FOUCHÉ (1759-1820)

TROISIÈME PARTIE. — LE DUC D'OTRANTE

 

CHAPITRE XXII. — FOUCHÉ EN ITALIE.

 

 

Le duc d'Otrante à Venise. — La débâcle en Italie. — Attitude du roi Murat. Fouché s'apprête à L'entrer en France. — Auparavant,  il veut renouer des relations avec Murat. Entrevue du duc d'Otrante avec le général La Vauguyon Bologne. — Duel singulier entre l'Empereur et Fouché. Napoléon le rejette loin de France et le charge de pleins pouvoirs en Italie. — Fouché a-t-il trahi Napoléon en Italie ? Les plans de Fouché. — Lettre où il exhorte Murat au loyalisme. Attitude  double de Murat. — Fouché à Florence. Arrivée à Rome il y est officiellement revu. Les surprises de M. de Norvins. Départ pour Naples. — Rencontre de Mme Récamier à Terracine. Arrêt au bord du Garigliano. — Arrivée à Naples incognito. Longue entrevue avec le roi et la reine. — Longue lettre de Fouché à l'Empereur. Fréquentes visites au roi Murat. — Fouché affecte dans ses lettres de traiter Murat en grand enfant. — II avoue à l'Empereur son insuccès. — Réapparition à Rome : il y donne des conseils et blâme les mesures prises. — Murat lève le masque et. marche sur Ruine. Fouché se rend à Florence. — Il aide le roi à équivoquer. — Les vœux de nouvelle année de Fouché à Napoléon. — Murat traitre à son pays. — Fouché exhorte le roi à tirer le meilleur profit possible de sa défection. Lettre significative. — Fouché liquide l'Empire en Italie. Napoléon l'autorise à y agir en plénipotentiaire. — Reconnaissance de Murat envers Fouché. — Les Racciochi évacuent Florence avec Fouché. — Le duc d'Otrante suit la grande-duchesse à Lucques. Allées et venues en Toscane et en Émilie. Convention de Lucques, signée par Fouché, qui livre l'Italie entière à Murat. Entrevue à Volta avec le vice-roi. Derniers conseils au prince. Arriéré de traitement. — En route pour la France.

 

Avant-hier est arrivé ici S. E. M. le duc d'Otrante, gouverneur général des provinces illyriennes ; il est allé s'installer, avec sa famille, au palais Martinengo à San Benedetto, lisait-on le 11 octobre dans le Giornale dipartimentale dell' Adriatico, et cette note fut reproduite par tous les journaux du nord de l'Italie[1]. Fouché était en effet arrivé à Venise le 9 ; il y avait retrouvé quelques employés des provinces illyriennes qui vinrent saluer leur ancien gouverneur, petit-être dans le vague espoir de quelques bonnes promesses ou de traitements arriérés ; car les pauvres gens restaient fort déconfits. Il était peu soucieux de les garder, épaves pitoyables du naufrage. Il les fit partir pour Parme. Lui-même, aussitôt installé au palais Martinengo, se mettait au travail, rédigeant, en collaboration avec M. de Chassenon, un double rapport au souverain, sur les opérations dont l'Illyrie venait d'être le théâtre[2]. En bon chef, il recommandait à l'Empereur ses anciens fonctionnaires ; quant à lui, il se mettait à la disposition du souverain, dans l'espoir d'être rappelé à Paris, et, pour être plus rapproché, se souciant peu, du reste, de se laisser bloquer dans Venise menacée d'un siège, il se disposa a gagner Milan[3].

Les événements se précipitaient, sollicitant son attention et excitant sou ambition de politicien sans emploi. La débâcle était générale : l'Empereur tentait, à Leipzig, sa dernière partie et la perdait. Qu'allait-on faire à Paris ? Révolution, coup d'État, restauration ? Jamais il n'avait paru plus essentiel à Fouché d'être à ce moment dans la coulisse et à portée de la scène. L'Italie elle-même fléchissait et se détachait ; le vice-roi Eugène montrait une admirable fidélité, mais Milan, écrivait le duc d'Otrante, témoignait d'une pusillanimité honteuse. Venise se préparait, sans enthousiasme, à un siège dont l'issue ne pouvait être douteuse ; à Rome, des insurrections locales, fomentées sous main par la cour de Naples, et ouvertement encouragées par le clergé, rendaient fort soucieux le général Miollis ; en Toscane, la grande-duchesse Elisa, incertaine, craintive, sans conseiller ni guide, ne savait comment agir ; mais le gros danger était bien la défection, tous les jours plus imminente, du roi Murat[4].

Ce brillant écuyer, devenu roi par le bon plaisir de Bonaparte, semblait décidément disposé à jouer les Bernadotte ; on l'avait vu, après des velléités de défection, reparaitre en juillet 1813, à l'armée de Saxe, répondant à l'appel que le duc d'Otrante avait été chargé, on s'en souvient, de faire plus à son amour-propre de soldat qu'à son loyalisme de Français. Mais, devant la nouvelle débâcle, il avait de nouveau regagné l'Italie et, à peine réinstallé à Naples, se trouvait en butte aux sollicitations des Anglais et des Autrichiens qui le voulaient entraîner dans la coalition, et à celles plus pressantes encore des patriotes italiens, désireux de secouer le joug de Napoléon, sans retomber sous celui de l'Autriche. Lord Bentink, au nom de George III, lui offrait, pour prix de sa défection, la reconnaissance de son titre de roi de Naples ; Neipperg, au nom de l'Autriche, allait plus loin, promettant une large augmentation de territoire, si Joachim se joignait à l'armée autrichienne contre Eugène, dans les plaines du Pô. Les patriotes italiens cependant le grisaient de bien autres espoirs. C'était un esprit faible, facile à surexciter et à influencer. Chaque parti avait, autour du roi, à Naples, ses représentants qui se le disputaient, le poussant à dix résolutions diverses en une semaine, et le forçant à la seule que conseillât la reine Caroline, l'expectative. Cette dernière attitude flattait son esprit hésitant et son enfantin machiavélisme. Il eût été heureux et fier de commander de Reggio de Calabre à Turin les forces napoléoniennes ; mais, détestant le vice-roi, il ne se pouvait arrêter un instant à l'idée de partager avec lui ce commandement ; il promettait vaguement de l'aller rejoindre. mais il ne repoussait pas les offres des alliés, l'excitant à se déclarer ouvertement ou à marcher traîtreusement, sous prétexte de jonction, contre les troupes d'Eugène, cependant qu'il laissait entendre à Naples, à Rome, à Florence, à Bologne, à Milan, qu'il était l'homme de l'Italie libre, une indépendante contre le Français comme le Tedesco. Il hésitait, négociait, tergiversait, pitoyable Gascon dont la soi-disant habileté devait faire sourire le duc d'Otrante[5].

Celui-ci n'ignorait rien, voyait l'Italie entière s'agiter dans une fièvre de révolte. Il était peu désireux de s'y attarder ; que lui importaient Murat, Miollis, Neipperg, Bentink et la révolte du prêtre Battaglia ? Il songeait au foyer d'intrigues que devait être Paris à cette heure, Paris où, moins d'un an avant, il avait vu Vitrolles travailler pour le roi, Malet conspirer pour la République, Talleyrand miner l'Empire. si mal défendu par Cambacérès, sous l'œil effaré et la main inexperte de Savary. Il fallait rentrer, jeter sa note dans le concert. Il quitta Venise, courut à Milan, tout prêt à franchir le Simplon, à gagner Paris, en bon serviteur qui vient mettre ses talents au service du maitre menacé. Il fallait cependant l'autorisation de l'Empereur ; eu l'attendant, il songeait à sonder Murat, fort curieux de ses vrais desseins, pensant peut-être utiliser, comme en 1808, ce brillant cavalier à des projets encore mal for-nulles en son esprit, si Bernadotte, en marche vers la France, ne pouvait servir.

