GENSÉRIC

 

LA CONQUÊTE VANDALE EN AFRIQUE ET LA DESTRUCTION DE L’EMPIRE D’OCCIDENT.

CHAPITRE V. — GOUVERNEMENT DE GENSÉRIC.

 

 

Le régime de la conquête fut et ne cessa point d’être en Afrique une occupation militaire. Assurer la soumission des peuples réduits en sa puissance fut l’unique but de la politique intérieure de Genséric. Ses effectifs restreints et les nécessités d’une mobilisation rapide, ne lui permettant pas d’occuper réellement la totalité du territoire africain, semblaient devoir l’exposer à des soulèvements dans les provinces laissées sans garnisons ; ce danger en fut au contraire diminué. Il en résulta en effet que le fardeau de la conquête pesa tout entier sur la Proconsulaire, où le grand nombre des Vandales rendait une révolte impossible, tandis que les autres provinces, après les premières fureurs de l’invasion, n’eurent à supporter ni les spoliations, ni la présence irritante des vainqueurs. Livrées à elles-mêmes, elles se trouvèrent dans les mêmes conditions qu’au temps de l’Empire. Leur sort ne fut donc pas sensiblement aggravé, et la crainte d’un retour des barbares, dont elles avaient éprouvé la cruauté, suffisait à les maintenir dans l’obéissance. La répression eût été d’ailleurs prompte et inévitable. Rien ne pouvait arrêter une armée envoyée de Carthage, car Genséric avait fait raser jusqu’au sol les murailles de toutes les villes, pour qu’aucune ne pût servir de refuge à une insurrection, ou de base d’opérations à un corps de troupes romaines, en cas de débarquement[1]. Seules, les fortifications de Carthage et de quelques places furent conservées[2], mais elles ne furent point réparées, et, par incurie, on les laissa tomber peu à peu en ruines[3].

Le danger d’une insurrection ne pouvait venir ni de la population des campagnes, attachée à la glèbe par le système du colonat[4] et réduite à un état de véritable esclavage[5], ni du peuple des villes, parqué dans les corporations professionnelles sous la surveillance permanente des gouverneurs et des défenseurs des cités[6]. Ces malheureux, opprimés par le régime de la centralisation administrative romaine au point d’abandonner en masse leurs demeures et leurs biens pour échapper par la fuite à la condition qui leur était imposée[7], ne devaient point regretter l’Empire et ne pouvaient qu’espérer d’an nouvel état de choses un relâchement des liens qui entravaient leur liberté[8]. Mais l’aristocratie et le clergé étaient nécessairement hostiles aux barbares et pouvaient, par les ressources et la grande influence dont ils disposaient, provoquer des résistances et fournir un concours très efficace à la politique ou, le cas échéant, aux armées romaines. L’aristocratie, surtout à Carthage et dans la Proconsulaire, était attachée au régime romain par ses affections, ses traditions, ses intérêts que Genséric ne pouvait épargner ; force lui était de la dépouiller de ses grandes propriétés pour doter les Vandales sans se priver lui-même des anciens domaines impériaux. Quant à l’Église catholique, elle était dans le monde entier l’adversaire irréconciliable des barbares ariens et la fidèle alliée de l’Empire. Il n’y avait point d’espoir de modifier son esprit irrévocablement hostile à tous les hérétiques, et il était certain qu’aucune considération ne la déterminerait à favoriser des conquérants ennemis de sa foi. La destruction de l’aristocratie et l’oppression de l’Église parurent à Genséric les conditions nécessaires de sa sécurité.

Dans les premiers temps de l’invasion, il espéra, semble-t-il, gagner les catholiques par la douceur, et les amener même à adopter la religion des vainqueurs. L’éloge que des écrivains ecclésiastiques faisaient des Vandales, comme on l’a vu, témoigne qu’on n’avait pas encore eu à supporter des persécutions de leur part[9], et l’auteur d’une œuvre attribuée à saint Prosper nous apprend que les ariens s’efforçaient de séduire les catholiques, tantôt par les moyens dont dispose le pouvoir temporel, tantôt par des insinuations perfides ménagées avec art, et surtout par leur abstinence, par leur sobriété, par d’autres signes d’une vie vertueuse. Car, ajoute cet auteur, suivant la parole de l’apôtre, Satan se change parfois en ange de lumière, et il n’est point étonnant de voir ses serviteurs affecter d’être les serviteurs de la justice[10].

Un grand nombre de prêtres eurent, il est vrai, à souffrir de cruels tourments[11] ; Papinianus, évêque de Vite dans la Byzacène, dont le siège épiscopal fut occupé dans la suite par l’auteur de l’histoire de la persécution des Vandales[12], eut tout le corps brûlé avec des lames de fer rougies au feu[13] ; Mansuetus, évêque de la Civitas Urusitana dans la même province[14], fut brûlé devant une porte nommée porta fornitana[15]. Mais il semble que ces évêques et ces ecclésiastiques furent, en même temps que beaucoup d’autres personnes de tout rang et de tout état, victimes de la cruauté des barbares, qui alors saccageaient les contrées envahies et massacraient les habitants sans pitié pour l’Age ou la dignité[16]. Les prêtres catholiques ne paraissent pas avoir été, à ce moment, l’objet d’une animosité particulière de la part des conquérants. Ils purent espérer n’avoir pas à souffrir plus que les autres Africains. Leurs illusions furent de courte durée.

Dès l’année 437, deux ans après la convention d’Hippone, Genséric vit sans doute une provocation et un danger dans l’attitude du clergé catholique, qui apparaissait comme la tête du parti romain, et dont la constance ne cédait point à la terreur que prétendait inspirer ce prince si superbe[17]. Il résolut de détruire l’Église dans les contrées soumises à son pouvoir, pour prévenir un soulèvement que les prêtres et les évêques eussent pu provoquer, lorsque les armées vandales seraient aux prises avec les forces de l’Empire. Plusieurs évêques, parmi lesquels les plus illustres étaient Posidius, Novatus et Severianus, furent privés de leurs basiliques, et même expulsés de leurs villes[18]. Bientôt après, le roi, doutant de la fidélité des catholiques qu’il avait dans son entourage, voulut les contraindre à se convertir à l’arianisme. Il avait à son service quatre Espagnols, Arcadius, Paschasius, Probus et Eutycianus, que depuis longtemps il traitait avec distinction, estime et affection, à cause de leur mérite et de leur dévouement[19]. Paschasius et Eutycianus étaient frères[20], Arcadius était marié et possédait, avec de grandes richesses, de nombreux esclaves[21]. Genséric pensa se les attacher plus sûrement en les séparant des catholiques. Il leur enjoignit de se faire ariens. La constance qu’ils mirent dans leur refus excita en lui une colère qui alla jusqu’à une véritable rage. Non content de les avoir proscrits de sa présence, il les exila, puis leur fit souffrir d’horribles tourments. Tous les quatre, par divers genres de morts, ajoute Prosper Tiro, acquirent l’illustre couronne d’un admirable martyre[22]. Paschasius et Eutycianus avaient un frère, encore enfant. Aucune menace n’ayant réussi à le détourner de la profession et de l’amour de la foi catholique, il fut longtemps battu à coups de bâtons, mais il ne succomba point à tant de cruautés[23].

Loin de se laisser intimider, les catholiques opposèrent à la persécution la plus courageuse résistance, et firent preuve d’une ardeur dont témoigne une lettre adressée à Arcadius, pendant son exil, par Honoratus Antoninus, évêque de Constantine[24]. Courage, âme fidèle, s’écrie-t-il avec un enthousiasme digne des temps apostoliques, courage, confesseur de l’unité catholique ! Réjouis-toi, car tu as mérité de souffrir les outrages pour le nom du Christ, comme les apôtres lorsqu’ils étaient flagellés. Déjà ce serpent git abattu sous tes pieds. Il a pu engager la lutte, mais il a succombé, car il n’a pu te réduire. Écrase sa tête, je t’en conjure. Fais qu’il ne se redresse point, durant l’épreuve suprême de ton martyre. Ne te laisse émouvoir par personne ! Le Christ se réjouit et te contemple, les anges sont dans la joie et viennent à ton secours, la tourbe des démons est sous tes pieds ; ne faiblis pas ! Que les démons, maintenant dans les larmes, n’aient pas à se réjouir. Avec toi est le chœur des martyrs, tes prédécesseurs, ils t’attendent, ils te défendent, ils te tendent la couronne. Je t’en supplie, cette couronne, ne te la laisse pas enlever. Pense combien peu de temps tu as à lutter, combien de temps tu demeureras vainqueur dans l’éternité ! Tu as bien commencé, achève ! Frère, tu soutiens le bon combat, c’est la vérité que tu confesses ; si tu meurs, sois en sûr, tu seras martyr.

Le Seigneur a dit : Qui ne quitte pour moi père, mère, femme, enfants, famille, n’est pas mon disciple, et si tu mourais suivant le sort de la nature humaine, ta femme, ta famille pourraient-elles te rappeler à la vie ? Ne regarde donc pas derrière toi, ne regrette ni ta femme, ni tes richesses, ni les tiens. Haut le cœur ! Le Père, le Fils, le Saint Esprit sont avec toi, ils te secourent, ils s’apprêtent à te couronner. Si tu meurs pour la foi, Dieu te révélera toute sa splendeur. Regarde le monde, il est destiné à périr ; regarde le soleil, la lune, les étoiles, tout doit disparaître ; de ton courage dépend le salut éternel de ton âme ou sa perte pour toujours. Déjà les péchés te sont pardonnés ; pour prix de la lutte que tu soutiens, Dieu efface toutes les iniquités que tu as pu commettre, car, suivant la parole d’Ézéchiel, le jour où le pécheur se détourne de son iniquité et pratique la justice, Dieu dit : Je ne me souviens plus de ses iniquités. Ta justice, c’est ta foi, car c’est par la foi que vit le juste. Les tribulations, les spoliations, l’exil t’ont rapporté la rémission de tes péchés, la mort t’ouvrira le royaume des cieux. Bientôt ton âme verra le Christ, à la résurrection des corps, ta chair elle-même verra ce que ton âme contemplera bientôt.

Le diable frémit, le Christ se réjouit. Prie, pleure, demande secours, et bientôt ton âme sera consolée. Crains les peines éternelles où l’âme et le corps brûlent avec le diable durant l’éternité, redoute la géhenne et demeure fidèle au Christ. Voici pour toi le moment de vivre ou de périr, car si tu désertes dans ce combat, nul ne te sauvera. A quoi te servirait d’avoir cédé au diable, si tu ne devais pas tarder à perdre la vie ? Et ne sais-tu pas qu’elle est en la puissance de Dieu, que cette vie il peut te l’ôter dans l’instant même, si tu abandonnes la foi ?

Un chrétien qui souffrit pour la foi affirma qu’étendu sur le chevalet, il vit à ses côtés un ange d’un aspect resplendissant, qui tenait un linge imbibé d’eau, avec lequel il essuyait et rafraîchissait son visage. Tant que dura son supplice, l’ange demeura auprès de lui, et ne cessa de le rafraîchir et de le réconforter. Ainsi le confesseur du Christ ne sentit point ses souffrances[25]. Les tourments ne se sentent guère quand on combat pour le Christ, la force d’âme rend maitre des douleurs de ce monde, et l’invocation de la Divinité en adoucit la violence. Souffrant pour le Seigneur, tu peux perdre ta chair, tu ne perdras pas ta foi. Offre à Dieu ta persévérance, et ne crains aucun supplice. Si la douleur est extrême, elle ne dure guère, si elle est légère, elle n’affecte pas profondément l’esprit.

Prie, afin de ne pas déserter la lutte que tu as entreprise. Tu as commencé ton martyre, veille sur ton âme. Je t’en conjure par la Trinité pour laquelle tu souffres la mort, conserve ton cœur, affermis le par l’Esprit Saint dont tu as désiré que le souffle soit en toi, qu’en toi tu as glorifié. Combats avec fermeté pour la pureté du baptême que tu n’as pas voulu renier. Sois certain d’obtenir la couronne, combats avec assurance, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu d’achever ta victoire. Dieu approuve ton courage, l’œil de Dieu est sur toi, il contemple à toute heure tes actes, tes pensées, il te voit. combattre et te voit résister. S’il te voit ferme, il se réjouit, il t’aide ; si tu faiblis, il te secourt et te soutient. Combats pour la vérité jusqu’à la mort ; tu seras une cause de salut non seulement pour toi-même, mais aussi pour les autres, c’est ton âme, ce sont les âmes des autres que Dieu te demande. Tu es le porte-étendard du Christ, tu marcheras le premier au combat. Si tu succombes, tu seras responsable de la perte de bien d’autres, si tu triomphes, tu auras combattu pour le salut d’un grand nombre, et tu auras remporté plus d’une couronne.

Te voici dans l’arène, lutte avec force, sois sans crainte, n’aie peur de rien, que rien ne puisse t’émouvoir. Toute l’Église prie pour toi, l’Église catholique t’attend pour t’honorer comme son martyr ; garde-toi de nous humilier devant nos adversaires. Le Christ lutte avec toi, l’Église résiste avec toi ! Sois assuré de la couronne et ne crains point les péchés que tu as pu commettre, ils sont effacés[26].

L’enthousiasme, l’inébranlable fermeté des catholiques, dont cette lettre nous fournit la preuve, exaspérèrent les craintes et la colère du conquérant. II vit des excitations à la révolte dans les ardentes exhortations à la résistance contre ses tyranniques volontés, que le clergé ne craignait pas de multiplier même en public pour la défense de la foi. Victor de Vite nous apprend en effet que les Vandales considéraient comme des allusions à leur roi les noms de Pharaon, de Nabuchodonosor, d’Holopherne, que les prédicateurs se plaisaient à rappeler dans leurs instructions aux fidèles[27]. Si la lettre d’Antoninus fut répandue parmi les catholiques, comme il y a lieu de le présumer, puisqu’elle est parvenue jusqu’à nous, Genséric dut penser qu’en parlant du diable et des démons, c’était lui-même et les siens que l’évêque de Constantine désignait au mépris et à la haine des Africains.

La lutte contre l’Église, commencée ainsi presque aussitôt après la conquête, se poursuivit pendant le règne de Genséric, plus ou moins violente, suivant les alternatives de guerre et de paix avec l’Empire. Lors de la prise de Carthage, dont la conséquence devait être de susciter contre les Vandales tous les efforts du monde romain, Genséric usa des plus cruelles rigueurs pour détruire le clergé de la capitale africaine, qui, par le nombre et la qualité de ses membres, par ses richesses, par son glorieux passé, par sa grande influence, lui paraissait particulièrement redoutable. Il fit saisir l’évêque Quodvultdeus et un très grand nombre d’ecclésiastiques, les dépouilla de tous leurs biens, sans leur laisser la moindre ressource, et, les ayant fait embarquer sur des vaisseaux en mauvais état, il les expulsa de l’Afrique. Dieu, dans sa miséricorde et sa bonté, ajoute Victor de Vite, leur accorda une heureuse traversée jusqu’à Naples en Campanie[28]. Après l’expulsion de l’évêque et de son clergé, toutes les églises situées dans l’intérieur de la ville furent confisquées avec les richesses qui en dépendaient[29]. La principale, la basilique Restituta, fut livrée au culte arien[30]. On ne laissa pas même aux catholiques les sanctuaires situés hors des murs. Ils furent privés notamment de deux églises importantes et particulièrement vénérées, celles de Saint-Cyprien, construites, l’une à l’endroit où saint Cyprien avait souffert le martyr, l’autre à l’endroit de sa sépulture, en un lieu nommé Mappalia[31]. Le culte catholique fut interdit, même dans les funérailles qui durent se faire en silence, sans aucun chant religieux[32].

La persécution fut ensuite étendue à toute la province Proconsulaire ou Zeugitane, où les barbares furent établis et où il leur importait de ne laisser subsister aucun élément d’opposition. Ordre fut donné aux Vandales de dépouiller partout de leurs biens les évêques et les laïques nobles, de les expulser de leurs églises et de leurs demeures, et de les réduire en esclavage à perpétuité, s’ils tardaient à s’en aller. Cet ordre fut exécuté dans la plupart des localités, ajoute Victor de Vite, et nous avons connu nombre d’évêques, de laïques, de personnes illustres et honorées, qui devinrent esclaves des Vandales[33].

Plusieurs évêques considérables et des personnages illustres de cette province prirent le parti, dans l’espoir d’obtenir grâce, de porter au roi leurs supplications. lis se présentèrent à lui sur le rivage de Maxula[34], vulgairement appelé Ligula[35], où il s’était rendu comme il en avait coutume, el le prièrent de souffrir qu’après avoir perdu leurs églises et tous leurs biens, il leur fût permis au moins de demeurer dans le pays, sous la domination des Vandales, pour consoler le peuple de Dieu. On raconte qu’emporté par un mouvement de colère, Genséric leur fit transmettre cette réponse : J’ai résolu ne n’épargner personne de votre nom et de votre race, et vous avez l’audace de m’adresser une pareille demande ! Il voulut sur l’heure les faire jeter à la mer ; ceux qui l’entouraient eurent les plus grandes peines à l’en détourner et à sauver de sa fureur les malheureux qui avaient pensé l’attendrir[36]. Ces prêtres infortunés s’éloignèrent, accablés de tristesse, mais non découragés. Privés de leurs églises, ils n’en continuèrent pas moins à célébrer les divins mystères où et comme ils le purent[37]. Il semble donc que l’évêque de Carthage et les principaux membres de son clergé furent seuls expulsés de l’Afrique et que, dans les autres localités de la Proconsulaire, on se borna à chasser les prêtres de leurs églises et de leurs résidences, en les laissant libres de se retirer où bon leur semblait. Nos auteurs disent en effet que Quodvultdeus eut comme compagnons d’exil beaucoup d’ecclésiastiques, sans indiquer qu’il y eût parmi eux aucun autre évêque[38]. Cependant, il est fait mention d’un évêque de Bitina, ou plutôt sans doute d’Abitina[39], nommé Septimus Cælius Gaudiosus qui, fuyant la persécution des Vandales, vint avec Quodvultdeus et d’autres prélats à Naples où il fonda un monastère[40].

Dans les autres provinces, où les Vandales ne se trouvaient point établis à demeure, le clergé catholique ne fut point inquiété en masse, mais il fut étroitement surveillé, et le moindre mot d’un sermon qui pouvait. paraitre une allusion malveillante au conquérant suffisait pour que le prêtre qui avait eu l’imprudence de le prononcer ou bien auquel on l’attribuait fût immédiatement exilé[41]. Ce fut le motif du bannissement d’un grand nombre d’évêques, parmi lesquels on cite Urbanus de Girba ou Gilba, dans la Numidie[42], Crescens, métropolitain d’une cité désignée sous le nom d’Aquitania, probablement Ad Aquas dans la Numidie[43], et doyen de cent vingt évêques, Habetdeum de Theudalis, Eustatius de Sufès dans la Byzacène[44]. Deux évêques de la Tripolitaine, Vices ou Vincent de Sabrata[45] et Cresconius d’Oea[46], eurent le même sort[47], mais apparemment plus tard, après 455, quand Genséric se fut emparé de cette province.

Beaucoup d’autres évêques furent bannis sous toutes sortes de prétextes. Félix d’Hadrumète[48] le fut pour avoir admis dans un monastère de sa ville un moine nommé Johannes, venu des pays d’outre-mer[49]. Ces évêques furent chassés, non seulement de leur résidence, mais de l’Afrique, et réduits à chercher un asile en Orient, jusque dans les provinces les plus éloignées, comme le montrent deux lettres adressées par Théodoret à Ibas d’Édesse et à Sophronius de Constantine en Mésopotamie pour recommander à leur charité un évêque africain nommé Cyprianus, que l’inhumanité des barbares avait contraint, dit-il, à errer sur les rivages étrangers et à solliciter les secours des personnes dévouées à Dieu[50]. Cet évêque avait été recommandé par Eusèbe de Galatie à Théodoret, qui, à son tour, prie ses deux correspondants de lui donner des lettres pour les évêques auxquels il voudrait s’adresser afin d’en obtenir des consolations et une assistance temporelle dont Dieu les récompensera par des biens célestes et éternels[51]. Quand les évêques exilés venaient à mourir, il n’était point permis d’en ordonner d’autres en leur place[52]. Genséric comptait ruiner ainsi progressivement la religion catholique dans ses États ; mais, dit Victor de Vite, le peuple fidèle demeura fermement attaché à sa foi, et on vit s’accomplir cette parole de l’Écriture : Plus on les affligeait, plus ils augmentaient en force et en nombre[53]. Lors de la paix conclue par Sévère entre le royaume des Vandales et l’Empire, ceux des exilés qui survivaient encore rentrèrent dans leurs diocèses. On voit figurer en effet parmi les évêques qui prirent part, en 484, à la conférence convoquée par Hunéric à Carthage Eustatius de Sufès et Cresconius d’Oea[54].

La paix de 442 n’apporta point immédiatement aux catholiques le répit qu’ils en pouvaient espérer. Il parait en effet certain que les exilés ne furent point rappelés, puisqu’en 451, on voit deux d’entre eux, Resticianus, dont l’évêché n’est point indiqué, et Aurelius d’Hadrumète[55], siéger au concile de Chalcédoine, où ils sont toujours nominés des derniers dans les listes de présence[56], ce qui marque évidemment qu’ils n’y étaient point comme délégués de l’Église d’Afrique[57]. Mais peu à peu, l’état de paix se prolongeant, la persécution devint moins rigoureuse. En 454 Genséric, cédant enfin aux instances de l’empereur Valentinien, permit qu’un nouveau métropolitain fût ordonné à Carthage en remplacement de Quodvultdeus mort en exil. Deogratias, dont l’ardente charité devait bientôt soulager les cruelles misères des captifs romains et dont les vertus excitèrent l’envie et la haine des prêtres ariens, fut élevé au trône épiscopal, dans la basilica Fausti, le dimanche 24 octobre de cette même année[58]. Plusieurs églises furent rouvertes à Carthage, et il semble que la permission d’avoir des évêques fut accordée dans toute la Proconsulaire[59].

Deogratias gouverna son église pendant trois ans[60]. Après sa mort, il fut de nouveau interdit d’ordonner des évêques, tant à Carthage que dans la Proconsulaire[61], où les évêchés étaient au nombre de cent soixante-quatre[62]. Ils demeurèrent successivement vacants par la mort de leurs titulaires. Au temps où Victor de Vite écrivait son histoire de la persécution des Vandales, Vincentius de Gegetu[63], Paul de Sinnar[64], et Quintianus d’Urci[65] étaient les trois seuls évêques subsistant encore dans cette province ; si, ajoute Victor de Vite, ils sont encore en vie[66]. Tous trois en effet étaient chassés de leurs diocèses : Vincent de Gegetu et Paul de Sinnar étaient en exil[67], Quintianus d’Urci, fuyant la persécution des Vandales, avait cherché un refuge à Édesse en Macédoine[68]. Mais ceci se passait vers l’an 487. En 457 ou 458, lors de la mort de Deogratias, on était au temps de l’avènement de Majorien, et Genséric, qui craignait d’être attaqué en Afrique, redoublait ses rigueurs contre les catholiques, dont il redoutait plus que jamais le dévouement à l’Empire. Cc fut l’époque où, sous soit règne, ils eurent le plus à souffrir.

Genséric donna mission à un certain Proculus de parcourir la province Proconsulaire ou Zeugitane, et de contraindre partout les prêtres à livrer les livres et les objets sacrés. Son but était de les soumettre plus facilement à sa volonté en les privant de tous moyens de célébrer le culte. Comme les prêtres protestaient hautement qu’ils ne pouvaient obéir, Proculus et ceux qui l’accompagnaient se mirent à piller toutes les églises et poussèrent la profanation jusqu’à employer les nappes d’autels à se faire des chemises et des caleçons. Ce Proculus, ajoute Victor de Vite, finit par une mort misérable, se mangeant lui-même la langue dans une sorte de rage. Un évêque nommé Valerianus[69] avait opposé une énergique résistance à l’ordre de livrer les choses saintes. Bien qu’il fût âgé de plus de quatre-vingts ans, il fut chassé tout.seul de sa ville, et défense fut faite de lui donner asile dans aucune maison ou dans aucune propriété. Il fut longtemps réduit à coucher en plein air le long des chemins. Nous le vîmes nous-mêmes en cet état, dit Victor de Vite, et eûmes l’honneur de le saluer[70].

Il advint dans une localité nommée Regia[71] que les fidèles rouvrirent, pour célébrer la fête de Pâques, l’église qui avait été fermée. Les ariens en furent avertis. Aussitôt Adduit, un de leurs prêtres, résolut d’exterminer la foule innocente des catholiques. Il courut assembler des hommes en armes, dont les uns pénétrèrent dans l’église l’épée à la main, tandis que les autres, montés sur le toit, tiraient des flèches par les fenêtres. A ce moment, un lecteur se trouvait à l’ambon et chantait l’Alleluia. Une flèche l’atteignit à la gorge, le livre lui tomba des mains, et l’instant d’après lui-même tomba mort. Un certain nombre d’autres personnes furent tuées à coups de flèches et de javelots, au pied même de l’autel. Quant à ceux qui ne furent pas massacrés, presque tous, surtout ceux d’un âge avancé, périrent dans les peines qui leur furent infligées par ordre du roi[72]. Dans d’autres localités, comme à Thunusuda ou Tinuzuda[73] et dans un hameau dépendant d’Ammonia[74], les ariens en fureur envahirent les églises au moment où on distribuait les sacrements au peuple, jetèrent par terre le corps et le sang du Christ, selon l’expression de Victor de Vite, et les foulèrent aux pieds[75].

Ces actes de violence semblent le fait du fanatisme des prêtres ariens. Contrairement à ce que croit Victor de Vite, quand il parle de peines infligées par ordre du roi aux catholiques de Regia, ils ne furent point l’exécution de mesures ordonnées par le pouvoir royal. Ils furent en effet commis en Numidie, et le culte catholique ne fut interdit que dans la Proconsulaire. Victor de Vite lui-même l’atteste à plusieurs reprises[76], et ce qu’il dit des rigueurs exercées contre les prêtres des autres provinces, accusés d’allusions malveillantes au roi dans leurs sermons, prouve de la façon la plus certaine que la religion romaine y était autorisée et ouvertement pratiquée[77]. Même dans la Proconsulaire, les évêques et les prêtres principaux furent seuls bannis et persécutés. Les ecclésiastiques de moindre importance, les moines, les religieuses, les fidèles de condition modeste qui n’étaient point au service de l’État ou des Vandales ne furent pas inquiétés, les catholiques et les moines eurent même la liberté de visiter dans les prisons ceux des leurs qui s’y trouvaient détenus[78]. Les monastères continuèrent à subsister, à recevoir de nouveaux religieux[79] ; ils existaient encore sous le règne d’Hunéric[80], et on voit dans les actes d’un concile tenu à Carthage en 525 qu’ils ne furent jamais supprimés[81].

En ruinant l’Église catholique dans la contrée où il avait établi les conquérants, en la réduisant à n’y pouvoir être qu’une religion de petites gens s’exerçant en secret, Genséric paraît avoir eu pour but principal de soustraire ses guerriers et leurs chefs à tout essai de propagande, et de conserver intacte parmi eux la foi arienne, considérée comme une garantie de leur fidélité. Sa pensée purement politique se comprend aisément. Les haines religieuses entretenaient l’hostilité des Vandales contre les Romains, et le fait d’appartenir à une secte rigoureusement proscrite par les lois de l’Empire les mettant dans l’impossibilité de s’accommoder du régime impérial, devait, semblait-il, les défendre des tentatives de corruption dont on pouvait avoir l’idée à Rome et à Byzance, et dont l’avidité des barbares pouvait donner sujet de craindre le succès.

Ce fut cette même pensée politique qui détermina Genséric à vouloir imposer sa croyance aux Africains qui s’étaient mis à son service ou qui, placés dans l’entourage des principaux de sa nation, se trouvaient à même d’acquérir et d’exercer sur eux quelque influence. Dans le monde entier, le catholicisme était la religion de l’Empire, l’arianisme la religion des barbares ; se convertir à leur secte, c’était se faire des leurs, se dévouer irrévocablement à leurs intérêts et se rendre à jamais tout retour impossible. Ce gage de dévouement absolu, Genséric l’exigea, d’abord dans certains cas, ensuite d’une façon générale, de ceux que lui-même employait ou qu’employaient les siens. A l’égard de ceux qui le lui refusèrent, il se montra d’une cruauté implacable, non par fanatisme, mais par intérêt politique. On a vu quel fut le sort du comte Sébastien, d’Arcadius, de Paschasius, de Probus et d’Eutycianus. Après le sac de Rome et la rupture de la paix de 442, il fut ordonné que nul, s’il n’était arien, ne serait admis aux emplois de la cour du roi ou des maisons de ses fils[82]. Cette décision fut suggérée au roi, dit Victor de Vite, par les évêques de sa secte[83]. C’est possible, mais le besoin de s’assurer par ce moyen l’entière fidélité de son entourage et plus encore peut-être de l’entourage de ses fils, suffit à expliquer une mesure imitée de la législation romaine qui excluait les ariens de toute charge à la cour impériale[84]. Genséric, engagé dans une lutte décisive contre l’Empire, avait à craindre qu’on organisât la trahison autour de lui et surtout qu’on préparât la ruine de son royaume en gagnant ses fils à la cause romaine, comme il advint plus tard de son petit-fils Hildéric[85].

Ce furent les catholiques au service de ses fils qui eurent à subir les plus cruelles rigueurs. De ce nombre fut Armogaste. Il appartenait, suivant Victor de Vite, à la maison de Théodoric, fils du roi[86]. Son refus de renier sa foi l’exposa aux plus horribles tourments, qui tournèrent miraculeusement à la confusion de ses persécuteurs. A plusieurs reprises, on lui serra les jambes et le front avec des cordes ; dès qu’il levait les yeux au ciel, elles se rompaient comme les fils d’une toile d’araignée. C’était en vain que les bourreaux prenaient des cordes beaucoup plus solides ; à peine avait-il invoqué le nom du Christ qu’elles tombaient en poussière. On le pendit par un pied la tête en bas ; il parut à la vue de tous dormir comme s’il était étendu sur un lit de plumes. Théodoric ordonna alors qu’on lui tranchât la tête, mais Jocundus, prêtre arien de l’intimité du prince[87] intervint et dit : Faites-le plutôt périr à force de misère, car si on le tue par l’épée, les Romains[88] se mettront à le proclamer martyr. Sur quoi, Théodoric le condamna d’abord à des travaux de terrassement dans la Byzacène, puis, comme pour lui infliger un plus grand opprobre en l’exposant aux regards de tout le monde, il lui fit garder les vaches non loin de Carthage. Vint enfin le jour où Armogaste connut par une révélation de Dieu que l’heure de sa mort, de sa dormition selon l’expression de Victor de Vite, était prochaine. Il appela un chrétien vénérable, nommé Félix, qui était procurateur de la maison du fils du roi, et lui dit : Le temps de ma délivrance est arrivé. Je vous conjure, par la foi que nous professons l’un et l’autre, de m’ensevelir sous ce chêne vert. Si vous ne le faites, vous aurez à rendre compte à notre Dieu. Ce n’était pas qu’il eût cure de l’endroit où reposerait son corps, mais il fallait qu’apparût au grand jour ce que le Christ avait révélé à son serviteur. Félix, qui le vénérait comme un apôtre, lui répondit : Point du tout, vénérable confesseur ; ce sera dans une des basiliques que je vous donnerai la sépulture, avec honneur et triomphe suivant vos mérites. — Non, reprit le bienheureux Armogaste, vous ferez comme je vous ai dit. Félix, craignant de contrister l’homme de Dieu, lui promit d’accomplir sa volonté. Bientôt, très peu de jours plus tard, il passa, confessant la vraie foi[89], de cette vie en l’autre, et Félix s’empressa de creuser sa tombe sous l’arbre qu’il lui avait désigné. L’enchevêtrement des racines et la dureté du sol ralentirent son travail, en lui opposant un obstacle qui lui fit craindre de ne pouvoir enterrer qu’avec trop de retard le corps du saint. Enfin, après avoir coupé les racines, il creusa très profondément la terre. Il aperçut alors un sarcophage tout préparé, d’un marbre magnifique et tel que peut-être jamais roi n’en eut le pareil[90].

Il est à remarquer dans ce récit que tous les serviteurs des princes ne furent point en même temps contraints de renier leur foi, puisque Félix était, est-il dit, un vénérable catholique, et l’était donc ouvertement. II est à supposer que ceux-là furent persécutés qui, par l’ardeur de leur zèle inspiraient au roi des craintes de propagande en faveur des Romains, ou provoquaient l’animosité des ariens ; on en peut voir la preuve dans l’histoire de Saturus, procurateur de la maison d’Hunéric, le fils aîné du roi[91]. C’était, dit Victor de Vite, un membre très en vue de l’Église du Christ et un catholique qui ne se laissait point intimider. Il ne se gênait pas pour reprocher aux ariens leurs erreurs et leurs fautes. Il fut dénoncé par Marivadus[92], diacre arien qu’Hunéric avait le malheur de tenir en particulière estime, et on décida de le forcer à embrasser l’arianisme. On résolut de lui promettre honneurs et richesses, s’il cédait, de lui réserver les plus cruels supplices, s’il résistait. II fut donc mis en demeure de choisir, et on le menaça, s’il n’obéissait pas aux ordres du roi, de confisquer sa maison et tous ses biens, de lui prendre ses esclaves et ses enfants, et de livrer, lui présent, sa femme en mariage à un conducteur de chameaux. Lui, plein de l’esprit de Dieu, ne fit que provoquer ces impies à exécuter au plus vite leurs menaces ; mais, à son insu, sa femme les supplia de lui accorder quelque délai, puis tenta de le fléchir. Il était seul, en prière, quand elle se présenta à lui, les vêtements déchirés, les cheveux épars, accompagnée de ses enfants, et portant dans ses bras une petite fille qu’elle allaitait encore. Elle déposa cet enfant aux pieds de son mari dont elle embrassa les genoux. Aie pitié de moi et de toi-même, cher époux, soupirait-elle. Aie pitié de nos enfants qui te supplient avec. moi. Qu’ils ne soient point réduits à une condition servile, eux à qui nous avons donné une naissance illustre ; que je ne sois point soumise, du vivant même de mon mari, à une indigne et honteuse union, moi qui parmi mes compagnes me suis toujours fait gloire d’être ton épouse. Dieu sait que tu ne feras que malgré toi ce que tant d’autres peut-être ont fait volontairement. Il lui répondit, avec le saint homme Job : Tu parles comme une femme insensée. Je tremblerais, s'il n’y avait d’autre félicité que l’amère douceur de cette vie. Tu te fais, ma femme, le ministre des artifices du diable. Si tu aimais vraiment ton mari, tu ne tenterais pas de l’entraîner à la mort éternelle. Qu’ils enlèvent mes enfants, qu’ils me séparent de ma femme, qu’ils me privent de mes biens ; quant à moi, sûr des promesses du Seigneur, je demeurerai fidèle à sa parole : Qui n’abandonne pas femme, enfants, champs ou maison ne peut être mon disciple. Quand sa femme, n’ayant rien pu gagner sur lui, se fut éloignée avec ses enfants, il fortifia son Mue en vue du martyre. Ses biens furent confisqués, il fut entièrement dépouillé, accablé de tourments, réduit à la mendicité ; il lui fut même interdit de se montrer. On lui enleva tout, conclut Victor de Vite, on ne put lui enlever la pureté du baptême[93].

Dans le même temps[94], un autre catholique, persécuté pour sa foi, fit preuve d’une égale fermeté. Archinimus de Mascula[95] était au service du roi, la suite de ce récit semble du moins l’indiquer. On avait vainement essayé par divers artifices de l’amener à renier la foi catholique. Le roi lui-même intervint, cherchant à le gagner par ses caresses, lui promettant de le combler de richesses et de satisfactions, s’il se soumettait à sa volonté. Il demeura inébranlable, et Genséric ordonna de lui faire subir la peine capitale. Mais ce prince, toujours rusé, commanda en secret de ne le tuer que s’il témoignait un mouvement de crainte au moment où brillerait l’épée et, pour qu’on n’en pût faire un glorieux martyr, de ne pas l’exécuter s’il montrait une résolution intrépide. Le Christ mit en lui une fermeté telle qu’il resta immobile comme une colonne, et il revint de cette épreuve en glorieux confesseur[96].

De même qu’à sa cour et dans l’entourage de ses fils, Genséric voulut empêcher par de cruels exemples toute propagande catholique dans les maisons des chefs vandales, comme le prouvent les faits suivants rapportés par Victor de Vite à peu près en ces termes : Un chef vandale, de ceux qu’on nommait millénaires, avait comme esclaves quatre frères, Martinianus, Saturianus, et deux autres dont les noms ne sont point indiqués. Il avait également une esclave, Maxima, excellente servante du Christ, belle de corps et d’âme. Martinianus, qui était armurier, plaisait beaucoup à son maitre, dont Maxima gouvernait toute la maison. Le Vandale pensa se les rendre plus dévoués en les associant par un mariage..Martinianus, comme tout jeune homme qui ne s’est pas voué à la vie religieuse, était bien aise de se marier ; Maxima au contraire s’était déjà consacrée à Dieu et ne voulait point s’unir à un homme. Quand ils se trouvèrent seuls dans leur chambre, Martinianus, ignorant les desseins de Dieu à son égard, voulut s’approcher d’elle comme de sa femme ; alors la servante du Christ lui dit avec animation : Martinianus, mon frère, j’ai consacré mon corps au Christ. Ayant un fiancé céleste, je ne puis m’unir en mariage à un homme. Mais laisse-moi te donner un conseil. Si tu voulais, tu pourrais avoir, toi aussi, la joie de servir celui auquel j’ai désiré être unie. Par la grâce de Dieu, il en fut ainsi ; le jeune homme écouta la jeune fille et sauva son âme. A l’insu du Vandale qui continuait à ignorer le commerce spirituel établi secrètement entre eux, Martinianus, pénétré de la grâce et tout changé, persuada à ses frères de prendre part au trésor qu’il avait trouvé. Convertis tous les quatre, ils sortirent en secret pendant la nuit de la demeure de leur maître, en compagnie de la jeune fille, et se retirèrent au monastère de Tabraca[97] en Numidie, que gouvernait alors l’illustre pasteur Andreas. Maxima entra dans un monastère de vierges, voisin du monastère d’Andreas. Cependant le barbare, leur maitre, multipliait informations et récompenses pour savoir ce qu’ils étaient devenus. Il finit par découvrir leur retraite. Les serviteurs de Dieu, qui avaient cessé d’être les esclaves de cet homme pour appartenir au Christ, furent jetés dans les fers et accablés de tourments. Le Vandale voulut forcer Martinianus et Maxima à vivre ensemble, et tous les cinq à violer la pureté de leur foi par un second baptême.

Tout ceci vint à la connaissance de Genséric ; il enjoignit au maitre de ne point cesser de tourmenter ses esclaves jusqu’à ce qu’ils se fussent soumis à sa volonté. On les fustigea avec de solides bâtons découpés en forme de scies[98] ou plus exactement dentelés comme des feuilles de palmier, qui étaient assez forts pour rompre à os et dont les pointes se brisaient et demeuraient dans les plaies. Leur sang coulait, leurs chairs déchirées laissaient à nu leurs entrailles, et dès le lendemain, guéris par le Christ, ils se retrouvaient en pleine et parfaite santé. Ce supplice leur fut infligé bien des fois et pendant longtemps ; toujours le Saint-Esprit les guérit ; on ne voyait aucune trace de leurs blessures. Ils furent ensuite étroitement resserrés dans une dure prison[99] et enchaînés par les pieds à un poteau[100]. Tandis qu’ils étaient ainsi détenus, des serviteurs de Dieu ne manquaient pas de les visiter fréquemment. II advint qu’à la vue de tous, le poteau solide et épais tomba en poudre comme un bois pourri. Ce miracle est universellement, célèbre, ajoute Victor de Vite, et nous a été attesté sous serment par l’homme qui était de garde auprès des prisonniers[101].

Le Vandale n’en continua pas moins à méconnaître la puissance divine. Alors la vengeance de Dieu s’appesantit sur sa maison. Lui-même et ses enfants moururent en même temps, ses meilleurs esclaves, les animaux de prix qu’il possédait périrent également. Sa veuve, ayant tout perdu, mari, enfants, fortune, offrit les serviteurs de Dieu en présent à un parent du roi, nommé Sersaon. Celui-ci accepta ce cadeau avec une vive gratitude ; mais, quand les saints furent en sa possession, le démon commença à agiter de diverses façons ses enfants et les gens de sa maison. Il ne manqua pas de parler de ces faits au roi, son cousin. Le roi décida de reléguer Martinianus et ses frères chez les Maures et de les faire conduire à un chef de tribu, qui avait nom Capsur. Quant à Maxima, il eut honte de lutter contre une fille qu’il voyait bien ne pouvoir vaincre ; il la laissa aller à sa propre volonté[102]. Elle existe encore aujourd’hui, vierge et mère de nombreuses vierges de Dieu, écrit Victor de Vite en 487, et elle ne nous est point inconnue à nous-même[103].

Martinianus et ses frères furent livrés à Capsur, qui résidait dans une région du désert appelée Capra Picta. Arrivés parmi les païens de cette contrée et voyant qu’il s’y faisait des sacrifices sacrilèges, les saints disciples du Christ se mirent, par leurs prédications et leurs entretiens, à initier ces barbares à la connaissance de Dieu. Ils acquirent ainsi au Christ une multitude de païens, dans un pays où son nom n’avait même jamais été prononcé jusqu’alors. Ils pensèrent ensuite à répandre dans le terrain qu’ils avaient défriché la semence de la prédication évangélique et à l’arroser de la pluie sacrée du baptême. Ils réussirent à envoyer, au delà du désert qui les séparait du monde chrétien, jusqu’à une ville romaine dont ils firent prier l’évêque de déléguer vers ce peuple, déjà croyant, un prêtre et des ministres. L’évêque accueillit avec joie leur demande, et bientôt la nouvelle église de Dieu fut fondée[104]. Les barbares se pressèrent en foule pour recevoir le baptême, une troupe de loups devint un troupeau d’agneaux. Capsur donna avis de tout cela à Genséric. Celui-ci prit ombrage de ces progrès de la foi. Il craignit évidemment que la propagande catholique parmi les Maures n’eût pour effet de les détourner de son alliance et de les rendre favorables à l’Empire. Il envoya l’ordre d’attacher les serviteurs de Dieu par les pieds derrière des quadriges qu’on lancerait à travers les maquis, pour que leurs corps fussent déchirés par les bois et les épines ; et afin que leur mort fût rendue plus cruelle par la vue du supplice de leurs frères, il recommanda de les lier de façon qu’ils pussent se voir les uns les autres. Les Maures éclatèrent en sanglots quand ils les virent liés ainsi aux chariots que les chevaux commençaient à entrainer dans leur course[105] tandis que les martyrs, se regardant entre eux, s’adressaient ce suprême adieu : Frère, prie pour moi. Dieu accomplit notre désir ; c’est par ce chemin qu’on parvient au royaume des cieux. Priant et chantant des psaumes, ils rendirent leurs limes à Dieu, à la vue des anges qui se réjouissaient. Notre Seigneur Jésus-Christ, continue Victor de Vite, n’a point cessé jusqu’à nos jours d’accomplir de grands miracles dans le lieu où ils ont souffert ; car le bienheureux Faustus, évêque de l’ecclesia Burunitana[106], nous a jadis attesté qu’une femme aveugle y a recouvré la vue en sa présence[107].

Si Genséric avait recours aux plus cruelles rigueurs pour empêcher la propagande catholique parmi les Vandales, il devait, semble-t-il, se montrer plus impitoyable encore à l’égard de ceux de sa nation qui se convertissaient à la religion romaine. Ils furent sans doute peu nombreux, car on ne trouve, sous son règne, que deux exemples de barbares ayant souffert pour la foi, et ces cas ne nous étant indiqués que par une simple mention, sans aucun détail, il y a lieu de penser qu’ils avaient passé presque inaperçus. Deux frères de la nation des Vandales, qui, sous Hunéric, abandonnèrent tous leurs biens pour suivre, avec leur mère, les ecclésiastiques de Carthage dans leur exil, avaient, est-il dit, été confesseurs à diverses reprises, dès le temps de Genséric[108], et il est dit également qu’à la même époque Dagila, femme d’un cellarita du roi, qui fut une des victimes de la persécution d’Hunéric, avait plusieurs fois mérité d’être mise au rang des confesseurs[109].

Dans les différents récits qui précèdent et auxquels, pour n’en point modifier le caractère, on s’est appliqué à conserver scrupuleusement la forme que leur a donnée l’historien contemporain de la persécution des Vandales, il y a lieu d’observer qu’à l’exception de Martinianus et de ses frères, traités tous les quatre comme des esclaves révoltés, les confesseurs de la foi dont l’histoire nous est contée avec des détails précis furent exilés, spoliés et maltraités, mais ne périrent point de mort violente. Si on tient compte de la cruauté des procédés de répression et du peu de respect de la vie humaine à cette époque, on doit reconnaître que la persécution, sous Genséric, ne fut pas extrêmement violente. Elle n’atteignit que des personnes isolées, en petit nombre et pour des motifs déterminés. A aucun moment elle ne devint générale et, jusqu’en 484, à la fin du règne d’Hunéric, il n’y eut jamais d’édit contre les catholiques. Ceux d’entre eux qui furent tourmentés ou proscrits le furent par un ordre spécial du roi, par une sorte de mesure de haute police. Le témoignage de Victor de Vite est formel à cet égard ; dans tous les cas qu’il cite, il fait mention d’un ordre royal[110], dont l’exécution est confiée, non aux magistrats, mais à un personnage ou à un agent spécialement désigné[111].

