LE POÈME DE LUCRÈCE

 

CHAPITRE IX. — TRISTESSE DU SYSTÈME.

 

 

De nos jours, où l'on fait volontiers aux poètes un mérite de leur tristesse et où la mélancolie est regardée comme le charme suprême des vers, on n'a pas manqué d'écrire sur celle de Lucrèce des pages émues, mais qui ne sont pas toujours justes. Souvent on lui a prêté des sentiments trop modernes. On l'a pris pour un sceptique qui souffre de son scepticisme, en proie aux angoisses du doute, qui aspire à des vérités que sa doctrine ne lui donne pas, qui se sent dépossédé de ses anciennes croyances et, sans regretter précisément ce qu'il ne peut plus admettre, éprouve pourtant les troubles d'une raison non satisfaite. Ce sont là des sentiments qu'on ne peut, en général, attribuer au vieux ponte romain, que par une sorte d'anachronisme moral. Lucrèce, au contraire, est sur Ions les points content de sa doctrine, il n'en désire pas une meilleure. de ne sais si même, dans toute l'histoire de la philosophie, on trouverait un autre exemple d'une conviction si entière, d'une foi si pleine, d'un attachement si obstiné à la parole d'un maitre. Le poète n'est pas triste, parce que son système lui laisse quelque chose à regretter, mais la tristesse est dans le système.

Pour faire comprendre ce caractère de l'épicurisme, qu'on nous permette de nous figurer Lucrèce, comme d'ailleurs il se présente lui-même, méditant a durant le calme des nuits sereines » sur les plus grands mystères du monde ; supposons que, devant l'immensité de la nature et du ciel étoilé, la suite de ses méditations soit celle qu'à l'aide de morceaux épars nous allons établir. Ce sera un chapitre analogue à ceux de Pascal sur l'univers et sur l'homme, dont la conclusion sans doute ne sera pas la même, mais touchante aussi, grave, austère et pleine de cette mélancolie qu'on rencontre toujours dans les hautes et vastes pensées.

D'abord qu'est-ce que le monde ? Une aveugle combinaison d'atomes, l'œuvre du hasard, un ouvrage imparfait. Tandis que les autres philosophes admirent l'ordre de l'univers au point de ne pouvoir attribuer un si bel arrangement[1] qu'à une intelligence souveraine, pleine de sollicitude pour l'homme, le poète épicurien ne voit partout qu'une incurie désordonnée dont il fait un argument contre la croyance à une création divine :

Pour moi, si j'ignorais le jeu des éléments,

Au simple aspect du ciel, de ses déréglemente,

De toutes les erreurs que montre la nature,

J'oserais affirmer qu'une telle structure,

Dont partout les défauts nous offensent les yeux,

N'est pas faite pour nous, n'est pas l'œuvre des dieux.

Ce monde, sur lequel le ciel roule et tournoie,

Des sauvages forêts d'abord il est la proie ;

Rocs, monts, vastes marais nous usurpent les champs,

Et puis l'immense mer qui rompt les continents.

Aux mortels retranchez encor deux parts du globe,

Qu'un feu brûlant, qu'un froid éternel nous dérobe.

Et le peu de terrain à nos besoins laissé

Serait en quelques jours de ronces hérissé,

Si, luttant pour sa vie et pour sa nourriture,

L'homme ne repoussait l'assaut de la nature,

Et s'il ne déchirait la terre, en gémissant

Sur sa lourde charrue ou son hoyau pesant.

Car si le soc n'entrait dans la glèbe profonde

Pour en solliciter la puissance féconde,

Le germe ne pourrait sortir de son sommeil,

Se lever dans les airs et flotter au soleil.

Et quand ce doux espoir d'une rude culture

Nous montre enfin ses fleurs ou sa jeune verdure,

Par les feux du soleil souvent il est brûlé,

Noyé par l'eau du ciel, par les frimais gelé,

Ou meurtri par les vents et leur fureur mortelle.

Et pourquoi la nature encore nourrit-elle

Et ces bêtes des bois et ces monstres marins,

Tant d'ennemis cruels, la terreur des humains ?

Pourquoi l'automne impur promenant son ravage ?

Pourquoi la mort qui frappe au hasard le jeune ? (V, 196.)

