LES CONTES POPULAIRES DE L’ÉGYPTE ANCIENNE

 

CONTES

LE ROI KHOUFOUI ET LES MAGICIENS

(XVIIIe DYNASTIE)

 

 

Le papyrus qui nous a conservé ce conte fut donné à Lepsius, il y a plus de cinquante ans, par une dame anglaise, Miss Westcar, qui l’avait rapporté d’Égypte. Acquis en 1886 par le Musée de Berlin on en connut d’abord une analyse sommaire que publia :

A. Erman, Ein neuer Papyrus des Berliner Museums, dans la National-Zeitung de Berlin (n° du 14 mai 1886),

et que reproduisirent :

A. Erman, Ægypten und Egyptisches Leben im Altertum, in-8°, Tubingen, 1885-1887, p. 498-502,

Ed. Meyer, Geschichte des alten. Ægyptens, in-8°, Berlin, 1887, p. 129-131.

La traduction que j’en avais donnée dans la seconde édition de ces contes était moins une version littérale qu’une adaptation faite, en partie sur une traduction allemande, en partie sur une transcription en caractères hiéroglyphiques qu’Erman avait bien voulu me communiquer. Depuis lors une paraphrase anglaise en a été insérée par W. Flinders Petrie dans ses Egyptian Tales, 1895, Londres, in-120, t. I, p. 97-142, et le texte lui-même a été publié en fac-similé et en transcription hiéroglyphique, puis traduit en allemand par :

A. Erman, die Märchen des Papyrus Westcar (formant les tomes V-VI des Mittheilungen aus den Orientalischen Sammlunqen), 1890, Berlin, in-4°, qui depuis a reproduit sa traduction avec quelques corrections dans son petit livre, Aus den Papyrus der Königlichen Museen, 1899, 13erlin ; in-8°, p. 30-42, et a introduit la transcription en hiéroglyphes de plusieurs passages dans son Ægyptische Chrestomathie, 1904, Berlin, in-12, p. 20-27.

Enfin une nouvelle traduction allemande en a été composée par A. Wiedemann, Altægyptische Sagen und Märchen, Leipsig, 4906, petit in-8°, p. 4-24.

Le conte aurait été probablement l’un des plus longs que nous eussions connus, s’il nous était parvenu entier : malheureusement, le commencement en a disparu. Il débutait par plusieurs récits de prodiges que les fils du roi Chéops racontaient à leur père l’un après l’autre. Le premier de ceux qu’on lit sur notre manuscrit est presque entièrement détruit : la formule finale subsiste seule pour nous montrer que l’action se passait au temps de Pharaon Zasiri, probablement le Zasiri que nos listes royales placent dans la IIIe dynastie. Les pages suivantes contenaient le récit d’un prodige accompli par le sorcier Oubaou-anir, sous le règne de Nabka de la IIIe dynastie. A partir du moment où le prince Bioufrîya ouvre la bouche, le récit marche sans interruption importante jusqu’à la fin du manuscrit ; il s’arrête au milieu d’une phrase, sans que nous puissions conjecturer avec vraisemblance ce qu’il lui manque pour être complet. Les romanciers égyptiens ont des façons déconcertantes de tourner court au moment où on s’y attend le moins, et de condenser en quelques lignes des faits que nous nous croyons obligés d’exposer longuement. Peut-être une ou deux pages de’ plus auraient suffi à nous conserver le dénouement ; peut-être exigeait-il huit ou dix pages encore et comportait-il des péripéties que nous ne soupçonnons pas.

On peut se demander si la portion du roman où la naissance des trois premiers rois de la Ve dynastie est racontée contient un fond historique. Il est certain qu’une famille nouvelle commença de régner avec Ousirkaf : le Papyrus de Turin mettait une rubrique avant ce souverain, et il le séparait ainsi des Pharaons qui l’avaient précédé. Les monuments semblent n’admettre aucun interrègne entre Shopsiskaf et Ousirkaf, ce qui nous inclinerait à penser que le changement de dynastie s’opéra sans trouble. Si l’on en croyait. la légende d’après laquelle Ousirkaf serait le fils de Râ et d’une prêtresse, il n’était pas de sang royal et il ne tenait par aucun lien de parenté aux princes qu’il remplaça ; l’exemple des théogamies thébaines, telles qu’elles nous sont connues par l’histoire de la reine Hatchopsouîtou et d’Aménôthès III, pourrait cependant nous laisser soupçonner qu’il se rattachait à la grande lignée pharaonique par l’un de ses ascendants. La donnée d’après laquelle les trois souverains étaient nés ensemble paraît avoir été assez répandue en Égypte, car un texte d’époque ptolémaïque (Brugsch, Dict. Hiér., t. VII, p. 1093), parlant de la ville de Pa-Sahouriya fondée par l’un d’eux, affirme qu’elle s’appelait aussi la Ville des Trimeaux (Piehl, Quelques passages du Papyrus Westcar, dans Sphinx, t. I, p. 74-80) ; cela ne prouve pas toutefois que nous devions lui attribuer une valeur historique. En somme, le plus prudent jusqu’à nouvel ordre est de considérer le récit de notre conte comme purement imaginaire.

Erman a constaté que l’écriture du Papyrus Westcar ressemble beaucoup à celle du Papyrus Ebers : on peut donc rapporter la confection du manuscrit aux derniers règnes de la domination des Hyksôs au plus tôt, aux premiers de la XVIIIe dynastie au plus tard. Il est probable pourtant que la rédaction est beaucoup plus ancienne que l’exécution : d’après les particularités du style, Erman est d’avis qu’elle remonte peut-être à la XIIe dynastie. Le conte de Chéops et des magiciens appartiendrait donc au même temps à peu près que les Mémoires de Sinouhît et que les Plaintes du fellah ; ce serait un spécimen du roman bourgeois de l’époque.

Le début du récit et le cadre général nous sont fournis assez vraisemblablement par le préambule du Papyrus no 1 de Saint-Pétersbourg : Il arriva, au temps où Sanafrouî était roi bienfaisant de cette Terre entière, un jour que les conseillers intimes du palais qui étaient entrés chez Pharaon, v. s. f., pour délibérer avec lui, s’étaient déjà retirés après avoir délibéré, selon leur coutume de chaque jour, Sa Majesté dit au chancelier qui se trouvait près de lui : « Cours, amène-moi les conseillers intimes du palais qui sont sortis pour s’éloigner, afin que nous délibérions de nouveau, sur l’heure ! » Les conseillers reviennent, et le roi leur confesse qu’il les a rappelés pour leur demander s’ils ne connaissaient pas un homme qui pût l’amuser en lui racontant des histoires : sur quoi, ils lui recommandent un prêtre de Bastit du nom de Neferhô[1]. Il est très probable que Chéops réunit ses fils un jour d’ennui et qu’il leur demanda s’ils connaissaient dans le passé ou dans le présent quelques prodiges accomplis par des magiciens. La première des histoires est perdue, mais la partie conservée du manuscrit porte encore les restes de la formule par laquelle le Pharaon, émerveillé, manifestait sa satisfaction.

