LES MAÎTRESSES DU RÉGENT

LES GRANDES MAÎTRESSES

 

III. — MADAME D'ARGENTON.

 

 

 

Voici enfin une vraie maîtresse du Régent, qui fut à lui, bien à lui, toute à lui, au rebours de plus d'une, que nous verrons bientôt n'être au duc d'Orléans que lorsqu'elle ne sera pas aux autres[1].

Elle trouva moyen d'aimer et d'être aimée avec prudence, avec modestie, presque avec pudeur, et d'échapper à la médisance dans la situation du monde qui y prête le plus. En se donnant tout entière, elle eut la noble ambition de posséder le duc d'Orléans tout entier, et en le possédant, de le rendre meilleur, plus sensé, plus ferme, plus digne de son rang et de sa fortune. En même temps, elle cherchait elle-même, par toutes les grâces, par tous les mérites compatibles avec un état dans lequel il n'est point de vertus, à relever jusqu'au respect une situation aussi méprisée qu'enviée.

Si le monde en effet put, en dépit de ses efforts pour le cacher, lui découvrir un amant, il ne put pas du moins lui en trouver deux, et cette réserve était presque de la sagesse à une époque si dévergondée que, tout le monde y étant vicieux, il fallait bien y chercher des degrés et des rangs jusque dans le vice. Enfin elle a mérité qu'on puisse lui appliquer le philosophique éloge de Chamfort : M.... disoit de mademoiselle *** qui n'étoit point vénale, n'écoutoit que son cœur, et restoit fidèle à l'objet de son choix : c'est une personne charmante et qui vit le plus honnêtement qu'il lui est possible, en dehors du mariage et du célibat.

Marie-Louise-Victoire Le Bel de La Bussière[2] de Séry, fut une des plus charmantes dans cette troupe charmante des filles d'honneur, institution tout italienne et toute Médicis, que Louis XIV, qui savait si bien unir en tout la grâce à la force et la galanterie à la majesté, avait encore embellie, et dont il fit comme la décoration vivante, comme la souriante parure de la royauté.

Elle fut, avec la pauvre Loube, avec mademoiselle de Grammont, avec ces trois ou quatre autres jeunes tilles de qualité qui s'épanouissaient comme un bouquet de roses autour de l'épineuse Madame, de ces chasses, de ces promenades sur l'eau à la lueur des fusées, de ces retours aux flambeaux, de ces cortèges triomphants ondoyant sotie les majestueuses avenues, de ces festins, de ces concerts, de ces ballets olympiens, de cet automne brillant du règne, pareil à un second printemps, qu'inaugure la sémillante duchesse de Bourgogne, et que termine comme un brusque hiver madame de Maintenon.

Elle fut de ce suprême Décaméron, toujours joyeux, mais un peu mêlé déjà, qui éclaire d'une dernière échappée du soleil d'autrefois, la vieillesse de la monarchie, dont le prince de Conti, madame la Duchesse, mademoiselle Chouin, Monseigneur le Dauphin, quand il ne chassait pas, M. le duc d'Orléans, quand il ne soupirait pas, étaient les héros ; dont Clermont fut le Lauzun dégénéré, dont madame de Caylus fut la La Fayette et dont Gatien de Courtilz fut le Bussy.

Madame aimait ce gracieux entourage des filles d'honneur. Elle se rajeunissait de leur jeunesse, et se divertissait de leur gaieté. En dépit des inconvénients attachés à la possession de cette folâtre cour, et des difficultés d'un gouvernement que l'amour avait tant d'intérêt à troubler[3] et tant de moyens d'y parvenir, Madame la princesse Palatine, privée de ses filles, ne put s'empêcher de les regretter[4].

Le duc d'Orléans devait même un jour s'autoriser dans sa résistance aux reproches et aux adjurations du plus éloquent et du plus tenace des conseillers, de cet intérêt que sa mère n'avait jamais cessé de porter à celle dont on voulait le détacher[5], intérêt que Madame eût pu justifier par le respect que gardèrent toujours pour son ancienne fille d'honneur les chansonniers eux-mêmes, les hommes de ce temps les moins susceptibles d'un pareil sentiment. Aucun de ces hardis railleurs n'osa effleurer, en effet, même d'un doute, la régularité de cette vie irréprochable, une fois le fait accepté, qui porte la faute unique avec la dignité d'une vertu. L'un d'eux même alla plus loin et vit un grand malheur dans cette séparation où Saint-Simon voyait un devoir[6]. Les mémoires sont aussi discrets que les chansons en ce qui touche mademoiselle de Séry. Les Mémoires de Maurepas prétendent que le duc d'Orléans, en rompant, reprocha à sa maîtresse une intrigue avec le chevalier de Sade[7]. Mais ils ne le prouvent pas, et qui voudrait croire à ce que les Mémoires de Maurepas ne prouvent pas ? Madame nous révèle que le margrave d'Anspach en avait été amoureux[8]. Quel malheur y a-t-il à cela ? et quelle faute ? Nous pensons bien que le margrave d'Anspach ne fut pas le seul à trouver belle une jeune femme qui l'était si bien, et qu'il ne fut pas le seul qu'elle se fit un bonheur d'immoler à l'amant préféré.

Le duc d'Orléans, si peu fait d'ailleurs pour rendre justice à une fidélité dont il ne se souciait guère, voulut du moins lui rendre hommage en légitimant le chevalier d'Orléans, issu d'un amour qu'il n'osa point soupçonner[9].

Quant à madame la duchesse d'Orléans, cette liaison, bien antérieure à son mariage[10] et qui ménagea scrupuleusement les frontières légitimes, se contentant du mari superflu et lui laissant le nécessaire[11], fut de celles dont la princesse destinée d tant d'épreuves du même genre, put du moins se plaindre sans rougir :

Et maintenant, il est temps de prendre sur la palette de Saint-Simon, bien qu'elle pousse au noir quelquefois, les couleurs nécessaires pour le portrait de mademoiselle de Séry :

Il étoit depuis longtemps (en 1706) amoureux de mademoiselle de Séry. C'étoit une jeune fille de condition, sans aucun bien, jolie, piquante, d'un air vif, mutin, capricieux et plaisant. Cet air ne tenoit que trop ce qu'il promettoit[12]. Madame de Ventadour, dont elle étoit parente, l'avoit mise fille d'honneur près de Madame[13].

Là finit le portrait et commence la biographie, écrite avec toute l'égoïste sévérité d'un homme content de sa femme :

Là elle devint grosse et eut un fils de M. d'Orléans. Cet éclat la fit sortir de chez Madame. M. le duc d'Orléans s'attacha à elle de plus en plus ; elle émit impérieuse et le lui fit sentir, il n'en étoit que plus amoureux et plus soumis[14].

Oui, pour la première fois de sa vie, le Régent fut amoureux. Eu veut-on des preuves ? J'en ai trois pour une. Sa passion fut assez sincère et assez forte pour le rendre discret (!) constant (!!) et poète (!!!).

Oui, peine, mauvais poète, il est vrai, mais c'est là une preuve de plus qu'il était amoureux. Oui, le duc d'Orléans rima. Atteint de cette manie qui s'attaque aux épiciers et aux princes, il aligna jusqu'à une pièce de vers tout entière, et ajouta son nom à ce martyrologe eux à la fois et comique que cette famille es Bourbons, dévouée quand même à la muse, suffirait à remplir, depuis les vers éloquents de Charles LX à Ronsard et les piquantes chansons d'Henri IV, jusqu'aux malencontreuses épîtres de Louis XIV et aux traductions de Louis XVIII. La cour de Louis XIV surtout était pleine d'augustes écrivailleurs en langue rabelaisienne ou marotique, alors fort à la mode. Les Divertissements de Sceaux en font foi jusqu'à l'ennui. Le prince de Conti versifiait fort agréablement, et M. le duc d'Orléans lui-même, au risque d'être mainte fois désarçonné, enfourchait lourdement Pégase. La duchesse du Maine et surtout la mordante duchesse de Bourbon renvoyaient fort légèrement le volant, et d'une main aguerrie à la poétique raquette. Cette dernière même mérite une place à part parmi les sottisières de haut rang, par la verve cynique et l'ironique allure de ses brocards.

Le duc d'Orléans rima donc par la grâce de Dieu et de mademoiselle de Séry. Nous trouvons, sous la date de 1702, des couplets de lui des plus langoureux et respirant toute 'l'impatience de désirs non encore assouvis. On devine la passion juvénile encore et sincère dans ces vers au rythme lent et monotone, ramenant périodiquement au refrain, encadré dans une louange ou une plainte, le nom adoré. Il n'y a qu'une inspiration vraie pour avoir si courte haleine. Il n'y a qu'un amoureux pour n'avoir pas le temps de rendre ses vers meilleurs.

Citons-en quelques-uns, à titre de chinoiserie :

POUR MADEMOISELLE DE SÉRY,

PAR M. LE DUC D'ORLÉANS[15].

Tircis me disait on jour

Je ne connoîtrois pas l'amour,

Sans vous, Philis, je vous le jure,

Sans vous, Philis.

Quand on a dépeint la beauté,

On n'a jamais représenté

Que vous, Philis.

Je me demande aucun emploi

Je ne voudrais point être roi

Sans vous, Philis, etc.

Ainsi va, s'égrenant grain à grain, la litanie amoureuse et pastorale. Le couplet succède au couplet comme le flot au flot, comme le baiser au baiser, toutes choses qui ne se lassent pas. De temps en temps, la lyre novice détonne, et au lieu d'un vers résonnant et pur, c'est un lambeau de prose qui tombe sourdement dans l'urne comme un caillou. La rue des Lombards ne désavouerait pas ceci :

Accordez tout à votre amant

Il en sera reconnaissant,

Oui, ma Philis.

Ni ceci :

De mon cœur tout l'empressement

Est de vous dire ce qu'il sent

Pour vous, Philis.

Mais jusqu'en ces lourdeurs d'un homme gauche au métier, on sent emprisonnée dans la rime, je ne sais quelle grâce aisée et familière, et l'on respire je ne sais quel souffle harmonieux dans le refrain : Sans vous, Philis.

Ces vers ne sont pas du reste les seuls qu'ait commis le duc d'Orléans. La Place[16] cite comme étant de ce prince, jeune encore, et improvisé dais un souper très-gai, le couplet suivant :

Plus inconstant que ronde et le nuage,

Le temps s'enfuit, pourquoi le regretter ?

Malgré la pente volage

Qui le force à nous quitter,

C'est être sage

D'en profiter.

Goûtons-en les douceurs,

Et si la vie est un passage,

Au moins semons-y des fleurs.

Quelques années plus tard, le duc d'Orléans eût bien ri de ce déguisement anacréontique. La bergerie ne dura pas longtemps et le mouton redevint loup à la première occasion.

Cette occasion, mademoiselle de Séry, par une fatalité particulière aux cœurs sincèrement épris, parait l'avoir provoquée elle-même, sans le savoir.

Mais laissons-les encore être heureux.

Mademoiselle de Séry rendit le duc d'Orléans plusieurs fois père. Le premier enfant[17] issu de leur liaison mourut en bas âge : le second seul fut légitimé. Par un scrupule qui témoigne chez son père d'un bon sens supérieur à ses passions, le bâtard d'Orléans ne fut pas marié. Voué à un prévoyant célibat, il entra dans l'Ordre de Malte, devint grand prieur de France, abbé d'Hauvillers, grand d'Espagne, et général des galères de France. Né en 1702, il mourut en 1749[18]. C'est sur lui que le Régent accumula toute l'affection dont il pouvait disposer pour ses enfants illégitimes. Il l'eut si bien, qu'il n'en resta guère aux autres[19].

Cette double maternité portée avec une modestie et une grâce à désarmer Caton, mirent mademoiselle de Séry fort en pied au Palais-Royal et lui donnèrent un grand crédit[20], et Saint-Simon, qui lui eut pardonné tout le reste, ne lui en veut qu'à cause de cela.