Ainsi le désordre règne dans le monde ; rien n'est fait pour l'homme, qui est comme perdu dans cette confusion des éléments. Voilà déjà pour l'épicurien une source de réflexions amères. Les autres grandes doctrines de l'antiquité sont plus justes envers la nature, plus sages et moins exigeantes. Elles reconnaissent l'ordre général de l'univers, qui est visible. Les stoïciens surtout, pleins de confiance en la Raison universelle, qui croient à une Providence, déclarent que le mal physique n'est souvent qu'une apparence, ou une nécessité des choses, qui ne peuvent être autrement, ou un moyen d'exercer l'industrie et la vertu de l'homme. N'est-ce pas à Épicure ou à Lucrèce que s'adressent ces beaux mots d'Épictète : Que crois-tu donc que fût devenu Hercule, s'il n'y avait pas eu le fameux lion et l'hydre et le sanglier et plus d'un homme inique dont il a purgé la terre ? qu'aurait-il fait si rien de pareil n'avait existé ? Il se serait enveloppé de son manteau et y aurait dormi... Comprends donc tout cela, jette les yeux sur les forces qui sont en toi et dis : Envoie-moi maintenant, ô Jupiter, les circonstances que tu voudras ; car j'ai des ressources données par toi-même pour tirer parti de tous les événements. Au lieu de cela, vous restez assis, tremblants, gémissants... c'est le manque de cœur qui fait de vous des impies[2]. En effet, le mol épicurisme aurait voulu que la nature lui eût d'avance préparé un lit de repos ; la loi du travail lui paraissait une oppression et une iniquité. Le stoïcisme. plus juste et plus vaillant, trouvait sa sérénité dans son optimisme religieux et sa gloire dans la nécessité de la lutte.

Non-seulement le monde, est mal fait, mais il va de mal en pis ; il dégénère. Cette grande machine s'use à la longue et déjà nous sommes témoins de sa vieillesse. Lucrèce va nous peindre en vers désespérés cette décrépitude progressive de la nature :

Elle n'enfante plus, cette mère vieillie,

Que d'animaux chétifs une race affaiblie,

Elle qui sut former tous les êtres vivants

Et les corps monstrueux de ses premiers enfants...

De même ses bienfaits, les belles moissons blondes,

Et les prés plantureux et les vignes fécondes,

Tous ces dons qu'elle offrait d'elle-même aux mortels

Sont à peine le prix de labeurs éternels.

Il faut que le bœuf s'use et meure à la charrue,

Que sur le sol durci le laboureur se tue,

Le fer même s'émousse à cette dureté,

Et le fruit diminue à l'effort augmenté.

De ce vieux laboureur entends le long mécompte ;

Secouant son front chauve, il soupire et raconte

Que de fois son sillon retourné sans repos

A mal payé le prix de ses rudes travaux ;

Et, comparant son siècle à des temps plus prospères,

Il se plaît à vanter le bonheur de ses pères

Et ces antiques jours où les hommes pieux,

Également comblés par la terre et les dieux,

Chacun sur son domaine étroit, mais plus fertile,

N'avaient qu'à recueillir une moisson facile.

Naïf étonnement ! Cet homme ne voit pas

Que tout marche à la mort, lentement, pas à pas,

Que sous le poids des ans la nature succombe,

Et, comme nous mortels, s'achemine à sa tombe. (II, 1150.)

De pareilles idées sur le désordre et sur la dégénération du monde devaient jeter le poète dans une certaine affliction d'esprit. On en peut juger par l'aigreur de ses plaintes. Les doctrines modernes qui ont quelque analogie avec celle de Lucrèce admettent du moins le progrès et laissent à l'homme l'espérance d'un sort toujours meilleur. Selon ces systèmes, auxquels on peut plutôt reprocher d'être trop séduisants, la nature elle-même, obéissant à la loi du progrès, a étouffé les enfants monstrueux qu'elle avait d'abord produits et a enseveli leurs gigantesques ossements dans les profondeurs de la terre, comme pour cacher ses premières erreurs. Elle a enrichi son plan, elle a dégrossi et épuré les formes des animaux et des plantes, elle a varié d'une manière infinie leurs espèces qui étaient en petit nombre, elle a enfin peuplé d'une série non interrompue et de plus en plus parfaite toute l'échelle des êtres. En un mot, elle semble être devenue plus ingénieuse, plus délicate et plus bienfaisante, confondant ainsi par ses libéralités inespérées les doléances de Lucrèce. Grâce à sa fécondité inépuisable, de plus en plus sollicitée par l'industrie humaine, la terre, vieille demeure de l'homme, est sans cesse rajeunie et parée. Avec l'idée du progrès, le matérialiste moderne peut du moins rêver pour les générations futures un noble et riant avenir. Au contraire, le matérialiste antique assiste dans un morne découragement à l'insensible dissolution du monde et ne peut que gémir à la pensée de cet irrémédiable épuisement.

L'idée du progrès ou physique ou moral se rencontre rarement chez les anciens, mais elle se trouve pourtant çà et là, quoi qu'on en ait dit, chez Aristote, Cicéron, Sénèque et même chez Lucrèce, qui, par une sorte de contradiction, a précisément célébré dans le cinquième livre les conquêtes de l'homme sur la nature. Il a fait plus : avec la netteté la plus lucide il a exprimé la loi même du progrès, il en a trouvé la formule en ces vers qui servent de conclusion et de couronnement à sa grande peinture de l'humanité naissante : Le besoin, dit-il, l'expérience, l'activité de l'esprit font avancer les hommes pas à pas. Le temps amène au jour peu à peu toutes les découvertes ; l'industrie de plus en plus ingénieuse les met en pleine lumière ; les arts naissent les uns des autres et brillent sous l'effort du génie jusqu'à ce qu'ils aient atteint leur plus haut point de perfection. (V, 1451.)

