LES CRIMES ET LES PEINES

 

CHAPITRE XI. — L'ANGLETERRE.

 

 

§ 1. — APERÇU DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE ET DE LA PROCÉDURE CRIMINELLE.

Le droit pénal de l'Angleterre est resté en dehors du mouvement général du droit européen. — Ce qui constitue son originalité propre. — Caractères de la législation anglaise. — Ses bases, son mode de formation, son incohérence. — Efforts faits pour l'améliorer. — Antique origine du jugement par jurés. — Juges ambulants. — Comment se fait l'enquête sur une mort accidentelle. — Jury d'accusation ; jury de jugement. — Causes de la fréquence des acquittements. — Absence de circonstances atténuantes. — Nécessité de l'unanimité des jurés. — Conseil de l'accusé ; témoins ; publicité des débats.— Prononciation de la sentence. — Les diverses juridictions. — Haute cour du parlement ; bill d'attainder. — Cour du banc au roi. — Tribunaux inférieurs. — Cours ecclésiastiques. — L'Angleterre a-t-elle jamais pratiqué la torture ? — Ce qu'était la peina forte et dure ; en quoi elle différait de la question ; ses effets judiciaires. — Anecdote relative à ce supplice. — Son abolition. — Résumé des vices de la législation criminelle de l'Angleterre.

 

Si l'on a prêté quelque attention au développement de ce livre, on a pu voir quelle marche ont suivie les principaux peuples européens pour arriver du jugement par les pairs au jugement par un tribunal étranger à l'accusé, de la procédure par voie d'accusation privée à la procédure par voie d'enquête, du système accusatoire au système inquisitorial.

Cette marche générale, l'Angleterre y est restée étrangère, et c'est là ce qui donne à son droit criminel et à sa pénalité une originalité propre. Elle n'a pas eu, comme les autres peuples modernes qui nous ont occupé jusqu'ici, à passer par la procédure de l'inquisition pour revenir lentement à son point de départ, au jugement par le jury, ce beau système qui, suivant un mot bien connu de Montesquieu, a été trouvé au fond des bois. Sûre de posséder, dans ce système, la garantie de l'indépendance et de la dignité de ses citoyens, elle s'y est attachée avec fermeté, ne l'abandonnant un moment, lorsque ses institutions parlementaires cédaient aux attaques du pouvoir monarchique, que pour y revenir bien vite, dès qu'une révolution le lui a permis.

C'est là ce qui nous a conduit à séparer la pénalité britannique de celle des peuples dont le droit criminel provient d'une fusion des éléments romains et canoniques. Le droit pénal de l'Angleterre a conservé jusqu'à nos jours sa vieille physionomie germanique : choix des juges, procédure, pénalité, tout en lui est germain ou anglais. Ce n'est pas à dire qu'il soit resté pur de tout mélange de droit romain ou inquisitorial. Mais, si l'on excepte les cours ecclésiastiques où ce droit a naturellement dominé, on peut dire que partout ailleurs il ne s'est introduit que par occasions et subrepticement. Les Tudor essayèrent d'implanter dans les lois criminelles la procédure par voie d'enquête et la torture, inconnue sous les Plantagenets. Mais la République repoussa ces innovations en désaccord avec les principes fondamentaux de la loi anglaise.

L'Angleterre a la religion du passé : rarement elle abroge ses lois ; elle préfère les laisser tomber en désuétude. Elle les applique aussi longtemps que le permet le progrès des idées et des mœurs. C'est ainsi qu'elle leur prête ce caractère vénérable et quasi sacré que donnent la tradition et l'usage immémorial. De là dans la procédure des formes surannées, dans la pénalité des sévérités barbares que repousse l'esprit moderne. De là aussi l'absence d'uniformité dans les lois civiles et criminelles. Le droit a deux bases : les statuts votés par le parlement, statute law, et la loi commune, common law, résultat de la pratique des cours judiciaires. Les jugements rendus, reporte of the cases, forment en ce moment environ quatre cents volumes : chaque année ajoute à ce total huit volumes nouveaux. De leur côté, les actes du parlement ne composent pas moins de quarante in-folios de mille pages chacun et comprenant quinze ou vingt mille bills dont beaucoup ont été abrogés en entier ou en partie par d'autres bills rendus à diverses époques. Aussi arrive-t-il parfois, comme cela s'est vu sous Georges II, que des juges, croyant appliquer la loi en vigueur, punissent des accusés en vertu d'une loi qui n'existe plus. Ce droit s'est formé par superpositions successives comme les couches terrestres. Chaque fait incriminé a son statut spécial ; chaque nuance du même fait amène ensuite un nouveau statut, et cela forme à la longue un amas confus de lois incohérentes et souvent contradictoires.

Dès 1808, l'illustre sir Samuel Romilly, et, après lui, sir James Mackintosch, sir Robert Peel, lord Saint-Léonard et lord Brougham ont essayé de porter la hache dans cette forêt inextricable à l'ombre de laquelle s'abrite et fourmille toute une légion de clercs, d'attorneys et de solicitors. C'est à lord Brougham surtout que revient l'honneur d'avoir fait pénétrer un peu de jour dans ces ténèbres. Il a même su conquérir parmi les gens de loi tout un parti dévoué à ses idées de réforme. C'est à lui qu'est dû le bill adopté au mois de mars 1853, qui a simplifié la procédure criminelle et réglementé la comparution et l'interrogation des témoins devant les cours de justice. C'est sous son impulsion aussi que les chambres ont entrepris, depuis quelques années, de réviser la législation, d'harmoniser et de mettre d'accord les statuts concernant chaque matière spéciale. Un comité de jurisconsultes, sous la direction du lord chancelier, est incessamment occupé à ce travail de révision, et chaque année il est présenté au parlement deux ou trois bills complets emportant abrogation absolue de toutes les lois antérieures sur les mêmes matières. C'est ce que les Anglais appellent consolider la législation. Mais les réformes sont excessivement lentes chez nos voisins ; la consolidation partielle des lois ne forme point un véritable code, et bien des années s'écouleront sans doute avant qu'ils aient mis à complète exécution la motion faite, le 15 février 1856, par M. Fitzroy Kelly à la Chambre des communes pour la réunion dans un seul bill de tout ce qui, dans le fatras des Anciens statuts, touche aux offenses contre les personnes, proposition modeste pourtant et qui est loin de remplir l'idée que nous nous faisons en France d'un système général d'instruction criminelle et de pénalité.

Le grand principe de toutes les législations barbares, le jugement par les pairs, est toujours resté debout en Angleterre. Les lois du Nord offrent l'embryon du jugement par jury dans la double institution des quidr, jurés d'enquête, et des domar, jurés assesseurs du juge. Ce principe du jugement par le jury régnait chez les Saxons bien avant l'invasion des Normands ; les coutumes d'Édouard le Confesseur le confirmèrent, Guillaume le Conquérant le respecta ; il fut consacré par les constitutions de Clarendon sous Henri II, par la grande charte sous Jean sans Terre. Cette charte promit une cour des plaids communs (curia communium placitorum) pour les affaires civiles ; mais dès le temps d'Alfred le Grand, selon les uns, de Henri II, selon les autres, un véritable jury d'examen statuait sur les affaires criminelles. Des témoins-arbitres, choisis parmi les francs-tenanciers du pays, avaient dès lors remplacé les anciens compurgateurs qui étaient moins les témoins impartiaux du fait que des amis voués à la défense de l'accusé.

Des juges ambulants, justitiarii itinerantes, analogues aux missi dominici de Charlemagne, venaient à des époques déterminées, dans chaque comté, faire une enquête sur les crimes. Ils recevaient les dénonciations, ils condamnaient les accusés qui s'avouaient coupables, ils ordonnaient pour les autres l'épreuve de l'eau et du feu. La poursuite avait lieu le plus ordinairement à. la requête de l'offensé ou de l'un de ses proches. Si les preuves étaient insuffisantes, le duel décidait entre les parties. Nous reviendrons tout à l'heure sur cette forme de procédure aujourd'hui tombée en désuétude mais non effacée des lois anglaises.

L'enquête se faisait avec l'assistance de témoins-arbitres qui constituaient une sorte de chambre de mise en accusation. Dans le principe, on remit souvent à ce jury le soin de prononcer la sentence. Mais, dès 1221, on voit fonctionner un jury de jugement distinct de celui d'accusation. A partir de cette époque, l'accusé put éviter le duel en se soumettant au jugement des jurés. En 1305, Édouard In, le Justinien de l'Angleterre, ordonna que les deux jurys ne pourraient jamais être composés des mêmes personnes, et, d'après un statut d'Édouard III, le jury d'accusation dut être pris dans tout le comté et celui de jugement dans le canton où le crime avait été commis, dans ce qu'on appelait la centaine.