Elle disposoit de beaucoup de choses au Palais-Royal, cela lui fit mie petite cour et des amis ; et madame de Ventadour[21] avec toute sa dévotion de repentie, et ses vues, ne cessa point d'être en commerce étroit avec elle et ne s'en cachoit pas. Elle fut bien conseillée. Elle saisit ce moment brillant de M. le duc d'Orléans, pour faire reconnoître et légitimer le fils qu'il en avoit..... Mais mademoiselle de Séry ne se contenta pas de cette légitimation. Elle trouva indécent d'être publiquement mère et de s'appeler mademoiselle. Nul exemple pour lui donner le nom de madame ; c'étoit un honneur réservé aux filles de France, aux filles duchesses femelles, et depuis l'invention de Louis XIII, que j'ai rapportée en son lieu, pour mademoiselle d'Hautefort, aux filles dames d'atours. Ces obstacles n'arrêtèrent ni la maîtresse ni son amant. Il lui fit don de la terre d'Argenton, et força la complaisance du roi, quoique avec beaucoup de peine, d'accorder des lettres patentes portant permission à mademoiselle de Séry, de prendre le nom de madame et de comtesse d'Argenton. Cela étoit inouï. On craignit les difficultés de l'enregistrement. M. le duc d'Orléans, prêt à partir et accablé d'affaires, alla lui-même chez le premier président et chez le procureur général, et l'enregistrement fut fait. Son choix pour l'Italie avoit été reçu avec le plus grand applaudissement de la ville et de la cour. Cette nouveauté ralentit cette joie et fit fort crier ; mais un homme bien amoureux ne pense qu'à satisfaire sa maîtresse et à lui tout sacrifier[22].

En 1706, la fortune de madame d'Argenton touchait à son apogée. A partir de cette époque elle va décroître insensiblement pour s'éteindre subitement dans une disgrâce.

Quand le duc d'Orléans partit pour l'Italie, il était déjà las de l'assujettissement où l'avait réduit sa passion. Il était fatigué de cet amour uni comme un grand chemin, de cet amour sans aventures, plus rangé que le mariage. Il s'ennuyait. Nous le verrons encore bien souvent, dans le cours de cette histoire, atteint de ce dégoût secret de lui-même et de tout le reste, de cet accès périodique d'indifférence qui le glaçait au milieu du bonheur, maladie étrange dont l'infidélité fut l'impuissant remède. En 1706, le duc d'Orléans n'était pas encore tout à fait blasé, il n'était pas encore cet homme si accoutumé à vivre hors de lui-même qu'il lui étoit insupportable d'y rentrer, mettant une sorte de déplorable vanité à afficher ses désordres ; cet homme, dont Saint-Simon a dit encore : La réputation de débauché le touchoit autant que la débauche même, c'étoit une bravade, une vengeance qu'il savouroit avec délices ; il n'était pas encore arrivé à cette dépravation consommée qui quintessenciait ses vices et raffinait ses défauts. Il n'était pas encore un fanfaron d'infidélité, lui qui devait être un fanfaron de crimes. Il s'ennuyait, voilà tout, comme il est naturel à un homme qui est né ennuyé. Enivré d'abord de la possession, il en était maintenant rassasié, n'ayant pas en lui ce fonds inépuisable de tendresse et de foi, qui fait paraître toujours nouvelles ces caresses toujours les mêmes[23].

Madame[24] nous en avertit : Mon fils n'est point délicat en amour. Il n'aimait ni les pastorales, ni les champs qui en font le théâtre, ni le ciel qui en est l'horizon. Mon fils n'aime nullement la campagne, dit encore Madame, il n'aime que la vie de la ville. Il répondrait volontiers, comme madame de Longueville qui s'ennuyait extrêmement en Normandie où était son mari : Que voulez-vous que je vous dise ! je n'aime pas les plaisirs innocents[25].

Mademoiselle de Séry, elle, n'en eut pas désiré d'autres. Âme douce et tendre, elle était restée ingénue, même après l'expérience. Le duc d'Orléans, lui, n'avait jamais attendu d'apprendre, il avait tout deviné ; il avait été roué à treize ans. De cette diversité d'aspirations, de ces tendances contraires, sinon hostiles, devaient naître des froissements quotidiens. Pendant que sa maitresse savourait encore un bonheur qui était surtout en elle, le duc d'Orléans, lui, baillait le reste du sien. Des fragments de lettres de Madame nous le montrent outré contre cette jeune femme aux goûts idylliques qui exigeait de lui un amour de berger : J'ai souvent ri quand il se plaignait à moi de ce travers de la Séry. Pourquoi vous affliger ? lui disais-je en plaisantant. Si cela ne vous accommode pas, laissez la en paix, vous n'êtes point du tout obligé de feindre un amour que vous n'avez pas[26].

Le duc d'Orléans dissimulait pourtant, de crainte d'affliger trop profondément sa mal-tresse en brisant son illusion d'un seul coup. Mais lorsqu'il se trouvait un moment libre et seul, à côté de sa mère, par exemple, la franche et brusque Madame, il lui avouait volontiers qu'il était né inconstant est indiscret, et qu'il étouffait dans cette passion absorbante. Et, voyant dans une comédie Valère qui est fatigué de sa maîtresse, il ajoutait avec un soupir : Voilà comme je me suis très-souvent trouvé[27].

Madame d'Argenton, cependant, n'avait pas été sans s'apercevoir de ce changement. Sans pouvoir se résigner an sacrifice de goûts qui faisaient en quelque sorte partie de son honnêteté, elle cherchait pour son amant une diversion vivifiante à ses ennuis. Le duc d'Orléans la cherchait aussi, mais sans se sentir peut-être capable de la trouver. Il reconnut l'âme de sa maîtresse à la distraction qu'elle lui offrit : la gloire. Voilà le seul remède digne d'un prince qui sera roi, lui dit-elle sans doute. Et elle pensait tout bas que l'amant profiterait en lui de la guérison. L'absence devait lui rendre le charme perdu par l'habitude. Une vie composée de devoirs et de périls ferait refleurir dans une âme moins corrompue encore que disposée à l'être, comme une seconde innocence[28].

Bientôt tout entière à sa crédule espérance, mademoiselle de Séry, loin de détourner le duc d'Orléans de la noble ambition qui ni faisait briguer l'honneur d'être utile à la France, l'encouragea au contraire dans ses efforts, et, résignée à le voir partir, ne songea plus qu'à le remplir des pensées qui pouvaient le faire revenir victorieux.

Sous prétexte d'égayer un peu les derniers Mois de son séjour, elle s'appliqua à flatter cette insatiable curiosité d'esprit qui le possédait et à faire servir en lui à de grands desseins cette disposition superstitieuse qui remplace la foi dans les times sceptiques. Il étoit curieux de toutes sortes d'arts et de sciences, et, avec infiniment d'esprit, avoit eu toute sa vie la foiblesse, si commune à la cour des enfants d'Henri II, que Catherine de Médicis avoit, entre autres maux, apportée d'Italie. Il avoit, tant qu'il avoit pu, cherché à voir le diable, sans y avoir pu parvenir, à ce qu'il m'a souvent dit, et à voir des choses extraordinaires, et à savoir l'avenir ![29]

Avec une profondeur d'habileté et de prévoyance qui supposent dans cette jeune femme un esprit bien supérieur à son caractère et à sa figure, madame d'Argenton chercha à prendre son amant par son faible et demanda à ces sciences occultes, qu'il aimait tant, des moyens de persuasion irrécusables. Elle se garda bien d'inspirer à ce prince irrésolu, aussi avide de connaître l'avenir qu'incertain d'en profiter, des projets dont il se fût méfié s'ils ne fussent venus d'eux-mêmes s'imposer à lui sous le choc de révélations désintéressées. Elle favorisa cette influence, la seule qu'acceptât son imagination aguerrie, et sollicita, pour aider à la sienne, la domination du merveilleux. Rien ne lui parut plus propre que ce moyen antique, à ranimer en lui le sang des héros, et à lui donner cette persévérance sans laquelle il n'en est pas. Jamais, de lui-même, dit Saint-Simon, il n'avoit pensé que le roi pût manquer, ni aux choses qui pouvoient suivre ce malheur, il regardoit réellement comme tel ni-même si jamais il arrivoit. Il ne faisoit que se prêter aux réflexions qui, là-dessus, lui étoient présentées, incapable d'y penser entièrement de lui-même, ni aux mesures à prendre sur la considération que cela étoit possible.

L'homme qui, avec toute espèce de gens obscurs, et beaucoup avec Mirepoix, avait eu la constance de passer la nuit dans les carrières de Vanves et de Vaugirard, à faire des invocations ; l'élève du chimiste alchimiste Homberg, l'admirateur et l'ami du fatidique Boulainvilliers, ne devait pas être insensible à des suggestions marquées du caractère cabalistique.

La Séry avait une petite fille chez elle, de huit ou neuf ans, qui y étoit née et n'en était jamais sortie, et qui avait l'ignorance et la simplicité de cet âge et de cette éducation. Entre autres fripons de curiosités cachées, dont M. le duc d'Orléans avait beaucoup vu en sa vie, on en produisit un chez sa maîtresse qui prétendit faire voir dans un verre rempli d'eau tout ce qu'on voudroit savoir. Il demanda quelqu'un de jeune et d'innocent pour y regarder, et cette petite fille s'y trouva propre. Ils s'amusèrent donc à vouloir savoir ce qui se passoit alors même dans des lieux éloignés, et la petite fille voyait, et rendait ce qu'elle voyait à mesure. Cet homme prononçait tout bas quelque chose sur ce verre rempli d'eau, et aussitôt on y regardait avec succès.

Les duperies que M. le duc d'Orléans avait souvent essuyées l'engagèrent à une épreuve qui mit le rassurer. Il ordonna tout bas à l'un de ses gens, à l'oreille, d'aller sur-le-champ à quatre pas de là, chez madame de Nancré, de bien examiner qui y était, ce qui s'y faisait, la position et l'ameublement de la chambre, et la situation de tout ce qui s'y passoit, et, sans perdre un moment ni parler à personne, de le lui venir dire à l'oreille. En un tournemain la commission fut exécutée, sans que personne s'aperçût de ce que c'était, et la petite fille toujours dans la chambre.

Dès que M. le duc d'Orléans fut instruit, il dit à la petite fille de regarder dans le verre qui étoit chez madame de Nancré et ce qu'il s'y passoit. Aussitôt elle leur raconta mot pour mot tout ce qu'y avoit vu celui que M. le duc d'Orléans y avait envoyé. La description des visages, des figures, des vêtements, des gens qui y étaient, leur situation dans la chambre, les gens qui jouaient à deux tables différentes, ceux qui regardaient ou qui causaient, assis ou debout, la disposition des meubles, en un mot, tout. Dans l'instant M. le duc d'Orléans y envoya Nancré, qui rapporta avoir tout trouvé comme la petite fille l'avait dit et comme le valet qui y avoit été d'abord l'avoit rapporté à l'oreille de M. le duc d'Orléans.....

.... Il me conta encore que, encouragé par l'exactitude de ce que la petite fille avoit vu de la chambre de madame de Nancré, il avoit voulu voir quelque chose de plus important, et ce qui se passeroit à la mort du roi, mais sans en rechercher le temps, qui ne se pourroit voir dans ce verre[30].