Mais cette idée remarquable du progrès humain est noyée et disparaît dans cette grande plainte sur le dépérissement nécessaire et de jour en jour plus visible de la nature.

Ce prétendu dépérissement pouvait paraître assez vraisemblable à un Romain du temps de Lucrèce. L'Italie, épuisée par une culture inintelligente, dépeuplée par la guerre et par l'extension de la grande propriété improductive, avait perdu son antique fertilité. On s'en étonnait et on répétait que la terre vieillit aussi bien que l'homme. L'agronome Columelle, plus sage, voyait bien quelle était la cause du mal et disait que la faute en était à une agriculture inepte qui traitait la terre en bourreau. Il semble même directement répondre aux doléances de Lucrèce : Comment s'imaginer que la nature, douée par le créateur du monde d'une fécondité toujours nouvelle, ait été frappée tout à coup de stérilité, que la terre vieillisse, elle qui a reçu en partage une jeunesse éternelle, cette terre que nous appelons la mère commune de toutes choses, puisqu'elle a enfanté tout ce qui est, et qu'elle enfantera tout ce qui doit être dans les temps à venir ? Loin d'attribuer nos maux à l'instabilité de l'atmosphère, cherchons-en la cause dans notre insouciance[3]. Nous citons ces paroles sensées de Columelle pour montrer comment Lucrèce et ses contemporains ont pu se tromper ; à des imaginations romaines qui se rappelaient les beaux temps de Cincinnatus, les champs déserts de l'Italie, désolés par la misère, ou par l'empiètement d'une richesse destructive, transformés en solitudes stériles, offraient, comme en un morne tableau, la décadence de la nature.

Du reste, pour Lucrèce, comme pour Rousseau, le monde moral est en décadence, comme le monde physique ; la civilisation n'a fait qu'apporter plus de maux et de vices[4].

Lucrèce va plus loin dans ses sombres méditations ; il annonce aux Romains une vérité terrible qui, dit-il, n'a pas encore frappé leurs oreilles, la ruine et la fin prochaine du monde[5]. En vers redoutables, il fait des vœux pour que cet universel désastre soit épargné à ses contemporains, mais il n'ose pas l'espérer :

....Dictis dabit ipsa fidem res

Forsitan, et graviter, terrarum motibus ortis,

Omnia conquassari in parvo tempore cernes. (V, 106.)

Cette imprudente menace, propagée depuis par d'autres doctrines, se répandra partout et finira par s'emparer de l'imagination populaire. Bizarre fortune des idées ces craintes d'une philosophie incrédule deviendront au moyen âge les craintes de la piété. Ces peuples entiers qui attendaient avec anxiété l'an mil, qui se hâtaient de donner leurs biens aux églises, ne savaient pas qu'ils cédaient à une terreur jetée dans le monde antique par les épicuriens. Les âmes pieuses qui croyaient trembler sous un frisson divin regardaient sans doute comme des impies ceux qui ne partageaient' pas leur terreur, sans se douter qu'elles-mêmes étaient les impies, puisqu'elles tremblaient sur la foi d'Épicure. Ainsi il arrive souvent que dans le cours des âges les idées perdent les marques de leur origine, passent d'une doctrine à une doctrine contraire, et, comme des transfuges déguisés, changent de camp.

Maintenant, si de la contemplation du monde, de ce monde défectueux, décrépit, qui demain peut-être tombera en ruines, Lucrèce passe à celle de l'homme, il reste confondu, comme le sera plus tard Pascal, à la vue de notre petitesse et de notre fragilité. Comme l'auteur des Pensées, il se plaît à comparer notre néant à l'immensité de l'espace et à l'éternité de la durée :

Et quota pars homo sit[6]...

Il prévient ces étonnantes méditations de Pascal : Que l'homme étant revenu à soi, considère ce qu'il est au prix de ce qui est ; qu'il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature..., qui se considérera de la sorte s'effrayera de soi-même. A vrai dire, de telles pensées ne sont pas tristes, on du moins elles n'ont que la tristesse de leur sévère grandeur. Les plus belles doctrines morales ont toujours recommandé ces sublimes méditations. Avant les Pères de l'Église, avant Pascal, avant Bossuet, les stoïciens y trouvaient un texte de fortifiantes réflexions. Mais selon eux, si pour l'homme la part est petite de l'universelle matière, il porte du moins en lui une part de l'âme universelle  : Voilà ce qu'il te faut méditer, se disait Marc-Aurèle à lui-même, afin de te mettre dans l'esprit qu'il n'y a rien de grand que de faire ce qu'exige ta nature, et de souffrir ce que t'apporte la nature commune[7]. Pour l'épicurien, l'homme n'est qu'un assemblage, une motte d'atomes, qu'un hasard heureux, ou plutôt, pour parler comme Lucrèce, un hasard malheureux[8], appelle un instant à la vie, et dont les éléments bientôt dissous, dispersés, ballotes par l'inintelligente inconstance de la matière, servent à des créations nouvelles[9].

