FOUCHÉ (1759-1820)

PREMIÈRE PARTIE. — FOUCHÉ DE NANTES (1759-1799)

 

CHAPITRE V. — LES MITRAILLADES DE LYON.

 

 

Fouché est envoyé à Lyon par la Convention. Derniers arrêtés pris dans la Nièvre. — Collot d'Herbois et Fouché. — Le décret de destruction et le rôle de Collot. — Fouché esquive la responsabilité. — Il appelle à Lyon ses amis de l'Allier — Rôle double de Fouché. — La cérémonie de Chalier. Exaltation des représentants. Les premiers arrêtés. Une ville esclave. — Violentes sorties de Fouché contre les prêtres. — Recrudescence d'athéisme. — Fouché, contrarié sur ce point, se rejette sur la partie sociale de son programme. — Célèbre arrêté humanitaire du 24 brumaire : la Commune de Paris acclame et suit Fouché. — Le pain de l'égalité. — Les mitraillades de Lyon. — Effroyables fanfaronnades. Activité dévorante des représentants. — Massacre d'une cité. — Lyon crie pitié. — Collot va plaider à Paris la cause des proconsuls et la fait triompher. — Fouché devient le chef de la mission lyonnaise. — Contre-coup sur l'attitude de Fouché à Lyon des luttes et des intrigues de la Convention. Lutte violente de Fouché et des agents de Robespierre. — Fouché doute de la Terreur et s'arrête. Nouvelle attitude modératrice. — Lutte contre le parti démagogique lyonnais. — Coup d'État modérantiste. — Chute d'Hébert. — Fouché désavoue Hébert. Il est néanmoins rappelé sous le coup de terribles menaces. — Le rôle de Fouché à Lyon.

 

Par un décret de la Convention nationale, du 9 brumaire an II (30 octobre 1793), les citoyens Collot d'Herbois et Fouché étaient chargés de se rendre à Ville-Affranchie (Lyon) pour l'exécution des décrets et y prendre toutes les mesures de salut public : ils étaient revêtus des mêmes pouvoirs que les autres représentants du peuple envoyés en mission[1]. Le même jour, le Comité de salut public adressait au citoyen Fouché à Nevers la lettre suivante : Les services que tu as rendus, citoyen collègue, sont les garanties de ceux que tu rendras encore. Tu ranimeras à Ville-Affranchie le flambeau de l'esprit public qui pâlit. Secondée par des collègues dont l'âme est trempée d'énergie, la tienne y versera tous les feux de la liberté. Achève la Révolution, termine la guerre de l'aristocratie, et que les ruines qu'elle veut relever retombent sur elle et l'écrasent[2].

Fouché reçut cette lettre le 3 novembre, il répondit : Citoyens collègues, je n'avais plus que des jouissances à recueillir dans le département de la Nièvre : vous m'offrez des travaux pénibles à Ville-Affranchie. J'accepte avec courage cette mission ; je n'ai plus les mêmes forces, mais j'ai toujours la même énergie[3]. Il signa quelques arrêtés in extremis, régla quelques affaires, et, toujours désireux de se ménager une porte de sortie, crut devoir, par un arrêté du 12 brumaire, étouffer l'anarchie que propageaient les bandes révolutionnaires, levant les taxes, pratiquant les perquisitions les plus arbitraires au nom du représentant. Il dénonçait les faux patriotes qui cherchent à égarer le peuple, prescrivait l'arrestation de tout citoyen qui maltraiterait les bons citoyens des campagnes, la dégradation et l'incarcération de tout fonctionnaire qui se mettrait dans le même cas[4]. Il fit son testament politique, laissant à l'administration du département de la Nièvre le soin de mettre à exécution et de maintenir dans toute leur force tous arrêtés et délibérations qu'il a pris jusqu'à ce jour, — donnant à cette administration tous pouvoirs et toutes autorisations de prendre telles mesures révolutionnaires que les circonstances pourraient exiger[5]. Comme pour tenir en haleine les administrations et les comités, il semblait se considérer encore comme le surveillant lointain, mais autorisé, des départements du Centre, et il continua, en effet, à correspondre avec ses agents et à tenir de loin, et par eux, le pays dans la terreur[6]. Avant de partir, il fit à la ville un don princier qui ne lui coûta guère : le parc du ci-devant duc de Nivernais. Le Mazarin en prison ne put protester[7].

Le 7 novembre (17 brumaire), le citoyen Fouché de Nantes prenait la poste pour Lyon où Collot d'Herbois se constituait à l'attendre. Il y arriva le 10. Déjà la mine sautait, car Collot s'était mis courageusement seul à la besogne[8]. Peut-être ce retard qui l'impatientait si fort de la part de Fouché n'avait-il précisément d'autre but que de laisser Collot prendre dès les premiers jours cette attitude de principal proconsul qu'il s'efforcera de lui abandonner et qu'il invoquera plus tard pour se couvrir.

Lyon tremblait. Après un siège acharné la cité contre-révolutionnaire avait succombé le 8 octobre : les troupes de la Nation, conduites par Dubois-Crancé, avaient pénétré dans la ville par le pont de la Mulatière. Précy, le défenseur de Lyon, était parvenu à percer et s'était réfugié en Suisse, mais le gros des royalistes ou des Girondins lyonnais restaient exposés à la double rancune des comités de Paris, désireux, disait-on, de faire un exemple éclatant d'une semblable rébellion, et des patriotes locaux persécutés pendant le siège. Chalier avait été, le 10 juillet, décapité, à coups de couperet (il en fallut trois), après une douloureuse captivité. Ce souvenir sanglant surtout exposait la cité à toutes les vengeances jacobines. Grande avait donc été la surprise quand les représentants ayant, à leur tour, pénétré le 9 octobre dans la ville, on avait vu prendre à Cou. thon l'attitude modérée dont nous avons parlé. Dès le 10, loin d'écraser le vaincu, le proconsul avait arrêté, par de sévères paroles, le pillage, les vengeances particulières, les revanches des patriotes locaux que Dubois-Crancé avait déchaînés, essayé de rassurer le commerce et, pour empêcher tout excès, constitué un comité central de police, chargé seul des arrestations[9]. Le désappointement, le courroux des patriotes avaient été grands. D'autre part, à Paris, nous l'avons vu, tous les partis hostiles à Robespierre, espérant le saisir dans cette affaire en flagrant délit d'indulgence, car il était peu croyable que Couthon eût agi sans instructions, s'étaient ligués contre lui et, faute de le convaincre de modérantisme, lui avaient imposé le fameux décret du I2 octobre d'une si horrible grandeur.

... La ville de Lyon, disait l'article 3, sera détruite. Tout ce qui fut habité par le riche sera démoli. Et l'article 4 : Le nom de Lyon sera effacé du tableau des villes de la République. La réunion des maisons conservées portera le nom de Ville-Affranchie... Il sera élevé sur les ruines de Lyon une colonne qui attestera à la postérité les crimes et la punition des royalistes de cette ville, avec cette mention : Lyon fit la guerre à la Liberté, Lyon n'est plus[10]. Tel fut le terrible arrêt que Collot et Fouché allaient être chargés d'appliquer à Lyon.

Couthon avait, en grande cérémonie, frappé de sa main la première maison condamnée, mais les travaux de démolition avaient été poussés mollement, et, d'autre part, quelques exécutions, une trentaine, avaient paru à l'ami de Robespierre une expiation suffisante du martyre de Chalier dont les amis restaient furieux.

C'est sur ces entrefaites que la Montagne obtint le rappel des premiers représentants, et, grâce au maintien de la coalition antirobespierriste, l'envoi à Lyon de Collot et de Fouché.