Il le demande donc tout de suite à la petite fille, qui n'avoit jamais oui parler de Versailles ni vu personne que lui de la cour. Elle regarda et leur expliqua longuement tout ce qu'elle voyoit. Elle fit avec justesse la description de la cham !te du roi à Versailles et de l'ameublement qui s'y trouva en effet à sa mort. Elle le dépeignit parfaitement dans son lit et qui étoit debout auprès de lui ou dans la chambre, un petit enfant avec l'Ordre, tenu par madame de Ventadour, sur laquelle elle s'écria parce qu'elle l'avoit vue chez mademoiselle de Séry. Elle leur fit connoitre madame de Maintenon, la figure singulière de Fagon, Madame, madame la duchesse d'Orléans, madame la Duchesse, madame la princesse de Conti ; elle s'écria sur M. le duc d'Orléans : en un mot, elle leur fit connoître ce qu'elle voyoit là de princes et de domestiques, seigneurs ou valets. Quand elle eut tout dit, M. le duc d'Orléans, surpris qu'elle ne leur eût point fait connoître Monseigneur, monseigneur le duc de Bourgogne, madame la duchesse de Bourgogne ni M. le duc de Berry, lui demanda si elle ne voyoit point des figures de telle ou telle façon. Elle répondit constamment que non et répéta celles qu'elle voyoit. C'est ce que M. le duc d'Orléans ne pouvoit comprendre et dont il s'étonna fort avec moi, et en rechercha vainement la raison. L'événement l'expliqua. On étoit alors en 1706. Tous quatre étoient alors pleins de vie et de santé, et tous quatre étoient morts avant le roi. Ce fut la même chose de M. le Prince, de M. le Duc et de M. le prince de Conti, qu'elle ne vit point et vit les enfants des deux derniers, M. du Maine, les siens et M. le comte de Toulouse ; mais jusqu'à l'événement cela demeura dans l'obscurité.

Cette curiosité achevée, M. le duc d'Orléans voulut savoir ce qu'il deviendroit. Alors, ce ne fut plus dans le verre. L'homme qui étoit là lui offrit de le lui montrer comme peint sur la muraille de la chambre, pourvu qu'il n'eût point de peur de s'y voir ; et au bout d'un quart d'heure de quelques simagrées devant eux tous, la figure de M. le duc d'Orléans, vêtu comme il l'étoit alors, et dans sa grandeur naturelle, parut tout à coup sur la muraille comme en peinture, avec une couronne fermée sur la tête. Elle n'étoit ni de France, ni d'Espagne, ni d'Angleterre, ni impériale. M. le duc d'Orléans, qui la considéra de tous ses yeux, ne put jamais la deviner ; il n'en avoit jamais vu de semblable. Elle n'avoit que quatre cercles et rien au sommet. Cette couronne lui couvroit la tête.....  Il étoit assurément alors bien éloigné d'être régent du royaume et de l'imaginer. C'étoit peut-être cette couronne singulière lui annonçoit. Tout cela s'étoit passé à Paris, chez sa maîtresse, en présence de leur plus étroit intrinsèque, la veille du jour qu'il me le raconta, et je l'ai trouvé si extraordinaire que je lui ai donné place ici, non pour l'approuver, mais pour le rendre[31].

Encouragé malgré lui par de si brillants présages, le duc d'Orléans partit, bien décidé à se montrer digne de la destinée qui lui était dévoilée avec une si flatteuse complaisance.

A peine arrivé en Italie, il y déploya, dit Saint-Simon, toutes les qualités d'un général, une bravoure que, ses ennemis n'ont pas contestée, un coup d'œil net, brillant, qui lui permettoit d'embrasser tout l'ensemble des opérations, un sang-froid qui ne se démentit jamais, beaucoup de vivacité et de ressources dans l'esprit pour faire face à l'imprévu, avec une application constante aux détails en approvisionnements, logis, campement, etc. Il avait en un mot tout ce qui fait aimer un général par ses soldats, et tout ce qui le rend redoutable aux ennemis. Malheureusement, tout étoit organisé en Italie pour qu'il n'eût que les honneurs et la responsabilité du commandement. Il ne fut pas obéi. Personne ne s'y trompa, et dans le malheur de nos armées, il n'y eut de la gloire que pour le général.

Cependant le duc d'Orléans revint à Versailles, les troupes ayant pris leurs quartiers d'hiver. Sa première visite après le roi, peut-être avant, fut sans doute pour celle à qui il devait ses meilleures et plus héroïques inspirations, et comme la moitié de ses exploits ? Non, car il l'avait déjà vue, avant Paris, presque avant la France. Impatiente de le rejoindre et de jouir la première de ces lauriers de la défaite, comme parle Saint-Simon[32], madame d'Argenton, n'écoutant cette fois que son cœur, était partie pour Grenoble. Honni soit qui mal y pense ! Mais laissons encore Saint-Simon, qui s'indigne, raconter cette fugue amoureuse :

Nancré retourné vers M. le duc d'Orléans, qui avoit été extrêmement mal de sa blessure, la nouvelle madame d'Argenton et madame de Nancré, veuve sans enfants du père de celui dont je vive de parler, et dans l'intimité la plus étroite avec lui, s'en allèrent ensemble chacune dans une chaise de poste, le plus secrètement qu'elles purent, à Lyon, et de là se cacher dans une hôtellerie à Grenoble[33]. M. le duc d'Orléans n'y étoit pas encore arrivé. Il sut en dies min cette équipée, il en fut très-fâché et leur manda qu'il ne les verroit point et de s'en retourner. Être arrivées de Paris à Grenoble et s'en retourner bredouillé étoit chose fort éloignée de leur résolution. Elles l'attendirent. Savoir sa maîtresse si près de soi et lui tenir rigueur, l'amour ne le put jamais permettre. Sur les sept ou huit heures du soir, les affaires du jour vidées et la représentation finie, il ferma ses portes, s'enfonça dans son appartement, et par les derrières d'un escalier dérobé arrivèrent les femelles, et soupèrent avec lui et deux ou trois de leurs plus familiers. Cela dura ainsi cinq ou six jours, au bout desquels il les renvoya, et repartirent. Ce voyage ridicule fit grand bruit, le public en murmura, fiché véritablement de cette tache sur sa gloire personnelle ; les envieux, de pouvoir rompre le silence qu'ils avoient été forcés de garder, parmi lesquels M. le Duc et madame la Duchesse se signalèrent[34].

En dépit de la colère du roi olympien, tout prêt à lancer ses foudres, et dont Chamillard se chargea de traduire le mécontentement, en dépit de l'indignation vertueuse dont Saint-Simon, quelque résolution qu'il eut prise de ne jamais lui parler de ses maîtresses, ne put s'empêcher de se dégonfler, le jeune général vint jouir hardiment de son triomphe à la cour, et l'eut entier. Le roi lui-même ne put rester sévère au héros malheureux, dont trois blessures attestaient les efforts et le désespoir. On ne peut être mieux reçu du roi qu'il ne le fut, et de tout le monde[35].

Mais c'est surtout ce tout le monde qui se montra plus enthousiaste que personne. Le public équitable, la cour même, malgré ses jalousies, décernèrent des lauriers à sa défaite, et l'élevèrent d'autant plus que la fortune l'avait voulu abaisser. Ce fait est aussi mémorable que singulier, et je ne crois pas il y ait d'exemples de tant et de si unanime louanges dans un malheur aussi complet[36].

Bientôt après, le duc d'Orléans alla en Espagne commander l'armée qui cherchait à conquérir au duc d'Anjou le royaume dont il n'avait guère que le titre. Il y montra mieux encore sa capacité, dit Saint-Simon, et il y fut plus heureux qu'en Italie. Il ne tarda pas à y jouir de la renommée due à un grand prince et qui a rendu de grands services à l'État ; il paroît même certain que plusieurs personnages principaux se complurent dans la pensée que la mauvaise santé de Philippe V pourroit ouvrir un jour au duc d'Orléans l'accès au trône d'Espagne.

Cette popularité[37] et ces espérances qui avaient, surtout après la victoire et la prise de Lérida, eu à Paris, dans le cœur de ces bourgeois de tout temps entichés des d'Orléans[38], un si brillant écho, le perdirent. L'orgueil humilié des autres princes du sang, le dépit jaloux de madame de Maintenon, se chargèrent de faire expier au prince triomphant ce bonheur qui avait trouvé grâce devant Louis XIV lui-même.

Cette haine fut implacable, et on en verra d'étranges suites..... Il se publia que M. le duc d'Orléans avoit essayé de se faire un parti qui le portât sur le trône d'Espagne, en chassant Philippe V..... qu'il étoit résolu de faire casser son mariage avec madame la duchesse d'Orléans, comme indigne et fait par force ; qu'il épouseroit ensuite la reine, sœur de l'impératrice et veuve de Charles II[39] et qu'enfin pour abréger les formes longues et difficiles, on commenceroit par empoisonner madame la duchesse d'Orléans, grâce aux alambics, au laboratoire, aux amusements de physique et de chimie, et à la gueule ferrée et soutenue des imposteurs. M. le duc d'Orléans ne laissa pas d'être heureux que madame sa femme, qui étoit grosse et qui eut en même temps une très-violente colique, s'en tirât heureusement et bientôt après accouchât de même, et le rétablissement de cette princesse ne servit pas peu à faire tomber tous ces bruits[40].

C'est à ce moment critique où grondait sourdement encore le tonnerre de la colère royale, qui devait avoir un bien plus terrible éclat à la mort du duc et de la duchesse de Bourgogne ; c'est en ce moment de doute domestique et de soupçon populaire, que Saint-Simon, un de ces amis à outrance, au dévouement inexorable, au conseil tenace, au reproche acharné, entreprit de sauter le duc d'Orléans, et de le sauver malgré lui, de ce grand naufrage de sa popularité. L'homme indépendant qui s'était montré fidèle au disgracié en dépit des instances de ses amis et des calomnies de ses ennemis, 'et qui seul avait osé défendre et protéger une réputation abandonnée ; certes, celui-là avait bien le droit de parler haut et franc, et de tout tenter pour gagner la cause à laquelle il s'était donné. Aux grands serviteurs, les grands privilèges. Saint-Simon en usa, en abusa même quelque peu. C'était un de ces rudes médecins, amis des prompts remèdes et des guérisons énergiques. Ils n'hésitent pas, pour la mieux sonder, à agrandir la plaie ; ils insultent aux idées, ils brutalisent les sentiments, ils violentent la langue elle-même ; ils ont des gestes qui touchent, comme le fer, ils ont de ces mots terribles qui brillent comme la foudre. Le cœur n'a pas de nœud qui leur résiste, et le cerveau se trouble en les écoutant. En vain joint-on les mains et ajoute-t-on à l'éloquence des mots cette autre éloquence des larmes ; en vain se traîne-t-on à leurs genoux, implorant de ces amis forcenés, de ces serviteurs impérieux l'aumône de la pitié. Non, non, point de répit, point de pitié, point de grâce ! Arrière les derniers scrupules, à bas les dernières illusions I Ils fauchent tout dans votre âme et la mettent toute nue, et quand ils ont fait ainsi la solitude en vous, ils l'appellent la paix, ils triomphent. Vous n'êtes plus qu'un homme semblable aux autres hommes, vous dont la poésie de l'amour faisait un dieu tout à l'heure ! Vous voilà moins qu'auparavant, même à leurs yeux, mais que leur importe ? vous les avez écoutés, ils ont vaincu !

Pour conjurer l'orage imminent, savez-vous ce qu'imagina l'officieux bourreau ? Il se dit qu'une fortune si compromise ne pouvait être préservée de la ruine que par un de ces holocaustes, un de ces sacrifices héroïques qui ont apaisé de tout temps les royales ou divines vengeances. Il fit de madame d'Argenton la victime expiatoire de la disgrâce ; il s'acharna contre cette frêle idole, contre cette gracieuse domination. Toute cette beauté, toute cette grâce, tout cet amour, tout ce bonheur, le seul survivant au naufrage de tous les autres, il brisa tout cela, et le duc d'Orléans, d'abord rebelle, puis docile à ses conseils, marcha- pour revenir à la faveur, sur ces débris, en y mêlant ceux de son cœur.

