JULES CÉSAR EN GAULE

 

PREMIÈRE ÉPOQUE. — COMPRENANT LES SIX PREMIÈRES ANNÉES DE LA GUERRE.

DÉFAUT D'UNION ENTRE LES CITÉS GAULOISES. GUERRES PARTICULIÈRES : DÉFAITES SUCCESSIVES.

CHAPITRE PREMIER. — PREMIÈRE ANNÉE DE LA GUERRE (Av. J.-C. 58 — de R. 696).

 

 

Consuls : L. Calpurnius Pison et A. Gabinius.

 

Conséquences de la première campagne de Jules César en Gaule transalpine.

 

L'entrée de Jules César sur le territoire de la Gaule celtique avait eu pour prétexte les dévastations commises par les Helvètes dans des propriétés d'Allobroges situées au-delà du Rhône, et dans des contrées de la rive gauche de la Saône appartenant aux Éduens et aux Ambarres, frères et amis des Éduens. Il la justifiait par les sollicitations spontanées ou habilement suggérées de ces peuples, et notamment par l’obligation de venir au secours des Éduens, plusieurs fois déclarés amis et alliés du peuple romain.

Les Eduens formaient une cité considérable, placée alors sous les auspices et sous la conduite d'un personnage très-important, le druide Divitiac, à qui son double caractère religieux et politique avait créé et assurait une grande influence, non-seulement dans son propre pays, mais aussi dans les autres États de la Gaule. Ce personnage, qui était précédemment venu à Rome, que César connaissait depuis longtemps, et qu'il avait sans doute su captiver par des égards et des bienfaits, devait lui être d'un grand secours. Après le massacre des Helvètes et le refoulement de leurs débris derrière les monts Jura, Divitiac fut l'interprète des chefs du plus grand nombre des cités de la Gaule celtique, qui s'étaient réunis pour féliciter le guerrier romain et lui rendre grâce du service qu'ils croyaient lui devoir. Ce fut encore Divitiac qui, au nom de tous ces chefs gaulois, supplia César d'entreprendre la guerre qu'il fit bientôt après aux Germains commandés par Arioviste ; et enfin, ce druide guida lui-même les légions contre ces Germains dans le pays difficile où ils se trouvaient en Gaule[1], César, du reste, ne cache pas que Divitiac possédait toute sa confiance.

De son côté aussi, le guerrier germain n'avait pénétré en Gaule que sur l'appel des Séquanes. Après les avoir aidés dans une guerre inégale qu'ils avaient à soutenir contre les Eduens et leurs clients, il avait trouvé bon do s'installer en maître sur le tiers de leur territoire.

César ne nous dit pas qui eut la première idée de la démarche tentée auprès de lui par l'organe de Divitiac avec de si vives instances ; en tout cas, s'il n'en fut pas lui-même l'instigateur, du moins il en profita pour continuer de protéger les Gaulois ù la manière romaine. En effet, après que les Germains à leur tour eurent été vaincus et mis en fuite aussi facilement que les Helvètes par le glaive des légionnaires, et poursuivis jusqu'au-delà du Rhin, César, au lieu de reconduire son armée dans la Province romaine, lui fit prendre ses quartiers d'hiver chez les Séquanes, sous le commandement de son principal lieutenant, Labienus, qui se trouva ainsi substitué à Arioviste.

De sorte que, dès la fin de la première année de la guerre, par suite des divisions intestines des Gaulois, et sans que César ait eu à combattre aucun autre peuple que l'émigration des Helvètes et les Germains d'Arioviste, son autorité se trouvait reconnue et ses ordres étaient acceptés dans toute la partie orientale de la Gaule celtique, depuis le haut Rhône et le haut Rhin, jusqu'aux frontières des Arvernes, des Bituriges, des Carnutes et des Parisiens, même chez les Leuces de la Belgique[2] ; et que dès lors il pouvait à son gré poursuivre sa marche au couchant ou au septentrion sans rencontrer ni de grandes montagnes, ni de grands cours d'eau à franchir, ni aucuns terrains difficiles où son armée pût se trouver compromise.

 

 

 



[1] De bello gallico, I, XLI. — Ces Germains se trouvaient alors entre Besançon et le Rhin, entre les Vosges et les monts Jura, dans le pays où sont aujourd'hui Belfort et Montbéliard, et où Divitiac guida l'armée de César, depuis Vesontio (Besançon), par des chemins découverts, en lui faisant prendre une voie très-détournée.

[2] De Bello gallico, I, XI ; et II, II. — Les Leuces, Leuci, étaient le peuple du pays de Toul, Tullum.