Est-ce en apprenant la présence à Bologne du lieutenant général La Vauguyon, qu'on disait chargé par Murat d'organiser un mouvement patriote (huis le Nord, que Fouché quitta Milan sans motifs appréciables, et se rendit à Bologne, s'éloignant ainsi des Alpes ? Quoi qu'il en soit, La Vauguyon, se rendant de Milan à Home, où il comptait s'attarder, et s'arrêtant à Bologne, fut fort surpris d'y trouver le duc d'Otrante[6]. Celui-ci y était en effet le 13, et y avait écrit une fort longue lettre à l'Empereur, dans laquelle, toujours empressé et important, il s'étendait avec complaisance sur l'état troublé de l'Italie[7]. Mais, s'il faut en croire une contemporaine, écho de La Vauguyon, Fouché parut animé d'un esprit moins loyaliste, lorsque, saisissant au passage le lieutenant de Murat, il le convia à dîner avec le général Pino, lieutenant d'Eugène, qu'il avait vu en Illyrie. Aux deux hommes, il laissa entendre que Murat pouvait arriver à de hautes destinées, en proclamant l'indépendance de l'Italie : il impressionna La Vauguyon, qui prévint immédiatement le roi de Naples de cette providentielle rencontre et de cette intéressante conversation[8]. Le fait est vraisemblable, puisque Murat expédiait le 22 novembre au général Coletta l'ordre de se rendre à Bologne et d'y rendre visite au duc d'Otrante, désireux qu'il était sans doute de sonder plus complètement son machiavélique ami[9]. Mais Coletta ne put rencontrer Fouché à Bologne. Dès le 20, celui-ci avait quitté la ville, résolu à rentrer en France, par Parme et Milan[10]. Au moment où il arrivait il Parme le 21, il y fut atteint par une lettre de l'Empereur, datée de Saint-Cloud, le 15 novembre, et qui le rejetait bien loin des Alpes et de la France.

Le duel singulier engagé entre Napoléon et son ancien ministre se continuait. Sous aucun prétexte, l'Empereur ne voulait de Fouché A Paris, ayant assez de Talleyrand ; c'était mû certainement par le même sentiment qui l'avait jadis fait expédier Fouché de Dresde à Laybach, que Napoléon le repoussait, sous le couvert d'une mission de confiance, de Milan sur Rome et Naples[11]. Il fallait un conseiller au vice-roi, un tuteur à Elisa, une tête à Rome, un agent habile à Naples : l'Empereur entendait que Fouché resta, A tous ces titres, en Italie, au risque d'en faire, ce qu'il allait devenir, le syndic de la faillite napoléonienne[12].

Dans sa lettre du 15, l'Empereur prescrivait à son ancien ministre de se rendre, en toute diligence, à Naples pour faire sentir au roi l'importance qu'il marchât avec 25.000 hommes sur le Pô... Vous le ferez connaître aussi à la reine, ajoutait-il, et vous ferez tout votre possible pour empêcher que, dans ce pays, on ne se laisse fourvoyer par les promesses fallacieuses de l'Autriche et par le langage mielleux de Metternich. Le mouvement de l'armée napolitaine sur te Pô est de la plus hante importance... Vous prendrez le parti, soit de revenir avec l'armée napolitaine, si le roi est fidèle à l'honneur et à la patrie, soit de vous en revenir en toute diligence à Turin, où vous trouverez de nouveaux ordres. Passez par Florence et par Rome, et donnez à tous ces gens-là tous les conseils que peuvent exiger les circonstances[13].

Cette lettre, qui faisait, en somme, du duc d'Otrante le fondé de pouvoirs de l'Empereur en Italie, des Alpes au détroit, dénotait chez celui-ci un singulier désir de détourner sur un champ très vaste l'activité de l'ancien ministre, qui, dangereuse à Paris, pouvait être utilement exploitée en Italie. C'était là un singulier mélange de méfiance et de confiance. Confiance peut-être affectée, peut-être réelle si on se reporte aux sentiments toujours complexes qui animèrent Napoléon vis-à-vis de ce curieux personnage.

On a de tout temps discuté pour savoir si le plénipotentiaire de l'Empereur avait servi ou trahi cette confiance et c'est encore un des points à étudier de cette vie de haut aventurier. Les contemporains se sont divisés sur ce point. Selon les uns, Fouché, chargé par l'Empereur de maintenir Murat dans l'alliance française, s'y serait activement employé, mais aurait complètement échoué dans une tache d'ailleurs irréalisable ; selon d'autres, l'ancien ministre, exaspéré de l'éloignement où le tenait l'Empereur, désespérant d'ailleurs de l'Empire et destinant peut-être Murat à servir des desseins ignorés, l'aurait, au contraire, hardiment poussé à la défection, dès les derniers jours de 1813, et lui aurait, en vertu de ses pleins pouvoirs, livré l'Italie tout entière, du château Saint-Ange aux rives du Pô. La loyauté de Fouché trouve comme défenseurs des mémorialistes peu suspects, en général, de tendresse pour lui : en Italie le prince Pignatelli-Strongoli, en France l'ex-préfet de police Pasquier, le lieutenant de Murat, Desvernois, et autres[14] : ce qui est plus intéressant, Angles, précisément chargé en 1813 de la surveillance de l'Italie au ministère de la Police générale, croyait à la fidélité de Fouché en ces circonstances : cette créance ressort des notes de ce haut policier à Louis XVIII en 1814[15], et Angles détestait le duc d'Otrante. Mais le général napolitain Coletta, Méneval, Vitrolles et autres, n'admettent que la seconde hypothèse : celle de la complicité de Fouché dans la trahison de Murat[16] ; dans la façon cauteleuse dont fut consommée cette trahison, ils veulent reconnaître la main du perfide plénipotentiaire, et ce fut certainement le bruit qui courut dès 1814 et fut le plus complaisamment accueilli. Fouché lui-même s'en vantait, à en croire Chaptal qui le vil à Lyon en mars 1814, revenant d'Italie, presque fier de cette intrigue ; nous en croyons Chaptal, sans attacher au fait plus d'importance qu'il ne convient[17] ; Fouché était un fanfaron de trahison qui, préférant certainement l'épithète de traître à celle de maladroit, cherchait volontiers à dissimuler ses échecs sous l'apparence de profonds et, s'il le fallait, d'assez déshonorants calculs.

Somme toute, entre ces témoignages opposés, nous n'avons à consulter qu'un document : c'est la correspondance du duc d'Otrante avec Murat et Napoléon ; elle donne, jusqu'à un certain point, raison aux deux opinions. Il ne faut jamais juger Fouché d'un mot ; son geste n'est jamais simple, il est complexe et, qu'on nous passe l'expression, il est successif. Fouché pouvait être très fidèle et très infidèle, excellent serviteur et traître incommode, à la fois ou successivement. Entre le jour de novembre 1813 où il recevait de l'Empereur mission de se rendre à Naples, et cet autre jour de février 1814 où il livrait à Murat l'Italie entière, ses intentions, ses plans et partant sa conduite et son attitude avaient pu varier d'une façon singulièrement grave. Admettons même les conversations de novembre 1813 avec La Vauguyon, corroborées par l'envoi de Coletta à Bologne, elles nous montrent simplement Fouché fort désireux de troubler l'eau pour y mieux pécher, avide de jouer un rôle partout où il passe et d'ébaucher de vastes plans, enchanté enfin d'étonner La Vauguyon et Murat ; il était bavard, du reste, plus qu'homme au monde et excellait à en imposer. Ce rôle d'arbitre qu'il a voulu assumer en passant, il s'en trouve officiellement investi par l'Empereur, quelques jours après. Le point de vue change ; dès lors, Fouché peut avoir, sous le poids de sa responsabilité, changé ses batteries, et loyalement poussé Murat à rester l'allié fidèle de Bonaparte. Seulement, suivant ses habitudes, à côté du plan qui pouvait échouer, qui échouait, il y avait toujours un autre plan, prêt à être substitué au premier. Il était, sans aucun cloute, dès novembre 1813, plus préoccupé d'assurer la fortune de Murat que de servir celle de l'Empereur ; c'est là que réside de fait le crime de trahison. Il dut certainement -proposer, avec sou cynisme ordinaire, au roi Joachim ces deux plans très opposés concourant au même but, amener Murat sur le Pô, les Alpes et peut-être le Rhône. L'un consiste à rester l'allié de l'Empereur et son unique lieutenant dans la Péninsule, à apporter à Napoléon l'appoint d'une Italie unie, groupée derrière Murat, partant à ne pas repousser absolument les avances des patriotes, pas même celles des alliés qui pouvaient, grâce à l'équivoque soigneusement entretenue, lui permettre d'arriver sans encombre jusqu'aux plaines du Pô. L'autre plan est celui de la trahison ; si le roi veut rompre avec Napoléon, il ne faut pas qu'il hésite, il doit faire la part du feu, obtenir de l'Autriche la possession de l'Italie, s'y faire, malgré tout, le protecteur des petites colonies, des administrations françaises contre une réaction qui peut, dans cet ardent pays, devenir terrible, épargner à ceux qui ont servi la Révolution et l'Empire de succomber victimes de nouvelles Vêpres siciliennes, créer en un mot un régime de transition. Dans les deux cas, le roi sert les Français, avec ou contre l'Empereur. Dans les deux cas aussi, Murat se trouve, en temps utile, prêt à entrer en France et à se porter promptement sur Lyon et sur Paris : qui sait si, par cette manœuvre, les Tuileries ne se trouveront pas, en temps utile, avoir un nouveau maitre[18] ?

