ESSAI SUR LA CONDITION DES BARBARES

ÉTABLIS DANS L’EMPIRE ROMAIN AU QUATRIÈME SIÈCLE

 

CHAPITRE III. — LES FŒDERATI.

Différence des Dedititii et des Fœderati. — Origine des Fœderati. — Les Bataves. — Les Francs Saliens. — Les Vandales. — Les Goths. — Rois barbares fœderati. — Condition des Fœderati. — Leurs droits civils et politiques : 1° le connubium, 2° le commercium. — Leur mode de cantonnement : 1° l’annona militaris, 2° le metatum. — Le système des garnisons romaines appliqué par les Barbares dans leurs lois du partage des terres.

 

 

A côté des Dedititii il y avait d’autres Barbares admis de bonne heure au service de l’Empire dans des conditions  meilleures et qui prenaient rang parmi les alliés du peuple romain (socii). Cette alliance reposait sur un traité non plus forcé, mais volontaire et librement consenti ; ils s’engageaient à fournir des troupes auxiliaires (auxilia), distinctes des légions, mais comprises dans les cadres des armées de la république et associées à toutes les guerres entreprises par Rome, destinées à combattre tous ses ennemis, quels qu’ils fussent. Les Barbares, ainsi enrôlés, jouissaient en retour de certains avantages, de certains privilèges attachés à la milice et analogues à ceux qui avaient été accordés aux premiers confédérés du Latium à de l’Italie[1].

L’histoire de ces volontaires barbares, désignés sous le nom de fédérés (Fœderati), commence avec Jules César et la guerre des Gaules. Le futur dictateur avait déjà dans son armée un corps de cavalerie germaine qui l’aida puissamment à triompher de Vercingétorix. A partir de cette époque, les Germains ne cessent plus de figurer sur les champs de bataille à côté des Romains. On les trouve à Pharsale, à Philippes[2] ; ils forment la garde des empereurs, plus confiants dans le dévouement de ces étrangers à leur personne que dans celui de leurs propres sujets. Les qualités guerrières des Germains, leur courage à toute épreuve, leur haute stature et la force de corps dont ils étaient doués, devaient attirer l’attention des Romains et les désigner au choix qu’ils avaient coutume de faire des meilleurs soldats.

Les Bataves et les Frisons, placés à l’extrémité septentrionale des Gaules, entre le Rhin et la mer, dans ce pays conquis sur les eaux, qui est devenu plus tard la Hollande, furent les premiers d’entre les Germains qui recherchèrent et obtinrent la faveur de servir sous les aigles romaines en qualité d’auxiliaires[3]. Il fallait avoir donné des preuves d’une persévérante fidélité pour être ainsi admis dans la clientèle de Rome et participer aux bénéfices d’une alliance offensive et défensive avec le peuple-roi. Les Bataves, illustres par les témoignages que les plus grands historiens latins ont rendus à leur bravoure, par les pages que leur a consacrées Tacite[4], avaient d’abord habité l’intérieur de la Germanie, dans le groupe des Cattes dont ils faisaient partie. Chassés par un de ces revers de fortune fréquents chez des peuples à demi civilisés et où la force constitue le droit, ils vinrent chercher un nouvel établissement sur la rive méridionale du Rhin, dans l’espace désert que forment plusieurs bras de ce fleuve vers son embouchure. Cette portion de territoire était romaine. L’Empire reconnut leur établissement et les laissa paisibles possesseurs du sol sur lequel ils s’étaient fixés. Les Bataves devinrent les alliés des Romains. D’après les règles déjà anciennes de ces sortes de contrats (fœdera), ils conservèrent une liberté à peu près entière et les institutions qui les avaient régis dans leur, première patrie ; ils restèrent, comme par le passé, soumis à des chefs de leur nation[5] et ne se virent imposer aucune charge, aucun tribut, comme les peuples vaincus[6] ; ils durent seulement reconnaître la souveraineté de Rome et fournir, en qualité de Fœderati ; un contingent déterminé de soldats[7]. Les liens qui unissaient les Bataves aux Romains se resserrèrent de plus en plus au contact et sous l’influence d’une civilisation supérieure. La fameuse révolte de Civilis, soulevée par un attentat à la liberté et à l’honneur du chef batave, par les exactions et la rapacité des employés romains chargés du recrutement[8], compromit un instant la domination de Rome dans les Gaules, mais ce ne fut qu’un accident dans la longue suite des rapports d’amitié des deux peuples. Moins d’un demi-siècle après, Tacite pouvait constater une harmonie parfaite, une étroite communauté d’idées et de sentiments (mente animoque nobiscum agunt), qu’il proposait comme modèle aux autres nations[9].

Les Bataves, peuple de marins, dignes ancêtres des Hollandais modernes, avaient la réputation d’excellents nageurs[10]. On vantait leur cavalerie comme la première du temps ; plus d’une fois, elle décida la victoire en faveur des Romains ; à la mémorable bataille de Strasbourg (Argentoratum), gagnée par Julien en 357 sur les Allamans coalisés, ce fut une charge des Bataves commandés par leurs rois qui repoussa les Barbares et causa la défaite de Chnodomar[11]. Aussi étaient-ils très redoutés et placés à la réserve pour donner en cas de nécessité et dans un pressant besoin[12]. Outre cette cavalerie si renommée (turmæ, alæ, equites), ils avaient une infanterie qui figurait avec honneur à côté des légions, parmi les troupes d’élite[13] ; les cohortes bataves s’étaient couvertes de gloire en Bretagne[14], en Germanie, dans toutes les parties de l’Empire où elles furent successivement appelées et où nous les retrouvons à la fin du IV, siècle, soit en Occident, soit en Orient, dans la Notitia dignitatum, recueil officiel du temps de Théodose.

On leur avait confié la garde du Rhin et là défense de la frontière romaine contre les incursions des autres peuples germaniques, placés sur la rive opposée, en dehors de l’Empire. C’était un des secrets de Rome et de sa politique de se servir des Barbares contre les Barbares, politique non sans danger comme le prouva l’événement, mais qui lui permettait, avec des forces relativement peu considérables, de protéger une ligne de frontières plus étendue que celles d’aucun de nos États modernes[15]. Le pays des Bataves, comme toutes les provinces limitrophes du Rhin et du Danube, se couvrit de forteresses, de camps retranchés, où les nouveaux soldats de Rome étaient disciplinés à la romaine et où se faisaient des levées annuelles de troupes (delectus)[16]. Nimègue (Noviomagus), Utrecht (Trajectum), Leyde (Lugdunum Batavorum), Alphen (castra Albiniana), Veux (Forum Hadriani), étaient les principales places de guerre où se concentrait l’influence dominatrice de Rome. Les Germains se sentaient attirés par cette grande puissance militaire qu’ils admiraient et les volontaires arrivaient en foule. Il est digne de remarque que, tout en laissant aux peuples amis et fédérés une liberté presque complète dans l’administration civile, l’Empire se réservait l’organisation militaire, la plus importante à ses yeux, et avait soin de la régler de manière à ce qu’elle fût en tous points l’image de la sienne propre.

Cette forme d’alliance que les Romains conclurent avec les Bataves et qui se perpétua jusqu’à la chute de l’Empire était commune à d’autres peuples de la Germanie. Les Mattiaques sont placés par Tacite sur la même ligne (est in eodem obsequio Mattiacorum gens) ; leur condition se trouvait identique à celle des Bataves ainsi que leur fidélité ; il n’y avait de différence que dans leur caractère, plus rebelle que celui de leurs voisins à la civilisation[17]. A mesure qu’on avance dans l’histoire de l’époque impériale, on voit les empereurs renouveler à chaque instant des pactes semblables avec les Barbares et leur accorder des terrains, moyennant l’engagement de suivre la fortune de Rome (Romanam felicitatem sequentes), et par là il faut surtout entendre un concours militaire déterminé par les traités.

Dès le IIIe siècle de l’ère chrétienne, les Francs apparaissent, d’abord comme ennemis, puis comme alliés de l’Empire. On ne tarda pas à apprécier leur valeur égale à celle des Bataves et leurs qualités militaires non moins remarquables. Leur place se trouvait naturellement marquée parmi les nations que Rome cherchait à gagner pour s’en faire un rempart contre le flot des invasions. Les circonstances favorisèrent la politique romaine. Chassés de leurs demeures primitives par les Saxons, les Francs Saliens s’établirent d’abord dans l’île des Bataves dont la possession leur fut reconnue et qu’ils occupèrent à la condition de fournir des recrues à l’Empire et de protéger la frontière du Rhin contre les envahissements des autres peuples barbares. Ils conservèrent leurs rois, leurs institutions nationales, leur indépendance vis-à-vis de Rome, qui se contenta de leur imposer sa souveraineté comme aux Bataves. Ce fut sous le règne de Gallien, en 259, que les Francs conclurent une première alliance avec l’Empire et se mirent à sa solde[18].

Les Saliens, dont le nom apparaît pour la première fois dans un texte d’Ammien Marcellin[19], formaient une des principales branches de la grande confédération des peuples de même race désignés sous le nom générique de Francs[20]. Cette désignation particulière qui les distinguait des autres tribus franques remontait à une assez haute antiquité (quos consuetudo Salios adpellavit) ; elle était empruntée, selon toute apparence, non pas à leur séjour sur les bords d’une rivière appelée la Saale, niais à la condition même de la terre patrimoniale, appartenant aux chefs de famille (sala, saal, en tudesque, domus domini), et se transmettant de mâle en mâle, à l’exclusion des femmes. Cette disposition évidemment très ancienne et caractéristique chez les Francs de la même tribu s’est conservée dans la loi salique, recueil écrit des anciennes coutumes, des traditions nationales. On y retrouve l’expression de terre salique dans le même sens, et c’est en vertu d’une analogie avec cette vieille loi que les femmes furent exclues de la succession à la couronne de France[21].

Les Saliens occupèrent, avec l’agrément de Rome, le territoire voisin de la mer et s’y montrèrent les fidèles alliés de l’Empire. Plus tard, vers le milieu du Ier siècle, les Saxons envahirent de nouveau la frontière romaine. Les Francs, préposés à la garde de cette frontière, se mirent en devoir de la défendre et de repousser les envahisseurs, mais ne pouvant soutenir la lutte, ils se virent refoulés et obligés de chercher un nouvel asile sur le territoire romain, dans le pays des Toxandriens, entre l’Escaut et la Meuse, qui forme une partie des Pays-Bas actuels[22]. Julien considéra comme une atteinte portée à la puissance et à l’autorité de Rome cet établissement des Barbares que n’avait précédé aucune demande officielle et se prépara à marcher contre eux.

Aussitôt les Saliens envoyèrent une ambassade pour se justifier et implorer la paix, assurant que ce n’était pas comme ennemis qu’ils avaient franchi les limites assignées à leur nation, mais que la nécessité seule les y avait contraints, et que, si on les laissait tranquilles dans leur résidence actuelle, ils s’engageaient à remplir fidèlement les obligations qui leur seraient imposées. Rome était intéressée à accepter de semblables propositions, accompagnées d’un acte de réparation solennel. Julien n’hésita pas à recevoir comme auxiliaires ces nouveaux hôtes de l’Empire. Les Saliens continuèrent à fournir de précieuses recrues aux armées romaines ; ils devinrent, à partir de cette époque, les alliés perpétuels de Rome et furent spécialement chargés de la défense du Rhin depuis Mayence jusqu’à la mer[23]. Plusieurs corps auxiliaires de Saliens (seniores et juniores) et de peuples appartenant à la confédération des Francs, tels que les Bructères, les Ampsivariens, figurent dans la Notitia Dignitatum[24].

Le nombre des Barbares ainsi enrôlés sous les drapeaux de l’Empire augmente à mesure que de nouveaux peuples font leur apparition et se trouvent en présence des Romains. Au commencement du IVe siècle, les Vandales, fixés dans la partie de la Dacie de Trajan qui correspond à la Hongrie, après une lutte désastreuse contre les Goths, franchirent le Danube et obtinrent de l’empereur Constantin un établissement dans la Pannonie où ils résidèrent plus d’un demi-siècle, à côté de la population romaine, en corps de nation, soumis à la surveillance des gouverneurs de la province, mais libres de s’administrer eux-mêmes et d’obéir à des chefs de leur nationalité[25]. En retour de ces avantages et des privilèges qu’ils partageaient avec les autres fédérés, ils devaient aider les Romains à protéger la frontière du Danube et fournir leur part du contingent que Rome tirait des différents peuples barbares admis sur son territoire. Les Vandales occupèrent paisiblement le pays qui leur avait été concédé et l’histoire, malgré l’illustration de plusieurs de leurs compatriotes, élevés aux premières dignités de l’Empire, ne les mentionne plus jusqu’à l’époque de la grande invasion, où ils devaient jouer un rôle important. Il ne faut pas oublier du reste que la plupart des peuples de la Germanie avec lesquels Rome lutta si longtemps se composaient de diverses tribus portant le même nom et dont les destinées furent souvent bien différentes ; les unes devenaient sujettes ou alliées de la puissance romaine, tandis que les autres demeuraient ses ennemies. C’est ce qui explique un grand nombre d’erreurs commises par les historiens, soit anciens, soit modernes, dont les récits ne peuvent en apparence se concilier et semblent même se contredire.

Les Goths, qui se trouvaient en contact perpétuel avec l’Empire, depuis leur établissement sur les bords du Danube, ne tardèrent pas eux aussi à entrer dans l’alliance romaine. Sans prendre à la lettre les paroles de leur historien Jornandès, dont le témoignage peut à bon droit être suspecté comme partial en ce qui les concerne, il est hors de doute que, dès le début du règne de Constantin, ils furent appelés à grossir les forces militaires de Rome dans une proportion notable et qui augmenta encore sous ses successeurs[26]. Leur alliance fut recherchée comme l’avait été celle des Francs et d’autres Barbares occidentaux ; on dut, pour les attirer, leur faire les mêmes avantages.

Constantin, ainsi qu’on l’a remarqué, aimait les Barbares auxquels il ressemblait par certains côtés de son génie et de son caractère ; il s’appuya sur eux dans ses luttes contre ses compétiteurs au trône. Ne lui a-t-on pas reproché d’avoir été le premier à revêtir un Barbare de la pourpre consulaire ? Il accepta d’autant plus volontiers le concours régulier et permanent des Goths, qu’il s’était vu obligé de rappeler à l’intérieur une partie des légions cantonnées sur les frontières. Il fallait absolument recourir aux étrangers pour suppléer au défaut de troupes romaines et assurer ainsi la défense des provinces limitrophes sans cesse exposées aux attaques des Barbares. Les Goths s’étaient rendus redoutables par leurs incursions dans la Thrace, la Dacie et la Mésie ; vaincus plusieurs fois par les empereurs qui les avaient combattus en personne, ils n’avaient pas cessé de menacer la frontière romaine. Constantin traita avec eux : ce traité lui valut un renfort de quarante mille soldats dont il avait le plus grand besoin et qui pouvaient lui rendre d’éminents services. A partir de cette époque, les Goths, nous dit Jornandès, prirent et gardèrent le nom de fédérés[27].

Ce furent ces mêmes Goths Fœderati qui, appelés par l’usurpateur Procope, lui prêtèrent le secours de leurs armes dans sa révolte contre l’empereur Valens. Le texte d’Ammien Marcellin ne laisse aucun doute sur ce point : gens amica Romanis fœderibusque ingenuæ pacis obstricta. Ils s’étaient engagés à fournir un contingent de troupes auxiliaires, et ce contingent était précisément celui qui fut envoyé à Procope, sur sa demande, comme au prince véritable et légitime. Les Goths firent valoir les conventions établies entre eux et les Romains, et alléguèrent une lettre de Procope dont la parenté avec la famille de Constantin les avait trompés[28].

Le grand mouvement qui suivit dans la Germanie l’arrivée des Huns en Europe marque une époque importante pour l’histoire des Barbares engagés au service de l’Empire et établis à ce titre sur le sol des provinces romaines. Les Wisigoths ou Goths de l’ouest, une des trois grandes branches de la confédération des Goths, se virent menacés dans leur existence et leur liberté. Le vaste empire qu’avait fondé Hermanrich fut détruit ; Hermanrich lui-même se donna la mort mur ne pas survivre à sa puissance ; son successeur ne fut pas plus heureux et ne put arrêter les progrès des Tartares[29]. Il arriva alors ce qui arrivait presque toujours dans ces migrations de peuplades entières dont l’histoire de la Germanie fournit tant d’exemples. Les Goths se divisèrent ; les uns se rendirent avec les nouveaux vainqueurs, d’autres furent détruits, d’autres enfin, obligés de quitter leurs demeures pour échapper à la ruine ou à la servitude, allèrent chercher une nouvelle patrie, un sol plus hospitalier. Tandis que les Thervinges  qui avaient à leur tête Athanaric, se réfugièrent dans les défilés des Carpathes, d’où ils chassèrent les Sarmates Iazyges[30], le gros de la nation jeta les yeux du côté du Danube, sur la rive méridionale, où les vastes et fertiles plaines de la Thrace leur promettaient une existence facile et un abri d’autant plus sûr qu’ils seraient alors, séparés des Huns par le large lit du fleuve très rapide et très profond dans cette partie de son cours[31]. Ils arrivèrent donc sur les bords du Danube, sous la conduite d’Alavivus et de Fritigern[32]. Pour le franchir et passer la frontière romaine, sans déclaration de guerre, il fallait l’autorisation de l’empereur. Une ambassade fut envoyée à Valens pour demander humblement qu’on voulût bien les admettre ; ils promettaient de vivre en paix et de fournir au besoin des troupes auxiliaires, ce qui revient à dire que leur condition devait être celle des fédérés[33].

Il faut lire dans Ammien le récit vraiment dramatique de cet événement. L’empereur et sa cour éprouvèrent un sentiment de joie plutôt que de crainte. N’était-ce point un bonheur inespéré de voir arriver de ces contrées lointaines tant de nouveaux soldats ? Par la réunion de ces forces étrangères aux forces romaines n’obtiendrait-on pas une armée invincible ? Les Barbares ne sollicitaient que des concessions de terre et ne demandaient point d’argent. Valens ne pouvait laisser échapper une pareille occasion. Il s’empressa de la saisir et accueillit favorablement la supplication des Goths. Le passage du Danube s’effectua dans des barques que le gouvernement romain mit à leur disposition et sous la surveillance des officiers impériaux, qui avaient reçu l’ordre de veiller à la loyale exécution du traité. Il dura plusieurs jours et plusieurs nuits[34]. Eunape, dans les fragments de son histoire qui nous ont été conservés, évalue à deux cent mille les hommes en état de porter les armes qui passèrent ainsi sur le territoire romain, sans compter les femmes et les enfants[35]. Ammien, empruntant une métaphore à Virgile, les compare aux grains de sable du désert[36]. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on vit alors pour la première fois des nations entières, avec leurs chefs, faire leur entrée dans les provinces, et y camper jusqu’à ce qu’on leur eût assigné des cantonnements définitifs (subigendos agros)[37]. Ce spectacle produisit une grande impression sur les contemporains et les inquiétudes que devait inspirer une telle invasion, malgré son caractère pacifique, ne tardèrent pas à se justifier. Les ordres de l’empereur furent mal exécutés, le désarmement des Barbares ne se fit qu’à demi ; les généraux romains, exploitant les horreurs d’une famine inévitable, se livrèrent à un odieux trafic et vendirent à des prix exorbitants les aliments de première nécessité qu’ils étaient tenus de fournir d’après les conventions[38].

Ces hordes étrangères auxquelles on avait eu l’imprudence d’ouvrir les portes de l’Empire, unies dans un sentiment commun d’indignation, devinrent les ennemies acharnées de la puissance romaine, qu’elles avaient promis de défendre. Fritigern, Alathée, Safrach, tous les principaux chefs des Goths, se liguèrent pour tirer vengeance de l’insigne mauvaise foi dont ils avaient été victimes. La Dacie riveraine, la Mésie, la Thrace, furent parcourues en tous sens par des bandes dévastatrices qui brûlaient les villages, incendiaient les maisons de campagne, emmenaient en captivité les hommes, les femmes, les enfants et les vieillards, comme aux plus mauvais jours des invasions. Les villes seules étaient préservées à cause de leurs murailles que les Barbares, inhabiles dans l’art des sièges, respectaient (pacem sibi esse cum parietibus), selon l’expression pittoresque et caractéristique de Fritigern[39]. Valens reconnut la faute qu’il avait commise ; il essaya d’arrêter le torrent, de fermer aux nouveaux peuples qui se pressaient sur les rives du Danube l’entrée des provinces, en leur refusant la permission accordée à leurs devanciers, mais il était trop tard. Il fallut subir toutes les conséquences d’une politique imprévoyante, faible et lâche, qui ne reculait devant aucun expédient[40]. Les Goths voyaient leurs rangs se grossir tous les jours d’une multitude innombrable. Lés habitants des provinces venaient se joindre à eux pour échapper à la tyrannie du fisc, et les mineurs de la Thrace leur servirent eux-mêmes de guides jusque sous les murs d’Andrinople[41]. La bataille d’Andrinople (9 août 378), fut une éclatante victoire pour les Barbares et une immense défaite pour les Romains, moins encore à cause du désastre matériel et de la fin tragique de l’empereur Valens, que par l’effet moral qu’elle produisit[42]. Le désastre de Cannes, rappelé dans cette circonstance par Ammien, comme le seul comparable à celui d’Andrinople, n’avait porté à la puissance de Rome qu’un coup passager et dont elle se releva bien vite ; cette fois, l’Empire se vit frappé au coeur et la blessure fut mortelle. A partir de ce jour, les Barbares se trouvèrent les véritables maîtres de la situation, et, comme le dit le chroniqueur Jornandès[43], toute sécurité disparut pour les Romains. Vingt et un ans seulement séparaient la défaite et la mort de Valens du triomphe de Julien à Argentoratum (357-378) et les rôles étaient changés : les vainqueurs étaient devenus les vaincus ; la substitution des Barbares à l’Empire ne pouvait plus être qu’une question de temps.

Théodose, appelé par le choix de Gratien à recueillir la succession de Valens et à réparer les malheurs de son règne, s’acquitta avec succès d’une tâche aussi difficile, mais, malgré son génie et ses brillantes qualités militaires, s’il obtint la soumission des Barbares et put retarder la chute de l’Empire, ce fut moins par la force des armes que par les nouvelles avances qu’il leur fit et les faveurs dont il les combla[44]. Il renouvela l’alliance conclue par ses prédécesseurs entre les Goths et les Romains, la rendit plus étroite, plus avantageuse pour les premiers, afin de s’assurer par là un appui dont il ne pouvait se passer et qu’il fallait maintenir à tout prix. C’était comme une reconnaissance officielle des faits accomplis. Par ce nouveau traité les Goths acceptaient la souveraineté de Rome et étaient incorporés dans les armées romaines pour y servir au même rang et au même titre que les soldats de la milice régulière ; on leur confiait la garde de la frontière du Danube, exposée aux perpétuelles attaques des Barbares. En retour, ils devaient jouir de tous les privilèges attachés à leur condition de fédérés, comme sous Constantin, c’est-à-dire conserver leur organisation propre, tout en faisant partie de l’Empire, et ne relever directement que de l’Empereur ou des maîtres de la milice, sans être subordonnés aux lois civiles et aux magistrats romains des provinces où ils se trouvaient établis[45]. Théodose crut si bien pouvoir compter sur le dévouement et la fidélité des Goths fédérés, qu’il emmena avec lui un corps de vingt mille Barbares contre le rhéteur Eugène élevé à la pourpre après le meurtre de Gratien[46].

Le roi Athanaric, qui avait été pendant longtemps l’ennemi irréconciliable de Rome, devint aussi l’allié de Théodose (rex fœderatus)[47]. Il reçut à Constantinople tous les honneurs dus à son rang. L’empereur vint à sa rencontre, le promena à travers les merveilles de la capitale et lui décerna, après sa mort, de magnifiques funérailles auxquelles il présida en personne[48]. La vue du site enchanteur, du port avec tous ses navires, des superbes remparts, arracha au Barbare un cri d’admiration ; la présence de tant de nations diverses réunies sous un même sceptre et les manoeuvres exécutées sous ses yeux par les bataillons impériaux le fascinèrent au point de lui faire dire : Oui, l’empereur est un dieu sur terre et quiconque ose lever contre lui une main sacrilège mérite d’expier ce crime de tout son sang[49]. Mais ce n’était là que le prestige d’un homme, d’une ville, d’une civilisation brillante au dehors, malgré le mal profond et incurable dont elle était travaillée au dedans.

Les fils de Théodose n’eurent pas, comme leur père, le talent d’en imposer aux Barbares et de maintenir l’équilibre prêt à se rompre. Ils voulurent s’affranchir de certains subsides payés aux alliés et particulièrement aux Goths[50]. Cette prétention leur coûta cher. Les Goths, qui se sentaient les plus forts, consentaient bien à demeurer les auxiliaires de l’Empire, en attendant qu’ils en devinssent les maîtres, mais ils n’entendaient pas qu’on marchandât leurs services. Les provinces, livrées sans défense, du moment où ceux qui étaient chargés de les protéger se tournaient contre elles, subirent les conséquences du refus d’Honorius et du mécontentement des Barbares. Les Goths, souk la conduite d’Alaric, leur nouveau chef, traversèrent les deux Pannonies, l’Illyrie, pénétrèrent en Italie et arrivèrent jusqu’à trois milles de Ravenne où s’était enfermée la cour[51]. Les Goths, plus exigeants cette fois, posaient un ultimatum au gouvernement romain : ils demandaient un établissement en Italie qui leur permît de vivre avec les habitants sur un pied d’égalité parfaite, c’est-à-dire de jouir des mêmes droits civils et politiques et de n’être plus considérés comme des étrangers ; ils menaçaient, dans le cas où leur demande te serait pas accueillie, de s’en remettre au sort des armes[52]. Honorius ne parvint à conjurer le péril qu’en faisant avec eux un traité dont les conditions méritent d’être examinées avec soin, parce qu’elles montrent le changement qui s’était opéré dans la situation respective des Romains et des Barbares. Il ne s’agissait plus, comme par le passé, d’une simple autorisation accordée à quelque tribu ou peuplade de la Germanie de résider dans telle ou telle partie d’une province généralement voisine de la frontière, où elle n’était jamais que campée et enrégimentée sous les ordres des généraux de l’Empire ; c’étaient des provinces entières qu’on abandonnait en toute propriété à un roi ou à une nation barbare par une délégation spéciale de l’empereur, qui transmettait ses droits, ne se réservant, à l’exception des villes[53], que la souveraineté nominale du pays. Les principautés danubiennes et l’Égypte offrent de nos jours un exemple analogue ; elles ont leur administration à part, sont gouvernées par des princes qui exercent le pouvoir royal, mais ne sont point détachées pour cela de l’empire turc dont elles relèvent comme le vassal relève de son suzerain. Ce n’est pas du reste le seul point de ressemblance entre les Ottomans, héritiers par la conquête des Césars de Byzance, et les Romains du Bas-Empire.

La plupart des provinces ainsi cédées étaient déjà perdues pour Rome. Le seul moyen qu’elle eût de les faire rentrer même indirectement sous sa domination, tandis qu’elle se trouvait impuissante à les reconquérir elle-même, était de charger de ce soin les Barbares, alliés de l’Empire, en leur promettant la possession du pays, une sorte d’investiture romaine pour leurs chefs. Honorius faisait aux Goths une donation formelle des Gaules et de l’Espagne, de cette partie du moins qui avait été envahie par les Bourguignons, les Suèves, les Vandales et les Alains, mais il est évident qu’Alaric ne pouvait bénéficier des avantages du traité qu’autant qu’il parviendrait avec ses forces et ses ressources personnelles à chasser les envahisseurs pour prendre leur place[54]. Plus tard, le même traité fut renouvelé avec les successeurs d’Alaric, Ataulphe et Wallia, et ce fut l’origine du royaume des Wisigoths. Les chefs barbares, dans ces conditions, devenaient de véritables lieutenants des empereurs, et ne prenaient plus seulement le titre de fédérés, mais celui d’hospites (hôtes de l’Empire), qui exprimait mieux leur situation nouvelle[55]. Le principe de la politique romaine demeurait toujours le même ; les Barbares, dès les premiers temps, avaient été admis à servir comme auxiliaires dans les armées de l’Empire ; leur nombre, il est vrai, d’abord assez restreint, avait augmenté progressivement et, vers la fin du IVe siècle, on comptait presque autant de bataillons ou d’escadrons étrangers que de peuples connus des Romains[56]. Chaque peuple, chaque nation s’alliait avec Rome en vertu d’un traité particulier. A mesure que l’élément barbare tendit à devenir prépondérant et tellement nécessaire qu’il constitua la véritable force des armées romaines, il s’opéra une révolution inévitable : les conditions auxquelles ces différents peuples s’incorporaient à l’Empire changèrent avec les circonstances, leur autonomie fut stipulée d’une manière plus expresse et les nationalités barbares se substituèrent à l’antique nationalité romaine qui n’existait plus que de nom.

Quelle était en somme la condition légale des Barbares désignés sous le nom de Fœderati ? Quelle part avaient-ils aux droits civils dont jouissaient les citoyens romains ? Comment et dans quelle mesure devenaient-ils sujets de l’Empire ? Jusqu’à quel point conservaient-ils leur existence propre, telle qu’elle avait été dans la Germanie ? Il est difficile de donner une réponse précise et satisfaisante à chacune de ces questions qui se posent naturellement devant l’historien. Les documents officiels que nous possédons sont incomplets ; nulle part les rapports, soit de la vie publique, soit de la vie privée, entre Romains et Barbares ne sont établis comme nous chercherions aujourd’hui à les déterminer ; les monuments sur lesquels étaient gravés les traités ont été détruits ainsi que les archives de la diplomatie romaine[57] ; la plupart des inscriptions qui pourraient nous guider dans nos recherches ont subi le même sort ou attendent encore l’heureux investigateur appelé à les découvrir[58] ; nous ne trouvons, soit dans la législation, soit dans les textes des auteurs contemporains, que des renseignements épars et incohérents. Les règles qui présidaient à tous ces contrats, à toutes ces alliances, bien que fondées sur l’ancien droit des gens des Romains, n’étaient pas toujours fixes et se modifiaient selon les besoins et les nécessités de la politique. Toutefois, il n’est pas impossible, au milieu de cette variété d’applications, de retrouver et d’indiquer certains principes généraux.

Parmi les droits que Rome refusait aux étrangers, peregrini, et qu’elle accordait par une sorte de privilège à ses alliés, il y en avait deux de la plus haute importance, et qui à eux seuls constituaient la plénitude des droits civils pour ceux qui n’étaient pas citoyens romains ; c’était le droit de mariage, connubium, et le droit de commerce, commercium. Nous verrons dans quel sens il faut entendre ces deux mots. Les sociétés antiques reposaient sur le privilège ; c’était la forme invariable, unique, par laquelle on pouvait y entrer.

Les peuples qui avaient le droit de mariage, connubium, pouvaient s’unir avec les Romains par les liens du sang ; les mariages ainsi contractés étaient reconnus valables comme ceux des Romains entre eux, et assuraient devant la loi les mêmes prérogatives. Ce droit, fort recherché dès l’origine, à cause des nombreux avantages qui s’y trouvaient attachés, avait été successivement accordé aux Latins, aux Italiens, aux provinces, après le fameux édit de Caracalla, et enfin aux Barbares devenus les seuls peregrini. On sait que le droit latin, jus Latii, et le droit italique, jus Italicum, furent concédés de bonne heure à des villes qui se trouvaient en dehors de l’Italie, à titre de faveur ou de récompense. Il dut en être de même pour ces peuples étrangers réunis volontairement à l’Empire et dont l’alliance ressemblât à celle que Rome avait conclue autrefois avec les villes fédérées, distinctes des colonies, des municipes et des villes tributaires[59], comme les Fœderati se distinguaient des Dedititii, auxquels nous les voyons perpétuellement opposés[60]. En qualité d’étrangers, peregrini, les Barbares se trouvaient naturellement exclus du connubium et du commercium, réservés aux seuls citoyens ou à ceux qui avaient obtenu le droit de cité en faveur d’une loi spéciale ; c’est ce qui explique un certain nombre de mesures restrictives apportées par le législateur dans leurs rapports avec les Romains.

Ces rapports prirent un tel caractère qu’il ne fut plus possible de maintenir la séparation rigoureuse des deux races. Malgré les précautions que prirent les empereurs pour empêcher les mariages mixtes, le simple rapprochement des populations, les relations quotidiennes qui s’établirent entre elles, surtout dans les provinces voisines de la frontière du Rhin et du Danube, comme les deux Germanies, amenèrent nécessairement un mélange du sang ; réunies par des intérêts communs elles durent chercher à cimenter cette union par les liens plus étroits de la parenté. Nous savons d’une manière positive, par des inscriptions du Taunus[61], que les vétérans établis en qualité de colons militaires dans ces pays limitrophes s’unissaient à des femmes germaines ou gauloises dont les parents étaient venus fixer leur résidence sur le même territoire, et que les enfants nés de ces mariages prenaient à la fois le titre de citoyens romains et de citoyens de la tribu dont leur mère était issue[62]. Nous voyons également, par des inscriptions découvertes dans la Hesse et le Nassau, qu’à Mayence la population de la cité s’était formée du mélange des Romains avec les anciens habitants, et que les municipes du Taunus comptaient un grand nombre de Germains d’origine mêlés aux Romains et jouissant de nombreux privilèges[63]. C’étaient sans doute plutôt les Romains qui épousaient des femmes barbares, mais le fait n’a pas moins d’importance, et il paraît difficile de l’admettre sans supposer la possibilité réciproque d’alliance entre les Barbares et des femmes romaines. Il suffisait d’un rescrit, d’une autorisation spéciale de l’empereur, ayant force de loi, pour renverser les obstacles opposés à de telles unions et souvent la politique y était intéressée. Vopiscus, dans la biographie de Bonosus, nous dit que le lieutenant d’Aurélien avait obtenu l’autorisation d’épouser une princesse d’un rare mérite, appartenant à la nation des Goths, afin qu’elle pût le tenir au courant de ce qui se passait chez eux[64]. L’empereur Gallien, pour se concilier la faveur des Barbares et s’en faire un appui, avait épousé précédemment une princesse allemande, Pipa, fille du roi des Marcomans et accordé au père, par suite de cette alliance, un établissement important dans la Pannonie[65].

Que faut-il donc penser du texte si formel du Code Théodosien, par lequel les empereurs Valentinien et Valens, défendent sous peine de mort, aux habitants des provinces, de contracter des mariages avec les Barbares[66] ? On l’a souvent invoqué pour montrer que les Barbares ne jouissaient pas du connubium. Ce rescrit impérial, adressé à Théodose, alors maître de la cavalerie dans les Gaules et occupé à combattre les Allamans dans les Rhéties, comme nous l’apprend Ammien au vingt-huitième livre de son histoire[67], date de l’année 370 et non 365, ainsi que le mentionne Gaupp[68]. Il s’applique plutôt aux provinces dont l’illustre général avait le commandement militaire, qu’à toute l’étendue de l’Empire ; l’expression même de Gentiles dont se sert le législateur ne désigne qu’une catégorie des Barbares au service de Rome. Godefroi, dans son savant et judicieux commentaire, remarque que ce fut seulement une loi de circonstance, comme la plupart des constitutions des empereurs à cette époque et qui ne tarda pas à être abrogée, au moins en partie[69]. Il penche à croire que le droit de mariage, jus connubii, devait être accordé aux Barbares qui servaient dans les armées romaines[70]. Une raison de défiance motivée par certains abus, par la crainte des trahisons, des révélations indiscrètes ou dangereuses, pouvait seule déterminer à le leur retirer. Plus tard, ce qui n’était peut-être dans le principe qu’une tolérance toujours subordonnée à la volonté des empereurs et révocable à leur gré, tendit à devenir un droit général et parfaitement reconnu ; nous en avons la preuve certaine. Eunape, dans un fragment de son histoire qui nous a été conservé, raconte que le Goth Fravitta, un des chefs barbares, sollicita la main d’une Romaine et l’obtint de l’empereur Théodose[71]. Le poète Prudence, contemporain d’Arcadius et d’Honorius, c’est-à-dire du commencement du Ve siècle, dans le second livre de son invective contre Symmaque, parle de la fusion des deux races comme d’un fait accompli et ne laisse aucun doute sur le droit de mariage accordé aux étrangers, externi.

Nunc per genialia fulcra

Externi ad jus connubii : nam sanguine misto,

Texitur alternis ex gentibus una propago[72].

Enfin, Cassiodore, dans la quatorzième lettre du cinquième livre de sa correspondance, mentionne d’anciens Barbares qui s’étaient alliés par des mariages avec des femmes romaines, antiqui barbari qui Romanis mulieribus elegerint nuptiali fœdere sociari[73]. Ces anciens Germains, établis en Italie longtemps avant l’arrivée de Théodoric et des Ostrogoths, remontent évidemment au Ve ou au IVe siècle : ils devinrent plus tard, selon la remarque de Gaupp[74], après la conquête des Lombards, les aldii, aldiones-die alten, par rapport aux nouveaux arrivés. Placidie, la soeur d’Honorius, épousa successivement Ataulphe et Wallia, deux rois des Wisigoths fédérés, et Honorius lui-même éleva jusqu’au trône la fille du Vandale Stilicon. Ces alliances entre les chefs barbares et les princesses de la famille impériale ne pouvaient que susciter de nombreux imitateurs parmi les sujets des deux nations, et, comme dernière preuve d’une longue et ancienne tradition de ces mariages mixtes, nous les voyons maintenus dans la législation de presque tous les peuples qui fondèrent des royaumes sur les ruines de l’Empire, tels que les Bourguignons et les Francs dans les Gaules, les Ostrogoths et les Lombards en Italie[75].

Le commercium, droit connexe au connubium, était généralement accordé aux mêmes alliés de Rome. Ces deux droits se complétaient l’un l’autre. Le commercium n’était pas seulement, au sens légal du mot, la faculté d’échanger librement les produits de deux pays, mais un ensemble de droits civils, tels que celui de posséder, d’acquérir, d’aliéner par un contrat que reconnaissait la loi, et qui était placé sous la sauvegarde de l’autorité. En dehors du commercium il n’y avait point de propriété véritable, point de transaction valable ou dont l’exécution fût assurée[76]. On comprend dès lors l’importance attachée à ce droit, soit par les Romains, soit par les peuples appelés à entrer dans l’alliance romaine. Au-dessus du connubium et du commercium, il ne restait, pour compléter le droit de cité, que le droit de suffrage, jus suffragii, et ce droit était devenu à peu près illusoire depuis que la souveraineté du peuple avait été déléguée à l’empereur par un mandat perpétuel, depuis que l’élection à toutes les magistratures avait passé des comices au chef de l’État.

Les relations commerciales des Barbares avec l’Empire datent des premiers siècles de l’ère chrétienne. Tacite dans un passage de ses Annales, parle de négociants romains établis chez les Suèves, avec lesquels existait un traité de commerce, jus commercii[77]. Dans son livre sur les moeurs des Germains, il mentionne le droit qu’avaient obtenu les Hermundures, à cause de leur fidélité à l’égard de Rome, de commercer, sans aucune surveillance, dans la province de Rhétie, voisine de la frontière du Danube[78]. La plupart des traités, des alliances conclues avec les différents peuples de la Germanie, renferment des stipulations particulières sur ce point. On mit d’abord une certaine réserve dans ces sortes de conventions ; les villes assignées aux Barbares pour le commerce se trouvaient toutes rapprochées de la frontière ; c’étaient généralement des camps romains, des places fortes, munimenta, occupées par des garnisons romaines ou des colonies dont la population se composait d’éléments militaires plutôt que civils[79]. En dehors de ces villes dont le nombre se trouvait assez restreint, il leur était expressément défendu de faire aucun trafic d’importation ou d’exportation[80] ; les marchés, nundinæ, revenaient seulement à des époques périodiques, déterminées par des traités, et les centurions devaient surveiller ces réunions afin de prévenir la fraude ou la trahison[81]. Les peuples alliés n’étaient pas soumis aux mêmes restrictions ; ils pouvaient circuler librement dans les provinces qui leur étaient ouvertes ainsi qu’à leurs produits par un privilège analogue à celui dont jouissaient les vétérans établis sur les frontières. Les Goths fédérés, auxquels on avait accordé le droit de commercer avec les Romains, jus commercandi, ne l’exercèrent d’abord que dans deux villes situées sur les bords du Danube, mais ils finirent par obtenir une entière liberté, sans désignation de lieux ni d’époques. Cette faculté, du reste, comme l’attestent plusieurs constitutions du Code Théodosien, était sujette à être révoquée[82]. Certains objets qu’il eût été imprudent ou dangereux de mettre entre les mains des Barbares à cause de l’usage qu’ils pouvaient en faire, tels que l’or ou l’argent monnayé, le fer brut ou travaillé, le vin, l’huile, les liqueurs fortes, étaient désignés sous le nom de marchandises interdites, merces inlicitœ, et les peines les plus sévères avaient été édictées contre ceux qui seraient pris en flagrant délit de contrebande[83]. Il est difficile aujourd’hui d’apprécier les motifs qu’avait eus le gouvernement romain, au moins pour quelques-unes de ces mesures ; il est certain que Rome voulait empêcher les Barbares de lui dérober le secret de ses armements, de ses productions, de ses arts ; en un mot de ce qui constituait sa supériorité, soit matérielle, soit morale. On redoutait les communications secrètes, très nombreuses alors. Sans parler des émissaires que les Germains avaient dans l’Empire, l’émigration romaine en Germanie, sujet encore peu étudié et pourtant fort curieux[84], prenait tous les jours des proportions plus inquiétantes. Aussi avait-on soin de stipuler dans chaque traité la reddition des prisonniers à laquelle les Romains attachaient la plus grande importance[85]. Malgré toutes ces précautions et ces défenses partielles, les Romains et les Barbares ne cessèrent jamais de commercer entre eux ; deux peuples voisins ne peuvent s’isoler complètement l’un de l’autre : il faut nécessairement qu’il s’établisse entre eux certains rapports, un modus vivendi quelconque. Les pelleteries, les bestiaux, les peaux de bison, les plumes d’oie, le chanvre, les blondes chevelures que les matrones achetaient à prix d’or se vendaient sur tous les marchés de Rome en échange des étoffes, des armes, des objets de luxe, de divers ustensiles fabriqués dans les villes du Rhin ou de la Vindélicie, et que les Germains ne connaissaient point[86].

Le connubium et le commercium avec leurs conséquences civiles et politiques, n’étaient pas les seuls avantages accordés aux Barbares devenus les alliés et les sujets de l’Empire par un contrat volontaire. Établis dans les provinces avec leurs femmes, leurs enfants, leur famille tout entière, ils y apportaient et y conservaient le caractère propre à leur nation. On ne saurait se faire une juste idée de ces établissements qui, comme on l’a dit, couvraient la surface de l’Empire dès la fin du IVe siècle, sans se rappeler l’organisation de la tribu chez les Germains. Les Barbares vivaient en communauté sur le sol romain, de la même manière que dans leur patrie originelle. Ces communautés, Gemeinden, étaient formées des mêmes éléments, composées d’un même nombre de famille[87] : elles avaient leurs chefs élus, non par l’empereur, niais par l’assemblée publique ; ce n’étaient pas les gouverneurs des provinces, mais les chefs nationaux qui rendaient la basse justice et réglaient les différents survenus entré les membres de la communauté ; en matière civile et criminelle on n’appliquait point la loi romaine, mais bien les lois et les coutumes du vieux droit germanique, si ce n’est dans les cas d’appel ou de contestations entre Romains et Barbares. Les assemblées périodiques, Dingtagen, se réunissaient pour traiter des affaires communes ; la même liberté présidait à l’exercice du culte et à la célébration des fêtes religieuses[88]. Aucun lien de dépendance directe et immédiate ne rattachait ces peuplades à l’administration romaine qui ne se mêlait en rien de leur organisation intérieure, pourvu que cette organisation ne troublât point l’ordre et la paix de l’Empire ; généralement séparées du. reste des habitants par leurs moeurs, leurs usages, leur juridiction civile, sinon militaire, leur langue, leur costume même, elles formaient autant de petits États dans l’État, ne relevant que de l’empereur et des officiers supérieurs de l’armée, sous les ordres desquels elles se trouvaient placées comme troupes auxiliaires.

Les corps de Barbares fédérés, organisés sur le modèle de la légion, étaient commandés par des préfets ou tribuns, pris d’abord parmi les anciens primipiles ou premiers centurions des légions[89], puis appartenant à chaque nationalité, et qui tenaient leur dignité, dans les derniers temps surtout, soit de leur naissance, soit du choix de leurs compatriotes. Assimilés aux troupes romaines, les fédérés étaient soumis aux mêmes règles de discipline, aux mêmes exercices ; en temps de guerre comme en temps de paix, dans les camps comme dans les différentes garnisons qui leur étaient assignées, ils avaient droit à une égale ration, annona militaris[90], fournie en nature, annona in specie, ou évaluée en argent, au prix courant des denrées, forum rerum venalium. Ils avaient aussi le droit de loger chez les propriétaires des villes ou des campagnes, possessores, dans les pays qu’ils traversaient et où ils faisaient un séjour plus ou moins long. Il est curieux d’étudier avec Gaupp en quoi consistait ce droit (metatum[91]) comment il avait été déterminé par la loi, et ce qu’il devint plus tard, lorsque les Barbares, au lieu d’être simplement cantonnés sur le territoire romain, s’emparèrent des provinces, fondèrent des États indépendants et opérèrent avec les anciens habitants de ces provinces un partage des terres, fondé sur une disposition analogue[92]. Le propriétaire, dominus, possessor, était tenu de céder au soldat son hôte, hospes, une portion de sa maison, le tiers, se réservant pour son propre usage les deux autres tiers. Ce partage n’avait point lieu d’une manière arbitraire, mais conformément à certaines prescriptions rigoureusement suivies. On faisait, nous dit le législateur, trois parts égales : le maître en choisissait une, l’hôte en choisissait une seconde, et la troisième revenait encore au maître. Le privilège pouvait dispenser de la totalité ou d’une partie de cette charge très lourde pour les propriétaires dans un temps où les mouvements de troupes étaient constants, surtout dans les provinces les plus voisines de la frontière et les plus exposées aux invasions. Certaines maisons dont la moitié se trouvait exempte n’avaient à fournir que le tiers de la moitié, c’est-à-dire un sixième, d’autres enfin dont les deux tiers étaient exempts fournissaient seulement le tiers du tiers, tertiœ videlicet partis parte tertia hospitibus prœstanda[93]. Ces détails seraient sans intérêt pour nous s’ils ne nous expliquaient le mode de partage adopté par les Bourguignons et les Wisigoths dans les provinces de l’Empire où ils s’établirent. Que firent, en effet, les nouveaux possesseurs de la Gaule et de l’Espagne ? Ils partagèrent par tiers, d’après l’exemple des Romains, avec cette différence que, n’étant plus seulement des hôtes, mais de véritables propriétaires, ils se réservèrent les deux tiers, ne laissant plus qu’un tiers aux Romains dépossédés[94]. En Italie, les Hérules réclamèrent au même titre le tiers des terres et le gardèrent en toute propriété. C’est donc bien comme auxiliaires d’abord, puis comme hôtes, hospites, que les Barbares préparèrent leur établissement futur et définitif dans l’Empire, et, le jour où ils devinrent les maîtres, les rapports qui existaient entre eux et les Romains ne furent changés que par la nouvelle extension donnée à la forme déjà ancienne de leurs cantonnements militaires.

Les Barbares fédérés jouissaient comme les soldats romains du privilège de l’immunité, immunitas, ou exemption d’impôts[95], tandis que les Barbares admis comme colons étaient soumis à la capitation[96]. Ce privilège de l’immunité avait déjà été accordé, dès le temps de la République, à des peuples et à des villes qui avaient fait avec Rome un traité d’alliance offensive et défensive. Les Fœderati, il ne faut pas l’oublier, étaient des engagés volontaires ; leur condition, bien différente de celle des Dedititii, leur permettait de se réserver certains avantages, de stipuler certains droits dont la violation pouvait entraîner la rupture du contrat signé entre eux et les empereurs. Lorsque Constance voulut rappeler les corps auxiliaires des Hérules et des Bataves qui faisaient la guerre dans les Gaules, pour les transporter en Orient sur les bords de l’Euphrate et renforcer ainsi l’armée romaine destinée à combattre les Perses, il y eut une explosion de mécontentement, parce que les Barbares n’avaient consenti à quitter leur patrie et à s’enrôler sous les drapeaux de l’Empire qu’à la condition de ne jamais franchir les Alpes[97]. Julien représenta à Constance qu’il y aurait un grand danger à mécontenter ainsi les volontaires barbares attirés par les promesses qu’on leur avait faites et par la certitude de n’être point éloignés de leur pays[98]. Il s’engageait à lui fournir en échange un certain nombre de Læti et de Dedititii[99].

L’élément barbare finit par dominer l’élément romain dans les armées impériales ; les trois grandes classes de l’armée romaine, établies par Constantin et substituées à l’ancienne division en légions et corps auxiliaires (legiones, auxilia) ouvrirent successivement leurs rangs aux étrangers[100]. On en comptait parmi les troupes palatines, palatini, premier degré de la milice (honoratior militia) ; parmi les comitatenses ou légions de marche, ainsi appelées parce qu’elles suivaient le prince dans les différentes expéditions, et enfin parmi les pseudocomitatenses ou castriciani, riparienses ripenses, préposés à la garde des frontières et postés dans les camps, sur le bord des fleuves. C’est surtout dans cette dernière classe de la milice que se trouvaient un grand nombre de Barbares auxiliaires, chargés de concourir à la défense du Rhin ou du Danube, tandis que les comitatenses, qui tenaient garnison à l’intérieur et dans les villes, étaient choisis de préférence parmi les provinciaux, provinciales[101]. Nous voyons dans tous les historiens, à propos des nombreux traités conclus avec les Barbares, que Rome cherchait toujours à attirer dans son alliance l’élite des peuples germains (valida juventus). Là en effet se trouvait la véritable force et, quand on songe à la manière dont ces peuples avaient déjà pénétré l’Empire à la fin du IVe siècle, tout en conservant leur amour de la liberté et de l’indépendance, on ne s’étonne plus que les alliés de la veille deviennent les vainqueurs du lendemain, que les premiers royaumes barbares fondés dans les Gaules, l’Espagne et l’Italie, l’aient été par d’anciens Fœderati.

 

 

 



[1] Walt., t. I, § 86-92, 93-98, 224-232. — Beck. et Marq., II, 1, p. 89-100. — Du Cange, Gloss. med. et inf. latinit. Fœderati (Φοιδεράτοι) generatim dicti e barbaris populis qui Romanis merebant.

[2] Opitz, p. 34 et suiv.

[3] Plusieurs peuples de la Gaule avaient déjà reçu le titre de fœderati, et étaient entrés dans l’alliance romaine par une faveur qui les distinguait des simples provinciales et les rapprochait du droit de cité. Pline dans son Histoire naturelle cite les Lingones fœderati (H. N., IV, 17) et Tacite au livre Ier de ses Histoires nous dit qu’Othon accorda à tous les Lingones le droit de cité romaine (Hist., l. I, c. LXXVIII.)

[4] Tacite, De mor. Germ., c. XXIX. — Ibid., Hist., l. IV, c. XII.

[5] Tacite, Hist., l. IV, c. XII.

[6] Tacite, Germania, c. XXIX. — Ibid., Hist., l. IV, c. XII.

[7] Tacite, Germania, c. XXIX. — Ibid., Hist., l. IV, c. XII.

[8] Tacite, Hist., l. IV, passim.

[9] Tacite, Germania, c. XXIX.

[10] Tacite, Hist., l. IV, c. XII.

[11] Ammien, l. XVI, c. XII.

[12] Ammien, l. XXXI, c. XIII.

[13] Tacite, Hist., l. IV, c. XIV.

[14] Tacite, Hist., l. IV, c. XII.

[15] Sismondi, t. I, c. I, p. 20. On a estimé que l’Empire romain avait six cents lieues du nord au midi, plus de mille du levant au couchant, et qu’il couvrait cent quatre-vingt mille lieues carrées de superficie.

[16] Tacite, Agricola, c. XXVIII.

[17] Tacite, Germania, c. XXIX.

[18] Lehuërou, l. I, c. IX.

[19] Ammien, l. XVII, c. VIII.

[20] Zosime, l. III, c. VI.

[21] Ammien, l. XVII, c. VIII. Note de Valois. — Guérard, Polyptique d’Irminon, 1re part., p. 496. — Pardessus, Loi salique, tit. 62. — Montesquieu, Esprit des Lois, l. XVIII, c. XXII.

[22] Ammien, l. XVIII, c. VIII. — Zosime, l. III, c. VI.

[23] Dareste, Hist. de France, t. I, l. III, § 13. — Lehuërou, l. I, c. IX. — Zosime, l. III, c. VI-VIII.

Les Francs Ripuaires, tribu tout à fait différente et indépendante des Saliens, habitaient encore au IVe siècle la rive droite du Rhin. Ils doivent peut-être se confondre avec les Attuarii dont parle Ammien Marcellin et contre lesquels Julien fit plusieurs expéditions. Ils n’occupèrent la Deuxième Germanie que dans la première moitié du Ve siècle et devinrent à cette époque les alliés de l’Empire comme Fœderati. Jornandès les cite en énumérant les troupes auxiliaires qui combattaient dans l’armée d’Aétius contre Attila et les Huns. Leur nom de Ripuaires vient évidemment du pays où ils s’étaient établis entre le bas Rhin et la Meuse. Ils conservèrent leurs rois de la race marcomirienne jusqu’au temps de Clovis et s’incorporèrent alors à la monarchie franque. Leur loi se maintint à côté de la loi salique.

[24] Böcking, Notitia Dignitatum, 3 vol. in-8°, Bonn, 1739-1853. — Zosime, l. III, c. VIII.

[25] Jornandès, De reb. Get., c. VII. — Opitz, p. 31. — Dexippe, De bellis Scythicis, p. 20.

[26] Jornandès, De reb. Get., c. VII.

[27] Jornandès, De reb. Get., c. VII.

[28] Gibbon, t. V, c. XXV. — Ammien, l. XXVII, c. V. — Cf. Zosime, l. IV, c. X.

[29] Ammien, l. XXXI, c. III.

[30] Ammien, l. XXXI, c. III. — Opitz, p. 32.

[31] Ammien, l. XXXI, c. III.

[32] Ammien, l. XXXI, c. IV.

[33] Zumpt, p. 32. — Ammien, l. XXXI, c. IV.

[34] Ammien, I. XXXI, c. IV. — Cf. Jornandès, De reb. Get., c. VIII.

[35] Eunape, fragm., De legat., p. 48.

[36] Ammien, l. XXXI, c. IV.

[37] Ammien, l. XXXI, c. IV.

[38] Eunape, fragm., De legat., p. 48. — Ammien, l. XXVI, c. IV.

[39] Ammien, l. XXXI, c. V. — Ibid., l. XXXI, c. VI.

[40] Ammien, l. XXXI, c. IV.

[41] Ammien, l. XXXI, c. VI.

[42] Comparez pour la description de la bataille d’Andrinople : Ammien, l. XXXI, c. XIII ; Zosime, l. IV, c. XXIV ; Jornandès, De reb. Get., c. VIII.

[43] Jornandès, De reb. Get., c. VIII.

[44] Jornandès, De reb. Get., c. VIII-IX.

[45] Jornandès, De reb. Get., c. IX.

[46] Jornandès, De reb. Get., c. IX.

[47] Zosime, l. IV, C. XXXIV.

[48] Jornandès, De reb. Get., c. IX.

[49] Jornandès, De reb. Get., c. IX.

[50] Jornandès, De reb. Get., c. IX.

[51] Jornandès, De reb. Get., c. IX.

[52] Jornandès, De reb. Get., c. IX.

[53] Les Romains dans ces cessions de provinces faites aux Barbares avaient l’habitude d’excepter les grandes villes, ainsi que le remarque judicieusement l’abbé Dubos, (l. III, c. VII). C’était là que se maintenait l’administration romaine avec les fonctionnaires de l’Empire, tandis que les campagnes se trouvaient abandonnées aux étrangers. — Cf. Gibbon, t. V, c. XXVI.

[54] Jornandès, De reb. Get., c. IX.

[55] L’abbé Dubos, l. I, c. X.

[56] Not. Dignitat., passim.

[57] Suétone, Vespasien, c. VIII.

[58] Inscriptionum latinarum amplissima collectio (Orelli-Henzen), 3 vol. gr. in-8°, Turici, 1828-1856. — Brambach, Corpus inscriptionum Rhenanarum consilio et auctoritate societatis antiquariorum Rhenanæ, Elberfeld, 1867, 1 vol. in-4°.

[59] Pardessus, Loi salique, Dissert. I, p. 511-512.

[60] Cod. Théod., VII, tit. 13, loi 16.

[61] Le Taunus est le massif de montagnes qui sépare le bassin de la Lahn de ceux du Mein et du Rhin. On désigne aujourd’hui cette chaîne secondaire sous le nom générique de Höne : elle se rattache au Vogelsgebirge, traverse la Hesse-Darmstadt et le Nassau, ancien pays des Mattiaci, et vient aboutir à la rive droite du Rhin, près de Mayence. Le Taunus fut célèbre à l’époque de la colonisation romaine des bords du Rhin.

[62] De Ring., t. II, p. 265.

[63] 2 De Ring., t. I, p. 320. — T. II, p. 56, inscription du Taunus. — Brambach, op. cit., p. 271, n° 1444, inscription d’Heddernheim.

IN. H. D. D.

GENIVM PLATEAE NOVI VI

CI CVM EDICVLA ET ARA

T. FL. SANCTINVS MIL. LEC. XXII

P.... P.F.IMM. COS. ET. PER

PETVVS ET FELIX FRATRES C.

R. ET TAVNENSES EX ORIGI

NE PATRIS T. FL. MATERN. VE

TERANI COH.III. PRAIT. PIAE

VINDICIS ET AVRELIA AM

MIAS MATER EORVM C. R. D.D.

AGRICOLA ET CLEMEN† NO COS.

— Cf. Orelli-Henzen, n° 181.

[64] Vopiscus, Vita Bonosi, c. 11.

[65] Gibbon, t. II, c. X.

[66] Cod. Theod., III, tit. 14, loi 1.

[67] Ammien, l. XXVIII, c. V.

[68] Gaupp., op. laud., p. 208.

[69] Godefroy, Cod. Théod., III, tit. 14, loi 1.

[70] Godefroy, Cod. