FOUCHÉ (1759-1820)

TROISIÈME PARTIE. — LE DUC D'OTRANTE

 

CHAPITRE XXI. — EXILS.

 

 

Fouché se recueille. Ses dispositions en arrivant à Aix. Vie de grand seigneur. Les Castellane-Majastres. — Relations avec Manuel. — Un homme à trois faces. — Première réapparition de Fouché. Voyage à Hyères. Fouché autorisé à se rendre à Ferrières. Il reste dans la retraite. Il assiste avec joie aux maladresses de son successeur ; politique de Savary. — A la fin de 1812, ou croit au retour de Fouché aux affaires. La seconde conspiration Malet. Il n'en profite pas. Mort de la duchesse d'Otrante. Douleur de Fouché. — Il affecte un complet renoncement à toute idée de grandeur. L'Empereur ne s'y fie pas et l'appelle à Dresde. — Missions diverses ; Fouché écrit à Murat et a Bernadotte. Entrevues avec l'Empereur. — Exils déguisés. — Entrevue à Prague avec le prince de Metternich. — Voyage à travers l'Autriche. — Fouché, gouverneur général des provinces illyriennes ; le pays ; les pouvoirs du gouverneur général ; le gouvernement et la cour ; société disparate ; la colonie française. Situation fâcheuse en 1813. — La cession à l'Autriche semble probable. Troupes peu sûres. — Désaffection générale. — Audacieuses descentes des Anglais ; lâcheté ou connivence des populations. — Insubordination du peuple. Folie du duc d'Abrantès. Arrivée du gouverneur général à Laybach ; entrée solennelle ; impression favorable. Fouché devant la comtesse de Saint-Elme et devant Nodier. — Actes de vigueur. Destitution de magistrats félons. Réorganisation de la police et mesures sanitaires. — Menaces d'invasion autrichienne. Entrevue à Udine avec le vice-roi Eugène. On arrête le plan de campagne. La fête du 15 août 1813 à Laybach. — Invasion des Autrichiens. Le gouverneur général en impose par son sang-froid. Imperturbable flegme. Il s'affiche à Laybach, puis quitte précipitamment la ville menacée, sous prétexte d'une visite à Trieste. — Il impose la confiance aux fonctionnaires et empêche toute retraite désordonnée. — Le gouvernement illyrien à Trieste. Derniers arrêtés organisant la résistance. — Le duc d'Otrante quitte Trieste pour Goritz. — Il signe encore des révocations. — Débâcle d'un gouvernement. — Le gouverneur général passe la frontière et se réfugie à Venise. Épisode caractéristique de la vie de Fouché.

 

Paul de Gondi, grand connaisseur en matière de politique, disait que la faveur populaire est toujours plus assurée par l'inaction que par l'action. C'est bien ce que pensait Fouché, quand, après une crise où il avait eu le dessous, il se tenait silencieux, obscur, humble et en apparence inactif, dans une retraite qui semblait toujours la dernière. Inaction d'autant plus puissante qu'elle se doublait d'une action secrète, et que tout en se laissant désirer ou regretter, l'habile homme continuait à ne point perdre son temps en ce bas monde, croyant peut-être n'avoir plus rien à espérer en l'autre.

Nous l'avons vu prendre. dès sa rentrée en France, cette attitude qui, du reste, n'était pas nouvelle, car elle avait souvent servi, on s'en souvient, notamment en 1802.  Maillocheau à Lyon, Thibaudeau à Aix virent un homme las, désillusionné, aspirant au repos, à la vie calme et sans soucis. Il la voulait aussi confortable et, contre ses habitudes, somptueuse. Les audiences accordées dès le 6 septembre en grand apparat aux autorités montraient assez que, dans la disgrâce, le duc d'Otrante entendait faire honneur à son nouveau titre princier et vivre en grand seigneur[1]. Il était descendu à l'hôtel des Princes, mais il avait immédiatement loué un des plus beaux hôtels d'Aix, l'hôtel de Forbin, et en avait, dès les premiers jours, fait aménager le rez-de-chaussée pour de grandes réceptions[2]. Il annonçait, d'autre part, l'intention d'acquérir une villa aux portes de la ville[3]. C'était une bonne fortune pour une ville de province, qu'une semblable installation. L'ancien ministre de la Police, dont l'arrivée n'avait provoqué qu'une curiosité sans bienveillance, se trouva vite un homme fort populaire, répandu et cultivé. Son amitié particulière avec le préfet du département l'avait beaucoup servi, l'ayant mis de prime abord en relations assez intimes avec le sous-préfet, M. de d'Arbaud-Jonques. C'était un fonctionnaire avisé, qui, prévoyant peut-être un retour en grâce plus ou moins prochain, se ménageait, par un accueil cordial, un brillant avancement, qu'il dut en effet plus tard à ces circonstances[4]. Il était de bonne famille provençale, fréquentait fort dans l'aristocratie, y introduisit le duc d'Otrante et sa famille. Cette aristocratie, particulièrement fermée, restée royaliste[5], se laissa désarmer. Fouché y plut ; il était bonhomme, spirituel. de relations faciles et d'un commerce amusant ; et puis il était une victime de Buonaparte. C'était un titre. D'autre part, le ministre déchu donnait beaucoup aux pauvres gens[6] : cela lui valait de la considération, bientôt cette popularité qui ne le laissait jamais indifférent. On le trouva vraiment fort honnête homme, pour un jacobin ; les Castellane-Majastres, parents du sous-préfet et de souche princière, lui ouvrirent leur maison ; Fouché y fit la connaissance de Mlle Gabrielle de Castellane, alors âgée de vingt et un ans, dont il devait faire, en 1815, après un veuvage de trois ans, une duchesse d'Otrante[7]. Dans les réceptions de l'hôtel de Forbin, Fouché semblait oublier les soucis du pouvoir passé, de la fortune future. Il faisait illusion même au sous-préfet. Nous avons toujours ici le duc d'Otrante, écrivait M. de d'Arbaud-Jouques, le 29 novembre 1810. Il paraît se plaire beaucoup dans cette ville et regrette peu le tumulte des affaires et sa puissance déchue[8]. La correspondance du duc avec Ferrières et Paris semblait toute d'affaires ; il entretenait Gaillard de la bonne tenue du domaine, de coupes de bois et d'achats de prés[9]. Savary se pouvait rassurer.

En réalité, l'ancien ministre ne perdait pas son temps : s'il ne pouvait assurément prévoir, en voyant Mlle Gabrielle de Castellane danser en ses salons, qu'il gagnait pour l'avenir une femme à cet exil, il se promettait certainement d'y conquérir un lieutenant, un ami utile, quand il prenait familièrement par le bras un jeune avocat, alors simple célébrité locale, gloire du barreau d'Aix. Ce jeune avocat s'appelait Jacques-Antoine Manuel ; on était hostile à l'Empereur, dans le barreau ; mais alors qu'à Papistes Berryer père, les Bellart et les Bonnet, à Bordeaux les Lainé et bien d'autres étaient royalistes, Manuel, lui, girondin né trop tard, était républicain ou tout au moins libéral et ne s'en cachait pas. Éloquent, ardent, il plut à Fouché, dont l'œil sagace eut vite fait de le distinguer. L'ancien ministre qui restait pour le sous-préfet le sénateur Fouché, qui faisait sonner bien haut son titre de duc et ses bonnes relations avec le faubourg Saint-Germain chez les Castellane et autres, savait prendre sa troisième face pour le jeune tribun. Il l'entretenait des souvenirs de 89 et de 93, parlant des grands travaux, des grandes luttes de la Convention et peut-être, avec un soupir, de la chute de la République et de la démocratie. Il faudrait, pour les faire triompher à nouveau, une génération d'hommes intelligents et ardents, mais il les faudrait à Paris ; Manuel y viendrait, dès que le duc d'Otrante y serait rétabli[10]. Il devait y venir en effet, quatre ans plus tard, si conquis par Fouché, qu'il logea durant tous les Cent-Jours à l'hôtel du ministre, député élu grâce à son influence et devenu, à la Chambre, l'organe singulièrement éloquent de celui dans lequel il vit toujours le citoyen Fouché de Nantes[11].

C'était bien employer son exil, que de se faire de tels amis sur place. Mais il ne perdait pas de vue Paris et le quai Voltaire. Il y avait envoyé et placé un ami. Dès le 26 août, Jay, l'ancien élève, l'ami et le confident du duc d'Otrante, avait écrit à Savary pour s'offrir, jouant la comédie d'une trahison qui ne s'exerçait réellement qu'aux dépens du nouveau ministre[12]. C'était bien pour Savary un ennemi dans la place. Le fait ne laisse point de cloute, Lorsqu'on voit Fouché tenir si peu rigueur à l'ancien précepteur de ses enfants, de ce qui eût été une odieuse trahison, et lui accorder, en 1815, mine confiance et une amitié plus grandes encore qu'avant 1810[13]. En dehors de ce surveillant installé au quai Voltaire, Fouché gardait d'ailleurs des relations avec plusieurs de ses anciens agents.

C'est sans doute par eux qu'il se renseignait sur les projets de l'Empereur à son égard[14]. Il avait littéralement fait le mort pendant tout l'hiver de 1810-1811. Au printemps, il se hasarda à quitter Aix, pour parcourir sa sénatorerie, qui, s'étendant jusqu'à Vintimille, comprenait, avec Aix, Marseille, Toulon et Nice. Après en avoir avisé Thibaudeau, le 9 avril[15], le duc d'Otrante apparut à Marseille le 11, et descendit à l'hôtel des Ambassadeurs, accompagné d'une suite assez nombreuse. Le voyage se faisait en effet avec une certaine ostentation qui intriguait le public et alarmait les agents trop zélés de Savary. Le général commandant la division avait offert une garde d'honneur, que l'ancien ministre avait refusée ; mais le duc avait trouvé chez Thibaudeau un accueil très chaud, celui-ci se sentant, en ce moment-là même, menacé par la réaction dont Fouché passait pour avoir été la plus illustre victime[16]. Le 13 avril, l'ancien ministre arrivait à Toulon, salué par les principaux fonctionnaires qui commençaient à croire, comme toute la population, à un retour en grâce[17]. Le duc resta trois jours à Toulon, alla visiter les jardins d'Hyères, le port et la ville. Le 17, il repartit pour Marseille, y conféra longuement avec Thibaudeau, et rentra le 18 à Aix, fort enchanté sans doute d'avoir affirmé, aux yeux des Provençaux, son indépendance entière[18].

A Paris, malgré les rapports des policiers de Marseille, on parut peu ému de ce déplacement. Est-ce ce fait qui encouragea les amis du ministre ? mais, quelques mois après, ils reprirent près de l'Empereur leurs instances pour obtenir le rappel du duc à Paris[19]. Le 11 août, Napoléon signifia au duc de Rovigo qu'il accordait à son prédécesseur l'autorisation de se rendre à Ferrières[20]. Ce n'est pas qu'il y eût réellement chez Napoléon un regain de confiance en son ancien ministre. Mais l'indifférence dédaigneuse qu'il avait affectée vis-à-vis de lui, depuis le voyage affolé du duc d'Otrante au delà des Alpes, continuait à servir Fouché. Cette indifférence n'excluait pas, d'ailleurs, un mécontentement parfois violent. Puis cette irritation des premiers mois s'était calmée, et il avait songé à rappeler le duc d'Otrante, par un vague désir de l'avoir sous la main. Savary était parfois si maladroit ; ce n'était pas un conseiller, tout an plus un exécuteur, et si peu intelligent parfois[21] ! Fouché, même disgracié, pouvait être utilement consulté. Un an après la disgrâce de juin 1810, Napoléon le trouvait trop loin, songeant qu'il serait bon de l'avoir à Ferrières, à quelques lieues de Paris. Le 28 aout, le duc d'Otrante, dissimulant mal sa joie, écrivait d'Aix à Thibaudeau qu'il partait quelques jours après[22]. Il était si pressé qu'il n'attendit pas la visite du préfet, qu'il avait appelé ; le 30, il donnait ordre de presser le départ. Les habitants d'Aix assistaient curieusement aux préparatifs faits à l'hôtel de Forbin. Les commentaires allaient leur train. Les uns m'envoient en mission près du Pape, les autres à Rome, écrivait le 30, l'ancien ministre à Thibaudeau[23] ; quelques-uns à Toulon. Des lettres de Paris annoncent que j'y suis attendu. A tous, ce retour à Paris paraissait présager un renouveau de faveur. Cela est au moins une grande diminution de disgrâce, écrivait M. de d'Arbaud-Jouques[24], si cela ne présage pas un retour complet de faveur. Le 2 septembre, le duc d'Otrante quittait cette ville d'Aix, où il laissait, avec beaucoup d'amis qui lui restaient fidèles, une future épouse et un futur lieutenant. C'était n'avoir pas perdu son temps. Le 6, il arrivait à Ferrières où le fidèle Gaillard l'accueillit à bras ouverts[25]. C'est probablement au cours de ce voyage qu'une aventure, à dessein dénaturée et grossie, attira de nouveau l'attention sur le ministre disgracié. Il fut attaqué par des brigands et délivré par la gendarmerie. On fit de ce fait divers un attentat audacieux du gouvernement impérial, pour se délivrer d'un serviteur gênant et dangereux. La presse londonienne, s'emparant de l'incident, le grossit à outrance. Le pamphlétaire Peltier se fit l'écho de ces bruits calomnieux, fabriquant, en manière de pastiche, une lettre que le duc d'Otrante était censé adresser à l'Empereur, pour lui reprocher ce guet-apens[26]. Tout cela était une fable grossière, mais devait montrer que Fouché continuait à occuper fort l'opinion, et qu'il était décidément difficile à enterrer.