Le premier y était arrivé le 4, et dès les premières heures déplorait la modération et la mollesse de ses prédécesseurs. La ville est soumise, non convertie. Les sans-culottes, amis naturels de la liberté, n'y voient pas encore clair : il y en a au moins 60.000... Il faut les animer pour la République. L'aristocratie obscure rêve à tous les moyens de se tirer d'affaire. Les contre-révolutionnaires arrêtés frémissent de rage en attendant leurs jugements. Ceux qui ne sont pas arrêtés sont errants ou cachés. La démolition allait lentement ; ils étaient beaucoup pour gagner leur journée et ne rien faire. La Commission militaire a trop souvent employé à juger ceux contre lesquels elle n'a pas trouvé de preuves, et qu'elle a élargis, des moments dont chacun devait être un jugement terrible prononcé contre les coupables. Elle en a fait fusiller plusieurs. Le Tribunal est plus ferme, mais sa marche est lente : il avait encore peu opéré. La contre-révolution, ajoutait en substance le représentant, triomphe de ces atermoiements[11]. Collot voyait rouge, promettait de hâter démolitions et exécutions, ajoutant dans une nouvelle lettre du 7 qu'il allait faire marcher de front la mine et la guillotine. C'est ce terrible compagnon que l'onctueux Fouché rejoignit le 10. Frappant contraste que celui que présentaient ces deux hommes. Ancien acteur, Collot en avait gardé ce caractère de vanité bruyante, encore que terre à terre, appliquée aux petites choses, grosse de susceptibilités sans cesse froissées, ces manifestations de sentiments violents, souvent faux, mais parfois si tragiques, qu'il finissait, en bon cabotin, par s'imposer à lui-même, ne sachant plus discerner en son âme le vrai du faux et le masque de 1a nature. Du reste, histrion autant que tragédien, il passait des larmes au rire, se plaisant tour à tour à terrifier les Jacobins par des indignations à trémolos bruyants et à les égayer par des bouffonneries de mauvais goût ; médiocre cabotin en somme, lancé sur une scène trop vaste avec un rôle dont on lui laisse la fâcheuse improvisation. Ajoutez à cela qu'il buvait et mangeait, s'amusait grossièrement, toujours ivre, bientôt alcoolique, se plaisant, en amateur de coulisses bien stylées, au repas fin après la grande scène jouée, et à l'ivresse des vins capiteux se mêlant à celle des applaudissements du parterre. Il s'était, dès le début, enrôlé dans les violents, rôle facile, profitable, propre à sa nature théâtrale et à son esprit superficiel, à sa gorge infatigable et à ses poumons de déclamateur entraîné. Somme toute, un esprit grossier et vulgaire servi par une éloquence facile sans finesse et un débauché toujours ivre. Tel est l'homme que la destinée, parfois ironique, rapprochait de ce fin, sagace, profond, spirituel et sobre professeur qui, du reste, ne pouvait être fâché de cette association : elle présentait pour lui deux avantages : ce personnage violent, expansif, le couvrait mieux que personne aux yeux du Comité de Paris, comme à ceux des citoyens de Lyon, et d'autre part cet acteur achevait de lui apprendre ce rôle de violent, si peu fait pour cet ironique, ce sceptique. Cela lui permit, l'histrion parti, de chausser ses cothurnes : on retrouvera dans les lettres de Fouché, après le départ de Collot, les mêmes formules creuses et éclatantes, les mêmes sorties tragiques, les mêmes attendrissements de commande. Seulement l'autre, parfois, a cru à son rôle, l'a constamment joué, même avec ses commensaux et ses femmes, ne s'en reposant pas, taudis que, souriant sans doute plus d'une fois en signant les fameuses lettres de nivôse et pluviôse an II, Fouché, sorti de son cabinet, redevient sans difficulté le citoyen accessible qu'aimèrent les Nivernais, l'homme de famille vivant sobrement et simplement entre sa jeune femme et sa petite Nièvre ; car, Collot n'allant que des estrades aux filles, son collègue passait avec sérénité de la guillotine à un petit berceau.

Est-ce l'habileté avec laquelle Fouché laissa à Collot, membre du Comité de salut public, et comme tel personnage prépondérant, le rôle bruyant et voyant que du reste celui-ci se plaisait à jouer ? Est-ce le contraste de leurs vies privées, l'une débauchée et sans frein, l'autre régulière et familiale ? Est-ce la politique adoptée par Fouché à Lyon durant les dernières semaines de son proconsulat, plus modérée, plus pacificatrice[12] ? Quoi qu'il en soit, l'opinion lyonnaise paraît avoir été moins dure pour le mitrailleur, que celle qui, après la Restauration, le frappa d'ignominie pour ses hauts faits de Lyon. Les témoins lyonnais n'en parlent pas beaucoup ; pour Mme des Écherolles, pour l'abbé Guillon, pour Nolhac, Fouché n'apparaît que comme le complice de Collot[13]. Le cabotin joue le grand rôle. Dès le 3 fructidor an II1, quand les Lyonnais, révoltés contre leurs bourreaux, viennent se plaindre à la Convention en pleine réaction des actes de cannibalisme commis en 1793 et 1794, ils chargent Collot, ne disent pas un mot de Fouché, sans défense cependant à cette époque, très misérable, peu redoutable. Les historiens impartiaux, même les plus hostiles à Fouché, ont dû l'avouer[14]. Nul n'en a parlé en termes plus violents que Michelet, qui doit cependant reconnaître qu'il fut à Lyon, dès le début, tout en criant à l'unisson de Collot, un élément de modération[15].

Lorsqu'on se reporte au rôle que jouèrent les hommes amenés ou appelés par le proconsul, de Nevers, de Moulins, de Paris, on s'aperçoit avec surprise qu'ils furent des modérateurs : Jacobins certes et d'un civisme au-dessus du soupçon, terroristes féroces parfois, ils n'en étaient pas moins destinés par Fouché à contrebalancer, dans les comités, les commissions de jugement et les tribunaux révolutionnaires, l'élément jacobin local, ne respirant que les représailles aveugles, massacres et démolitions, destinées à faire payer cher aux fédéralistes — s'entend aux neuf dixièmes des Lyonnais — la mort de leur ami Chalier. Par une autre voie que Couthon, Fouché visait au même but : écarter les amis du martyr de la direction et de l'exécution des mesures de rigueur, d'où l'amère rancune que l'oratorien devait inspirer avant peu beaucoup moins aux victimes de Collot qu'aux Lyonnais que Robespierre appelait les patriotes amis de Chalier, aux Jacobins lyonnais purs et, tout le premier, au maire Bertrand.

Au surplus, il n'était point dans ses projets de les irriter, mais il entendait bien les payer surtout de phrases et les griser d'encens. Au débotté, il organisa la fête commémorative de Chalier, Dieu sauveur mort pour les sans-culottes.

Cette cérémonie entrait d'autant mieux dans ses plans, qu'elle allait être, après le proconsulat de Couthon, fort respectueux de l'Être suprême, une affirmation des principes de déchristianisation.

Cette affirmation fut éclatante. Les deux proconsuls ne laissèrent, sur ce point, subsister aucun doute. Avant la cérémonie, prélude ordonné par l'ex-oratorien, on vit les deux proconsuls parcourir la ville, suivis d'une cohorte armée de haches et de pics, abattre, comme à Nevers et à Moulins, croix et statues sacrées, désaffecter les églises une à une, en chasser le clergé constitutionnel et piller les sacristies. L'ancien culte aboli avec ses reliques et ses insignes, on vit surgir ceux du nouveau. Le buste de Chalier, Dieu sauveur, parut porté sur un palanquin tricolore, flanqué d'une urne, où une pieuse illusion plaçait ses cendres. Le cortège s'ébranla au milieu d'une horde de gens, hurlant à travers Lyon terrifié : A bas les aristos ! vive la République ! vive la guillotine ! Des patriotes suivaient, portant des vases sacrés, calices et ciboires enlevés aux sacristies, puis un âne couvert d'une chape et coiffé d'une mitre, portant à la queue un crucifix, la Bible et l'Évangile. Les trois représentants alors à Lyon, Collot, Laporte et Fouché, étaient là, donnant un caractère officiel à cette mascarade irréligieuse. Elle parcourut la grande cité catholique écœurée, s'arrêta place des Terreaux. On y vit les représentants se prosterner devant le buste du martyr, puis ils parlèrent. Collot, solennel et gonflé, ronronna une amende honorable, dont l'originalité était discutable : Dieu sauveur, vois à tes pieds la nation prosternée qui te demande pardon de l'impie attentat qui a mis fin à la vie du plus vertueux des hommes. Mânes de Chalier, soyez vengés ! nous en jurons par la République. Fouché larmoya : Chalier, tu n'es plus ! Martyr de la liberté, les scélérats t'ont immolé. Le sang des scélérats est la seule eau lustrale qui puisse apaiser tes mânes, justement irrités ! Chalier, Chalier, nous jurons sur ton image sacrée de venger ton supplice ! Oui, le sang des aristos te servira d'encens. On s'attendrit aux soupirs et aux larmes de l'orateur, qui céda la parole à Laporte. Celui-ci n'avait ni l'habitude de la scène, ni celle de la chaire : il hésita et cria platement : A mort les aristos ! Après cette débauche d'éloquence, on alluma un brasier, un crucifix et l'Évangile y furent brûlés ; l'âne but dans le calice qu'on lui présenta. Les royalistes prétendirent qu'on comptait aller jusqu'à lui faire manger des hosties. Une pluie torrentielle mit fin à cette odieuse débauche. Fouché devait être enchanté : ayant beaucoup parlé du sang des aristos, il se croyait peut-être dispensé de le répandre. En outre, le théoricien de la déchristianisation entendait que cette imposante cérémonie fût la première d'un culte civique dont Chalier serait le premier Dieu. Son buste fut exposé sur les autels désertés par les prêtres. Le proconsul fit frapper une médaille, rappelant par son effigie les sacrilèges commis le 10 novembre[16].

Sortant tout exaltés de cette cérémonie, Collot et Fouché juraient dans une lettre enflammée à la Convention qu'ils ne s'arrêteraient pas à cette satisfaction platonique : Nous le jurons, le peuple sera vengé ; notre courage sévère répondra à sa juste impatience : le sol, qui fut rougi du sang des patriotes, sera bouleversé ; tout ce que le vice et le crime avaient élevé sera anéanti, et sur les débris de cette ville superbe et rebelle qui fut assez corrompue pour demander un maitre, le voyageur verra avec satisfaction quelques monuments simples, élevés à la mémoire des amis de la Liberté, et des chaumières éparses, que les amis de l'Égalité s'empresseront de venir habiter pour y vivre heureux des bienfaits de la nature[17]. Quelques jours après, ils étalaient une férocité destinée à faire ressortir l'absurde modérantisme de Couthon. Nous sommes eu défiance contre les larmes du repentir, rien ne peut désarmer notre sévérité... Nous devons le dire, C. C., l'indulgence est une faiblesse dangereuse propre à rallumer les espérances criminelles au moment où il faut les détruire : on n'ose pas encore demander le rapport de notre premier décret sur l'anéantissement de Lyon, mais on n'a presque rien fait pour l'exécuter. Les démolitions sont trop lentes : il faut des moyens plus rapides à l'impatience républicaine. L'explosion de la mine et l'activité dévorante de la flamme peuvent seules exprimer la toute-puissance du peuple ; sa volonté ne peut être arrêtée comme celle des tyrans : elle doit avoir l'effet du tonnerre (2)[18].