Même à Carthage, le culte catholique ne fut pas entièrement supprimé pendant la plus grande partie du règne de Genséric. Ce ne fut qu’après les persécutions dont avaient été l’objet des officiers de sa cour et de la maison de ses fils que, peut-être à l’époque de l’expédition de Basiliscus, il fit fermer l’église dans sa capitale et dispersa en plusieurs lieux d’exil ce qu’il y restait de prêtres et de ministres[112]. On se souvient que, depuis la mort de Deogratias, il avait été défendu d’y ordonner un évêque. Cette suppression complète du culte fut, comme les mesures prises précédemment, prescrite par un ordre du roi, et non en exécution d’un édit[113]. L’église ne fut rouverte à Carthage qu’après la paix définitive avec l’Empire. Lors du traité qu’il conclut en 475 entre l’empereur Zénon et le roi des Vandales, Sévère obtint, et sans doute imposa comme condition, le rétablissement du culte catholique[114]. Les prêtres réfugiés dans les diverses provinces du monde romain revinrent alors de leur exil[115]. Ils étaient destinés à souffrir, sous le successeur de Genséric, de nouvelles et plus terribles épreuves, dont nous avons eu occasion ailleurs de rappeler les circonstances[116].

Si les évêques proscrits reprirent possession de leurs églises, les sièges dont les titulaires étaient morts demeurèrent vacants. il continua à être interdit d’ordonner de nouveaux évêques. On ne voit en effet d’exception à cette défense qu’en 481, et pour Carthage seulement. A cette époque, trois ans après l’avènement d’Hunéric, sa belle-sœur Placidie, veuve d’Olybrius, et l’empereur Zénon le firent prier par un ambassadeur, nommé Alexandre, de permettre que l’église de Carthage eût un évêque librement élu[117]. Hunéric qui, en ménageant les catholiques dans ses États, espérait obtenir de la cour de Byzance des ménagements analogues pour les ariens, y consentit, et saint Eugène fut ordonné, vingt-quatre ans après la mort de Deogratias[118] ; mais la tolérance du roi ne fut point étendue aux autres églises de la Proconsulaire. Dans cette province qui comptait cent soixante-quatre évêchés[119], il n’y avait en effet en 484 que cinquante-quatre évêques[120] et vers 487, à l’époque où Victor de Vite. écrivait son histoire de la persécution des Vandales, suivant cet auteur, il n’en subsistait plus que trois.

Les mêmes raisons politiques qui amenèrent Genséric à persécuter l’Église, le déterminèrent à ruiner et à détruire entièrement l’aristocratie dans la contrée où il établit ses guerriers, de sorte qu’on avait peine à discerner, dit un chroniqueur, si c’était à Dieu ou bien aux hommes qu’il était le plus hostile[121]. On a vu comment les nobles de la Proconsulaire furent expropriés de leurs domaines. Il fut ordonné par le roi que ceux qui ne s’empresseraient pas de quitter leurs foyers et d’abandonner tous Leurs biens tomberaient avec ce qu’ils possédaient au pouvoir des conquérants et demeureraient en servitude à perpétuité[122]. Tel fut en effet le sort de plusieurs, et nous avons connu, ajoute Victor de Vite, des évêques et des laïques, hommes illustres et honorés, qui étaient esclaves de Vandales[123]. Le Sénat ou l’ordre des décurions de Carthage formait une très importante aristocratie municipale et provinciale, comblée par les empereurs de distinctions honorifiques[124]. Anéantir ce corps, puissant par son influence et dévoué à Rome, c’était pour Genséric supprimer dans sa capitale le principal élément d’opposition. Lors de la prise de Carthage, les sénateurs et leurs familles furent traités sans pitié. Ils furent spoliés de tous leurs biens et il ne leur fut même pas permis de demeurer dans leur patrie ; Genséric les expulsa de l’Afrique[125].

La plupart d’entre eux, parmi lesquels Gordien, le grand-père de saint Fulgence, évêque de Ruspe[126], s’embarquèrent pour l’Italie[127], d’autres cherchèrent un refuge dans les provinces de l’Orient. De ce nombre fut Celestiacus, dont les infortunes nous sont un exemple du sort réservé à ces malheureux, tombés de la situation la plus haute, de la plus splendide opulence au dénuement le plus absolu, réduits à errer par le monde en sollicitant les secours et la charité de ceux qui ne pouvaient voir leur misère sans verser des larmes[128]. Celestiacus, jadis l’ornement de la curie de Carthage, était un sénateur issu d’une des plus illustres familles[129]. Riche et puissant[130], possesseur de nombreux domaines[131] habitué à ouvrir sa maison à la foule de ses hôtes, il ne pensait pas avoir jamais besoin de l’assistance d’autrui[132]. En un instant son opulence s’évanouit comme un songe[133]. Tout lui fut enlevé, il ne lui resta d’autre bien que la liberté. Échappé des mains des barbares, errant sans ressources de ville en ville, il se vit obligé, suivant la belle expression de Théodoret, pour sustenter sa vie, de chercher du regard les mains de ceux à qui l’amour de Dieu inspire la charité[134]. Il avait avec lui sa femme, ses enfants et des serviteurs qu’il gardait, non pour son usage, mais par humanité, ne pouvant congédier ceux dont la fidélité ne l’avait point abandonné[135]. La nécessité de pourvoir à l’existence de ses compagnons d’infortune augmentait sa misère, sans jamais décourager sa fermeté d’Aure et sa pieuse résignation[136] ; il supportait la pauvreté comme bien peu savent supporter la richesse[137]. Louant la Providence et se confiant à elle, il tenait pour peu de chose la terrible tourmente dont il était victime, et il considérait comme le plus précieux des biens la piété qu’il devait à tant de calamités ; car, au temps de sa prospérité, il ne parlait pas ainsi et ne possédait pas les trésors de l’âme qui lui donnaient désormais la force de mépriser l’adversité[138].

C’est en ces termes que Théodoret, qu’il était venu trouver avec des lettres de recommandation et dont il fut l’hôte pendant bien des jours[139], fait l’éloge de ses mérites, en le recommandant à son tour à la pitié d’un personnage nommé Apellion[140], du sophiste Acrius[141], des évêques Domnus d’Antioche, Théoctiste de Bérée, Irénée de Tyr, Pompéien d’Émèse[142], aux comtes Stasimus et Patricius[143]. La diversité de ces personnages et de leurs résidences fait voir la vie errante de cet infortuné en quête d’une assistance capable de lui restituer une patrie, suivant l’expression de Théodoret, qui exhortait ceux qui avaient abondance de richesses à consoler et à soulager l’indigence d’un homme naguère de leur classe[144]. La lettre adressée à Domnus d’Antioche fait voir de plus que Celestiacus poursuivit pendant plusieurs années ses pénibles voyages, sans trouver un refuge où il pût se fixer. On sait en effet que Joannès, le prédécesseur de Domnus, fut élevé au siège d’Antioche en 429, et qu’il gouverna son église pendant treize ans[145]. Il ne mourut donc et Domnus ne put lui succéder qu’en 442, ou au plus tôt à la fin de 441, s’il n’avait pas complètement achevé la treizième année de son épiscopat ; de sorte que ce ne fut certainement pas avant la fin de 442 que Théodora adressa au nouvel évêque d’Antioche sa lettre de recommandation. Trois ans s’étaient écoulés depuis la prise de Carthage, et depuis trois ans Celestiacus vivait en exil. Ses malheurs furent ceux de bien d’autres fugitifs dont l’unique ressource était la charité de ceux qui compatissaient à leur misère[146]

Ils ne furent pas les plus malheureux. Il y eut un nombre considérable de sénateurs et de personnes des premières familles de Carthage qui, tombés aux mains des vainqueurs, furent traités en captifs[147], et même vendus comme esclaves. Tel fut le sort d’une jeune fille dont une lettre de Théodoret nous fait connaître la triste destinée. Elle s’appelait Maria et son père, Eudémon, était un personnage de la plus haute qualité. Au temps des désastres qui accablèrent l’Afrique, c’est-à-dire sans doute lors de la prise de Carthage, elle perdit la liberté. Des marchands l’achetèrent aux barbares qui l’avaient réduite en servitude, et allèrent la vendre à des habitants de Cyrrhus. Ils leurs vendirent également une autre jeune fille capturée avec elle et jadis sa servante. Celle-ci, loin d’oublier dans leur commun malheur la différence de leur ancienne condition, ne cessa point de lui témoigner respect et dévouement. Après que toutes deux avaient rempli leur service auprès de leurs maîtres, elle la servait, l’aidait à sa toilette, préparait son lit, lui rendait toutes sortes de soins. Ce fait vint à la connaissance de ceux qui les avaient achetées et on ne tarda pas à parler en ville de la qualité de Maria et de la fidélité de sa servante. Des hommes d’armes qui étaient à Cyrrhus en furent informés. Animés de bons sentiments, ils remboursèrent aux acheteurs le prix payé par eux, et tirèrent Maria de servitude. Théodoret, l’évêque de la ville, était alors absent. A son retour il apprit cette triste aventure et l’action si louable de ces hommes d’armes. Il les complimenta de leur générosité, confia la noble jeune fille aux soins d’un de ses diacres et pourvut à ce qu’elle ne manquât de rien. Dix mois s’écoulèrent, puis un jour Maria apprit que son père était vivant et exerçait une magistrature dans les provinces de l’Occident. Elle témoigna le désir d’aller le rejoindre et, différentes personnes lui ayant affirmé que des marchands de l’Occident devaient bientôt se rendre pour une foire à Ægæ[148], elle demanda à partir pour cette ville et sollicita de Théodoret une lettre de recommandation. Théodoret écrivit donc à Eustathius, l’évêque d’Ægæ, le priant de charger quelqu’un en qui il pût avoir confiance de traiter avec des armateurs et des capitaines de navires, afin que Maria fût reconduite par des gens sûrs à son père, qui ne manquerait pas de les récompenser généreusement de lui avoir rendu sa fille contre toute espérance[149].

Des aventures semblables à celles de la fille d’Eudémon furent sans doute fréquentes après l’invasion de l’Afrique, et toutes n’eurent certainement pas une fin aussi heureuse. Ce fut peut-être à l’époque de la prise de Carthage[150] par Genséric que fut capturée une jeune fille de cette ville, nommée Julia, qui devint esclave d’un certain Eutychius de Syrie, ou de Palestine. D’une ardente piété, elle consacrait à la prière et à de pieuses lectures tous les instants que lui laissait le service de son maître, qu’elle mettait une extrême diligence à satisfaire. Elle se soumettait à des jeûnes si rigoureux que son maitre, qui l’admirait, bien qu’il fût païen, l’exhortait souvent à avoir pour elle-même plus de ménagements ; mais ni instances, ni recommandations ne la déterminaient à modifier le genre de vie qu’elle avait adopté et dont elle ne se relâchait que le jour de la résurrection du Seigneur. Il advint dans la suite que son maitre se rendit avec elle dans l’île de Corse. Comme les païens qui s’y trouvaient faisaient des sacrifices, Eutychius en fit également, et Julia vit ce sacrilège avec douleur. Le personnage principal de cette contrée, Félix, surnommé le Saxon, apprit qu’elle ne voulait pas sacrifier. Il demanda à son maître de la lui céder, offrant de donner en échange quatre servantes. Eutychius refusa de se défaire de Julia à cause des grands services qu’elle lui rendait. Alors Félix l’invita à un repas et le fit boire jusqu’à ce qu’il s’assoupit dans une complète ivresse. Le dessein de Félix était de faire enlever Julia du vaisseau de son maitre, sans que celui-ci en pût rien savoir ; ce qui fut fait. Julia fut amenée à Félix qui, ne pouvant la décider par ses instances à sacrifier, la fit souffleter, tirer par les cheveux, flageller et enfin crucifier. Elle rendit le dernier soupir sur le gibet. A l’instant où elle expira, une colombe sortit de sa bouche et s’envola au ciel. Dieu permit que des moines de l'île Margarita, l’île Gorgona, apprissent par des anges les circonstances de sa mort. Ils s’embarquèrent aussitôt et se rendirent en Corse. Ils déposèrent de la croix, avec le plus grand respect, le corps de Julia et le portèrent au plus vite dans leur île, où ils l’ensevelirent avec des parfums et lui élevèrent un monument. Dans la suite, Ariza, femme de Didier, roi des Langobards, la fit transporter à Brixia (Brescia) dans un monastère qu’elle construisit en son honneur[151].

Il se trouve dans ce récit, tiré d’auteurs dont l’autorité n’est point suffisante pour inspirer une confiance absolue, des circonstances qui le rendent peu croyable. Il est étonnant en effet de voir en Corse à cette époque, après tant de constitutions impériales prohibant l’antique religion, des païens faire publiquement des sacrifices et crucifier une chrétienne, parce qu’elle se refuse à imiter leur exemple. Il est non moins étonnant de voir le patron et tout l’équipage d’un navire d’Orient attachés au paganisme[152]. Cependant on pourrait objecter que la Corse était tombée au pouvoir des Vandales, que les païens subsistant encore dans cette ile avaient peut-être profité de l’abolition du régime impérial pour célébrer leur ancien culte et se venger des catholiques en les persécutant, ce qui ne devait point déplaire aux officiers de Genséric, qu’enfin il n’est pas impossible que des gens de l’Orient, demeurés fidèles en secret au paganisme, aient été tout disposés à prendre part à des cérémonies païennes dans un endroit où elles se trouvaient tolérées et où ils n’avaient point à craindre d’être dénoncés. Mais l’authenticité de ce récit n’en reste pas moins fort douteuse, et il ne résulte pas du texte que la prise de Carthage dont il y est fait mention, et lors de laquelle Julia aurait été réduite en servitude, soit nécessairement la prise de cette ville par Genséric[153].

Du nombre des personnes expulsées de l’Afrique par les Vandales fut sans doute Domnique ou Dominique, qui de Carthage vint, avec quatre jeunes filles, à Constantinople où elle vécut dans la solitude et la piété. Elle mourut vers 475, et est connue sous le nom de sainte Domnique recluse[154]. Il y eut à Constantinople une autre sainte Domnique, ou plutôt Domnine, qui vint s’y établir sous le règne de Théodose le Grand et y fonda un monastère désigné sous l’appellation d’Alexandre. Celle-ci venait de Rome et non de Carthage[155]. Cette différence d’origine et l’impossibilité qu’une personne qui à la mort de Théodose, le 17 janvier 395, ayant déjà fondé un monastère, ne devait plus être toute jeune, ait vécu jusqu’en 475, prouvent qu’on ne peut confondre ces deux saintes, comme l’ont fait les Grecs[156].

Après le traité conclu par Sévère et la paix définitive avec l’Empire, les rois vandales se montrèrent moins rigoureux à l’égard des nobles exilés. Ceux-ci ou leurs descendants purent rentrer en Afrique, obtinrent, au moins dans certains cas, la restitution d’une partie de leurs biens confisqués, et furent même admis à exercer des fonctions publiques, comme le prouvent les faits suivants. Après la mort de Gordien, l’un des sénateurs expulsés, deux de ses fils rentrèrent en Afrique, dans l’espoir de recouvrer sa fortune. Ils ne purent résider à Carthage, leur maison paternelle ayant été donnée à des prêtres ariens, mais ils furent remis en possession, par l’intervention de l’autorité royale, d’une partie de leurs domaines, et allèrent s’établir dans la Byzacène. L’un d’eux, nommé Claudius, se fixa à Thélepte[157]. Il eut de sa femme Mariana, personne honnête et chrétienne, un fils qui fut saint Fulgence[158]. On a vu avec quel soin celui-ci fut élevé par sa mère, devenue veuve alors qu’il était encore enfant, et comment il s’acquit, dès sa première jeunesse, par l’ordre qu’il sut mettre dans sa maison et dans l’administration de ses biens, une grande réputation qui le fit nommer procurateur. Cette charge, ajoute son biographe, fut son début dans le commandement, la direction et le gouvernement d’un ensemble de subordonnés[159].