Que ce fût là une conception très personnelle à Fouché, il n'y a pas là de doute possible : qu'en la présentant à Murat, le plénipotentiaire de l'Empereur ait outrepassé et, jusqu'à un certain point, trahi son mandat, cela est encore moins contestable, mais qu'il ait, de parti pris, dès le début, poussé Mural à la défection, il est plus difficile de l'admettre, d'après les documents que nous fournit la correspondance des trois acteurs du drame. Lorsqu'en janvier 1814 Joachim se fut décidé à agir contre l'Empereur, lorsque, d'autre part, l'Empire parut définitivement, irrémédiablement compromis, Fouché se rallia certainement à la cause do Murat, le poussa, l'appela, lui facilita toutes choses, méritant les remerciements compromettants du roi de Naples, dès février 1814, et une reconnaissance qui ne se démentit pas dans la suite.

Quoi qu'il en soit, au reçu de la lettre du 13 novembre, il parut disposé à agir vigoureusement dans le sens qu'elle lui indiquait. Dès le 21, il écrivait à Murat une lettre où il était dit qu'on attendait à Bologne avec la plus vive impatience le roi de Naples et ses soldats contre les Autrichiens, et, mirés quelques lignes flatteuses sur les brillantes qualités du roi, il ajoutait que celui-ci était naturellement appelé a défendre l'Italie et l'Empire français. et avec eux son propre trône. Notre fortune, Sire, écrivait le duc d'Otrante, quel que soit l'intervalle du rang, notre fortune n'a qu'une même base. Nous la devons à l'Empereur. Elle repose sur lui, sur l'intégrité de sa puissance. Ce n'est point nous qu'on pourra persuader de détacher nos intérêts des siens, et, s'il est quelque danger, que tous les princes du sang, que tous les loyaux serviteurs de sa maison s'unissent plus étroitement à lui. Pourrions-nous balancer, lors même que le sentiment de l'honneur et de la patrie serait éteint dans nos cœurs ? D'un côté, le génie et le caractère de l'Empereur, les ressources immenses que la France remet entre ses mains : de l'autre, des princes faibles et bornés, des espérances qu'ils sont clans l'impuissance de réaliser, des promesses incertaines ou plutôt fallacieuses, car les puissances liguées contre nous ne forment qu'un vœu : l'anéantissement de la dynastie impériale et le rétablissement des anciennes dynasties sur des trônes que, au mépris des traités les plus solennels, elles s'obstinent à regarder comme usurpés. L'ancien ministre ajoutait que, chargé par l'Empereur d'une mission au delà des Apennins qui restait clans le vague, il espérait rencontrer le roi Joachim en route, ajoutant, du reste, qu'il serait heureux d'aller présenter ses hommages à la reine Caroline[19].

La lettre est curieuse : elle était à coup sûr destinée, plus qu'à Murat, à l'Empereur, auquel il avait soin d'en communiquer copie. Peut-être, en l'écrivant, Fouché répondait-il inconsciemment aux préoccupations qui, personnellement, le hantaient à cette heure ; dans tous les cas, il faisait coup double, car, tout en se donnant l'apparence de remplir avec conscience et diplomatie la tâche qui lui était confiée, il affirmait ainsi aux yeux de Napoléon un loyalisme de raison et de sentiment qui était sans doute au moins ébranlé[20].

La lettre, du reste, se trouvait sans effet : d'avance, Murat y avait répondu : le 23 novembre, il mandait à son impérial beau-frère qu'il mettait ses troupes en mouvement, qu'il avait écrit à Rome, Florence et Milan pour y assurer leur subsistance, se plaignant, du reste, de la nécessité où le mettait l'alliance française de dégarnir son propre royaume, menacé par les Anglais[21]. En réalité, c'était l'équivoque qui commençait. Ces troupes étaient-elles envoyées au vice-roi ou contre lui ? La question se posait pour tous... y compris peut-être le roi Joachim lui-même.

A peine de retour à Naples, celui-ci avait paru vouloir rompre avec la politique napoléonienne ; il avait tenté de se rapprocher du clergé, ouvert ses ports aux Anglais, et, dès le 8 novembre, laissé se répandre le bruit qu'il allait renvoyer les Français de son armée. Dès le 14, une autre nouvelle se propageait, celle de l'envoi à Vienne du marquis del- Gallo, à Londres du duc de Campochiaro[22]. Le 28, les premières troupes partirent dans la direction du nord, mais le roi n'en prit pas la tête, ainsi qu'on s'y attendait. Le 28, le baron Durand, ministre de France à Naples, laissait percer ses craintes, non sur les sentiments du roi qu'il croyait encore fidèle, mais sur l'influence que pouvait exercer sur lui l'armée napolitaine, dans une confiance enivrante d'être menée à quelque chose d'extraordinaire. Il conseillait qu'on envoyât à Joachim un général, son ami. qui resterait auprès de lui durant les opérations qui se préparaient[23]. Mais dans le camp allié on était beaucoup plus sin' de la défection de Murat. Le plénipotentiaire de Napoléon arriverait-il assez tôt, parlerait-il assez haut, serait-il assez ferme, assez habile et assez convaincu lui-même pour empêcher un acte décisif, c'est ce qu'on se demandait en Italie avec un certain scepticisme, dès que la mission du duc d'Otrante fut connue[24].

Après avoir renvoyé en France les derniers fonctionnaires illyriens réfugiés à Parme, Fouché avait quitté cette ville le 22, accompagné de sa famille : prenant au sérieux son rôle de serviteur à tout faire, il avait, de Bologne où on le revit le soir meule, expédié au vice-roi Eugène des renseignements importants sur les projets de l'armée autrichienne[25], justifiant l'épithète un peu dure de spione titolato que lui donne de Castro[26]. Il était arrivé le à Florence, mais n'y avait pas trouvé la grande-duchesse Elisa, qui était à Pise. Il ne dissimula pas au prince Félix, avec une certaine raideur, son étonnement de voir la princesse aux eaux, loin de sa capitale, à cette heure de crise où chacun devait être a son poste. Personnellement, il conseilla à Bacciochi, personnage aussi incapable d'idées que de décisions, de lever quelques bataillons de volontaires et de gardes nationaux, levée destinée à défendre les Toscans contre toute crainte d'incursion autrichienne, anglaise ou autre : car on craignait tout, sans savoir quoi. Dès le 24, après quelques heures de séjour, il avait repris la poste pour Rome, on il arriva le 25[27].

Son arrivée y fit grand tapage, d'autant qu'il semblait disposé à jouer un personnage. Il s'attribuait volontiers encore le titre cependant périmé de gouverneur général des États romains, comme celui de ministre d'État[28] ; la mission officielle dont il était chargé restait mystérieuse, et il lui paraissait habile de la dissimuler sous divers prétextes. Il venait donc faire une visite a ses bons administrés des bords du Tibre. A Rome, on le savait le représentant de l'Empereur fi un titre ou à un autre, cela suffisait à lui assurer les hommages. A peine arrivé et installé place d'Espagne, il reçut donc la visite du général Miollis, de l'intendant général, du directeur de la police Norvins-Montbreton et du préfet comte de Tournon. Il étonna ces administrateurs, tous gens d'instinct hostiles ii l'ancien ministre jacobin, par un mélange singulier de hauteur et de scepticisme, de gravité et d'ironie familière. Il fit entendre qu'il accéderait volontiers aux vœux de la cour d'appel qui le voulait venir saluer, le lendemain matin, officiellement, mais accueillit par des plaisanteries l'idée émise par Norvins de s'aller promener, le soir, au clair de lune, dans les ruines du Colisée.