Enfin dans une Instruction, contresignée de Collot et Fouché, vrai programme, et formidable, les deux proconsuls se liraient à la justification de la Révolution intégrale : ils prévoyaient que la Révolution, arrêtée dans son cours, aurait travaillé en vain, qu'une nouvelle aristocratie serait substituée à l'ancienne, la bourgeoisie à la noblesse — clairvoyance prophétique du futur duc d'Otrante, comte Fouché, Monseigneur le sénateur ministre, comme on disait au ministère de la Police après 1804 —. La conclusion était qu'il fallait, par un système de taxes et d'impôts, empêcher l'accumulation des richesses et l'avènement de la ploutocratie[19]. L'instruction était signée du futur propriétaire de Ferrières et autres lieux. Tel était le programme : les lettres à la Convention promettaient la démolition et la mort ; la cérémonie du 10 novembre présageait la déchristianisation absolue ; l'instruction, la révolution sociale. La tâche était énorme : Collot voulait épurer, emprisonner, proscrire une population de deux cent mille habitants, car la logique le voulait, dans une cité où, de l'aveu des commissaires, on ne comptait que soixante mille patriotes, détruire de fond en comble une ville grande comme le quart de Paris, la seconde ville de France ; Fouché s'attaquait à l'âme même, aux sentiments innés de cette population, clientèle de négociants et de prêtres ; dans la ville la plus catholique du pays, il voulait le communisme et l'athéisme officiels.

Les deux hommes s'internèrent dans leurs bureaux, inaccessibles à tous, fermant officiellement la porte aux réclamations, aux protestations, à la pitié, à l'émotion, l'ouvrant officiellement aussi à la terreur. Seuls, les citoyens munis d'une carte civique furent autorisés à pénétrer dans la maison où les deux commissaires avaient élu domicile. Mais seuls étaient autorisés à communiquer directement avec eux les autorités constituées et les membres de la Société populaire, a en faisant annoncer l'objet de leur demande par écrit u Cette réclusion est formidable. Leur action extérieure s'exerce par la commission temporaire de surveillance, où le personnage principal est la créature de Fouché : Vedel, amené de Nevers[20].

Les arrêtés sortent de la mystérieuse maison, ainsi close, semant la terreur et la mort[21]. Le 20 brumaire (10 novembre), jour de l'arrivée de Fouché, rétablissement du séquestre institué par Dubois-Crancé, aboli par Couthon, sur les biens des suspects. Le 23 brumaire, arrêté organisant la démolition systématique : Tous ceux des édifices proscrits qui peuvent être détruits par l'effet de la mine et des flammes, seront incessamment désignés, et on procédera de suite à leur destruction. Ceux à démolir étant indiqués aux inspecteurs commis à cet effet, ils feront la répartition des individus nécessaires et les distribueront de manière qu'on attaque à la fois le plus grand nombre de bâtiments qu'il sera possible[22].

La tyrannie s'étend à tout : à côté des arrêtés formidables, il y a les arrêtés vexatoires, destinés à faire de Lyon, en attendant le type de la ville affranchie, quelque chose comme le type de la ville esclave. Le 19 brumaire, ce sont les manteaux qui sont réquisitionnés partout, puis des habits, vestes et culottes ; le 21, ce sont les souliers ; des chaussures de bois suffisant à ceux qui restent dans leurs foyers, les citoyens sont tenus dans la huitaine d'apporter leurs souliers, et les cordonniers ne doivent plus livrer ni cuirs ni chaussures à un particulier. Lyon s'éveille un jour sans manteaux, un jour sans culottes, un autre en sabots. Le 5 frimaire, la commission temporaire renchérit, prive soudain les particuliers de tout vêtement de drap bleu. Et naturellement de pareils arrêtés ne vont pas sans visites domiciliaires, perquisitions, confiscations, saisies... et souvent arrestations et emprisonnements[23]. Fouché est ici dans son élément : le riche égoïste tremble, et il faut qu'il tremble, car on a ravi à l'ex-oratorien son autre proie préférée. La cérémonie de Chalier l'ayant mis en appétit, il avait organisé, pour frimaire, une cérémonie plus importante encore, l'inauguration du culte de la Raison. Les acclamations de la Convention l'ont enfin rendu officiel, ce culte rêvé, et Chaumette l'a célébré en grande pompe le 10 novembre à Notre-Dame (20 brumaire). Fouché, suivant le mouvement, a entendu que Lyon célébrât la Raison. Dans l'Instruction du 26 brumaire (16 novembre), il a renouvelé ses attaques contre les prêtres, avec une violence inouïe : Ce sont eux qui, depuis 1.300 ans, ont élevé par degrés l'édifice de notre esclavage, l'ont orné de tous les colifichets sacrés qui pouvaient en dérober les défauts à l'œil de la raison et à la faux de la philosophie. Ce sont eux qui ont asservi l'esprit humain sous leurs imbéciles préjugés et qui, pour comble d'infamie, ont sacrifié par leurs impostures les erreurs dont ils ont enivré les siècles. Il est évident que la Révolution, qui est le triomphe des lumières, ne peut voir qu'avec indignation la trop longue agonie de cette poignée de menteurs. Leur règne expire et fait place à l'empire du bon sens et de la raison... L'Instruction prescrivait aux comités d'anéantir partout les symboles du culte, les vases sacrés, les croix des chemins, insignes d'une religion dominant, alors qu'il ne doit pas y en avoir. Le républicain, ajoutait l'Instruction, n'a d'autre divinité que sa patrie. Toutes les communes ne tarderont pas à imiter celle de Paris, qui sur les ruines d'une église gothique vient d'élever un temple à la Raison[24]. L'Instruction est contresignée de Fouché ; elle devait servir de préface à la fête de la Raison, préparée à grand tapage à la cathédrale de Lyon : le peintre Hennequin avait déjà brossé un décor imposant, destiné à donner à la cérémonie un éclat particulier. Mais on apprit, au début de frimaire, la colère de Robespierre lors du vote athéiste du 8 novembre, son dédain de la fête du 10, ses sorties contre Chaumette, et le nouveau vote de l'assemblée, entraînée parle disciple de Jean-Jacques et l'évêque Grégoire à reconnaître la liberté des cultes. Danton, ébranlé lui-même, a dénoncé les mascarades religieuses, accablé Chaumette. Couthon a spécialement attaqué les sacrilèges de Lyon ; Hébert lui-même renie le pontife de la Raison. Le 12 décembre (22 frimaire), Robespierre a pris aux Jacobins la défense des prêtres. Chaumette croulait ; Fouché, qui devait du reste si véhémentement le renier quelques mois plus tard, crut devoir enrayer ; on abandonna le projet de fête à Lyon[25].

L'homme de Nevers se rejeta dès lors sur la partie sociale de son programme. Dès le 24 brumaire, son communisme sentimental s'était manifesté dans un arrêté qui eut un réel retentissement, fut ensuite transmis à la Commune de Paris, acclamé, adopté par elle. Considérant, disait le représentant, que tous les citoyens ont un droit égal aux avantages de la société ; que leurs jouissances doivent être en proportion de leurs travaux, de leur industrie et de l'ardeur avec laquelle ils se devaient au service de la patrie... Art. I. Les citoyens infirmes, vieillards, orphelins, indigents, seront logés aux dépens de leurs cantons... Art. II. Il sera fourni aux citoyens valides du travail et les objets nécessaires à l'exercice de leurs métiers et de leur industrie. L'article 4 établissait la taxe sur les riches. Mais c'est surtout l'article 8 et l'article 9 qui attirèrent l'attention : La richesse et la pauvreté devront également disparaître du régime de l'égalité. Il ne sera plus composé un pain de fleur de farine pour le riche et un pain de son pour le pauvre, disait l'article 8 ; et l'article 9 : Tous les boulangers sont tenus, sous peine d'incarcération, de fabriquer une seule et bonne espèce de pain : le pain de l'égalité. Cet arrêté, déclaré valable pour onze départements du Sud-Est, fut lu et adopté à la Commune de Paris, le 3 frimaire, et les citoyens Collot et Fouché dès lors considérés comme les précurseurs de la politique philanthropique. En réalité, l'analogie de pareilles mesures avec celles qu'avait prises, quelques mois avant, le proconsul de Nevers permet d'en attribuer l'exclusive paternité à Fouché[26]. Aussi bien, celui-ci continuait à frapper le riche. Un arrêté du 19 brumaire avait rendu responsables de l'approvisionnement les propriétaires des environs, grave motif à vexations[27]. L'instruction du 27 brumaire prescrivait que celui qui jouissait de 10.000 livres de revenu devait être taxé à 30.000 francs, car, y lisait-on, il est évident qu'il a pu trouver dans les années précédentes ou qu'il trouvera dans les années suivantes, dans son revenu, de quoi établir la dépense d'un bon républicain[28]. Une pareille saignée ne paraissait pas suffisante ; on devait prendre chez les riches le superflu des draps, chemises, serviettes, tous les objets de métal, or ou argent, où les rois buvaient le sang, les sueurs et les larmes du peuple[29]. Tous les jours des arrêtés d'allure démagogique sortaient de la terrible maison où Fouché rédigeait pour Collot, organisait, en théoricien exaspéré du communisme, la terreur sociale[30].

***

L'autre était tout à son œuvre de vengeance. Lyon sautait, croulait au milieu des coups de mine et de pic, et des prisons remplies à déborder sortaient déjà les longues théories de suspects condamnés à la guillotine ou à la mitraille. Horrible page dans l'histoire de la Révolution, que celle qu'ont écrite avant nous, avant les historiens des représentants en mission, avant les témoins de ces horreurs, les proconsuls eux-mêmes avouant leurs forfaits, vantant les massacres, semblant triompher des supplices, fanfarons de crimes que peut-être, au fond, ils n'avaient ni approuvés ni ordonnés.