Le monde, sans repos, finit et recommence,

D'être en être mortel court et fuit l'existence.

Telle espèce s'étend, s'accroit et se nourrit

De tout ce qu'a perdu telle autre qui périt ;

De la foule qui meurt, dans le plus court espace,

La foule qui tenait a déjà pris la place,

Et comme dans les jeux, aux fêtes de Vulcain,

Vole la torche errante allant de main en main,

Chaque race à son tour par une autre suivie

Lui transmet en courant le flambeau de la vie. (II, 75.)

Que sont, en effet, la vie et la mort ? Le résultat de la lutte aveugle et perpétuelle entre des atomes qui se recherchent et des atomes qui se repoussent, entre des mouvements créateurs et des mouvements destructeurs, qui, par une alternative infinie, éternelle, de victoires et de défaites, forment les êtres et les dissipent. Le monde n'est que l'immense théâtre de cette guerre entre deux principes qui se surmontent tour à tour et qui infligent à l'homme ou la vie ou la mort :

L'un ne peut toujours vaincre, et ce qu'il a détruit

Ne reste pas plongé dans l'éternelle nuit,

Et l'autre, par qui naît, grandit, s'élève un être,

Ne peut pas conserver toujours ce qu'il fait naître.

Principes ennemis et de vie et de mort

Se disputent le monde en un contraire effort ;

De toute éternité ces puissances rivales

Se balancent sans fin dans leurs luttes égales.

Les germes de à vie ici, là, sont vainqueurs,

Ibis pour céder bientôt aux germes destructeurs.

Tandis que le mourant sanglote, l'enfant crie

Au moment de toucher aux rives de la vie.

Le jour chasse la nuit, la nuit succède au jour

Sam qu'il cesse un moment, ce bruit lugubre et sourd ;

Là, près d'un noir bâcher, familles gémissantes,

Ici, vagissements et pleurs de voix naissantes. (II, 569.)

Même dans les plus hauts principes de sa physique, on le voit, Lucrèce fait souvent de ces retours mélancoliques sur la destinée de l'homme. Il ne perd pas de vue cette victime de la nature. Combien ses accusations seront plus amères quand il peindra le plus grand malheur de l'être humain, sa naissance, son entrée dans la vie, où il est précipité malgré lui, où son premier cri est un pleur, comme s'il avait déjà le sentiment de ses misères futures ! Sans doute il n'y a rien de bien nouveau dans ces plaintes qui sont de tons les temps. Salomon s'écriait déjà : Étant né... je me suis fait entendre d'abord en pleurant comme tous les autres. Bien des sages dans l'antiquité, Empédocle, Platon, Aristote et d'autres ont dit et redit que naître est un malheur. Pline l'ancien, dans un morceau célèbre, a fait de l'enfant, comparé aux animaux, une sombre peinture[10] ; Buffon l'a reprise, et les écrivains chrétiens ont da à leur tour insister sur notre infirmité native. Mais personne n'a ressenti la profonde émotion de Lucrèce et n'a trouvé de si grandes images. Le poète épicurien est comme inspiré par son impiété et fait de cette humaine faiblesse un argument contre la Providence. Vous nous parlez de la sollicitude divine ; eh bien, contemplez donc cet être si favorisé :

Le voilà, cet enfant, pareil au matelot

Lancé sur un rocher par la fureur du flot ;

Pauvre, nu, sans parole, et sentant sa misère,

Il salue en pleurant les bords de la lumière,

Quand du flanc maternel, avec de longs efforts,

La nature l'arrache et le jette dehors.

Ah ! je comprends qu'il pleure et se débatte et crie,

Lui qui doit traverser tant de maux dans la vie ! (V, 222.)

L'ennemi des dieux trouve un aigre plaisir à montrer que les animaux sont mieux traités, qu'ils ont reçu des armes, des vêtements, une facile nourriture, tandis que l'homme est nu, désarmé, indigent. Il accable l'homme de ces vers ironiques, pour mieux confondre la prétendue bonté de la nature ;

Les autres animaux, troupeaux, bêtes des bois,

Croissent seuls, sans hochet, sans que la molle voix

D'une tendre nourrice éveille leur faiblesse

Et de ses demi-mots enfantins les caresse.

En toutes les saisons leur vêtement est doux ;

Pour défendre leurs biens leur faut-il comme à nous

Des armes, des remparts ? Dure pour nous, la terre

Leur verse de son sein tout ce qui peut leur plaire,

Et même en les créant, la nature a pris soin

De leur tout dispenser selon chaque besoin. (V, 228.)