 

La Majesté du roi des deux Égyptes Khoufouî, à la voix juste, dit : Qu’on présente à la Majesté du roi Zasiri, à la voix juste, une offrande de mille pains, cent cruches de bière, un bœuf, deux godets d’encens, et qu’on fasse donner une galette, une pinte de bière, une ration de viande, un godet d’encens pour l’homme au rouleau en chef..., car j’ai vu la preuve de sa science. Et l’on fit ce que Sa Majesté avait ordonné[2].

Lors, le fils royal Khâfrîya se leva pour parler et il dit : Je vais faire connaître à ta Majesté un prodige qui arriva au temps de ton père, le roi Nabka[3], à la voix juste, une fois qu’il s’était rendu au temple de Phtah, maître d’Ankhoutaouî[4].

Or, un jour que Sa Majesté était allée au temple de Phtah maître d’Ankhoutaouî et que Sa Majesté faisait visite à la maison du scribe, premier lecteur[5], Oubaouanir avec sa suite, la femme du premier lecteur Oubaouanir vit un vassal[6] de ceux qui étaient derrière le roi : [dès l’heure qu’elle l’aperçut, elle ne sut plus l’endroit du monde où elle était. Elle lui envoya sa servante qui était auprès d’elle, pour lui dire : « Viens, que nous reposions ensemble, une heure durant ; mets tes vêtements de fête ».] Elle lui fit porter une caisse pleine de beaux vêtements[7], et lui il vint avec la servante à l’endroit où elle était. Or, quand des jours eurent passé sur cela, comme le premier lecteur Oubaou-anir avait un kiosque au Lac d’Oubaou-anir[8], le vassal dit à la femme d’Oubaou-anir : « Il y a le kiosque au Lac d’Oubaou-anir ; s’il te plaît, nous y prendrons un petit moment ». Lors la femme d’Oubaou-anir envoya dire au majordome qui avait charge du Lac : « Fais préparer le kiosque qui est au Lac ».

Il fit comme elle avait dit et elle y demeura, buvant avec le vassal jusqu’à ce que le soleil se couchât. Et quand le soir fut venu, il descendit dans le Lac pour se baigner et la servante était avec lui, et le majordome sut ce qui se passait entre le vassal et la femme d’Oubaou-anir. Et quand la terre se fut éclairée et qu’un second jour fut, le majordome alla trouver le premier lecteur Oubaou-anir et il lui conta ces choses que ce vassal avait faites dans le kiosque avec sa femme. Quand le premier lecteur Oubaou-anir sut ces choses qui s’étaient passées dans son kiosque, il dit au majordome : « Apporte-moi ma cassette en bois d’ébène incrusté de vermeil qui contient mon grimoire[9] ». Quand le majordome l’eut apportée, il modela un crocodile de cire, long de sept pouces, il récita sur lui ce qu’il récita de son grimoire, il lui dit : « Quand ce vassal viendra pour se baigner dans mon Lac, alors entraîne-le au fond de l’eau[10] ». Il donna le crocodile au majordome et il lui dit : « Dès que le vassal sera descendu dans le Lac, selon sa coutume de chaque jour, jettes-y le crocodile de cire derrière lui ». Le majordome alla donc et il prit le crocodile de cire avec lui. La femme d’Oubaou-anir envoya au majordome qui avait charge du Lac et elle lui dit : « Fais préparer le kiosque qui est au bord du Lac, car voici, je viens y séjourner ». Le kiosque fut muni de toutes les bonnes choses ; on vint et on se divertit avec le vassal. Quand ce fut le temps du soir, le vassal alla, selon sa coutume de chaque jour, et le majordome jeta le crocodile de cire à l’eau derrière lui ; le crocodile se changea en un crocodile de sept coudées, il saisit le vassal, il l’emporta sous l’eau. Or, le premier lecteur Oubaou-anir demeura sept jours avec la Majesté du roi de la haute et de la basse Égypte Nabka, à la voix juste, tandis que le vassal était dans l’eau sans respirer. Mais, après que les sept jours furent révolus, quand le roi de la haute et de la basse Égypte Nabka, à la voix juste, alla et qu’il se rendit au temple, le premier lecteur Oubaou-anir se présenta devant lui et il lui dit : « Plaise ta Majesté venir et voir le prodige qui s’est produit au temps de ta Majesté au sujet d’un vassal ». Sa Majesté alla donc avec le premier lecteur Oubaou-anir. Oubaou-anir dit au crocodile : « Apporte le vassal hors de l’eau ! » Le crocodile sortit et apporta le vassal hors de l’eau. Le premier lecteur Oubaou-anir dit : « Qu’il s’arrête ! » et il le conjura, il le fit s’arrêter devant le roi. Lors la Majesté du roi de la haute et de la basse Égypte Nabka, à la voix juste, dit : « De grâce, ce crocodile est terrifiant ! » Oubaou-anir se baissa, il saisit le crocodile, et ce ne fut plus dans ses mains qu’un crocodile de cire. Le premier lecteur Oubaou-anir raconta à la Majesté du roi de la haute et de la basse Égypte Nabka, à la voix juste, ce que le vassal avait fait dans « sa maison avec sa femme. Sa Majesté dit au crocodile : « Prends, toi, ce qui est tien ». Le crocodile plongea au fond du lac et l’on n’a plus su ce qu’il advint du vassal et de lui. La Majesté du roi de la haute et de la basse Égypte Nabka, à la voix juste, fit conduire la femme d’Oubaou-anir au côté nord du palais ; on la brûla et on jeta ses cendres au fleuve[11]. Voici, c’est là le prodige qui arriva au temps de ton père, le roi de la haute a et de la basse Égypte Nabka, à la voix juste, et qui est de ceux qu’opéra le premier lecteur Oubaou-anir.

La Majesté du roi Khoufouî, à la voix juste, dit donc : Qu’on présente à la Majesté du roi Nabka, à la voix « juste, une offrande de mille pains, cent cruches de bière, un bœuf, deux godets d’encens, puis qu’on fasse donner une galette, une pinte de bière, un godet d’encens pour le premier lecteur Oubaou-anir, car j’ai vu la preuve de sa science. Et l’on fit ce que Sa Majesté avait ordonné. Lors le fils royal Baîoufrîya se leva pour parler et il dit : Je vais faire connaître à ta Majesté un prodige qui arriva au temps de ton père Sanafrouî, à la voix juste, et qui est de ceux qu’opérait hier le premier lecteur Zazamânkhou.