De fait, il avait d'autres soucis que la poésie de la Rome pittoresque. C'était un étrange pèlerin qui stupéfia la ville entière, depuis les hauts magistrats, scandalisés de sa tenue, jusqu'aux valets, ricanant de ses propos. Il avait reçu, le 25, au matin, le premier président Cavalli, suivi des cours en robes rouges ; mais, étant au saut du lit, en train de se raser, il crut pouvoir leur donner audience dans un déshabillé qui laissait à Norvins, fort collet monté, une impression pénible. Cette audience en chemise de nuit fut singulière jusqu'au bout ; le duc d'Otrante ahurit les magistrats par des sorties tantôt hautaines et tantôt badines, par des dissertations hardies et bizarres sur les monuments de Rome et les devoirs de la cour. Tel il apparut encore au directeur de la police au cours d'un déjeuner où il l'avait convié en famille. Il se mêlait, du reste, à sa verve affectée quelque amertume ; on lui avait volé sa montre à son arrivée à Rome, il ne s'en consolait pas, se répandait en propos ironiques sur Rome et ses habitants, mêlant à ses récriminations de singuliers lazzi qui lui valurent à Rome une bizarre réputation : E un arlequino questo duca, disaient le lendemain, s'il faut en croire le malveillant Norvins, les concitoyens du Pasquino[29].

Le 26 au soir, il partit pour Naples, déclarant à quelques hauts fonctionnaires qu'il allait faire marcher Murat, mais prétextant aux yeux de tous un simple voyage de plaisance avec ses fils. En réalité, pendant que Norvins s'amusait et se scandalisait des lazzi de cet arlequine, celui-ci restait fort mécontent d'une ville , écrivait-il à l'Empereur, chacun ne paraissait occupé que de ses inquiétudes particulières. On n'avait rien fait, ajoutait-il, pour rassurer l'opinion, la diriger et dissiper les bruits absurdes qui se répandaient[30]. Peut-être entrait-il dans ce mécontentement officiel quelque rancune contre une ville où l'on s'appropriait si lestement les bijoux des étrangers.

Il s'y était, on le voit, peu attardé, pressé d'arriver à Naples avant les grandes résolutions ; mais les éléments semblaient conjurés contre ce voyage. Dès les premières heures, la malle-poste fut arrêtée par les débordements ; après des retards considérables, il arriva à Terracine, où, voulant à tout prix se munir de chevaux frais, il se trouva, par une rencontre imprévue, eu concurrence avec une vieille amie, la belle Mme Récamier, s'acheminant aussi vers Naples[31]. Il lui offrit de faire route ensemble ; mais à Mole di Gaeta, où l'on arriva le 28, les eaux du Garigliano, absolument débordées, coupaient décidément la route ; on dut s'arrêter en compagnie de deux aides de camp de Joachim et de trois courriers qui, peut-être, portaient au roi les dépêches destinées à faire échouer la laborieuse mission de leur compagnon d'infortune. Pour occuper ses loisirs en ce petit bourg, Fouché écrivit une longue lettre au roi de Naples où il le pressait d'agir[32]. Après deux jours de captivité en Terre de Labour, le duc d'Otrante pouvait enfin franchir, le 30, le Garigliano et reprendre sa course vers Naples, où il arrivait le jour même à onze heures du soir[33]. Dès les premières heures, il faisait annoncer par les journaux de Naples qu'il profitait d'un séjour à Rome, pour venir en simple touriste se promener dans l'incomparable cité[34].

Dès le 1er décembre, ce singulier touriste demandait et obtenait sans peine une audience du roi. Il passa la journée chez les souverains. S'il faut en croire la lettre du duc d'Otrante à l'Empereur, le roi avait protesté en termes véhéments de son dévouement personnel à Napoléon. Je n'ai pas besoin d'être provoqué à servir l'Empereur, avait-il dit, mon cœur est à lui. Mais dans les circonstances où je me trouve, je ne puis agir ouvertement sans compromettre la sûreté de mes Etats. Les 25.000 hommes que j'ai promis à l'Empereur sont en route ; les pluies continuelles, les débordements de rivières sont la seule cause de la lenteur de leur marche. Je laisse croire aux Anglais que j'agis pour mon compte : à cette condition, mes côtes ne seront point inquiétées et mon royaume sera tranquille. L'Empereur doit compter sur moi. Le duc d'Otrante déclarait se fier a la sincérité du roi ; faut-il croire à la sienne, quoique dans la même lettre il affectât pour Napoléon une affection fort exagérée, désireux, disait-il, de lui donner des preuves de fidélité, dans cette circonstance où la fortune lui a été infidèle, de le consoler de tous les chagrins que lui ont fait éprouver la pusillanimité et les taches trahisons[35] ? C'était touchant. Fouché avait-il été réellement trompé par Murat ? Celui-ci était-il sincère dans ses protestations de dévouement que, dans une lettre du 3, il renouvelait solennellement[36] ?

Le duc d'Otrante put plaider, du reste, à son aise la cause qui lui était confiée. Le roi vit tous les jours ce singulier plénipotentiaire. Le baron Durand semblait, à dire vrai, ne rien présager de bon de ces entretiens. L'arrivée du duc d'Otrante, écrivait-il le 4, ses longues conversations avec le roi, l'accueil qu'il en reçoit forment un tel contraste avec cette sorte de proclamation — un ordre du jour du roi très hostile aux Français — que les esprits s'y confondent[37]. Le ministre de France, tenu à l'écart, ne cachait pas sa méfiance. Les envois de troupes que tout le monde, au dire du baron Durand, croyait, bien envoyées contre le vice-roi avant cessé, on vit là un effet des représentations de Fouché[38]. Mais ils reprirent bientôt avec une activité alarmante, toujours sous couleur de renforts envoyés à l'armée du Pô. Le baron Durand se morfondait : le 12 décembre, il avait été convié à un déjeuner offert par le duc del Gallo au duc d'Otrante à sa maison de Capo di Monte : la reine qui y assistait avait simplement déclaré au ministre de France que la mission du duc d'Otrante avait produit un bon effet, paroles vagues, énigmatiques pour Durand, qui, à son grand dépit, ignorait même le but exact de cette mission[39].

Pourquoi le duc d'Otrante s'attardait-il à Naples, lui si pressé naguère de rentrer en France ? Formait-il déjà le dessein de n'y parvenir qu'eu croupe du brillant Joachim ? Il constatait, de son propre aveu, que les Napolitains ne semblaient mesurer leur attachement pour leur prince que sur l'éloignement qu'ils espéraient lui inspirer pour les intérêts de la France ; comment pouvait-il croire que le roi résisterait à cet entrainement ? Restait-il pour contre-balancer cette influence, pour emmener lui-même, sous sa surveillance et sa tutelle. le roi vers Rome, Florence. Milan, peut-être Lyon et Paris, derrière les troupes envoyées dans le Nord, dans un but demeuré si problématique ? Il semblait, dans tous les cas, partager la colère du roi Joachim contre les autorités de Rouie qui accueillaient avec une défiance justifiée les troupes napolitaines, et comme pour se défendre d'avance de toute accusation ou de duperie ou de complicité, il exposait à l'Empereur, vantait l'étrange politique qu'il entendait et disait pratiquer avec le roi, traité en grand enfant : Lors même que j'aurais la preuve que le roi négociât avec la coalition, loin de l'irriter par des reproches, je redoublerais de soins pour toucher son cœur. Il n'y'aurait même plus qu'un moyen de le ramener dans les intérêts de la patrie, ce serait qu'il ignorât lui-même qu'il en est sorti. — Il se flattait que sa présence en imposait au roi et le retenait en mettant sous les yeux du prince le rôle glorieux que les conjonctures lui offraient[40]. Mais précisément Fouché ne jouait-iI pas sur les mots. et ce rôle glorieux ne portait-il pas dans sa pensée Murat bien au delà des Alpes, sur la route des Tuileries ? En tout cas, il paraissait que le duc d'Otrante s'était laissé conquérir plus qu'il n'avait conquis, car il se faisait l'écho des récriminations du roi contre les traitements humiliants que celui-ci se plaignait de subir de la part de l'Empereur. Il allait plus loin : d'avance, cet étrange missionnaire plaidait les circonstances atténuantes d'une défection désormais probable c'était avouer qu'il l'attendait et l'excusait. Le roi, disait-il en substance, est menacé d'une invasion anglaise sil quitte son royaume, en ennemi de la coalition ; les Napolitains, d'autre part, ne veulent plus de l'alliance française ; le roi est assiégé de prédictions sinistres ; l'Empereur, dit-on, le sacrifierait à une place forte ; ne le subordonne-t-il pas à Eugène ? ne le traite-t-il pas plus en général qu'en roi ? Enfin on le grise de grands mots et de grands espoirs. Oubliant les impressions si optimistes qu'il avait transmises le 2 décembre, le duc d'Otrante avouait que, dès le 1er, la reine lui avait adressé ces mots : Monsieur le duc, vous venez trop tard, le cœur du roi est à l'Empereur, mais son imagination est séduite[41]. S'il était venu trop tard, pourquoi demeurait-il ? Était-ce la place d'un représentant de l'Empereur aux côtés et dans l'intimité d'un homme qu'il savait gagné à ses ennemis ? Ce n'était pas sans une ironie grosse de rancune que Durand écrivait le 17 : Pendant son séjour à Naples, M. le duc d'Otrante a vu, chaque jour, Leurs Majestés. De si fréquents et si longs entretiens ne peuvent manquer d'avoir obtenu d'importants résultats[42].