L'absolutisme, qui monta sur le trône avec les Tudor, porta de graves atteintes à cette libérale institution. Henri VII confia aux juges ambulants et aux juges de paix le pouvoir de juger sans jurés les crimes peu graves ; il établit la chambre étoilée, composée de membres de son conseil, qui connaissait, sans le concours du jury, des délits restés en dehors du droit commun et condamnait sur la déposition d'un seul témoin. Ce tribunal d'exception, arme terrible entre les mains de Henri VIII et d'Élisabeth, considérait la mutilation comme un châtiment plus exemplaire que la mort elle-même en ce qu'il est indélébile, et il l'appliquait surtout aux gens de lettres. En 1636, sous Charles Ier, un jurisconsulte, Prynne, auteur d'un écrit sur les désordres de la cour, fut conduit devant la chambre étoilée. Il avait eu déjà les oreilles coupées pour un premier pamphlet. Je croyais, dit le président, que M. Prynne n'avait plus d'oreilles ; il me semble qu'il lui en reste encore. Et pour complaire la curiosité des juges, un huissier s'approcha du prévenu, écarta ses cheveux et mit à découvert ses oreilles mutilées. Milords, dit Prynne, que Vos Seigneuries ne s'offensent point ; je ne demande à Dieu que de vous donner des oreilles pour m'écouter[1]. Ces indignes railleries des juges, ces froides barbaries surexcitèrent le fanatisme des puritains. Charles Ier fut contraint de sanctionner l'acte du long Parlement qui, en 1641, supprima la Chambre étoilée : Mais il fallut que sa tête tombât sons la hache du bourreau et que le pays subit une restauration pour conquérir, avec l'acte de l'habeas corpus, la garantie légale du jury contre toute surprise ou intimidation et son indépendance complète au regard de la magistrature[2].

Depuis cette époque, aucune atteinte sérieuse, n'a été portée au principe du jugement par jury, et l'on ne s'est préoccupé à diverses époques que du soin de perfectionner l'institution. On verra tout à l'heure qu'il reste encore beaucoup à faire sur ce point.

Disons maintenant comment, depuis un temps immémorial, fonctionne la justice criminelle de l'Angleterre.

Tout particulier témoin d'un acte de félonie ou d'un trouble quelconque apporté à la paix publique est tenu, sous peine d'amende, d'arrêter le coupable. Mais les officiers publics particulièrement investis de cette mission, et qui peuvent s'en acquitter sans un ordre ou warrant, sont les juges de paix, les shérifs et les constables.

Le coroner est chargé des enquêtes sur mort accidentelle ; il ne peut opérer que sur le vu du cadavre. Son premier soin est de le remettre entre les mains d'un homme de l'art qui en fait l'autopsie ; puis il désigne, parmi les gens de condition honnête qu'il a sous la main, des jurés d'enquête dont le nombre varie de douze à seize. Ce n'est là qu'un jury spécial pour l'affaire, destiné seulement à recueillir les premières informations, et il né doit être confondu ni avec le jury d'accusation ni avec celui de jugement. Si le meurtrier est désigné par la voix publique et reconnu dans cette enquête préliminaire, il est de suite, en vertu d'un writ de capias, arrêté par le shérif qui est tenu de le représenter aux prochaines assises. L'habeas corpus, garantie de la liberté individuelle des citoyens, ne peut être invoqué en pareil cas[3]. La poursuite se fait alors au nom de la couronne.

Mais dans un grand nombre de cas, comme lorsque la mort accidentelle n'a point été l'objet d'une enquête faite par le coroner, lorsqu'il s'agit de crimes non capitaux ou de délits considérés comme portant seulement atteinte à l'intérêt privé, la poursuite n'a point lieu au nom de la couronne. Elle ne se charge ni de la recherche du criminel, ni de l'instruction du procès, ni des dépenses qu'il entraine. Elle ne fait que prêter son nom aux poursuites criminelles. Il n'y a point, comme en France, de ministère public qui prenne en main les 'intérêts de la partie lésée. C'est à cette partie elle-même à se pourvoir en justice. A son défaut, il faut qu'il se rencontre un homme de bien qui dénonce le crime ou le délit, et le poursuive en son nom privé, à ses risques et périls, et avec la perspective de supporter en cas d'échec des frais considérables[4]. Cette rencontre est rare dans un pays où l'abnégation et le dévouement au prochain ne sont pas les vertus dominantes. La loi, il est vrai, a pris soin d'encourager les dénonciations et les poursuites privées en accordant au poursuivant une récompense et même, dans certains cas, une indemnité pour ses peines et la perte de son temps[5] Mais ces avantages sont insuffisants pour déterminer un citoyen à se charger du soin coûteux de la vindicte publique. Les résultats de pareilles institutions sont faciles à deviner : c'est d'abord l'impunité de beaucoup de crimes. La loi est faite pour les voleurs, disait sir Samuel Romilly. C'est ensuite l'impossibilité pour les pauvres d'obtenir justice ou réparation.

En cela se trahit le vice radical, l'irrémédiable plaie de la justice anglaise. Pleine de ménagements et d'immunités pour le riche, elle est dure et inaccessible au pauvre. L'argent semble son unique mobile ; sans argent, point de procureur qui soutienne la cause du pauvre, lésé dans sa personne ou dans ses droits, point d'avocat qui défende l'accusé innocent, point de témoins qui déposent en sa faveur, car on ne nomme jamais d'avocat d'office et les frais entraînés par le déplacement des témoins à décharge sont au compte de l'accusé.

Le droit pénal de l'Angleterre est si essentiellement féodal, qu'il n'a point encore formellement répudié la procédure par voie d'appel, cette base première du droit barbare. Le fils dont le père a été assassiné, la femme dont le mari a été victime d'une félonie, peuvent appeler le meurtrier devant la justice, sans que cette dernière intervienne autrement que pour prononcer le jugement ou ordonner l'épreuve par le duel judiciaire si elle le juge nécessaire. On a vu en 1817 le gant de bataille jeté dans une affaire criminelle, et le combat octroyé par la cour aux deux adversaires.

L'appel une fois formé, la partie lésée peut seule en arrêter les conséquences ; seule elle peut faire grâce au délinquant : le roi même ne le peut pas. Jusqu'à Henri IV, les parents de l'homme assassiné, aussitôt après la condamnation, traînaient le meurtrier au pied du gibet, où ils le livraient au bourreau. Depuis Édouard Ier, en cas d'acquittement de l'appelé, l'accusateur doit lui payer une forte amende et subir un emprisonnement d'un an. Même peine pour ses garants[6]. De là l'abandon graduel des appels. Nous ne croyons pas qu'il en existe un seul exemple depuis quarante ans. On sait maintenant comment les crimes sont poursuivis en Angleterre : voyons comment ils sont jugés.

Les assises se tiennent à Londres une fois par mois et dans les comtés quatre fois par an. Elles sont présidées à tour de rôle par un des quinze grands juges composant les cours des plaids communs, du banc du roi et de l'échiquier ou par un sergent ès lois, son délégué. Ces juges ambulants se rendent dans les comtés porteurs d'une commission royale qui leur donne le droit de juger en toute matière de trahison, de félonie ou de délit, et de faire examiner par jury ordinaire tous les délinquants détenus dans les geôles. Par ce moyen toutes les prisons sont vidées quatre fois par an et les prévenus échappent au fléau de la détention préventive à durée illimitée. C'est pour cela que les assises étaient appelées autrefois cours d'oyer et terminer et de general gaol delivery, évacuation générale des prisons[7].

Le jury d'accusation est choisi parmi les hommes les plus considérables du comté, dans ce qu'on appelle la gentry. C'est des rangs de la gentry que sortent aussi presque tous les juges de paix. Cette aristocratie secondaire se trouve par là investie d'une influence considérable et dont on a cherché plus d'une fois à prévenir l'abus. Le jury d'accusation ou grand jury prête serment entre les mains du recorder ; il reçoit les accusations privées et celles qui lui sont déférées au nom du roi ; il examine tous les dossiers qui lui sont remis, mais il entend rarement les témoins. S'ils sont convaincus de l'existence du fait incriminé, les grands jurés écrivent au revers du bill : l'accusation est vraie. La partie est alors indicted ou en état d'accusation. La déclaration du grand jury ou indictment se borne à résumer les griefs imputés au prévenu[8] ; il forme la base de la procédure suivie devant le jury de jugement.

Ce dernier est composé de douze jurés tirés au sort sur une liste dressée par le shérif. Il n'y a pas de jurés supplémentaires, ce qui conduit à expédier les affaires avec une grande rapidité, par la crainte qu'une maladie subite n'amène l'empêchement d'un des titulaires. Un acte du parlement, en date du 22 juin 1825, a modifié et réuni en une seule loi tous les statuts relatifs au jury. Il a pris soin de déterminer les motifs, en très-petit nombre, qui peuvent autoriser les récusations exercées par la couronne ; l'accusé jouit seul du droit de récuser jusqu'à vingt jurés sans avoir à alléguer aucun motif. Il en est autrement dans les affaires politiques, lorsqu'il s'agit de trahison ou de conspiration contre l'État. Qui n'a entendu parler des jurys triés et des graves suspicions dont ils étaient l'objet ? On n'use plus guère de ces jurys spéciaux en Angleterre, où ils révolteraient la conscience publique, et où les crimes politiques sont devenus excessivement rares, mais l'Irlande en subit toujours le funeste régime. Ils diffèrent du jury commun en ce que l'attorney général et l'accusé peuvent, sans donner aucun motif, récuser à eux deux jusqu'à moitié du nombre total des jurés inscrits sur la liste et surtout par le soin quel et le shérif à trier ceux qu'il y porte.

L'accusé est amené à la barre, et on lui fait lecture de l'indictment ; après quoi on lui demande s'il se reconnaît coupable. S'il répond affirmativement, tout est dit ; on ne procède point aux débats : la maxime non auditur perire volens n'étant point admise en Angleterre.