Madame d'Argenton était assez habile et assez bien conseillée, comme il l'a parfaitement dit, pour vendre chèrement, même à un ennemi de la force de Saint-Simon, ce bonheur qui faisait sa vie. Aussi se garda-t-il de heurter de front sa trop charmante adversaire. Il s'avança, comme en jouant, jusque dans les profondeurs d'un cœur confiant et qui ne se défendit pas. D'insinuation en insinuation, il creusa ces voies sourdes, il ménagea ces tortueux progrès dont l'insecte rongeur cerne et mine insensiblement la plante. Une fois au milieu des racines, il donna soudain le dernier coup, sans qu'on eût senti le premier, et l'amour tomba comme tombe la fleur.

La veille encore, madame d'Argenton assistait, trônait plutôt à une fête brillante[41], donnée à Saint-Cloud[42], par un prince toujours prêt à narguer sa disgrâce. Jamais son insoucieux amant n'avait été plus empressé, plus follement aimable. Le soir il lui avait dit, peut-être entre deux baisers, ces vers d'une galanterie un peu risquée, un peu gauloise, dirais-je, mais digne d'Henri IV, dont il avait retrouvé l'esprit en en reproduisant les mœurs, vers qu'il ne faudrait lire qu'après souper, ainsi qu'ils ont été faits[43] :

Sans craindre, Iris, que le monda murmure,

Bois quatre coups de ce jus précieux ;

Et je te jure,

Par tes beaux yeux,

Que quand la nuit aura voilé les cieux,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le lendemain : madame d'Argenton s'en va ! Madame d'Argenton est congédiée ! tel est le cri qui remplit à la fois la ville et la cour de surprise et de pitié.

Soyons piste cependant, il fallut plus d'un lendemain à Saint-Simon pour réussir, et jusqu'au dernier moment il trembla d'échouer. Nous voudrions pouvoir transcrire les soixante-dix éloquentes pages où l'âpre écrivain a sténographié pour ainsi dire jusqu'aux moindres mots, jusqu'aux moindres gestes et presque jusqu'à l'accent de ces trois conversations qui décidèrent du sort de madame d'Argenton. Nous ne pouvons que renvoyer au volume dont cet épisode est le chef-d'œuvre, et qu'en résumer les principaux incidents.

La fête de Saint-Cloud, donnée à l'électeur de Bavière et à quantité de dames, parmi lesquelles madame d'Arco, mai tresse du prince, et madame d'Argenton, est des derniers jours de l'année 1709.

Le mercredi premier jour de l'an 1710, le duc de Saint-Simon[44] vit le duc d'Orléans après le repas du roi. Il m'emmena aussitôt dans son arrière-cabinet obscur, sur la galerie, où la conversation, fut d'abord coupée et tumultueuse, comme il arrive après une longue absence, après quoi je lui demandai de ses nouvelles avec le roi, Monseigneur et les personnes royales.

Le duc d'Orléans répond à l'ordinaire — c'est-à-dire très-mal —, et se met à battre la campagne, comme un homme qui craint d'approfondir.

Cette crainte ou cette pudeur, comme on voudra, trace sa marche à l'impitoyable conseiller. Il tâte et fouille en tout sens cette plaie de la disgrâce sur laquelle on craint d'appuyer :

Je lui dis franchement que j'étois bien informé qu'il étoit fort mal avec le roi, et si mal qu'il étoit difficile d'être pis. Que le roi étoit outré contre lui de tout point ; que Monseigneur l'étoit infiniment davantage, et le montroit aussi avec beaucoup moins de ménagements[45] ; qu'à leur exemple le gros du monde s'éloignoit de lui..... etc.

Le prince en convient, et feint l'insouciance. Il ajouta qu'il sentoit bien que c'étoit là les effets de l'impression de son affaire d'Espagne, qui nonobstant sa simplicité, avoit été empoisonnée par des fripons ; que le malheur étoit qu'il n'y pouvoit que faire, et qu'il falloit bien que le temps raccommodât tout.

Saint-Simon lui enlève brutalement cette dernière illusion ; il montre la faute grandissant en quelque sorte chaque jour, par l'effet de l'impunité et de l'imprudence devenant criminelle ; il montre la défection gagnant ses familiers, après ses amis, et le sauve-qui-peut devenu général. En mi mot, bien loin que tout aille mieux, tout va de mal en pis.

A ce propos, il rentra fort en lui-même et me l'avoua. Le mal étant ainsi étalé dans toute sa profondeur, et cette lèpre de la disgrâce royale bien dévoilée et mise à nu, le malade percé jusqu'au tuf, selon un autre mot de Saint-Simon, ne peut s'empêcher de mêler à ses plaintes et à ses récriminations ce mot si vrai, si déchirant, qui est comme l'investiture du médecin ; Saint-Simon lui a montré la cour s'éloignant de lui, à l'exemple du maitre, premier mobile de toutes choses, et cette désertion, ce n'est pas seulement la bassesse, la flatterie, mais la terreur qui l'inspirent, puisque chacun tonnait la cause de la colère souveraine et l'approuve :

M. le duc d'Orléans, pénétré de la peinture que je venois de lui faire de sa situation, et qu'il ne pouvoit alors se dissimuler à lui-même, se leva après un profond silence de quelque temps et se mit à faire quelques tours de chambre. Je me levai aussi et, appuyé à la muraille, je l'examinai attentivement, lorsque levant la tête et soupirant, il me demanda : Que faire donc ?

Il le demande, le malheureux prince, et rien qu'à l'air mystérieux de Saint-Simon, à ce regard qui couve déjà sa proie, il l'a deviné.

Aussi l'habile conseiller se garde-t-il d'insister davantage sur ce premier coup. Il laisse la blessure se faire d'elle-même, et étourdi lui-même du grand coup qu'il vient de frapper, il se retourne un peu vers la muraille pour s'en remettre lui-même et, pour lui épargner l'embarras d'être regardé dans ces premiers moments.

Le silence fut long ; je l'entendois se remuer impétueusement sur sa chaise et j'attendois, en peine par où la conversation reprendroit[46].

Elle reprend par des soupirs et non par des reproches, indice d'une disposition d'esprit et de cœur que favorise trop singulièrement la solitude, pour que Saint-Simon, sous prétexte de rallier le maréchal de Bezons, son ami et son complice dans cette conspiration du devoir et de l'honneur, ne livre pas le duc d'Orléans à ces réflexions débilitantes d'où l'on tombe si naturellement dans la conversion.

Après quelques visites de cérémonie, officiel intermède, le duc de Saint-Simon, tout en pestant contre Bezons qui n'arrive pas, reprend insensiblement auprès du duc d'Orléans son travail de circonvallation. Je remis doucement M. le duc d'Orléans sur le propos qu'avoit interrompu la visite, moins pour le presser que pour l'y accoutumer.

Alors viennent ces généralités, troupes d'assaut sacrifiées qui posent les fascines et appuient les échelles : Je lui représentai que ces sortes d'engagements ne pouvaient être aussi longs que la vie, qu'il était arrivé à un âge où cela devenoit très-messéant..... que la situation où il se trouvoit fixoit le mit d'en finir....

Alors, content d'en être venu là pour la première fois, et ne voulant pas trop presser les choses de peur de nuire à son dessein, en rebutant peut-être, le duc de Saint-Simon laisse languir la conversation, et prend congé sur ce singulier compliment du jour de l'an[47].

Puis il va écrire à Bezons le bulletin de la première rencontre, et le lendemain, jeudi 2, Bezons arrive au rendez-vous, tout tremblant d'être le second d'un pareil homme. Il se récria fort sur ma hardiesse[48]. Bientôt arrive l'heure du second rendez-vous, ou pour mieux dire du second assaut. La solitude a agi, cette grande corruptrice. Le duc d'Orléans ne combat plus ; il résiste seulement. Saint-Simon, profitant habilement de la présence de ce tiers, dont il prévoit la passivité, s'en sert comme de repoussoir et lui adresse un résumé de l'entretien de la veille, dont chaque mot rebondit sur le prince.

Les propos de M. le duc d'Orléans ne furent rien de suivi, mais les élans d'un homme qui souffre une violence étrange et qui s'en fait même pour la souffrir. Après l'avoir laissé quelque temps rêver, soupirer, se plaindre, je lui dis que je souffrois moi-même autant que lui..... mais qu'il n'était plus question de se flatter ; qu'il falloit qu'il considérât son état devenu intolérable ; qu'il en fallait sortir par quelque voie que ce fut, et que toute voie lui étoit fermée, hors celle que je lui avais présentée ; qu'elle étoit dure, cruelle, mais unique ; qu'après tout, il falloit bien qu'il se séparât un jour de celle qui le tenoit sous le joug ; qu'un engagement si long, si éclatant, l'avoit précipité dans un abîme sans fond, que le jour de s'en arracher étoit venu, et qu'il ne tenoit qu'à lui de se faire de cet abîme un degré d'honneur, de faveur et de gloire, qui le porteroit en un instant plus haut qu'il n'avoit jamais été.

Ace discours, le prince répond fort spécieusement que cette démarche à laquelle on le pousse pouvait plaire au roi jusqu'à un certain point, mais qu'elle n'a rien de commun avec les causes de sa disgrâce, et que, bien loin de prévenir sa chute, elle ne pouvait pas même la retarder.

Saint-Simon a vite compris tout le parti qu'il pouvait tirer d'une réfutation décisive de ce dernier effort d'un homme qui se sent faible, et qui esquive la lutte par le doute :

Je pris donc la parole et je dis qu'en quittant une vie qui scandalisoit depuis si longtemps ceux même qui, peu attentifs à la conscience, ne l'étoient qu'à l'honneur du monde, il se déchargeait du blâme qu'il avoit encouru en la menant, et de tout celui encore qui lui avoit été imputé pendant sa durée ; qu'une violente passion ne réfléchit à rien et se laisse entrainer ajout ce qui en est la suite[49].

Alors il met sur le compte cette passion dont, par une rare discrétion, il n'a pas encore nommé l'objet ces curiosités sur l'avenir et ce crime d'ambition qui lui avait été inspiré par les choses qui lui avoient été montrées dans les exercices de ces curiosités, coupables aux yeux de tous de loi avoir fait monter dans l'esprit ces superbes pensées qui ne pouvoient s'accorder avec l'homme sage, moins encore avec le bon sujet.

Après avoir établi la connexité de son amour et de ses fautes, il fouille plus profondément son sujet, et révèle les liens secrets qui peuvent rendre madame d'Argenton, qu'il nomme pour la première fois, solidaire de l'affaire d'Espagne. Celui-là doit être soupçonné du crime, qui en a dû profiter. Or, on a accusé le duc d'Orléans d'avoir un concert à Vienne, pour épouser la reine douairière d'Espagne..... que pour y parvenir, il répudieroit sa femme et feroit casser son mariage, conséquemment déclarer ses enfants bâtards ; que n'en pouvant point espérer de la reine d'Espagne, il attendroit sa mort du bénéfice du temps et de l'âge pour épouser madame d'Argenton, à qui les génies avoient promis une couronne.... D'autres scélérats, que la convalescence de la duchesse d'Orléans faisait taire, n'avoient même pas craint de répandre qu'elle étoit empoisonnée, qu'il n'étoit pas fils de Monsieur pour rien et qu'il alloit épouser sa maîtresse[50].....

A ce terrible récit, M. le duc d'Orléans fut saisi d'une horreur qui ne peut se décrire, et en même temps d'une douleur qui ne se peut exprimer d'être déchiré d'une manière si âprement et si singulièrement cruelle.

Pour Bezons, éperdu de ce qu'il venoit d'entendre, il avait les yeux fichés sur le parquet qu'il m'a dit depuis qu'il avait cru s'enfoncer, et n'osait les remuer d'épouvante.

Au milieu de ses plaintes et de ses indignations, le duc d'Orléans n'apercevait que trop clairement comment il pouvait faire tomber les effets avec leur cause, et libre de cet arrangement, deviendroit net de tout crime et de tout soupçon[51].

Et, entraîné malgré lui vers le dénouement par cette double fatalité de la raison et de l'éloquence, il n'avait plus de scrupules que sur les moyens : Mais comment m'y résoudre et comment lui dirai-je ?