Ce ne fut point des catholiques et des Africains, mais des Vandales eux-mêmes que vint la révolte. L’orgueilleuse hauteur qu’à la suite de ses succès Genséric affecta à l’égard des siens, dit un chroniqueur, la stricte discipline qu’il voulut maintenir parmi eux, serait-il sans doute plus exact, de dire, provoqua le mécontentement des principaux de sa nation[160]. Après le traité de 442, quelques chefs vandales, pensant apparemment n’avoir plus qu’à jouir de leur conquête, et n’en voulant point être empêchés par l’autorité d’un maitre, formèrent une conspiration contre le roi. Elle fut découverte et punie avec la plus impitoyable rigueur. Les conjurés et leurs nombreux adhérents périrent dans les supplices. La répression fut étendue, non seulement à ceux qu’on jugea leur avoir été favorables, mais à tous ceux qui parurent capables d’un pareil attentat. Tel fut le nombre de ceux que firent périr les soupçons du roi, dit le même auteur, que pour sa sécurité, il perdit plus de forces que ne lui en eût coûté une campagne malheureuse[161]

Genséric trouva, semble-t-il, des coupables jusque dans sa propre famille, car ce fut, selon toute apparence, à la suite de ce complot qu’il fit noyer la veuve de son frère Gundéric. Elle fut jetée, attachée à des pierres, dans l’Ampsaga[162], l’Oued el-Kebir ; ou plus exactement l’Oued Remel, puisque Victor de Vite spécifie qu’il s’agit du fleuve qui coule à Cirta ou Constantine[163]. Ses enfants furent mis à mort après elle[164]. Ce fut alors aussi sans doute que Genséric, soupçonnant sa belle-fille, la femme d’Hunéric, d’avoir voulu l’empoisonner, lui fit couper le nez et les oreilles et la renvoya en cet état à son père Théoderic, roi des Visigoths[165]. La terreur que Genséric inspira par ces cruautés assura son pouvoir. Aucune autre révolte ne fut tentée jusqu’à la fin de son règne, mais la crainte maintenait seule les Vandales dans l’obéissance. Le jour où disparut le chef redouté de la conquête, son successeur eut à lutter à son tour contre l’hostilité d’une partie des siens, et n’imposa son autorité qu’en employant de nouveau ces procédés barbares[166].

La possession des îles situées à l’Ouest de la Méditerranée faisait des Vandales les maîtres de la mer. Elle facilitait leurs courses sur les rivages de l’Empire, leur réservait des refuges assurés en cas de poursuite, et ne laissait aux flottes impériales aucune station à proximité de l’Afrique. La Corse, la Sardaigne, les Baléares furent apparemment administrées comme les provinces africaines et conservèrent les institutions que la domination romaine y avait établies. Leurs groupements de populations continuèrent à être régis comme précédemment, mais, à cause sans doute de leur importance stratégique, le mode de gouvernement y fut, semble-t-il, modifié. Dans les derniers temps du régime impérial, la Sicile, la Corse et la Sardaigne formaient trois provinces ressortissant à celui des deux vicaires d’Italie qui résidait à Rome (vicarius Urbis ou in Urbe)[167]. La Corse et la Sardaigne avaient chacune leur gouverneur (præses)[168]. Celui de la Sicile avait rang de consulaire[169]. Les Baléares constituaient une province dont le gouverneur (præses) ressortissait au vicaire d’Espagne[170]. Quand les Vandales se furent emparés des îles, les gouverneurs y furent sans doute remplacés par des chefs militaires investis des pouvoirs les plus étendus et dépendant directement du roi[171]. Procope, racontant comment la révolte de Godas procura à Justinien un allié imprévu, dit en effet : Ce Godas, homme actif, résolu et singulièrement robuste, était un Goth au service de Gélimer et avait lait paraître un dévouement absolu aux intérêts de son maitre. C’est pourquoi Gélimer lui avait confié la Sardaigne, à charge d’un tribut annuel[172]. Ce fait n’apparaît ni comme une exception, ni comme une innovation ; il est donc probable que dans les îles l’autorité tout entière était aux mains des commandants des forces destinées à en assurer la défense.

Les Vandales étaient trop peu nombreux pour qu’on pût, sans danger d’affaiblir leur puissance en Afrique, distraire de leurs forces, d’une façon permanente, les troupes nécessaires à la défense de possessions lointaines. Les garnisons des îles durent être composées principalement de Maures enrôlés au service des conquérants, ou même, dans certains cas, transportés de force. Procope rapporte en effet que Solomon, qui succéda à Bélisaire quand l’Empire eut reconquis l’Afrique, envoya une flotte contre les Maures établis en Sardaigne, et il ajoute : Les Vandales, usant de rigueur à l’égard de ces barbares, en avaient transporté un certain nombre avec leurs femmes en Sardaigne, où ils les avaient tenus cantonnés[173].

La politique de Genséric dans ces diverses possessions fut la même que dans ses provinces continentales. Il s’efforça d’y diminuer l’influence de l’Église romaine, qu’il considérait partout comme hostile à sa domination. Un chroniqueur rapporte qu’en 440 Maximinus, chef des ariens en Sicile[174], ayant été condamné par les évêques orthodoxes, excita Genséric, qui alors pillait cette île, contre les catholiques, et fit tant, qu’il voulut les contraindre à toute force d’adopter l’arianisme. Quelques-uns cédèrent à la violence, d’autres persévérèrent dans leur foi, et furent martyrisés[175]. Ce témoignage pourrait donner à penser que la persécution fut plus étendue en Sicile qu’en Afrique, mais, comme il n’en est point autrement question, et comme Victor de Vite se contente de mentionner la Sicile, la Sardaigne et la Corse parmi toutes les contrées qui eurent à souffrir des dévastations des Vandales[176], il n’y a point d’apparence qu’elle ait été générale. Elle se borna sans doute, comme dans les provinces africaines, à des cas particuliers et à des rigueurs contre les ecclésiastiques et les laïques dont le zèle ou l’influence causait quelque inquiétude aux conquérants.

L’initiative de Maximinus dans les mesures prises en Sicile contre les catholiques s’explique par ce fait que, dans toutes les persécutions des Vandales, les évêques ariens apparaissent, non seulement comme dénonciateurs ou instigateurs, mais aussi comme exécuteurs des ordres du roi. On les a vus conseiller à Genséric de n’admettre que des gens de leur secte aux fonctions de la cour et des maisons des princes, et on a pu remarquer l’intervention de Jocundus, qui fut le patriarche des Vandales, dans l’affaire d’Armogaste. Le rôle des évêques ariens apparait plus clairement encore sous le règne d’Hunéric. En ce temps, dit Victor de Vite, les évêques, les prêtres et les clercs ariens se montraient plus cruels que le roi et les Vandales. Les évêques couraient en personne de tous côtés, l’épée à la main, pour poursuivre les catholiques. Il y eut un évêque, nommé Antoine, qui, cruel entre tous, exerça contre les nôtres des atrocités si incroyables qu’on ne saurait les raconter. On le voyait, rugissant et altéré du sang des catholiques, courir sans cesse çà et là à la poursuite des fugitifs, comme une bête toujours en quête d’une proie. Il résidait dans une ville voisine du désert, sur les confins de la Tripolitaine[177].

Ce fut dans cette région du désert que l’impie Hunéric, connaissant la férocité d’Antoine, ordonna de reléguer saint Eugène, l’évêque de Carthage. Dès qu’Antoine l’eut reçu en garde, il le resserra dans une captivité si étroite qu’il ne laissait personne pénétrer jusqu’à lui, et il s’étudia à le faire périr à force de maux et de tourments. Nos souffrances au milieu de cette persécution affligeaient profondément saint Eugène et les rigueurs qu’il s’imposait exténuaient son corps affaibli par l’âge. Il portait un rude cilice et couchait sur la terre nue, recouverte uniquement d’un sac souvent trempé de ses larmes. Tant de chagrins et d’austérités amenèrent une attaque de paralysie. Aussitôt Antoine accourut tout joyeux, et, voyant cet homme de Dieu balbutier sous l’étreinte de la douleur des paroles entrecoupées, il imagina de faire chercher du vinaigre extrêmement fort et piquant qu’il lui fit absorber de force. Il pensait le tuer, le vinaigre étant considéré comme dangereux en pareil cas. La maladie de saint Eugène en fut eu effet grandement aggravée ; mais la bonté du Christ vint à son secours et lui rendit la santé[178].

Un autre de nos évêques, Habetdeum[179], relégué également à Tamalleni, continue Victor de Vite, eut non moins à souffrir des violences d’Antoine. Irrité d’avoir multiplié en vain les persécutions contre ce serviteur du Christ, Antoine se vanta de vaincre sa constance. Si je ne le fais pas de notre religion, dit-il, je consens à perdre mon nom. Voici à quelle diabolique invention il eut recours : Il fit lier les pieds et les mains de l’évêque avec de fortes cordes et le fit bâillonner pour l’empêcher de protester, puis il aspergea d’eau tout son corps, prétendant ainsi le rebaptiser malgré lui. Après quoi il le délia et lui dit d’un air satisfait : Voilà, mon frère Habetdeum, vous êtes maintenant chrétien et des nôtres ; vous ne sauriez désormais ne point vous soumettre à la volonté du roi. Habetdeum lui répondit : Pour être responsable d’un acte, il faut y consentir ; or, inébranlablement attaché à ma foi, je n’ai cessé de confesser hautement et de soutenir ce que je crois et ai toujours cru. Même quand vous m’avez chargé de liens et m’avez fermé la bouche, j’ai protesté dans le for intérieur de mon cœur contre votre violence et, prenant les anges à témoin, j’en ai appelé à mon maitre[180].

Non content de cette protestation, Habetdeum prit le parti d’aller à Carthage se présenter au roi, afin de rendre manifestes aux yeux des hommes, comme elles l’étaient aux yeux de Dieu, la pureté de sa conscience et sa croyance fidèle.au dogme de la Trinité. Antoine, dont la confusion était extrême, ne put l’en empêcher. Il présenta donc au roi une requête dans laquelle il lui exposait l’inutile cruauté commise, aux yeux de Dieu et du monde entier, contre des malheureux relégués en exil, dépouillés de leurs biens, privés de leurs églises, de leur patrie, de leurs demeures, réduits à la plus affreuse misère et que, dans le vain espoir de rendre captives leurs times, seul bien qui leur restait, on ne laissait même pas vivre en repos parmi les bêtes, après les avoir chassés de toute société humaine. Hunéric se borna, paraît-il, à lui répondre : Allez trouver nos évêques et conformez-vous à ce qu’ils vous diront, car, en cette matière, ce sont eux, nul ne l’ignore, qui ont tout pouvoir[181]. Ainsi se trouve affirmée en termes formels l’autorité déléguée aux évêques ariens pour l’exécution des ordres du roi contre les catholiques. D’autres exemples nous en fournissent également la preuve. Sous le règne d’Hunéric, la persécution, très différente de ce qu’elle avait été sous Genséric, était devenue générale[182]. Elle tendait à contraindre toute la population d’adopter la religion des conquérants, et on eu voit la direction confiée à leurs évêques. Ceux-ci, dit en effet Victor de Vite, et leurs prêtres parcouraient la nuit les bourgs et les villages à la tête de troupes armées, forçaient l’entrée des maisons et y pénétraient en vrais voleurs d’âmes, l’épée à la main et portant de l’eau, dont ils aspergeaient les gens, parfois assoupis dans leurs lits. Puis, avec des clameurs démoniaques, ils hurlaient qu’ils les avaient faits chrétiens comme eux[183].

Dans Carthage même, les actes de persécution étaient accomplis sous l’autorité de Cyrila, le patriarche des Vandales. On le voit par le fait suivant, dont Victor de Vite fut témoin[184]. Un enfant de sept ans environ, fils d’une famille noble, fut par ordre de Cyrila enlevé à ses parents. Sa mère, les cheveux épars, courait à travers toute la ville après les ravisseurs, et l’enfant, voulant affirmer sa foi catholique, criait tant qu’il pouvait : Je suis chrétien ! je suis chrétien ! On lui ferma la bouche et on le plongea dans l’eau du baptême hérétique[185]. Le nombre des personnes rebaptisées ainsi de force, par ordre des évêques ariens, fut considérable[186]. Beaucoup de gens simples, victimes de cette violence, se crurent devenus hérétiques[187] et demeurèrent dans la communion arienne, jusqu’au jour où, la persécution ayant cessé sous Gundamund, ils firent retour à l’Église, comme l’atteste une épître du pape Félix III, datée du 15 mars 488[188]. La lettre du pape notifie à tous les évêques les décisions du Saint-Siège au sujet des catholiques rebaptisés, soit de leur consentement, soit malgré eux[189]. Les questions à résoudre par suite de leurs demandes d’être admis de nouveau au nombre des fidèles ou rétablis dans le clergé avaient été soumises par Félix III, un an auparavant, aux délibérations d’un concile réuni à Rome, dans la basilique Constantinienne, le 13 mars 487[190].

La mission attribuée aux évêques ariens dans les poursuites contre les catholiques était une conséquence imprévue de la législation romaine à cette époque. Les empereurs avaient donné aux évêques de l’Église à laquelle ils appartenaient compétence pour connaître des affaires relatives à la religion[191] et les avaient investis en certains cas d’un droit de surveillance sur les magistrats[192]. Genséric et son successeur ne firent qu’adapter ces lois à un changement de régime, en reconnaissant aux évêques de la secte dont ils professaient les doctrines les mêmes droits dans leur royaume. Pour eux, comme pour les empereurs, leur religion était celle de l’État ; de sorte que, sous leur domination, les ariens étaient appelés à jouir en Afrique des privilèges réservés dans l’Empire aux catholiques, et ceux-ci y étaient traités en hérétiques. Les rigueurs exercées contre eux, défense d’ordonner des prêtres et des évêques, fermeture des églises, destruction des livres sacrés, amendes, confiscations, déportation, exil, pénalités de tout genre, furent les mêmes que les constitutions impériales avaient édictées contre les ariens, les donatistes, les sectateurs de toutes les hérésies[193].

Dans sa politique religieuse, comme dans l’organisation de sa conquête, Genséric se borna donc à maintenir l’ordre ancien des choses, à appliquer à son profit les lois existantes. Doué à un étonnant degré de l’esprit de ruse que la vie d’aventures avait développé chez les barbares et que les contemporains considéraient comme leur caractère distinctif, il fut d’une rare habileté dans les intrigues diplomatiques. Il sut tirer parti de toutes les circonstances favorables à ses desseins, prévenir les entreprises de ses ennemis, paralyser leurs efforts et, avec des forces relativement très restreintes, ruiner leur puissance. Par lui-même, par l’alliance des rois barbares dont, sous son règne, le centre fut à Carthage, et dont il ne cessa d’être l’inspirateur et le véritable chef, il fut le principal artisan de la destruction de l’Empire en Occident. Mais trop peu initié à la civilisation des pays que le sort des armes lui avait soumis, il n’eut pas le sens de la politique intérieure qui seule eût pu lui permettre de léguer à ses successeurs un royaume établi d’une façon durable. Il ne comprit point qu’affranchir ses sujets des liens du système administratif romain eût été le seul moyen de créer parmi eux un état social nouveau qui, les rendant différents des autres peuples de l’Empire, leur eût fait craindre de retomber sous la tyrannie impériale, et les eût portés à accepter sa domination comme la garantie la plus sûre de leur indépendance. il ne sut rien modifier, rien innover, et aux maux qui, en exaspérant les Africains, avaient préparé ses succès, il ne fit qu’ajouter le poids d’une occupation militaire, dont on ne perdit pas l’espoir d’être un jour délivré. Quand, en 533, quatre-vingt-quinze ans après la prise de Carthage, les troupes de Justinien débarquèrent en Afrique, la population, demeurée toute romaine, les accueillit comme des amis et des libérateurs[194].

