent, comme la Bible avec la Genèse, à la création du monde, et, la suivant d’une marche parallèle, puis, passant par les Hérodes, vont jusqu’au dernier proconsul romain Gessius Florus, en la douzième année du règne de Néron, 819 = 66. Dans Guerres des Juifs contre les Romains, Flavius Josèphe résume d’abord, dans un premier livre, les événements qui remplissent les cent soixante ans écoulés entre le règne d’Antiochus Epiphane et la mort d’Hérode le Grand, 750 de Rome. Le second livre, sur une période de soixante ans, jusqu’à la retraite de Cestius Gallus et à la prise de commandement par Vespasien des armées romaines de Syrie, soit de 750 à 810 = 67, continue l’exposé historique, avec moins de sécheresse que le résumé du premier livre, mais en rapportant les faits d’une façon si incohérente, si décousue, et laissant à désirer à un tel point, en ce qui regarde l’enchaînement des événements, que la cause n’en peut être cherchée ailleurs que dans des adultérations profondes du texte originaire, suppressions, additions, bouleversements, etc., qui sautent aux yeux. Et on comprend d’autant mieux cet état de choses, quand on s’aperçoit que ce Livre II est l’histoire du temps où s’encadrent la vie et la carrière du Christ, et la génération apostolique presque entière. Les cinq derniers livres, dont l’excellence comme composition, et à tous autres points de vue, sauf détails, forme un contraste saisissant avec la médiocrité du Livre II, offrent à une allure vive et soutenue, avec des pages qui ne dépareraient point les œuvres d’un Thucydide, d’un Quinte-Curce, d’un Salluste, d’un Tite-Live, le récit détaillé de la révolte de Ménahem et de la guerre des Vespasien et Titus, contre les autres chefs messianistes, qui aboutit à la prise de Jérusalem et à la destruction du Temple. Et les plus belles pages de ces cinq livres sont incontestablement celles où il raconte la fin de la résistance juive, l’héroïsme des derniers défenseurs de Jérusalem et du Temple[4]. Issu d’une famille sacerdotale et même royale, ayant reçu une éducation des plus raffinée, Flavius Josèphe était parfaitement capable d’écrire l’histoire. Comment se peut-il qu’à côté de fresques grandioses ou pittoresques ou animées, d’une touche si vigoureuse et d’un coloris si sauvage, et au milieu même de ces fresques éblouissantes par quelques traits, on rencontre d’incompréhensibles défaillances, des taches, des enfantillages, des rhétoriques imbéciles et pompeuses de tout petit sophiste ? Quand on lit les ouvrages de Josèphe on subit des multitudes d’étonnements successifs. Ce Juif, qui est resté Juif, comme tous ceux de sa race, même au milieu des civilisations étrangères et sans s’assimiler, apparaît comme un phénomène, comme un monstre, en littérature. Ses deux ouvrages, Antiquités et Guerres, ont des parties parallèles, depuis Antiochus Épiphane jusqu’à Gessius Florus, faisant double emploi, et, particulièrement, sur l’époque qui nous intéresse, celle des Hérodes, donc de Jésus-Christ. Il semble que les événements tout actuels, deux fois rapportés, devraient être le mieux exposés et développés avec leurs causes, leurs circonstances, leurs péripéties, dans les Guerres ; ils ne s’y trouvent que résumés, peu substantiels, étriqués, et ce n’est que dans les Antiquités, plus spécialement consacrées aux temps anciens, que les détails, — relativement, bien entendu, — abondent. Les érudits prétendent que les Antiquités ont été écrites après les Guerres. Pourquoi n’est-ce pas dans le feu d’une première inspiration, ayant hâté de tout dire, et avec talent, que l’historien a produit la meilleure version des faits, et alors surtout que ces faits sont le sujet même de son œuvre, alors qu’il y a joué un rôle, qu’il écrit avec ses souvenirs, tandis que ces mêmes faits, ne sont qu’un tout petit morceau du sujet si vaste des Antiquités ? Dans l’ensemble, sa façon apparaît, il est vrai, assez superficielle, en ce sens qu’il se contente d’enregistrer les faits positifs, saillants, publics, d’accumuler les détails. Mais la signification des faits est supprimée ; la raison logique leur manque, leur succession ne laisse aucune trace dans l’esprit, Pourquoi encore, chez un auteur qui a, d’après Philarète Chasles lui-même, si bien analysé les causes de la grandeur des Romains ? Parce qu’on l’a falsifié à dessein. On a l’habitude, chez