Il n'existe point de pays où les acquittements soient aussi nombreux, aussi scandaleux, aussi effrayants pour la sécurité publique. Ces verdicts indulgents, rendus au mépris de l'évidence, ne tiennent point à un motif d'humanité, mais à des causes diverses et propres à la législation anglaise. En tête de ces causes il faut placer sans doute l'excessive rigueur des peines, rigueur dont nous parlerons dans le paragraphe suivant, et qui s'est aujourd'hui singulièrement adoucie ; mais on doit signaler surtout l'absence du principe des circonstances atténuantes et l'unanimité imposée aux jurés. Aucun terme moyen n'existant entre l'acquittement et l'abandon de l'accusé à toutes les rigueurs de la loi, le jury, dans les cas douteux ou lorsque la peine lui parait excessive, penche invariablement pour la clémence. L'unanimité qu'on exige de lui, et qu'on prétend obtenir par une sorte de torture physique, en forçant les dissidents à se plier à ra.vis de la majorité, produit le même résultat.

D'après une loi très-ancienne et non abrogée, le juge président peut retenir les jurés dans leur box, sans boire ni manger, sans feu ni lumière, et cela jusqu'à ce qu'ils soient unanimes pour condamner ou pour absoudre. Cette étrange disposition paraît empruntée à un article de la bulle d'or. Aujourd'hui, dans la pratique, quelques tempéraments sont apportés à ces rigueurs. Quelquefois même quand, après plusieurs jours, les jurés ne sont pas parvenus à se mettre d'accord, l'affaire est renvoyée à la session suivante. On cite des causes politiques où plusieurs jurys successifs n'ayant pu se mettre d'accord, l'attorney général a dû, pour en finir, abandonner l'accusation. Mais ces cas sont fort rares. Pressés de retourner à leurs affaires ou à leurs plaisirs, indifférents pour la plupart à l'intérêt collectif, les jurés se font de faciles et rapides concessions desquelles sort presque toujours l'acquittement de l'accusé. Grand encouragement pour les voleurs et les délinquants de toute espèce, qui, outre les difficultés de la poursuite, ont encore en leur faveur la faiblesse notoire et la complicité morale des jurés ! Aussi lord Kingsdown disait-il à la chambre des lords, en 1859, qu'il vaudrait mieux abolir l'institution du jury que de la maintenir telle qu'elle est, et le grand chancelier, lord Campbell, proposait-il de substituer la simple majorité à l'unanimité[9], motion dans laquelle l'esprit ombrageux de nos voisins a vu une atteinte à l'indépendance et au libre fonctionnement du jury.

L'Angleterre a toujours respecté le principe de la publicité des débats, première garantie de toute bonne justice. Mais c'est seulement sous Édouard VI et sous Marie qu'il fut définitivement permis de citer des témoins pour l'édification des jurés, et les accusés n'obtinrent longtemps que par une faveur spéciale le droit d'assigner un témoin à décharge. Ce droit leur est aujourd'hui reconnu, mais à la condition, comme nous l'avons dit, qu'ils pourront payer les frais de déplacement de ces témoins.

Jusqu'en 1824 la loi anglaise, d'accord en cela avec les anciennes lois françaises, refusait aux prévenus l'assistance d'un conseil. Pour convaincre un accusé, disait Édouard Coke, les preuves doivent être tellement claires qu'elles ne soient susceptibles d'aucune contradiction. Napoléon Ier, chose curieuse à noter, était du même avis. Les plaidoiries sont aujourd'hui autorisées, mais elles sont toujours très-courtes, et comme elles coûtent assez cher et qu'on ne nomme jamais d'avocat d'office, la grande majorité des prévenus reste sans défenseur[10].

Aussitôt après le verdict rendu, s'il entraîne le supplice capital, le juge se couvre de son bonnet noir et dit au condamné : Il me reste à prononcer la terrible sentence de la loi. La cour ordonne que vous serez reconduit à la prison pour en être extrait tel jour et conduit au lieu du supplice pour être pendu par le cou et étranglé jusqu'à ce que mort s'ensuive. Dieu veuille avoir pitié de votre âme ! Vous n'avez plus rien à espérer de la clémence des hommes.

Nous en avons maintenant dit assez pour que le lecteur se fasse une idée nette de la manière dont les crimes commis par des coupables de rang ordinaire sont poursuivis et jugés en Angleterre. Les procès des criminels d'un rang élevé, princes, pairs ou membres de la chambre des communes, ressortissent de la haute cour du parlement. On nomme bill d'attainder le bill en vertu duquel les deux chambres jugent et condamnent sans s'astreindre aux règles ordinaires et sans intervention du jury.

Au-dessous de cette cour vient celle dite du banc du roi, dernier débris de l'ancienne aula regia et dans laquelle on a réuni tout ce qu'il y avait de bon et d'utile dans la juridiction de la chambre étoilée, créée par Henri VII[11]. Ses juges sont les coroners suprêmes du royaume : elle peut défendre aux autres juridictions de poursuivre les procédures commencées ; elle peut aussi, comme elle l'a fait dans le procès d'O'Connell, s'en emparer et les soumettre, soit à sa propre barre, soit dans le comté où le crime a été commis, aux jurés tirés de ce comté[12].

Des tribunaux inférieurs connaissent des félonies d'importance secondaire, des transgressions, des violences et de certains larcins. La cour des quarter sessions siège une fois par trimestre en chaque comté. Elle est tenue par deux juges de paix assistés de jurés : c'est une sorte de tribunal de police correctionnelle. Le tribunal dit des pieds poudreux juge les rixes, les filouteries et autres délits commis sur les champs de foire.

Les tribunaux ecclésiastiques, seules cours où le droit romain ait toujours dominé, ont joui longtemps du droit exclusif de connaître des crimes commis par les clercs, et des attentats portés par des laïques à la religion et aux mœurs. Sous ce rapport leur juridiction. ne différait pas notablement de celle de toutes les cours de chrétienté au moyen âge. En Angleterre, comme dans tous les pays catholiques, les crimes de lèse-majesté divine, l'hérésie, l'apostasie, le sacrilège, la sorcellerie étaient punis de la peine du feu. Le writ de hæretico comburendo s'appliquait même au blasphème, pénalité plus dure que celle de la France[13] ; la loi commune se chargeait d'exécuter la sentence ecclésiastique. Depuis 1832, les cours épiscopales ont subi une refonte qui, sans être complète, en change absolument la physionomie. Le pouvoir encore reconnu à ces tribunaux, quoique tombé en désuétude, d'infliger des peines pour les crimes de diffamation, d'adultère, d'inceste, etc., leur a été formellement enlevé. Ils ont perdu, en 1857, la juridiction en matière de divorce.

L'Angleterre se vante d'avoir toujours repoussé la torture. Cependant on montre encore à la tour de Londres une machine construite vers le milieu du quinzième siècle par ordre des ducs d'Exeter et de Suffolk, ministres de Henri VI, et qui était évidemment destinée à mettre les prévenus à la question. Ces hommes d'État, dit Blackstone, avaient formé le dessein d'introduire la loi civile dans ce royaume comme règle à suivre par le gouvernement[14]. La loi civile, dans la bouche du célèbre commentateur, signifie ici le droit romain et le système inquisitorial, chers à tous les gouvernements absolus et bien autrement favorable que la common law à l'omnipotence royale. Sous Henri VIII, le lieutenant de la tour, Skevington, imagina une autre machine qui, au lieu de détendre les membres comme celle d'Exeter, les reployait violemment et rendait le corps du patient rond comme une boule[15]. On a conservé de nombreux warrants ordonnant la torture et décernés sous les règnes de Henri VIII, de Jacques VI et même de Charles Ier. L'un de ces warrants est signé d'Élisabeth et ordonne de mettre à la question les domestiques du duc de Norfolk.

Tous ces faits sont incontestables ; mais les jurisconsultes anglais ont grand soin de remarquer qu'ils ne prouvent rien en faveur de l'usage légal de la torture. Elle ne fut jamais appliquée que comme moyen d'État, nous empruntons les expressions de Blackstone, jamais comme moyen d'instruction judiciaire. Ce n'était pas en vertu de la loi, mais en vertu de la toute-puissance royale qu'elle était ordonnée. Aussi n'en trouve-t-on plus de trace à partir de la République. En 1628, à l'occasion de l'assassinat du duc de Buckingham, l'impopulaire favori de Charles Ier, il fut proposé, dans le conseil privé, de mettre John Felton, son assassin, à la question, pour qu'il révélât ses complices. Les juges consultés déclarèrent unanimement que les lois anglaises n'admettaient pas un pareil moyen de procédure.

Mais, à défaut de la question, la législation anglaise a employé, presque jusqu'à nos jours, un moyen de coercition qui, pour l'atrocité, ne le cède en rien à la torture judiciaire. C'est ce qu'on appelait la peine forte et dure, supplice qui remonte à Édouard Ier. On appliquait cette peine à tout prévenu qui refusait d'accepter le débat devant les jurés, car, par une étrange extension des principes du droit germanique, le jury ne pouvait juger un accusé que si ce dernier acceptait sa juridiction.

Celui donc qui refusait de répondre devant le jury était couché nu, le dos sur la terre, dans un cachot noir. On le chargeait d'un poids de fer aussi pesant qu'il pouvait le supporter et même plus ; ce sont les termes des jurisconsultes anglais. Il restait alternativement un jour sans boire et un jour sans manger. Pour toute subsistance on lui donnait, le premier jour trois morceaux du pain le plus grossier, le second pur trois verres de l'eau stagnante qui se trouvait le plus près de la porte de la prison, et ainsi alternativement jusqu'à ce qu'il mourût[16]

L'existence du condamné soumis à ce régime, c'est un fait que l'expérience a démontré, pouvait se prolonger jusqu'à quarante jours, mais jamais au delà[17], encore fallait-il qu'il n'eût pas à souffrir l'énorme compression dont nous venons de parler. Cette charge d'un poids de fer, ou, selon l'expression consacrée, la pression jusqu'à la mort, fut inventée sous Henri IV comme une mesure dictée par une sorte de compassion, dit Blackstone, et pour délivrer plus tût le prisonnier de ses tourments.