Ce mot remplit à la fois Saint-Simon d'espérance et de crainte. Si le duc d'Orléans revoyait sa maîtresse, c'en était fait de tant d'efforts tenaces et de tant de laborieux progrès. Madame d'Argenton régnerait de nouveau et le prouverait par sa vengeance.

Il faut à tout prix empêcher une entrevue, une simple lettre, qui en serait sitôt suivie ; et cependant le prince réclame avec une énergie désespérée ce dernier privilège, cette grâce suprême de la voir au moins pour rompre, puisque s'il rompt, ce n'est ni par dégoût, ni par mécontentement d'elle.

Il faut voir avec quel art Saint-Simon déguise son angoisse sous un impassible refus, et avec quelle habileté, pour mieux dérober jusqu'à sa dissimulation, il pousse en avant le lourd mais inébranlable Bezons, chargé de donner du poids aux arguments et d'écraser les derniers restes de la résistance dans ce chemin que son audacieux collègue a ouvert à force de bras. Puis, Saint-Simon, pour achever cette difficile persuasion, a recours à la flatterie, et va jusqu'à faire, de ce refus de la voir une dernière fois, un hommage à un amour si redoutable, qu'on n'osait s'exposer à vair celle qui quand ou avait résolu de l'éteindre[52].

Puis pour détourner l'opposition encore vive, sur un terrain où elle devait céder, le duc de Saint-Simon propose au prince une visite au roi, dans laquelle il viendra solennellement abjurer entre ses bras les erreurs d'un passé qui a été, comme le sien — sans le lui dire —, une expérience trop funeste de la puissance et des fruits de l'amour passionné.

La générosité du duc d'Orléans proteste encore et se révolte à cette proposition déloyale de charger son amour, c'est-à-dire sa maîtresse, de ces fautes ..... de ces curiosités condamnables et suspectes, de cette ambition enfin que révélait l'affaire d'Espagne.

Saint-Simon persiste dans son conseil, en dépit de cet orage d'indignation qui gronde sur sa tête, et de la répugnance même de son auxiliaire. Il faut lire toute cette page pour admirer avec quelle subtilité le duc échappe à tout reproche pour se réfugier bientôt sur un point reconnu inviolable, du haut duquel il foudroie toute résistance, promettant, en échange d'une imputation que les faits crient d'ailleurs trop haut pour espérer l'étouffer, la faveur au prince, l'impunité à madame d'Argenton, et, dans ce qui y ressemble le moins, le triomphe mime de la vérité et de la justice. La discussion s'anime et se prolonge assez sur ces subtilités et sur ces restrictions qui font de Saint-Simon le plus jésuite des jansénistes, sur cet aveu où le duc d'Orléans persiste à voir une calomnie, sur ce silence où il voit une lâcheté, sur ce vague enfin de sa justification qui lui semble ainsi toujours prise aux dépens de l'innocence.

Mais ce ne sont plus là que des scrupules d'esprit, et comme un jeu sophistique et depuis lors, M. le duc d'Orléans est convenu plus d'une fois avec moi qu'il n'avoit dispute que pour prolonger la dispute et détourner cependant l'objet véritable de la conversation[53].

Que dire de plus ? La bataillé est gagnée, il ne s'agit plus que de maintenir la victoire et d'en profiter. M. le duc d'Orléans marchande sa défaite et ne se livre qu'en détail, tantôt découvrant le fond secret de ses scrupules et n'y montrant plus à ses adversaires humiliés qu'une horreur invincible de son domestique et de la vie en laquelle il retomboit en rompant, tantôt avouant un éloignement extrême pour sa femme, et le justifiant par des soupçons qu'il n'hésite pas à proclamer, tant ils lui semblent irréfutables[54].

Alors, tantôt Saint-Simon se fait le champion du mariage lui en vantant les douceurs et le prix, et s'inspirant éloquemment de la plus douce expérience ; tantôt il plaide directement, et par des faits, la cause de la femme méconnue et lui fait rendre, au moins par le silence, une justice qui profite en au triomphe du devoir.

Il a même l'art de profiter d'un trop confiant aveu du nom des fauteurs de ces soupçons, pour faire retomber sur eux et sur madame d'Argenton qu'il y mêle, le poids de toutes ces calomnies intéressées[55].

Une troisième et dernière conversation décide enfin du succès le plus complet, le plus éclatant qui ait jamais été atteint par deux amis tout inquiets de leur audace et tout troublés de leur franchise. Le principe est admis. On s'est habitué au fait. Reste à organiser dignement la rupture et à tomber avec décence. Dans cet engagement suprême, Saint-Simon fait jouer tous les ressorts, profite de toutes les circonstances, effrayant tour à tour le prince par la crainte d'arriver trop tard aux pieds du roi, et l'attendrissant par la douleur de voir sa fille victime de son opiniâtreté et destituée de l'honneur d'une alliance dont il lui a inspiré et dont elle a nourri peut-être l'espérance. Enfin, sans lui laisser reprendre baleine davantage, ce qu'il semble n'avoir que trop fait depuis la veille, Saint-Simon demande au duc d'Orléans s'il ne consentirait pas à voir madame de Maintenon afin de se la rendre favorable, et au cas où il s'y résoudrait, s'il ne la verrait pas avant le roi.

Le sang-froid avec lequel le prince essuie cette question et y répond effraye Saint-Simon qui combat désormais comme un homme résolu à ne sortir de ce fameux entresol, théâtre de la dispute, que victorieux ou disgracié. Employant tour à tour la prière et la menace, il cherche à ébranler, à la fois par la terreur et la pitié, ce prince généreux qui doit ne point accabler deux amis dévoués du poids immense de la douleur d'avoir si longuement et si cruellement combattu en vain[56], et ce prince, hier encore si populaire et si digne de l'être, qui doit choisir, et choisir pour jamais, entre la gloire de sauver le royaume de ses pères, ou la honte de s'ensevelir tout vivant dans un désordre et une obscurité, qui enfonceroient le plus simple particulier dans des ténèbres infâmes et sans retour[57] ; entre l'amour et la reconnaissance de la nation, et cette sorte de rage qui produisoit le dechaînement universel et inouï contre lui..... et cette aliénation générale qui tenoit de la fureur.

Sentant le prince mollir et ployer sous le faix de sa véhémence, Saint-Simon l'accule enfin au oui fatal, et le précipite plutôt qu'il ne le conduit dans cette première démarche de la conversion, une demande d'audience à madame de Maintenon.

Et alors, nous assistons à ce singulier revirement bien digne de l'âme la plus mobile qui ait jamais existé.

Le duc d'Orléans remercia Saint-Simon de l'avoir retiré du sépulcre dont un dernier affaissement auroit à jamais scellé la pierre, et cela d'un ton de gémissement auquel le conseiller triomphant reconnut l'impression profonde qu'il avoit faite en son âme et bien plus encore lorsque, se levant de sa chaise, le prince se mit à reprocher à Bezons sa mollesse à lui parler[58].

A partir de ce moment, ce cœur si rebelle, si vivace, ne fait plus que palpiter.

Tandis que Saint-Simon se plaignoit en amitié, mais en amertume, au maréchal de Bezons, du peu de secours qu'il lui avoit donné et que celui-ci lui avouait qu'il avait été souvent épouvanté à ne savoir où se fourrer[59], tandis que, s'applaudissant enfin ensemble d'un succès que le victorieux duc partageait noblement avec son trop timide auxiliaire, ils se concertaient prudemment sur la discrétion avec laquelle il fallait jouir d'un honneur qui était un danger[60] ; pendant ce temps, disons-nous, le duc d'Orléans voyait madame de Maintenon qu'il rendait surprise et ravie, et voyait le roi qu'il trouvoit très-surpris de sa démarche, mais point épanoui[61].

Il était convenu avec madame de Maintenon et accepté par le roi que madame d'Argenton serait traitée comme il le pouvoit souhaiter.... sans lettre de cachet ni rien de semblable, et qu'elle mit se retirer, soit dans un couvent, soit dans une terre ou dans une ville telle qu'elle la voudroit choisir, sans même être astreinte à demeurer dans un même lieu.

Saint-Simon approuva ces délicatesses, pourvu qu'il n'en fût pas abusé, et que la maîtresse déchue n'allât point dans ses apanages, faire la dominatrice. Madame de Maintenon, fort officieuse en cette circonstance, avoit promis d'envoyer chercher la duchesse de Ventadour pour concerter tout avec elle ; et quel personnage pour une dame d'honneur de Madame et une gouvernante des Enfants de France ![62]

Le duc d'Orléans annonça à ses deux conseillers (toujours le vendredi 3 janvier 1710) qu'il assuroit à madame d'Argenton quarante-cinq mille livres de rente[63], dont presque tout le fonds appartiendroit au fils qu'il avoit d'elle, et qu'il avoit reconnu et fait légitimer..... Que, outre ce bien, il restoit à sa maîtresse pour plus de quatre cent mille livres de pierreries, d'argenterie ou de meubles, qu'il se chargeoit de toutes ses jusqu'au jour de la rupture, pour qu'elle ne pût être importunée d'aucun créancier, et que tout ce qu'elle avoit lui demeurât libre, ce qui alloit encore à de grandes sommes[64], et qu'il croyoit qu'avec ces avantages, elle-même ne pourroit prétendre à une plus grande libéralité. Elle passoit deux millions, ajoute Saint-Simon, et je la trouvai prodigieuse, mais en la louant ; il ne s'agissoit pas de pouvoir dire autrement. Quelque puissant prince qu'il fut, une telle brèche devoit le rendre sage[65].

Ce qui compensa un peu à ses yeux cette concession fut la satisfaction de voir Bezons réussir où lui-même avait échoué deux fois, et obtenir de M. le duc d'Orléans qu'il verroit dans la journée madame sa femme, et lui diroit la rupture.

Cependant, tandis que Bezons qui n'en pouvoit plus, s'alloit cacher à Paris au fond de sa maison, pendant le premier éclat de la rupture, et se mettre à l'abri de toute question et de tout propos, tandis que le duc de Saint-Simon se divertissoit encore intérieurement[66] des doléances extrêmes que madame la duchesse de Saint-Pierre lui avoit faites chez madame de Saint-Géran, sur les malheurs de madame d'Orléans, et cette tyrannie insurmontable — alors qu'elle était déjà surmontée — de madame d'Argenton[67], tandis qu'enfin la duchesse d'Orléans, instruite par Bezons qu'elle avait envoyé chercher, sur tout ce qui lui était revenu par le domestique, étoit transportée de la plus vive joie, — M. le duc d'Orléans se rendait, avec une résignation qu'une rupture par ordre mit changée en indignation et peut-dire en rébellion ouverte, accomplir la dernière promesse que lui avait arrachée la rude éloquence de son ami.

Je passai toute l'après-dînée avec M. le duc d'Orléans, qui n'étoit pas moins touché que le matin même[68]. Il me dit que madame de Maintenon avoit envoyé chercher la duchesse de Ventadour aussitôt qu'il fut sorti de chez elle ; qu'elle l'avoit chargée de faire entendre à madame d'Argenton ce dont il étoit question, sur quoi lui et la duchesse étoient convenus d'envoyer chercher Chausseraye, à qui il avoit envoyé sa chaise de poste, à Madrid, où elle avoit une petite maison où elle étoit, et qui ne tarda pas à venir. La commission lui parut fort dure, mais les prières et les larmes de la duchesse de Ventadour, son amie intime, la persuadèrent enfin d'aller apprendre à leur bonne amie commune le changement de son sort[69]...

Le 4 janvier 1710, tout fut consommé.