Soit qu'il désespérât d'obtenir ce qu'il était chargé de solliciter, soit qu'il eût rempli le but très particulier qu'il s'était assigné, le duc quitta enfin Naples, le 19 décembre[43]. Était-il confident des projets désormais arrêtés de trahison, rien n'est plus probable. Mais, en rentrant à Rome, il affirmait qu'il avait eu le plus grand succès, paroles énigmatiques qui faisaient songer[44]. Si son but était de se conquérir Murat, il l'avait rempli ; le roi Joachim sembla, dès lors, éprouver une entière et compromettante confiance dans le plénipotentiaire de l'Empereur, à l'heure même où il abandonnait le maître[45].

Le duc d'Otrante avait reparu à Rome, le 18 décembre, et reçu de nouveau les autorités[46] ; on venait lui demander conseil. On avait saisi le prêtre Battaglia qui, depuis quelques mois, tenait la campagne en brigand contre les Français. Que fallait-il en faire ? Fouché, fidèle au système qu'il avait toujours prôné et souvent pratiqué, déconseilla une exécution qui eût fait du brigand un martyr, et poussa à le déporter en Corse[47].

L'ancien ministre resta quinze jours à Rome[48] ; ce séjour parut encore ébranler sa confiance dans la solidité de la domination française en Italie. Le pays voulait être indépendant, il fallait le reconnaître. Le duc en arrivait, dans ses lettres a l'Empereur, à se féliciter que la garde nationale de Rome fût sans énergie, car elle ne suivrait pas, dans ce moment, les intérêts de la France ; les patriciens que Miollis avait cru devoir mettre à la tête de cette garde nationale fourniraient des chefs aux factions[49]. Les autorités, du reste, ne le satisfaisaient pas. Il les engageait à ne pas garder, vis-à-vis de Murat, une attitude vague et dangereuse, tantôt affirmant à Norvins que le roi restait l'ami de la France, tantôt affectant devant l'aide de camp de Miollis, Bellaire, des airs de mystère qui semblaient en dire long[50].

De fait, sans douter de la défection de Murat, le duc d'Otrante semblait avant tout désireux de favoriser ses desseins, en évitant, autant qu'il se pourrait, toute rupture, tout conflit avant que Joachim fût sur le Pô. Les événements marchaient, la France allait être envahie ; peut-être serait-on bien heureux de n'avoir pas amené le beau-frère de l'Empereur rompre violemment, irrémédiablement avec son ancienne patrie. Il savait cependant que Joachim attendait un envoyé de l'Autriche, qui, en effet, arriva le 31 décembre à Naples ; le 25, le roi avait levé le masque, puisqu'il avait formellement demandé à Napoléon de proclamer l'indépendance de l'Italie jusqu'au Pô, seule condition de son alliance[51]. En attendant la réponse de l'Empereur, les troupes napolitaines en marche sur Bologne envahissaient, sous le couvert de cette amitié conditionnelle, les États romains, et menaçaient la Toscane. Les autorités de Rome restaient fort défiantes et très embarrassées ; à entendre Norvins, Miollis et Bellaire, on augurait mal de l'active correspondance qui existait, au su de tous, entre le roi et l'ancien ministre[52]. Fouché ne transmettait certainement plus à l'Empereur toutes les lettres qu'il envoyait à Murat. Il cherchait fi perpétuer l'équivoque, affirmant que le roi continuait à être irrésolu, son caractère ayant plus d'héroïsme que de fermeté. Il fallait, disait-il encore, que Joachim se mit avant tout à la tête de son armée. Mais c'était bien là un encouragement à la trahison, toute action décisive de Murat devant être dès lors dirigée contre les Français. Le duc persistait, du reste, se faire l'avocat du roi, se plaignait en son nom de la sécheresse et de la méfiance de l'Empereur. Décidément le plénipotentiaire impérial passait du côté de l'adversaire. La lettre on toutes ces pensées étaient exprimées était du 3 janvier ; elle contenait, en outre, ses vœux de nouvelle année. De plus heureux destins vont s'accomplir pour la France ; l'attitude de Votre Majesté dans nos malheurs a relevé tous les courages. Les Français s'unissent autour d'Elle pour arrêter les progrès d'une coalition qui, au nom de son indépendance, vient imposer son joug de fer aux peuples qui sont assez aveugles pour se livrer à lui...[53] Est-ce sans sourire que le duc d'Otrante écrivait ces vœux et exprimait ces espérances ? Assurément il voyait aux Tuileries, pour la fin de 1814, Napoléon II, Joachim Murat, Bernadotte, Louis-Philippe d'Orléans ou le comte de Lille, tout autre, en tout cas, que le vaincu de Leipzig.

Si, en effet, il est encore fidèle, combien cette fidélité est subordonnée aux circonstances ! Qu'elle est traversée de rancunes et de craintes, de cloutes et d'espoirs inavoués ! Pourquoi serait-il fidèle ? L'Empereur l'éloigne, le tient, malgré mille protestations. en une suspicion humiliante qui l'annihile ; s'il n'a pas été rappelé au ministère après la conspiration Malet de 1812, si on l'exile sous couleur de missions, c'est qu'il ne doit plus revenir au pouvoir au surplus, est-ce là ce régime qu'il a voulu servir, ce régime héritier, successeur et protecteur des institutions, des principes et des créatures de la Révolution ? Savary persécute tous ceux qui, de près ou de loin, touchent a 1703, et rait de la réaction un système avoué ; Cambacérès rougit de la Convention que raillent, honnissent, abominent les ministres du maitre, les serviteurs et les conseillers les plus écoutés, depuis Montalivet, Clarke, Fontanes, Caulaincourt, Pasquier, jusqu'à Fiévée, Méneval et Bausset. L'éducation du jeune roi de Rome est aux mains des Montesquiou ; ce régime, qui en 1804 procédait encore de la Révolution, aura plus tard pour chef ce petit-neveu de Marie-Antoinette. On a osé, en 1810, lors du mariage autrichien, demander la proscription de Cambacérès et de Fouché, de Réal et de Thibaudeau ; que sera-ce quand régnera, formé par tous les revenants d'ancien régime qui entourent Marie-Louise et son fils, ce prince de droit divin[54] ? Fouché se sent-il plus en sûreté sous ce gouvernement contre-révolutionnaire que sous un Louis XVIII auquel on aura fait des conditions ? Aussi bien, le régime craque, sombre, l'Empereur est vaincu, le talisman perdu. Vainqueur, le maitre étouffe la Révolution, sa mère vaincu ; il la livre et la compromet. Il est temps que Fouché revienne à Paris et aille voir à qui va être le lendemain.

Il quitta Rome le 5 janvier ; dès le 3, il avait paru peu soucieux d'y attendre Murat et, malgré les sollicitations des magistrats romains, avait commencé ses bagages. Quelle figure faire au roi de Naples devant Miollis et Norvins[55] ? Quel rôle jouer dans un conflit possible ? Le roi venait de rompre ; dans une débauche de phraséologie sentimentale, le malheureux avait écrit à l'Empereur qu'il se voyait contraint de se déclarer contre lui[56]. Dès le 31 décembre, le comte de Lemberg, envoyé extraordinaire de l'Autriche, avait été reçu officiellement par Murat[57]. Le 4 janvier, une frégate anglaise avait débarqué l'aide de camp de lord Bentink, Graham[58]. Enfin, au cours d'un entretien avec le ministre de France, le marquis del Gallo lui avait déclaré que le roi ne pouvait plus rien ni pour la France ni pour l'Empereur[59]. Le 11 janvier, un traité était signé qui faisait du volontaire de 1792, du généra de la République, du roi Murat, un traître à son frère, à son bienfaiteur, à la patrie et à la Révolution, l'allié de Pitt et Cobourg. Ah ! qu'on est sévère pour Fouché ! Celui-là, du moins, était un politicien, et Murat était deux fois traître, car il était soldat.