les exégètes et critiques traditionnels, à qui ne vient même pas l’ombre d’un soupçon sur ces falsifications, d’expliquer ce caractère monstrueux des ouvrages de Josèphe par la situation de son auteur pris entre l’instinct de son nationalisme et la crainte, le respect de Rome, à qui il dut son élévation et qu’il ménage, comme un courtisan. Explication sans valeur. Justement, les pages qui se ressentent le moins de la bassesse — supposée — de son cœur, sont celles qui devaient déplaire le plus grandement aux Romains, car il y porte aux nues l’héroïsme de ses compatriotes, sous Ménahem et ses successeurs, et sans qu’y apparaisse vraiment aucune flagornerie à l’égard des ennemis occidentaux. Eût-elle de la valeur, cette explication n’explique pas, parmi tant d’autres, nombre de points qui étonnent et dont voici quelques-uns, en plus des points généraux déjà signalés : 1° Doubles versions du même événement qui, diversement brodé, se reproduit sous des formes dissemblables de l’un à l’autre ouvrage, entraînant des contradictions irréductibles et à foison[5]. 2° Flavius Josèphe a écrit les Antiquités, relatant les mêmes événements que les anciens livres hébreux, ceux que les chrétiens ont adopté comme Ancien Testament, d’abord, dit-il, en syro-chaldaïque, en araméen, et il les a traduites en grec, ensuite. Mais il savait l’hébreu à fond, au point qu’à quatorze ans, du moins c’est lui qui le raconte, il avait été consulté par les sacrificateurs sur l’intelligence des lois[6]. De nombreux passages de ses livres prouvent, et on le lui fait dire encore et répéter avec force, qu’il a consulté et reproduit très exactement sans y rien ajouter et sans y rien retrancher, des documents hébraïques, pour écrire ses Antiquités ; et qu’il a eu sous les yeux le texte original, — intangible et intact depuis Esdras, — des livres de l’Ancien Testament[7]. Or, des variantes sans nombre établissent qu’il aurait renoncé, à tort et à travers aux sources judaïques, pour suivre la version des Septante, en cette langue grecque, qu’il prononçait mal, lui fait-on avouer, et qui ne lui était qu’à demi familière[8]. Or, parmi les phrases grecques, on en compte beaucoup où un traducteur, pour rendre l’original hébreu, aurait pu choisir entre diverses formules ; Josèphe reproduit l’expression même des Septante. Et c’est encore le texte des Septante que donne Josèphe, quand, sur des faits, les Septante sont en désaccord avec le texte hébreu[9]. Quand on sait que la version grecque des Septante a été revue et corrigée sans cesse, et qu’au IVe siècle notamment Jérôme en fit, sur l’ordre du pape Damase, une révision nouvelle, à propos de laquelle son ami Rufin d’Aquilée le traita de faussaire, on peut être certain que les corrections au texte de Flavius Josèphe ont dû suivre immédiatement, puisqu’il est en harmonie avec les Septante, révision de Jérôme (IVe siècle). Il est impossible de ne pas en conclure que les ouvrages de Flavius Josèphe ont d’abord été écrits par un Juif qui n’ignorait rien des choses juives, et qu’ils ont été refaits de fond en comble, retouchés à diverses reprises, par des faussaires successifs, dont les effractions, par l’ignorance voulue que marquent leurs auteurs sur le judaïsme, ont laissé des traces aussi flagrantes qu’un délit constaté sur le fait, le coupable, surpris, venant à peine de s’échapper. On a désenjuivé Flavius Josèphe, le plus possible, comme on l’a fait des Évangiles. On a substitué aux idées juives, aux noms juifs souvent, à la géographie juive, des idées, des noms, une géographie autres, d’allure grecque et romaine[10]. Quant au Messie, quant au Christ, crucifié par Ponce Pilate, sauf une interpolation grossière, faux évident, dont nous allons maintenant faire justice, puisqu’il est des critiques laïques pour en soutenir encore l’authenticité, pas un mot, ou plus un mot, dans les ouvrages de Flavius Josèphe. En parler serait porter ombrage aux maîtres. Il se tait donc, dit M. Philarète Chasles (ouvr. cité, p. 51), qui fut professeur au Collège de France. Attentif à ne pas compromettre ses coreligionnaires, opinera Ernest Renan[11]. Le grand esprit que fut M. Ed. Reuss se borne à constater, d’après Photius qui dit des Juifs qu’ils sont attentifs à ne jamais nommer le Christ, que l’historien juif a dédaigné d’accorder au nom de Jésus de Nazareth un petit coin