Il ne parut pas cependant pressé de reprendre sa place dans les conseils de l'Empereur. On se préparait, dès les derniers jours du mois de septembre, à la guerre russe. C'était la suprême folie que prédisait Fouché à Metternich en juin 1808. Quand on vous aura fait la guerre, il restera la Russie[27]. Point n'était besoin, en 1811, de l'esprit avisé et frondeur de l'ancien ministre, pour prédire à cette formidable aventure une fatale issue. Elle allait d'ailleurs non seulement contre sa politique générale qui était pacifique, mais contre ses idées particulières qui avaient toujours été favorables à l'alliance conclue à Tilsitt. Il n'avait pas dissimulé, en 1810, que le mariage autrichien lui paraissait gros de conséquences fatales pour cette alliance franco-russe. Ses prévisions s'étaient réalisées. Appelé par l'Empereur dans les derniers jours de 1811, il déconseilla la guerre, déplut[28], ne fut plus rappelé, resta dans une demi-disgrâce, dont il ne semblait pas, du reste, désireux de sortir[29]. Elle inquiétait cependant Savary, contre lequel on menait campagne les ennemis du duc d'Otrante s'émurent de sa courte réapparition aux Tuileries[30] ; Fiévée reprit la plume pour le combattre[31]. On avait tort : Fouché ne put même obtenir d'audience de l'Empereur, avant son départ pour Dresde et la Russie ; il s'en plaignit amèrement à Duroc, qui, au nom du souverain, l'invita à occuper son siège au Sénat[32]. Cette nécropole ne lui convenait guère. Il profita cependant de l'invitation, reparut au Luxembourg, où son influence, qui y avait toujours été grande, devait s'exercer d'une façon si active en avril 1814. Mais il sembla de nouveau vouloir s'ensevelir dans l'obscurité, se partageant entre l'hôtel de la rue Cérutti[33] et le château de Ferrières. Je vis encore dans une retraite trop absolue, pour pouvoir t'être utile, écrivait-il à Thibaudeau, le 8 juillet 1812[34]. Il s'occupait de l'éducation de ses enfants, soucieux surtout de la santé de sa femme, fort ébranlée par les émotions des années précédentes.

Tout cela ne pouvait l'empêcher de suivre d'un œil attentif les événements qui se déroulaient. Les nouvelles de Russie devenaient mauvaises ; le grand échec qu'il avait prévu allait-il se produire ? Serait-il le ministre sauveur ou le syndic de la liquidation ? D'autre part, il assistait, souriant et ironique, aux inextricables difficultés où se débattait son successeur, le duc de Rovigo.

Ce malheureux avait, depuis deux ans, accumulé fautes sur maladresses. Fouché lui avait légué une machine en somme bien montée, quoiqu'il eût essayé, en l'abandonnant, d'en fausser quelques rouages ; les principaux agents étaient là, Desmarest, Réal, Saulnier ; peut-être eût-il suffi de les laisser fonctionner seuls[35]. Mais Savary avait voulu avoir sa politique, étrange naïveté chez l'homme qui, d'autre part, n'était qu'un séide. A vrai dire, cette politique parut être de suivre et au besoin de prévenir les désirs et les ordres du maître. Savary était rusé, mais d'un esprit médiocre ; on le vit racheter ses naïvetés par des violences, ses violences par des faiblesses ; il fut tantôt indulgent jusqu'à l'imbécillité, dans le seul but de dépasser son prédécesseur en popularité, et tantôt violent jusqu'à la brutalité, pour satisfaire les exaspérations de l'Empereur[36] ; il ne le contentait guère, du reste, ignorant jusqu'au bout — car ce gendarme n'était pas un psychologue raffiné — que le meilleur moyen de séduire le maitre était souvent de lui résister. Avant pris sur ce point le contre-pied de la méthode de Fouché, il avait, d'autre part, semblé hésiter à prendre en toutes choses celui de sa politique. Il avait, il est vrai, commencé par frapper deux des agents que leur amitié avec le duc d'Otrante compromettait, Oudet et Maillocheau[37] ; mais il semblait désireux, d'autre part, de gagner quelques-uns des amis du ministre déchu, Jullian[38], Jay[39], Mme de Châtenay[40], Mme de Vaudémont[41] ; chaussant les talons rouges de Fouché, il ambitionna l'amitié du faubourg, qui le redoutait[42] ; il avait rappelé des nobles exilés[43], tiré les Polignac de prison[44], levé la surveillance de l'agent de Louis XVIII, l'abbé de Montesquiou[45]. Cette politique semblait calquée sur celle du duc d'Otrante, mais elle n'en était qu'une maladroite et excessive imitation. Jamais le désir de plaire au noble faubourg n'avait amené Fouché à sacrifier aux haines de ses amis royalistes ni le parti révolutionnaire, ni la sécurité de l'État ; Savary, pour plaire à la noblesse, persécutait l'un, compromettait l'autre. Loin d'enrayer la réaction, il y avait poussé. On avait, au nom de Marie-Louise sans doute, accordé des pensions à d'anciens domestiques de Louis XVI et de Marie-Antoinette[46], fait très symptomatique ; ce qui était plus grave, c'est qu'on avait achevé de bâillonner la presse. dont l'existence pesait au duc de Rovigo comme un reste de la Révolution, et qu'il fallait, disait-il, organiser suivant les maximes et les formes de la monarchie[47] ; il eût voulu aussi qu'on épure la magistrature au profit des officiers judiciaires de l'ancien régime[48], parmi lesquels, du reste, on venait de choisir le nouveau préfet de police, Pasquier. En toutes circonstances, le ministre de la Police flétrissait, honnissait le parti avancé, taxé révolutionnaire ; il supportait mal la présence au quai Voltaire de l'ex-terroriste Réal[49], faisait arrêter les anciens membres des comités révolutionnaires[50], si zélé même en cette razzia imprévue qu'il ordonnait l'arrestation de gens morts depuis dix ans[51] ; et déterrait les vieilles haines, jusqu'à s'attirer de l'époux de Marie-Louise lui-même le reproche de réaction[52]. Le résultat était d'éloigner de l'Empire les bons serviteurs qu'étaient les anciens républicains : on réclamait la destitution des Thibaudeau et des Jean Bon Saint-André ; le parti de gauche se tint dès lors vis-à-vis de l'Empire dans une attitude ou indifférente on hostile qui, en 1814, empêcha tout mouvement national ; on devait voir Réal se plaindre alors amèrement, devant Savary lui-même, qu'on eût éloigné de l'Empereur et du régime les hommes de la Révolution[53]. Tout ce qui, de près ou de loin, se rattachait à 1789 comme à 1793, se trouvait mal vu et, le cas échéant, brutalement frappé ; Mme de Staël, que Fouché avait ménagée, avait été assez grossièrement expulsée, quelques jours après la définitive disgrâce du duc d'Otrante[54].

Le pire était que Savary, violent avec les anciens révolutionnaires, était d'une incroyable faiblesse envers les agents royalistes. Le représentant du comte de Lille à Bordeaux, Rollac, qui avait dû quitter la France devant les menaces du duc d'Otrante, y était impunément rentré dans les premiers jours de 1812 et préparait peut-être déjà dans la ville royaliste ce mouvement qui, en mars 1814, devrait livrer la ville aux Anglais. Fouché avait montré une certaine humanité envers les Polignac, mais, les jugeant dangereux, n'avait jamais consenti à les remettre en liberté ; en janvier 1810, il avait même refusé d'appuyer leur demande de transfert à Paris[55] ; dès juin 1810, Savary y accédait[56], ce qui devait permettre, eu janvier 1814, aux deux frères de prendre facilement la clef des champs, pour le plus grand mal de l'Empire[57]. Par contre, le ministre, qui exaspérait si gratuitement les anciens révolutionnaires et rendait si bénévolement aux royalistes leurs agents et leurs chefs, surexcitait, par une persécution brutale et sans discernement, la croisade cléricale contre l'Empire ; des prêtres, protégés par Fouché, avaient été frappés au lendemain même de sa chute[58], les évêques tancés, persécutés, arrêtés avec un manque de déférence qui rendait ces mesures particulièrement odieuses[59]. On retrouvait cette absence de formes dans l'attitude du ministre vis-à-vis des princes espagnols[60], cette lourdeur de main dans la répression des réfractaires et des bavards[61].

Les procédés du duc de Rovigo étaient exaspérants ; on le vit inaugurer l'espionnage des maîtres par les domestiques. C'était partout une surveillance taquine, rogue, malfaisante et odieuse à toutes les classes et à tous les individus[62].

Elle était, du reste, défectueuse sur un point. La police des ambassades et des étrangers, organisée avec un soin si jaloux par Fouché[63], avait été abandonnée ou peu s'en faut. À la fin de 1810, Nesselrode pouvait se livrer sur l'Empereur à des propos que le maître et son ministre étaient seuls à ignorer[64]. Chose plus grave : M. de Czernichef, attaché militaire russe, se permettait, pendant une année entière, d'organiser l'espionnage, d'acheter des employés du ministère de la Guerre et d'intriguer dans les antichambres des ministres, sans être dénoncé ni inquiété[65].

Vain, enflé de son importance, persuadé de sa suprême habileté, le ministre était ridicule et avait contre lui les rieurs, cas toujours fâcheux pour un homme d'État et un policier. Il se défendait d'une façon risible contre les critiques, s'en exaspérait jusqu'à la fureur, sans parvenir à se faire respecter[66]. L'Empereur lui-même semblait, dès 1811, édifié sur ses capacités, le mortifiant et le blâmant, malgré son bon vouloir, en toutes circonstances[67], laissant croire parfois à une disgrâce imminente. La nécessité d'un travailleur obligeait l'Empereur, disait-on, à donner à Savary pour successeur un homme d'État capable de maîtriser les événements[68]. Pour beaucoup de gens, et notamment pour l'auteur du propos qui irritait tant Savary, cet homme d'État était tout désigné. Depuis le retour de Fouché à Ferrières, on n'aurait pas à l'aller chercher loin.

À la fin de 1812, on crut inévitable la disgrâce de Savary et peut-être le retour de Fouché aux affaires. Une aventure extraordinaire parut, en effet, compromettre la fortune politique du duc de Rovigo. Nous n'avons pas besoin de rappeler ici les détails de cette singulière conspiration Malet de 1812. Un général, en somme sans notoriété, s'échappant d'une prison qu'on lui avait imprudemment entr'ouverte, se mettant illégalement à la tête de troupes régulières, allant délivrer à la Force deux autres généraux détenus, Lahorie et Guidai. persuadant aux hauts fonctionnaires que l'Empereur est mort, se faisant préparer, à l'Hôtel de Ville, par le préfet Frochot, une salle où doit se réunir un gouvernement provisoire, composé de royalistes et de républicains, allant arrêter dans son lit le ministre de la Police, qui, sans résistance ni protestation, se laisse conduire à la Force, sans songer un instant à invoquer les droits de l'héritier de l'Empereur : les conjurés presque triomphants arrêtés par la seule résistance personnelle du gouverneur de Paris, tels sont les incidents qui se déroulèrent dans la nuit du 21 au 22 octobre 1812 et remplirent, le lendemain, la ville de stupeur et d'inquiétude[69]. Les récriminations et les lazzi se mirent à pleuvoir sur le malheureux ministre de la Police, remis le matin en liberté. Fiévée lui-même, qui, en juillet 1812, accablait encore le duc d'Otrante des services rendus par le duc de Rovigo, devait reconnaître que ce dernier méritait les caricatures de Londres et les épigrammes de Paris[70]. Le lendemain de l'attentat Malet, on se rencontrait : Savez-vous ce qui se passe ?Eh non !Vous êtes donc de la police ! Cela faisait penser que la police, si justement vantée, du duc d'Otrante était tombée en d'étranges mains[71]. De fait, la responsabilité du duc de Rovigo était grande. Le coup d'État tenté était plus préparé qu'on ne voulut en convenir. En tout cas, Savary était responsable de la présence du général Malet à Paris ; car Fouché, malgré d'assez bonnes relations avec l'incorrigible conspirateur, avait, le 9 octobre 1809, formellement repoussé une requête du général pour obtenir son transfert à Paris[72], et cette requête s'étant renouvelée au lendemain même de la disgrâce du duc d'Otrante, son successeur l'avait agréée le 10 août 1810 — peut-être pour la seule raison que Fouché l'avait rejetée[73]. Impunément, pendant deux ans, le détenu, mal surveillé, avait pu voir assidument un agent royaliste, l'intrigant abbé Lafon, qui, surveillé sous le duc d'Otrante, avait repris, en août 1810, sa liberté d'allures et mis Malet en relation avec son parti[74]. Tout cela était pitoyable.

Quelle part avait eue Fouché au coup d'État avorté de Malet ? Certains contemporains admettaient, en effet, qu'il n'y était pas étranger[75]. Y trempa-t-il réellement ? Est-ce pour ce motif qu'il rendit à la famille du général, après l'avoir peut-être préalablement épuré, une partie du dossier[76] ? On comptait, dans tous les cas, sur lui ; il était du fameux gouvernement provisoire[77]. Avait-il voulu renverser l'Empereur ? ou simplement rêvait-il de recommencer le coup de 1804 ? Pourquoi n'essaya-t-il pas, en octobre, de profiter des circonstances pour s'imposer ? La réponse est simple : le duc d'Otrante n'était, le 21 octobre, ni en mesure, ni en disposition d'agir d'aucune façon.

Il venait d'être atteint d'un deuil cruel. La duchesse s'était éteinte le 9 octobre 1812 ; il l'avait aimée profondément, tendrement ; elle le lui avait rendu, le suivant partout dans la Nonne et la mauvaise fortune. Il fut douloureusement frappé. Je suis bien à plaindre, écrivait-il encore, un mois après, à Thibaudeau, depuis que j'ai eu le malheur de perdre celle qui partageait toute ma vie ; mon travail, mes lectures, mes promenades, mon repos, mon sommeil, tout était en commun. Cette communauté si douce, si heureuse, vient de finir par le plus affreux déchirement. Si je ne craignais de contrarier les intentions de l'Empereur, j'irais chercher des distractions dans ma sénatorerie...[78]

Inaction forcée ou passager dégoût de l'action, Fouché ne sembla pas vouloir profiter de la mésaventure de son successeur. L'Empereur, du reste, bien que fort irrité, fit retomber tout le poids de sa colère sur Frochot, et Savary resta ministre, quoique, dit Bourrienne, la présence de Fouché à Paris fit croire à son retour aux affaires[79].