Si ce n'est pas là la torture, il faut avouer que cela y ressemble beaucoup. La seule différence est dans le but. La torture se proposait d'obtenir de l'accusé un aveu contre lui-même, la peine forte et dure de lui faire accepter la juridiction du pays et de le punir du mépris qu'il semblait afficher pour elle. Mais toutes deux avaient des résultats, sinon semblables, au moins analogues. Soufferte sans aveu, la question innocentait l'accusé. La peine forte et dure, soufferte jusqu'à en mourir, laissait le nom du patient pur de toute flétrissure. Il n'encourait ni la dégradation féodale, ni la corruption du sang, corruption of the blood. Sa fortune passait à ses héritiers. Mais pour cela, il fallait qu'il souffrit la peine jusqu'à la mort e, tout mis en balance, l'avantage de l'humanité reste encore du côté de la torture.

Pour sauver leur famille des fatales conséquences de la corruption du sang, d'illustres coupables acceptèrent ce long martyre. On cite à ce sujet une aventure dramatique dont le héros est un thane d'une ancienne famille du nord de l'Angleterre[18].

Dans un accès de jalousie, il avait tué sa femme et précipité des créneaux de son château ceux de ses enfants qui étaient chez lui. Il lui en restait un, le plus jeune, nourri dans une ferme voisine. Aveugle de fureur, enivré par le sang, le thane court à cette ferme, résolu à tuer ce dernier enfant. En route, il est surpris par un orage. Le ciel s'assombrit, des éclairs livides déchirent la nue ; le meurtrier s'arrête ; les ténèbres, les bruits sinistres des grands bois qui l'entourent, le fracas de la foudre le frappent de terreur. La nature tout entière a pris une voix pour l'accuser. Il a peur ; ses cheveux se hérissent ; ses victimes sont là autour de lui ; il entend leurs cris ; il sent vaguement peser sur lui de grands yeux fixes qui le regardent. Il veut fuir et se sent cloué à sa place par une main invisible. Il tombe à genoux ; il essaye de crier grâce. Alors une révolution soudaine transforme le misérable, une lumière traverse les ténèbres de son âme. Il voit clairement la route que lui trace le ciel. Ce dernier enfant qui lui reste et que son supplice va ruiner et déshonorer, il faut qu'il le sauve à la fois de l'infamie et de la ruine. Il songe à la peine forte et dure, expiation pour lui, moyen de salut pour son enfant, voie ouverte pour échapper à une condamnation flétrissante. Son parti est pris : il court au-devant du shérif qui le cherche, et dans le noir et infect cachot, nu sur la terre, en proie aux étreintes de la faim et de la soif, lentement étouffé sous la masse de fer qui lui broie la poitrine, inébranlable. dans son mutisme farouche, il subit jusqu'à la mort l'affreuse torture de la presse.

La peine forte et dure fut implicitement abolie vers la fin du siècle dernier par un statut du règne de Georges III, aux termes duquel tout individu appelé à la barre, qui fusait de répondre à l'accusation, devait être considéré comme convaincu.

Des principes absolument contraires régissent aujourd'hui la jurisprudence criminelle de l'Angleterre. Le silence obstiné du prévenu est considéré non comme un aveu, mais comme une dénégation de son crime. La procédure pénale a passé subitement de l'excès de la rigueur à l'excès de l'indulgence. La loi semble avoir peur de trouver des coupables. On évite, dans le cours des débats, d'interroger le prévenu sur les circonstances du crime, afin de ne pas ramener à se faire son propre dénonciateur. Souvent même, quand il veut prendre la parole pour se justifier, on l'avertit charitablement de se taire et de ne pas. prêter lui-même des armes à l'accusation. Jamais d'Interrogatoire captieux, jamais de pièges tendus à l'accusé. On ignore chez nos voisins ce que c'est qu'un débat bien conduit ; le juge président n'exerce aucune pression sur l'esprit des jurés ; point de faits habilement groupés, point de déclarations antérieures du prévenu opposées à ses déclarations actuelles ; Point de résumé partial, point de coup de théâtre. La vérité ne sort pas toujours de ce système d'interrogation ; mais, quand elle en sort, c'est par la seule force de l'évidence. La justice ne fait jamais l'office de l'ancien tortionnaire.

Telle est en raccourci cette organisation judiciaire et cette procédure pénale dont la Grande-Bretagne est si fière et que plusieurs nations ont en partie copiée. Les libertés de l'Angleterre, dit orgueilleusement Blackstone, subsisteront aussi longtemps que ce palladium restera sacré et inviolable.

Il est juste d'apporter quelques restrictions à ce pompeux éloge. Le jury d'accusation que notre constitution de l'an VIII avait admis et qui n'a jamais pu se naturaliser en France, est une institution d'un mérite contestable et qui soulève les plus sérieuses objections. Les jurys spéciaux prêtent le flanc à de légitimes suspicions d'arbitraire ; les jurys ordinaires statuent souvent avec trop de précipitation. Il n'y a en Angleterre ni concentration de pouvoirs, ni police générale, ni véritable ministère public[19]. Les intérêts de la société y sont sacrifiés au respect pour l'individu. Chaque municipalité fait sa police à sa guise : ce n'est même que depuis 1856 qu'elle est obligée d'en avoir une suffisante et inspectée aux frais de l'État. La procédure a été simplifiée dans les dernières années, la pénalité a été adoucie. Mais dans un grand nombre de cas, ceux de larcin notamment, les peines sont restées d'une exagération barbare. Le fouet sévit encore dans l'armée et dans les prisons ; la peine n'atteint pas également tous les coupables ; elle est souvent laissée à l'appréciation du juge. Ce dernier hésite souvent à appliquer un châtiment dont la sévérité est disproportionnée avec le délit ; le droit de commuer la peine qui lui appartient dans beaucoup de cas crée à son profit un pouvoir discrétionnaire immense, et cette puissance arbitraire du magistrat forme une choquante anomalie avec la libre procédure par jurés.

§ 2. — LES CRIMES ET LES PEINES.

Délimitation du sujet...-. Court historique du privilège clérical ; son extension à toute personne sachant lire ; marque au pouce avec un fer rouge pour reconnaître ceux qui l'ont une fois réclamé. — Extension de Ce privilège aux illettrés ; sa conversion facultative en peines diverses ; fustigation, déportation.— Nombreux crimes exclus de ce privilège.— Rigueur de la loi anglaise ; elle prodiguait la peine de mort. — Abus dérivant de cette rigueur. — Haute et petite trahison. — Félonies. — Mans- laughter et murder. — Supplice de Thomas Blount. — Confiscation ; corruption du sang, ses conséquences. — Dernière application de la peine de la haute trahison. — Peine de la petite trahison. — Félonies diverses, mayhem, suicide. — Félonies bizarres. — Abrogation d'un grand nombre de cas spéciaux de félonies. — Pénalité du vol ; grand larcin. — Conséquence de l'exagération de la pénalité. — Peine commune de toutes les félonies capitales. — Comment se fait l'exécution. — Cadavres des suppliciés. — Mutilations ; peines ignominieuses. — Système pénitentiaire de l'Angleterre. — La déportation, les convicts. —Régime pénal des colonies pénitentiaires. — Vile de Norfolk. —La déportation en Australie devenue impossible. — Opposition des colonies ; ses causes ; embarras du gouvernement anglais. — Invention des peines secondaires. — Prisons anglaises ; leur ancien état ; pénitenciers. — Punitions corporelles ; le fouet dans les prisons et dans l'armée. — Résumé.

 

Nous voulions d'abord nous borner à présenter dans ce chapitre l'état de la pénalité anglaise à la fin du siècle dernier, c'est-à-dire. au moment où le droit criminel des principales nations européennes se modifie sous l'influence du dix-huitième siècle et de la Révolution française. C'est en effet à la date de 1789 que nous arrêtons ces études ; le tableau de la pénalité moderne n'entre pas dans notre plan. Mais le droit criminel de l'Angleterre se forme, nous l'avons dit, par superpositions successives. Dans son long développement il n'a pas rencontré, comme celui de la France, un jour de remaniement général, une heure où toutes ses parties aient été violemment désagrégées, les unes rejetées pour toujours, les autres épurées, refondues avec des éléments nouveaux d'après un plan harmonique et unitaire. Aussi est-il impossible de rendre la physionomie de sa pénalité à une époque déterminée, si on ne la rattache par quelques traits à son passé et à son état actuel. Pour comprendre l'aspect de ce grand fleuve à un point quelconque de sa course, il faut parfois examiner d'où il vient et où il va, jeter un coup d'œil en amont et en aval, sur sa source et sur son développement ultérieur.

Nous parlerons d'abord du privilège clérical qui joue un si grand rôle dans l'histoire de la pénalité anglaise et qui en a si longtemps mitigé la barbarie.

On sait que, d'après le droit canon, les prêtres ne sont point soumis à la justice séculière, même pour les crimes de droit commun, tels que le meurtre où le vol. Ce privilège, longtemps contesté en Angleterre, y fut enfin admis sous le règne de Henri VI. Le clerc, même après son aveu devant le juge, même après le verdict du jury, pouvait réclamer le bénéfice de clergie, et cette réclamation arrêtait aussitôt le jugement. Il était alors livré à l'ordinaire, c'est-à-dire au tribunal de l'évêque qui procédait à une nouvelle instruction suivant le droit canonique, dont la principale règle, comme on sait, est de ne jamais verser le sang. Il se mettait ainsi à l'abri d'une condamnation capitale[20].