Ici le chœur des grands écrivains, qui tout à l'heure répétait à l'unisson les plaintes de Lucrèce, se sépare de lui. L'irascible poète, aveuglé par sa doctrine, ne voit pas que cette faiblesse de l'homme est précisément la plus sensible preuve de sa puissance, puisque cet enfant, qui parait abandonné par la nature, finit par régner sur elle. Tout le monde est d'accord pour réfuter[11] Lucrèce à des points de vue divers. Montaigne répond que les hommes sont aussi bien pourvus que les animaux : Plutarque, que les avantages des bêtes sont compensés chez l'homme par le don de la raison ; Pascal, que l'homme n'est qu'un roseau, mais un roseau pensant ; Bossuet, que l'homme ne doit pas se mépriser tout entier. Sur ce point, l'épicurien est réfuté surtout par les doctrines qui reconnaissent autre chose que la matière. Celles-ci, après avoir humilié l'homme, le relèvent, tantôt comme les philosophes, en montrant la supériorité de son intelligence, tantôt comme les chrétiens, en ajoutant à cet avantage celui d'être la plus chère créature de Dieu. Les épicuriens ne parlent jamais de semblables dédommagements ; et c'est là ce qui explique la tristesse de leurs considérations sur la nature humaine. Leur amertume est le châtiment de leur doctrine.

Même les doctrines matérialistes qui ont quelque rapport avec celle de Lucrèce repousseraient aujourd'hui cette plainte injuste et trop humble. Elles sont plutôt tentées de faire de l'homme une sorte de Prométhée plus grand que Jupiter. Et comment n'aurait-elles pas de ces transports d'orgueil en voyant que cet enfant chétif, peint par Lucrèce, tient la nature sous sa main[12], qu'il en dirige ou en élude les lois, qu'il s'est emparé de la terre comme de son bien, qu'il a refoulé ces déserts avec leurs monstres dont le poète nous faisait peur, qu'il a forcé la barrière insurmontable de l'Océan, qu'il connaît les mouvements jadis effroyables du ciel, comme une horloge qu'il aurait composée lui-même, que sur un signe de ses sourcils la foudre s'empresse, en messagère docile, de porter sa pensée à travers toutes les distances et toutes les profondeurs, qu'il a captivé les éléments les plus indomptables, qu'il les a enchaînés à ses chars et à ses navires, que les inertes métaux, transformés en gigantesques esclaves, percent les montagnes et unissent les mers ? Ce n'est pas l'homme qui est la victime de la nature, c'est elle qui est non-seulement vaincue, mais tourmentée, défigurée, souvent saccagée par nous, et le temps n'est pas loin où des voix s'élèveront pour plaider sa cause et pour défendre cette opprimée contre l'audace ou l'imprévoyance humaines.

De pareilles idées sur la nature et sur l'homme, si peu justes et si dures, n'inquiétaient pas sans doute des épicuriens, dont l'imagination était insensible et sèche, mais à l'âme délicate d'un poète elles devaient faire sentir leurs pointes. Si du monde physique Lucrèce se tournait vers le monde moral, sa doctrine lui offrait encore de plus affligeants spectacles. Qu'est-ce en effet que la société, sinon le perpétuel conflit des intérêts et des passions, plus ou moins réglé par de faibles lois qui ne sont que des conventions arbitraires et changeantes, par lesquelles les hommes s'engagent à ne pas nuire à autrui pour qu'on ne nuise pas à eux-mêmes[13]. Il n'y a point de justice naturelle. Épicure avait adopté la morale des sophistes, si constamment réfutée par Socrate. Aux épicuriens manque l'idée du droit, qui sert de soutien et de consolation aux hommes, alors même qu'il est violé. Si donc, comme au temps de Lucrèce, un ambitieux opprime la république, ils n'ont que la ressource de penser qu'il sera bientôt renversé par un autre ambitieux et que l'envie fera justice de l'usurpation. Ils ne peuvent pas, comme les stoïciens, se réfugier dans leur conscience et compter sur les revanches du droit[14] un moment méconnu. Tout ce qui leur est donné, c'est de contempler les luttes de loin, de les maudire, de s'applaudir de leur timide sagesse qui les met hors de prise et d'exhaler, dans un silence prudent, leur superbe chagrin[15].