Chausseraye était allée la veille tout droit chez la duchesse de Ventadour, à Versailles, chez madame d'Argenton, à Paris, où elle ne la trouva point, et sut qu'elle était allée jouer et souper chez la princesse de Rohan, d'où elle ne reviendrait que fort tard ; sur quoi elle lui manda qu'elle avoit à lui parler, et qu'elle l'attendoit chez elle. Madame d'Argenton ne se pressant point de revenir, mademoiselle de Chausseraye renvoya et la fit arriver[70]. Elle lui dit que ce qu'elle avoit à lui apprendre étoit si sérieux qu'elle eût bien voulu qu'une autre s'en fût chargée, et avec ces détours comme pour annoncer la mort de quelqu'un, elle fut longtemps sans être entendue. Enfin, elle le fut. Les larmes, les cris, les hurlements firent retentir la maison, et annoncèrent au nombreux domestique la fin de sa félicité, lequel ne fut pas plus ferme que la maîtresse. Après un long silence de Chausseraye, elle se mit à parler de son mieux, à faire valoir les largesses, la délicatesse, surtout par écrit, la liberté dans tout le royaume, excepté Paris et les apanages. Madame d'Argenton au désespoir, mais peu à peu devenue plus traitable, demanda à se retirer pour les premiers temps dans l'abbaye de Gomerfontaine, en Picardie, où elle avoit été levée et y avoit une sœur religieuse. L'abbé de Thesut, secrétaire des commandements de M. le duc d'Orléans, ami intime de toute cette séquelle, et dont j'aurai occasion de parler dans la suite, fut mandé, puis envoyé à Versailles, chargé d'une lettre de madame d'Argenton pour M. le duc d'Orléans, et d'une autre pour madame de Ventadour, puis de voir madame de Maintenon sur cette retraite[71].

Cette lettre faillit tout perdre et le refus du lien qu'elle indiquait pour sa retraite[72], tout rendre à la disgraciée. Aux premiers mots qui lui furent dits par l'abbé, le duc d'Orléans, que Saint-Simon entretenait avec quelques officiers pour l'amuser comme ils pouvaient, changea de visage, rêva un moment..... puis m'appela, ce qui fit sortir les autres. Demeurés seuls tous trois, il entra en une espèce de rage et de fureur, et s'abandonna au repentir de ne pas s'en être fui de Bezons et de moi dans le sein de sa maîtresse, la nuit qui précéda la rupture, comme il en avoit été mille fois tenté[73].

Saint-Simon eut grand'peine à lui faire entendre raison en ce déchainement. Gomerfontaine ne fut pas accord, malgré les instances du duc d'Orléans, pour lieu de refuge à madame d'Argenton, mais on n'excepta que celui-là. Le roi daigna, en cette circonstance, prendre, avec des douceurs inaccoutumées pour son neveu, la défense de madame de Maintenon.

Madame d'Argenton ne demeura que quatre jours à Paris[74], depuis que Chausseraye lui était allée dire la rupture —. Elle s'en alla chez son père, qui vivoit chez lui, près de Pont-Sainte-Maxence, et le chevalier d'Orléans, son fils, demeura au Palais-Royal.

Cette retraite excita toutes les langues. Les amies de madame d'Argenton s'en irritèrent, comme d'un outrage, n'osant crier contre la rupture même. La duchesse de Ventadour, naturellement douce et d'ailleurs retenue par la cour, se contenta de pleurer. La duchesse douairière d'Aumont, sa sœur, ne se contraignit pas tant. Dévote outrée, joueuse démesurée par accès et souvent les deux ensemble, et toujours méchante, elle étoit la meilleure amie de madame d'Argenton et força la duchesse d'Humières, sa belle-fille, de la venir voir partir avec elle. La duchesse de la Ferté et madame de Bouillon s'emportèrent fort aussi, et toute la lie de Paris et du Palais-Royal sans mesure. Les ennemis de M. le duc d'Orléans, particulièrement madame la Duchesse, et tout ce qui tenoit à elle.... semèrent... que la victime étoit fort à plaindre, maïs que bientôt M. le duc d'Orléans, lassé d'une vie raisonnable, prendroit quelque nouvel engagement[75].

Ils ne se trompaient pas.

En dépit des efforts de Saint-Simon pour achever son œuvre et la maintenir, et pour le lier étroitement avec sa femme ; en dépit de la modération et de la sagesse avec laquelle cette princesse, instruite par le malheur, contint sa joie[76] ; en dépit enfin des diverses choses concertées entre l'épouse restaurée et son libérateur pour remettre M. le duc d'Orléans au monde, ce prince, qui avait besoin d'un asservissement, ne tarda pas à rechercher des liens auprès desquels ceux qui l'attachaient à madame d'Argenton étaient un honneur, et ne tarda pas à reprendre la Desmares.

Une maîtresse quittée pour une maîtresse reprise, tel fut donc le résultat de ces efforts, de cette audace, de cette éloquence prodigués par Saint-Simon ! Ajoutez à cela quelques amis et beaucoup d'ennemis. Sa vanité d'orateur, qui s'épanche si superbement dans les quatre-vingts pages que le duc et pair consacre à cette histoire de sa lutte contre une femme, dut souffrir cruellement de cet échec. Tout autre que lui mit été même découragé ; Saint-Simon, aussi tenace qu'orgueilleux, se résigna à prêcher quand même et à ne convertir jamais. Cette rupture, dont les motifs et les incidents n'ont été connus d'aucun des auteurs[77] qui se sont chargés de faire la difficile histoire des vices du duc d'Orléans, fut regardée comme une déchéance par les chansonniers et par la foule dont ils étaient l'écho. C'est un contraste qui vaut la peine d'être noté ; ainsi, tandis que le roi se livroit à la plus grande joie[78], et que madame de Maintenon favorisait, ne se sentant pas encore assez forte pour le contrarier, ce retour de sympathie ; tandis que la ville et la cour vantaient le repentir du prince prodigue, les chansonniers s'en donnaient à cœur joie sur cette conversion peu durable et même peu profitable, à leur avis. Là où tout le monde voyait un progrès, ils voient hardiment une chute ; et comme le duc d'Orléans commençait déjà à se faire une sorte de loi de donner raison à ses ennemis, ils ne se trompèrent pas.

Écoutez les couplets ironiques qu'ils mêlent au solennel concert du triomphe officiel :

Monsieur oyant eu la foiblesse

De proscrire la d'Argenton,

Qui voudrait être sa maîtresse

Qu'une élève de la Fillon ?

Il tait succéder il, la gloire

La musique et la volupté,

On le nommera dans l'histoire

Le héros de l'oisiveté[79].

Ce n'était vraiment pas une femme ordinaire, uniquement ambitieuse ou uniquement frivole, n'en déplaise à Saint-Simon, que cette favorite, dont la disgrâce eut pour courtisans les gens les moins capables de l'être, les satiriques de son temps. Et ce n'est pas un seul cri de colère et de pitié que soulève cette infortune, c'est un feu roulant d'indignation. Partout retentit dans quelque allusion mordante, dans quelque brutale apostrophe, la vengeance quelquefois délicate, le plus souvent grossière, des chansonniers :

D'Orléans va bien s'amuser

Avec les maîtres à chanter,

Et le grand œuvre il pourra faire,

Lère, là, lanlère.

Quand la Séry le possédoit,

Mieux des trois quarta il en valoit ;

Maintenant il n'est bon qu'à faire

Lère, là, lanlère[80].

Un autre couplet contient encore un éloge que d'Argenton partage avec l'adversité, cette lâche ou sublime conseillère :

Malheur instruit plus en un jour

Que tous les maîtres de la terre

Turin le fait homme de guerre,

La d'Argenton sage en amour,

Et la duchesse homme de cour[81].

Ce qu'avaient fait de concert l'amour et le malheur, ce que la haine de madame la Duchesse et le dévouement de madame d'Argenton avaient réveillé de grand dans le cœur du duc d'Orléans, tout cela fut  étouffé par le premier et vénal baiser de la Desmares.

Et madame d'Argenton, que devint-elle, que fit-elle de ce cœur qu'elle avait remporté tout entier ? Mourut-elle bientôt de douleur ou de mépris pour son indigne amant[82] ? Jouit-elle de la liberté qu'il lui avait si brutalement rendue, et garda-t-elle assez pour croire encore, de ces illusions si rudement déçues ?

Oui, la perpétuelle tendresse et la perpétuelle espérance, n'est-ce pas le rôle de la femme ? Madame d'Argenton se reprit donc peu à peu à la vie que refleurissait un nouvel amour, secret longtemps, puis enfin avoué, et avoué trop tard, au moment où, trompé comme le premier, il devenait une douleur et une honte.

Son amant, dit Boisjourdain, fut le chevalier d'Oppède, fils du premier président de Grenoble, qu'elle a aimé jusqu'à sa mort... Et il ajoute un peu plus loin : Ce chevalier, neveu du cardinal Jansen, était un homme qui n'avait de fortune qu'une belle figure[83].

Duclos et Saint-Simon ont donné à cette dernière passion madame d'Argenton une courte et sèche mention. Mais les quelques lignes que ce dernier consacre à son ancienne ennemie sont implacables et ouvrent sur les misères de son intérieur une impitoyable éclaircie. Écoutons d'abord Duclos[84] :

Le chevalier d'Oppède, neveu du cardinal Janson, mourut cette année (1717). N'ayant d'autre bien que sa figure, il avoit épousé par besoin la marquise d'Argenton — comtesse, Monsieur Duclos ! — maîtresse du Régent et mère du chevalier d'Orléans, et tenu par honneur son mariage secret. Je ne rapporte un fait si peu important que pour faire voir qu'on vouloit encore se marier honnêtement. Je n'entends pas blâmer par là les mariages disproportionnés par la naissance ou par la fortune, et justifiés par le mérite[85].

A Saint-Simon maintenant :

Madame d'Argenton, longtemps depuis que M. le duc d'Orléans l'eût quittée, avoit vécu avec le chevalier d'Oppède, jeune et bien fait, qui étoit dans les gardes du corps et dont le nom étoit Sanson, fort proche du feu cardinal de Jansen. Ensuite elle pensa à accommoder ses plaisirs à sa conscience, lui fit des avantages pour un cadet qui n'avoit rien, l'obligea à quitter le service et l'épousa. Mais tous deux, par honneur, voulurent que ce fût secrètement. Elle n'en eut point d'enfant et le perdit en ce temps-ci. Il la traitoit avec une grande rudesse et lui donna tout lieu de se e consoler'[86].

Depuis 1717 nous ne savons plus rien de madame d'Argenton. Est-ce qu'on reparle encore des femmes que l'amour a trompées deux fois ?

 

 

 



[1] Une seule des maîtresses du duc d'Orléans a paru le captiver un peu ; elle étoit de Rouen, d'une fort honnête famille, et a été connue sous le nom de comtesse d'Argenton. Sa beauté n'étoit pas parfaite, mais elle avoir beaucoup d'agréments, un air vif et modeste, un esprit doux, une vraie tendresse pour son amant ; elle n'aima que lui et l'aima ardemment. (Vie de Philippe d'Orléans, par La Mothe, dit de la Hode, 1736, 2 vol. in-12, t, I, p. 22.) — Ce La Mothe était un jésuite de Rouen, qui avait été obligé de s'expatrier à la suite d'un sermon contre le Régent. Il vécut, en Hollande du produit de ses livres et de ses libelles. V. les Mémoires de la Régence, t. I, p. 27, 41.

[2] D'autres disent : de La Boissière, Boisjourdain, par exemple : Son père, le marquis de La Boissière, était ambassadeur en Hollande. (Mélanges, t. I, p. 207.)