En réalité, Napoléon l'avait voulu voir, ne pouvant, se défendre d'un certain retour d'estime pour un homme qui avait prévu, prédit, voulu empêcher la catastrophe dont le premier acte venait de se dérouler entre Moscou et Vilna, dont le deuxième allait se jouer en Saxe. Fouché continuait à étaler un détachement des vanités et des affaires qui, après le coup qu'il venait de recevoir, ou devant certaines considérations d'ordre moins sentimental, était, pour l'instant, peut-être sincère. Que notre ami soit bien convaincu, écrivait-il à ce moment a Gaillard, que tout esprit de parti est éteint chez moi. Mon cœur est fermé à toutes les folies humaines ; je suis réveillé de tous mes rêves démocratiques, je n'estime plus que ce qui peut être l'ouvrage de la sagesse et de la raison, parce que tout est court et passager sans elle. Notre ami a tort de penser que j'accepterais le ministère. Le pouvoir n'a pas de charmes pour moi. Le repos n'est pas seulement une chose convenable dans ma situation, mais il m'est nécessaire. Les affaires ne m'offrent plus que l'image du tumulte, de l'embarras et des dangers. Je suis heureux de ma vie modeste et privée, et, comme ministre, il me serait impossible de l'être ; je ne suis pas un homme à occuper une place sans en remplir les devoirs avec fidélité et dignité. Je me suis fait de bonne heure des habitudes de travail et de méditation qui m'ont occupé dans ma disgrâce après avoir assuré le succès de mon administration...[80] Et à la même époque (avril 1813) il déclarait à Thibaudeau qu'il ne se croyait pas encore près de revenir aux affaires et n'y aspirait pas. L'Empereur me traite avec affection. Cela me suffit. Un ministère ne peut être l'objet de mon ambition. Le premier des biens pour moi aujourd'hui est le repos, et je sais en jouir...[81]

Au fond, ce grand détachement, sincère ou non, inspirait à l'Empereur une invincible défiance. Si celui-ci avait cru devoir maintenir Savary au quai Voltaire, il lui paraissait fort dangereux de laisser Fouché à Paris, adversaire avéré du ministre de la Police, et peut-être déjà ennemi secret du régime. Les bruits qui avaient couru, sur la participation du duc d'Otrante à la conspiration Malet, ne pouvaient rassurer Napoléon : Vous êtes trop habile pour l'Impératrice, avait dit l'Empereur à Fouché, peu de jours avant son départ pour l'Allemagne[82]. D'autre part, l'ancien ministre jouissait près du souverain d'un retour de considération, l'ineptie de son successeur ayant fait ressortir, d'une façon fort profitable pour le duc d'Otrante, la capacité et l'énergie de celui-ci. L'Empereur crut faire coup double et résolut d'employer Fouché en l'éloignant. Nous allons, dès lors, pendant neuf mois, assister à une singulière comédie ; plus la crise empire, moins Napoléon se trouve disposé à laisser revenir Fouché à Paris ; mais comment l'éloigner, sinon en l'accablant de missions honorables, de négociations de haute importance qui, faisant ou non illusion à l'ancien ministre, l'exilent plus réellement de Paris que la disgrâce de 1810 ? Fouché n'ose refuser, de peur de se déclarer l'ennemi du régime qui sombrera en 1814 : l'Empereur va l'appeler à Dresde, l'enverra négocier à Prague avec Metternich, puis gouverner Laybach et Trieste, puis conseiller Elisa à Florence, Miollis à Rome, Joachim à Naples, l'éloignant davantage, chaque fois que l'intrigant personnage tente de rentrer, désireux de prendre sa part à la révolution qui se prépare, mais retenu par sa grandeur aux rivages lointains.

Le 14 mai, le duc d'Otrante recevait donc une lettre de l'Empereur, datée de Dresde le 10 mai 1813. Le prétexte était de lui confier le gouvernement... hypothétique de la Prusse ; pour Fouché, c'était une étrange mystification, que cette fantastique mission dans les nuages : Je vous ai fait connaître, disait l'Empereur[83], que mon intention était, aussitôt que je serais à même d'entrer dans les États du roi de Prusse, de vous appeler auprès de moi pour vous mettre à la tête du gouvernement de ce pays. Que cela ne fasse aucun bruit à Paris. Il faut que vous soyez censé partir pour notre campagne et que vous soyez déjà ici qu'on vous croie encore chez vous. La régente seule a connaissance de votre départ. Je suis fort aise d'avoir l'occasion de recevoir de vous de nouveaux services et de nouvelles preuves d'attachement. Le ton presque ironique de cette missive n'était pas fait pour rassurer le duc d'Otrante sur les intentions de l'Empereur ; on voulait, avant tout, l'éloigner des salons du faubourg Saint-Germain où Vitrolles intriguait déjà pour Louis XVIII[84] et des couloirs du Luxembourg où se préparait peut-être la grande trahison de 1814[85]. C'était clair. Mais comment refuser ? On revient toujours, après tout.

Il prit son parti, laissa croire qu'il se rendait à Morne, voyagea en Allemagne sous le nom de duc de Lodi[86], arriva à Dresde le 29 mai[87]. L'Empereur avait prévenu le 25 le général Durosnel il devait faire grand accueil à l'ancien ministre et le présenter à la cour de Saxe[88]. Ces ordres furent exécutés ; le roi Frédéric-Auguste le reçut avec faveur, lui fit retenir et meubler une maison, où le duc s'installa avec ses enfants, qui, désormais sans mère, ne pouvaient rester en France[89]. La curiosité qu'excitait sa présence dans une ville alors remplie de généraux, d'hommes d'État français et allemands, était, on le pense, fort grande. Les commentaires allaient leur train, non seulement à Dresde, mais dans tout l'Empire, depuis son départ, vite connu à Paris et dans les départements. Mille destinations lui étaient données. Dès le 3 avril, la reine Catherine avait écrit au roi de Wurtemberg que Fouché allait être appelé au conseil de régence[90]. En Italie, le bruit courait, au commencement de juin, que le duc allait, en effet, après instructions reçues de l'Empereur, siéger dans le conseil, reprendre un portefeuille ; puis Fouché se retrouva gouverneur général des États romains ; la grande-duchesse Elisa disait que le duc allait venir en Italie avec des pouvoirs illimités ; on lui attribuait diverses fonctions diplomatiques, à Naples près du roi Joachim, à Rome près de l'ex-roi d'Espagne Charles IV. Puis on revint à d'autres idées ; Fouché appelé à Dresde allait être nommé ministre de la Maison de l'Empereur[91].

A Dresde, toutes les nouvelles avaient cours[92] : les uns pensaient que le duc d'Otrante allait représenter l'Empereur au congrès de Prague ; les autres, qu'il serait mis à la tête d'une police que l'Empereur voulait opposer en Allemagne à celle dont l'enveloppait le baron de Stein[93] ; en tout cas, futur ministre ou futur ambassadeur, futur plénipotentiaire ou futur gouverneur général, le duc d'Otrante était redevenu un homme important, et, comme tel, on l'entourait fort ; malgré son deuil, il dut courir les fêtes et les galas. On le vit souvent chez le roi Jérôme de Westphalie, car il était resté l'ami des frères et sœurs du maître.

Le 9 juin, l'Empereur rentra à Dresde, fit convoquer le duc d'Otrante pour le lendemain. Le 10, de Bausset l'introduisait près de Napoléon, qui, au préalable, avait curieusement interrogé le préfet du palais sur l'opinion qu'on avait conçue de l'arrivée de l'ancien ministre. Bausset se fit l'écho de quelques hypothèses ; l'Empereur, après un moment de silence, dit brusquement : Fouché est un homme qu'il ne fallait pas laisser à Paris dans les circonstances présentes[94]. C'était le mot de la situation. Encore fallait-il trouver un prétexte[95].

Fouché, introduit, fut reçu par le maitre avec une bienveillance un peu narquoise ; la mission lointaine, l'exil doré était trouvé. Le maréchal Junot, gouverneur général des provinces illyriennes, devenait fou ; il était grand temps qu'on enlevât à ce malheureux des fonctions qui, tous les jours, devenaient plus importantes, car l'Autriche allait adhérer à la coalition et jeter à coup sûr une armée sur Laybach, dans un pays mal assimilé, mal soumis, mal défendu. Il fallait là un homme énergique et habile, ferme et actif ; on lui donnerait des pouvoirs illimités. Le duc d'Otrante convenait à cette tâche ; il allait partir pour Laybach et devait s'apprêter. C'était une belle mission, poste d'avant-garde, poste de combat, de la part de l'Empereur une grande preuve de confiance, etc., etc. Fouché était trop fin pour ne pas comprendre : le tour était joué. Il s'inclina[96]. Peut-être Napoléon lui rendit-il, en cette occasion, le titre de ministre d'État dont on le vit, dès lors, se parer[97].

En attendant qu'il partit, il resta un mois encore Dresde ; on l'utilisait fort[98]. On craignait, dès cette époque, la défection de Murat, qui, depuis son départ précipité de 1812, s'enfermait à Naples dans une attitude défiante, rancunière et hautaine. Fouché était son ami ; Napoléon aimait exploiter et utiliser tontes choses ; le duc d'Otrante dut écrire. Très habilement, il ne fit d'abord appel ni aux sentiments de famille, ni aux considérations de politique ; il connaissait bien ce lion à cervelle étroite et à sang chaud qui s'essayait au rôle de Machiavel et de Ganelon ; le duc d'Otrante fit appel à l'amour-propre du soldat ; l'armée était choquée de voir le vaillant Murat se tenir en sûreté, à l'abri des hasards de la guerre et des dangers que courait la France ; du reste, tout devait l'amener à Dresde ; un congrès allait se réunir à Prague, le sort des États napoléoniens allait s'y régler, et les absents ont tort : Murat accourut[99].

Fouché avait eu moins de succès dans une autre négociation. Dès l'abord, l'Empereur l'avait entretenu avec amertume de son ami Bernadotte. Le complice de Fouché en 1809 était maintenant dans les rangs des alliés, et bientôt avec lui cet autre ami de l'ancien ministre, le général Moreau. Près de Bernadotte aussi, comme près de Murat, la vieille amitié de Fouché pouvait peut-être encore obtenir beaucoup. Napoléon le chargea de négocier avec le prince royal de Suède ; cette négociation échoua. Le duc d'Otrante eût-il pu en livrer tous les documents à l'Empereur[100] ?

Enfin un troisième ami, après Murat et Bernadotte, restait à retenir ou à conquérir pour l'Empereur par Fouché. C'était Metternich[101]. Cette négociation intéressait personnellement le nouveau gouverneur général. Son succès pouvait lui épargner peut-être le voyage à Laybach. Le cabinet de Vienne gardait encore une attitude expectante ; il était clair que son adhésion à la coalition détruirait l'équilibre, perpétuerait la guerre et compromettrait la fortune de Napoléon, mais après de nombreux combats qu'on pouvait prévoir effroyables. Le gage que l'Empereur semblait disposé à offrir a l'Autriche était la rétrocession des provinces illyriennes que Fouché était chargé d'aller gouverner à son corps défendant. Ce serait aussi une des conditions de la paix générale. Fouché quitta Dresde, après avoir pris congé du roi de Saxe, le 18 juillet ; le 17, l'Empereur avait signifié au prince Eugène la nomination du duc d'Otrante au gouvernement général de l'Illyrie[102] ; il devait s'arrêter à Gratz pour rendre compte de visu de la mobilisation des troupes autrichiennes et en donner un aperçu au vice-roi[103].

Auparavant, suivant le mandat reçu, il fit une première halte à Prague, où il arriva le 19. Il eut avec Metternich un entretien dont celui-ci rendait compte à son souverain le 30 juillet. A dire vrai, le duc d'Otrante semblait avoir pris un singulier moyen de rattacher Metternich à l'alliance française ; l'empereur Napoléon était, dit-il en substance, dans une situation réellement critique, l'armée nombreuse, mais démoralisée, les soldats aspirant à la paix, les états-majors surtout ; il était clair que l'Autriche ferait pencher la balance du côté où elle se porterait ; dès lors, elle allait se trouver responsable de la guerre ou de la paix. L'Empereur, qu'il avait, ajoutait-il, prêché dans ce sens, paraissait se résigner à la paix, la désignation de Caulaincourt comme plénipotentiaire au congrès de Prague en semblait une preuve ; et, hanté toujours par l'idée qui, depuis 1804, le poursuivait, l'ancien ministre ajoutait que l'Empereur pouvant mourir dans une mêlée, on devait immédiatement craindre une subversion en France, la République ou les Bourbons. Or, il pensait que l'empereur d'Autriche, aïeul du roi de Rome, ne se trouvait nullement intéressé à déchaîner, aux dépens de son petit-fils, de pareils événements[104]. Fouché se trompait : François II ne voyait que par Metternich, et celui-ci, dès cette époque, se souciait peu du roi de Rome et de Marie-Louise. Le fait est qu'on ne retrouve dans la lettre du chancelier à l'Empereur aucune mention de ces propositions formulées par Fouché, affirment les Mémoires, et visant à l'organisation, autour du roi de Rome, Napoléon II, disait-on déjà, d'un conseil de régence dont, on le pense, le duc d'Otrante ne s'excluait pas. Fouché, à entendre son confident, aurait soumis à Metternich tout un plan fort détaillé à ce sujet. De fait, le bruit courait à cette époque que l'ancien ministre plaidait partout la cause de Napoléon II[105].

Il partit de Prague le lendemain de cet entretien, gagna Gratz, d'où il envoya à l'Empereur d'utiles avis[106], et arriva le 29 juillet dans Laybach, sa nouvelle capitale[107].

C'était en effet une manière de souverain que le gouverneur général des provinces illyriennes, souverain régnant, du reste, sur un État fort disparate, peu homogène, mal soumis et en ce moment très menacé. Le gouvernement général datait de 1809 ; il était constitué par le Frioul, la Carniole avec Laybach, le territoire et le port de Trieste, le cercle de Willach, la Croatie, l'Istrie, la Dalmatie ; on y comptait cinq ou six races, on y parlait autant de langues.

Au milieu de cette tour de Babel, une petite colonie française s'était installée, un gouvernement s'était organisé et une cour s'était formée autour du gouverneur général siégeant à Laybach. L'éloignement où celui-ci vivait de Paris lui avait fait décerner des pouvoirs extraordinaires, suivant l'expression même de l'Empereur au général Bertrand, et le conseil qu'il présidait et dirigeait avait reçu le pouvoir de prononcer, soit comme conseil d'État, soit comme cour de cassation, sur plusieurs objets importants[108]. Le gouverneur général traitait d'égal à égal avec le vice-roi d'Italie, négociait souvent avec Vienne, avait la haute main sur l'armée, la magistrature et le clergé.