Un jour que le roi Sanafrouî, à la voix juste, s’ennuyait, Sa Majesté assembla la maison du roi, v. s. f., afin de lui chercher quelque chose qui lui allégeât[12] le cœur. Comme on ne trouvait rien, il dit : « Courez et qu’on m’amène le premier lecteur, Zazamânkhou », et on le lui amena sur l’heure. Sa Majesté lui dit : « Zazamânkhou, mon frère, j’ai assemblé la maison du roi, v. s. f. afin qu’on cherchât quelque chose qui m’allégeât le cœur, mais je n’ai trouvé rien ». Zazamânkhou lui dit : « Daigne ta Majesté se rendre au Lac de Pharaon, v. s. f., et se faire armer une barque avec toutes les belles filles du harem royal. Le cœur de ta Majesté s’allégera quand tu les verras aller et venir ; puis, quand tu contempleras les beaux fourrés de ton Lac, quand tu regarderas les belles campagnes qui le bordent et ses belles rives, alors le cœur de ta Majesté s’allégera. Quant à moi, voici comment je réglerai la vogue. Fais-moi apporter vingt rames en bois d’ébène, garnies d’or, dont les pales seront de bois d’érable garni de vermeil ; qu’on m’amène aussi vingt femmes de celles qui ont beau corps, beaux seins, belle chevelure, et qui n’aient pas encore eu d’enfant, puis, qu’on apporte vingt résilles et qu’on les donne à ces femmes en guise de vêtement[13] ». On fit ce que Sa Majesté avait ordonné. Les femmes allaient, venaient, et le cœur de Sa Majesté se réjouissait à les voir voguer, quand la rame de l’une d’elles lui heurta la chevelure, et son poisson de malachite neuf tomba à l’eau[14]. Alors elle se tut, elle cessa de ramer, et ses camarades de la même bande se turent et elles ne ramèrent plus[15], et Sa Majesté dit : « Vous ne ramez plus ? » Elles dirent : « Notre compagne s’est tue et elle ne rame plus ». Sa Majesté dit à celle-ci : « Que ne rames-tu ? » Elle dit : « Mon poisson de malachite neuf est tombé à l’eau ». Sa Majesté dit : « Rame seulement, je te le remplacerai ». Elle dit : « Je veux mon bijou à moi et non un bijou pareil ». Alors, Sa Majesté dit : « Allons, qu’on m’amène le premier lecteur Zazamânkhou ! » On le lui amena sur l’heure et Sa Majesté dit : « Zazamânkhou, mon frère, j’ai fait comme tu as dit, et le cœur de Sa Majesté s’allégeait à voir ramer ces femmes quand, voici, le poisson de malachite neuf de l’une des petites est tombé à l’eau. Alors elle s’est tue, elle a cessé de ramer, et elle a arrêté ses camarades. Je lui ai dit : « Que ne rames-tu ? » Elle m’a dit : « Le poisson de malachite neuf est tombé à l’eau ». Je lui ai dit : « Rame seulement, et je te le remplacerai ». Elle a dit : « Je veux mon bijou à moi et non un bijou pareil ». Lors, le premier lecteur Zazamânkhou récita ce qu’il récita de son grimoire. Il enleva tout un pan d’eau et il le mit sur l’autre ; il trouva le poisson posé sur un rehaut de terre, il le prit, il le donna à sa maîtresse. Or, l’eau était profonde de douze coudées en son milieu, et, maintenant qu’elle était empilée, elle atteignait vingt-quatre coudées : il récita ce qu’il récita de son grimoire, et se remit l’eau du Lac en son état. Sa Majesté passa donc un heureux jour avec toute la maison du roi, v. s. f., et il récompensa le premier lecteur Zazamânkhou avec toute sorte de bonnes choses. Voici, c’est là le prodige qui arriva au temps de ton père, le roi Sanofrouî, à la voix juste, et qui est de ceux qu’opéra le premier lecteur, Zazamânkhou, le magicien.

La Majesté du roi Khoufouî, à la voix juste, dit donc : Qu’on présente à la Majesté du roi Sanafrouî, à la voix juste, une offrande de mille pains, cent cruches de bière, un bœuf, deux godets d’encens, puis qu’on fasse donner une galette, une pinte de bière, un godet d’encens, pour le premier lecteur Zazamânkhou, le magicien, car j’ai vu la preuve de sa science. Et l’on fit ce que Sa Majesté avait ordonné.

 