De fait, les deux hommes, s'ils n'ont pas eu toute la responsabilité des arrêts prononcés par les tribunaux institués, composés par eux, semblent la revendiquer tout entière, et si, au fond de son cœur, le froid et modéré professeur suivait à regret, par peur ou ambition, le cabotin ivre et furieux qu'était Collot, il n'en signait pas moins les lettres odieuses qui sont, pour nous, son éternelle condamnation.

Les deux proconsuls semblent atteints de l'épilepsie révolutionnaire la plus aiguë. L'ombre de Chalier sans cesse évoquée, les obsédant et les terrifiant, les exaspère. Redoutant peut-être son sort, ils paraissaient d'avance venger leur propre trépas. Le 5 frimaire, ils avaient envoyé à la Convention, en guise de relique, un moulage exact de la tête du malheureux jacobin horriblement mutilé par le couperet de la guillotine, et devant ce débris ils s'étaient exaltés — au moins en paroles — jusqu'au paroxysme. Point d'indulgence, point de délai, point de lenteurs dans la punition du crime... Les rois punissaient lentement parce qu'ils étaient faibles et cruels ; la justice du peuple doit être aussi prompte que l'expression de sa volonté. Nous avons pris des moyens efficaces pour marquer sa toute-puissance, de manière à servir de leçon à tons les rebelles[31]. Le pire est que leur pouvoir est immense, qu'ils se grisent de cette puissance. Toutes les opérations du Midi viennent à nous par contre-coup, les subsistances prennent un temps considérable ; les séquestres, l'organisation de la surveillance de cinq à six départements, telle est la besogne journalière. Je ne parle pas, ajoute Collot, des mesures révolutionnaires qui sont actuellement préméditées, mises en action et qui doivent couronner le grand événement de la destruction d'une ville rebelle et l'anéantissement de tous les traîtres[32]. Le 16 frimaire, Fouché, à son tour, réclamait de nouveaux châtiments[33].

Ils venaient d'organiser la terreur active. L'armée révolutionnaire arrivée à Lyon le 3 frimaire (23 novembre) allait devenir un redoutable instrument de destruction et de vengeance. D'antre part, le 7 frimaire, ils organisaient la Commission dei sept, terrible tribunal qui allait, en quelques semaines, condamner à mort plus de 2.000 Lyonnais. Ils en nommèrent président un homme à eux, Parein. L'arrêté qui organisait cette justice très sommaire, le plus fort lien de l'humanité, disait un des considérants, dictait au tribunal sa conduite en admettant en principe que puisque tous ceux qui remplissent les prisons de cette commune ayant conspiré l'anéantissement de la République et médité le massacre des patriotes étaient de fait hors la loi[34]. C'était inspirer à Parein et à ses assesseurs les terribles sentences qu'ils allaient rendre. Il fallait nettoyer les prisons trop pleines. Anciens adversaires de Chalier et soldats de Précy, ex-fonctionnaires girondins et ex-officiers royalistes, ci-devant nobles et ci-devant prêtres, gens accusés d'accaparement, de désobéissance ou simplement d'irrévérence envers la République, encombraient les cachots depuis le commencement d'octobre. A toute heure du jour ou de la nuit des perquisitions jetaient l'effroi dans toute une maison, tout un quartier, occasionnées par les arrêtés des représentants ou de la Commission de surveillance, toujours accompagnées d'arrestations faites souvent à la légère et néanmoins maintenues. — Dès l'arrivée des commissaires, la guillotine s'était activée : mais elle était lente, à peine cent personnes y avaient pu passer depuis le 20 brumaire. Les représentants entendaient, on l'a vu, aller plus vite. Ils prescrivirent la mitraille. Fouché signa.

Le 14 frimaire, on vit, pour la première fois, un spectacle d'horreur : dans la plaine des Brotteaux, entre deux fosses parallèles, destinées à leur sépulture, soixante-quatre jeunes gens, garrottés, deux par deux, furent rangés ; en face d'eux furent pointés les canons de l'armée révolutionnaire. Les victimes entonnèrent le Chant du départ, chœur admirable jetant aux bourreaux l'écho des dernières notes étouffées naguère par la guillotine dans la gorge de Vergniaud. Au signal donné de l'estrade où siégeaient les représentants, le feu fut mis aux pièces, et, comme une bourrasque fauche, couche, brise les épis d'un champ, la mitraille abattit d'un coup la troupe des martyrs. Quelques minutes après, le chant s'éteignait dans les cris effroyables que poussaient les malheureux ! la plupart n'étaient que mutilés, quelques-uns hachés pantelaient encore, se soulevaient. Les soldats les achevèrent à coups de sabre[35].

L'horreur fut générale à Lyon, d'autant qu'on disait partout qu'il n'y avait là qu'un essai, une répétition générale, eût dit sans doute Collot d'Herbois, et de fait ce n'était que cela, puisqu'on allait voir se succéder de plus épouvantables massacres. Les proconsuls répondirent à la réprobation en la bravant : Quelques destructions individuelles, écrivaient-ils le lendemain, quelques ruines ne doivent pas être aperçues de celui qui, dans la Révolution, ne voit que l'affranchissement des peuples de la terre, et le bonheur universel de la postérité !... N'est-ce pas sur les cendres des ennemis du peuple, de ses assassins, de tout ce qu'il y a d'impur, qu'il faut établir l'harmonie Générale, la paix et la félicité publiques ? Les représentants du peuple resteront impassibles dans l'accomplissement de la mission qui leur est confiée : le peuple leur a mis entre les mains le tonnerre de la vengeance, ils ne le quitteront que lorsque tous ses ennemis seront foudroyés. Ils auront le courage énergique de traverser les immenses tombeaux des conspirateurs et de marcher sur des ruines, pour arriver au bonheur de la nation et à la régénération du monde[36].

Cette lettre, tout éclaboussée du sang de la jeunesse lyonnaise, est signée de tous les représentants.

On pense si, sous de pareils patrons, le sinistre Parein et ses assesseurs jugeaient et condamnaient avec ardeur. Vêtus de l'habit bleu et coiffés du chapeau militaire à panache rouge, portant au cou une petite hache, emblème de leurs fonctions, pendue à un ruban tricolore, les juges fatigués ne délibéraient plus, ne prononçaient plus. Leurs bouches, lasses des sentences de mort ou de vie, restaient closes. Un signe condamnait ou acquittait le prévenu. Quatorze accusés comparaissaient en une demi-heure, deux minutes pour chacun. Le nombre des morts croissait. Où était la bénigne exécution du 14 frimaire ? Le 25, ce n'était plus soixante-quatre, mais 209 Lyonnais qu'on conduisait sous la mitraille aux Brotteaux. Horrible boucherie ; on sabra, on tailla, on mutila encore, on massacra à coups de pic, de pioche, de hache ceux que la mitraille avait épargnés[37]. Le même jour, les proconsuls avaient lancé dans Ville-Affranchie une proclamation humanitaire attendrie. Il faut, écrivaient-ils d'autre part, que les cadavres ensanglantés, précipités dans le Rhône, offrent sur les deux rives, à son embouchure, sous les murailles de l'infâme Toulon, aux yeux des lâches et féroces Anglais, l'impression de l'épouvante et l'image de la toute-puissance du peuple[38]. Et dans une autre lettre : Nous éprouvons de secrètes satisfactions, de solides jouissances, la nature reprend ses droits, l'humanité nous semble vengée, la pairie consolée, et la République sauvée, assise sur de véritables bases, sur les cendres de ses lâches oppresseurs. Après l'apologie de la sainte, la courageuse proscription, après un éloge sans réserve décerné au zèle de la commission qui l'applique, les commissaires ajoutaient : La terreur, la salutaire terreur, est ici à l'ordre du jour...[39] Il faudrait tout citer, pas un mot qui ne soit. odieux de cynisme ou de pharisaïsme, pas une lettre qui ne pèse d'un poids insupportable sur la mémoire de l'homme qui apposait son nom à la suite de Collot sous de semblables missives.

Et l'on continue à emprisonner, à tuer. La guillotine, la fusillade ne va pas mal, écrit le 24 frimaire Pilot, sans-culotte de Lyon, à son ami Gravier ; 60, 80, 200 à la fois sont fusillés, et tous les jours on a le plus grand soin d'en mettre de suite en état d'arrestation pour ne pas laisser les prisons vides[40]. Bientôt des femmes, des enfants y passèrent, toujours pour le plus grand bonheur de l'humanité. Et c'est encore le bonheur de l'humanité si cher à Collot et à Fouché, qui voulut que deux femmes de soixante ans, une ancienne religieuse de vingt-six, expirassent sous le couperet[41].

L'exaspération, la douleur, la terreur étaient à leur comble : c'en était trop. De le ville martyrisée s'éleva une immense plainte. Lyon suait le sang, vivait déjà dans une atmosphère de putréfaction et de mort. Une députation lyonnaise parut à la. Convention, et appelée, poussée, applaudie par les Robespierristes qui voyaient déjà la revanche de Couthon, elle parla, fut écoutée. Les proconsuls durent frémir quand une lettre du Comité leur parvint, appelant Collot à venir se justifier.