dans son histoire. C’est exact. Mais s’il ne l’a pas fait, c’est que le nom de Nazareth n’appartient pas à l’histoire. Le silence de Josèphe n’est ni dédain ni neutralité étudiée. Il est certain que Josèphe a parlé, et en détails, du personnage historique que la transfiguration a recouvert et dissimulé. Certains fragments qui mettent en scène des anonymes, — imposteurs ou autres magiciens, — semblent bien être les débris de développements sur le Christ véritable. Le passage sur Jean-Baptiste (Antiq., XVIII), tout sophistiqué qu’il soit aujourd’hui, appartient à la carrière du Christ. D’autres coupures, à jamais regrettables, ont évidemment été pratiquées. Le tout, afin de rompre tout lien entre le Jésus des Évangiles et son original historique. Comment hésiter à l’affirmer ? Les livres de Josèphe, de l’aveu même des exégètes chrétiens, donnent les détails les plus circonstanciés sur l’époque, projettent sur elle la plus vive lumière ; on y puise les renseignements de la plus grande valeur. Grâce à l’historien juif, Hérode, Hérodiade, Antipas, Philippe, Anne, Caïphe, sont des personnages que nous touchons, pour ainsi dire, et que nous voyons vivre avec une frappante réalité. C’est Renan qui l’a écrit (Vie de Jésus, Introduction, p. XLI). Les Évangiles nous disent que Ponce Pilate et Hérode qui, jusque-là, étaient ennemis, se réconcilièrent à l’occasion de la capture du Christ. Et Flavius Josèphe n’en saurait rien ! Le Jésus des Évangiles a toujours affaire avec les personnages du temps ; son original historique a, bien plus encore, du avoir maille à partir avec eux. Comment admettre qu’un historien aussi bien informé que Josèphe n’en ait rien su ni rien dit ? Si les écrivains juifs sont si attentifs, comme dit Photius, à se taire, c’est qu’on leur a coupé la langue, quand on n’a pas supprimé leur œuvre entière, comme celle de Juste de Tibériade. Comment les érudits n’ont-ils pas soupçonné, examiné, analysé, discuté ce point ? Ils auraient conclu comme nous. Car on ne peut autrement. Certes, tout est prodigieux dans l’histoire des origines du christianisme : mais rien ne l’est davantage, dès qu’il s’agit de cette matière, que la défaillance insondable de la raison et de l’intelligence chez des hommes, comme les Renan et d’autres, que l’on fait passer pour des lumières de l’esprit critique et scientifique. Pour conclure, nous dirons que malgré toutes les adultérations qu’ont subies les ouvrages de Flavius Josèphe, son amour pour la vérité a été prouvé aux dépens d’écrivains plus modernes, d’Eusèbe, du pseudo-Philon, du pseudo-Hégésippe, du pitoyable Hébreu Josippon, et de beaucoup d’autres inconnus tant romains que gréco-romains et des légendes talmudiques. En sorte que s’il faut se méfier souvent de Josèphe, on peut toujours l’écouter. Ses silences surtout sont éloquents, quand, par suppressions de textes, on le fait se taire. Et si l’on a obscurci et embrouillé les événements palestiniens qu’il raconte, il garde encore assez de lumières et de précisions pour trouver à le lire le profit, c’est-à-dire pour découvrir, même quand il reste muet, la vérité historique que l’on y cherche. II. — Le faux sur Jésus.C’est dans les Antiquités seulement (liv. XVIII, chap. IV, 772), que se lit le passage célèbre sur Jésus. Le voici : Fut, en ce temps, Jésus, homme sage, si toutefois il faut l’appeler homme. Il était en effet l’auteur d’œuvres merveilleuses[12] ; et le maître (Celui qui enseigne) d’hommes qui recevaient avec joie la vérité. Un grand nombre de juifs et d’Hellènes le suivaient. Ce (Jésus) était le Christ. Les principaux des nôtres le dénoncèrent et il fut condamné au supplice de la croix par Pilate. Ceux qui l’avaient aimé d’abord ne cessèrent pas. Il leur apparut, le troisième jour, de nouveau vivant, les prophètes divins avaient du reste prédit ce miracle et des milliers d’autres. Et, dans le temps présent encore, des christiens, d’après lui nommés ainsi, n’a pas manqué la gent, — ou la race[13]. Les traductions portent chrétiens au lieu de christiens, naturellement. Tous les manuscrits de Flavius Josèphe qui nous sont parvenus contiennent ce passage. Et depuis que l’imprimerie existe, il se trouve dans les ouvrages de l’historien, et dans les traductions. Matériellement, il paraît authentique, émanation du calame de Flavius Josèphe. Cependant, des doutes sont