Lors, le fils du roi, Dadoufhorou[16], se leva pour parler et il dit : Jusqu’à présent ta Majesté a entendu le récit de prodiges que les gens d’autrefois seuls ont connus mais dont on ne peut garantir la vérité. Je puis faire voir à ta Majesté un sorcier qui est de ton temps et que ta Majesté ne connaît pas. Sa Majesté dit : Qu’est-ce là, Dadoufhorou ? Le fils du roi, Dadoufhorou, dit : Il y a un vassal qui s’appelle Didi, et qui demeure à Didousanafrouî[17]. C’est un vassal de cent dix ans[18], qui mange encore ses cinq cents miches de pain avec une cuisse de bœuf entière, et qui boit jusqu’à ce jour ses cent cruches de bière. Il sait remettre en place une tête coupée ; il sait se faire suivre d’un lion sans laisse[19], il connaît le nombre des écrins à livres de la crypte de Thot[20]. Or voici, la Majesté du roi Khoufouî, à la voix juste, avait employé beaucoup de temps à chercher ces écrins à livres de la crypte de Thot, afin de s’en faire une copie pour sa pyramide[21]. Sa Majesté dit donc : Toi-même, Dadoufhorou, mon fils, amène-le-moi. On arma des barques pour le fils du roi, Dadoufhorou, et il fit voile vers Didousanafrouî. Quand les vaisseaux eurent abordé à la berge, il débarqua et il se plaça sur une chaise de bois d’ébène dont les brancards étaient en bois de napéca[22] garni d’or[23] ; puis, quand il fut arrivé à Didousanafrouî, la chaise fut posée à terre, il se leva pour saluer le magicien, et il le trouva étendu sur un lit bas[24] au seuil de sa maison, un esclave à la tête qui le grattait, un autre qui lui chatouillait les pieds. Le fils royal Dadoufhorou lui dit : Ta condition est celle de qui vit à l’abri de l’âge. La vieillesse c’est d’ordinaire l’arrivée au port[25], c’est la  mise en bandelettes, c’est le retour à la terre ; mais rester ainsi étendu bien avant dans le jour, sans infirmités du corps, sans décrépitude de la sagesse ni du bon conseil, c’est vraiment d’un bienheureux[26] ! Je suis accouru en hâte pour t’inviter, par message de mon père Khoufouî, à la voix juste ; tu mangeras du meilleur que donne le roi, et des provisions qu’ont ceux qui sont parmi ses serviteurs, et grâce à lui tu parviendras en une bonne condition de vie à tes pères qui sont dans la tombe. Ce Didi lui dit : En paix, en paix[27], Dadoufhorou, fils royal chéri de son père ! Que te loue ton père Khoufouî, à la voix juste, et qu’il t’assure ta place en avant des vieillards ! puisse ton double avoir gain de cause contre les ennemis, et ton âme connaître les chemins ardus qui mènent à la porte de Hobs-bagaî[28], car celui qui est de bon conseil, c’est toi, fils du roi[29] !. Le fils du roi, Dadoufhorou, lui tendit les deux mains ; il le fit lever, et comme il se rendait avec lui au port, il lui tenait la main. Didi lui dit : Qu’on me donne un caïque pour m’apporter mes enfants et mes livres ; on lui donna deux bateaux avec leur équipage, et Didi lui-même navigua dans la barque où était le fils du roi, Dadoufhorou. Or, quand il fut arrivé à la cour, dès que le fils du roi, Dadoufhorou, fut entré pour faire son rapport à la Majesté du roi des deux Égyptes Khoufouî, à la voix juste, le fils du roi, Dadoufhorou, dit : Sire, v. s. f., mon maître, j’ai amené Didi. Sa Majesté dit : Vite, amène-le-moi, et quand Sa Majesté se fut rendue à la salle d’audience de Pharaon, v. s. f., on lui présenta Didi. Sa Majesté dit : Qu’est cela, Didi, que je ne t’aie jamais encore vu ? Didi lui dit : Qui est appelé il vient ; le souverain, v. s. f., m’appelle, me voici, je suis venu. Sa Majesté dit : Est-ce vrai ce qu’on dit, que tu sais remettre en place une tête coupée ? Didi lui dit : Oui, je le sais, sire, v. s. f., mon maître. Sa Majesté dit : Qu’on m’amène un prisonnier de ceux qui sont en prison, et dont la condamnation est prononcée. Didi lui dit : Non, non, pas d’homme, sire, v, s. f., mon maître : qu’on n’ordonne pas de faire rien de tel au bétail noble[30]. On lui apporta une oie à qui l’on trancha la tête, et l’oie fut mise à main droite de la salle et la tête de l’oie à main gauche de la salle : Didi récita ce qu’il récita de son grimoire, l’oie se dressa, sautilla, la tête fit de même, et quand l’une eut rejoint l’autre, l’oie se mit à glousser. Il se fit apporter un pélican (?) ; autant lui en advint. Sa Majesté lui fit amener un taureau dont on abattit la tête à terre, et Didi récita ce qu’il récita de son grimoire ; le taureau se mit debout derrière lui mais son licou resta à terre[31]. Le roi Khoufouî, à la voix juste, dit : Qu’est-ce qu’on dit, que tu connais les nombres des écrins à livres de la crypte de Thot ? Didi lui dit : Pardon, si je n’en sais le nombre, sire, v. s. f., mon maître, mais je connais l’endroit où ils sont. Sa Majesté dit : Cet endroit, où est-il ? Ce Didi lui dit : Il y a un bloc de grès dans ce qu’on appelle la Chambre des rôles à Onou[32], et les écrins à livres de la crypte de Thot sont dans le bloc. Le roi dit : Apporte-moi les écrins qui sont dans ce bloc[33]. Didi lui dit : Sire, v. s. f., mon maître, voici, ce n’est point moi qui te les apporterai. Sa Majesté dit : Qui donc me les apportera ? Didi lui dit : L’aîné des trois enfants qui sont dans le sein de Roudîtdidît, il te les apportera. Sa Majesté dit : Parbleu ! celle-là dont tu parles, qui est-elle, la Rouditdidît ? Didi lui dit : C’est la femme d’un prêtre de Râ, seigneur de Sakhîbou. Elle est enceinte de trois enfants de Râ, seigneur de Sakhîbou, et le dieu lui a dit qu’ils rempliraient cette fonction bienfaisante en cette Terre-Entière[34], et que l’aîné d’entre eux serait grand pontife à Onou. Sa Majesté, son cœur en fut troublé, mais Didi lui dit : Qu’est-ce que ces pensées, sire, v. s. f., mon maître ? Est-ce que c’est à cause de ces trois enfants ? Je te dis : Ton fils, son fils, et un de celle-ci[35]. Sa Majesté dit : Quand enfantera-t-elle, cette Roudîtdidît ? Il dit : Elle enfantera, le 15 du mois de Tybi. Sa Majesté dit : Si les bas-fonds du canal des Deux-Poissons ne coupaient le chemin, j’irais moi-même, afin de voir le temple de Râ, maître de Sakhîbou. Didi lui dit : Alors, je ferai qu’il y ait quatre coudées d’eau sur les bas-fonds du canal des Deux-Poissons[36]. Quand Sa Majesté se fut rendue en son logis, Sa Majesté dit : Qu’on mette Didi en charge de la maison du fils royal Dadoufhorou, pour y demeurer avec lui, et qu’on lui donne un traitement de mille pains, cent cruches de bière, un bœuf, et cent bottes d’échalote. Et l’on fit tout ce que Sa Majesté avait ordonné.

 

Or, un de ces jours-là, il arriva que Roudîtdidît souffrit les douleurs de l’enfantement. La Majesté de Râ, seigneur de Sakhîbou, dit à Isis, à Nephthys, à Maskhonouît[37], à Hiqaît[38], à Khnoumou : Hop ! courez délivrer la Roudîtdidît de ces trois enfants qui sont dans son sein et qui rempliront cette fonction bienfaisante en cette Terre-Entière, vous bâtissant vos temples, fournissant vos autels d’offrandes, approvisionnant vos tables à libations, augmentant vos biens de mainmorte. Lors ces dieux allèrent : les déesses se changèrent en musiciennes, et Khnoumou fut avec elles comme homme de peine[39]. Elles arrivèrent à la maison de Râousir, et elles le trouvèrent qui se tenait là ; déployant le linge[40] ; Elles passèrent devant lui avec leurs crotales et avec leurs sistres[41], mais il leur dit : Mesdames, voyez, il y a ici une femme qui souffre les douleurs de l’enfantement. Elles dirent : Permets-nous de la voir, car, voici, nous sommes habiles aux accouchements. Il leur dit : Venez donc, et elles entrèrent devant Roudîtdidît, puis elles fermèrent la chambre sur elle et sur elles-mêmes. Alors, Isis se mit devant elle, Nephthys derrière elle, Niqaît facilita l’accouchement[42]. Isis dit : Ô enfant, ne fais pas le fort en son ventre, en ton nom d’Ousirraf, celui dont la bouche est forte ![43] Alors cet enfant lui sortit sur les mains, un enfant d’une coudée de long[44], aux os vigoureux, aux membres cou-leur d’or, à la coiffure de lapis-lazuli vrai[45]. Les déesses le lavèrent, elles lui coupèrent le cordon ombilical, elles le posèrent sur un lit de briques, puis Maskhonouît s’approcha de lui et elle lui dit : C’est un roi qui exercera la royauté en ce Pays Entier. Khnoumou lui mit la santé dans les membres[46]. Ensuite Isis se plaça devant Roudîtdidît, Nephthys derrière elle, Hiqaît facilita l’accouchement. Isis dit : Enfant, ne voyage pas plus longtemps dans son ventre, en ton nom de Sâhourîya, celui qui est Râ voyageant au ciel[47]. Alors cet enfant lui sortit sur les mains, un enfant d’une coudée de long, aux os vigoureux, aux membres couleur d’or, à la coiffure de lapis-lazuli vrai. Les déesses le lavèrent, elles lui coupèrent le cordon, elles le portèrent sur un berceau de briques, puis Maskhonouît s’approcha de lui et elle dit : C’est un roi qui exercera la royauté en ce Pays Entier. Khnoumou lui mit la santé dans les membres. Ensuite, Isis se plaça devant Roudîtdidît, Nephthys se plaça derrière elle, Hiqaît facilita l’accouchement. Isis dit : Enfant, ne reste pas plus longtemps dans les ténèbres de son ventre, en ton nom de Kakaouî, le ténébreux[48]. Alors cet enfant lui sortit sur les mains, un enfant d’une coudée de long, aux os vigoureux, aux membres d’or, à la coiffure de lapis-lazuli vrai. Les déesses le lavèrent, elles lui coupèrent le cordon, elles le posèrent sur un lit de briques, puis Maskhonouît s’approcha de lui et elle dit : C’est un roi qui exercera la royauté en ce Pays Entier. Khnoumou lui mit la santé dans les membres[49]. Quand ces dieux sortirent, après avoir délivré la Roudîtdidît de ses trois enfants, ils dirent : Réjouis-toi, Râousir, car, voici, trois enfants te sont nés. Il leur dit : Mesdames, que ferai-je pour vous ? Ah, donnez ce grain que voici à votre homme de peine, pour que vous l’emportiez en paiement aux silos ![50] Et Khnoumou chargea ce grain, puis ils repartirent pour l’endroit d’où ils étaient venus. Mais Isis dit à ces dieux : A quoi songeons-nous d’être venus à Râousir sans accomplir, pour ces enfants, un prodige par c lequel nous puissions faire savoir l’événement à leur père qui nous a envoyés[51]. Alors elles fabriquèrent trois diadèmes de maître souverain, v. s. f.[52], et elles les placèrent dans le grain ; elles précipitèrent du haut du ciel l’orage et la pluie, elles revinrent à la maison, puis elles dirent : Déposez ce grain dans une chambre scellée, jusqu’à ce que nous revenions baller au nord[53]. Et l’on déposa ce grain dans une chambre scellée. Roudîtdidît se purifia d’une purification de quatorze jours, puis elle dit à sa servante : La maison est-elle en bon ordre ? La servante lui dit : Elle est garnie de toutes les bonnes choses ; pourtant, les pots pour la bouza, on ne les a pas apportés[54]. Alors Roudîtdidît lui dit : Pourquoi n’a-t-on pas apporté les pots ? La servante dit : Il serait bon de brasser sans retard, si le grain de ces chanteuses n’était pas dans une chambre scellée de leur cachet. Alors Roudîtdidît lui dit : Descends[55], apporte-nous-en ; Râousir leur en donnera d’autre en place, lorsqu’elles reviendront. La servante alla et elle ouvrit la chambre ; elle entendit des voix, du chant, de la musique, des danses, du zaggarit[56], tout ce qu’on fait à un roi, dans la chambre[57]. Elle revint, elle rapporta tout ce qu’elle avait entendu à Roudîtdidît. Celle-ci parcourut la chambre et elle ne trouva point la place d’où le bruit venait. Elle appliqua sa tempe contre la huche et elle trouva que le bruit était à l’intérieur : elle mit donc la huche dans un coffre en bois, elle apposa un autre sceau, elle l’entoura de cuir, elle plaça le tout dans la chambre où étaient ses vases et elle ferma celle-ci de son sceau[58]. Quand Râousir arriva de retour du jardin, Roudîtdidît lui répéta ces choses et il en fut content extrêmement, et ils s’assirent et ils passèrent un jour de bonheur.