Jusqu'à l'arrivée de Fouché à Laybach, les gouverneurs généraux avaient été pris dans l'armée : c'étaient le maréchal Marmont, duc de Raguse, le général comte Bertrand et le maréchal Junot, duc d'Abrantès. Ces trois soldats, de caractère et d'allures fort divers, avaient créé à Laybach une petite cour où ils avaient exercé une réelle influence, duc à des qualités fort différentes[109]. A l'époque où le comte Bertrand régnait à Laybach[110], sa femme, Fanny de Dillon, et ses parents v avaient fait avec toute la grâce de personnes nées les honneurs du palais[111]. Au premier rang de la colonie se trouvait l'intendant général, M. de Chabrol, la forte tête de cette administration, qui jouissait d'une réputation fort justifiée d'intégrité et de capacité, un de ces administrateurs forgés par l'Empereur en son conseil d'État, comme ces Pasquier, ces Molé, ces Montalivet et autres, qui lui font plus d'honneur, aux yeux de l'histoire, que ses plus brillants maréchaux[112]. M. de Chabrol, qui devait, lors de l'interrègne particulièrement fâcheux qui, en juin 1813, allait se produire, exercer d'une façon aussi active qu'intelligente le gouvernement des provinces illyriennes, était secondé à Laybach par le maitre des requêtes Las Cases, le futur compagnon de Napoléon à Sainte-Hélène, esprit poli et brillant[113]. A cette époque, où l'extension de l'Empire avait créé un réel cosmopolitisme en facilitant les relations et allées et venues de pays à pays, on avait vu apparaître à la cour de Laybach plusieurs personnages de la société parisienne qui y apportaient les modes, les bruits et l'air des Tuileries. A côté des officiers et administrateurs groupés autour du gouverneur général, d'autres fonctionnaires, italiens en grande partie, mais aussi croates, dalmates et istriens, des seigneurs allemands et des chefs slavons, et jusqu'à des évêques grecs ou italiens, jusqu'à des chefs de pandours albanais, jusqu'à des envoyés de pachas voisins, créaient au palais du gouverneur une cour disparate, originale et assez brillante où se sentait un vague goût d'Orient mêlé aux élégances du faubourg Saint-Honoré, où des auditeurs frais émoulus du conseil d'État coudoyaient des chanoinesses autrichiennes, des officiers vénitiens, des chefs auxiliaires croates, des prélats orthodoxes et des ambassadeurs albanais et bosniaques. Des fêtes assez fréquentes égayaient cette cour hétéroclite ; le Télégraphe illyrien, organe du gouvernement, en faisait, dans le style bien connu de la presse impériale, d'emphatiques comptes rendus[114]. Le lycée, où professaient des maîtres de l'Université impériale, ouvrait ses portes au gouverneur général pour de solennelles distributions de prix ; Fouché, revenu à ses premières amours, y devait discourir en août 1813 ; de jeunes Dalmates y composaient en latin l'éloge du grand Napoléon, comme le devaient faire, à la même heure, en d'autres lycées, de jeunes Bretons ou de jeunes Hollandais[115] ; le proviseur haranguait les jeunes Illyriens sur le style de Fontanes, croyant faire à la couleur locale une suffisante concession en soutenant, contre toutes les vraisemblances géographiques, qu'ils pouvaient, du haut de leurs montagnes, apercevoir le Pinde et les Thermopyles[116]. Le premier président Spalatin avait, à Laybach, les mêmes occupations que tel de ses collègues de Lyon ou d'Orléans, et on parlait du Concordat aux évêques grecs de Lavenzo, Spalato et Zara comme Bigot de Préameneu pouvait le faire à l'évêque de Versailles ou à celui de Meaux. Le pays semblait napoléonisé[117].

Au fond, il n'en était rien. On avait voulu aller trop vite, on avait promis l'application des principes de 1789 aux Illyriens effarés, puis, devant les difficultés de la tache, on avait reculé, fait banqueroute aux promesses. Après avoir mécontenté la noblesse par ces projets[118], on avait alors irrité le peuple des campagnes en ne les réalisant pas. La situation de 1813 n'était pas rassurante ; les fonctionnaires étaient peu nombreux, mal payés, déconsidérés, cet exil lointain à Laybach, Trieste on Zara récompensant rarement de brillants services. On avait peu d'argent. La classe distinguée, effarouchée et gardant fi la maison d'Autriche une fidélité mal dissimulée, semblait ne tenir aucun compte des efforts du général Bertrand pour faire paver aux paysans une partie des droits seigneuriaux qu'on avait d'abord cru abolis[119]. L'opinion de la noblesse, qu'on eût bien fait de changer, écrivait en 1813 un fonctionnaire illyrien[120], restait hostile, sous quelques apparences de soumission ; les commerçants se montraient mécontents de la cessation absolue de toute affaire par le blocus de Fiume et de Trieste, les paysans révoltés par l'application des nouveaux droits à côté des anciens, les amis même de la France, les adversaires de la maison d'Autriche, par l'abandon où ils se voyaient. Dès 1812, en effet, le bruit avait couru, non sans quelques raisons, nous le savons, que les provinces illyriennes ne seraient pour l'Empereur qu'un objet d'échange et de compensation[121]. Dès lors, pourquoi se compromettre ? La noblesse gardait toutes ses relations avec Gratz et Vienne, le commerce jetait plus d'une fois des regards sans haine aux bateaux anglais, toujours en vue ; les conseils municipaux n'étaient pas sûrs, les maires des villes les plus importantes suspects de sympathie pour l'Angleterre et l'Autriche ; dans certains pays, magistrats et administrés semblaient n'attendre que l'heure de se débarrasser du joug napoléonien, que la conscription achevait de rendre trop lourd[122]. Le pire était qu'elle ne fournissait que des troupes fort peu sûres, les Croates surtout ; or, ces troupes formaient une grande partie des forces militaires : Zara, Raguse, Clissa et Cattaro, écrivait le gouverneur général, étaient confiées à des troupes italiennes peu sûres ou à des Croates absolument suspects. C'est sans doute ce qui avait empêché les trois prédécesseurs de Fouché de lever en outre une garde nationale ; celle-ci, cependant intéressée à défendre sinon la domination française, du moins la sécurité des villes et des côtes, eût été d'un bon emploi avec de meilleurs surveillants et de meilleurs guides. Mais on ne les eût trouvés ni dans les fonctionnaires indigènes, ni dans le clergé fort mécontent de l'abolition de certains droits seigneuriaux dont il tirait ses revenus.

On voit quelle tâche délicate incombait au nouveau gouverneur général, à la veille d'une invasion autrichienne et peut-être d'une descente anglaise. La rupture avec l'Autriche était certaine, ses conséquences particulièrement fatales pour la domination française en Illyrie. Le duc d'Otrante avait vu à Gratz se former l'armée d'invasion[123], prête à occuper les provinces en tout état de choses ; de toute façon, l'Illyrie était perdue pour les Français. Elle était, du reste, menacée par les Anglais du côté de la mer, à l'heure où Fouché s'acheminait vers son gouvernement. Les ennemis avaient profité de l'interrègne pour tenter une descente à Fiume, le 3 juillet ; ils y avaient bridé des barques, renversé les ouvrages, encloué les canons, enlevé les munitions, pillé les magasins de la gabelle et de la douane, détruit les casernes, ouvert les prisons. Cet évènement, qui avait démontré la faiblesse de la défense, avait également prouvé le déplorable état de l'opinion ; la panique avait été complète, le maire s'était enfui, tandis que le conseil municipal ne montrait que 'acheté et inertie, tout disposé, disait-on, à accueillir les ennemis en amis. Le subdélégué avait écrit à ce sujet une lettre fort pessimiste[124]. La veille, on avait vu les mêmes scènes se produire dans la petite ville côtière de Veglia, défendue seulement par cinq Croates ! Les Anglais y avaient débarqué, le 2 juillet, si brusquement que le sous-inspecteur des douanes n'avait eu que le temps de faire évacuer sa caisse et ses registres ; l'ennemi avait levé des contributions et terrorisé le pays, puis s'était rembarqué. Ces tentatives s'étant renouvelées sur la côte dalmate, la population, qui semblait de connivence, n'y avait vu qu'une occasion de se soulever et avait pillé les caisses de l'État ; dans le seul village de San Cosino, près de Fiume, le subdélégué disait qu'il y avait six mille coupables : Un grand nombre de villageois des intendances de l'Istrie, de la Carniole et de la Croatie étaient accourus et avaient participé au pillage[125]. On avait dû recourir aux curés et aux maires pour faire rapporter le tabac, enlevé par les insurgés. A Cherso en Dalmatie et en d'autres villages, on avait pillé le fisc et brûlé ses rôles ; les paysans se montraient forts, disait-on, de l'indulgence que le duc de Raguse avait montrée lors d'incidents tout semblables et plus probablement de l'imminence de l'invasion[126]. Une seule mesure pouvait peut-être regagner les paysans : l'abolition des droits seigneuriaux ; mais c'était jeter définitivement l'aristocratie lésée dans les bras de l'Autriche.

La folie, trop tard découverte, de l'infortuné duc d'Abrantès avait mis le comble aux difficultés où se débattait le gouvernement d'Illyrie ; M. de Chabrol, après des actes du maréchal où éclatait une démence indiscutable, avait dû le faire saisir, le faire conduire à Udine par la gendarmerie et le confier au prince Eugène, puis assumer le gouvernement, qu'il aspirait à céder à son nouveau chef[127].

De fait, tout le pays, enfiévré et démoralisé à la veille d'une crise, était dans l'attente, les fonctionnaires dans l'angoisse, l'aristocratie dans une réserve hostile, le peuple dans une indifférence apparente, dont il ne sortait guère que pour laisser éclater sa haine ; le clergé mal payé était mécontent, l'armée insuffisante. Il fallait raffermir, rassurer, rallier, contenir, faire illusion à tous sur la sécurité et la solidité du gouvernement de Laybach, et, puisque — Fouché le savait mieux que personne — l'Illyrie devait, quoi qu'il arrivât, retomber sous la domination autrichienne, protéger la retraite, empêcher, avant l'évacuation, tout soulèvement violent, toute réaction et tout conflit. Ce fut la tache du nouveau gouverneur général. Et, certes, jamais jours ne furent plus occupés, dans cette vie si remplie, que ces deux mois d'un gouvernement resté sans pareil.

Le duc d'Otrante arriva le 29 juillet à Laybach, accompagné de ses enfants et de leur gouverneur, de M. de Chassenon, auditeur attaché à sa personne, et du général Fresia, un officier piémontais de grand sang-froid et de réelle capacité, que Napoléon avait investi, sous la haute direction du gouverneur général, du commandement militaire des provinces[128]. Fouché, simple et sans faste, savait en déployer lorsqu'il fallait imposer : il voulut faire une entrée sensationnelle ; il fut reçu au bruit des fanfares, en pompe, par les autorités civiles et militaires en grand costume, et s'installa, le soir même, au palais du (gouvernement au milieu d'une curiosité générale[129]. Le nom du duc d'Otrante était partout connu ; mais il l'était, chose peu croyable pour nos contemporains, d'une façon fort avantageuse en 1813 ; on n'en était plus à ce Fouché de Nantes de 93 qui, en 1798, effrayait tant les Italiens, à son arrivée à Milan ; huit ans d'un gouvernement apprécié, suivi d'une disgrâce qu'on attribuait à son indépendance, en avaient fait un autre personnage ; sa fermeté rassurait, sa bonhomie conquérait[130]. Il affectait une absolue confiance et la communiqua autour de lui. L'évêque de Parenzo écrivait à de Chabrol que la nomination du duc d'Otrante avait causé au clergé lui-même la plus grande joie et l'avait rassuré. On retrouverait dans bien d'autres lettres la même note favorable[131].

Son grand souci parut être de s'instruire le plus tôt possible des circonstances, des choses et des gens. Il trouvait à Laybach cette comtesse de Saint-Elme, qu'il avait autrefois peut-être employée dans la police. et qui était venue s'échouer en Illyrie par besoin d'aventures ; elle voyait beaucoup de monde ; il la fit mander, le soir même de son arrivée, la reçut dans une salle où écrivaient trois secrétaires et, tout en continuant à dicter, se mit à l'interroger, en se promenant de long en large. Le duc d'Otrante lui parla non sans dessein, la sachant très répandue, avec une confiance fort exagérée, de la fortune de l'Empereur. Et ce fut l'attitude que la belle aventurière lui vit prendre, aux veux de tous, dans le bal qui, le 29 juillet, termina cette grosse journée[132]. Le même jour, il avait mandé au palais une autre vieille connaissance, Charles Nodier. Le futur romancier était bibliothécaire à Laybach, depuis sept mois[133] ; mais il avait d'autres fonctions, plus précieuses pour Fouché ; il avait pris la direction du Télégraphe, qu'il rédigeait en quatre langues ; ce Nodier n'était pas un étranger pour le nouveau gouverneur ; il l'avait jadis tiré de prison, en apprenant qu'il était fils d'un ex-confrère de l'Oratoire, et, dans la disposition où il était d'utiliser toutes gens, il l'appelait à être son collaborateur dans l'application du programme difficile et complexe qu'il lui exposa lors de leur première entrevue. Tout en l'enveloppant de son regard glauque d'une fixité curieuse et exigeante, il lui parla longtemps : il voulait pratiquer une politique de modération, détendre la situation, faire taire les exigences du fisc et de la conscription, cette conscription qui n'aboutissait qu'a préparer des bataillons à l'ennemi prêt à paraître ; il fallait enlever aux pénalités leurs rigueurs, employer toutes les bonnes volontés, se servir de tous les ressorts. La difficulté était qu'on devait rompre avec les errements de ses prédécesseurs d'une part, d'autre part irriter la noblesse d'Illyrie et la petite cour de Laybach. Le duc d'Otrante tenait à ne mécontenter personne ; il fallait donc se raire forcer la main : foin du journal empressé à louer et à flatter ! il lui fallait une presse en apparence d'opposition qui, inspirée, du reste, par lui, propageât ses idées, mais parût les lui imposer. Nodier fut donc sans cesse convoqué au palais, le plus souvent de nuit. Le duc d'Otrante s'exprimait devant lui parfois en brèves interjections, laissant deviner la pensée qu'il fallait, le lendemain, développer et faire prévaloir ; les articles de Nodier paraissaient dès lors très hardis à tout le monde, sauf au gouverneur général[134]. Le Télégraphe dut réclamer des concessions réciproques, apaiser les paysans, adoucir les mécontentements, et, sinon donner une nouvelle base à la domination française, du moins préparer aux Français un terrain favorable de retraite[135].

Dès le lendemain de son arrivée, le nouveau gouverneur avait agi[136]. Après avoir rigoureusement établi la hiérarchie mal définie des pouvoirs, source de conflits[137], il résolut, pour arrêter la démoralisation d'en bas, de faire un exemple. Le maire de Fiume, Scarpa, qui avait refusé de lever la garde nationale et s'était enfui à l'approche des Anglais, fut purement et simplement révoqué ; le maire de Czerquenitz, qui avait pris part au pillage des magasins du sel à Buccarri, était cassé et traduit devant les tribunaux, tandis que les maires de Buccarri, Portoré et autres officiers municipaux, restés à leur poste, recevaient, au nom du gouverneur général, des lettres de félicitation et de vive satisfaction. Les considérants qui accompagnaient ces arrêtés faisaient apparaitre clairement la politique de fermeté pondérée qui allait être celle du duc d'Otrante[138].