Le duc d'Otrante ne pouvait plus affecter de fermer les veux : la reine lui avait fait parvenir un avis où il était dit que l'arrivée des ministres étrangers avait fait évanouir le résultat des entretiens avec le roi et de sa mission près de lui[60]. Le plénipotentiaire quitta donc Rome précipitamment, le 5 janvier. Il arrivait le 6 à Florence, où il trouva sa vieille amie, Elisa Bonaparte, dans les transes. On disait Murat décidé à envahir la Toscane, à renverser sa belle-sœur au profit du grand-duc de Wurtzbourg, auquel la coalition avait promis la Toscane. Le duc d'Otrante, annonçant, le 12, au duc de Bassano la trahison de Murat, promettait d'intervenir encore auprès du roi : désireux, du reste, de se dégager de tout soupçon de complicité, il protestait de toute la peine qu'il éprouvait du peu de succès de sa mission à Naples[61].

Étrange peine ! Exempte de rancune, en tout cas, car on ne remarque aucun refroidissement, aucune amertume dans les relations du duc d'Otrante avec l'homme qui est censé l'avoir trompé et joué. Au contraire, la cordialité augmente entre les deux hommes, comme si désormais des desseins communs les liaient. On voit soudain le représentant de l'Empereur, abominablement trahi et frappé par derrière, se faire le conseiller du traître, mériter ses remerciements, encourager, guider sa trahison. Puisque le roi a voulu rompre, qu'il agisse promptement : il faut profiter, du moins, de l'acte décisif et, ajouterait volontiers Fouché, arriver plus vite à Lyon que Louis XVIII à Calais. Il n'entend pas que Joachim reste un membre négligé de la coalition : Je dois insister, lui écrit-il de Florence le 20 janvier, sur la nécessité où vous vous trouvez de constituer une bonne armée. C'est votre seule garantie : c'est le seul moyen d'avoir de l'influence dans la coalition. Quel mot intéressant sous la plume de ce plénipotentiaire de Napoléon ! Vous m'invitez, ajoute-t-il encore, à vous défendre contre la calomnie. Qui donc pourra vous atteindre à la hauteur on vous devez vous élever ?... Ne vous inquiétez pas du jugement qu'on portera sur le parti que vous avez pris. Il était de mon devoir de vols en détourner. J'ai rempli ce devoir avec conscience. Mais aujourd'hui que votre décision est arrêtée, je dois à l'amitié que vous avez pour moi de vous dire que la moindre hésitation serait funeste. Votre conduite dans cette circonstance sera appréciée, comme toutes les choses en ce monde, par le succès. Si vous pouvez contribuer à la pacification générale, si votre nom acquiert assez de poids dans la balance des affaires de l'Europe pour relever la dignité des trônes et l'indépendance des nations, on vous bénira sur la terre. Hâtez-vous de dire que vous n'avez fait alliance avec la coalition que parce qu'elle prête son appui à ce noble dessein[62].

Un commentaire est inutile à cette lettre[63]. À ce souverain, envahissant en traître les États de celui que le duc d'Otrante sert et représente, il écrit encore : J'espère toujours que j'aurai l'avantage de voir bientôt Votre Majesté à Florence. Je vous y attendrai, à moins que l'ennemi des Anglais alliés de Murat, n'y arrive avant vous. N'oubliez pas la situation délicate où se trouve la Grande-duchesse ; si elle est obligée de quitter Florence, elle doit l'abandonner avec dignité et pouvoir se retirer tranquillement et honorablement dans sa principauté de Lucques[64].

Voilà le grand prétexte trouvé à tant de ménagements et d'avances prodigués au roi de Naples ; il faut assurer la faculté non seulement à Elisa, mais à tous les Français, de se retirer tranquillement et honorablement, empêcher contre eux toute violence, toute vexation. De sa propre autorité, le plénipotentiaire de l'Empereur s'arroge le droit de liquider l'Empire en Italie ; au fond, il lui importe surtout, nous savons avec quelle arrière-pensée, qu'aucun conflit n'éclate entre le roi de Naples et les Français ; pas d'acte irrémédiable qui mette entre Murat et les Tuileries si peu que ce soit de sang français répandu. C'est la même pensée qui, à la même heure, retient Bernadotte à la frontière de Belgique. Tout ce monde, dévoré d'ambition, se garde, se réserve, et Fouché veille à assurer à l'Empereur qu'il sert en loyal serviteur, écrivait-il encore deux mois avant, un successeur possible.

Aussi bien, sauf Miollis, soldat brave et méfiant, tout le monde se prête d'assez bonne grâce à cette politique[65], Élisa est dans la main de Fouché. Pons de l'Hérault qui lui conseille la résistance se heurte à cette toute-puissante influence[66]. La princesse cède jusqu'à faire croire qu'elle est de connivence avec Murat et les Anglais eux-mêmes[67]. Fouché lui fait espérer la conservation de Lucques, comme prix de cette belle politique. On s'occupera de paralyser Miollis en temps utile. Reste le vice-roi. Fouché négocie donc avec Milan[68] ; peut-être est-ce dans une intention perfide qu'il attire l'attention du prince sur cette phrase de la lettre de Metternich à Caroline où il est dit que Napoléon se dispose à céder l'Italie, ce royaume promis à Eugène depuis dix ans et que la coalition vient de lui offrir pour prix d'une défection à laquelle il s'est, lui, noblement refusé[69]. Enfin c'est à l'Empereur même que le duc d'Otrante s'adresse pour conseiller l'évacuation complète de l'Italie. Ses arguments portent. Le S février, Napoléon donne à Clarke l'ordre d'écrire à la grande-duchesse et à Miollis que la trahison de Murat avant rendu intenables la Toscane et les États romains, ils doivent remettre ces provinces au roi de Naples, en mettant comme condition que tous les employés se retireront au delà des Alpes. Le duc d'Otrante est officiellement chargé de négocier avec Joachim toute cette énorme capitulation[70].

Que veut Napoléon ? Sacrifie-t-il l'Italie entière au seul désir de maintenir Fouché quelques jours de plus au delà des Alpes, de l'occuper à une négociation qu'il croit peut-être devoir être longue ? A-t-il, au contraire, foi encore ii son dévouement, en sa fidélité ? Dans tous les cas, Fouché a gain de cause : toutes les résistances vont tomber en Italie devant Murat. On comprend, dès lors, la débordante reconnaissance que laisse voir le roi de Naples : Combien je suis touché de votre tendre sollicitude ! écrit le roi, traitre à l'Empire, au représentant officiel de l'Empereur. Je ne saurais jamais vous exprimer assez combien je sais apprécier vos nobles et généreux procédés. Ils ne m'ont pas étonné : je vous avais toujours regardé comme un homme d'honneur, comme un ami loyal et courageux. Recevez mes remerciements bien sincères[71]. Voilà qui devait singulièrement encourager l'ancien ministre à conduire Murat aux Tuileries.

Le roi s'y acheminait : le 19 janvier, La Vauguyon avait, au nom de son maitre, le roi Joachim, pris possession des États romains : le général Miollis s'était enfermé dans le Château Saint-Ange[72]. Les Napolitains s'étaient alors avancés en Toscane. Le 1er février, Elisa quittait Florence avec les troupes françaises, sauf une petite garnison laissée dans les forts ; presque immédiatement, les troupes de Naples occupaient la ville des Médicis. Le mercredi soir, 2 février, le prince Félix Bacciochi, le préfet Fauchet, le directeur de la police Lagarde et les autres hauts fonctionnaires abandonnaient, à leur tour, la ville envahie. Le duc d'Otrante accompagnait le convoi ; la gazette toscane l'appelle s Fouché de Nantes n . Que cela reportait loin ! Le 3, Carascosa, lieutenant général de Murat, prenait officiellement possession de Florence par suite d'un accord avec l'empereur d'Autriche. Livourne fut évacué le 15, Pise le 17, les forts de Lasso et du Belvédère à Florence le 25[73].