venus aux critiques. Mais il faut lire leurs phrases entortillées ; ils ont toutes les peines du monde à considérer le morceau comme une interpolation. Renan écrit (Vie de Jésus, Introduction, p. XL) : Je crois le passage sur Jésus authentique dans son ensemble. Il est parfaitement dans le goût de Josèphe ; et, si cet historien a fait mention de Jésus, c’est bien comme cela qu’il a du en parler. On tient seulement qu’une main chrétienne a retouché le morceau, en y ajoutant quelques mots sans lesquels il eût été presque blasphématoire (s’il est permis de l’appeler homme), peut-être aussi en retranchant ou modifiant quelques expressions (au lieu de : c’était le Christ, il y avait probablement : on le disait le Christ). A. Réville est du même avis que Renan. Il a la prétention aussi de rétablir le texte primitif de Flavius Josèphe. Il fait sauter la phrase : c’était le Christ. Et, à la fin, il traduit le mot grec gent, race, par la périphrase : cette espèce de gens, où il y a bien quelque mépris. Je pense d’ailleurs que, sur ce point, A. Réville a raison. Dans la pensée de l’interpolateur, puisqu’il s’agit de faire passer le texte comme étant de Flavius Josèphe, qui n’était pas chrétien, que l’on sache, il faut le faire parler des chrétiens d’une manière dédaigneuse. De là, la race, l’espèce, la gent des Chrétiens, cette espèce de gens, comme traduit fort bien A. Réville. Mais alors, la main chrétienne qui a retouché, d’après lui, le texte de Flavius Josèphe, et qui, d’après Renan, n’a pas voulu lui laisser de caractère blasphématoire, aurait maintenu le méprisant, cette espèce de gens ? Je voudrais bien que les critiques laïques, devant ce morceau de basse littérature, qu’ils déclarent authentique en gros, à peine remanié, se mettent premièrement d’accord sur les retouches qu’ils y découvrent, et sur leurs tendances et leurs intentions. Ils n’auraient aucune chance de convaincre que les Homais et les Prud’homme, mais, au moins, leur système aurait de l’unité. Il n’a ni unité, ni logique. Et, par quelque côté qu’on examine l’opinion de Renan, si tant est qu’il en est une, et de A. Réville et autres critiques qui suivent, par quelque argument que l’on essaie de soutenir l’authenticité du texte sur Jésus, dès qu’on discute à la lumière des faits et de la raison, on est obligé de conclure que les opinions sur l’authenticité confinent à l’absurde[14]. Si, en effet, ce passage sur Jésus est dans les œuvres de Flavius Josèphe depuis la fin du Ier siècle, dans les seules Antiquités d’ailleurs, dès cette époque, il est donc connu. Pourquoi, dans ce cas, les auteurs chrétiens, ou dits tels, jusqu’au IVe siècle, polémiquant et controversant, cherchant à répondre aux attaques contre les doctrines chrétiennes, ayant besoin de prouver leur foi en Jésus-Christ, n’ont-ils jamais invoqué ce témoignage de l’historien juif, qui eut été pour eux, contre leurs adversaires, l’argument triomphant ? Expliquez si vous avez d’autres arguments que l’interpolation. Justin, Clément d’Alexandrie, Tertullien, tous les autres apologistes, — surtout Clément et Justin qui ont exploité jusqu’aux écritures dites apocryphes, — ont fait appel aux écrivains profanes pour y puiser des citations à l’appui de leurs thèses sur le Christ ; l’auteur de l’Anticelse lui-même n’y manque jamais. Et tous ces scribes des trois ou quatre premiers siècles ignorent le passage sur Jésus ; ils sont unanimes dans leur silence sur lui. L’ignorance d’Origène est plus impressionnante encore. Il cite à plusieurs reprises ce que Flavius Josèphe dit — actuellement, — de Jacques-Jacob, frère de Jésus nommé Christ[15], et il s’écrie textuellement : Le merveilleux, c’est que, n’ayant pas montré que Jésus est le Christ, il (Flavius Josèphe)... La suite est sans intérêt ici[16]. Or, vous avez lu le passage. Il dit formellement : Ce (Jésus) était le Christ. Donc, au temps d’Origène (185-254), IIIe siècle, Flavius Josèphe ne contenait pas le passage sur Jésus. C’est l’évidence même. Le premier écrivain chrétien qui cite le morceau est Eusèbe de Césarée, auteur, entre autres ouvrages, d’une Histoire de l’Église (ou Hist. ecclésiastique). Il l’annonce ainsi, à la suite d’un autre extrait de l’historien juif sur Jean-Baptiste (Hist. eccl., I, XI) : Dans le cours du même ouvrage, il parle de notre Seigneur, voici comment. Suit le morceau, qui