Ces arrêtés du 5 août produisirent une profonde et heureuse impression. Les ennemis, ayant quelques jours après tenté de nouveaux débarquements, furent repoussés par les populations[139], apprenant ainsi aux Anglais que l'homme de Walcheren était maintenant à Laybach. Aussi bien cette fermeté s'exerçait partout : des paysans soulevés contre les seigneurs furent arrêtés, incarcérés à la grande joie de l'aristocratie, puis, pour ne pas exaspérer les campagnes, subrepticement délivrés la veille de leur exécution[140].

Les fonctionnaires lointains étaient également informés par le gouverneur général de la politique qu'il comptait suivre : il fallait rassurer et calmer toutes les classes, et, comme les journaux étrangers répandaient dans le pays des nouvelles propres à semer l'inquiétude, il en interdit formellement l'entrée[141]. Pour veiller à l'exécution de ses ordres et au maintien de la paix publique, le duc d'Otrante, revenant à ses plus chères conceptions, créait en Illyrie quatre commissaires spéciaux de police, à Laybach, Trieste, Carlstadt et Villach[142]. Jamais M. de Chabrol, pourtant si laborieux, n'avait vu pareille activité. Tout en recevant à merveille les membres de l'aristocratie, le duc pratiquait une politique populaire : on interdisait aux propriétaires ]e droit de se servir de garnisaires contre les paysans, on remettait leurs peines à ceux d'entre ces derniers qui avaient été emprisonnés, on inspirait l'article du Télégraphe du 12 août, qui fit grand bruit et où le gouverneur général était appelé à se constituer conciliateur entre seigneurs et paysans ; on donnait aux propriétaires des conseils de douceur et de modération[143] ; enfin, le nouveau gouverneur semblait s'inquiéter fort de la santé publique, prenant des arrêtés pour la propagation de la vaccine et autres précautions sanitaires[144].

D'autres mesures cependant, d'un ordre fort différent, sollicitaient l'attention et l'activité du gouverneur général. Le 12 août, on apprit que l'Autriche venait décidément de déclarer la guerre à l'Empereur : le duc d'Otrante allait avoir sous peu sur les bras les troupes de son ami Metternich. Quelques jours après, en effet, les Autrichiens entraient eu Illyrie sans formalités préalables[145]. L'effet pouvait être effroyable, même après trois semaines de mesures pacificatrices et préservatrices : le duc d'Otrante fit aussitôt annoncer par l'Osservatore triestino que l'armée d'Italie, forte de 70.000 hommes, celle du duc de Castiglione de 80.000, l'armée de Bavière de 50.000, l'armée de l'Empereur enfin, avec 200.000 hommes, allaient envelopper l'Autriche, bien avant qu'un seul impérial eut paru devant Laybach[146]. Seulement, connaissant mieux que personne l'inanité de cette information, le duc d'Otrante prenait en même temps les mesures nécessaires pour se protéger. On n'avait en Illyrie que d'assez faibles détachements, et la troupe indigène trahirait ; dès le début de la campagne, on devait voir le général Jeannin obligé d'abandonner Carlstadt, livré à l'Autriche par la défection des soldats croates et le soulèvement des habitants : l'intendant de Carlstadt, M. de Contades, était même, de ce fait. tombé entre les mains du général impérial Nugent[147].

Il fallait une armée, et il était urgent qu'elle se montrât. Dès le 12 août, très secrètement, le duc d'Otrante se rendait à Udine, on il se rencontra avec le vice-roi Eugène[148], et se concertait avec lui sur les moyens de repousser l'ennemi[149]. Là fut résolu tout un plan de campagne, dans le détail duquel il importe peu d'entrer[150].

Le duc quitta Udine immédiatement après cet accord, s'arrêta à Goritz, dont il entraîna à Laybach, pour la fête du 15 août, la noblesse fort hostile[151]. Il voulait faire de la Saint-Napoléon une manifestation éclatante de confiance et de loyalisme[152]. Aussitôt rentré dans sa capitale, il étala une confiance telle dans les ressources du vice-roi que tous y furent pris. La ville s'apprêta clone a célébrer dans le calme et la joie la fête nationale. Le Télégraphe illyrien parlait le surlendemain en termes dithyrambiques de cette fête unique : salves d'artillerie, distributions aux pauvres, réunion des autorités chez le gouverneur général, messe solennelle, Te Deum éclatant, rien ne manqua au programme ordinaire. On couronna des rosières aux cris de Vive l'Empereur ! sans qu'on sût peut-être si tous ceux qui les poussaient songeaient à Napoléon ou à François II. Pendant que le peuple s'amusait dans la rue, le gouverneur général recevait dans son cabinet, en audiences particulières, puis réunissait eu un dîner solennel les chefs des principales administrations, le général Fresia et son état-major, et, chose plus importante, plusieurs députés des provinces, des chefs de l'aristocratie croate, dalmate et istrienne, des nobles de Goritz et de Zara, des chefs styriens et croates, des prélats du pays, et parmi eux l'évêque grec de la Croatie militaire, que, disait le duc d'Otrante dans son rapport l'Empereur, il avait accueilli avec une distinction particulière. A la fin du repas, on vit le duc se lever. Ce fut sans sourire que le ministre disgracié de juin 1810 leva son verre : À S. M. l'Empereur et Roi : puisse la paix couronner ses glorieux travaux ! On cria Vive l'Empereur ! Au bal qui suivit, la comtesse de Saint-Elme vit avec curiosité, pour la première fois, le pittoresque spectacle qu'offrait ce mélange du inonde impérial français, de la société gothique autrichienne, de l'élément indigène aux costumes d'Orient[153]. Le bal fut très gai. A une heure après minuit, le duc d'Otrante se retira dans son appartement. Il avait, autant que faire se pouvait, montré joyeuse figure et utilisé la fête, sachant cependant qu'on dansait sur un volcan. L'évêque croate avait du promettre de retenir ses diocésains dans l'obéissance française : Fouché lui avait fait donner 5.000 livres, un arriéré de traitement ; la Croatie était turbulente, l'évêque promit de la calmer, et il partait le 16 août, précédé d'instructions grâce auxquelles le gouverneur général espérait peut-être prévenir une défection trop probable. Le gouverneur avait également profité du bal pour prendre à part certains seigneurs, les exhorter à la douceur envers leurs paysans, promettant de les faire indemniser, si l'on abolissait les droits féodaux, et laissant entendre, d'autre part, que les biens des seigneurs qui passeraient en .Autriche seraient immédiatement frappés de confiscation[154]. Ils se retirèrent fort perplexes[155].

Dans cette nuit même du 15 au 16 août, commencée au milieu des contredanses, le gouverneur général avait appris que Laybach était directement menacé : les Autrichiens, massés à Klagenfurth, s'apprêtaient à s'avancer ; la gendarmerie, en attendant les soldats du vice-roi, fut immédiatement chargée par le gouverneur général de couvrir la ville. Mais l'ennemi était menaçant du côté de Carlstadt ; on pouvait être coupé de la Dalmatie, et, par Fiume, Autrichiens et Anglais pouvaient faire leur jonction. Carlstadt n'avait pas encore été livrée : tout en faisant évacuer sur Fiume les caisses publiques et les administrations[156], le gouverneur général fit dire au général Jeannin de tenir bon et de lui envoyer à Laybach les 3.000 Croates dont la fidélité semblait douteuse, sages mesures prises trop tard : lorsque les ordres arrivèrent, les Croates avaient livré la ville. Dès lors, l'invasion devenait terriblement menaçante[157].

Le gouverneur, cependant, restait, en apparence, inébranlable dans sa confiance ; son entourage était pris d'une agitation fébrile ; c'était pour lui une raison de plus d'être calme. On le voyait tous les jours se promener, dans les rues de la capitale, en redingote grise et en chapeau rond, simple et tranquille, la main dans celle de sa petite Joséphine, rendant les saluts sans prévenance affectée, mais sans morgue, et s'asseoir avec bonhomie sur un banc de la promenade[158]. Cette attitude souriante et tranquille valait dix mille soldats ; elle tranquillisait tout en stupéfiant, et, de fait, elle était étonnante chez cet homme qui écrivait par jour vingt lettres et dépêches, signait dix arrêtés et règlements, organisait des bataillons et se jetait dans mille combinaisons sans espoir de succès définitif. Dans tous les cas, ce calme lui permettait de pensera tout. Il faisait évacuer sur l'Italie les produits considérables des mines[159], quand il ne parvenait pas à les liquider par une série d'opérations ingénieuses, destinées à faire des habitants les meilleurs défenseurs des caisses et magasins qu'ils s'apprêtaient à piller[160].

Mais, sans en rien laisser paraître, il se désespérait, paralysé dans un pays qui lui était inconnu, écrivait-il au duc de Bassano ; il tachait de trouver des agents, en envoyait à Agram, à Klagenfurth, mais se sentait débordé. Il ne restait à Laybach, écrivait-il au ministre des Relations extérieures[161], que parce que sa présence inspirait confiance et faisait croire aux ennemis qu'on y avait des forces. Le lendemain, cependant, il paraissait moins disposé à demeurer. Il craignait un coup de main, bien résolu à ne pas rester le prisonnier de Metternich. Je resterai à Laybach, écrivait-il au duc de Bassano[162], le plus longtemps possible, pour y contenir l'opinion et empêcher la confusion. Mais il faisait partir les administrations principales pour Trieste : la retraite commençait. Les enfants du gouverneur général étaient également évacués sur la grande ville, sous prétexte de donner courage aux habitants qui se croyaient menacés par les ennemis[163]. Le 20 août, il avait pourvu à la sûreté de la grande ville maritime dans une longue lettre à l'intendant, lettre rendue publique, ou il ordonnait d'exercer une grande vigilance, d'arrêter les alarmistes, d'assurer que les Autrichiens n'étaient pas en force, que la ville de Trieste n'était nullement menacée, que le seul danger résidait dans la pusillanimité des fonctionnaires et dans la maladroite crédulité des citoyens, faisant ressortir l'immense marque de confiance donnée à la ville, à laquelle il demandait asile pour ses bien-aimés enfants[164].

A Laybach, on répandait le bruit que le gouverneur général avait de son côté gagné Trieste : il voulut se montrer, alla présider la distribution des prix du lycée[165]. Dans le même temps, il adressait à Gaillard une lettre où il affichait l'espérance et la confiance, peut-être, dit son correspondant, dans le seul espoir que cette lettre serait interceptée par l'ennemi ; il y annonçait des succès imaginaires et affectait d'y croire[166]. Il fallait en effet, avant toutes choses, en imposer aux Autrichiens pour donner au vice-roi le temps d'arriver : un corps franco-italien s'avançait de Goritz sur Adelsberg, pour couvrir Trieste, tandis qu'un autre corps se portait sur Villach sous les ordres d'Eugène lui-même[167].

Il était temps : l'ennemi, s'enhardissant, se montrait devant Laybach sans défense, et poussait des reconnaissances jusqu'à une lieue de la ville. Grace au sang-froid du gouverneur général, ils trouvèrent chez les habitants un calme qui les mit en défiance et leur fit prendre l'inaction des Français pour un piège[168].

Le gouverneur général était toujours là : son merveilleux esprit aux ressources multiples, si bien fait pour les crises, se montrait, se dépensait en mille combinaisons ; pendant qu'il mystifiait les Autrichiens, il essayait de leur créer des ennemis, engageait de son autorité privée des négociations diplomatiques avec les pachas de Bosnie et d'Albanie pour les jeter sur le flanc de l'ennemi, n'obtenant, du reste, de ces principicules que quelques têtes d'Autrichiens, imprudemment aventurés dans leurs parages. Ce monde oriental l'intéressait : il voulait le travailler, n'en eut pas le temps[169].

Il était décidément débordé : du côté de Fiume, c'était une panique complète. Le général Garnier, craignant d'être coupé, avait abandonné la place, s'était rabattu sur Trieste[170] ; en vain le gouverneur général essayait-il de tranquilliser la ville par une lettre au nouveau maire, assurant qu'Anglais et Autrichiens allaient être repoussés[171] ; le départ des fonctionnaires de Fiume, comme de Carlstadt et de Laybach, était trop significatif[172]. Le lieutenant général Pino ayant enfin paru avec quelques troupes italiennes à Laybach[173], Fouché se décida à quitter sa capitale, et le 26 août, très secrètement, il gagnait Trieste, où, quelques jours après, il allait transporter officiellement avec lui le siège du gouvernement[174].

Cependant, il affecta de faire dire, sa retraite une fois connue, qu'elle n'était que passagère[175]. Il avait laissé au colonel Léger une petite garnison, et il voulait non seulement qu'on se défendît, mais qu'aucun désordre intérieur ne vint précipiter le cours des événements : des fonctionnaires avaient été arrêtés par des paysans soulevés[176], il entendait que pareils faits ne se reproduisissent plus ; il fallait que la retraite se fit en bon ordre et sans pertes. Il promettait de revenir : les fonctionnaires le répétaient avec lui : le 24 août, le premier président Spalatin convoquait les assises à Laybach pour le 1er septembre[177]. Nodier était, lui aussi, resté dans la capitale, publiant, forgeant au besoin les bonnes nouvelles, maintenant la ville calme à force de lui répéter qu'elle l'était[178]. D'ailleurs, les Autrichiens étaient, à lire le Télégraphe, constamment tenus en échec : le vice-roi arrivait, allait les rejeter hors de l'Illyrie[179], sans compter que l'Empereur menaçait Vienne[180]. Le prince vice-roi avait repris Villach le 28 : les Autrichiens y avaient mis le feu en se retirant, contait le journal officieux du duc d'Otrante, sort auquel pouvaient s'attendre Laybach ou toute autre ville qui se livrerait pour un temps aux troupes ennemies : Nodier tirait de cet incident une conclusion optimiste : On ne brûle pas un pays dont on espère être le maître[181]. Le 2 septembre, l'intendant de Carniole, sur l'ordre de Fouché, préparait sous main la retraite définitive des Français de Laybach[182] ; mais, le 4, il faisait illuminer la capitale en l'honneur des victoires du grand Napoléon[183].