La domination des Vandales n’avait pourtant pas été aussi funeste à la prospérité de l’Afrique qu’on pourrait le supposer. Pendant près d’un siècle, depuis qu’aux ravages de la conquête avait succédé un état de choses régulier, elle l’avait préservée des continuelles invasions qui ravageaient les autres provinces du monde romain, et cette longue période de paix avait permis l’exploitation de ses immenses ressources agricoles et industrielles, dans des conditions de sécurité exceptionnelles à cette époque et nécessairement productives de bien-être et de richesses[195]. Le commerce d’exportation, si important dans l’Afrique romaine[196], avait subi une diminution considérable par suite de la suppression, lors de la conquête et pendant les guerres avec l’Empire, des transports de denrées pour l’approvisionnement de Rome. Après le rétablissement de la paix, le service de l’annone put faire des achats en Afrique ; ce ne fut plus cette contrée qui lui fournit d’une façon régulière les subsistances de la capitale. Même au temps de Théodoric, alors que les rois vandales étaient les alliés du maitre de l’Italie, c’était de la Calabre et de l’Apulie, non de l’Afrique, qu’il tirait les blés nécessaires aux distributions publiques[197]. Mais les pertes qui en résultaient pour les armateurs furent compensées, en partie du moins, par les relations commerciales avec l’Orient[198]. Ces relations paraissent être devenues très actives après la paix conclue entre Zénon et Genséric. Quand, en 533, l’armée byzantine s’empara de Carthage, il s’y trouvait, dans les quartiers voisins du port, un grand nombre de marchands indigènes et étrangers vivant du commerce maritime[199].

Durant presque tout le règne de Genséric, l’état perpétuel de guerre ne permit point une pareille prospérité. Les transactions avec l’étranger ne furent guère possibles régulièrement que depuis la paix d’Hippone, jusqu’à la prise de Carthage, et plus tard depuis le traité de 442 jusqu’à la prise de Rome. Mais à l’intérieur les populations conquises jouirent d’une sécurité qu’elles n’avaient point connue dans les derniers temps du régime impérial. La terreur qu’inspirait Genséric les délivra des incursions des Maures, mit, on l’a vu, un frein à la cupidité des fonctionnaires, et suffit à rétablir l’ordre public jadis si profondément troublé. Après l’établissement du royaume vandale, il n’est plus question ni de luttes religieuses, ni de violences commises par les circoncellions. D’autre part, les Vandales avaient importé d’énormes quantités d’or et d’argent, provenant de leurs courses sur les rivages de l’Empire et du sac de Rome. Ces richesses demeurèrent en grande partie improductives, car, après la victoire de Bélisaire, elles se retrouvèrent presque toutes en nature, dit Procope, dans le camp des barbares, et retombèrent aux mains des Byzantins[200]. Mais si l’on se rappelle l’existence somptueuse des Vandales et leur soif de plaisirs, il ne parait pas douteux qu’une large part de leur butin fut employée en dépenses propres à favoriser le développement des industries de luxe. Certes, le règne de Genséric ne fut point l’âge d’or, l’Age de la justice idéale, de l’ordre parfait, de toutes les prospérités, mais l’Afrique, préservée du fléau des invasions et des guerres civiles, fut peut-être, en ce temps de ruines et de carnages, la moins malheureuse des provinces de l’ancien monde romain. Sous ce rapport le long règne du premier roi des Vandales fut bienfaisant. II ne le fut point assez pour concilier l’affection des populations romaines et indigènes à un gouvernement qui n’eut point l’habileté de transformer la conquête en un régime national.

Genséric fut l’initiateur du système politique que quelques années plus tard Théodoric allait pratiquer en Italie. Il gouverna de la même façon, suivant les mêmes principes, avec le même but unique de maintenir dans l’obéissance les peuples que ses victoires lui avaient soumis. Il n’a manqué pour lui assurer une gloire égale à celle du roi des Goths que les éloges littéraires qui ont fait paraître Théodoric si grand aux yeux de la postérité et les circonstances qui l’ont amené à commencer son règne par d’habiles ménagements. Quand les Goths s’établirent en Italie, leur chef put affecter d’y venir avec l’assentiment de l’empereur. N’ayant rien à craindre de l’Empire et disposant de forces considérables, il n’avait à redouter aucune opposition, dans un pays dès longtemps ravagé, exténué, incapable de résistance. Il put espérer faire illusion à ses nouveaux sujets au point de leur persuader, par un système de modération et de bienveillance, que c’était toujours l’Empire romain qui les gouvernait[201]. L’Église était alors en opposition avec l’Orient et la cour de Byzance. Les circonstances lui imposaient une neutralité presque bienveillante à l’égard du conquérant qui put sans danger faire montre de tolérance. Il se procura ainsi parmi les Italiens et les membres du haut clergé des panégyristes et des serviteurs dévoués. Quand son règne se termina par la violence et la persécution, il y avait longtemps que ses panégyristes lui avaient prodigué ces louanges dont l’écho s’est reproduit jusqu’à nous.

Genséric au contraire, conquérant l’Afrique par sa victoire sur les armées impériales et obligé pour s’y maintenir de continuer la guerre contre l’Empire, eut dès l’abord et sans cesse à redouter dans ses États l’hostilité de l’Église et des éléments de la population attachés à l’unité romaine. Il usa pour les réduire des mêmes procédés auxquels Théodoric eut recours à la fin de son règne, et plus heureux que celui-ci, après avoir réduit ses ennemis à l’impuissance, il laissa à ses successeurs un royaume paisible qui paraissait solidement établi. Seuls les Romains et les catholiques savaient écrire ; ils nous ont transmis l’expression de leurs justes ressentiments, et la postérité, jugeant par leurs écrits, n’a vu en Genséric qu’une sorte de pirate. Suivant un mot attribué à Louis XVI, les Vandales ne furent pas aussi vandales qu’on l’a dit, mais ils n’en demeurèrent pas moins des barbares ne concevant que la ruse et la violence et incapables de comprendre le milieu où le succès de leurs armes les avait placés, de discerner la nécessité, pour rendre leur puissance durable, d’une transformation politique et sociale.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Procope, De Bello vandal., I, 5 (C. S. H. B., p. 333).

[2] Procope, loc. cit., et De ædificiis, VI, 5 (C. S. H. B., p. 338).

[3] Procope, loc. cit., et De ædificiis, VI, 5 (C. S. H. B., p. 338).

[4] Inserviant terris, non tributario nexu, sed nomine et titulo colonorum, ita ut, si abscesserint ad aliumve transierint, revocati vinculis pœnisque subdantur (Cod. Justin., lib, XI, tit. LIII, 1, [371]).

[5] Pæne est, ut quadam dediti servitute videantur (Cod. Justin., lib. XI, tit. L, 8) ; — Édouard Cuq, Institutions juridiques des Rom., t. II, pp. 792-793.

[6] Waltzing, Corporations professionnelles chez les Rom., t. II, pp. 259 et suiv., et pp. 390-391.

[7] Waltzing, o. c., t. II, p.336 et suiv. — M. Paul Allard (Les esclaves chrétiens, p. 430) met en doute la fuite en masse des artisans assujettis aux corporations. Elle semble attestée pourtant par plusieurs constitutions impériales, au moins en ce qui concerne les ouvriers des mines (Cod. Théod., lib. X, tit. XIX, 5, 6, 7 ; Hænel, pp. 1023-1024), des gynécées (Cod. Théod., lib. X, tit. XX, 2, 7, 8, 9 ; Hænel, pp. 1029-1031), les armuriers (Cod. Théod., lib. X, tit. XXII, 4 ; Hænel, 1036-1037), les corporations de la ville de Rome (Cod. Théod., lib. XIV, tit. II, 4 ; p. 1375), les corporations de toutes les villes (Cod. Théod., lib. XII, tit. I, 146, 162 et tit. XIX, 3 ; lib. XIV, tit. VII, 1, 3 ; Hænel, pp. 1254, 1261, 1310, 1394, 1395), les naviculaires (Nov. Valentin. III, tit. XXVIII, § 1 ; Hænel, p. 220), les charcutiers et autres (Nov. Valentin. III, tit. XXXV, § 8 ; Hænel. p. 262).

[8] Waltzing, o. c., t. II, p. 346.

[9] Voir ch. IV, Organisation de la conquête.

[10] Liber de promissionibus, IV, 5 (P. L., t. LI, pp. 810-841).

[11] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 3 (P. L., t. LVIII, p. 181).

[12] Nostræ civitatis venerabilis Papinianus antistes, dit Victor de Vite, loc. cit., p. 185. L’évêché de Vita, dont l’emplacement est inconnu, se trouvait dans la Byzacène (Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 781), et dans un concile de 418, Papinianus figure parmi les évêques de cette province (Capitula concilii Telensis ; Hardouin, Conc. collect. maxima, t. I, p. 1235).

[13] Victor Vit., loc. cit.

[14] Henchir Soudga (Audollent, Carthage rom., p. 153. n. 5).

[15] Victor Vit., loc. cit. On a pensé, d’après une hypothèse de Ruinart (De persecut. vandal., n. 12), que cette porta fornitana était une porte de Carthage, par laquelle sortait la route allant à Furni. Mais le texte de Victor de Vite ne fait point mention de Carthage et ne permet en aucune façon de supposer que Mansuetus fut torturé dans cette ville, dont les Vandales n’étaient pas encore maîtres à ce moment, comme le remarque Tillemont (Mém., t. XVI, p. 901, n. 2). Ruinart, prévoyant cette objection, ajoute que, si le supplice de Mansuetus fut antérieur à la prise de Carthage, les mots porta fornitana doivent être entendus dans le sens de porte de la ville de Furni. Il est plus simple de supposer que ce nom était celui d’une porte de la Civitas Urusitana.

[16] Victor Vit., De persecut. vand., I, 3 (P. L., t. LVIII, p. 181).

[17] Prosper Tiro, Chron., n° 1327, a. 437 (M. G., A. A., t. IX, p. 475).

[18] Prosper Tiro, loc. cit. Posidius est sans doute Possidius, évêque de Calama (Guelma), célèbre au temps de la conférence de Carthage en 411. Severianus est sans doute aussi l’évêque de Ceramussa, non loin de Milev (Mila) dans la Numidie, qui prit également part à la conférence de 411 (Gesta collationis carthagin., collatio diei I, n° 133 ; Ellies du Pin, p. 421 et n. 232). Novatus est l’évêque de Sitilis qui avait été des principaux parmi les catholiques à l’époque du donatisme et dans la conférence de Carthage. En 437, Sitilis était au pouvoir de Genséric ; cette ville ne fut rétrocédée à l’Empire qu’après le traité de 442. — Cf. Dom Leclercq, L’Afrique chrétienne, t. II, p. 153 et note 4.

[19] Prosper Tiro, Chron., n° 1329, a. 437 (M. G., A. A., t. IX, p. 475).

[20] Prosper Tiro, Chron., n° 1329, a. 437 (M. G., A. A., t. IX, p. 476).

[21] Epistola Antonini episc. Constantinæ ad Arcadium (Baronius, Ann., 437, IV, t. VII, p. 500).

[22] Prosper Tiro, loc. cit. (p. 476).

[23] Prosper Tiro, loc. cit. (p. 476).

[24] Le texte de cette lettre, publié en entier par Baronius (Ann., 437, III-XI, t. VII, pp. 499-501), par Ruinart dans son Commentaire historique sur la persécution des Vandales (cap. IV, 4) et par Migne (P. L., t. L, p. 567), désigne cet évêque de Constantine sous le nom d’Antoninus. D’autre part, Gennadius (De scriptoribus ecclesiasticis, cap. XCV ; Migne, P. L., t. LVIII, p. 1116) dit qu’Honoratus, évêque de Constantine en Afrique, adressa à un certain Arcadius, que le roi Genséric avait exilé dans les pays d’Afrique. une lettre destinée à l’exhorter à supporter les épreuves qu’il souffrait pour le Christ. D’après un ancien manuscrit de cette lettre, son auteur, l’évêque de Constantine, aurait porté les deux noms d’Honoratus Antoninus (Ruinart, loc. cit. ; — Pagi, ann. 437, II ; — Tillemont, S. Eugène, art. IV : Mém., t. XVI. p. 501, édit. de Venise).

[25] Le chrétien dont parle ici Antoninus est Théodore, jeune homme qui subit les plus cruels tourments, à Antioche, pendant la persécution de Julien l’Apostat. en 362. Rufin dit avoir vu ce confesseur à Antioche et lui avoir demandé s’il avait senti toute la violence des tourments qu’on lui avait fait endurer. A quoi Théodore aurait répondu qu’il les avait peu sentis et qu’un jeune homme, qui se tenait auprès de lui, avait essuyé ses sueurs avec un linge très blanc et lui avait fréquemment jeté de l’eau fraiche, ce qui lui avait été si agréable qu’il avait eu regret quand on avait ordonné de l’ôter du chevalet (Rufin, Historia ecclesiastica, lib. I, cap. 36 ; P. L., t. XXI, p. 504). Sur la persécution de Julien à Antioche, voir Paul Allard, Julien l’Apostat, t. III, chap. 2.

[26] Baronius, Ann., 437, III-VII, IX ; t. VII, pp. 499-501.

[27] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 7 (P. L., L LVIII, p. 190).

[28] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 5 (P. L., t. LVIII. p. te) ; — Idace, Chron., n° 118, a. 430 (M. G., A. A., t. XI, p. 23).

[29] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 5 (P. L., t. LVIII. p. te) ; — Idace, Chron., n° 118, a. 430 (M. G., A. A., t. XI, p. 23).

[30] Victor Vit., loc. cit.

[31] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 5 (P. L., t. LVIII, p. 187). Les deux basiliques construites en l’honneur de saint Cyprien, au lieu de son supplice et au lieu de sa sépulture, étaient, dit M. Audollent, au nord de Carthage. hors des murailles. On n’en connaît pas l’emplacement d’une manière certaine. Elles étaient distantes l’une de l’autre, car les Acta proconsularia parlent d’une procession qui se déroula entre l’Ager Sexti (lieu du martyre) et l’Area Macrobii (lieu de la sépulture). Audollent, Carthage romaine, pp. 180-181 et pp. 176 et suiv.

[32] Victor Vit., loc. cit.

[33] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 4 (P. L.. t. LVIII, p. 187).

[34] Rhadès (Tissot, Géogr. comp., t. II, pp. 111 et suiv. ; — Audollent, Carthage rom., p. 195).

[35] La Languette. Rhadès est située, entre le lac et la mer, sur une colline isolée qu’une pente douce relie au Nord à l’isthme de la Goulette. (Tissot, loc. cit., p. 112).

[36] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 5 (P. L., t. LVIII, p. 188).

[37] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 5 (P. L., t. LVIII, p. 188).

[38] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 5 (P. L., t. LVIII, p. 187) ; — Idace, Chron., n° 118, a. 439 (M. G., A. A., t. XI, p. 23).

[39] Abitina, ville de la Proconsulaire, célèbre par ses martyrs, était probablement peu éloignée de Membressa, Medjez-el-Bab (Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 771 et pp. 325 et 771, note 1).

[40] Ruinart, Hist. persecut. vandal., pars II, cap. IX ; édit. de Venise, p. 255 ; — Tillemont, Mémoires, t. XVI, p. 513.

[41] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 7 (P. L., t. LVIII, p. 190).

[42] Tissot, o. c., t. II, p. 778.

[43] Hammam Sidi-Ali-bel-Kassem (Tissot, o. c., t. II, pp. 280, 777 et 812).