Or, beaucoup de jours après cela, voici que Roudîtdidît se disputa avec la servante et qu’elle la fit fouetter. La servante dit aux gens qui étaient dans la maison : Est-ce ainsi qu’elle me traite, elle qui a enfanté trois rois ? J’irai et je le dirai à La Majesté du roi Khoufouî, à la voix juste. Elle alla donc et elle trouva son frère aîné de mère, qui liait le lin qu’on avait teillé sur l’aire. Il lui dit : Où vas-tu, ma petite damoiselle ? et elle lui raconta ces choses. Son frère lui dit : C’est bien faire ce qu’il y avait à faire que venir à moi ; je vais t’apprendre à te révolter. Voici qu’il prit une botte de lin contre elle et il lui administra une correction. La servante courut se puiser un peu d’eau, et le crocodile l’enleva[59]. Quand son frère courut vers Roudîtdidît pour lui dire cela, il trouva Roudîtdidît assise, la tête aux genoux, le cœur triste plus que toute chose. II lui dit : Madame, pourquoi ce cœur ? Elle dit : C’est à cause de cette petite qui était dans la maison ; voici qu’elle est partie disant : « J’irai et je dénoncerai ». II se prosterna la face contre terre, il lui dit : Ma dame, quand elle vint me conter ce qui est arrivé et qu’elle se plaignit à moi ; voici que je lui donnai de mauvais coups ; alors elle alla se puiser un peu d’eau, et le crocodile l’emporta...

 

La fin du roman pouvait contenir, entre autres épisodes, le voyage à Sakhîbou auquel Chéops fait allusion vers la fin de son entretien avec Didi. Le roi échouait dans ses entreprises contre les enfants divins ; ses successeurs, Chéphrén et Mykérinos, n’étaient pas plus heureux que lui, et l’intrigue se dénouait par l’avènement d’Ousirkaf. Peut-être ces dernières pages renfermaient-elles des allusions à quelques-unes des traditions que les écrivains grecs avaient recueillies. Chéops et Chéphrén se vengeaient de l’inimitié que Ré leur témoignait en fermant son temple à Sakhîbou et dans d’autres villes : ils justifiaient ainsi une des histoires qui leur avaient valu leur renom d’impiété. De toute façon, le Papyrus Westcar est le premier qui nous arrive en rédaction originale des romans dont se composait le cycle de Chéops et des rois constructeurs de pyramides.

 

 

 



[1] Golénicheff, le Papyrus n° 1 de Saint-Pélersbourg, dans la Zeitschrift, 1876, p. 109-110.

[2] C’est la formule qui terminait la première histoire : le nom du magicien est entièrement détruit.

[3] Le roi Nabka n’est pas le père réel de Khoufouî, mais comme il appartenait à une dynastie antérieure et que tous les Pharaons étaient censés ne former qu’une même famille, le conteur, en parlant de l’un d’eux, l’appelle le père du souverain régnant, Khoufouî.

[4] Ankhoutaoui est, comme Brugsch l’a montré, le nom d’un des quartiers de Memphis. J’ai quelque lieu de croire qu’on peut eu fixer l’emplacement près de la butte appelée aujourd’hui Kom-el Aziz.

[5] L’expression premier lecteur est une traduction par à peu près du titre Khri-nabi. Le khri-habi était littéralement l’homme au rouleau, celui qui, dans une cérémonie, dirigeait la mise en scène et l’exécution, plaçait les personnages, leur soufflait les termes de la formule qu’ils devaient prononcer, leur indiquait les gestes et les actions qu’il leur fallait accomplir, récitait au besoin les prières pour eux, bref un véritable maître des cérémonies (cf. Maspero, Études égyptiennes, t. II, p. 51 sqq.). Le khri-nabi ou lecteur, qui savait par métier toutes les formules, devait donc connaître les incantations et les formules magiques aussi bien que les formules religieuses ; c’est pourquoi tous les sorciers de notre récit sont des lecteurs en chef, des premiers lecteurs. Le titre qu’ils joignent à celui-là, celui d’écrivain des livres, nous montre que leur science ne se bornait pas à réciter les charmes ; elle allait jusqu’à copier, et, au besoin, jusqu’à composer les livres de magie.

[6] Le texte égyptien donne nozesou, un petit, un homme de basse condition. Le mot vassal de notre vieille langue m’a paru répondre exactement au sens du terme égyptien.