Tout cela couvrait la retraite du duc d'Otrante, qualifiée absence par l'organe officieux. Il était arrivé à Trieste le 26 août, à neuf heures du matin, et, pour bien marquer qu'il n'était pas un vaincu, il fit sonner les cloches et les fanfares[184]. Il continuait à afficher une entière confiance : l'Empereur était à Prague, menaçait Vienne ; il venait, lui, faire une simple visite à Trieste ; mais, le 28, l'intendant général de Chabrol l'ayant rejoint, le siège du gouvernement parut définitivement installé en Istrie[185]. C'est de Trieste qu'il data les arrêtés organisant la défense nationale. Dès le 1er septembre, un de ces arrêtés prescrivait la levée des gardes nationales dans la province d'Istrie, la déclarait en permanence pour la défense des côtes, la mettait à la disposition du général Fresia, annonçait que les noms des gardes nationaux qui se distingueraient seraient mis sous les yeux de l'Empereur[186]. Levée immédiatement, la garde nationale prenait part, dès le 3, à un engagement au cours duquel le général Fresia repoussait les Autrichiens aux portes de la ville ; l'Osservatore triestino, devenu le journal du gouverneur général sous le nom d'Osservatore illirico, louait la conduite des citoyens soldats en termes dithyrambiques, déclarant avec une certaine naïveté qu'on eût fait prisonniers les hussards autrichiens a si on avait pu les atteindre[187]. Ce journal, dont le rédacteur, Giuseppe de Colletti, était entre les mains du duc d'Otrante, luttait d'optimisme avec le Télégraphe : l'Empereur était vainqueur[188], le vice-roi allait balayer les Autrichiens, la population était dans un excellent esprit, sachant, du reste, à quoi elle s'exposait si elle tombait sous le joug autrichien, etc., etc.[189] Le duc d'Otrante se montrait beaucoup, passait des revues, suivies d'ordres du jour de vive satisfaction et conférait longuement avec le général Fresia[190].

Tout cela n'empêchait pas l'armée ennemie d'avancer. Autour du malheureux gouvernement illyrien, enfermé dans Trieste, la marée montait toujours. De toutes parts les fonctionnaires arrivaient, chassés de Croatie, de Dalmatie, de Carniole. Cent mille Autrichiens menaçaient Trieste même : on n'avait que sept cents hommes à leur opposer. Le gouverneur général appela à lui les gardes nationales de toute la province, mais ne les attendit pas. A peine installé a Trieste, il avait songé à quitter la ville, convaincu de l'échec, de la catastrophe qui menaçait. Mais il fallait sauver les apparences, comme à Laybach : le 3 septembre, le consul d'Italie, Buttura, étant venu demander au duc d'Otrante des chevaux pour gagner Venise, le gouverneur généra], tout en ne lui dissimulant pas son dessein de quitter sous peu Trieste, l'avait prié de reculer sou départ, en raison de l'état moral de la population[191]. Mais, le 8, la garnison se trouvant encore réduite et de plus découragée par un échec, le gouverneur général, ne se sentant plus en sûreté, quitta la ville et se rendit à Goritz, suivi du consul d'Italie et des principaux fonctionnaires du gouvernement central[192] : dès le 13, l'Osservatore refusait les communications du duc d'Otrante, et Giuseppe de Colletti passait au parti autrichien[193].

Cependant Fouché n'abdiquait pas : de Goritz. il parlait en maître encore : le 15, il révoquait les officiers municipaux de Villach passés à l'ennemi et séquestrait leurs biens[194]. Il avait pris un autre arrêté. destiné à prévenir les défections : tous les propriétaires domiciliés en Illyrie depuis la cession des provinces illyriennes à l'Empire, tous les fonctionnaires qui avaient accepté des emplois du gouvernement français, étaient tenus de se présenter, avant un mois, devant le maire de la commune — beaucoup passaient alors dans les rangs autrichiens — ; les absents seraient mis hors la loi, leurs biens séquestrés[195]. Le gouverneur général parlait d'un ton hautain : il rêvait d'une loi des suspects. Quelques dots surnageant dans l'inondation, il demeurait en relation avec les fonctionnaires restés à leur poste. Le 26, l'intendant de Carniole envoyait encore des ordres au maire de Laybach[196]. On parvenait ainsi à faire illusion : car l'archiduc Maximilien. étant apparu à Fiume avec le titre de gouverneur général des provinces illyriennes, fut plus que froidement reçu[197]. En réalité, la situation était désespérée. Je me trouve ici dans une situation difficile, écrivait, le 20 septembre, Fouché à Gaillard[198] ; les Autrichiens et les Anglais me cernent de toutes parts. Depuis que je suis en Illyrie, je me trouve toujours aux avant-postes. Si l'ennemi était plus hardi, je serais prisonnier depuis longtemps ; heureusement il croit que partout où je suis, il y a une armée. Le même jour, un secrétaire du duc écrivait à Gaillard que Son Excellence faisait des merveilles[199].

Mais à cette heure le vice-roi l'abandonnait, se rabattait sur l'Italie menacée. Le duc d'Otrante se décida à donner le signal de la retraite définitive[200]. Le 24, les derniers fonctionnaires restés à Trieste étaient rappelés à Goritz ; le lendemain, les Autrichiens cernaient la ville par terre, les Anglais par mer. Ce jour-là, Fouché, s'étant aperçu qu'on avait oublié Nodier à Trieste, l'y fit rechercher et l'en tira, grâce à une ingénieuse combinaison qui prouve, en ce moment de crise aiguë, le singulier et persistant sang-froid du gouverneur général[201].

La débâcle cependant était complète : Laybach et Trieste allaient capituler : les provinces illyriennes étaient perdues. Un ordre du gouverneur général appelait de toutes parts à Goritz les fonctionnaires attardés ; il en vint de Laybach, Villach, Zara, Trieste, effarés, affolés ; c'était tout un gouvernement au grand complet qui battait en retraite : les administrateurs avec leurs archives, les fonctionnaires des finances avec leurs caisses[202], Nodier abandonnant sa presse ; mais, sauf le Télégraphe, tout s'en allait avec Fouché, jusqu'aux malades des hôpitaux, jusqu'aux produits des mines, jusqu'aux tabacs de la régie, le mercure d'Idria, évacué sur Venise[203], le tabac, d'abord centralisé à Fiume, employé et liquidé, ainsi que le sel, au pavement des soldes et traitements arriérés[204]. Le gouvernement général avait voulu frapper d'un emprunt d'un million les villes de Trieste et Fiume, en leur abandonnant en guise de pavement l'administration des sels[205]. C'était s'en aller avec les honneurs de la guerre, armes et bagages[206]. Il a fallu, écrivait Fouché, se garder à la fois de cette imprévoyance qui eut tout abandonné et de cette précipitation ou de ces mesures irréfléchies qui, sacrifiant à l'intérêt du moment les ressources de l'avenir, eussent laissé douter qu'on eût l'intention ou l'espérance de rentrer dans ces provinces. Fouché savait, à n'en pas douter, que tout était perdu, qu'on ne reverrait plus de fonctionnaires français à Laybach ni à Trieste ; mais il était arrivé à faire illusion à ses propres fonctionnaires sombrant avec lui[207]. Intendants et magistrats, receveurs et inspecteurs des domaines, percepteurs et agents des forêts, tous croyaient qu'on reviendrait. On devait voir, le 13 octobre encore, le conservateur des forêts, fonctionnaire plein d'illusions, envoyer, de Venise, un rapport à l'inspecteur général, sur les réformes à apporter à la conservation de Fiume[208]. C'est tout juste si le premier président se résignait à ne pas convoquer les assises pour novembre.

La pauvre bande de fonctionnaires sans fonctions s'attachait dès lors, avec une singulière et gênante fidélité, au gouverneur général, leur seul espoir[209]. Il abandonna Goritz, le 3 octobre, pour Udine, où il arriva le jour même, mais pour prendre, dès le 7, le chemin de Venise[210]. Avant de quitter Udine, il assigna Trévise et Venise comme lieux de réunion aux administrations illyriennes, désormais in partibus[211] ; il évacua ensuite ces fonctionnaires sur Parme, d'où, désabusés enfin, mais sauvés de la réaction autrichienne et des soulèvements populaires, ils reprirent le chemin de la France.

Le général Fresia, privé de troupes, vint rejoindre le gouverneur général à Venise, le 14 octobre. Le duc d'Otrante, retiré dans les lagunes, portait encore ses regards de l'autre côté de l'Adriatique. Il parlait de ce qui eût dis être fait. Le système d'organisation qu'on leur avait donné — aux provinces illyriennes — avait laissé sans énergie et sans action la police, si nécessaire dans un pays qui est tout littoral et tout frontière, et qui se trouve habité par des peuples si différents dans leurs mœurs, leurs habitudes et leur gouvernement[212].

Sa retraite n'avait pas besoin d'excuses ; elle lui faisait grand honneur, et si nous nous sommes arrêté un peu longtemps à ces incidents, restés inaperçus dans l'immense débâcle de l'Empire napoléonien, c'est qu'ils mettent en relief d'une façon singulièrement caractéristique la physionomie de Fouché. On put voir, en ces circonstances, que l'inaction et la retraite n'avaient guère paralysé les remarquables qualités de gouvernement qui avaient depuis longtemps distingué Joseph Fouché. Toutes ces qualités éclatent en ce court et unique gouvernement, pouvoir assis sur le sable mouvant : la maitrise sans pareille avec laquelle il éblouit, illusionne, déroute, dirige dans le sens qu'il veut l'opinion publique fascinée, la finesse, la prompte intelligence des choses et des gens qui lui fait tirer le parti qu'il peut des éléments les plus divers, bandits dalmates. prêtres grecs, seigneurs allemands, pachas turcs, paysans croates, journalistes ignorés, bourgeois au fond hostiles, la vision nette des lacunes à combler, des réformes a faire, des fautes à réparer et à éviter, une activité sans pareille dans le travail le plus ingrat, le constant labeur d'un esprit qui veut tout savoir, tout voir, tout faire par lui-même, le sang-froid enfin, ce sang-froid qui ne se dément pas au milieu de l'effroi, de l'effarement, de l'affolement de tous, des dangers réels et inévitables, des menaces et des catastrophes, ce sang-froid qui, aux heures où tout craque, où tout sombre, où l'émeute violente, la trahison perfide, la défection, l'invasion étrangère menacent, le fait songer à tout, aux tabacs que la France va perdre et au petit journaliste oublié en chemin. Et il n'est pas jusqu'à ce goût pour la mystification utile qui ne perce dans la comédie jouée d'un étrange effort de pince-sans-rire et qui permet de faire illusion à tous, amis et ennemis, afin de permettre à cette bande de Français de traverser sans encombre un pays agité, hostile, dangereux, docile cependant jusqu'à la vue du premier uniforme autrichien, respectant et écoutant ces chefs qui, quelques heures après, auront fait place à l'ennemi.

Ce gouvernement de deux mois reste un des plus curieux, un des plus significatifs incidents de la vie de Fouché, et déjà le duc d'Otrante, réfugié à Venise, rêve à d'autres projets.

 

 

 



[1] Le commissaire général de police de Marseille au duc de Rovigo, 7 et 10 septembre 1810. F7, 6549.

[2] Le préfet des Bouches-du-Rhône Thibaudeau au duc de Rovigo, 7 septembre 1810. F7, 6549.

[3] Le duc d'Otrante à Thibaudeau. Septembre 1810. Corresp. inédite de Thibaudeau, déjà citée.

[4] BARRAS, IV. 340.

[5] Cette intransigeance avait été précisément signalée à Fouché en 1806. Le commissaire général de Marseille au ministre, 5 mars 1806. Bulletin du 18 mars, F7, 3752.

[6] GAILLARD, Réfutation des Mém. de Fouché. Papiers inédite de Gaillard.

[7] Cf. la conversation ultérieure de Fouché avec Barras en 1815 relative aux Castellane (BARRAS, IV, 340-341), et à propos de ce mariage ce que disait en 1815 le journal l'Indépendant sur le séjour du duc d'Otrante à Aix, où il a laissé des souvenirs chers à toute la province, disait le journal officieux.

[8] M. de d'Arbaud-Jouques à la comtesse d'Albany, Aix, 29 novembre 1810. Bibl. de Montpellier. Fonds Fabre-Albany. Texte gracieusement communiqué par M. G. Pelissier.

[9] GAILLARD, Réfutation, Papiers inédits.

[10] BARÈRE, IV, 315-317. — Biographie Michaud, art. MANUEL. — BONNAL, Manuel. — DE LA CROIZETTE, Manuel.

[11] Cf. chapitres XXIV à XXVII.

[12] Jay à Desmarest, 26 août, 6 septembre 1810. F7, 6549.

[13] Cf. chapitres XXIV-XXVI. Jay devint à la Chambre, en 1815, l'homme de Fouché et, en dehors, le rédacteur en chef de son organe officieux, l'indépendant.

[14] L'Empereur se calmait ; après les lettres encore si irritées des 15 et 20 juillet au duc de Rovigo (Corresp., XX, 16658, et Lettres, II, n° 656), il règne durant un an, dans la correspondance de l'Empereur, un silence complet au sujet du duc d'Otrante.

[15] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, 8 avril 1811. Corresp. inédite déjà citée.

[16] Le commissaire général de Marseille rapportait que la signature du préfet des Bouches-du-Rhône avait été, en une nuit, maculée et suivie de cette mention au crayon : Un des assassins de Louis XVI. (Bulletin du 2 avril 1811. AFIV. 1514.) Cet incident, qu'on exagéra, avait rendu le préfet de Marseille très soucieux.

[17] Le commissaire général de Toulon au duc de Rovigo, 14 avril 1810. Bulletin du 22 avril 1811. APIV, 1513.

[18] Le commissaire général de Marseille au conseiller d'État du deuxième arrondissement, 12 avril 1811. Le commissaire général de Toulon au même, 13 avril 1811. Le commissaire général de Marseille au duc de Rovigo, 13 avril 1811. Le commissaire général de Toulon au même, 13 avril, 14 avril. Le commissaire général de Marseille au même, 19 avril. F7, 6549, et Bulletins des 19, 21, 22 avril 1811. AFIV, 1414.

[19] GAILLARD, Mémoires inédits.

[20] Napoléon au duc de Rovigo, 11 août 1811. Lettres, II, 157, n° 862.

[21] Cf. plus bas, même chapitre.

[22] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, 28 août 1811. Corresp. inédite, déjà citée.