Au fond de cette retraite protectrice commence le vrai malheur de l'épicurien, s'il veut rester grave, austère, fidèle à sa doctrine. Dans les républiques anciennes, que fera-t-il de la vie après avoir refoulé en lui l'activité civique ? se donnera-t-il aux lettres ? mais il dédaigne l'éloquence et la tient pour suspecte ; à la philosophie ? mais la science a été fixée par le maitre, et il n'est point permis d'en reculer les limites ; aux occupations domestiques ? mais l'épicurien n'a point voulu de famille, de peur d'en payer les joies par des peines ; aux plaisirs ? mais s'ils sont vifs, ils sont pernicieux et laissent de longs regrets. Le voilà donc parvenu au repos désiré, à cette heureuse apathie qui est le but et le prix de la sagesse. Rien ne le trouble, rien ne l'étonne, rien ne le touche[16]. Mais de prudence en prudence il a de plus en plus resserré le cercle de son action ; il étouffe dans les replis de son étroite doctrine. L'ennui entre dans son âme désertée par les passions. L'uniforme spectacle du monde, dont il n'est que l'oisif contemplateur, le fatigue et l'exaspère. à laissera échapper avec Lucrèce ce cri répété du dégoût : Toujours, toujours la même chose ! Eadem sunt omnia semper... Eadem omnia restant ![17] Avec plus d'impatience encore il appellera de ses vœux le terme de sa trop placide misère et s'écriera avec le voluptueux de Sénèque : Jusques à quand ? quousque eadem ?[18] Le seul avantage qu'il se soit assuré, c'est de n'avoir point peur de la mort ; car il y a si doucement acheminé sa vie qu'il pourra passer d'un néant à l'autre sans secousse. Peut-être même préviendra-t-il les ordres de la nature pour aller plus vite vers ce sommeil éternel, dont il a déjà goûté les prémices, et pour s'assurer plus tôt le charme de la mort[19]. Combien ces langueurs, ces ennuis d'une doctrine accablante, bien que volontairement acceptée, ont été pénibles et douloureux a une âme aussi fougueuse que celle de Lucrèce, nul ne le sait, mais on en peut soupçonner quelque chose à travers le voile de deuil qui couvre sa poésie.

La morale aussi bien que la physique avait pour l'épicurien ses amertumes. Reste la théologie. Nous devons dire, en dépit de toutes les injures dont on a couvert surtout cette partie de la doctrine, que là, du moins, s'était réfugiée la vie. C'est le cœur du système où toute l'énergie s'est ramassée. Si l'épicurien sort de sa torpeur et montre quelque vaillance, c'est pour prouver que les dieux ne sont pas les tyrans du monde. Sa joie est de se sentir au-dessus de la superstition, de braver l'opinion commune. à s'appuie sur une idée généreuse et croit plaider la cause de la majesté divine aussi bien que de la dignité humaine. Attaqué de toutes parts, il se réveille, s'anime, s'exalte et triomphe. C'est en effet cet orgueil légitime de la raison affranchie, qui soutient Lucrèce dans tout le cours de sa vaste entreprise. Mais le juste et violent mépris des épicuriens pour les hontes et les inepties de la religion païenne les entraîne au delà du but. Pour mieux soustraire le monde au vil gouvernement des dieux accrédités, ils refusent à la divinité la toute-puissance, et la relèguent dans je ne sais quel lointain exil, où elle jouit sans travail et sans sollicitude de son impassible immortalité. Ils sont amenés à nier qu'il y ait de l'ordre dans l'univers, à s'opiniâtrer en des paradoxes peu solides où leur raison trébuche, vacille et quelquefois s'attriste. Çà et là, Lucrèce lui-même, si ferme dans sa foi philosophique, est comme en proie à des retours offensifs de l'idée divine. A peine a-t-il enlevé le monde et les hommes au pouvoir détesté des dieux, le voilà forcé tout à coup de reconnaître qu'il est une puissance cachée, sans nom, qui se fait un jeu de renverser les grandeurs humaines. Lui qui ne croit qu'au hasard, il attribue quelquefois à la nature le rôle et les fonctions de la providence, la sollicitude ou le courroux d'une divinité toute-puissante. Ailleurs, après avoir peint le désordre qui règne dans l'univers, il est consterné à la vue de certains mouvements célestes dont l'effrayante et mystérieuse régularité semble révéler la main d'un Dieu. Après un moment d'angoisse il chasse cette idée qui lui fait horreur, mais il a laissé voir qu'elle avait envahi son âme et qu'il avait eu à s'en défendre.

On est plus d'une fois frappé de pareilles contradictions entre le système et l'émotion du poète, comme on est touché, en lisant Pascal, d'une contradiction inverse, et plus constamment pathétique ; car bien qu'on ne puisse comparer les doctrines de ces deux philosophes si diversement émus, ils ont cela de commun que leur imagination parait encore obsédée par les choses mêmes qu'ils attaquent et qu'ils nient, Pascal, par la raison, Lucrèce, par les dieux.

Peut-être n'est-ce pas impunément qu'une âme grande et passionnée se retranche certaines idées qui font, pour ainsi dire, partie de nous-mêmes, et soit que dans les transports religieux, comme Pascal, on violente sa raison, jusqu'à la meurtrir, soit que dans le fanatisme de l'impiété, comme Lucrèce, on s'arrache l'idée divine, on risque également de ne pas trouver la paix qu'on attendait de cette violence ou de cette mutilation, et de sentir toujours la blessure qu'on s'est faite à soi-même.