se retrouve identiquement dans un autre des écrits d’Eusèbe (Dém. év., III, III, 105, 106). Or, ce grand écrivain d’Église, sur le témoignage duquel s’appuient les critiques pour prouver que les Evangiles ont paru au Ier siècle, ce qui suffit à faire suspecter, à défaut d’autres certitudes, les fondements de leur prétention, cet Eusèbe, qu’est-il donc ? Écoutez ceci : Un historien, — c’est trop d’honneur, — qui peut copier un long passage de Philon sur la vie contemplative des Esséniens de l’Égypte, en affirmant que le philosophe d’Alexandrie parle des chrétiens, et qui se permet ailleurs de changer les paroles de Flavius Josèphe même et d’en altérer le sens pour le mettre mieux en harmonie avec celui de l’Écriture, un tel auteur... Qui parle ainsi ? L’un des plus grands, sinon le plus grand, le plus sincère, le plus croyant des exégètes chrétiens, M. Ed. Reuss[17]. Le même Eusèbe (Hist. eccl., II, XXIII) cite comme de Flavius Josèphe un autre passage sur la mort de Jacob-Jacques, frère du Seigneur, qui ne se trouve dans aucun manuscrit de l’historien juif[18], mais qu’on rencontre aussi dans le Contra Celsum (I, 47 ; II, 13), mis au IVe siècle sous le nom d’Origène, dans saint Jérôme (De viris ill., 2, 13), et dans le dictionnaire de Suidas, au mot Iôsèpos. Qu’est-ce à dire ? sinon qu’Eusèbe, — en bonne compagnie d’ailleurs, — est passé maître dans l’art de falsifier les textes et l’histoire, sinon qu’Eusèbe est un faussaire expert ? Et nous en verrons bien d’autres. Toute son Histoire ecclésiastique est un tissu de fraudes cyniques, impertinentes, présentées sous une forme pateline le plus souvent, et parfois injurieuse pour ceux qui ont dit la vérité[19]. Que l’on ne s’étonne donc point si Eusèbe est le premier, et nous sommes au IVe siècle, — qui ait, parmi les auteurs tant profanes que d’Église, donné le prétendu témoignage de l’historien juif sur Jésus. L’a-t-il trouvé, ce faux, déjà perpétré, dans un manuscrit de Flavius Josèphe ? C’est possible. Mais c’est bien douteux. Pour qu’il le donne, bon premier, puisque c’est un faux, c’est lui qui en est l’auteur, et c’est par lui qu’à l’époque de Constantin et du Concile de Nicée, plutôt après, et parallèlement à l’insertion faite dans ses deux ouvrages, l’interpolation est entrée dans les Antiquités, et y est restée. Saint Jérôme, qui suit Eusèbe de Césarée à plus d’une génération, et à qui le faux pourtant ne fait pas peur, n’a pas osé, dans la traduction latine qu’il donne du passage, traduire textuellement la phrase essentielle : Ce Jésus était le Christ. Il traduit : il passait pour être le Christ[20]. Le passage de Flavius Josèphe est donc un faux caractérisé. Depuis longtemps les exégètes et critiques qui n’ont pas perdu tout simple bon sens, en ont pris leur parti. Ils reconnaissent, par le seul examen du contexte, que le faux sur Jésus vient couper inopinément une narration assez bien filée, et dénote ainsi l’interpolation matérielle grossière. Psychologiquement, comment admettre que le Juif Flavius Josèphe ait pu parler de Jésus dans les termes qu’on lui prête, sans qu’il se soit converti immédiatement, à moins qu’il ne le fut déjà, au christianisme ? Et tous les autres Juifs avec lui, qui attendaient le Messie en ce temps-là. Il n’y a plus que Renan et Réville, avec leurs commentaires puérils, et ceux qui les suivent, — laïques et libres-penseurs dont la Vie de Jésus est le bréviaire, anticléricaux farouches, naturellement, — pour croire encore à Eusèbe et à ses fraudes comme vérités. C’est avec des interprétations aussi monstrueuses, — celles de Renan, — qu’on veut couvrir une défaite qui n’en devient que plus ridicule. C’est sur cette conclusion d’Ed. Reuss, déjà nommé, que nous clorons le débat[21]. III.