[7] Cf. dans le Conte les deux Frères, les deux vêtements que la femme d’Anoupou promet à Baîti pour le tenter.

[8] Le Lac d’Oubaou-anir est le nom d’une propriété formé avec le nom du maître et avec le mot She, qui signifie lac, étang, bassin d’inondation. C’est un procédé de formation fréquent dans la nomenclature géographique de l’Égypte.

[9] C’est ainsi que dans le premier Conte de Satni-Khâmoîs, une cassette contient le livre miraculeux de Thot.

[10] Tout ce début est mutilé au point qu’il n’en reste plus une phrase complète. La restitution est empruntée à l’excellente traduction d’Erman (die Märchen des Papyrus Westcar, p. 22-26).

[11] La façon dont le texte introduit cette fin de récit, sans commentaire, semble prouver que le feu était le châtiment réservé aux femmes adultères : cette supposition est confirmée par le conte de Phéron, dans lequel le roi faisait brûler vives toutes les femmes qui, ayant eu commerce avec un autre homme qu’avec leur mari, ne pouvaient pas lui fournir le remède nécessaire à lui rendre la vue (Hérodote, II, CXI). Nous savions déjà que ce supplice était appliqué à plusieurs sortes de crimes, au parricide, à la sorcellerie, à l’hérésie, au moins en Éthiopie (G. Maspero, la Stèle de l’Excommunication, dans la Revue archéologique, 1871, t. II, p. 329 sqq.), au vol ou à la destruction des temples ou des biens de main morte (Inscriptions in the hieratic and demotic characters, pl. 29, l. 8 ; cf. G. Müller, Das Dekret des Amenophis, des Sohnes des Hapu, dans les Silzungsberichte de l’Académie de Berlin, 1910, p. 936 i, note), à la rébellion contre le Pharaon. On devait le redouter d’autant plus, qu’en détruisant le corps il enlevait à l’âme et au double l’appui dont ils avaient besoin dans l’autre monde. A la fin du Conte des deux Frères, l’auteur se borne à enregistrer le châtiment de la fille des dieux, sans nous dire en quoi il consista : ce fut probablement, selon l’usage, le supplice du feu.

[12] Le texte égyptien donne, ici et dans tous les endroits où j’ai employé l’expression alléger, un verbe qui signifie rafraîchir. Le mot à mot serait donc : Quelque chose qui lui rafraîchit le cœur.

[13] J’avais pensé qu’il s’agissait d’un de ces beaux filets de perles en faïence ou en verroterie, qu’on voit peints par-dessus le vêtement de certaines statues de l’âge Memphite ou de la XIIe dynastie, ainsi sur la statue A 102 du Louvre (cf. Perrot-Chipiez, Histoire de l’Art, t. I, p. 143, et J. Capart, l’Art Égyptien, t. I, pl. 42) ; ici toutefois, les vingt jeunes filles n’avaient point de vêtement d’étoffe, mais elles étaient nues sous leur résille, ce que Piehl avait admis (Sphinx, t. I, p. 73-74, t. IV, p. 118-119). Borchardt confirme le sens que j’avais donné par des exemples empruntés aux statues du Caire, mais il croit que les jeunes filles avaient passé les résilles par-dessus leurs vêtements (Zeitschrift, t. XXXVII, p. 81). Petrie pense qu’il s’agissait simplement d’une étoffe très fine (Deshasheh, p. 32).

[14] Le texte met ici un mot nikhaou, déterminé par le poisson, et qui ne se rencontre dans aucun des Dictionnaires publiés jusqu’à ce jour : je l’ai traduit d’une façon générale par le mot poisson. Il ne s’agit pas ici d’un poisson réel, mais d’un de ces talismans en forme de poissons auxquels les anciens, les Romains et les Grecs comme les peuples de l’Orient, prêtaient toute sorte de vertus merveilleuses (F. de Mély, le Poisson dans les Pierres gravées, dans la Revue archéologique, 3e série, t. XII, p. 319-332).

[15] Les jeunes filles chantaient en ramant pour rythmer la vogue, selon l’usage égyptien : celle qui avait perdu l’amulette se taisant, les autres se taisent et le mouvement s’arrête.

[16] Dadoufhorou est donné ici comme étant le fils de Khoufouî. D’autres documents font de lui le petit-fils de ce Pharaon et le fils de Menkaouriya (Livre des Morts, ch. LXIV, l. 30-32).

[17] Le nom de cette localité est formé avec celui du roi Sanafrouî ; l’emplacement n’en est pas connu. Il résulte des expressions employées dans notre texte qu’on s’y rendait, de l’endroit où Khoufouî siégeait, en remontant le fleuve. Comme cet endroit est probablement Memphis, il faut en conclure que Didousanafrouî était au sud de Memphis.

[18] Cent dix ans est le terme extrême de la vie égyptienne ; on souhaite aux gens qu’on aime ou qu’on respecte de vivre jusqu’à cent dix ans. Aller au delà, c’est dépasser les bornes de la longévité humaine : seuls, quelques privilégiés, comme Joseph, le mari de la Vierge, dans l’Égypte chrétienne, sont assez heureux pour atteindre l’âge de cent onze ans (Cf. Goodwin dans Chabas, Mélanges Égyptologique, 2e série, p. 231 sqq.). Plus tard, on ne s’arrêta plus là, et Maçoudi nous parle, dans ses Prairies d’Or (trad. Barbier de Meynard, t. II, p. 372 sqq.), d’un savant copte de cent trente ans qu’Ahmed-Ibn-Touloun envoya chercher pour le consulter.

[19] Littéralement laisse à terre, c’est-à-dire tin lion qu’on avait détaché et dont la laisse avait été jetée à terre. Pour se faire obéir, le magicien n’avait pas besoin d’une laisse telle que les dompteurs en ont d’ordinaire c’était à l’œil et à la voix qu’il menait sa bête.

[20] Les Égyptiens serraient leurs livres dans des boites en bois ou en pierre ; les boites à livres de la crypte de Thot forment ce que nous appellerions sa Bibliothèque. Thot, le secrétaire des dieux, était le savant, et, par suite, le magicien par excellence : c’est lui que les divinités supérieures, Phtah, Horus, Amon, Râ, Osiris, chargeaient de classer ce qu’elles avaient créé et de coucher par écrit les noms, la hiérarchie, les qualités des choses et des êtres, les formules qui obligeaient les hommes et les dieux. Le travail du magicien ordinaire consistait à chercher, à lire, à comprendre et à recopier les livres de cette bibliothèque : celui qui les connaissait et qui les possédait tous était aussi puissant que Thot, et il devenait le maître réel de l’univers.

[21] La Grande Pyramide ne renferme pas une ligne d’écriture, mais les chambres ménagées dans les pyramides d’Ounas et des quatre premiers rois de la VIe dynastie sont couvertes d’hiéroglyphes : ce sont des prières et des formules qui assurent au double et à l’âme du roi mort une vie heureuse dans l’autre monde. L’auteur de notre conte, qui savait combien certains rois de l’antiquité avaient travaillé pour graver dans leurs tombes des extraits des livres sacrés, imaginait sans doute que son Khoufouî avait désiré en faire autant, mais qu’il n’avait pas réussi à se les procurer, sans doute à cause de son impiété légendaire. C’était une manière comme une autre d’expliquer pourquoi il n’y avait aucune inscription dans la Grande Pyramide.