Comme, à l'époque où le statut de Henri VI fut rendu, il n'y avait guère que les clercs qui sussent lire, l'usage s'établit de considérer comme clerc autorisé à réclamer le privilège clérical toute personne sachant lire. Mais, après la découverte de l'imprimerie, l'instruction se vulgarisant, on fit une distinction entre les ecclésiastiques et les gens lettrés. On statua que ces derniers ne pourraient invoquer qu'une seule fois l'avantage d'être jugés en cour de chrétienté, et qu'au second crime par eux commis, ils seraient, comme les laïques illettrés, soumis à la loi commune. Puis, pour reconnaître ceux qui avaient une fois réclamé ce privilège, on les marqua d'un fer chaud à la partie charnue du pouce de la main gauche. Quant aux laïques illettrés, on continua de les pendre, selon l'usage. Les pairs et tes pairesses, lettrés ou illettrés, eurent seuls droit de réclamer le privilège clérical sans subir la flétrissure de la marque au pouce, et c'est ainsi qu'en 1776 la duchesse de Kingston, convaincue de bigamie, échappait à la condamnation capitale que lui eussent infligée les juges séculiers.

La reine Anne étendit ce privilège aux gens illettrés, jugeant avec raison que l'éducation, loin d'atténuer la culpabilité, l'aggrave au contraire. Enfin, un statut de Georges III permit aux juges de substituer, selon les cas, à la flétrissure par le fer chaud, des peines plus fortes mais non indélébiles, telles que l'amende, la fustigation et même la déportation.

Au commencement de ce siècle, le privilège clérical s'appliquait aux ecclésiastiques pour tous leurs crimes ou délits successifs, et aux pairs et pairesses pour la première offense seulement. Quant aux individus des autres classes, ils étaient, pour la première offense, déchargés de la peine capitale, dans les cas de félonie susceptibles du privilège clérical, mais avec la condition de la marque au pouce. Le juge avait le droit de convertir cette marque en peines diverses, et 'cette conversion est-encore aujourd'hui sous-entendue dans plusieurs cas. Pour le grand larcin, crime capital, la peine substituée était celle de sept ans de déportation dans les colonies pénitentiaires de l'Australie. Le privilège clérical n'était acquis qu'à ceux qui le réclamaient expressément. C'était, à vrai dire, une sorte de fiction légale, un subterfuge dicté par l'humanité pour abaisser le degré de la pénalité et tempérer l'excessive ligueur des anciennes lois criminelles. Des statuts précis ont fait directement dans ces trente dernières années ce que ce privilège opérait par un moyen détourné.

Un très-grand nombre de crimes étaient exclus du bénéfice de clergie. Rien de plus dur que la loi anglaise : elle prodiguait la peine de mort. Le dernier supplice était infligé, pour des crimes d'une infinie variété, par une multitude de statuts successifs, indépendants les uns des autres. Au temps où Blackstone écrivait, vers 1770, on ne comptait pas moins de cent soixante actions caractérisées crimes de félonie sans privilège clérical, ou, en d'autres termes, de crimes méritant d'être punis de mort immédiate[21].

Ce vaste système d'incrimination, loin de diminuer les coupables, les multipliait au contraire. La partie lésée, par un sentiment d'humanité, s'abstenait souvent de dénoncer le délit ; les jurés hésitaient à rendre un verdict de culpabilité dont ils connaissaient les terribles conséquences ; les juges enfin, contraints d'appliquer la loi, en modéraient souvent la rigueur en provoquant de nombreuses commutations. Les réformes et les adoucissements apportés par sir Robert Peel et lord Brougham dans la pénalité, n'ont point fait entièrement disparaître ces abus. En 1834, sur 480 condamnés à la peine capitale, 34 seulement ont été exécutés. En 1837, sur 438 condamnations à mort, on ne compte que 8 exécutions capitales[22]. La conséquence naturelle de cet état de choses est la multiplication des crimes : les malfaiteurs redoublent d'audace, enhardis qu'ils sont par toutes ces chances d'échapper aux rigueurs de la pénalité.

On va voir jusqu'où allait cette sévérité au moment où commença la réforme dont nous venons de parler. Un mot d'abord sur la définition des crimes au point de vue des lois anglaises.

Ces lois restèrent profondément féodales au milieu du mouvement démocratique qui, dès le milieu du siècle dernier, entraîna les législations des nations continentales et de la réaction contre le droit criminel existant alors en Europe. Pour un Français qui tient à pénétrer l'esprit de ces lois, la première préparation n'est pas la lecture de Coke, de Blackstone ou de Delolme, c'est celle de notre vieux Picard Beaumanoir et des Établissements de saint Louis. Veux-t-on savoir par exemple ce qu'elles appellent trahison. Elles qualifient ainsi, non-seulement la révolte ou la conspiration du sujet contre le souverain, mais tout attentat commis par l'inférieur contre la vie, la liberté, la propriété ou l'honneur du supérieur qu'il devait garder ou défendre.

Il y a petite trahison quand un domestique tue son maître, une femme son mari, un ecclésiastique son supérieur.

La félonie comprend tous les crimes au-dessous de la trahison. Il importe, quand on lit les jurisconsultes anglais, de ne pas perdre de vue cette définition un peu élastique.

Le signe auquel on reconnaissait autrefois la félonie, c'est qu'elle entraînait la confiscation, c'est-à-dire la réunion des biens du félon à ceux de son seigneur suzerain. Mais, dit Blackstone, l'idée de félonie est tellement liée avec celle de la peine capitale, qu'il est difficile de les séparer, en sorte que, quand un statut met un crime au nombre des félonies, il suppose que la peine de ce crime doit être la potence ainsi que la confiscation, à moins que le criminel ne réclame le privilège clérical, que tout félon doit obtenir une fois, quand le statut n'a pas arrêté expressément le contraire[23].

L'homicide est une félonie. On distingue entre le mans-laughter qui est le meurtre sans préméditation ou par cas fortuit, et le murder qui est l'homicide prémédité. Un ouvrier tue un camarade dans une rixe publique, en chaude mêlée, comme on disait en France au temps de saint Louis, un mari brûle la cervelle de l'homme qu'il surprend en criminal conversation avec sa femme, un couvreur laisse, sans crier gare, tomber du haut d'un toit une tuile qui tue un homme, dans tous ces cas il y a mans-laughter : le coupable a mérité la mort, mais, grâce au privilège clérical, le châtiment est réduit fictivement à la marque au pouce et à la confiscation. C'est à titre de commutation de ces peines que le magistrat prononce l'amende, la prison, la déportation, etc.

Le meurtre volontaire et réfléchi ne jouit pas de cette immunité. Quand le jugement a lieu par voie d'appel, sur la poursuite de l'offensé ou de ses proches, le roi lui-même n'a pas le droit de pardonner au meurtrier. Mais, pour que l'homicide soit un meurtre, il faut que l'homme frappé meure dans l'an et jour après le coup reçu ou la cause première de sa mort.

La peine de la haute trahison était la plus hideuse comme la plus effroyable qui se puisse imaginer. Elle n'a d'égale en cruauté raffinée que celle qu'on infligeait autrefois en France aux régicides. Ouvrez Lingard, et lisez, si vous en avez le courage, l'horrible exécution de Thomas Blount, ancien chapelain de Richard II, mis à mort sous Henri IV.

Il fut d'abord pendu, mais on coupa bientôt la corde et on le fit asseoir sur un banc devant un grand feu. L'exécuteur vint ensuite avec un rasoir à la main, et, s'agenouillant devant sir Thomas, dont les mains étaient liées, il lui demanda pardon de sa mort, forcé qu'il était de remplir son devoir. Sir Thomas lui demanda : Êtes-vous la personne chargée de me délivrer de ce monde ? Le bourreau répondit : Oui, monsieur ; je vous prie de me pardonner. Et sir Thomas l'embrassa et lui pardonna sa mort. Le bourreau se mit à genoux et lui ouvrit le ventre, coupa les boyaux au-dessous du passage de l'estomac et lia le reste avec un cordon, afin que le vent du cœur ne pût s'échapper, et il jeta les boyaux au feu. Sir Thomas était alors assis devant le feu, le ventre ouvert et ses entrailles brûlant devant lui. Sir Thomas Erpyngham, chambellan du roi, insultant à Blount, lui dit avec dérision : Allez chercher un maitre qui puisse vous guérir. Blount répondit seulement : Te Deum laudamus ! Béni soit le jour où je suis né et béni soit celui dans lequel je vais mourir pour le service de mon souverain seigneur, le noble roi Richard ! L'exécuteur se mit à genoux devant lui, l'embrassa de la plus humble manière, et bientôt après lui coupa la tête et divisa son corps en quartiers[24].

Le célèbre Édouard Coke, premier juge du banc du roi sous Jacques Ier, et qui fut, au dire de ce prince, l'instrument le plus commode pour un tyran qu'ait jamais produit l'Angleterre, Coke a prétendu établir que les différentes parties de cet atroce châtiment sont autorisées par divers exemples tirés de l'Écriture sainte[25]. Les parlementaires français, qui s'ingéniaient à inventer pour Ravaillac quelque chose de plus cruel que l'écartèlement et le plomb fondu versé dans les plaies faites par des tenailles ardentes, invoquaient eux aussi la tradition et les vieux livres[26]. Dans les crises politiques, quand leurs passions ou leurs intérêts sont en jeu, les hommes sont partout les mêmes ; ils sont bien aises de mettre à l'abri d'un texte antique ou sacré, que presque toujours ils torturent, leur férocité et leur bassesse naturelles.