- Le frère Jacob-Jacques.C’est une vieille connaissance[22] ; c’est celui des deux Jacob-Jacques que les Actes et Épîtres appellent le frère du Seigneur. Peut-être n’avez-vous pas oublié qu’Eusèbe (H. E., I, XII, 5), rappelant la première Épître aux Corinthiens (XV, 7) où Paul cite Jacques comme un de ceux à qui est apparu le Seigneur après la résurrection, précise qu’il s’agit du frère du Seigneur. Vous vous rappelez aussi qu’Eusèbe raconte en détail, d’après Hégésippe, la mort de ce Jacob-Jacques, que nous avons identifié avec Stephanos-Étienne. Il est temps de compléter votre documentation. Rapprochant cette mort du fait que, bientôt après, Vespasien assiégea les Juifs, —phrase d’Hégésippe, — Eusèbe affirme que les gens sensés parmi les Juifs pensèrent que son martyre fut la cause du siège qui suivit immédiatement : ils crurent qu’une pareille calamité n’avait d’autre raison que ce sacrilège audacieux. Et pour corroborer ce qu’il vient de dire, Eusèbe fait appel du témoignage de Flavius Josèphe (H. E., II, XXIII, 19) : Josèphe n’hésite pas du reste à se ranger à cet avis, et en témoigne en ces termes : Ces malheurs, écrit-il, arrivèrent aux Juifs à l’occasion du crime qu’ils commirent contre Jacques le Juste ; il était le frère de Jésus qu’on appelle Christ, et les Juifs le mirent à mort malgré sa justice éminente. Or, cette phrase n’est pas dans Flavius Josèphe. Concluez. Même si on l’y trouvait d’ailleurs, elle constituerait un faux de plus, pour les mêmes raisons générales que le faux sur Jésus et toutes les fraudes que j’ai relevées sur la mort des deux Jacob-Jacques. Vespasien et Titus ont assiégé Jérusalem pour achever de briser le soulèvement fomenté par Ménahem. Bien que ce faux nouveau ait été interpolé dans le Contra Celsum (I, 47), je pense qu’il provient d’Eusèbe qui l’avait introduit dans Flavius Josèphe. Puisqu’il n’y est plus, c’est qu’il était si éclatant qu’on a dû le supprimer de l’œuvre de l’historien juif. On l’a oublié dans Eusèbe et le Contra Celsum. Laissons le faux, et rentrons dans l’Histoire, à la suite de Flavius Josèphe, — dans ce qu’on y a laissé de l’Histoire. |
[1] Eusèbe, Hist. eccl., III,XVIII, 3.
[2] C’est ce que signifie l’adverbe grec pneumatiquement ; le Saint-Esprit, c’est Hagion pneuma, le souffle sacré, et il ne veut pas dire autre chose que symbole, allégorie, qui ne sont saints ou sacrés que parce que ce sont des inventions de scribes d’Église.
[3] Impossible, à cinq ans près, de fixer la naissance de Flavius Josèphe. Dans son livre sur sa Vie (Vita, 2-3) il quitte Jérusalem à 26 ans, Félix étant procurateur, et arrive à Rome quand Poppée est favorite de Néron. Comme Félix a quitté la Judée en 813 = 60, et que les relations entre Popée et Néron remontent à 811-813 = 58-60, Flavius Josèphe avait 26 ans entre 58-60. Il serait donc né, à ce compte, entre 32 et 34. Mais, comme il donne, comme date, l’année de l’avènement de Caligula, qui est l’an 790 = 37, les dates ne concordent plus. L’an 790 = 37 concorde assez bien avec celui que l’on peut calculer, d’après l’indication que Flavius Josèphe donne à la fin des Antiquités judaïques, où il dit qu’il avait 56 ans la treizième année du règne de Domitien, soit en 847 = 94, d’où il serait né en 790-791 = 37-38.
Il semble qu’en substituant l’ère chrétienne à l’ère romaine, l’Église a resserré la chronologie, escamotant la quinzaine d’années qui lui a été nécessaire au 1er siècle, pour pouvoir rajeunir d’autant le Christ, qu’elle fait naître en 754. Nous verrons qu’il est né en 738 ou 739.
Les fraudes sur la date de la mort de Simon-Pierre et de Jacob-Jacques, avancée quatre ou cinq ans dans les Actes (voir XVII, Simon-Pierre et les Actes, p. 88), ont le même but.
[4] Le chapitre dans lequel la sagacité politique de Josèphe a développé les causes de la grandeur romaine, contient le germe de plus d’un passage de Machiavel et de Montesquieu. Il démontre avec autant de profondeur que de finesse la conquête du globe opérée par la puissance de la discipline... Après cette analyse digne d’un maître... De qui sont ces lignes ? De Philarète Chasles (Études sur les premiers temps du Christianisme, etc., p. 53 et 54). Et ce n’est pas un vain éloge quand, par ailleurs, Ph. Chasles n’a pas de mots assez durs pour qualifier l’historien, parce qu’il ne soupçonne pas un moment que ses ouvrages ont été modifiés avec une intempérance cynique, et sans pudeur, — au propre, nous le verrons, comme au figuré. M. Ph. Chasles dit aussi : Rien de plus dramatique et de plus puissant que l’ouverture subite des portes du Temple, sans qu’une main d’homme les force à céder, et cette voix terrible qui retentit comme un tonnerre, à travers le Saint des Saints : Les dieux s’en vont. Qui sait si les récits, introduits dans les auteurs par des copistes chrétiens sur : le Grand Pan est mort ! n’ont pas été inspirés par ce passage de Josèphe ?
[5] En veut-on quelques-unes qui sont de poids et de taille ?