[23] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, 30 août. 1811. Corresp. inédite.

[24] De d'Arbaud-Jouques à la comtesse d'Albany, le 15 octobre 1811. Bibl. de Montpellier. Fonds Fabre-Albany.

[25] GAILLARD, Mém. inédits. Pendant son absence, Ferrières avait reçu la visite de l'évêque d'Avignon, Périer, l'ancien professeur de Fouché à Nantes.

[26] LAMOTHE-LANGON, l'Empire, déjà cité, IV, 79. Le Moniteur secret, ou Tableau de la cour de Napoléon, 1811, t. II, n° XXXIII, p. 7.

[27] Conversation avec Metternich, Cf. ch. XVII.

[28] Il remit à l'Empereur un mémoire contre la guerre, ce qui donna lieu à un incident longuement raconté dans les Mém. de Fouché, II, 106-120.

[29] Note manuscrite autobiographique. Papiers confiés à Gaillard.

[30] GAILLARD (Papiers inédits) dit que l'Empereur communiqua à plusieurs reprises au duc d'Otrante à cette époque les dénonciations dont il était l'objet. Mais en même temps, s'il faut on croire les Mémoires, II, 121, on délibérait aux Tuileries de le faire arrêter, ainsi que Talleyrand, avant le départ de l'Empereur.

[31] Fiévée à Napoléon, juillet 1812, III, 219.

[32] Le duc d'Otrante à Duroc, 4 janvier 1812. Duroc au duc d'Otrante, 8 janvier 1812. (CHARAVAY, Inventaire des autographes Fillon, 1878.)

[33] Nous ne comprenons pas pourquoi Almanach impérial de 1811 et 1812 le fait habiter rue du Bac, 34. Il date toutes ses lettres de l'hôtel d'Otrante, 9, rue Cérutti.

[34] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, 8 juillet 1812. (Corresp. inédite, déjà citée.)

[35] On se rappelle que Fiévée le lui conseillait en juillet 1810. Cf. ch. XX. Cf. aussi PEUCHET, V, 2.

[36] Nous le voyons, par exemple, en septembre et novembre 1810 exciter l'Empereur à redoubler de rigueur dans la conscription. Bulletins des 22 septembre et 6 novembre 1810. AFIV, 1510 et 1511.

[37] Rapport du duc de Rovigo. Septembre 1810. AFIV, 1302, 24.

[38] JULLIAN, 296.

[39] Cf. plus haut.

[40] Mme DE CHÂTENAY, II, 125-128.

[41] Mme DE CHÂTENAY, II, 128.

[42] DE BARANTE, Journal, IX, 335.

[43] SAVARY, IV, 392, dit qu'il rappela les exilés, sauf Mme de Chevreuse, Mme de Staël, Mme de Duras et Mme Récamier.

[44] Mme DE CHÂTENAY, II, 128-130.

[45] Dossier de Montesquiou. Note du 24 juillet 1810. F7, 6372.

[46] Correspondance de Napoléon, XXI, 16861 et 16862.

[47] Rapport du duc de Rovigo, AFIV, 1302, pièce 15.

[48] Rapport au Bulletin du 10 octobre 1810. AFIV, 1510.

[49] PASQUIER, II, 91.

[50] Le duc de Rovigo à Cambacérès, 15 juillet 1815. Papiers Cambacérès, AFIV, 1302.

[51] BEUDOT, Notice sur la Convention, etc.

[52] Napoléon à Cambacérès, 8 juillet. 1813. Corr., XXV, 20244.

[53] PASQUIER, II, 126.

[54] Mme DE STAËL, Dix ans d'exil, p. 317, et Bulletin du 25 6eptembre 1810. AFIV, 1510.

[55] Note de janvier 1810. Dossier des Polignac, F7, 6403.

[56] Rapport du duc de Rovigo, 30 juin 1810, F7, 6403.

[57] Rapport sur la fuite du duc de Polignac, F7, 6403.

[58] A commencer par le vénérable abbé Desjardins, curé des Missions étrangères, compromis sans le vouloir dans un complot, préservé par Fouché de tout sévice, mais repris et jeté à Vincennes, en octobre 1810. (Dossier Kolli, F7, 6640.) Si l'on consulte le carton F7, 6999, Prisons d'État, on constate que les prêtres détenus dans le seul 11e arrondissement de police, qui étaient au nombre de 4 au commencement de 1810, sont 105 en 1812. 24 avaient été arrêtés le 4 juin, deux jours après la disgrâce de Fouché, et un grand nombre le 21 juin.

[59] On constate partout cette dureté dans la forme, pour Mme de Staël, pour Mgr de Broglie, rumine pour Mathieu ile Montmorency.

[60] Duchesse D'ABRANTÈS, VIII, ch. XXI.

[61] Bulletin du 6 novembre 1810. AFIV, 1511.

[62] PEUCHET (Mém. sur la police, V, 6) donne, du reste, de nombreux détails fort édifiants sur l'administration du duc de Rovigo. Rapport de Schwarzenberg à sa cour. Son administration devient tous les jours plus odieuse. 22 novembre 1810 (Arch. de Vienne). WERTHEIMER, 247.

[63] Cf. chapitre XV.

[64] PEUCHET, III, 266.

[65] Cf. sur cet incident les remarquables pages du comte Albert VANDAL, Napoléon et Alexandre, III, 306.

[66] Cf. la lettre vexée de Savary à un de ses collègues, Paris, 12 septembre 1811, sur les propos hostiles que tenait le baron Louis à son égard. Revue des autographes, octobre 1894.

[67] Le malheureux ministre est littéralement accablé par le maitre. qui lui adresse tous les reproches imaginables dans un style acerbe et cruel. Napoléon à Savary, 24, 26 septembre, 3, 20 novembre 1811, 5 décembre 1812, 26 janvier, 13 juin 1813 ; à Cambacérès, 8 juillet 1813 ; à Savary, 1er mai, 23 octobre, 3 novembre, 11 novembre 1813, 21 février, 24, 26 février 1814 ; à Joseph, 9 février 1814.

[68] Propos du baron Louis (un ami de Fouché) cité par Savary lui-même dans la Lettre précitée du 12 novembre 1811.

[69] LAFON, LAMARRE, HAMEL, P. GROUSSET, DURUY, ouvrages déjà cités sur la conspiration Malet. Cf. ch. XVII.

[70] Fiévée à Napoléon, 23 octobre 1812, III, 260.

[71] La reine Hortense à Eugène de Beauharnais. Paris, 25 octobre, 28 octobre 1812. Arch. Aff. étr., France, 1794.

[72] Le général Mulet au duc d'Otrante, 9 octobre 1809, et note défavorable du ministre. Dossier Malet, F7, 6499.

[73] Le général Malet au duc de Rovigo, 3 juillet et 10 août, F7, 6499.

[74] LEMARE, Malet, p. 23.

[75] PEUCHET (V, 12), qui était archiviste de la préfecture de police, affirme la participation de Fouché au complot d'après des documents probants, dit-il.

[76] Note au dossier F7, 6499. Lettre du capitaine de Malet, 3 octobre 1835, racontant qu'en 1812 le duc d'Otrante avait rendu à la famille les pièces importantes du dossier.

[77] Les Mémoires de Fouché s'étendent longuement sur les chances qu'avait Malet de réussir, comme s'il les eût supputées avant. L'auteur dit aussi que le duc d'Otrante devait remplacer, dans le sein du gouvernement provisoire, le général Moreau absent (II, 141).

[78] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, Ferrières, 8 novembre 1812. Corr. déjà citée.

[79] BOURRIENNE, IX, 136.

[80] Lettre recopiée par Gaillard, 1813. Papiers inédits de Gaillard.

[81] Le duc d'Otrante à Thibaudeau, avril 1813. Bulletin d'autographes d'Étienne Charavay, n° 271, mai-juin 1896.

[82] LAMOTHE-LANGON, l'Empire, 1813, IV, 81.

[83] Napoléon au duc d'Otrante, 10 mai 1813. Corr., XXV, 19940.

[84] BARDOUX, Mme de Custine.

[85] Mém. de Fouché, II, 170.

[86] GAILLARD, Papiers inédits.

[87] D'après les Mémoires, II, 170, 171, il vit à Mayence le maréchal Augereau mécontent et inquiet qu'il ne calma pas.

[88] Napoléon au général Durosnel, 25 mai 1813. Corr., XXV, 20043.

[89] GAILLARD, Papiers inédits.

[90] Catherine de Westphalie au roi de Wurtemberg, 3 avril 1813. Corr. de la reine Catherine, p. 82.

[91] Le directeur général de la police de Toscane, Lagarde, au duc de Rovigo. 8 juin 1813. AFIV, 1716.

[92] Général DIRK VAN HOGENDORP, Mém., p. 372.

[93] DE BAUSSET, II, 179.

[94] DE BAUSSET, II, 179.

[95] Comme de Bausset, THIBAUDEAU, Histoire, VI, 317, écho de Fouché, et Caulaincourt, alors confident de l'Empereur (I, 207), affirment que l'opinion générale fut que l'Empereur n'envoyait Fouché en Illyrie que pour l'éloigner de Paris.

[96] DE BAUSSET, II, 179. CAULAINCOURT, I, 207.

[97] Il était, du reste, qualifié ministre d'État dans l'Almanach impérial de 1811 et 1812. Dans les lettres du gouverneur général, la mention sénateur, ministre d'État, est rarement omise.

[98] Il eut de nombreuses et longues conférences avec l'Empereur dans les jardins du palais Marcolini ; ces entretiens intriguaient fort tout le monde. Général DIRK VAN HOGENDORP, p. 372.

[99] Le duc d'Otrante au roi Murat. COLETTA, Storia. Mémoires de Fouché, II, 169, 170.

[100] Mém. de Fouché, II, 193-195.

[101] Mém. de Fouché, II, 195-199.

[102] Napoléon au prince Eugène, 27 juillet 1813. Corr., XXV, 20284.

[103] Napoléon au prince Eugène, 19 juillet 1813. Corr., XXV, 20288.

[104] Conversation entre Metternich et Fouché rapportée par le chancelier. Metternich à l'empereur François II, 20 juillet 1813 (ONREN, Œsterreich und Preussen im Kriege, II, 433), et Mém. de Fouché, II, 205-210. Dans une lettre d'août 1816, le duc d'Otrante rappelait au prince leurs entrevues de Prague. (Le duc d'Otrante ou prince de Metternich, août 1816.)

[105] PONTÉCOULANT, Souv., III, 172.

[106] Napoléon eu duc de Rovigo, 11 août 1813. Lettres, II, 1075.

[107] Il dut passer par Vienne, s'il faut en croire une lettre du duc d'Otrante au duc de Bassano du 27 septembre 1813, et y apprit qu'on se préparait à faire à la France une guerre de jacobins. Arch. Aff. étr., Autriche, 55, 373. On lui avait donné ou on lui attribuait vraiment toutes les sortes de missions, car, d'après un rapport de la direction de police de Vienne, le duc d'Otrante avait vu à Gratz le roi Louis Bonaparte, auprès duquel il s'était acquitté d'une mission à l'Empereur. (Rapport de la haute police de Vienne, 7 août 1813, et Bissingen à Hager, 31 juillet. Arch. du ministère de l'Intérieur. (WERTHEIMER, Die Verbaunten des ersten Karserreichs, p. 58.)

[108] L'intendant général de Chabrol au maréchal Clarke, 6 juillet 1813. AFIV, 1100.

[109] NODIER, II. Ida DE SAINT-ELME, Mém. d'une contemporaine, 273. MARMONT, duc DE RAGUSE, Mém.

[110] Il en fut gouverneur général près de deux ans, de juin 1811 à mars 1813. Junot le fut seulement de mars à juillet 1813.

[111] Le palais avait été mis sur un grand pied. Cf. l'Inventaire du mobilier acheté pour la famille du général Bertrand. Laybach, Registrature, LXXIII.

[112] Le duc d'Otrante à Napoléon, 10 août 1513. A. N., AFIV, 1713.

[113] Ida DE SAINT-ELME, 273. Sur tout ce petit gouvernement, cf. NODIER, II, passim.

[114] Télégraphe illyrien, 3 juin 1812, par exemple : fête donnée par le général Bertrand, et celui du 27 août 1812, 27 août 1813 : fêtes du 15 août, etc.

[115] L'intendant d'Istrie se plaignait au gouvernement général de ce que l'instruction ne fût pas adaptée ni aux localités, ni aux mœurs des habitants. Rapport de 1813. Trieste, Arch., police.

[116] Télégraphe illyrien, 27 août 1812 et 28 janvier 1813.

[117] Il n'y manquait que la guillotine, mais les fonctionnaires la réclamaient à grands cris. L'intendant d'Istrie Calafati au gouverneur général, 17 août 1813, Trieste, Arch., arreste B). Mais dès le 23 novembre 1812 la guillotine avait été installée à Laybach, n'en déplaise au savant historien de la Dalmatie, M. Pisani, qui veut que Fouché ait fait ce sanglant cadeau à l'Illyrie (Laybach, Registrature. Dossier.) On inondait le pays de croix et de rosettes de la Légion d'honneur. Cf. les promotions de 1813 dans le Télégraphe : grands seigneurs, évêques, chanoines, maires et chefs de pandours participent à cette manne.

[118] On voit dans une lettre du 28 mai 1810 l'intendant d'Istrie repousser assez sèchement au nous du gouvernement général certaines requêtes du comte de Thurn réclamant certains droits féodaux. Trieste, Arch. publ. Police.

[119] Arrêté du comte Bertrand. 4 juin 1812 (Laybach. Rudolphinum, Franzozen, carton 36).

[120] L'intendant d'Istrie au gouvernement général, 1813 (Trieste. Arch. publ. Police. S. B.).

[121] METTERNICH, Mém., I, 109.

[122] Sur l'état du pays : Rapport de l'intendant d'Istrie au gouvernement général, 1813 (Trieste. Arch. publ. Police. S. B.). — Le duc d'Otrante à l'Empereur, 13 octobre. A. N., AFIV, 1713. — Mém. de M. de Chassenon sur l'administration du duc d'Otrante, AFIV, 1713. — Le duc d'Otrante à l'Empereur, 7 août 1813, A. N., AFIV, 1713.

[123] Il y avait appris une chose plus alarmante encore pour lui, qu'on allait faire à la France une guerre de jacobins. Le duc d'Otrante au duc de Bassano.