[22] Le napéca est une sorte de jujubier, Zizyphus Spina Christi : la tige et les branches, très droites, très résistantes, peuvent former d’excellents brancards pour une litière.

[23] Voir dans Wilkinson, Manners and Customs, t. 1, p. 237, ainsi que dans Lepsius, Denkm., II, pl. 43 a, III, pl. 121 a, etc., des représentations de chaises à porteurs analogues à celle que Dadoufhorou emploie dans notre conte.

[24] Probablement un angareb de ceux qu’on recueille dans les tombeaux et qui sont analogues aux angarebs des Égyptiens ou des Berbérins d’aujourd’hui.

[25] Aborder, parvenir au port, est un des nombreux euphémismes dont les Égyptiens se servaient pour exprimer l’idée de mort. Il s’explique aisément par l’idée du voyage en bateau que le mort était obligé de faire pour arriver à l’autre monde, et par le transport de la momie en barque, au delà du fleuve, le jour de l’enterrement.

[26] Le compliment est si embrouillé que je crains de ne pas l’avoir compris tout entier : je me suis inspiré pour le traduire des observations de Piehl, dans Sphinx, t. I, p. 74-75.

[27] C’est en langue antique, me hatpou, me hatpou, l’équivalent du salut bi-s-salamah qu’on entend si souvent aujourd’hui dans l’Égypte arabe.

[28] Hobs-bagaî est un personnage important, sous l’autorité de qui une partie des portes d’entrée de l’autre monde étaient placées (Erman, die Märchen des Papyrus Westcar, p. 49) : c’est un doublet d’une des formes d’Osiris, l’Osiris immobile dans son maillot.

[29] Cette phrase, très claire pour les lecteurs anciens, l’est moins pour les modernes. Selon les exigences de la civilité puérile et honnête du temps, Didi doit répondre au compliment par un compliment : il constate donc que Dadoufhorou, jeune qu’il est, a un poste qui le met au-dessus des vieillards, et il explique cet excès d’honneur par la science profonde de son interlocuteur. Dadoufhorou avait en effet une réputation de savant, c’est-à-dire de magicien, qui lui mérita d’être cité au Livre des Morts, comme l’inventeur du chapitre LXIV, l’un des plus importants du recueil, et au Papyrus Anastasi I (pl. X, l. 8), comme un des interprètes les plus accrédités des livres les moins compréhensibles au vulgaire.

[30] Piehl a montré que, par cette expression, l’auteur entendait l’humanité (Sphinx, t. I, p. 15) : les textes relatifs aux quatre races humaines appellent en effet les hommes le troupeau de Râ.

[31] Au moment où le cou du taureau avait été tranché, le licou était tombé à terre ; la tête et le corps se rejoignent, mais le licou reste où il était tombé.

[32] Onou est Héliopolis, la Ville du Soleil. Chaque chambre de temple avait son nom particulier, qui était inscrit souvent sur la porte principale, et qui était dérivé, soit de l’aspect de la décoration, la Chambre d’Or, soit de la nature des objets qu’on y conservait, la Chambre des Parfums, la Chambre de l’Eau, soit du sens des cérémonies qu’on y accomplissait. Le bloc mentionné ici est probablement un bloc mobile, comme celui du Conte de Rhampsinite, et il servait à cacher l’entrée de la crypte où Thot avait déposé ses livres.

[33] Le scribe a passé ici la fin de la réponse de Didi et le commencement d’une nouvelle question du roi (Erman, die Märchen des Papyrus Westcar, p. 55) ; j’ai rétabli, d’après le contexte, ce qui manque au manuscrit.

[34] Euphémisme pour désigner la royauté.

[35] Cette phrase est rédigée en style d’oracle, comme il convient à une réponse de magicien. Elle parait être destinée à rassurer le roi, en lui affirmant que l’avènement des trois enfants de Râ n’est pas proche, mais que son fils à lui règnera, puis le fils de son fils, avant que les destinées s’accomplissent. Les listes royales mettent, après Khoufouî, d’abord Didoufriya, puis Khâfriya, puis Menkaouriya, puis Shopseskaf, avant Ousirkaf, le premier des trois rois de la Ve dynastie dont notre conte annonce la grandeur future. L’auteur de notre conte a omis Didoufriya et Shopseskaf dont le peuple n’avait gardé aucun souvenir (Erman, die Märchen des Papyrus Westcar, p. 19).

[36] Les résolutions du roi sont exprimées en termes qui nous paraissent peu clairs, sans doute parce que nous n’avons pas la fin du récit. Le roi ne songe plus à tuer les enfants après ce que le magicien lui a dit, mais il ne renonce pas pour cela à lutter contre le destin, et d’abord il demande quel jour Rouditdidît accouchera. Didi sait déjà le jour, le 15 de Tybi, grâce à cette intuition surprenante que possèdent souvent les héros des contes égyptiens (cf. dans le précédent conte, où les magiciens ont l’air de savoir déjà que la fille des dieux est au Val de l’Acacia). Si le roi lui pose cette question, c’est sans doute afin de faire tirer l’horoscope des enfants et de voir si les astres confirment la prédiction du sorcier. Il se demande un moment s’il n’ira pas à Sakhîbou étudier ce qui se passe dans le temple de Râ, mais l’état du canal ne lui permet pas de donner suite à son projet, bien que le magicien lui promette de jeter quatre coudées d’eau sur les bas-fonds afin que sa barque navigue sans peine. Le canal des Deux-Poissons était le canal qui traversait le nome Létopolite (Brugsch, Dictionnaire Géographique, p. 621).

[37] Maskhonouît est la déesse du Maskhonou, c’est-à-dire du berceau, et, en cette qualité, elle assiste à l’accouchement : elle réunit en elle Shaît et Ranénit, c’est-à-dire la déesse qui règle la destinée, et celle qui allaite (ranounou) l’enfant et lui donne son nom (ripou), par suite, sa personnalité (cf. Maspero, Études égyptiennes, t. I, p. 27).

[38] Hiqaît, qui est nommée avec Khnoumou l’un des premiers berceaux d’Abydos (Louvre C 3), c’est-à-dire l’une des divinités qui ont présidé à la fondation de la ville, est la déesse Grenouille ou à tête de grenouille, une des déesses cosmiques qui avaient agi lors de la naissance du monde. Sa présence est donc naturelle auprès d’une accouchée.

[39] Le texte dit : comme porte-coffret, porte-sac. Khnoumou prend le rôle du domestique qui accompagne les almées, porte leurs bagages, et, au besoin, fait sa partie vocale et instrumentale dans le concert. L’un des petits personnages en bois trouvés à Méîr et qui sont au Musée du Caire porte un coffret et me parait définir nettement ce qu’un hir-gani pouvait être (Maspero, Guide du Visiteur au musée du Caire, 1910, 5e édit. anglaise, p. 500, n° 155).

[40] Il déployait le linge destiné à l’accouchement.

[41] Nous rencontrerons plus bas, dans les Mémoires de Sinouhît, une scène de famille analogue, mais où les acteurs sont les princes de la maison de Pharaon.