[44] Sbiba (Tissot, o. c., t. II, p. 617).

[45] Ou Savra, dont les ruines se retrouvent un peu au nord du bourg de Zouaghat-ech-Cherkiya, dit Tissot (Géogr. comp., t. II, p. 210).

[46] Tripoli (Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 217).

[47] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 7 (P. L., t. LVIII, p. 190).

[48] Sousse (Tissot, o. c., t. II. p. 149).

[49] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 7 (P. L., t. LVIII, p. 191).

[50] Théodoret, Ép. LII et LIII (P. G., t. LXXXIII, p. 1228).

[51] Théodoret, Ép. LII et LIII (P. G., t. LXXXIII, p. 1228).

[52] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 7 (P. L., t. LVIII, p. 191).

[53] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 7 (P. L., t. LVIII, p. 191).

[54] Notitia Africæ, appendix ad Victorem Vit. ; P. L., t. LVIII, p. 272 et p. 276.

[55] Aurelius était apparemment le successeur de Félix, qui avait été banni et avait dû mourir en exil. Il avait sans doute été ordonné malgré la défense d’ordonner des évêques en place de ceux qui mourraient en exil, et son ordination au mépris des ordres du roi avait pu être la cause de son bannissement, de même que sous Thrasamund une transgression analogue fut la cause du bannissement de saint Fulgence et de tous les évêques de la Byzacène (Tillemont, S. Eugène, art. XIII, Mém., t. XVI, p. 522 ; — Vita sancti Fulgentii, cap. XVI, P. L., t. LXV ; — F. Martroye, L’Occident à l’époque byzantine, Goths et Vandales, p. 212.

[56] Hardouin, Conciliorum collectio maxima, t. II, pp. 66, 474, 233, 463.

[57] Tillemont, loc. cit.

[58] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 8 (P. L., t. LVIII, p. 191) ; — Prosper Tiro, Chron., continuatio codicis Reichenaviensis, n° 25, a. 454 (M. G., A. A., t. IX, p. 490) : Carthagine ordinatur episcopus Deogratias in basilica Fausti die dominico VIII Kal. Novemb. En 454, Pâques étant la veille des nones d’avril, 4 avril (Victorii Aquitani cursus paschulis ; M. G., A. A., t. IX, pp. 722-723), le VIII des calendes de novembre, 25 octobre, était, non un dimanche, mais un lundi. Or, comme la coutume était de faire les ordinations un jour de dimanche, il faut corriger, dans le texte cité ci-dessus, VIII Kal. novemb. en VIIII Kal. novemb., 24 octobre. Deogratias fut ordonné dans la basilica Fausti, dont il a été fait mention précédemment, parce que la principale église de Carthage, la basilique Restituta, était occupée, comme on l’a vu, par les ariens.

[59] Victor Vit., De persecut. Vandal., I, 8 et 9 (P. L., t. LVIII, pp. 191-193).

[60] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 8 (p. 192).

[61] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 9 (p. 193).

Victor de Vite (I, 9 ; p. 192) parle d’un prêtre nommé Thomas qui aurait été ordonné évêque de Carthage après Deogratias, si on admet le texte ordinatur quidam in sacerdotium nomine Thomas. Mais il est le seul auteur qui fasse mention de ce personnage, dont le nom ne figure pas dans la très ancienne liste carthaginoise où tous les évêques de cette époque sont fort exactement indiqués ; on y trouve, non seulement les noms d’Aurelius, Capreolus, Deogratias, qui sont morts en Afrique, mais aussi ceux de Quodvultdeus et d’Eugène, qui moururent en exil. Il y a donc lieu de croire que le texte de Victor de Vite doit être corrigé et qu’il faut lire, soit comme Ruinart dont Migne a reproduit le texte : ordinatur quondam sacerdos nomine Thomas, ce qui signifierait que Thomas était un ancien évêque, et Victor de Vite le qualifie, en effet, aussitôt après ce passage, de venerabilis senex, soit ordinator quondam memorati sacerdotis nomine Thomas, ce qui ferait de lui un évêque africain qui avait ordonné Deogratias. Cf. Tillemont, S. Eugène, note IX ; Mém., t. XVI, p. 794 ; — Baronius, Ann., 455, XVII ; Pagi, ann. 455, VIII.

[62] Victor Vit., I, 9 (p. 193) ; — Migne, P. L., t. LVIII, p. 192, note e.

[63] El-Gounaïl, sur les confins de la Numidie (Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 382).

Victor de Vite nomme cet évêque Vincentius Gigitanus (De persecut. vandal., I, 9, p. 193) ; la Notitia le désigne sous le nom de Vincentius Ziggensis (P. L., t. LVIII, p. 269). Dans la liste de 411, cette même église est dénommée Giggensis ou Gibbensis (Ellies du Pin, Collatio carthagin., p. 440 et note 391).

[64] Ou Sinnuar (Tissot, o. c., t. II, p. 775).

[65] Notitia (P. L., t. LVIII, p. 269).

[66] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 9 (P. L., t. LVIII, p. 193).

[67] Notitia (P. L., t. LVIII, p. 269).

[68] Victor Vit., loc. cit.

[69] Il était évêque de la civitas Abbenza, nommée Abensensis dans les actes de la conférence de Carthage en 411, où on trouve cité Fortunatus episcopus plebis Abensensis (Gesta collat., collatio diei I, CXXXIII : Ellies du Pin, p. 415 et note 177).

[70] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 12 (P. L., t. LVIII, p. 197).

[71] La Notitia mentionne deux localités de ce nom, l’une en Numidie (Fortunius Regianensis ; Not., P. L., t. LVIII, p. 271), l’autre en Maurétanie Césarienne (Victor Regionsis ; Not. ; P. L., p. 274). C’est sans doute de la première qu’il s’agit ici. Il ne peut être question de Regiæ, près d’Oran. Cf. Stéphane Gsell, Monum. antiques de l’Algérie, t. II, p. 170.

[72] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 13 (P. L., t. LVIII, pp. 197-198).

[73] La situation de cette petite ville a pu être déterminée grâce à une inscription découverte à Sidi-Meskin, à onze kilomètres à l’est-sud-est de Chemtou, sur la rive droite de la Medjerda (Cagnat, Explorations, II, p. 98 ; — Ephemeris, V, n° 1113 ; — Tissot, Géogr. comp., II, pp. 308-309).

[74] In magalibus vici Ammoniæ, le mot magalia désigne des chaumières ou des cabanes ; miratur molem Æneas, magalia quondam (Virgile, Énéide, I, vers 421). Ammonia est peut être Ammonis, localité de la Numidie dont l’emplacement ne peut être déterminé (Tissot, o. c., t. II, p. 770).

[75] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 13 (P. L., t. LVIII, p. 198).

[76] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 4, 5, 9, 12 (P. L., t. LVIII, pp. 187, 188, 193, 197).

[77] Victor Vit., o. c., I, 7 (P. L., t. LVIII, p. 190).

[78] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 10 (P. L., t. LVIII, p. 195).

[79] Vita sancti Fulgentii, cap. II, III et IV (P. L., t. LXV, pp. 120,42e) ; — Victor Vit., De persecut. vandal., I, 10 ; II, 1 (P. L., t. LVIII, pp. 194, 202).

[80] Victor Vit., De persecut. vandal., II, 7 ; V, 10 (P. L., t. LVIII, pp. 209, 249).

[81] Hardouin, Conciliorum collectio maxima, t. II, p. 1083 et suiv.

[82] Victor Vit., De persecut. vand., I, 44 (P. L., t. LVIII, p. 198).

[83] Victor Vit., De persecut. vand., I, 44 (P. L., t. LVIII, p. 198).

[84] Cod. Théod., lib. XVI, tit. V, 42 (Hænel, p. 1530).

[85] L’Occident à l’époque byzantine, Goths et Vandales, pp. 413 et suiv.

[86] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 14 (P. L., t. LVIII, p. 198). Inter alios ventum est tunc ad Armogastem nostrum, dit Victor de Vite. Ces mots notre Armogaste ont donné à penser qu’il pouvait être de la ville dont Victor occupa le siège épiscopal (Tillemont, Mém., t. XVI, p. 534). Relativement à l’époque de la mort de Théodoric que Procope nomme Théodore, voir p. 292, note 4.

[87] A suo prohibetur Jocundo presbytero (Victor Vit., loc. cit.). Ce prêtre Jocundus, attaché à Théodoric, est certainement le mène personnage qu’Hunéric fit brûler vif à Carthage, parce que, dit Victor de Vite, il était très bien vu dans la maison de Théodoric, frère du roi (Victor Vit., De persecut. vandal., II, 5. P. L., t. LVIII, pp. 205-206). Il était à cette époque évêque de la secte arienne, et les Vandales l’appelaient leur patriarche (Ibid., p. 205).

[88] On voit par ce passage que les barbares identifiaient les catholiques avec les Romains au point de les désigner communément sous ce nom.

[89] Comes bonæ confessionis de hac vita migravit (Victor Vit., De persecut. vandal., I, 14 : P. L., t. LVIII, p. 199). Le mot comes a fait croire qu’Armogaste avait la dignité de comte, et le martyrologue romain la lui attribue. Mais le sens des mots comes bonæ confessionis est, semble-t-il celui de in ou cum bonæ confessione, admis généralement par les martyrologues (Acta sanctorum, 29 mars, martii, t. III, p. 782). Je voudrais, dit Tillemont (Mémoires, t. XVI, p. 534, note 2), qu’on trouvât compos dans quelque bon manuscrit.

[90] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 14 (P. L., t. LVIII, pp. 198-199).

[91] Victor Vit., o. c., I, 16 (p. 200).

[92] Ce diacre, que Victor de Vite nomme Marivadus, est sans doute le même qui est désigné sous le nom de Varimadus dans un ouvrage que Vigile, évêque de Tapse (Thapsus aujourd’hui Henchir ed-Dimas), écrivit contre lui, sous le titre de Liber seu declaratio quorumque locorum de Trinitate contra Varimadum arianæ sectæ diaconum (P. L., t. LXII). Cf. Ruinart, Commentarius historicus in histor. persecut. vandal., IV, 7 (P. L., t. LVIII, p. 3731 ; — Tillemont, Mém., t. XVI, pp. 618-619.

[93] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 16 (P. L., t. LVIII, pp. 400-402) ; — Acta sanctorum, 29 mars ; Martii, t. III, pp. 782-783.

[94] Victor Vit., De Persecut. vandal., I, 16 (P. L., t. LVIII, p. 200).

[95] Sed nec quemdam Archinimum nomine, Masculanum, debeo prœterire (Victor Vit., De persecut. vandal., I, 15 ; édit. Ruinart, P. L., t. LVIII. p. 199 ; — Acta sanct., 29 mars, Martii, t. III, pp. 782-783). D’autres éditions portent, d’après certains manuscrits, Archimimum nomine Masculam, ce qu’il faudrait entendre dans le sens de : un archimime (chef de comédiens), nommé Mascula ; mais, outre que cette leçon est contraire au texte du plus ancien manuscrit, il n’y a pas apparence que Genséric soit intervenu en personne et ait multiplié caresses et promesses pour gagner à sa secte un mime, c’est-à-dire un homme d’une profession réputée infime et dont l’abjuration ne pouvait avoir grande importance politique. Cf. Tillemont. Mém., t. XVI, p. 535 et p. 705 ; — Migne, P. L., t. LVIII, p. 199, note d. Mascula est aujourd’hui Khenchela.

[96] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 15 (P. L., t. LVIII, pp. 199-200).

[97] Tabarka.

[98] In modum ferarum (édit. Migne, P. L., t. LVIII, p. 194). C’est une faute évidente : il faut lire in modum serrarum, comme dans le texte de Ruinart. (édit. de Venise, p. 8) et dans l’édition Halm (M. G., A. A., t. III. pars prior, p. 9).

[99] Post hoc arctantur maxime dura custodia (édit. Ruinart et Migne) D’autres manuscrits donnent : Post hoc arctatur Maxima dura custodia, et attribuent ainsi ce qui suit à Maxima, et non à Martinianus et à ses trois frères. C’est la leçon qu’à adoptée l'édition Halm (M. G., A. A., t. III, pars prior, p. 9) qui porte : Post hoc artatur Maxima duræ custodite cuspidique crudeli extenditur, mais la première leçon est celle des deux meilleurs manuscrits et se trouve confirmée par les anciens martyrologues. Adon se sert de ces termes (16 octobre) : sanctorum martyrum Martiani et Satyriani cum duobus eorum fratribus et egregite Christi ancille Maxime virginis qui... nodosis fustibus ceci et usque ad ossa laniali, cum mullo tempore talia paterentur, sequenti die semper incolumes reddebanlur. Post etiam dura carceris custodia damnati, cum fuissent arctati in nervum, mira Dei virtute, ingentium lignorum pulrescens solula est fortitudo. (Migne, P. L., t. LVIII, p. 194-195, note G).

[100] Compedeque crudeli extendunt ur. Le compes était une entrave qu’on mettait aux pieds des prisonniers et des esclaves, soit pour les punir, soit pour les empêcher de s’échapper. Ce mot désignait aussi les liens qui, placés à l’extrémité d’une chaîne, attachaient un prisonnier à un mur ou à un poteau. (Saglio : Compes ; Dictionn. des antiq. gr. et rom., t. I, 2e part., p. 1428 ; — Marquardt, Vie privée des Rom., trad. Victor Henry, t. I, p. 214, note 3). C’est évidemment dans ce dernier sens que ce mot est ici employé.

[101] Victor Vit., De persecut vandal., I, 10 (P. L., t. LVIII. p. 195).

[102] Maximam vero Christi famulam, confusus et victus, propriæ voluntati dimisit. (Victor Vit., De persecut. vandal., I, 11 ; P. L., t. LVIII, p. 195), ou suivant une autre leçon : propria voluntate dimisit (P. L., loc. cit., note a).

[103] Victor Vit., loc. cit. Ce passage fournit une nouvelle preuve de ce fait que la persécution n’avait point supprimé les monastères.

[104] Dei construitur ecclesia (édit. Ruinart), ou, suivant une autre leçon peut-être préférable : Dei constituitur ecclesia. (Ruinart, note 37, p. 69, édit. de Venise et P. L., t. LVIII, p. 195, note b.).

[105] Qui cum vincti, currentibus indomitis equis, plangentibus Mauris, sese mutuo conspicerent, vele sibi in auguste fugæ unusquisque ita dicebat Frater, ora pro me etc. (édit. Ruinart et Migne ; P. L., t. LVIII, p. 196). Quelques manuscrits donnent, au lieu de plangentibus Mauris, plaudentibus Mauris. Les deux leçons sont également admissibles, remarque Ruinart (note 38, p. 69 et P. L., loc. cit., note c). Cependant, ce qui est dit immédiatement auparavant, dans le texte de Victor de Vite, de la conversion des Maures explique de leur part des larmes plutôt que des applaudissements.

[106] Dans la vallée du Bagrada, où était situé le Saltus Burunitanus, vaste domaine impérial dont l’existence a été révélée par l’importante inscription trouvée à Henchir ed-Dakhla, à 30 kilomètres de Souk-el-Khmis. (C. I. L., t. VIII, 10570 ; — Mommsen, Hermes, t. XV, p. 386-411 ; — Cagnat et Fernique, Revue archéol., 1881, t. XLI, p. 94-103 ; — Fustel de Coulanges, Recherches sur quelques problèmes d’histoire, p. 53 et suiv., 1885 ; — Esmein, Mélanges d’hist. du droit, 1886 ; — Boissier, L’Afrique Romaine, p. 166 et suiv. ; — Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 305).

[107] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 11 (P. L., t. LVIII, p. 196).