La véritable réfutation de la doctrine qui prêche la volupté, est la tristesse de son plus grand interprète.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Le bon sens populaire a donné au monde le nom de κόσμος, de mundus, ce qui signifie, en grec et en latin, ordre, arrangement.

[2] Entretiens d'Épictète, traduction Courdaveaux, I, 6.

[3] De re rustica, liv. I, préface, et l. II, 1.

[4] V, 986-1008.

[5] Lucrèce réclame hautement pour l'épicurisme la gloire de cette découverte : Nova res miraque menti... insolitam rem. Liv. V, 97-100. Il est assez curieux de voir que la doctrine qui prétendait en tout calmer les esprits les ait livrés à cette peur. Lucrèce était amené là par le désir de renverser une certaine croyance religieuse qui attribuait au corps célestes une substance divine et, par conséquent, éternelle. Il parle ici à peu près comme Salomon : Ils ont pensé que le feu ou les cercles des astres, ou les lumières du ciel étaient des dieux qui gouvernaient le monde. Sagesse, XIII, 2. — Pour détruire une superstition assez innocente, les épicuriens en établissaient doctement une autre bien plus accablante.

[6] VI, 652.

[7] Pensées, XII, ch. 32. — Voy. liv. IV, 50 ; V, 21. — Quota pars omnium sumus. Sénèque, Lettres, 91. — Épictète, Entret., I, 12.

[8] Quidve mali fuerat nobis non esse creatis ? (V, 176.)

... Quid obest non esse creatum ? (V, 180.)

Lucrèce semble dire comme Lamartine :

Si l'on m'eût consulté, j'aurais refusé l'être.

[9] Ces idées de Lucrèce ont frappé André Chénier. Dans son Hermès, dont il se proposait de faire une sorte de de rerum natura, et qui est à peine ébauché, il place en note, comme pierre d'attente, cette pensée : La terre est éternellement en mouvement. Chaque chose naît, meurt et se dissout. Il ajoute, en républicain : Cette particule de terre a été du fumier, elle devient un trône, et, qui plus est, un roi. Plutarque avait dit : Ne plus, ne moins que l'imager d'une mesme masse d'argille peut former des animaux, et puis les confondre en masse, et puis derechef les reformer et derechef les reconfondre ; aussi la nature d'une mesme matière a jadis produit noz ayeulx et puis après consecutivernent a procreé nos peres, et puis nous après et de nous par tour en engendrera d'autres et après d'autres de ces autres. Cons. à Apoll., 10.

[10] Nous ne citons pas les morceaux connus de Pline et de Buffon. — Bossuet dit : Nous saluons tous, en entrant au monde, la lumière du jour par nos pleurs, et le premier air que nous respirons nous sert à pousser des cris. Orais. fun. de Gornai. — Infantia a fletu orditur hane lucem. Saint Augustin, Cité de Dieu, XXI, 44. — Primam vocem plorationis edimus, merito quidem, utpote vallem plorationis ingressi. Saint Bernard, Sermon sur la Passion.Aspice nudum et informem inter vagitus et lacrymas nascentem, etc. Pétrarque, de Contemptu mundi. — Les beaux vers de Lucrèce se sont emparés des âmes les plus religieuses.

Mais tous ces écrivains trouvent des raisons de se consoler. En revanche, le pauvre Léopardi, accablé par deux maladies mortelles, condamné par les médecins à vivre sur la croupe désolée du Vésuve, adhérait avec un douloureux enthousiasme à l'acte d'accusation de Lucrèce contre la nature : Ah ! qu'il vienne donc ici celui qui exalte le sort de l'homme et qu'il voie combien nous sommes chers à la nature aimante !... Mais il est un noble cœur, celui-là qui ose soulever ses yeux mortels contre la destinée commune,... qui rejette la faute sur la vraie criminelle, la nature mère des hommes par l'enfantement, marâtre par la volonté. Trad. de M. Marc Monnier. L'allusion à Lucrèce est évidente :

Morulas tonere contra

Est oculos ausus, primusque obsistere contra. (I, 66.)

[11] Pline dit de l'homme : Flens animal cæteris imperaturum. Hist. nat., VII, 4.

Montaigne discute longuement, en les citant, les vers de Lucrèce. Essais, II, 42.

Plutarque répète ce qui a été dit par Platon, Euripide, etc. — Lucrèce n'a pas pensé qu'il allait bientôt se contredire en peignant dans ce même cinquième livre la civilisation naissante et les progrès de l'homme, de son industrie, de ses arts.

Bossuet, en plus d'un endroit, attache une extrême importance à montrer la supériorité de l'homme sur les animaux.