[42] Pour comprendre la position que prennent les déesses par rapport à l’accouchée, il faut se rappeler que les femmes égyptiennes en travail ne choisissaient pas comme les nôtres la position horizontale. Elles se tenaient, ainsi que le prouvent certains tableaux, soit accroupies sur une natte ou sur un lit, les jambes repliées sous elles, soit assises sur une chaise qui ne parait différer en rien des chaises ordinaires. Les femmes accourues pour les aider se répartissaient la besogne : l’une se plaçait derrière la patiente et la serrait à bras le corps, pendant les douleurs, pour lui servir de point d’appui et pour favoriser l’expulsion, l’autre se mettait devant elle, agenouillée ou accroupie, afin de recevoir l’enfant dans ses mains et d’empêcher qu’il ne tombât à terre brutalement. Les deux déesses Isis et Nephthys, venues pour accoucher Roudîtdidît, n’agissent pas autrement que les sages-femmes ordinaires, et Hiqaît précipite la délivrance par des massages opérés sur le sein maternel, ainsi que les sages-femmes égyptiennes le font aujourd’hui encore.

[43] Selon une habitude fréquente non seulement en Égypte, mais dans l’Orient entier, la sage-femme, en donnant à l’enfant le nom qu’il, portera, fait un calembour plus ou moins intelligible sur le sens des mots dont ce nom se compose. Ici l’enfant s’appelle Ousir-rof, Ousir-raf, ce qui est, pour le sens, une variante du nom Ousirkaf que portait le premier roi de la Ve dynastie. Ousir-raf signifie celui dont la bouche est forte, Ousirkaf est celui dont le double est fort, aussi la déesse emploie-t-elle le verbe ousirou dans la première partie de la phrase : Ne sois pas fort (ousirou) dans son ventre, — probablement, ne meurtris pas le ventre de la mère, — en ton nom de celui dont la bouche est forte. C’est le même procédé par lequel les historiens Hébreux expliquaient le nom des enfants de Jacob (Genèse, XXIX, 32 ; XXX, 24).

[44] C’est la taille normale des enfants nouveau-nés dans les textes égyptiens (Erman, die Märchen des Papyrus Westcar, p. 62).

[45] Le texte dit littéralement que la couleur de ses membres était d’or et sa perruque de lapis-lazuli vrai, en d’autres termes que ses membres étaient précieux comme l’or, sa chevelure bleue comme le lapis-lazuli. Y a-t-il un calembour entre noubou, l’or, et noubou, modeler, fondre, que les textes emploient souvent pour exprimer la création des membres d’un homme par les dieux ? En tout cas, la coiffure des têtes humaines dont les cercueils de momie sont décorés est presque toujours teinte en bleu, si bien que l’expression de notre texte répond exactement à un détail d’art ou d’industrie égyptienne. Somme toute ; ce n’est pas un enfant naturel que notre auteur décrit, mais une statuette de divinité, avec ses incrustations d’or et avec sa coiffure.

[46] Maskhonouît étant, comme j’ai dit, la destinée humaine, on l’appelle pour rendre l’arrêt de vie de l’enfant. Khnoumou, le modeleur, complète l’œuvre des déesses : il masse le corps du nouveau-né et il lui infuse ainsi la santé.

[47] Le calembour roule ici sur le mot Sahou, qui entre dans le nom du roi Sâhourîya. Sahou signifie s’approcher de..., voyager. La déesse dit à l’enfant de ne pas circuler plus longtemps dans le sein de sa mère, et cela parce qu’il s’appelle Sâhourîya, celui qui voyage au ciel comme le Soleil.

[48] Le troisième roi de la Ve dynastie, Naferarkerîya, s’appelle aussi Kakaoui, et nous ne savons pas quel était le sens de ce nom. Pour obtenir le jeu de mots sur kakaoui, les ténèbres, le scribe a été forcé d’altérer l’orthographe traditionnelle.

[49] Le manuscrit original change ici la succession des opérations : je les ai remises chacune dans l’ordre adopté lors de la naissance des deux premiers enfants.

[50] Cf., pour le sens de ce dernier membre de phrase, Bissing, Zu Papyrus Westcar XI, 8, dans la Zeitschrift, 1905, t. XLIV, p. 90.

[51] Leur père désigne ici non pas Râousir, le mari de Roudîtdidît, qui ne connaît pas l’origine divine des trois enfants, mais le dieu Râ de Sakhîbou, le père réel, qui a en effet envoyé les déesses au secours de sa maîtresse.

[52] ) Cf., sur ce point, la note de Sethe, Zu Westcar II, 13, dans la Zeitschrift, 1891, t. XXIX, p. 84.

[53] Il ne faut pas oublier que les déesses se sont déguisées en almées. Elles prient donc les gens de la maison de leur garder le blé en dépôt, jusqu’à ce qu’elles aient fini leur tournée dans le pays du sud et qu’elles reviennent au nord une seconde fois.

[54] Le texte dit : sauf les vases, et comme Erman l’a bien vu (die Märchen des Papyrus Westcar, p. 61), le mot vase doit désigner ici une boisson : vase aura pris le même sens que cup, verre, pichet, litre, dans nos langues modernes, le contenant pour le contenu. Comme il faut, pour préparer ces vases, le grain qui a été donné aux déesses, je crois qu’il s’agit ici de la bouza, la bière douce des anciens Égyptiens comme des Égyptiens modernes.

[55] L’appartement des femmes est à l’étage supérieur : la servante doit descendre pour aller chercher le grain.

[56] C’est le mot qui sert à désigner, en arabe, une sorte de cri suraigu que les femmes poussent en chœur, dans les fêtes, pour témoigner leur joie. Elles le produisent en appuyant la pointe de la langue contre les dents d’en haut et en la faisant vibrer rapidement.

[57] Un auteur arabe raconte qu’il y avait dans la grande Pyramide une chambre fermée d’où sortait un bourdonnement d’une force incroyable (Carra de Vaux, l’Abrégé des Merveilles, p. 214) ; c’était évidemment ce que nous appelons le serdab, et qui contenait les statues du roi. Notre texte explique la légende arabe et il nous montre qu’elle a une origine antique les visiteurs de la grande Pyramide croyaient entendre le même bruit de fête royale que Roudîtdidît et sa servante entendirent dans la huche qui renfermait les couronnes des trois enfants.

[58] Le texte est assez embrouillé à cet endroit. Je crois comprendre que Roudîtdidît prend la huche en terre où les dieux ont enfermé leur blé, qu’elle la met dans une caisse de bois qu’elle recouvre de cuir et sur laquelle elle appose un sceau, puis qu’elle l’enferme dans son cellier, afin d’empêcher que personne n’entendit le bruit mystérieux.

[59] Le crocodile, ou l’hippopotame sont assez souvent en Égypte les ministres de la vengeance divine : Ménès est enlevé par un hippopotame, et Akhthoès, le premier roi de la IXe dynastie, par un crocodile (Manéthon, édit. Unger, p. 78, 107), La servante, battue par son frère, court au canal le plus voisin, afin d’y puiser un peu d’eau pour se panser et pour se rafraîchir : le crocodile, envoyé par Râ, l’emporte et la noie.