[108] Victor Vit., De persecut vandal., V, 10 (P. L., t. LVIII, p. 248).

[109] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 8 (P. L., t. LVIII, p. 246).

[110] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 5, 10, 11, 13, 14, 15. 16 (P. L., t. LVIII. pp. 187, B, 194, B, 195, B, 198, A, 198, A, 200, A,200, B).

[111] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 12, p. 196, B ; 5, p. 183, A ; 10, p. 194, B ; 11, p. 195, B ; 13, p. 197. B ; II, p. 198, B ; 15, p. 200, A ; 16, p. 200, B.

[112] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 17 (P. L., t. LVIII, p. 202). Sous la dénomination de ministres, on désignait plusieurs catégories de personnes affiliées au clergé, auquel elles étaient soumises : les lecteurs, les sous-diacres, les acolytes, les exorcistes, les portiers, les clercs inférieurs dont la fonction était d’enterrer les morts et qui figuraient dans l’église de Cirta sous le nom de Tussores. (Audollent, Carthage romaine, pp. 585-589).

[113] Post hoc Geisericus ecclesiam Carthaginis claudi præcepit. (Victor Vit., loc. cit.).

[114] Victor Vit., loc. cit.

[115] Victor Vit., loc. cit.

[116] L’Occident à l’époque byzantine, Goths et Vandales, chap. V, pp. 191-214.

[117] Victor Vit., De persecut. vand., II, 1 (P. L., t. LVIII, p. 202).

[118] Victor Vit., De persecut. vandal., II, 2 ; pp. 202-203. Cf. L’Occident à l’époque byzantine, Goths et Vandales, p. 191.

[119] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 9 (P. L., t. LVIII, p. 493).

[120] Notitia (P. L., t. LVIII, p. 269).

[121] Prosper Tiro, Chron., n° 1339, a. 439 (édit. Mommsen, M. G., A. A., t. IX, p. 477).

[122] Præterea præcipere nequaquam cunctatus est Vandalis ut episcopos atque laicos nobiles de suis ecclesiæ et sedibus nudos penitus effugarent. Quod si optione proposita exire tardarent, servi perpetuo remanerent. (Victor Vit., De persecut. vandal., I, 4 (P. L., t. LVIII, p. 187, A). Cette phrase a été entendue en ce sens que tous ceux qui étalent spoliés, prêtres ou nobles laïques, avaient le choix entre l’exil et l’esclavage, et que, s’ils tardaient à se décider, on les condamnait à l’esclavage perpétuel. Mais ce sens ne parait point conforme au texte de Victor de Vite, quod si... exire tardarent se rapportant évidemment à sedibus. D’ailleurs un pareil choix ne se comprend guère ; qui pourrait hésiter entre l’exil et l’esclavage ? En outre il résulte du texte de Procope, analysé p. 292, que les propriétaires expropriés ne furent point exilés, mais qu’on leur laissa au contraire la liberté de se retirer où bon leur sembla.

[123] Victor Vit., loc. cit.

[124] Audollent, Carthage romaine, pp. 328 et suiv.

[125] Dum rex Geysericus memoratam Carthaginem victor invadens, senatores plurimos, imo cunctos, amissis omnibus bonis, ad Italiam navigare compelleret, inter cœteros, etc. (Vita sancti Fulgentii episcopi Ruspensis, cap. I, 4 ; Migne, P. L., t. LVV, p. 119). Tous les sénateurs ne furent pas déportés en Italie, comme le dit l’auteur de la vie de saint Fulgence. Les lettres de Théodoret prouvent que certains d’entre eux se réfugièrent en Orient.

[126] Vita sancti Fulgentii episcopi Ruspensis, cap. I, 4 (Migne, P. L., t. LVV, p. 119).

[127] Vita sancti Fulgentii, loc. cit.

[128] Théodoret, Ép. XXIX (P. G., t. LXXXIII, p. 1208).

[129] Théodoret, Ép. XXX, XXXI, XXXII, XXXIII (P. G., t. LXXXIII, pp. 1208, 1209, 1212).

[130] Théodoret, Ép. XXXV, (P. G., t. LXXXIII, p. 1213).

[131] Théodoret, Ép. XXXIV et XXXVI (P. G., t. LXXXIII, pp. 1212, 1213).

[132] Théodoret, Ép. XXX, p. 1208.

[133] Ép. XXXIII, p. 1212.

[134] Ép. XXXI, p. 1209.

[135] Ép. XXXVI, XXIX, XXXI, pp. 1208, 1209, 1213.

[136] Ép. XXXV, p. 1213.

[137] Ép. XXXIV, p. 1212.

[138] Ép. XXXI, XXXII, p. 1209.

[139] Ép. XXXV, p. 1213.

[140] Ép. XXIX, p. 1208.

[141] Ép. XXX, p. 1208.

[142] Ép. XXXI, XXXII, XXXV, XXXVI, pp. 1209, 1212. 1213 ; — Pagi, ann. 440, V.

[143] Ép. XXXIII, XXXIV, p. 1212.

[144] Théodoret, Ép. XXXI, p. 1209.

[145] Théodoret, Ép. LXXXIII (P. G., t. LXXXIII, p. 1288, C).

[146] Théodoret, Ép. XXIX, XXXII, pp. 1208, 1209.

[147] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 4 (P. L., t. LVIII, p. 186).

[148] Ægæ était une ville maritime de l’Asie Mineure, située près de Myrine, la patrie de l’historien Agathias. On y faisait le commerce d’un vin très estimé (Marquardt, Vie priv. des Rom., trad. Victor Henry, t. II, p. 84).

[149] Théodoret, Ép. LXX (P. G., t. LXXXIII, p. 1240).

[150] Baronius, Ann., 440, XVI, t. VII, p. 541.

[151] Baronius, loc. cit. ; — Acta sanct., 22 mai. t. V, p. 167. B, C, p. 168 — Bolland., Bibliotheca hagiographica Latina, 1899, pp. 669-670 ; — F. Pardini, S. Giulia, vergine e martire, padrona principale di Livorno, 2e édit., Livorno, 1883 ; — Giov. Targioni-Tozzetti, Leggenda di santa Giulia, Bologna, 1889 ; — Salmo in onore di santa Giulia, vergine e martire, padrona di Livorno, Siena, 1893.

[152] Tillemont, Notes sur saint Eugène de Carthage, note 2 : Mém., t. XVI, pp. 789, 790.

[153] Suivant les Bollandistes (Acta sanctor., 22 mai, t. V, p, 167), il se pourrait qu’il s’agit soit de la reprise de Carthage par les troupes de Justinien, soit de la prise de Carthage par les Sarrasins en 616. Ce sont des hypothèses purement arbitraires (Pagi, ann. 440, VII ; — Tillemont, Mém., t. XVI, p. 790). Quant à la première de ces deux hypothèses, elle semble tout à fait inadmissible, puisque Procope affirme que la population n’eut à souffrir, lors de l’entrée de l’armée byzantine, aucune violence, soit contre les personnes, soit contre les biens. Elle ne fut pas même exposée à la moindre menace. On ne se fat pas cru, dit-il, dans une ville qui venait d’être prise et qui subissait un changement de régime (Procope, De bello vandal., I, 21 : C. S. H. B., p. 396).

[154] Acta sanct., 8 janv., t. I, p. 483.

[155] Georges Codinus, De ædificiis constantinopolitanis (C. S. H. B., p. 122. lig. 15).

[156] Acta sanctorum, loc. cit. ; Tillemont, Mém., I. XVI, p. 306.

[157] Medinat-el-Kdima (Tissot, Géogr. comp., t. II, pp. 648 et 676).

[158] Vita sancti Fulgentii Ruspensis, cap. I, 4 (P. L., t. LXV, p. 119, A, B).

[159] Vita sancti Fulgentii, cap. I, 5 (P. L., t. LXV, pp. 119, D, 120, A).

[160] Prosper Tiro, Chron., n° 1348, a. 442, (M. G., A. A., t. IX, p. 479).

[161] Prosper Tiro, loc. cit.

[162] Victor Vit., De persecut. vandal., II, 5 (P. L., t. LVIII, p. 205, C).

[163] Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 43-44.

[164] Victor Vit., loc. cit.

[165] Jordanès, Getica (M. G., A. A., t. V, p. 106).

[166] Victor Vit., De persecut. vandal., II, 5 (P. L., t. LVIII, pp. 204-206). Cf. L’Occident à l’époque byzantine, Goths el Vandales, pp. 180-182.

[167] Notitia dign. Occid., cap. XVIII, § 1, A, 4, C, 2 et 3 (Böcking, p. 64) ; — Marquardt, Organisation de l’Empire romain, traduct. Paul-Louis Lucas et André Weiss, t. II, p. 29.

[168] Notitia Occid., loc. cit., § 1, C ; — Étienne Michon, L’Administration de la Corse sous la domination romaine (Mélanges d’archéologie et d’histoire, de l’École franç. de Rome, t. VIII, année 1888, pp. 411-425).

[169] Notit. Occid., XVIII, § 1, A, 4 (Böcking, p. 64) ; — C. I. L., t. X, pars posterior, pp. 713 et suiv. (Sicile), pp. 777 et suiv. (Sardaigne), pp. 838 et suiv. (Corse).

[170] Notit. Occid., XX, § 1, B, 4 (Böcking, p. 70).

[171] Ludwig Schmidt, Geschichte der Wandalen, p. 185.

[172] Procope, De bello vandal., I, 10 (C. S. H. B., p. 357). Cf. L’Occident à l’époque byzantine, Goths et Vandales, p. 224.

[173] Procope, De bello vandal., II, 13 (C. S. H. B., p. 468). Cf. Ch. Diehl, L’Afrique byzantine, p. 73.

[174] Ce Maximinus était apparemment le même évêque arien qui, en 428, était venu en Afrique avec le comte Sigisvult, par ordre duquel il se rendit à Hippone où eut lieu une conférence entre lui et saint Augustin, dont un des ouvrages réfute ses doctrines (S. Augustin, Contra Maximinum arianorum episcopum ; P. L., t. XLII, p. 743). Cf. Tillemont, S. Augustin, art. 334 et 341 ; Mém., t. XIII, pp. 891, 910 et suiv.

[175] Idace, Chron., n° 120, XVI, a. 440 (M. G., A. A., t. XI, p. 23).

[176] Victor Vit., De persecut. vandal., I, 17 (P. L., t. LVIII, p. 202).

[177] Cette ville était, comme nous l’apprend ailleurs Victor de Vite (De persecut. vandal., V, 12 : P. L., t. LVIII, p. 250) la civitas Tamallunensis ou Tamallenensis, c’est-à-dire Tamalleni, Oumm-es-Somâa, près de Telemin, une des principales oasis du Nefzâoua (Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 46 et p. 701).

[178] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 11 (P. L., t. LVIII, p. 249).

[179] Dans la notice jointe à l’histoire de Victor de Vite figure le nom d’Habetdeus, évêque de Tamalleni (Notitia ; P. L., t. LVIII, p. 272, C). Comme il est peu croyable que cet évêque ait été relégué dans son propre diocèse, il y a lieu de supposer qu’Habetdeus de Tamalleni et Habetdeum dont il est ici question sont deux personnages différents, ou qu’il y a erreur dans l’indication de l’évêché. Cette seconde hypothèse parait plus probable, car la notice ne fait mention d’aucun autre évêque de ce nom. Peut-être au lieu de Habetdeus Tamallunensis (de Tamalleni) faut-il lire Tamalleni (relégué à Tamalleni), comme on voit (Notitia, p. 269. A) Eugenius Carthaginensis, Tamalleni. Il n’y a point d’apparence qu’Habetdeum dont il est ici question puisse être l’évêque de Theudalis (Henchir el-Aouàma) dont il a été fait mention ci-dessus. Victor de Vite semble en effet dire clairement que ce dernier était évêque de Theudalis à l’époque de la prise de Carthage (De persecut. vand., I, 7 ; P. L., t. LVIII, p. 190). Il ne pouvait donc être très Jeune en 439, et ne devait plus, selon toute apparence, être vivant au temps de la persécution d’Hunéric, en 484. Il ne figure pas dans la Notitia, où on remarque le nom de Victor Eudalensis (P. L., t. LVIII, p. 269, D), probablement son successeur, Eudalensis étant mis pour Theudalensis. Cf. Ruinart, Annotationes in notitiam Africa, 55 (P. L., t. LVIII, p. 321).

[180] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 12 (P. L., t. LVIII, p. 250).

[181] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 16 (P. L., t. LVIII, p. 253).

[182] Édit d’Hunéric contre les catholiques (Victor Vit., De persecut. vandal., IV, 2 (P. L., t. LVIII, pp. 235-238). Cf. L’Occident à l’époque byzantine, Goths et Vandales, pp. 201 et suiv.

[183] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 13 (P. L., t. LVIII, p. 231).

[184] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 14 (P. L., t. LVIII, p. 251).

[185] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 14 (P. L., t. LVIII, p. 251).

[186] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 13 (P. L., t. LVIII, p. 231).

[187] Victor Vit., De persecut. vandal., V, 13 (P. L., t. LVIII, p. 231).

[188] Felicis Papis III ep. IX, 5 (Hardouin, Concilior. collect. maxima, t. II, p. 834).

[189] Felicis papis III ep. IX, 1-5 (Hardouin, Concilior. collectio maxima, t. II, pp. 832-834).

[190] Concilium romanum triginta octo episcoporum de lapsis africanæ ecclesiæ recipiendis (Hardouin, Concilior. collectio maxima, t. II, pp. 877-878).

[191] Cod. Théod., lib. XVI, tit. XI, 1 (Hænel, p. 1627) ; — Nov. Valentin. III, XXXIV, 1 (Hænel, p. 245 et note p) ; — Cod. Just., lib. I, tit. IV, 10 : Mathematicos, si non parati sunt, codicibus erroris proprii sub oculis episcoporum incendio concrematis, catholicæ religionis cultui fidem tradere, nunquam ad errorem præteritum redituri, non solum urbe Roma, sed etiam omnibus civitatibus pelli decernimus ; — Const. Sirmond., II (Hænel, p. 448).

[192] Cod. Théod., lib. IX, tit. III, 7 (Hænel, p. 830) ; — Const. Sirmond., XIII (Hænel, p. 467) ; — Édouard Cuq, Institutions juridiques des Romains, Droit du Bas-Empire, t. II, p. 868, notes 1 et 2.

[193] Édit. d’Hunéric contre les catholiques. (Victor Vit., De persecut. vandal., IV, 2 ; P. L., t. LVIII, pp. 235-238) ; — Cod. Théod., lib. XVI, tit. V, 12, 13, 14, 22, 24, 30, 31, 34, 36, 37, 38, 40, 42, 44, 45, 48, 51, 52, 53, 54, 57, 62, 63, 65 (Hænel, pp. 1531-1572).

[194] Procope, De Bello vandal., I, 17 (C. S. H. B., p. 382).

[195] Cf. Audollent, Carthage romaine, pp. 674-679.

[196] Audollent, Carthage romaine, pp. 362-363.

[197] Cassiodore, Variæ, I, XXXV (édit. Mommsen, M. G., A. A., t. XII, p. 33).

[198] Audollent, Carthage romaine, p. 364.

[199] Procope, De bello vandal., I, 20 (C. S. H. B., p. 394).

[200] Procope, De bello vandal., II, 3 (C. S. H. B., p. 423).

[201] Cassiodore, Variæ, III, XVI et XVII (édit. Mommsen, M. G., A. A., t. XII, pp. 87, 881. Cf. L’Occident à l’époque byzantine, Goths el Vandales, ch. III, pp. 72 et suiv.