[124] Le subdélégué à l'intendant, 23 juillet (Arch. de Trieste, marine C) ; l'inspecteur des douanes de Carlstadt au gouvernement général (Arch. Trieste, Prov. menu.) ; L'apport de l'intendant général au ministre de la Police (Arch. Trieste. Marine C). Tout le dossier de cette affaire est aux archives de Trieste. Enfin nous avons le Rapport de l'intendant gêneral au ministre secrétaire d'État. AFIV, 1713 (6 juillet 1813).

[125] Le subdélégué à l'intendant général, 10 juillet (Arch. de Trieste).

[126] Lettres du directeur des douzaines de Trieste à l'intendant général, 10 et 26 juillet 1813 (Arch. de Trieste, B. 2). L'intendant général au préfet d'Udine, 8 juillet ; le même au chev. Séguier, 17 juillet (Arch. de Trieste. Bull. police, S B.).

[127] De Chabrol au ministre secrétaire d'État, 6 juillet 1813 ; au prince Eugène, 6 juillet 1813, AFIV, 1713.

[128] Télégraphe illyrien, août 1813.

[129] Borghi vice-consul d'Italie, au ministère des Relations extérieures de Milan, 31 juillet 1813 (Milan, Arch. div, II). — Mém. d'une contemporaine, 279. — Mém. de Fouché, II, 212, 224. — GAILLARD, Mém. inédits. — NODIER, Souvenirs, II.

[130] On en peut juger par le singulier attachement et presque l'enthousiasme qu'il inspira à Nodier, qui resta le défenseur de sa mémoire, et par les sentiments dans lesquels le consul d'Italie rapportait à son Gouvernement l'accueil cordial que lui avait fait le duc (Borghi à son gouvernement, 15 août. Milan. Arch. div. II, busta 476).

[131] L'évêque de Parenzo à Chabrol, 12 août 1813 ; le vicaire capitulaire de Pola Vedovitch, 14 août 1813 (Arch. de Trieste. Geistliche, A).

[132] Mém. d'une contemporaine, 282-283.

[133] On trouve aux archives de Laybach, Registrature du Bathhaus, le dossier de l'installation du futur romancier populaire comme bibliothécaire de Laybach, 6 janvier 1810 (Politica acta, LXXIII).

[134] Charles NODIER, Souvenirs, II.

[135] Télégraphe illyrien, août-septembre 1813.

[136] Sur les premiers actes et en général sur tous les faits pour lesquels je ne renvoie pas à la note, cf. le Mémoire de M. de Chassenon sur la gestion du duc d'Otrante, 14 octobre, A. N., AFIV, 1713.

[137] Le duc d'Otrante à Napoléon, 10 août 1813, A. N., AFIV, 1713.

[138] Arrêté du 2 août 1813. Télégraphe du 5 août 1813. Lettre de l'intendant général, à ce sujet, à l'intendant de Carlstadt (Arch. de Trieste), et du secrétaire général au même, 21 août (Arch. de Trieste. Prov. œcon.). Le 18 août, le gouverneur général adressait au nouveau maire de Fiume une lettre d'encouragement où il flétrissait énergiquement la conduite des fonctionnaires de la région (Osservatore triestino, 25 août 1813, n° 34).

[139] Rapports adressés au duc d'Otrante, Télégraphe du 8 août 1813, n° 63.

[140] NODIER, Souv., II.

[141] L'intendant général au directeur des douanes, 18 août 1813 (Arch. de Trieste, Publ. Pol. S. B.). Le consul d'Italie à Trieste à son gouvernement, 7 août et 14 août 1813 (Arch. de Milan, div. II, B. 475).

[142] Télégraphe, 22 août, n° 67.

[143] Télégraphe, 12 août 1813, n° 64. C'est l'article auquel Nodier fait allusion dans ses Souvenirs et qui émut tant la société illyrienne. H était presque dicté par le duc d'Otrante et réellement fort caractéristique. Cf. aussi Lettre du duc d'Otrante à l'Empereur, 16 août 1813, AFIV, 1713. Conseils donnés par Fouché aux seigneurs et mise en liberté des paysans détenus.

[144] Arrêté du 5 août 1813. Télégraphe, 15 août, n° 65. Mesures relatives au bon ordre des prisons et à la surveillance des prisonniers. Télégraphe, 22 août, n° 67.

[145] Osservatore triestino, 21 août 1813, n° 33.

[146] Osservatore triestino, 21 août 1813, n° 33.

[147] Osservatore, 28 août, n° 35.

[148] Dès le 1er juin, l'Empereur avait donné avis au vice-roi de réunir son armée en vue de se porter sur Laybach (Corr., XXV, p. 401).

[149] Le duc d'Otrante à Napoléon, 14 août 1S13, AFIV, 1713. — Rapport Chassenon, AFIV, 1713.

[150] Lettre du duc d'Otrante à Napoléon, 13 octobre, et le Rapport Chassenon, examinant les deux plans de campagne qui furent proposés. Cf. aussi Mém. de Fouché, II ; DE VAUDANCOURT, Hist. des campagnes d'Italie en 1813-1814 ; VIGNOLLE, Procès des opérations d'Italie, 1813-1814 ; DU CASSE, Mém. et corr. du prince Eugène.

[151] Le duc d'Otrante à Napoléon, 16 août 1813, AFIV, 1713.

[152] Le duc d'Otrante au duc de Bassano (Arch. Aff. étr., Autriche, 55, 372).

[153] L'intendant de Carniole au maire de Laybach, 14 août 1813. Laybach. Reg. LXXXIII. — Télégraphe du 19 août 1813, n° 66. — Le duc d'Otrante à Napoléon, 16 août 1813, AFIV, 1713. — Comtesse DE SAINT-ELME, Mém., p. 284.

[154] Le duc d'Otrante à l'Empereur, 16 août 1813, AFIV, 1713.

[155] Mém. de Chassenon, AFIV, 1713. Le gouverneur général semblait disposé à cette époque à faire flèche de tout bois : un brigand dalmate, Sbogar, ayant été arrêté et condamné il mort, le dossier fut soumis à Fouché, qui, après avoir consulté Nodier, fit grâce au brigand, ajoutant ces mots bien caractéristiques : Il y a des circonstances où ce bandit peut rendre de grands services à la cour impériale. Tout Fouché est dans cette anecdote (NODIER, II).

[156] L'intendant général à l'intendant de la Croatie civile de Contades, 17 août 1813 (Arch. de Trieste, Marine B).

[157] Mém. de Chassenon, AFIV, 1713. Chassenon dit que le gouverneur général, prévoyant la défection des Croates, avait donné au général Jeannin l'ordre de les expédier sur la côte.

[158] Ch. NODIER, II.

[159] On les avait assez maladroitement laissés s'accumuler depuis le commencement de 1813, si l'on un juge par les lettres du directeur de l'enregistrement de Laybach au maire, 17 mai 1813 (Arch. de Laybach, Registrature LXXIII). Le transport commença dès les premiers jours d'août (duc d'Otrante à Napoléon, 7 août, AFIV, 1713).

[160] Le duc d'Otrante à Napoléon, 13 octobre 1813, AFIV, 1713.

[161] Le duc d'Otrante au duc de Bassano, 18 août 1813. Arch. Aff. étr., Autriche, 55, 372.

[162] Le duc d'Otrante au duc de Bassano, 19 août, A. A. É. Autriche, 55, 373.

[163] Le duc d'Otrante au duc de Bassano, 19 août. Le consul d'Italie alla s'informer prés des fils du duc à Trieste. Lettre du consul Buttera à son gouvernement (Arch. de Milan. div. II, B. 476).

[164] Le duc d'Otrante à l'intendant d'Istrie, 21 août 1813 (Osservatore, n° 33).

[165] Le duc d'Otrante au duc de Bassano, 19 août 1813 (Arch. Aff. étr., Autriche. 55, 373).

[166] Le duc d'Otrante à Gaillard, août 1513 (Mém. inédits de Gaillard).

[167] Le Télégraphe illyrien devient d'un imperturbable optimisme, 24 août, n° 68.

[168] Rapp. de Chassenon, AFIV, 1713.

[169] Le duc d'Otrante à Napoléon, 13 octobre 1813, AFIV, 1713. Il y a sur l'Orient, un curieux passage qui dénote bien avec quelle facilité Fouché se rompait à toute nouvelle situation.

[170] Osservatore, 29 août, n° 34. Corr. de Fiume du 27 août.

[171] Le duc d'Otrante à Paolo Scarpa, 21 août 1813. Osservatore, 25 août, n° 34.

[172] L'intendant général au subdélégué de France (Arch. de Trieste. Publ. Pol. S. B.).

[173] Osservatore illirico, 28 août, n° 35 ; Corr. de Laybach, 25 août.

[174] L'intendant d'Istrie, baron Calafati, à de Chabrol, 25 août 1813 (Arch. de Trieste, 1re publ. Pol., S. A.).

[175] Le Télégraphe faisait une mention brève et annonçait comme un fait sans importance que le duc d'Otrante avait quitté sa capitale.

[176] Osservatore, 28 août, n° 35.

[177] Télégraphe, 26 août 1813, n° 69.

[178] Télégraphe, 24 août, n° 18.

[179] Le Télégraphe du 24 août, n° 68, annonçait comme prochaine l'arrivée au palais Paglianica, à Laybach, du prince vice-roi avec 40.000 hommes.

[180] Télégraphe du 26 août, n° 69.

[181] Télégraphe du 5 septembre, n° 71.

[182] L'intendant de Carniole au maire de Laybach, 2 septembre (Arch. de Laybach, Registrature LXXXVII).

[183] L'intendant de Carniole au maire de Laybach, 4 septembre (Arch. de Laybach, Registrature LXXIV).

[184] On illumina le soir, et il y eut sérénade sur les places publiques ; on était presque en Italie. Télégraphe du 31 août, n° 70, et Osservatore du 28 août, n° 35.

[185] Fouché fit dire partout que le projet du transfert était antérieur et fort indépendant de la guerre (Buttura à son gouvernement, 28 août ; Arch. de Milan, div. II, busta 475).

[186] Arrêtés du duc d'Otrante, 1er septembre 1813 ; Télégraphe, 5 septembre, n° 71, et 3 septembre 1813 : Osservatore, 2 septembre, n° 37, et Mém. de Chassenon, AFIV, 1713.

[187] Osservatore, 4 septembre, n° 38.

[188] On tirait à Trieste, à Laybach, à Fiume des salves en l'honneur des victoires imaginaires de l'Empereur. Osservatore, 4 septembre, n° 38.

[189] Osservatore, 7 septembre 1813, n° 39.

[190] Osservatore, 7 septembre 1813, n° 39.

[191] Buttura à son gouvernement, 5 septembre (Arch. de Milan. Div. II, busta 476).

[192] Buttura à son gouvernement, 8 septembre (div. II, busta 740). Des le 4, de Chabrol annonçait cette résolution au subdélégué de Goritz (Arch. de Trieste, 1° Publ. Pol. S. A., n° 8307).

[193] Au n° 41, 13 septembre. Dans la collection conservée à la Bibliothèque de Trieste et gracieusement mise à ma disposition par l'éminent et aimable bibliothécaire Andrea Dortis, je relève cette mention manuscrite : S. E. il duca d'Otranto, governatore delle prov. d'Istria in Trieste ragheggiando de far inserire nella Gazetta degli articoli improprii del carattere di Giuseppe di Coletii, fece venire, sulle mie scuse, il compilatore del Telegrapho di Lubiana e lo incarico della compilazione analoga il suo volere in confirmazione della impegno congli associati dando il nome di Osservatore illirico.

[194] Arrêté du 15 septembre 1813 ; Télégraphe du 19, n° 73.

[195] Arrêté du 15 ; Télégraphe du 19, n° 73. Ce numéro du Télégraphe est imprimé à Trieste, où le journal officieux s'était transporté, en retard d'une étape sur le gouverneur général.

[196] L'intendant de Carniole au maire de Laybach, 26 septembre 1813 (Arch. de Laybach, Registrature LXXXII). Le 22, l'intendant envoyait encore au maire de Laybach l'arrêté du duc d'Otrante frappant les émigrés, et le 28 réprimandait hardiment le magistrat municipal (ibid. LXXXVII).

[197] Télégraphe illyrien, 21 septembre 1813, n° 50.

[198] Le duc d'Otrante à Gaillard, 20 septembre 1813 (Mém. inédits de Gaillard).

[199] Le secrétaire du duc à Gaillard, 20 septembre 1813.

[200] Rapp. de Chassenon, AFIV, 1713.

[201] L'épisode est amusant (NODIER, II).

[202] Le directeur des contributions indirectes au comte de Chabrol, 11 octobre ; le directeur des douanes au même, 19 septembre ; le directeur des domaines au même, 24 septembre (Arch. de Trieste. Publ. Pol. S. B.).

[203] L'ambassadeur de France à Vienne, M. de Caraman, en réclamait encore la restitution en avril 1817 : de Caraman à Richelieu, 2 avril 1817. Arch. A. E. Vienne, 398).

[204] Le duc d'Otrante à Napoléon, 13 octobre 1813, AFIV, 1713.

[205] Le maire de Trieste au comte de Chabrol, 9 septembre ; le général Rabié au receveur des tabacs, 15 septembre ; le directeur des tabacs à Chabrol, 17 septembre (Arch. de Trieste. Publ. Pol. S. B.).

[206] Il pensait réellement à tout, songeant à assurer la correspondance entre Paris et les agents français de Constantinople et d'Orient. Le duc d'Otrante an duc de Bassano, 27 septembre 1813 (Arch. Aff. étr., Autriche, 33, 373).

[207] Le duc d'Otrante au duc de Bassano, 27 septembre (Arch. Aff. étr., Autriche, 55, 373).

[208] Le conservateur des forêts à l'inspecteur, 13 octobre (Arch. de Trieste, Marine C).

[209] Giornale dell' assedi di Venezia, 1814, 4 et 9 octobre, et chapitre XXII.

[210] C'est d'Udine que le gouverneur général annonçait à l'Empereur, le 3, l'évacuation des provinces illyriennes. Il avisait qu'en cette prévision il avait, quelques jours avant, fait transporter à Venise les archives du gouvernement, et qu'il avait assigné Trévise comme lieu de rendez-vous aux fonctionnaires désemparés. Le duc d'Otrante à Napoléon, 3 octobre 1813, 1713.

[211] Lettre citée du duc d'Otrante à l'Empereur et de Buttura à son gouvernement, 6, 8 et 28 octobre 1813 (Arch. de Milan. Div. 11, busta 476).

[212] Le duc d'Otrante à Napoléon, 13 octobre, AFIV, 1713.