En Angleterre comme en France, la peine du crime de haute trahison réfléchissait sur les héritiers de la victime. C'est déjà beaucoup qu'on leur permette de vivre, écrivait au treizième siècle le criminaliste Bracton. Les biens étaient confisqués, le nom flétri, le sang déclaré corrompu. La corruption du sang avait pour effet de couper tout lien entre les enfants du coupable et les auteurs de celui-ci, en sorte que les enfants n'héritaient pas de leur grand-père : c'était le suzerain qui succédait à ce dernier.

C'est en 1746, après la malheureuse expédition de Charles Édouard en Écosse,‘ que ce supplice fut appliqué pour la dernière fois. Le duc de Cumberland le fit infliger, dans tous ses détails barbares, aux principaux partisans du prétendant, faits prisonniers à Culloden. Le roi, dit Blackstone, peut dispenser de toutes les parties de ce châtiment, à l'exception de la peine d'avoir la tête tranchée ; ce qu'il fait souvent, surtout quand le condamné est d'un sang noble[27].

La décence, le cant, ne permettaient pas que le corps d'une femme fût publiquement exposé et mis en quartiers. Mais l'humanité n'y gagnait pas grand'chose. Jusqu'à Georges III, on a brûlé les femmes convaincues de haute trahison. Un statut du règne de ce prince a substitué à ce supplice celui du traînement sur la claie et de la potence.

La même peine s'appliquait au crime de petite trahison, c'est-à-dire au meurtre d'un maitre par son domestique, d'un mari par sa femme, d'un supérieur ecclésiastique par son inférieur. La petite trahison avait été exclue du bénéfice de clergie par un statut du règne de Henri VII.

La loi anglaise, comme celle de Solon, n'avait pas et n'a point encore de peine spéciale contre le parricide. Ce crime était assimilé au simple meurtre, à moins que l'assassin ne fût en même temps le domestique de son père. Il était alors puni, non comme parricide, mais comme coupable de petite trahison.

Blackstone, nous l'avons dit, comptait déjà en 1770 plus de cent soixante cas distincts de félonie exclus du privilège clérical, et cette liste a continué de grossir jusqu'au moment où des hommes politiques, dont quelques-uns vivent encore aujourd'hui, ont commencé d'adoucir les rigueurs de la pénalité. Le meurtre prémédité, l'incendie, le viol, la bigamie, le rapt, ce que les Anglais appellent voler une héritière en l'emmenant de force et l'épousant, étaient des félonies exclues du bénéfice de clergie[28]. Le mayhem menait aussi à la potence. Ce terme comprend toutes les mutilations ayant pour résultat de diminuer les forces d'un homme ou son aptitude au combat. Couper l'oreille ou le nez n'est point un mayhem, ce n'est que défigurer un homme ; mais lui abattre un doigt, lui crever un œil, lui casser une dent de devant sont des mutilations qui diminuent son énergie virile et par suite des félonies.

Le suicide aussi était une félonie. Le felo de se était flétri par la sépulture ignominieuse donnée sur le grand chemin à son cadavre percé d'un pieu ; tous ses biens meubles et chattel étaient acquis au roi. Mais, sous le triste ciel de l'Angleterre, le suicide est une maladie endémique. Les jurés le mettaient presque toujours sur le compte de la folie, et sauvaient par là l'honneur du coupable et la fortune de ses enfants.

Certains cas de félonie étaient des plus bizarres, d'autres attestaient la barbarie de la pénalité. Entrer déguisé dans les ateliers de la monnaie, se promener masqué dans un bois ou sur une grande route, abattre méchamment un arbre dans le jardin d'autrui, mutiler des bestiaux, c'étaient là autant de félonies capitales.

Ces étrangetés mettent à nu le vice du mode de formation des lois anglaises. Chacune de ces dispositions avait été prise sous l'empire d'une circonstance extraordinaire et transitoire ; elle était restée en vigueur longtemps après que l'événement qui lui avait donné naissance était effacé de la mémoire des hommes. En 1828, sous le ministère de lord Goderich, un de ses collègues, le marquis de Lansdowne, fit admettre un statut qui révoqua d'un seul coup cinquante-sept de ces lois spéciales et barbares, et qui forme une sorte de code de la pénalité afférente aux principaux crimes contre les personnes. L'année précédente, des statuts, dus à sir Robert Peel, avaient réglé les châtiments applicables aux principaux attentats contre les propriétés. Ceci nous amène à dire un mot de la pénalité du vol.

Il faudrait un long chapitre, rien que pour en esquisser l'histoire. Tandis que chez nous le vol sans circonstances aggravantes est depuis longtemps considéré comme simple délit, et soumis seulement aux peines correctionnelles, nos voisins, au contraire, ont toujours appliqué au larcin une sorte d'échelle pénale, graduant les châtiments selon la nature et la valeur des objets volés. Les anciennes rois saxonnes punissaient de mort le grand larcin, et appelaient ainsi tout vol au-dessus de douze pence. Ces lois étaient encore en vigueur au commencement de ce siècle, bien que, selon la remarque de Blackstone, douze pence n'eussent pas alors, à beaucoup près, la valeur qu'elles avaient huit cents ans auparavant, au temps du roi Athelstan. On éleva ensuite à 40 schellings la valeur que l'objet volé devaient atteindre pour que sa soustraction entraînât la peine capitale. Une loi du 21 juin 1827 a considérablement adouci cette pénalité. Toutefois, dans certains cas, comme lorsqu'il est accompagné d'escalade ou d'effraction, le vol est encore puni de mort. D'autres lois rendues le même jour ont frappé d'une peine semblable l'incendie de bâtiments habités, le bris de machines dans une manufacture, le fait de causer des naufrages par de faux signaux dans le but de profiter des épaves. Le vol d'objets servant au culte et le sacrilège sont aussi punis du dernier supplice, mais ces crimes ne relèvent plus des cours ecclésiastiques, dont les attributions ont été notablement amoindries.

Quoique beaucoup plus douces que celles qu'elles ont remplacées, ces lois n'en sont pas moins très-rigoureuses, et quelques-unes de leurs dispositions ont déjà été modifiées. Un mouvement très-prononcé, nous l'avons dit déjà, porte aujourd'hui les jurisconsultes et les membres éclairés des deux chambres à réviser et à consolider la législation pénale. On s'est aperçu que l'impunité était le résultat de l'exagération des peines et qu'il y avait là un véritable péril pour la société. Placés dans l'alternative de se souiller d'un meurtre légal ou de laisser le crime impuni, les jurés penchent presque toujours pour ce dernier parti. Ceux de Londres, dans une pétition du 6 septembre 1831, signalaient la nécessité de distinguer les crimes contre la propriété de ceux qui portent une atteinte plus violente à l'intérêt social ; ils s'appuyaient sur leur propre expérience et signalaient les cas où ils avaient préféré l'impunité du coupable à l'application de lais trop rigoureuses. Une autre pétition, du 26 février 1833, signée de 5.330 personnes, disait énergiquement que la certitude de la punition constitue seule son efficacité et que cette certitude manque en Angleterre, où l'on fait si souvent grâce aux condamnés, et où le triage de quelques victimes pour être offertes en holocauste à la loi est du plus déplorable effet. Enfin, dès 1830, mille banquiers avaient demandé l'abolition de la peine de mort en matière de faux, en se basant sur ce que l'excessive sévérité de la loi exposait leur fortune aux plus grands dangers.

C'est à ces manifestations d'opinion que sont dus les actes du parlement qui ont aboli la peine de mort pour vol de chevaux et de bestiaux, pour vol domestique, pour fausse monnaie et même pour crime de faux, à l'exception du faux en matière de testaments, de pleins pouvoirs de procureurs, et de cession de fonds publics[29].

Passons à la nature des peines applicables aux félonies.

Le seul 'supplice capital pour ces crimes est depuis longtemps la potence. La hache est réservée à la haute trahison et, en général, à tous les crimes commis par les princes ou par les membres des deux chambres, et jugés par le parlement. Ainsi, le vieux principe de la différence du supplice selon le rang des coupables subsiste encore en Angleterre. On conserve à la Tour de Londres la hache et le billot qui servirent au supplice des deux femmes d'Henri VIII, condamnées sous le prétexte de haute trahison. Mais depuis longtemps aucune tête illustre n'est tombée sous la main du bourreau. Lorsqu'en 1820, les ministres de Georges IV sollicitèrent de la chambre des lords l'arrêt qui devait condamner la reine Caroline de Brunswick comme coupable d'adultère ; ils ne demandèrent point sa mort, mais seulement sa dégradation et son divorce.

L'exécution se fait ordinairement sur un balcon très-élevé, ouvrant sur une rue ou place publique et dépendant de la prison où le condamné est renfermé. La strangulation s'opère subitement par le mouvement dune trappe de fer qui forme le plancher du balcon et qui glisse sous les pieds du patient. Un seul bourreau, l'habile Calcraft, suffit pour toute l'Angleterre. Autrefois les exécutions avaient lieu le surlendemain du jour où la sentence était rendue, à moins que ce surlendemain ne fût un dimanche ; mais aujourd'hui on accorde au condamné un temps suffisant pour qu'il puisse exercer son recours en grâce.