Le portrait de la secte pharisienne tracé dans les Antiquités, XVII, 2, ne s’accorde nullement avec le portrait tracé plus loin, XVIII, 1, des mêmes Pharisiens. Les Antiquités font mourir Marianne après Actium sur l’ordre des officiers d’Hérode ; la Guerre des Juifs la montre exécutée par l’ordre d’Hérode, au retour de Laodicée. D’après les Antiquités, XIX, 7, Hérode ne fit construire aucun édifice en Judée que, d’après la Guerre des Juifs, I, 21, 4, il a remplie de temples magnifiques. Ananiel est ici un prêtre d’origine obscure et là de la famille des grands-prêtres. Le morceau oratoire qu’Hérode prononce dans les Antiquités, liv. XV, ch. V, § 3, diffère complètement de celui qu’il prononce dans la même circonstance dans Guerres des Juifs, ch. XIII : les deux discours paraissent deux amplifications différentes de rhéteurs s’exerçant sur le même sujet. Rien de comique comme l’étonnement du bon P. Gillet, bibliothécaire de Sainte-Geneviève, traducteur de Josèphe et son apologiste fidèle, devant toutes les contradictions de son auteur, et incapable d’en trouver une explication : Les contradictions, dit-il, et les altérations naissent pour ainsi dire à chaque pas... Je suis obligé de dire si souvent que le texte est altéré et qu’il se contredit soi-même, que j’ai tout sujet de craindre qu’une si fréquente répétition ne soit importune et à charge. (Trad. de Fl. Josèphe, III, p. 276).
Mais non, bon Père, nulle importunité. Trop de discrétion, au contraire, car il reste à nous dire qui est l’auteur de ces altérations. — Les scribes ecclésiastiques, si vous voulez le savoir.
[6] C’est un petit Jésus. C’est grâce à Josèphe que le Selon-Luc a pu faire passer dans son texte l’épisode de Jésus enfant au milieu des Docteurs, lors d’un voyage à Jérusalem avec ses parents à la fête de Pâques.
[7] Au point que des locutions hébraïques, des idiotismes passent, à peine déguisés sous les termes, dans le texte grec de Josèphe. Le mot grec juger employé dans le sens de gouverner, en parlant des Juges ; un employé dans le sens de quelqu’un ; s’envelopper d’une grosse étoffe de crin, pour dire porter le deuil ; semence, pour signifier postérité. C’est du plus pur hébreu grécisé. Jamais les Grecs n’ont parlé cet hébreu.
[8] Fraude. Ses ouvrages en langue grecque, si la traduction est de lui, prouvent le contraire.
Et que penser de ceci ? Quand Flavius Josèphe parle des poésies hébraïques au point de vue technique, on lui fait dire que le chant d’adieu de Moïse est composé en vers hexamètres, et les Psaumes en trimètres et en pentamètres. Des scribes d’Église ont passé là-dessus.
[9] En voici quelques cas, provenant du seul livre VI des Antiquités, comparé avec le livre Ier de Samuel :
Ant., I, 1, l’arche est à Ascalon - Sam., V, 10, elle est à Hékron.
Ant. et Septante, la terre se remplit de rats - Sam., V, 7, les Philistins sont frappés de tumeurs.
Ant. et Septante donnent dix mille hommes à Saül - Sam., XIV, 23, ne confiait pas de chiffre.
Ant., 13, 6, ont l’air de faire un philosophe cynique, d’un nommé Nabal, de la famille de Caleb, dit Sam., XXV, 4. En hébreu, chien se dit kéleb. Josèphe fait un calembour d’un goût douteux.
[10] N’oublions pas que ce sont les chrétiens qui ont fait le succès, la fortune littéraire des ouvrages de Josèphe. Pour cela, il faut qu’ils l’aient annexé, qu’ils en aient fait leur complice, après la scission des Juifs messianistes avec les Juifs tout court, vers le IVe ou Ve siècle. Flavius Josèphe était Pharisien, très respectueux du grand législateur Moïse. Il avait étudié le Pentateuque et même le livre qui suit, comme toutes les Ecritures sacrées de sa nation. Il présente Moïse, en Égypte, comme un général d’opérette ou de féerie. Il lui fait commander une expédition militaire en Ethiopie, précédé d’un bataillon d’ibis qui mangent les serpents venimeux du désert à mesure que l’armée avance. On tombe en pleine farce. Et, finalement, Moïse épouse la princesse du pays conquis.
Quelle révolution dans l’histoire des origines du Christianisme, si un manuscrit non sophistiqué des ouvrages de Flavius Josèphe se retrouvait ? L’Église en a gardé longtemps la peur. Il y a aujourd’hui à la bibliothèque de Fribourg un manuscrit de Flavius Josèphe qui, au XVe siècle, était en la possession de l’archevêque de Toulouse, Rieux, et que l’Église ignorait alors. Elle déféra l’archevêque et le manuscrit au Parlement de Paris, afin que le manuscrit fut examiné et saisi au besoin. Elle tremblait, qu’ayant échappé à sa censure, le manuscrit ne fût pas conforme à ceux que ses scribes ont falsifiés.