Il parut, terrifia l'assemblée en évoquant le monstre du fédéralisme renaissant, écrasant de ce cliché la députation lyonnaise, et par ricochet ses protecteurs. Le 21 décembre (1er nivôse), Collot entra en triomphateur à la Convention, se vanta, loin de s'excuser, et fit approuver sa conduite. De loin, Fouché le soutenait, lui fournissait des arguments. Le 20 décembre, il lui avait écrit que, pour fêter la prise de Toulon, il avait envoyé 213 rebelles sous le feu de la fondre. Il se félicitait avec des larmes de joie d'avoir contribué avec Collot à la prise de Toulon, en portant l'épouvante parmi les lâches qui y sont entrés, en offrant à leurs regards des milliers de cadavres de leurs complices, et, désireux d'être à la hauteur de son correspondant, il persévérait dans ses effroyables déclarations. Soyons terribles pour ne pas craindre de devenir faibles et cruels... Frappons comme la foudre, et que la cendre même de nos ennemis disparaisse avec la liberté[42]. En même temps, il sollicitait l'extrême Montagne de tenir bon dans une lettre du 30 frimaire à Chaumette encore son ami, il s'apitoyait de la faiblesse avec laquelle la Convention avait écouté les plaintes des Lyonnais[43].

La victoire de Collot fut la sienne. Pour l'homme qu'était Fouché, suiveur de majorités, il y avait dans le triomphe de son partenaire un encouragement singulier. Il redoubla de cynisme, plus peut-être que de cruauté, Collot était maintenant, au Comité, les yeux fixés sur Lyon, prêt, sans doute, à punir la moindre faiblesse. D'autre part, quelle meilleure sauvegarde pour l'avenir, en cas de revirement, que la volonté de la Convention ? Il saisit habilement ce palladium. Oui, écrit-il, le 7 nivôse, nous osons l'avouer, nous faisons répandre beaucoup de sang impur, mais c'est par humanité, par devoir. Représentants du peuple, nous ne trahirons point sa volonté ; nous devons partager tous ses sentiments et ne déposer la foudre qu'il a mise entre nos mains, que lorsqu'il nous l'aura ordonné par votre organe. Jusqu'à cette époque nous continuerons sans interruption à frapper ses ennemis de la manière la plus éclatante, la plus terrible et la plus prompte[44]. Il avait trouvé dès lors pour l'avenir une réponse, se croyant sous le couvert de l'assemblée tout entière.

De fait, il était grand temps que Fouché se mit à couvert. Car Robespierre semblait résolu enfin, après tant d'atermoiements et de capitulations, à engager la lutte avec la faction hébertiste. On était arrivé à la fin de décembre. Cette terrible année 1794 allait commencer où l'on allait voir les chefs de la Révolution se déchirer, se proscrire et se tuer, Hébert, Danton, Desmoulins, Chaumette, Robespierre, Couthon, Saint-Just, rejoindre Vergniaud et Brissot. — Dès la fin de novembre, la lutte, nous l'avons vu, avait éclaté entre Robespierre et l'extrême Montagne sur le terrain religieux : Robespierre, devenu le champion du spiritualisme, avait attaqué Chaumette, l'avait séparé d'Hébert et annihilé. Le rappel de Carrier, d'autre part, avait semblé de la part de Robespierre un premier pas dans la voie de la modération, de la contre-terreur où l'appelait à grands cris Camille Desmoulins. C'était, du reste, en attendant le coup de filet du 13 mars où devaient être pris Hébert et son état-major, spécialement en province que la lutte semblait s'engager entre les représentants terroristes et les agents de Robespierre. Ceux-ci, conventionnels envoyés en mission dans l'hiver de 1793, ou simples émissaires personnels de l'apprenti dictateur, représentaient, plus que ne l'eût sans doute voulu leur maitre lui-même, les idées d'indulgence, et dès lors c'était entre eux et les anciens commissaires une lutte sourde, guerre au couteau au cours de laquelle l'arme cherchait Robespierre ou Hébert à travers leurs agents. Dès la fin d'octobre, le jeune Robespierre envoyé à Toulon avec un pouvoir mal défini, prince de sang venant jeter un coup d'œil sur quelques préfets, avait inauguré contre les représentants Fréron et Barras cette politique de critique acerbe : on l'avait vu pratiquer aussi par le jeune Jullien, simple agent du pouvoir exécutif, à Bordeaux contre Tallien, par Saint-Just, l'âme damnée du maitre, contre Schneider à Strasbourg. Dans le Sud-Ouest, tout entier soumis à l'influence et au pouvoir des commissaires de Lyon depuis le décret qui avait étendu leurs pouvoirs aux départements voisins, Robespierre avait envoyé un surveillant, un agent personnel aussi, analogue à Jullien, c'était Gouly. On l'avait spécialement chargé d'instruire contre Javogues, le représentant peut-être le plus exagéré qui se fût vu, démagogue débraillé qui, résidant dans l'Ain, gardait des relations cordiales avec le proconsul de Lyon. Fouché comprit bien qui on voulait atteindre par-dessus Javogue. Il sembla accepter la lutte et, le sachant agent de Robespierre, dénonça violemment ce Gouly, qui, disait-il, exécutait dans l'Ain un plan contre-révolutionnaire et liberticide[45]. Il parla même de le faire arrêter. Il comptait encore sur le triomphe soit d'Hébert, soit de Danton sur Robespierre ; il comptait surtout sur la protection de Collot au Comité. Et il avait raison. Gouly fut rappelé le 19 nivôse (8 janvier 94), et, afin d'effacer toutes traces de cette mission, Albitte quitta Lyon pour aller exercer au nom de la Commission tout entière, que dirigeait maintenant Fouché, la dictature jacobine dans l'Ain et le Mont-Blanc. Encouragé, Fouché demanda le rappel de Petitjean, commissaire dans les Alpes, dénué de caractère, au dire du proconsul de Lyon, et, pour comble d'humiliation, le représentant déplacé sur la réclamation de Fouché, fut obligé, par le Comité, de se rendre à Lyon, pour se disculper sans doute près du proconsul, et délibérer avec lui sur les affaires de l'Allier où l'envoie une nouvelle mission[46]. De pareils incidents donnaient une singulière autorité à Fouché, qui, de Lyon, semblait dominer la région du Sud-Ouest, de Nevers à Chambéry et d'Avignon à Dijon. Le Comité, en outre, non content de servir ses rancunes, lui adressait directement une ample approbation au nom de la Convention. Votre énergie, écrit le Comité par la main de Billaud, le 21 nivôse (10 janvier), le développement des moyens que cette énergie a mis en action sont d'accord avec la volonté forte et la puissance du peuple dont les décrets de la Convention sont l'organe. Le Comité de salut public ramène toutes les opérations aux mêmes principes ; c'est vous dire qu'il suit tous les vôtres, qu'il agit avec vous, avec tous ceux dont les mâles efforts avancent le succès de la Révolution. On l'engageait, en outre, à persévérer dans la voie ultra-révolutionnaire : La patrie et le salut public vous le commandent[47].

Et cette approbation sans réserve ne reste pas sans lendemain. Six jours après, nouvel encouragement aux proconsuls, envoyé par Collot au nom du Comité.

***

Et, soudain, Fouché resta pensif, se prit à clouter. On allait trop loin, la corde était trop tendue, allait casser. Décidément l'hébertisme faisait long feu. Hébert avait lâchement renié Chaumette, l'athéisme et le communisme, Ronsin était un fou compromettant. Dans tous les cas, le parti était faible, obligé de s'appuyer tantôt sur Robespierre, auquel il sacrifiait certains amis — Fouché, personnellement odieux à Maximilien, peu connu d'Hébert, pouvait être du nombre —, tantôt sur Danton, que Collot, depuis quelques semaines, cultivait beaucoup. Plus que jamais, il apparaissait que la majorité de la Convention était à Danton, à l'indulgence, à la modération. Il fallait peut-être ne pas s'arrêter à certaines apparences, songer à la masse muette du Marais, se garder pour l'avenir, et s'arrêter[48].

L'excitation démagogique à Lyon était immense. Les Jacobins lyonnais, les patriotes amis de Chalier — c'était la formule —, troublaient l'ordre, imposaient la violence. Fouché, toujours armé de l'arc à deux cordes, leur décoche un trait : sous couleur d'infuser aux comités et aux administrations du pur sang jacobin, il appelle de Paris des amis à lui, contrebalançant ainsi, contrecarrant les bruyantes audaces de la faction du maire robespierriste Bertrand. Il parlait bien encore de célébrer la fête de la Raison, mais c'était assez bas, et si les prisons continuaient à s'emplir, la guillotine et la mitraille à fonctionner, tout bas aussi il le déplorait, rejetant volontiers tout sur les comités et le tribunal. Il semblait, du reste, croire au succès de Danton plus qu'à celui de Robespierre, car il continuait contre celui-ci une lutte sourde, mais parfaitement visible. Contre lui, il soutient Dorfeuille, président du tribunal qui, publiquement, a traité les Robespierristes de clique infâme ; contre lui, il encourage, inspire Javogues, lorsque celui-ci lance contre Couthon, traité de charlatan et d'hypocrite, un formidable réquisitoire, et, malgré ses hésitations, plus désireux de pratiquer la modération que de l'afficher, il s'associe à la campagne du commissaire de l'Ain contre la clique Gouly, Gauthier, et les Modérantins[49]. Lorsque Robespierre jeune, revenant du Midi, passe à Lyon, il y trouve figure de bois, et, très sombre, il attaque les proconsuls. Il existe à Lyon, écrit-il, un système d'amener le peuple à niveler tout. Si l'on n'y prend garde, tout se démoralisera[50].