Le duc d'Otrante cependant avait rejoint à Lucques la grande-duchesse ; il avait confié ses enfants à leur précepteur Sarchi[74] et au prince Félix, qui se réfugiait à Gênes avec les fonctionnaires toscans[75]. Le duc avait promis de les rejoindre sous peu en Ligurie. C'est donc à Gênes que l'allait chercher une lettre de l'Empereur, lui enjoignant, nouvelle volte-face, de rentrer en France par Marseille et Lyon[76]... où Fouché constata, quelques semaines après, que des ordres étaient donnés pour lui fermer l'accès de Paris. Napoléon se repentait-il des nouveaux pouvoirs donnés à son u loyal serviteur n ? Mais, par une contradiction fort explicable, c'était maintenant l'habile homme qui ne voulait plus rentrer ; on le cherchait à Gênes, et, à la grande surprise des agents de Savary, mis eu mouvement pour l'atteindre, il n'y paraissait pas, devenu nomade et insaisissable[77]. Il avait tenté de voir Murat : on l'avait aperçu le 2 mars à Florence ; derechef il annonçait l'intention de passer par Bologne et Parme, avant obtenu un sauf-conduit des Autrichiens[78]. Mais le bruit courait en Italie et jusqu'à Naples, car tous s'inquiétaient de cet intéressant personnage, qu'il avait été fait prisonnier par les alliés[79]. Le 3 mars, le commissaire général de Gènes était instruit et informait Savary que le duc d'Otrante était parti le 1er de Lucques pour Paris.... par Florence et Bologne ; il faisait remarquer, Iton sans une intention d'hostilité, que le représentant de l'Empereur devait ainsi traverser l'armée austro-napolitaine, ce qui dénotait à son égard, de la part des ennemis, une bienveillance qui laissait à penser[80].

En réalité, l'introuvable Fouché avait employé ces derniers jours de février à discuter a Lucques et fi conclure avec le général Lecchi, représentant le roi de Naples, une convention réglant l'évacuation de l'Italie. Cette convention, conclue en vertu des pouvoirs donnés au duc d'Otrante par l'Empereur, décidait la reddition des châteaux Saint-Ange et de Civita-Vecchia, dont les défenseurs devaient se retirer avec armes et bagages pour être transportés par mer à Marseille, aux frais du gouvernement napolitain. La convention avait été signée le 24 février ; le 27, Miollis informé rendait la vieille forteresse pontificale[81].

L'Italie était désormais livrée à Murat jusqu'au Pô. Le duc d'Otrante ne voulut pas quitter la Péninsule sans voir et entretenir celui auquel il venait de rendre ce service capital. L'entrevue eut lieu à Modène ; le duc d'Otrante assista, avec la sérénité d'une âme indifférente aux surprises de la vie, à l'arrivée et à la réception à Modène de l'émissaire autrichien venant apporter, au nom des Habsbourg, l'investiture du royaume de Naples au beau-frère de Napoléon, à l'ancien chasseur à cheval de la République. Le singulier plénipotentiaire prit alors, avec quelque effusion, congé du roi de Naples, en lui recommandant, avant tout, d'éviter tout conflit avec Eugène, puis gagna non pas Gènes où le guettait la police impériale, mais Turin. De là il écrivait, le 9 mars, à Élisa une lettre fort amicale, où il réglait d'un air souverain les affaires de l'Italie ; il souhaitait à la princesse la tranquillité et la paix à Lucques, la priait de s'entremettre pour éviter toute rencontre entre le vice-roi et Joachim, ce qui semblait bien le dernier souci qui lui restât[82]. Désireux de s'en débarrasser, il se rendit enfin à Volta, où il eut avec Eugène lui-même une entrevue cordiale, au cours de laquelle il insista vivement sur les dangers d'un conflit[83]. Il en convainquit le prince, et, désormais sans souci, il s'achemina vers les Alpes, qu'il devait franchir le 11 mars.

On a prétendu que s'il partait, de ce chef, léger de soucis, il s'en allait un peu plus chargé de fortune. L'auteur des Mémoires affirme que le duc d'Otrante sut se faire payer par le roi Murat, successeur à Rome, disait-il, des droits et charges de l'empereur Napoléon, une somme de deux cent soixante-dix mille livres qui lui étaient dues sur le trésor[84]. De son côté, l'aide de camp de Miollis, Bellaire, déclare que c'est avant l'arrivée à Rome du roi Joachim que Fouché se fit donner par l'intendant du trésor une somme considérable[85]. Comme il avait profité, d'autre part, de son séjour à Rome et à Florence pour se rapprocher de Barras qui y était exilé et dont les circonstances pouvaient faire un utile allié[86], le duc d'Otrante se retirait de la Péninsule avec tous les honneurs de la guerre. Jamais homme au monde n'avait moins perdu son temps. Le 11 mars, c'était avec la satisfaction du devoir accompli qu'il franchissait les Alpes, courant sur les routes de France où, à la même heure, se déroulaient de graves événements.

 

 

 



[1] Giornale dell' Adriatico, 11 octobre 1813 (Bibl. San Marco de Venise). L'auteur du Giornale dell' assedio di Venezia signalait aussi le 9 l'arrivée du duc d'Otrante, et le 11 celle de plusieurs administrations illyriennes.

[2] Le duc d'Otrante à Napoléon, 13 octobre ; M. de Chassenon à l'Empereur, 13 octobre, AFIV, 1713.

[3] Le duc d'Otrante à Napoléon, 13 octobre, AFIV, 1713. Mém. de Fouché, II, 226.

[4] Le duc d'Otrante à Napoléon, Bologne, 13 novembre 1813, AFIV, 1713.

[5] Lettres du baron Durand, ministre de France à Naples, juillet, décembre 1813, Arch. aff. étr. Naples, et CIPIALRI, La fine d'un' re. — COLETTA, Histoire de Naples. — Marquis DEL GALLO, Mémoires. — PIGNATELLI, Mémoires. — G. PEDE, Mémoires. — DE SASSENAY, Les derniers mois de Murat. Monitore delle Due Sicilie, juillet-novembre 1813 (Bibliotheca nazionale de Naples). — Diario, 1798-1815, t. (Bibl. della Storia Patria, à Naples).

[6] Duchesse D'ABRANTÈS, X, ch. II, d'après une conversation avec le général Vauguyon.

[7] Le duc d'Otrante à l'Empereur, 13 novembre 1813, AFIV, 1713.

[8] Duchesse D'ABRANTÈS, déjà citée.

[9] Le roi Joachim au général Colette, 22 novembre 1813. COLETTA, Opere inedite, p. 168, doc. IV, et COLETTA, Histoire de Naples.

[10] Le duc d'Otrante à Napoléon, Parme, 21 novembre 1813. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[11] VITROLLES, II, 3.

[12] Napoléon au duc d'Otrante, 15 novembre 1813. Corr., XXVI, 20896. — Le général Pignatelli lui donne le titre de commissario generale nell' Italia.

[13] Napoléon au duc d'Otrante, Saint-Cloud, 15 novembre 1813. Corr., XXVI, 20896.

[14] PIGNATELLI-STRONGOLI, Mémoires. — PASQUIER, II, 350. — DESVERNOIS, 439. — COPPI, Annali. — BARRAS, IV, 450.

[15] FIRMIN-DIDOT, Royauté ou Empire. Rapports du baron Anglès à Louis XVIII, 1814-1815.

[16] COLETTA, Storia di Napoli, t. III. — MÉNEVAL, III. — VITROLLES, II, 3. — CARNOT, II, 160.

[17] CHAPTAL, Mes Souvenirs, 313.

[18] La justification de ce paragraphe se trouve dans les textes dont nous allons citer plus d'un passage.

[19] Le duc d'Otrante au roi Joachim, 21 novembre 1813. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[20] Le duc d'Otrante à Napoléon, 21 novembre 1813, ibid.

[21] Le roi Joachim à Napoléon, 23 novembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[22] Corr. du baron Durand. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7. — Monitore delle Duc Sicilie, novembre, décembre 1813. — Diario, déjà cité. — COLETIA, t. III, et DE BEAUCHAMP, Catastrophe de Murat.

[23] Le baron Durand au gouvernement, 28 novembre 1813. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[24] Sur ce point, le baron Durand paraissait aussi sceptique à Naples que Norvins, directeur général de police à Rome, et Lagarde, son collègue de Florence. Tous se montrèrent fort méfiants vis-à-vis du plénipotentiaire si suspect.

[25] Le duc d'Otrante à Napoléon, 21 novembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[26] DE CASTRO, Storia dell' Italia, 294.

[27] Le duc d'Otrante à Napoléon, 28 novembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7. — Mémoires manuscrits du général DE MIOLLIS, gracieusement communiqués par M. de Miollis.

[28] Fouché n'avait pas eu de successeur dans le gouvernement général des États romains : Miollis gardait, depuis la nomination du duc d'Otrante en juin 1810, le titre de lieutenant du gouverneur général.