[11] Nous répondrons à cette argumentation enfantine.
[12] Dont Flavius Josèphe, malgré ce passage, ne dit pas un mot, ce qui suffit à prouver que le passage est interpolé. Mais nous verrons mieux.
[13] J’ai traduit aussi près que possible du mot à mot grec , la première et la dernière phrase sont même du mot à mot rigoureux, sauf Dans le temps présente encore qui, en grec, donne dans l’encore maintenant, adverbes employés substantivement. Malgré les interversions syntaxiques, je pense qu’il importe que la traduction doit être faite ainsi, pour l’exactitude, sinon pour l’élégance. La dernière phrase surtout, confrontée avec la première, par l’espace de temps qu’elle semble mettre entre les deux, prouve que l’auteur est tard venu après le Christ, plus encore que Flavius Josèphe.
[14] Quand on analyse la littérature de Renan, que trouve-t-on au fond ? Une première phrase où il dit : Je crois... Il n’est pas sûr. Tout de même il veut aboutir à imposer une opinion. Pourquoi croit-il ? Parce que le passage est parfaitement dans le goût de Josèphe. Impression littéraire contestable, fausse, mais affirmée avec autorité, parce que, sur ce point, nul ne peut discuter pour ou contre. Ce n’est plus argument de raison, c’est affaire de goût : celui, de Renan sur celui de Josèphe. Qu’est-ce que le goût de Josèphe ? Qui peut se vanter de le reconnaître ? Pas plus Renan que tout autre. Et alors, si cet historien a fait mention de Jésus, — insinuation par hypothèse, c’est ainsi qu’il a dû en parler, — affirmation pour changer l’hypothèse en vérité démontrée. Et ensuite, fantaisies sur des retouches possibles, pour expliquer tout ce que le morceau a de suspect et qui le fait frauduleux. L’art de Renan est un grand art au service de l’erreur. Il part sur des hypothèses, des si, pour conclure par des suppositions (il a dû) en passant par une appréciation affaire de goût. Rien ne tient. Ce savant, comme vérité, ne vaut pas Gavroche déclarant : Si ma tante était un homme, ce serait mon oncle. Ça, c’est net, c’est vrai.
[15] On trouve, en effet, cela aussi dans les Antiquités, liv. XX, ch. VIII. Nous le savons.
[16] In Matth., éd. Huet, p. 223. Il est très douteux que l’œuvre soit d’Origène, aux IIe et IIIe siècles.
[17] Nouv. Revue de Théologie, nov. et déc. 1859, Flavius Josèphe. Et en note, il ajoute : Eusèbe (Hist. eccl., I, VIII) amalgame à dessein la relation de Josèphe sur la mort d’Hérode, avec le meurtre des enfants de Bethlehem ; et (Hist. eccl., I, II) celle de la mort de Jean-Baptiste avec les intrigues d’Hérodias, de manière à faire croire au lecteur que c’est Josèphe qui expose l’histoire au point de vue chrétien.
[18] Voir le § suivant : Le frère Jacob-Jacques.
[19] Exemple, à propos même du faux sur Jésus, qui est immédiatement suivi de la phrase que voici : Quand un écrivain, parmi les Juifs eux-mêmes, transmet, dès ce temps-là, dans l’un de ses écrits, de pareilles choses concernant Jean-Baptiste et notre Sauveur, quelle chance reste-t-il aux faussaires qui ont fabriqué les Mémoires qui les concernent, d’échapper au reproche d’impudence. Mais il suffit. Oui, il suffit.
[20] Credebatur esse Christus, dans Calal. script., 13, pour faire plaisir à Renan, sans doute. Né vers 331, mort en 420, c’est ce Jérôme, père et docteur de l’Église latine, qui, à propos de sa révision du texte grec des Septante et de sa traduction (la Vulgate), fut traité de faussaire par son ami Rufin d’Aquilée.
[21] Je pourrais citer tel quotidien, anticlérical, fondé pour perfectionner les institutions démocratiques, qui, de peur de perdre quelques lecteurs protestants, — de ces protestants qui, libéraux, croient en Jésus, mais avec intelligence, bien entendu, pas à la manière des catholiques fétichistes, pauvres gens bornés, à ce qu’ils disent, — n’a pas osé publier un article résumant mes conclusions sur la Crèche de Bethlehem. Journal socialiste, certes, pour lecteurs primaires, jocrisses doublés de Homais, pas même de Janot.
[22] Voir § XIX : les Jarob-Jacques.