En France, la société semble avoir honte de la triste besogne qu'elle va faire et chercher à la dissimuler le plus possible en l'accomplissant dans quelque coin perdu, éloigné du centre de la ville, à une heure indue, aux lueurs incertaines du crépuscule. Rien de semblable à Londres. La vieille barbarie saxonne regarde en face l'échafaud ; elle lui fait fête, elle l'entoure d'ardentes curiosités et de colères. C'est d'ordinaire à huit ou neuf heures du matin, selon la saison, que se passe le sinistre drame. Le son lugubre de la cloche de la prison dont le battant est enveloppé d'un crêpe, convoque les curieux autour de l'échafaud, au pied duquel les constables et les sous-shérifs armés de leur canne à Pomme d'or, maintiennent l'ordre. Les mœurs anglaises, évidemment, ne reculent pas comme les nôtres devant l'œuvre de mort ; la société ne doute pas encore de ses droits ni de l'utilité de l'exemple qu'elle donne au peuple.

Dans le court et terrible intervalle qui sépare la sentence de l'exécution, le condamné est nourri au pain et à l'eau. En France, il est rare qu'on ne lui offre pas la suprême consolation d'un peu de vin et d'un repas qui relève ses forces et son courage. La colère de la société, si tant est que la société ait encore de la colère contre le crime, cette colère semble tomber au moment où commence l'expiation. Chez les Anglais, elle est implacable jusqu'à la fin ; naguère encore elle s'acharnait au cadavre. Quand le criminel était un voleur fameux, le juge pouvait ordonner au shérif de faire pendre, après la mort, le corps du supplicié par des chitines, afin qu'il restât exposé aux regards du public. Le corps du meurtrier devait être disséqué publiquement[30]. Aujourd'hui les cadavres des suppliciés sont encore abandonnés au scalpel des chirurgiens, ceux des gens morts dans les hôpitaux ne pouvant servir à cet usage. Ce respect pour la dépouille mortelle du pauvre nuit singulièrement au progrès des sciences médicales e de l'anatomie, mais il part d'un sentiment qu'on ne peut qu'approuver.

Les mutilations ont aujourd'hui disparu de la pénalité anglaise. La marque même ne s'applique plus que dans l'armée et pour cause de désertion. Au temps de Blackstone et jusqu'aux derniers règnes, on coupait encore les mains et les oreilles des voleurs de grand chemin, on fendait les narines à certains coupables, on les marquait d'un fer chaud à la joue, on les introduisait dans une cage qu'on plongeait dans l'eau[31]. Les peines ignominieuses, au dire du jurisconsulte que nous venons de citer, étaient surtout imposées pour les crimes qui naissent de l'indigence : naïf et terrible aveu ! Telles étaient les peines du fouet, des travaux forcés dans les maisons de correction ou ailleurs, du pilori, des fers aux pieds, du cachot noir.

Le juge pouvait faire appliquer le fouet dans tous les cas de félonie susceptibles du privilège clérical. Il pouvait le faire infliger jusqu'à trois fois de suite, soit en public, soit dans la geôle ; mais, dans ce dernier cas, en présence de deux témoins. Quand la personne fouettée était du sexe féminin, ces témoins étaient des femmes.

Les châtiments corporels ne sont point encore entièrement effacés de la pénalité anglaise. La peine de la fustigation est encore prononcée contre les coupables impubères. Dans les prisons et dans les colonies de transportation le fouet sévit encore avec dureté.

Le système pénitentiaire anglais comprend la déportation, les pontons, les maisons de pénitence, celles de correction et les prisons proprement dites. Rien de plus rare qu'une condamnation à la prison pour plus d'une année. Au delà des petits délinquants, la législation pénale saute brusquement d'un an de prison à sept ans de déportation ; elle verse alors ses criminels sur la Nouvelle-Hollande.

Là les condamnés sont, pour la plupart, en qualité d'engagés (assigned servants), distribués entre les colons[32], lesquels, manquant de bras, les acceptaient naguère avec empressement ; ils fermaient et ferment souvent encore les yeux sur leurs désordres. Mais tel est l'état de démoralisation auquel sont arrivés les convicts, c'est le nom qu'on donne aux déportés, que, malgré le nombre des délits qui demeurent couverts par l'impunité, le bras de l'exécuteur ne se repose jamais. En 1835, sur une population de 28.000 convicts on a compté 22.000 condamnations sommaires dans la Nouvelle-Galles. Pour les transportés que le gouvernement se charge lui-même d'occuper, le fouet est le moyen répressif par excellence. Le plus petit acte d'intempérance ou d'insubordination est puni de cinquante coups de fouet distribués avec l'inexorable exactitude de la consigne, sans égard pour l'état de santé du patient. Dans cette même année 1835, en un mois, deux cent quarante-sept condamnés avaient reçu neuf mille sept cent quatorze coups de fouet, ce qui donnerait un total de cent seize mille cinq cent soixante-huit coups pour l'année. Les fers et le travail public sur les routes, l'emprisonnement avec travail forcé, la réclusion solitaire sans travail, au pain et à l'eau, complètent, en ce qui concerne les délits, le régime pénal des colonies pénitentiaires.

Pour les crimes, le châtiment est la mort ou la détention dans l'île de Norfolk. C'est une déportation dans la déportation. Là les condamnés travaillent enchaînés, livrés au fouet pour la moindre infraction à la règle ; ils couchent dans des baraques où ils n'ont pas plus de dix-huit pouces d'espace par individu, et où ils ne peuvent ni se tenir debout ni s'étendre. On en a vu couper la tête à quelqu'un de leurs camarades dans le seul but d'abréger leurs propres souffrances en méritant le dernier supplice.

Mais la transportation à Norfolk est un châtiment exceptionnel appliqué aux seuls déportés qui se rendent coupables de crimes. La majorité des convicts, au contraire, jouit d'un sort très-doux. Ceux qui servent chez les colons comme artisans, comme bergers ou comme domestiques, arrivent rapidement à se créer une vie facile et même indépendante. Ils travaillent très-peu le jour et passent une partie de la nuit dans d'ignobles orgies[33]. Aussi l'idée de la transportation a-t-elle cessé d'effrayer les malfaiteurs en Angleterre, et l'on a vu des criminels avouer effrontément après leur condamnation qu'en commettant un vol ils avaient eu surtout pour but de s'assurer un passage gratuit en Australie.

On peut assurer aujourd'hui que cette vaste expérience de la déportation commencée il y a plus de soixante-dix ans et par laquelle l'Angleterre se flattait d'avoir résolu le problème le plus difficile qui puisse préoccuper l'homme d'État, a misérablement échoué. Cette peine a cessé d'en être une, en ce qu'elle n'effraye plus le coupable, et, ce qui est plus grave, elle soulève une vive opposition dans les colonies pénitentiaires qui refusent maintenant de laisser débarquer les convicts et menacent, si on ne les débarrasse de cette écume impure, de se séparer de la mère patrie. La découverte des mines d'or, en détournant vers l'Australie les flots de l'émigration, a, en effet, complètement modifié les idées et les besoins des colonies. Les convicts dont les bras étaient jadis recherchés, ne sont plus aujourd'hui qu'un embarras et un danger. Déjà le gouvernement a dû suspendre l'envoi des condamnés à la terre de Van-Diémen et diriger les plus coupables sur la forte station militaire qu'il possède aux Iles Bermudes. En 1853, il a fait voter par les deux chambres un bill qui lui donne le droit d'employer, au profit de l'État, dans les pénitenciers et dans les arsenaux, les individus condamnés à un exil de moins de quatorze ans. Les criminels frappés d'un exil plus long seront seuls déportés et dirigés exclusivement sur l'Australie occidentale, tant que de nouvelles colonies pénitentiaires n'auront pas été créées[34]. Les juges hésitent même aujourd'hui a appliquer cette peine aux condamnés à long terme et l'on a dû inventer un régime nouveau de pénalité, dit système des peines secondaires (secondary punishments), lequel s'applique aux récidivistes libérés avec un pardon conditionnel avant l'expiration de leur temps[35].

Telle est aujourd'hui l'état des colonies anglaises de déportation. On voit qu'on est loin de songer à y abolir le système des châtiments corporels qu'on regarde au contraire comme plus nécessaire que jamais. Jetons maintenant un coup d'œil sur les prisons de la Grande-Bretagne.

Aucune description ne saurait donner une idée du hideux spectacle qu'elles présentaient avant la généralisation du système pénitentiaire. En 1834, Newgate était encore une sentine d'immoralité, une école de débauche que l'on ne pouvait Visiter sans horreur. Là, comme dans le Saladero de Madrid et dans la plupart des prisons d'Espagne, hommes et femmes vivaient et dormaient ensemble, dans une promiscuité infâme, sans classification de crimes ni d'âges. Voici bientôt deux cents ans, disait en 1837 un journal anglais, le Law magazine[36], que cette prison placée sous la surveillance du lord-maire et des aldermen de la cité de Londres, brave la décence et outrage l'humanité. Point d'instruction religieuse, toutes les fureurs des passions déchaînées ; le jeu, l'ivresse, l'assassinat ; un enfer où pénètrent sans cesse, du dehors, le receleur, la fille publique et l'escroc.

Au commencement de la session de 1837, la chambre des communes décida, sur la proposition de lord Russell, qu'à l'avenir Newgate ne renfermerait plus que les prévenus et que les condamnés seraient placés dans la prison de Milbank, pénitencier régi par un système mixte mélangé de ceux d'Auburn et de Philadelphie, c'est-à-dire d'emprisonnement solitaire et de réunion silencieuse. Les deux systèmes, dans toute leur pureté, isolement absolu ou travail en commun dans un profond silence, furent essayés dans plusieurs établissements modèles, en particulier dans les prisons de Glascow et de Cold-Bath-Fields. Le célèbre bill, connu sous le nom de bill tes pauvres pour l'Irlande, qui fut adopté en 1838, malgré l'opposition d'O'Connell, créa d'un seul coup cent 'pénitenciers ayant chacun une dotation de 175.000 francs à payer par les contribuables irlandais. Partout où l'on a voulu établir la discipline du silence, elle a motivé des corrections nombreuses et souvent atroces. En 1836, à Cold-Bath-Fields, où deux cents détenus, énorme faute ! étaient alors employés comme moniteurs ou plutôt comme Surveillants du silence de leurs compagnons, le chiffre des punitions s'éleva à 5136 pour une population de 900 détenus.

