LES MAÎTRESSES DU RÉGENT

LES PREMIÈRES MAÎTRESSES

 

I. — LA PETITE LÉONORE.

 

 

Le duc d'Orléans ne fut pas longtemps à témoigner de ce qu'il serait un jour. Il avait un de ces tempéraments précoces dont

La valeur n'attend pas le nombre des années,

et pour précepteur, un brave homme qui buvait bien et ne savait rien au delà. Avec de tels instincts et un maître si peu fait pour les contenir, il n'y a point lieu de s'étonner si le jeune prince eut l'âge d'amour presque aussitôt que l'âge de raison.

Du reste, une dame complaisante, comme il n'y en avait que trop alors, s'était chargée d'aider la nature, et de lui apprendre tout ce qu'il n'avait pas deviné.

A treize ans, dit Madame, sa mère, mon fils était déjà un homme ; une dame de qualité l'avait instruit1[1].

Nous regrettons fort de ne pas connaître, pour le livrer à la postérité, le nom de cette dame de qualité[2].

Quoi qu'il en soit, il profila si bien de ses leçons qu'à quatorze ans il faisait déjà parler de lui. On lit dans la chronique scandaleuse du temps :

Sa première maîtresse fut la petite Léonore, fille du concierge du garde-meuble du Palais-Royal. Il en eut, âgé de quatorze ans, un enfant, ce qui fit grand bruit. Monsieur s'en bicha fort, Madame n'en fut pas mécontente. Elle prit même beaucoup de soins de la mère et de l'enfant. Cette fille a depuis été mariée à M. de Charencey, fils d'un conseiller à Riom[3].

De tout cela, il résulte qu'il est faux de dire qu'il n'y a que le premier pas qui coûte.

On voit qu'il ne coûta guère au duc d'Orléans.

 

 

 



[1] Madame, Correspondance complète, édit, in-12, 15 juin 1719, t. II, p. 121.

[2] Nous ne sommes guère plus fixé sur la première maîtresse de Louis XV, embarrassé, cette fois, non plus par l'absence, mais par l'abondance des renseignements. Plusieurs dames de qualité se disputèrent en effet l'honneur de déniaiser le roi, — honneur qui doit rester, comme nous le verrons, à madame de La Vrillière.

Quant à Louis XIV, on a attribué partout ce rôle d'initiatrice à madame de Beauvais. Puisque nous sommes arrivé au Dauphin, disons que madame de Crussol fut renvoyée de la cour, pour avoir voulu instruire M. le Dauphin sur un chapitre que ne lui montroit pas M. de Montausier. (Recueil Maurepas.)

[3] Mémoires de Maurepas, 1792, in-8°, t. I, p. 106.