Méaulle, un vieil ami de Fouché, qui arriva à Lyon sur ces entrefaites, adjoint à celui-ci comme nouveau commissaire, paraissait effrayé des plaintes qui s'élevaient contre les excès de la Terreur[51]. Fouché, préoccupé, se décida à évoluer lentement. Aussi bien, tandis qu'il écrivait à la Convention les aimables phrases qu'on a lues plus haut, déjà il affectait à Lyon de se laver les mains des exécutions, des excès. Il laissait travailler Parein, Dorfeuille et les autres, et déclamer Collot. Parfois, entre amis, il haussait les épaules, disait qu'ils étaient des fous furieux. On se racontait à ce sujet une anecdote. En pleines mitraillades, un suspect s'était réfugié chez lui. C'était un M. Mollet, ancien membre de l'Oratoire et professeur de physique au collège : traqué, il s'était jeté hardiment dans la gueule du loup. Fouché l'avait accueilli, lui avait promis de le sauver, et brusquement : Vous regrettez Juilly ? j'ai plus de motifs que vous de le regretter. Et avec une singulière amertume, le proconsul avait ouvert son âme : les agents de la Révolution étaient des fous et des misérables, il était leur esclave plus que leur maitre. Protéger un proscrit, cela est grave : cela coûtera la tête à Bazire, à bien d'autres. Fouché semble peu s'en préoccuper : il emmène Mollet se promener avec sa femme, fan gagne les Brotteaux, le sol y est tout sanglant ! Mollet s'émeut : Mme Fouché lui en demande la raison. Laisse-le faire sa grimace, et ne lui parle pas. Mais il emploie Mollet à prévenir les proscrits, les gens dénoncés, à avertir surtout les prêtres de ne pas s'afficher, de rester cois, promettant de ne pas les faire prendre s'ils ne bougent. Cela, c'est déjà le Fouché de l'Empire[52].

Le départ de Collot avait libéré Fouché, il avait continué à assister aux mitraillades, répétant ensuite l'éternel refrain api ris près du cabotin : la foudre, le feu, la rapidité de la fondre, la toute-puissance du peuple[53] ; il ne la déchaine plus, la foudre ; c'est tout juste si, en nivôse, il ne la retient pas. Il laisse aller. Puis soudain, c'est une volte-face. Le 18 pluviôse (6 février), ordre de cesser les mitraillades : elles prirent fin le 28 : il est vrai qu'en guise de compensation, on guillotina, en six semaines, quatre-vingt-seize personnes du 11 février au 25 mars[54]. Mais c'était peu auprès des exécutions du temps de Collot. Le 24 pluviôse (18 février), les commissaires rendent un arrêté défendant à l'avenir toute arrestation, si ce n'est pour de nouveaux délits — c'était l'amnistie du passé tant demandée à Lyon —. Tout ce qu'il y avait d'honnêtes gens respira : en revanche les patriotes amis de Chalier, se plaignirent amèrement d'être opprimés, dépossédés de toutes places par les amis parisiens de Fouché, privés de leurs vengeances par les arrêtés du 18 et du 24 pluviôse, paralysés par un autre du 23 qui restreignait les pouvoirs des petits tribunaux. Ils crièrent d'autant plus fort que tout d'un coup, dans le but de frapper Hébert sans encourir le reproche de contre-révolution, Robespierre prenait la tête du mouvement terroriste, le discours de Saint-Just à la Convention du 26 février indiquant clairement la nouvelle orientation du groupe dont il était le leader le plus violent. Par un chassé-croisé singulier, Fouché devenait modéré à l'heure où Robespierre, accusé par Javogues de modérantisme quelques semaines avant, se faisait le protecteur des terroristes à outrance, manœuvre audacieuse de l'aspirant dictateur qui lui permettait de frapper Hébert dépassé. Que Fouché se croie perdu, quoi qu'il fasse, si Robespierre triomphe, ou qu'il ait Coi encore dans la victoire de Danton et des indulgents, il accentue le mouvement de réaction contre les terroristes robespierristes de Lyon. Malgré ses efforts, les amis de Chalier, protégés de Robespierre, hurlent dans trente-deux Comités et dans les sociétés populaires, vrais pouvoirs à côté du grand, pèsent tous les jouis sur l'administration départementale, pour lui imposer des arrestations ; sur le tribunal criminel, pour lui arracher des condamnations, critiquent, accusent, dans une correspondance suivie avec Robespierre et Couthon, les commissaires désormais suspects. Fouché et Méaulle n'hésitent pas.

Ce fut un coup d'État qui, en quatre arrêtés et quelques mesures accessoires, paralysa, terrifia, annihila les jacobins de Lyon. Le 26 ventôse (16 mars), parut le premier arrêté : il supprimait, d'un trait de plume, les trente-deux comités révolutionnaires qualifiés par Fouché de cancer politique[55] et les réduisait à neuf, ce qui, ajoute en substance le rapport du proconsul, empêchera l'anarchie de se perpétuer[56]. Les patriotes n'étaient pas encore remis de ce coup qui les privait de leurs centres d'action et de déclamation, que deux autres arrêtés les atteignaient plus cruellement encore : on arrachait à leur pression administration et tribunal ; par ordre des commissaires, l'administration départementale était transportée à Villefranche, le tribunal criminel à Neuville-sur-Saône. Ce n'était pas tout[57].

Le 4 germinal on apprit à Lyon les événements de Paris ; Robespierre, appuyé par la droite et une partie des Dantonistes, avait obtenu l'écrasement du parti hébertiste, l'arrestation d'Hébert, de Vincent, de Momoro, de Cloots, de Ronsin, le 23 ventôse (13 mars), celle de Chaumette le 28 (18 mars), et, en même temps, on apprenait que Robespierre lui-même était menacé de sombrer dans le mouvement de réaction : le 29 ventôse (19 mars), il avait failli être mis en minorité à la Convention, grâce à une violente attaque de Bourdon de l'Oise, lancé probablement à la tribune par Danton, dont Collot devenait l'allié ; de ce fait, Robespierre n'allait sans doute pas tarder à suivre Hébert à l'échafaud, où celui-ci monta le 4 germinal (24 mars).

Il fallait, par un coup d'éclat, achever à Lyon l'œuvre de contre-terrorisme, renier avec éclat Hébert, fronder Robespierre lui-même. Le 6 germinal, un arrêté des représentants déclarait dissoute la Société populaire audacieusement accablée pour la circonstance sous l'accusation d'hébertisme[58], arène famélique, dira Fouché, de l'anarchie et de la sédition[59]. Il accablait, du reste, ses anciens amis du groupe exagéré tout comme jadis, après le 2 juin, ceux qu'il avait connus sur les bancs de la Gironde, et, dans une dépêche du 10 germinal à la Convention, écrasait d'une indignation vertueuse ces conjurés qui, plus habiles et plus audacieux que tous ceux qui ont voulu, jusqu'ici, faire la guerre à la liberté, se sont jetés dans le tourbillon révolutionnaire et ont paru s'élancer avec tontes les âmes pures et ardentes vers le bonheur du peuple[60] ; il insinuait ainsi qu'il avait pu être la dupe, jamais le complice d'Hébert ; il félicitait la Convention de sa vigilance et assurait que l'armée révolutionnaire de Lyon était la première à désavouer Ronsin son ancien chef, et à s'associer aux protestations des commissaires. Enfin — audace stupéfiante — c'était l'ex-ami du groupe décimé, Fouché, qui essayait d'accabler de la ruine d'Hébert ses ennemis de Lyon ; il faisait, le 10, insérer dans le Républicain de Lyon un article qui, par-dessus Hébert et Ronsin, atteignait les exagérés de la Société dissoute[61]. On pense si ces mesures exaspéraient les fameux patriotes amis de Chalier[62]. Ils écrivirent à Paris, s'adressèrent à Robespierre et à ses amis[63]. Fouché s'en doutait bien. Mais il entendait aller jusqu'au bout dans la répression. Fort réfléchi dans la conception de ses plans, il était d'une énergie froide dans leur exécution. Dès le 5 germinal (25 mars), il avait donné ordre au directeur des Postes d'intercepter et de lui apporter toutes lettres adressées aux membres de la Société populaire et aux agents de Robespierre, Emery, Duperret et autres, ou émanées d'eux. C'était un acte d'une audace inouïe qui certainement dénotait, chez Fouché, la foi absolue dans la chute prochaine de Robespierre. Il ne pouvait savoir que dans la nuit du 10 au 11 germinal, celui-ci allait arracher aux Comités l'ordre d'arrestation de Danton et Desmoulins, et, par ce coup d'audace, arriver à cette dictature morale dont Fouché semblait dès lors devoir être la première victime. Celui-ci préparait, de concert avec Manne, un arrêté mettant fin aux exécutions de la place des Terreaux, qui avaient survécu à celles de la plaine des Brotteaux, quand le 12 germinal il reçut un arrêté du Comité de salut public qui dut le faire trembler. Le Comité le rappelait à Paris pour y fournir des éclaircissements nécessaires sur les affaires de Commune-Affranchie, et le remplaçait par Reverchon. Pour que le proconsul ne pût se méprendre sur le côté d'où le coup partait, l'arrêté déclarait qu'on suspendrait toutes poursuites intentées contre la Société populaire et les patriotes persécutés sous le règne des fédéralistes et de Précy... Ainsi c'était bien, il ne pouvait en douter, sous l'inculpation de modérantisme et de contre-révolution, terrible à cette époque, que le complice de Collot d'Herbois allait quitter la malheureuse ville. S'était-il donc trompé dans ses calculs ? Il put le croire et en frémir un instant : le 9 thermidor devait montrer qu'il avait eu raison, et su, comme toujours, flairer le vent.