[3] Surtout en Espagne, où l'Amant formait le pendant nécessaire et obligé de la Fille d'honneur, et participait officiellement, à côté d'elle, à toutes les cérémonies. Il faut lire dans les cariasses et spirituelles Lettres de madame de Villars (Paris, Chaumerot, 1823), les détails inouïs qu'elle donne au sujet de ces contrastes qu'offraient à tous moments à ses yeux les mœurs à la fois galantes et dévotes de l'Espagne. Il faut l'entendre montrant, à la comédie, les amants regarder leurs maltraites, et leur parler de loin, avec des signes qu'ils font de leurs doigts, ou à certaines processions, usant du droit qui est reconnu par l'usage, d'y accompagner et d'y entretenir leurs maîtresses. Une autre phrase d'elle peint à merveille ces privilèges singuliers de la cour de Madrid : Les dix filles d'honneur avoient des pointes de gaze blanche sur leurs têtes et leurs amants à leurs côtés. Madame convient du reste volontiers de ces difficultés : Cette femme, après tout, aura fort à faire, car, comme vous le remarquez très-bien, ce n'est pas une petite charge que celle de gouvernante des filles d'honneur. (Correspondance, 10 octobre 1698, t. I, p. 84.) Bien avant Madame, le Ménogiana avait constaté aussi que c'est une charge extrêmement difficile à exercer à la cour que celle de fille d'honneur.

[4] Madame avait eu na part des désagréments attachés au charmant privilège des filles d'honneur, et en parlait par expérience. L'affaire de Loube n'est qu'une des moindres peines qu'on m'a données ici. (Correspondance, 18 mars 1718, t. I, p. 380.) Cette Loube (Françoise de) avait été probablement fille d'honneur et avait cessé de l'être, et avait dû se retirer dans un couvent. (Journal de Dangeau, 25 octobre 1686.) J'ai été fortement contrariée lorsque j'ai dû congédier mes filles d'honneur ; j'en avais quatre ou cinq avec leur gouvernante. Elles m'amusaient, car c'étaient de jeunes personnes fort gaies. (Madame, Correspondance, t. I, p. 36.) Si gaies que, lorsque Madame renvoya mademoiselle de Séry, elle profita de l'occasion pour marier mademoiselle de Grammont, depuis lady Staffort.

[5] M. le duc d'Orléans nous dit qu'il venoit de rendre compte à Madame de ce qu'il avoit fait, s qu'elle l'avoit fort approuvé, mais qu'elle l'avoit mis au désespoir par le mal qu'elle lui avoit dit e de madame d'Argenton... Madame était très-journalière ; elle était peut-être dans un de ces accès de spleen allemand où elle se sentait fâcheuse comme une punaise ; autrement elle ne se serait pas contredite ainsi, à ce point et en pareille circonstance. ... Il s'aigrit même en nous le racontant, et je m'en aigris avec lui parce que, à la misérable façon dont elle avoit toujours traité et ménagé cette maîtresse, ce n'étoit pas à elle à en dire de mal, etc. (Mémoires de Saint-Simon, édition Chéruel, in 8°, t. VIII, p. 48).

[6] Nous citerons ce couplet en son temps.

[7] Mémoires de Maurepas, t. I, p. 111.

[8] Madame, Correspondance, 26 juillet 1716, t. I, p. 259.

[9] Mélanges de Boisjourdain, t. I, p. 216.

[10] Il étoit depuis longtemps amoureux de mademoiselle de Séry. (Saint-Simon.)

[11] Madame d'Orléans était périodiquement enceinte et eut huit enfants. Cela suffisait, quoi qu'en dise Saint-Simon, à Madame d'Orléans, peu sensible aux vicissitudes de la vie conjugale. Elle avait épousé par vanité un mari qui l'avait épousée par force. Madame de Caylus nous l'a montrée à ce moment, lui disant avec son ton de lendore : Je ne me sourie pas qu'il m'aime, je me soucie qu'il m'épouse. Nous reviendrons, à propos de madame de Parabère, sur ce sujet. Madame nous apprend cependant que la duchesse aurait eu des velléités de représailles, Monsieur la hait comme le diable quand il se fut figuré qu'elle regardait d'un mil trop favorable le chevalier de Roye. Et il y avait du vrai dans ce soupçon, s'il faut en croire Madame, et les accusations même dont Saint-Simon fut obligé de disculper Madame d'Orléans dans cette curieuse scène où le mari fit lui-même le rôle du ministère public.

[12] Madame n'ajoute à ce portrait qu'un trait qui le complète : Le chevalier d'Orléans est fort joli, mais un peu moqueur : il contrefait tout le monde ; il tient de sa mère. (Correspondance, 8 oct. 1717, t. I, p. 337.)

[13] Mémoires de Saint-Simon, t. V, p. 207.

[14] Mémoires de Saint-Simon, t. V, p. 207.

[15] Recueil Maurepas (1702).

[16] La Place, Pièces intéressantes et peu connues, pour servir à l'histoire, 1785, in-12, t. IV, p. 210.

[17] M. Brunet, dans la préface de la Correspondance de Madame, en compte trois. Les Mémoires de Maurepas, deux seulement.

[18] Il était fort aimable et avait été extrêmement débauché ; mais depuis deux ans, il s'était jeté dans une dévotion si austère, qu'elle l'a plus épuisé que ses débauches. (Journal de Barbier, t. IV, p. 310. Juin 1748.)

[19] Qui furent fort nombreux, et dont les seuls connus sont l'archevêque de Cambray, fils de la Florence, et madame de Ségur, fille de la Desmares. Le Régent, disait Mathieu Marais, met en pratique ce que le poète Lainez lui dit un jour après la bataille d'Hochstedt :

Tout un peuple alarmé n'a plus qu'une espérance,

Prince, à mille plaisirs livre tee jeunes ans,

Reçois plus que jamais la Séry, la Florence ;

Dans l'état où l'Anglois vient de mettre la France,

On ne peut trop avoir de bâtards d'Orléans.

(Mathieu Marais, 25 janvier 1722.)

[20] Ce crédit de mademoiselle de Séry fut tel que Madame et la duchesse d'Orléans durent compter avec elle. Le duc d'Orléans poussa la faiblesse jusqu'à en faire l'amie de sa fille. Il la faisait souvent venir en tiers entre madame d'Argenton et lui, dit, de la duchesse de Berry, madame de Caylus en ces Souvenirs.

[21] Charlotte-Éléonore-Madeleine de La Mothe Houdancourt, fille du maréchal de La Mothe, fut demoiselle d'honneur de la reine. Elle dut à un caprice passager de Louis XIV, qu'on cherchait à dégoûter de La Vallière, un commencement de grandeur, qu'elle ne sut pas achever. Le chevalier de Grammont qui était amoureux de La Mothe, découvrit ce commerce ; madame de Navailles qui s'en aperçut aussi, fit murer des portes et griller des fenêtres. On sait l'éclat de cette affaire, suivie de l'exil de Grammont et de madame de Navailles. Cependant le roi s'acharnait après la conquête que tout lui disputait. La Mothe, belle de sa beauté, plus belle encore de sa résistance, supplantait La Vallière, si elle eût osé le vouloir d'elle-même. Mais la comtesse de Soissons lui soufflait tout, jusqu'à l'expression de sa passion. Il fallait être bien amoureux pour apprendre impunément que d'Alluye et Feuilloux rédigeaient les lettres de La Mothe, et pour pouvoir entendre leur contenu de la bouche de la reine mère, deux heures avant qu'elles ne fussent écrites. Louis XIV ne résista pas à pareille déception ; il rompit avec La Mothe, demanda pardon à La Vallière et lui avoua tout, et La Mothe s'est piquée depuis d'avoir une passion pour le roi qui l'a rendue une vestale pour tous les autres hommes. (Mme de La Fayette, Histoire de Madame Henriette, collection Michau, t. XXXII, p. 192.) Elle épousa le duc de Lévis-Ventadour, espèce de satyre qui la rendit fort malheureuse, et dont elle fut séparée de bonne heure. Saint-Simon la dit fort belle et fort agréable, Madame ajoute qu'elle étoit bonne, mais n'étoit pas la femme la plus adroite du monde. (Correspondance complète, 1er juin 1717, t. I, p. 498.) D'abord dame d'honneur de Madame, puis gouvernante de Louis XV, elle se concilia par son dévouement vraiment maternel l'amour du roi et le respect de tous. Le souvenir de ses fautes passées l'avait rendue indu (gente pour mademoiselle de Séry, et elle lui servit de plastron contre une médisance qui ne l'avait pas épargnée. (Voir Saint-Simon, édit. Delloye, 1840, 40 vol., t. VII, p. 36, 187, sur son plus que très-intime ami dès leur jeunesse, le duc de Villeroy. Voir aussi, sans trop y croire, la France devenue italienne.)

[22] Mémoires de Saint-Simon, édit. Chéruel, Hachette, in-8°, t. V, p. 208.

[23] Mémoires de Saint-Simon, t. XII, p. 92-122.

[24] Madame, Correspondance complète, 6 oct. 1719, t. II, p. 164.

[25] Madame, Correspondance complète, 31 mai 1718, t. I, p. 109.

[26] Boisjourdain, Mélanges, t. I, p. 216.

[27] Madame, 1er novembre 1718, t. II, p.21.

[28] Quelle conversion espérer pourtant d'un prince qui s'efforcoit de se persuader qu'il n'y a pas de Dieu, et qui croyoit au diable jusqu'à espérer de le voir et de l'entretenir, et qui emportait Rabelais à la messe de Noël, de peur de s'ennuyer, et s'en vantait !

[29] Mémoires de Saint-Simon, t. V, p. 209.

[30] Le duc d'Orléans ne tarde pas à être encore plus indiscret : Un fou s'imagine, à Paris, dit Madame, qu'il peut faire venir un ange dans une chambre ; mon fils veut s'amuser de ce fou. Il va le trouver et, entre autres impertinences, il lui demande combien de temps le roi a encore à vivre. (Madame, 3 mars 1707, t. I, p. 913.) Cependant, dit Saint-Simon, il est incroyable, mais il est vrai, qu'avec la perspective depuis longtemps ouverte de cette grande autorité à exercer, il n'avait concerté avec personne aucune mesure, et se trouva pris à l'improviste par l'événement.

[31] Mémoires de Saint-Simon, t. V, p. 209-212. — On trouva plus tard tout un système prémédité de criminelles excitations dans cette merveilleuse rencontre du hasard, ou peut-être dans cet innocent artifice d'une femme éprise, pour le compte de son amant, de la grandeur et de la gloire. (V. Boisjourdain et Saint-Simon.)

[32] Mémoires, t. V, p. 210.

[33] La Correspondance inédite de la marquise de La Cour dit, à ce propos, à la date du 26 avril 1706 : Vous savez que mademoiselle de Séry est partie en poste pour aller retrouver le duc d'Orléans, et cela, sous la conduite d'une dame qui est, si vous le trouvez bon, un peu de vos parentes, et qui s'en tient fort honorée. C'est madame de Nancré, preuve évidente que l'honneur des dames est où elles le veulent bien mettre.

[34] Mémoires de Saint-Simon, t. V, p. 252.

[35] Mémoires de Saint-Simon, t. V, p. 254.

[36] Mémoires de Saint-Simon, t. V, p. 248.

[37] Tout Paris, pour Rodrigue, eut les yeux de Chimène.

[38] Ils chantaient, ces bons bourgeois, après la prise de Lérida :

Pour vous, tous les meurs de Paris,

Ressemblent à celui de Séry,

Que votre absence désespère,

Lère la lire lanlère,

Lerela a Lerida,

(Recueil Maurepas.)

[39] On dit même plus, comme on va voir tout à l'heure.

[40] Mémoires de Saint-Simon, t. VII, p. 311.

[41] Ce repas fut des plus licencieux. (Note de Saint-Simon sur le Journal de Dangeau, in-8°, t. XIII, p. 82.)

[42] M. le duc d'Orléans donna un dîner à l'électeur de Bavière ; allumant le séjour qu'il a fait à Paris, et à ce dîner, madame d'Argenton y était avec toutes ses amies, et le roi fut fort blessé de cela. (Journal de Dangeau, t. XIII, p. 81.)

[43] Recueil Maurepas (1710).

[44] Il revenoit de la campagne où il avoit été fort longtemps. (Note de Saint-Simon sur le Journal de Dangeau, t. XIII, p. 82.)