Encore aujourd'hui, malgré les nombreux perfectionnements introduits par l'Angleterre dans le régime de ses prisons, elle n'a pas renoncé aux punitions corporelles. Au mois de février 1862, nous parlons d'hier, un membre de la chambre des communes, M. Hadfield, a proposé un bill pour la suppression de la fustigation. Sir G. Grey a répondu qu'il ne s'opposait pas à la présentation du bill, mais qu'il désirait qu'il fût bien entendu que son adhésion n'atteint pas le principe en vertu duquel les châtiments corporels ne peuvent être abolis dans tous les cas. La présentation du bill a été autorisée, mais bien des années s'écouleront peut-être avant son adoption définitive.

Cette ignoble peine du fouet autorisée dans les prisons, l'est aussi dans les écoles publiques, dans la marine et dans l'armée.

Le soldat anglais se recrute par voie d'embauchage dans les rangs infimes de la société ; il n'a aucune espérance de monter en grade. Une distance infranchissable le sépare de son officier, dont le titre est acheté à beaux deniers comptants. De là la nécessité d'une discipline drawnienne. Telle est la férocité de la discipline militaire, dit un Américain jugeant les lois pénales de l'Angleterre, qu'un soldat, condamné au fouet, demande souvent nue sa sentence soit changée en un arrêt de mort[37]. Le terrible chat à neuf queues est fait de telle façon qu'il enlève la chair par lambeaux. Cinquante coups de ce cruel instrument suffisent fréquemment pour amener la mort. Ceux qui survivent à cet affreux traitement et dont un tel supplice ne dégrade pas complètement l'âme, en conservent un ressentiment profond. Ainsi s'expliquent ces assassinats d'officiers par leurs soldats, si fréquents dans l'armée britannique.

Nous en avons dit assez maintenant pour qu'on apprécie, au moins dans leurs lignes principales, les institutions pénales de l'Angleterre. Un principe barbare, un irrémédiable vice d'origine est en elles. Les adoucissements qu'on apporte à cette pénalité, les modifications partielles qu'on lui impose au milieu de tant d'obstacles et de résistances, ne servent qu'à mieux faire voir la nécessité en même temps que l'impossibilité d'une refonte générale. On peut la peindre par une image : un vêtement du moyen âge qu'on n'ose ni porter tel qu'il était ni remplacer par un nouveau, mais qu'on soumet à force retouches assorties au goût moderne, sans parvenir à en dissimuler la trame usée et la forme surannée.

 

 



[1] Guizot, Hist. de Charles Ier, t. I, p. 216, édit. in-8°.

[2] Voy. art. de M. Chauffour dans la Revue de législation, 1847, t. IV.

[3] Ce droit, si cher aux Anglais, a été établi en 1680, sous Charles II. Il est regardé comme fondamental chez nos voisins et comme le boulevard de la liberté de la nation. Quiconque se croit arrêté injustement peut le réclamer en s'adressant au lord chancelier ou à l'un des juges du banc du roi. Tout citoyen emprisonné doit être interrogé dans les vingt-quatre heures et relâché sous caution jusqu'à ce que son procès lui soit fait ; il a même droit à une indemnité pécuniaire s'il est démontré qu'il a été arrêté injustement. Le parlement a coutume de suspendre l'habeas corpus dans les temps de troubles, mais pour un certain temps, et en confiant au roi le pouvoir de s'assurer, pendant ce temps seulement, des personnes suspectes. C'est ainsi que l'habeas corpus a été suspendu en Angleterre neuf fois depuis 1715. Il fut suspendu en Irlande en 1848.

[4] Qu'on lise ce que raconte à ce sujet M. Aurèle Kervigan :

Un horrible assassinat avait été commis dans un comté et tous les soupçons se portaient sur un certain homme. Les magistrats s'adressèrent à un procureur du pays, et lui représentèrent qu'un attentat si grave ne devait pas être négligé (textuel). Le procureur se laissa persuader et instruisit la poursuite. Il cita vingt témoins à comparaître, obtint la condamnation du coupable, reçut les compliments de la cour, et, en fin de compte, se trouva en perte de 40 livres sterling (1000 fr.). L'Angleterre telle qu'elle est, t. I, p. 270.

[5] Voy. Blackstone, t. VI, p. 156 et 276.

[6] Voy. Blackstone, t. VI. p. 192 et 195.

[7] Voy. Blackstone, t. VI, p. 117.

[8] Voy. Blackstone, t. VI, p. 120.

[9] Voy. le livre déjà cité de M. Kervigan, t. I, p. 192.

[10] Il reste, il est vrai, aux accusés le droit d'appel à la chambre des lords, mais il entraîne des frais si énormes qu'il est inaccessible à la plupart des intéressés. Il coûte environ 150.000 fr. Cette chambre est d'ailleurs au-dessous de sa mission comme cour d'appel. En 1856, lord Derby, en constatant cette insuffisance, proposa de lui adjoindre des jurisconsultes éminents. Un bill conforme à ces conclusions fut même soumis à la chambre haute par le lord chancelier, mais il échoua dans celle des communes. Quand les conseils de l'accusé, sans nier la culpabilité, critiquent seulement l'application de la peine, le président, peut d'office en référer à la cour entière des quinze juges d'Angleterre, qui siège à Westminster-hall.

[11] Blackstone, t. VI, p. 110, et t. IV, p. 92.

[12] Au mois d'avril 1838, lord William Somerset, accusé d'avoir causé la mort d'un voiturier et de sa femme en effrayant le cheval de leur voiture à coups de fouet, fut déclaré coupable par le jury. La qualité du prévenu s'opposant à ce qu'il fût condamné par une cour de justice ordinaire, il fut renvoyé devant la cour du banc du roi.

(Moniteur universel français du 4 mai 1838.)

[13] Houard, t. IV, p. 654. Ce writ a été abrogé dès la fin du dix-septième siècle par un statut qui abolit la peine du bûcher pour les hérétiques.

[14] Commentaires, t. VI, p. 211.

[15] M. A. du Boys, Droit criminel de l'Angleterre, d'après l'ouvrage intitulé : Théâtre des cruautés des hérétiques de notre temps, traduit en français, Anvers, 1588.

[16] Fleta, liv. I, tit. XXIV, § 33.

[17] Blackstone, t. VI, liv. IV, ch. XXV, p. 213.

[18] Note de Christian, commentateur de Blackstone, t. VI, p. 210.

[19] L'attorney général n'use du droit qu'il a de poursuivre d'office devant tous les tribunaux les crimes commis dans le royaume que dans des cas très-rares et seulement quand il s'agit de crimes politiques.

[20] Cette instruction se faisait devant l'évêque en personne ou son délégué, et par un jury de douze ecclésiastiques. L'accusé était requis d'attester son innocence par serment et de fournir douze garants confirmant la vérité de son dire. Cette attestation des compurgateurs avait presque toujours pour résultat l'acquittement du prévenu. (Blackstone, t. VI, p 286.)

[21] Commentaires, t. V, p. 219.

[22] Revue britannique de décembre 1835 et février 1839.

[23] Commentaires, t. V, p. 358.

[24] Hist. d'Angleterre, traduit par Roujoux, t. IV, note de la p. 430.

[25] Institutes du droit anglais, III, inst. 2.

[26] Voy. ce que nous avons dit sur ce point dans le chapitre précédent ; voy. aussi Michelet, Henri IV et Richelieu, p. 206.

[27] Commentaires, t. V, p. 350.

[28] La loi de juin 1828, due à lord Lansdowne, et dont nous parlons plus loin, a aboli la peine de mort pour les crimes de rapt et de bigamie. En cas de duel, cette peine peut encore être appliquée, même aux témoins ; mais la clémence royale intervient presque toujours.

[29] Voy. Revue de législation et de jurisprudence, dirigée par N. Wolowski,  t. II, p. 116.

[30] Blackstone, Commentaires, t. VI, p. 302.

[31] Blackstone, Commentaires, t. VI, p. 303.

[32] Voy. la note 8, à la fin du volume.

[33] Il y a, bien entendu, des exceptions, mais elles sont rares. On cite des convicts menant une vie honnête et arrivés même à la fortune. Ceux-là refusent presque tous de retourner en Angleterre après le temps fixé pour leur peine. Ils préfèrent rester dans leur nouvelle patrie où les mœurs sont indulgentes et où leur faute ne laisse point de tache sur leurs enfants.

[34] Notre cadre ne nous permet pas de traiter à fond les diverses questions soulevées dans les pages qui précèdent. On peut consulter sur ces questions M. Charles Lucas, de la Réforme des prisons, t. III ; un article de M. Léon Faucher dans la Revue des Deux-Mondes du 1er février 1843, et l'Annuaire de cette revue de 1853-54, p. 322.

[35] L'Angleterre telle qu'elle est, p. 264. Ce système est un avortement. Les peines secondaires sont prononcées dix, vingt, trente fois contre une foule de criminels.

[36] Voy. Revue britannique de février 1837.

[37] Emerson, English Traits. Voy. Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1856.