Il avait eu raison, car aux yeux de beaucoup de Lyonnais, ces dernières semaines rachetaient les terribles mois que Collot et Fouché avaient passés côte à côte, mitraillant Lyon terrifié. Cette suprême et stupéfiante volte-face, qui le faisait rappeler comme modéré, lui valait à Lyon cette réputation de Dantoniste, généralement répandue et parfaitement usurpée, qui devait lui procurer à l'heure de la réaction, avec l'indulgence et l'oubli de la part des Lyonnais, l'argument le plus puissant pour se défendre contre les revendications de la réaction thermidorienne.

Malgré tout, au moment où Fouché, après ces cinq mois de proconsulat, quittait Ville-Affranchie au milieu du silence de la cité consternée, une lourde réprobation frappait le misérable. A l'heure où, le 17 germinal an II (6 avril 1794), après avoir traversé une ville dont la population était, en cinq mois, descendue de 140.000 à 80.000 âmes, la malle-poste emmenait vers Paris le représentant du peuple envoyé à Commune-Affranchie pour y assurer le bonheur du peuple, Fouché entendait-il la formidable clameur qui s'élevait derrière lui de ces ruines fumantes, de ces prisons où pourrissaient encore des milliers de suspects, de la place des Terreaux inondée du sang de plus de cinq cents guillotinés, de cette plaine des Brotteaux où de sinistres boursouflures, où une atmosphère de peste, accusaient le massacre de 2.000 Lyonnais, au bas mot[64], de ce fleuve sanglant enfin qui, roulant au fil de son flot jaune, bientôt rouge, les cadavres mutilés et putréfiés des Lyonnais massacrés, répandit longtemps à travers toute la Provence, de Lyon à Marseille, la sinistre réputation du citoyen Fouché de Nantes, devenu dans l'exécration des siècles Fouché de Lyon ?

La question même s'est posée si, le 17 germinal, l'homme partait les mains nettes. Barras s'est fait l'écho d'un bruit que propageait Robespierre pour perdre Fouché. Le premier avec Rovère, le proconsul de Nevers et de Lyon, aurait fait de l'argent dans la République. Et à l'appui de cette accusation, Barras nous a laissé un pittoresque récit. On y voit la citoyenne Fouché sortant de Lyon avant son mari, cachant sous ses robes les coffres du ménage remplis d'or, dépouilles opimes d'une fructueuse campagne[65]. Faut-il croire à ce récit ? faut-il admettre que si Fouché envoya à la Convention, distribua par poignées à ses serviteurs de ces misérables métaux qu'il fallait avilir, intelligent observateur d'un proverbe trop connu, il s'en soit attribué la bonne part, estimant sans doute que si ces vils métaux faisaient à la République l'horrible mal qu'il signalait, ils en devaient faire moins à ses serviteurs ? Faut-il supposer que ces calices précieux, souvenir d'un passé clérical, que ces couronnes ducales, pressentiment d'un somptueux avenir, ne garnirent pas seulement les coffres de la nation, mais l'écrin aussi de la citoyenne ? Des réquisitions excessives ont-elles fondé l'immense fortune du châtelain de Ferrières ? Que faut-il penser de cet arrêté du 14 nivôse, acquérant pour les représentants deux cents bouteilles du meilleur vin et cinq cents bouteilles de vin rouge première qualité pour leur table[66] ? Destiné à abreuver le gosier toujours altéré de Laporte, l'arrêté ne fait-il pas soupçonner, sous toute cette sanglante fantasmagorie de terreur spartiate, de singuliers et généraux abus de pouvoir ? Ne devons-nous pas, dans tous les cas, nous incliner devant ces notes remises, assure-t-on, par Collot, pour justifier l'emploi des 50.000 livres qu'il avait reçues pour sa mission de Lyon, où l'on trouve des comptes de blanchissage et de sucre payés par la citoyenne Fouché ; le compte aussi de perdreaux, chapons, dindons, brochets, confitures, poulardes, écrevisses, et même d'eau de Cologne[67] ? nous incliner aussi devant les réquisitions faites par le citoyen Dacheux, secrétaire de Fouché, au nom de son maitre (arrêté du 28 frimaire), de deux pièces de mousseline, trois douzaines de paires de gants, quatre douzaines de paires de bas, cinquante livres de café, réquisition qui fut si largement faite, que Dacheux en rapporta, d'après le procès-verbal, de grandes pièces de soierie, pour servir pour vêtements de femmes[68] ?

Le cas est grave ; il n'est pas pendable. Réquisitions d'une délicatesse assez problématique n'équivalent pas à concussions et péculats. Fouché protestait avec la dernière énergie contre de pareilles accusations, du reste articulées assez bas. Dès le 21 frimaire an III, il prenait à témoin Boisset — alors commissaire à Lyon — que tous ceux qui le connaissent et l'ont vu à Lyon savent bien qu'il y mangeait le plus mauvais pain et qu'il n'y buvait jamais que de l'eau[69], et dans sa défense il arguait de l'habitude d'une vie frugale et solitaire, affirmant que pendant près d'un an de mission il n'avait touché que 13.000 livres employées aux frais indispensables pour les citoyens qui lui ont servi de secrétaires. Il ajoutait : Je puis dire, avec orgueil, à mes concitoyens : Je suis entré riche dans la Révolution, et je suis presque réduit aujourd'hui (1795) aux indemnités que le peuple accorde à chacun de ses représentants[70]. Ces protestations pèseraient sans doute peu, si d'autres témoignages peu suspects ne venaient les corroborer. Le conventionnel Levasseur, fort hostile au duc d'Otrante, au double titre de républicain tenace sous l'Empire et de robespierriste impénitent, affirme que ce n'est pas pendant la Révolution que Fouché s'est enrichi[71]. Barras lui-même, du reste si suspect grâce à la rancune particulière dont il poursuivit toujours Fouché, Barras se contredit, puisqu'il nous représente l'ex-proconsul de Lyon à bout de ressources, vivant misérable, en un taudis, aux crocs de tous, sans que ni confiscations, ni catastrophes financières, puissent expliquer celte ruine[72]. Fouché était, nous l'avons vu, avant 1789 fort fi son aise : sa femme, fille d'un procureur, appartenait à une famille bourgeoise. D'autre part, sa vie était frugale, simple, toute familiale, entre sa femme et son enfant ; sur ce point tous sont d'accord. Nous savons, nous dirons sous peu, sur quelles spéculations il bâtit sa fortune. Tout porte à croire qu'il n'avait rien en 1795 ; qu'eut-il donc fait de l'argent raflé à Nevers, Moulins et Lyon ? Il n'avait positivement pas de vices, ne buvait pas, comme Collot, ne pratiquait pas, comme Tallien, les folles ripailles, ne courait pas les filles comme Danton, ne roulait pas de débauche en débauche comme Chabot, ne jouait pas comme Robespierre jeune ou Barère, ne chassait pas à courre comme Merlin, n'avait même pas le luxe d'un tailleur d'ancien régime comme Maximilien, vivant de l'amour de sa femme, du sourire de sa petite fille, du pain de l'égalité et d'eau fraiche. Alors ?

Aussi bien dans l'avalanche des dénonciations qui fondirent sur sa tête, quelques mois après sa mission, toutes les accusations furent formulées, sauf celle de concussion qu'on savait cependant capable d'émouvoir, plus que toute autre, une assemblée où les Rovère et les Tallien étaient rares. Et, sous la Restauration, les pamphlets sont muets sur ce point, attribuant à la seule surveillance des jeux dans l'Empire la fortune du duc d'Otrante. Il faut donc écarter délibérément une accusation toujours grave, et dans le cas présent particulièrement odieuse. La période de l'argent allait seulement commencer. Lorsque Fouché revint à Paris, il n'était pas ce personnage de la légende italienne qui chemine, condottiere abhorré, une main teinte de sang et l'autre d'or. Laissons du moins Fouché indemne de ce pénible soupçon : le sang des Brotteaux l'éclabousse suffisamment.

Au milieu de l'effroyable crise de l'an II, le cas de Fouché, en effet, apparaît comme particulièrement odieux, l'excès démagogique n'étant chez lui le résultat, ni d'une exaltation sincère, comme celle d'un Saint-Just, ni d'un caractère cruel et d'une intelligence brutale, comme celle d'un Carrier, ni d'une aigreur exaspérée, comme celle d'un Lebon, ni même d'une peur irraisonnée, comme celle qu'éprouvaient les trois quarts des commissaires. La modération qu'il montra à l'heure où la mort d'Hébert semblait être le signal d'un mouvement de réaction, prouve qu'il y avait sous l'ardeur affectée du terroriste l'ambition toujours visible d'être l'homme des circonstances. Ce caractère enlève toute excuse aux excès dont il donna, à regret sans doute, le signal on qu'il couvrit de son autorité. Lyon reste ainsi la tache indélébile gravée sur le front de ce malheureux. Comment s'est-on, si longtemps après 1815, acharné à lui reprocher avant tout la mort de Louis XVI ? Qu'est la condamnation même injuste d'un roi à côté de l'assassinat systématique et froidement résolu de toute une ville ?

 

 

 



[1] Fouché à la Convention, 2 novembre 1793 ; AULARD, VII, 217.

[2] Registre des séances du conseil général de la Nièvre. Arch. Nièvre ; L. 16, f° 8, v°.

[3] Décret du 30 octobre 1793 ; AULARD, Actes, VIII, I20.

[4] Le Comité à Fouché, 30 octobre 1703, AULARD, VIII, 124. Barère à Fouché, 9 brumaire an II, AULARD, VIII, 124.