[45] Le roi avoit supporté d'autant plus impatiemment ce que M. d'Orléans avoit fait pour sa maîtresse, qu'il n'avoit pas cru devoir l'empêcher, après la conduite qu'il avoit eue lui-même avec les siennes, et le ridicule voyage de Grenoble avoit achevé d'irriter le roi contre elle. L'affaire d'Espagne, sans cesse aigrie par Monseigneur et par d'autres plus à portée que lui de son cœur, et constamment attisée par madame de Maintenon, avoit rendu M. le duc d'Orléans encore plus odieux au roi que sa maîtresse. L'éclat de la fête de Saint-Cloud fut la dernière goutte d'eau qui fait répandre le verre déjà plein. (Note de Saint-Simon sur le Journal de Dangeau, t. p. 82.)

[46] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 1-6.

[47] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 7.

[48] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 9.

[49] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 11.

[50] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 12.

[51] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 14.

[52] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 15.

[53] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 17-20.

[54] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 21.

[55] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 23.

[56] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 30.

[57] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 32.

[58] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 34-36.

[59] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 38-39.

[60] Rendons-leur cependant plus de justice ; ce n'est pas le 2 que Saint-Simon et Bezons s'effrayent des conséquences que peut avoir sur leur avenir de courtisans le dévouement énergique dont ils ont fait preuve. Ce jour-là, ils se bornent à se plaindre réciproquement d'une grande fatigue de corps et d'esprit (Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 39), et c'est seulement le 3, que la nuit ayant porté conseil, les deux héros de l'amitié commencent à songer à éviter l'orage de la séquelle de madame d'Argenton, de madame la duchesse et de la sienne (Ibid., p. 50).

[61] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 46.

[62] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 46.

[63] Dangeau, dans son Journal, dit quarante mille livres seulement. (T. XIII, p. 84.)

[64] On dit que M. le duc d'Orléans fera payer toutes ses dettes à Paris, qui sont assez considérables. Elle faisoit une prodigieuse dépense. (Journal de Dangeau, 4 janvier 1710, t. XIII, p, 82.) Le surlendemain, mieux informé, Dangeau évalue ces dettes à moins de 100.000 francs.

[65] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 51.

[66] Saint-Simon, malgré toute son honnêteté, ne vivait pas impunément à la cour, et s'il n'était pas assez corrompu pour calculer la récompense du bien qu'il faisait, il était trop prudent pour ne pas en esquiver autant que possible à dangereuse responsabilité. Pour Bezons, c'est le type du courtisan gauche et pusillanime, s'effrayant de ses bonnes actions, et en fuyant les suites comme on fuit l'explosion d'une mine. Saint-Simon, dans ses notes sur Dangeau, ne se désigne que sous la rubrique assez vague de un ami de M. le duc d'Orléans.

[67] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 55.

[68] Saint-Simon l'a représenté ce matin-là ayant de fréquentes interruptions de larmes et des élans de douleur. (Mémoires, t. VIII, p. 40.)

[69] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 57. — Sur cette demoiselle de Chausseraye, que Boisjourdain place, un peu arbitrairement peut-être, quoique sans calomnie à coup sûr, au rang des maîtresses du duc d'Orléans, v. les Mémoires de Maurepas, t. I, p. 113, Duclos, Mémoires secrets, collection Michaud, p. 479, et surtout Saint-Simon. Cette Chausseraye, que Lemontey traita tout simplement d'intrigante, était une grande et grosse fille qui avait infiniment d'esprit, de sens et de vues, et dont tout l'esprit était tourné à l'intrigue, au manège, à la fortune... Jamais créature si adroite, si insinuante, si flatteuse sans fadeur, si fine ni si fausse, et qui en moins de temps reconnût ses gens et par où il fallait les prendre. (Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 57-58.) Duclos nous a révélé le masque particulier qu'elle avait adopté, et qui lui valut sa fortune à la cour ; c'était une physionomie de candeur et une naïveté dont elle eut l'adresse de conserver l'extérieur et le ton, lorsque l'usage de la cour lui en eut fait acquérir toute la finesse. Il est à remarquer que les femmes un peu bourgeoises, un peu caillettes, mais très-positives, telles qu'on nous peint les Ventadour et les Chausseraye eurent le plus grand crédit à la fin de ce siècle, qui se range et s'embourgeoise aussi après madame de Maintenon. La galanterie et, après l'intrigue et l'intimité de madame de Ventadour, acquirent à madame de Chausseraye des amis et de la considération jusque-là que l'on comptait avec elle dans le monde. (Mém. de Saint-Simon, t. VIII, p. 58.) Elle fit toujours tout ce qu'elle voulut des ministres. Louis XIV lui-même s'était engoué de la Chausseraye et de cette brusque franchise, de ces rudes flatteries, dont elle avait pris, dans son long et intime commerce avec Madame, l'art et l'habitude. Mais c'est surtout sous la Régence que son crédit fut incontestable, et qu'elle en donna des preuves. Elle tira de ce métier plusieurs millions. Elle étoit amie intime de madame d'Argenton et de toute cette séquelle, dont elle tiroit du plaisir et de l'argent de M. le duc d'Orléans..... Comme madame de Ventadour, elle étoit devenue dévote, mais elle n'en intriguoit pas moins. Il est incroyable de combien de choses elle se mêloit..... (Ibid.)

[70] C'est ici le lieu de relever les nombreuses inexactitudes dont fourmille, dans La Beaumelle (Mémoires, t. V, p. 55-56), le récit de la rupture. D'après le compilateur, en d'autres endroits beaucoup mieux inspiré, n'est madame de Maintenon qui aurait obtenu du duc d'Orléans le sacrifice de sa maitresse, en prenant au mot ses protestations de dévouement et d'obéissance au roi, et c'est à la condition du renvoi de madame d'Argenton, appelée en ce moment fort improprement mademoiselle de Séry, que le duc d'Orléans aurait obtenu le commandement des troupes en Italie. Or, c'est longtemps après le retour d'Italie que le fait eut lieu, et il ne fut pas inspiré, comme on voit, par madame de Maintenon. D'après La Beaumelle, c'est la sage et réellement vertueuse madame de Dangeau qui aurait été chargée de notifier sa disgrâce à la favorite, et cela en lui remettant un congé écrit de la propre main du duc d'Orléans. Toujours d'après le même auteur, la lettre aurait été remise à la malheureuse madame d'Argenton en grande compagnie. Le récit de Saint-Simon est beaucoup plus plausible que celui de La Beaumelle, tiré des Mémoires manuscrits de madame de Bouju, dame de Saint-Cyr, fatras de commérages de couvent, et que celui-là même qui s'en est servi ne ménage guère : Quand elle lut le recueil de madame de Bouju, madame de Maintenon s'écrioit à chaque instant ! Mais voilà des choses que je n'ai jamais dites ni pensées ! Madame de Bouju avoit une piété fort âpre, tout ce que madame de Maintenon avoit dit de doux s'etoit aigri en passant par sa plume. (Mémoires de La Beaumelle, t. V, p. 252.)

[71] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 68.

[72] Les motifs du refus étaient plus humiliants que le refus même. Madame de Maintenon, dit Saint-Simon, aimoit l'abbesse et la maison de Gomerfontaine, où elle avoit envoyé des filles de Saint-Cyr. Elle avoit des desseins dessus, et ne vouloit pas que madame d'Argenton les gâtât. Ce couvent, ajoute plus explicitement Dangeau, étoit sous la protection particulière de madame de Maintenon, qui a jugé qu'une pareille pensionnaire n'y était pas propre. (Journal, t. XIII, p.84.) Ce n'était pas une femme ordinaire que celle dont on redoutait ainsi, jusque dans l'ombre du cloître, les grâces irrésistibles.

[73] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 69.

[74] Ce délai fut employé à régler ses affaires. Elle vend sa maison, dit Dangeau à la date du 6 janvier, qui avait l'entrée dans le Palais-Royal, et qui est fort petite, mais fort magnifique. (Journal, t. XIII, p. 84.) Une lettre de la marquise d'Huxelles, du 13 janvier, noue donne une idée de cette magnificence : On va voir comme une rareté la maison de madame d'Argenton, où Coypel a peint un Triomphe de l'Amour sur les dieux, comparable au Festin de Raphaël, des dieux aussi, à Rome.

[75] Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 70-71.

[76] Madame la duchesse d'Orléans a eu dans tout e cela la conduite et la patience d'un ange. (Journal de Dangeau, t. XIII, p. 82.) Elle ne put cependant résister au désir de triompher au moins une fois en public, en se montrant à l'Opéra, entre son mari reconquis et Saint-Simon, dans la petite loge faite exprès pour madame d'Argenton. (Mémoires de Saint-Simon, t. VIII, p. 138.)

[77] Les Mémoires de Maurepas disent que madame d'Argenton se dégoûta de M. le duc d'Orléans, et que ce prince lui reprocha son intrigue avec le chevalier de Sade.

Les Mélanges de Boisjourdain prétendent que le prince se brouilla avec sa maîtresse parce qu'elle exigeait qu'il l'aimât dans le genre pastoral en berger qui soupire. La Beaumelle affirme que madame d'Argenton publia qu'elle avoit quitté la première, sana en dire les motifs. Dangeau voit dans la rupture une obéissance aux ordres du roi.

[78] Le roi en fut également aise et surpris, madame de Maintenon également surprise et affligée. Cela déconcertoit les seconds projets qu'elle avoit substitués aux premiers sur l'affaire d'Espagne, et elle ne se put tenir de montrer sa mauvaise volonté. Et Saint-Simon ajoute à cette note (sur le Journal de Dangeau, t. XIII, p. 83), cette autre qui renchérit sur la première : Ce fut une grande joie pour le roi et un nouveau coup de poignard pour madame de Maintenon, d'autant plus terrible qu'il n'y eut pas moyen de ne pas rentrer dans les sentiments du roi là-dessus, mais le dépit perça, et d'elle, et de gens à qui elle étoit intimement unie, et à qui cela faisoit un contre-temps fâcheux et durable.

[79] Recueil Maurepas.

[80] Recueil Maurepas (1710).

[81] Recueil Maurepas (1710).

[82] Elle ne mourut que le 4 mars 1748, neuf jours avant son fils.

[83] Mélanges de Boisjourdain, t. I, p. 207 et 217.

[84] Mémoires secrets, collection Michaud, p. 526.

[85] Oh ! oh ! Monsieur Duclos, quel accès de farouche austérité ! N'êtes-vous pas l'homme de qui on a dit : La belle pièce de comparaison ! la pudeur de Duclos ! (Mademoiselle Quinault.)

Et qui a dit de la pudeur : Belle vertu qu'on attache sur soi, le matin, avec des épingles ! (Mémoires de madame d'Epinay, t. I, p. 247.)

[86] Mémoires de Saint-Simon, t. XV, p. 139. — Selon la Correspondance inédite de madame de La Cour, le chevalier d'Oppède aurait bien pu être tué en duel. Le marquis d'Argenson écrit à sa tante, à la date du 9 novembre 1717 : On a prétendu que le chevalier de Barière s'étoit battu contre le chevalier d'Oppède, qui vient de mourir. Le premier a reparu ces jours-ci, mais un peu plus pâle qu'à l'ordinaire, et a véritablement disparu pendant plusieurs jours, après avoir renvoyé une partie de ses domestiques. Malgré une autre lettre des mêmes Mémoires et d'après laquelle madame d'Argenton, vacante par la mort du chevalier d'Oppède, auroit choisi pour consolateur le chevalier Des Alleurs, jeune homme d'une discrétion au-dessus de son âge, nous persistons dans notre conclusion. Noue ne finirions pas l'histoire de madame d'Argenton avec son veuvage, qu'il nous faudrait bien la fermer avec sa jeunesse. L'histoire d'une jolie femme doit toujours s'arrêter au premier cheveu blanc.