[12] Il y a dans Bossuet, sur ce sujet, des pages admirables et peu connues que nous signalons parce qu'elles étonnent, venant d'un orateur sacré qui se plaît à humilier l'homme. Pour abréger, il nous faut mettre cette éloquence en poussière : Je ne puis contempler sans admiration ces merveilleuses découvertes... Il serait superflu de vous raconter comme il sait ménager les éléments, après tant de sortes de miracles qu'il fait faire tous les jours aux plus intraitables, je veux dire au feu et à l'eau, ces deux grands ennemis, qui s'accordent néanmoins à nous servir... Quoi plus ! il est monté jusqu'aux cieux... il a appris aux astres à le guider dans ses voyages... Pour mesurer plus également sa vie, il a obligé le soleil à rendre compte de tous ses pas... Notre âme supérieure au monde n'a rien à craindre que de son auteur. Sermon sur la Mort. Le religieux Sophocle avait aussi célébré le génie de l'homme dans un beau chœur qui se termine par ces mots : Contre la mort seule il n'a pas d'asile. Antigone.

[13] Είς τό μή βλάπτειν άλλήλους μηδέ βλάπτεσθαι. Diogène Laërce, X, 150 ; formule épicurienne que Lucrèce traduit : Nec lædere nec violari correction de Lachmann, V, 1018. Horace soutient cette théorie contre les stoïciens :

Atque ipsa utilitas, justi prope mater et æqui.

(Sat., I, 3, 98.)

C'est celle de nos écoles dites positivistes, qui repoussent aussi l'idée du droit comme entachée de métaphysique.

Au contraire les stoïciens, d'accord en cela avec les platoniciens, disent : Avant la loi écrite, il y avait une loi naturelle non-seulement plus ancienne que les peuples et les cités, mais contemporaine du Dieu qui régit le monde : la loi véritable et primitive est la raison même de cette suprême intelligence. Cicéron, de Legibus, II, 4.

[14] Voir le regret de l'épicurien Cassius disant à Brutus avant la bataille de Philippes, où il allait mourir : Je voudrois qu'il y eust des dieux, à fin que nous eussions confiance, non-seulement en si grand nombre d'armes, de chevaux, de navires, mais aussi à leur secours, attendu que nous sommes autheurs et défenseurs de très-beaux, très-saints et très-vertueux actes. Plutarque, Brutus, 37.

[15] Alterius spectare laborem... tua sine parte pericli... o miseras hominum mentes ! Liv. II, 1-15 ; V, 1115.

[16] Cum Epicuro quiescere. Sénèq., de Brevit. vit., 14. Quæ maxima Epicuro felicitas videtur, nihil agero. De Benef., IV, 4.

Ô la grande félicité, dont jouissent ces gens là, s'éjouïssant de ce qu'ils n'endurent point de mal ! N'ont-ils pas bien occasion de s'en glorifier en s'appelant égaux aux dieux immortels ! Plutarque, Qu'on ne peut vivre heureux, 7. — Les épicuriens disaient qu'on devait imiter les animaux, dont toute la prudence consiste à fuir la douleur ; Plutarque, là-dessus, les réfutait avec une bonhomie charmante : Quant aux animaux qui sont un peu plus gentils, et qui ont plus d'esprit, la fuite du mal n'est point le comble de leur bien : car quand ils sont saouls, ils se mettent aucuns à chanter, les autres à voler, et à contrefaire toute sorte de voix et de sons, en se jouant de guayeté de cœur, pour le plaisir qu'ils y prennent, montrants par là que après qu'ils sont sortis du mal, la nature les incite à chercher et poursuyvre encore le bien. Ibid.

De là l'ennui : In auguste inclusæ cupiditates, sine exitu, se ipsæ strangulant ; inde mœror marcorque. Sénèq., de Tranq., II, 8. In villa, aut in lecto suo, in media solitudine, quamvis ab omnibus recesserunt, sibi ipsi molesti sunt. De Brevit. vit., II. — Æger est ; immo mortuus est. Ibid., 13.

Lucrèce, III, 943-945.

[17] III, 943-945.

[18] Lettres, 24.

[19] Un docteur de l'école cyrénaïque, laquelle a de grands rapports avec l'école épicurienne, Hégésias avait fini par enseigner que même la volupté n'est rien, que les maux l'emportent sur les biens, et prêchait avec tant d'éloquence que le roi Ptolémée lui interdit la parole publique, parce que plusieurs de ses auditeurs s'étaient donné la mort. Tusculanes, 34.

La doctrine d'Épicure était plus vaillante, et disait : Ridiculum est currere ad mortem tædio vitæ. Sén., Lettres, 24. Ailleurs Sénèque, racontant la mort volontaire de Diodore, ajoute : Negant ex decreto Epicuri fecisse. De Vit. beat.,19. Mais ces mots prouvent que la doctrine sur ce point n'était pas très-explicite.