[5] Le Comité à Fouché, 30 octobre 1703, AULARD, VIII, 124. Barère à Fouché, 9 brumaire an II, AULARD, VIII, 124.

[6] Journal d'un bourgeois de Moulins. — Correspondance de Fouché avec les autorités de Moulins. 1793-1794. (Arch. départementales de l'Allier.)

[7] Registres du directoire de la Nièvre, L., 26, 163.

[8] Collot au Comité, 7 novembre 1793 ; AULARD, VIII, 287.

[9] BALLEYDIER, Hist. de Lyon. — A. DES ÉCHEROLLES, Une famille noble sous la Terreur. — GUILLON DE MONTLÉON. — MAURILLE, de Lyon, Les crimes des Jacobine de Lyon ; RAVERET, Lyon sous la Révolution ; METZCER, Lyon en 1793 ; VINGTRINIER, Bibl. de Coste (Pièces diverses) ; WALLON, Les représentants en mission ; MICHELET, la Révolution ; DE MARTEL, Types révolutionnaires, p. 249-565.

[10] Moniteur du 13 octobre 1793.

[11] Collot au Comité, 7 novembre 1793 ; AULARD, VII, 257.

[12] Il faut observer que Fouché prit des arrêtés qui n'ont pas tous un caractère révolutionnaire, tant s'en faut : il y a des arrêtés protégeant la propriété contre les réquisitions de l'armée révolutionnaire et des comités, d'autres préservant l'industrie des mûriers, etc., et cela dès brumaire. Cf., dans le Catalogue imprimé de la bibl. de Coste, la liste fort longue de ces arrêtés. — D'autre part, il rendait des services individuels, car il était serviable. La lettre du 11 ventôse an II, par laquelle il autorise un commerçant, Relloncyer, à poursuivre les affaires de sa maison, n'en est pas la seule preuve. (Bulletin d'autographes, 281, octobre 1897.)

[13] Citons cependant une phrase de GUILLON qui écrit en 1797 : ... Fouché qui par sa souplesse parait déjà vouloir esquiver l'exécration que cette complicité fait peser sur sa tête. (Mém. sur les troubles de Lyon.)

[14] Sources lyonnaises déjà citées.

[15] Cf. la violente note de MICHELET sur Fouché à Lyon.

[16] GUILLON DE MONTLÉON, II, 347, 358. Collot et Fouetté à la Convention, 10 novembre ; AULARD, VIII, 331. Guillon de Montléon, suspect souvent de passion contre révolutionnaire, est ici d'accord avec les journaux de Lyon !es plus révolutionnaires. Le Père Duchesne de Lyon s'apitoyait sur le baudet, obligé de jouer le rôle d'un misérable prêtre. Le rédacteur était Dorfeuille.

[17] Les représentants à la Convention, 10 nov. 1703 ; AULARD, VIII, 331.

[18] Collot et Fouché à la Convention, 10 novembre 1794 ; AULARD, VIII,  479.

[19] Instruction... Ville-Affranchie, Imprimerie républicaine. In extenso dans GUILLON DE MONTLÉON, t. II, p. 357-375.

[20] Arrêté portant établissement de la Commission temporaire, 23 brumaire an II. Ville-Affranchie, in-4°, an II.

[21] Pour tous les arrêtés, cf. Recueil des arrêtés pris, depuis le 2 brumaire jusqu'au 15 frimaire, par les représentants du peuple envoyés à Commune-Affranchie. A Commune-Affranchie, de l'imprimerie républicaine des représentants du peuple, an II de la République française. On en trouve un exemplaire aux A. N., F7 4435. Pour se rendre compte de la prodigieuse activité et de la variété d'occupations des proconsuls, cf. le Catalogue de la bibliothèque de M. Coste. On trouvera sous les n° de 4744 à 5039 près de 300 arrêtés manuscrits ou imprimés, dont plus de 200 sont des arrêtés, réquisitions, ordres et autorisations de Fouché du 20 brumaire au 17 Germinal an II (cinq mois).

[22] Arrêté portant démolition des édifices proscrits, 23 brumaire an II. (COSTE, I, n° 4784.)

[23] Recueil des arrêtés... et Bibliothèque de M. Coste. Arrêts de brumaire et frimaire. Sources déjà citées.

[24] Instruction..., déjà citée.

[25] GUILLON DE MONTLÉON et autres sources lyonnaises déjà citées, Fouché se plaignait amèrement à Chaumette du mouvement de réaction qui suspendait l'exécution de ses mesures dans l'Allier, qui ajournait celles qu'il allait prendre dans le Rhône. Fouché à Chaumette, 30 frimaire an II ; A. N., F7 4435. Il reste très antireligieux, car à l'heure même où nous le verrons enrayer à Lyon sur d'autres terrains, il continuera à frapper le culte. Cf. l'arrêté portant que les cultes des diverses religions ne pourront être exercés que dans leurs temples respectifs. 17 nivôse an II. (Bibl. de M. Coste, I, n° 4912.)

[26] Arrêté ordonnant une taxe révolutionnaire pour la suppression de la mendicité, le séquestre des biens d'aristocrates et la fabrication d'une seule espèce de pain, 24 brumaire. (Recueil, déjà cité, et Bibl. de M Coste, I. 4744.) — Cf. aussi Commune de Paris, conseil général, séance du 3 frimaire an II. Moniteur (réimpression). XVIII, 503.

[27] Arrêté du 19 brumaire. (Recueil déjà cité.)

[28] Instruction déjà citée.

[29] Recueil déjà cité.

[30] Sa réputation très spéciale de communisme était telle que l'on s'adressait à lui pour le féliciter de ses intentions à inviter la nation à aller jusqu'au bout, à s'emparer, par exemple, de tout le commerce, de toutes les manufactures, et à faire travailler pour son compte. C'était la nationalisation des moyens de production. Le citoyen Paillardelle au citoyen Fouché, an II. (COSTE, Aut. signé, I, n° 4912.)

[31] Collot et Fouché à la Convention, 5 frimaire an II ; AULARD, VIII, 709.

[32] Collot à Couthon, 12 frimaire an II ; AULARD, IX, 91.

[33] Fouché au Comité du salut public, 16 frimaire ; AULARD, IX, 169.

[34] Arrêté du 7 frimaire an II (Recueil déjà cité), et MARTEL, I, 384.

[35] DELANDINE, Hist. des prisons de Lyon sous la Terreur, et sources déjà citées ; BALLENDIER, GUILLON, MAURILLE, RAVERET, WALLON, MICHELET, DE MARTEL.

[36] Proclamation des représentants du 15 frimaire ; DE MARTEL, 396.

[37] Sources déjà citées. GUILLON, DELANDINE, WALLON, DE MARTEL.

[38] Fouché au Comité, 16 frimaire an II ; AULARD, IX, 232.

[39] Canot et Fouché au Comité, 22 frimaire an II ; AULARD, IX, 363.

[40] Pilot à son ami Gravier, 24 frimaire an II. (Papiers omis par Courtois.)

[41] Sources déjà citées.

[42] Fouché à Collot, AULARD, IX, 555.

[43] Fouché à Chaumette, 30 frimaire ; A. N., F7 4435.

[44] Les représentants à la Convention, 7 nivôse an II ; AULARD, IX, 713.

[45] Fouché à Collot, 16 nivôse an II ; AULARD, X, 76.

[46] Séance du Comité, 19 nivôse an II ; AULARD, X, 76.

[47] Le Comité à Fouché, 21 nivôse an II ; AULARD, X, 165.

[48] DE MONTLUC, le Conventionnel Méaulle ; la Révolution française, V, 519.

[49] DE MARTEL, I, 470.

[50] COURTOIS, Papiers...

[51] DE MONTLUC, Méaulle, déjà cité.

[52] Cet épisode raconté fort au long dans les Mémoires inédits de Gaillard se retrouve dans NOLHAC, Mém.

[53] Lettres du 29 nivôse, 27, 30 pluviôse, 21 ventôse.

[54] GUILLON DE MONTLÉON, t. II, 431.

[55] Rapport de Fouché, 16 ventôse an II, Commune-Affranchie, in-8°, 6 p. et autre édition, à Paris, 19 p., suivi du Supplément au rapport.

[56] Arrêté supprimant les 32 comités révolutionnaires ; 26 ventôse an II. (COSTE, I, 5006, Ms.)

[57] GUILLON DE MONTLÉON, III, 123

[58] Arrêté du 13 Germinal, MARTEL, 499, 504.

[59] Rapport de Fouché, déjà cité.

[60] Moniteur (réimpression), XX, 104.

[61] Le Républicain lyonnais, 10 germinal.

[62] Le 10 Germinal, un arrêté de Méaulle et Fouché avait dissous la Commission temporaire (COSTE, I, 5022).

[63] Pilot à Gravier, 17 Germinal (Lettre aut., Bibl. COSTE, II).

[64] En floréal, le Lyonnais Cadillot dénonçait à Robespierre Fouché et Collot comme ayant fait périr 6.000 victimes (GUILLON DE MONTLÉON).

[65] BARRAS, I, 180-181.

[66] Réquisition de la Commission temporaire (COSTE, 483, et DE MARTEL, I, 417).

[67] DE MARTEL, 419-420.

[68] Bibl. de M. Coste déjà citée.

[69] Fauché à Boisset, 21 frimaire an III : Antog. Cosme, I, 15862.

[70] Réflexions de Fouché sur les calomnies répandues contre lui. — Paris, 1795.

[71] LEVASSEUR, Mém., II, 9.

[72] BARRAS, II, 71-73.