[29] NORVINS, Fouché à Rome (Revue de Paris, septembre 1838), et BARRAS, Mémoires, IV, 450.

[30] Le duc d'Otrante à Napoléon, 28 novembre, déjà citée.

[31] Mme RÉCAMIER, Souvenirs, 243. Duchesse D'ABRANTÈS, X, ch. V. L'anecdote n'a rien d'invraisemblable ; Fouché signalait l'arrivée en même temps que lui à Naples de Mme Récamier (Lettre du 10 décembre).

[32] Le duc d'Otrante à Napoléon, 28 novembre, déjà citée.

[33] Le baron Durand au duc de Bassano, 1er décembre 1813. Arch. aff. étr., Naples, 139.

[34] Monitore delle Duc Sicilie, n° du 4 décembre 1813 (Bibl. de Naples). — Diario, déjà cité, vol. IV, 10 décembre. Pour affirmer ce caractère, Fouché avait refusé le logement que le roi lui offrait au palais et était descendu à l'hôtel de duc d'Otrante à Napoléon, 20 décembre. (Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7).

[35] Le duc d'Otrante à Napoléon, 2 décembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[36] Le roi Joachim à Napoléon, 3 décembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[37] Durand au duc de Bassano, 4 décembre. Arch. aff. étr., Naples, 139.

[38] Durand au duc de Bassano, 7 décembre. Arch. aff. étr., Naples, 139.

[39] Durand au duc de Bassano, 12 décembre 1813. Arch. aff. étr., Naples, 139.

[40] Le duc d'Otrante à Napoléon, 10 décembre. Arch. aff. étr., Naples., suppl. 7. Il affichait la confiance la plus absolue dans le roi ; le duc d'Otrante au prince Borghèse, 6 décembre. LOMBROSO. Miscellanea, série V.

[41] Le duc d'Otrante à Napoléon, 20 décembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[42] Durand au duc de Bassano, 17 décembre. Arch. aff. étr., Naples, 139.

[43] Le duc d'Otrante à Napoléon, 20 décembre, déjà citée.

[44] NORVINS, Fouché à Rome, déjà cité. MIOLLIS, Mém. inédits.

[45] Fouché semblait s'en défendre. Le 20 décembre, il revenait hors de propos sur sa mission de Naples, comme s'il exit craint de passer pour complice de Murat : Mon arrivée à Naples, dans toute autre circonstance, eût été agréable au roi, puisqu'il a de l'amitié pour moi ; mais aujourd'hui elle l'a beaucoup contrarié. Toutefois, il m'a traité avec politesse et considération, je dirai même avec confiance, excepté sur le seul point de ses relations avec la coalition ; à cet égard, son âme a été constamment fermée. (Le duc d'Otrante à Napoléon, 20 décembre, déjà citée.)

[46] Melzi à Marescalchi, 25 décembre (MELZI, Corr., II, 665), et NORVINS, Fouché à Rome.

[47] Le duc d'Otrante à Napoléon, 20 décembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[48] Sur ce séjour, NORVINS, Fouché à Rome. — BARRAS, IV, 217, — BELLAIRE, p. 11. — GAILLARD, Mém. inédits. — MIOLLIS, Mém. inédits.

[49] Le duc d'Otrante à Napoléon, 20 décembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[50] NORVINS, BELLAIRE, p. 11. MIOLLIS.

[51] Murat à Napoléon, 25 décembre. Arch. aff. étr., Naples, suppl. 7.

[52] Mém. inédits du général de Miollis.

[53] Le duc d'Otrante à Napoléon, 3 janvier. Arch. aff. étr., Naples, 140.

[54] Il sait que l'Autriche ne stipule dans ses arrangements avec les puissances coalisées que les intérêts de l'Impératrice et du roi de Rome. Fouché à Muret, 22 décembre 1813. Vente Charon, 3 février 1845.

[55] GAILLARD, Mém. — MIOLLIS, Mém. inédits. — NORVINS. — BELLAIRE, p. 11. — BARRAS, IV.

[56] Le roi Joachim à Napoléon, 3 janvier. Arch. aff. étr., Naples, 140.

[57] Durand au duc de Bassano, 31 décembre. Arch. aff. étr., Naples, 139.

[58] Diario, déjà cité, 5 janvier.

[59] Durand au duc de Bassano, 5 janvier. Arch, aff. étr., Naples, 140. Le baron Durand quitte Naples le 25 janvier.

[60] Le duc d'Otrante à Napoléon, 10 janvier. Arch. aff. étr., Naples, 140.

[61] Le duc d'Otrante au duc de Bassano, 12 janvier. Arch. aff. étr., Naples, 140.

[62] Le duc d'Otrante au roi Joachim, 29 janvier. Cette lettre, dont nous trouvons la minute corrigée et raturée dans les papiers confiés à Gaillard, fut, du reste, imprimée en 1816 par les soins de Fouché dans la Notice des Zeitgenossen, dans les Mém. du duc d'Otrante, 1819, p. 52, et dans les Matériaux, p. 190.

[63] Fouché essayait de donner le change à l'Empereur et de prévenir toute méfiance. Le 3 janvier, il écrivait à Napoléon qu'il n'avait plus d'influence sur l'esprit du prince, que ses conseils étaient devenus importuns, et le 10 : Je vais essayer d'écrire au roi, qui ne répond plus à mes lettres. (Le duc d'Otrante à Napoléon, 3, 5 janvier. Arch. aff. étr., Naples, 140.)

[64] Le duc d'Otrante au roi Joachim, 20 janvier, déjà citée.

[65] GAILLARD, Mém. inédits. Mém. inédits du général Miollis.

[66] PONS DE L'HÉRAULT, Mém. aux puissances alliées, 1815.

[67] LA MOTHE-LANGON, l'Empire, t. IV.

[68] Napoléon à Eugène, 17 janvier. Corr., XXVII. L'Empereur accrédite encore Fouché près du vice-roi.

[69] Le duc d'Otrante à Eugène, 21 janvier 1814. PLANAT DE LA FAYE, Souvenirs.

[70] Napoléon à Clarke, 8 février 1814. Corr., XXVII, 21212.

[71] Le roi Joachim au duc d'Otrante, février 1814. Papiers confiés à Gaillard.

[72] BELLAIRE. — GAILLARD, Mém. inédits. — Mém. inédits de Miollis.

[73] Giornale del dipartemento dell' Arno, 5 février 1814 (Bibl. nazionale de Florence).

[74] Ce Sarchi était un Illyrien, juif portugais d'origine, qui s'était attaché il Fouché lors de sou séjour il Trieste ; nous' sommes renseignés sur lui par deux notes de police de la Restaura ion, le préfet de police suspectant, même en 1825, mi ancien serviteur du duc d'Otrante (le Livre noir, de Mme DELAVAU, et FRANCHET-DESPERET. Notes des 31 octobre 1825 et 26 janvier 1826).

[75] Le prince Félix Bacciochi à Napoléon, 22 février 1814, AFIV, 1716.

[76] Napoléon au duc d'Otrante, 13 février 1814. Corr., XXVII, 21239.

[77] Note du directeur général de police de Toscane Lagarde, 26 février, AFIV, 1043.

[78] Giornale dell' Arno, 3 mars 1814 (Bibl. nazionale de Florence).

[79] Diario manoscritto (Bibl. della Storia Patria de Naples), déjà cité, 18 janvier.

[80] Le commissaire général de Gènes au duc de Rovigo, 26 février et 3 mars 1814, AFIV, 1013.

[81] Convention signée entre M. le duc d'Otrante et M. le lieutenant général Lecchi, d'après, les Papiers inédits de GAILLARD. LOMBROSO, Miscellanes, série V. Napoléon désapprouva, du reste, cette convention ridicule Napoléon à Clarke, 12 mars. Corr., XXVII, 21468. Le duc d'Otrante à Miollis ; le général de Miollis au duc d'Otrante, 28 février et 6 mars, Papiers inédits du général DE MIOLLIS. — Mémoires inédits et Journal du siège du général DE MIOLLIS.

[82] Le duc d'Otrante à la grande-duchesse Élisa, 9 mars 1814, gracieusement communiquée par le chevalier FISHER VON ROSTERSTAM.

[83] Mém. de Fouché, II, 265.

[84] Mém. de Fouché, II, 265.

[85] BELLAIRE, p. 11.

[86] BARRAS, IV, 221 et 458-459.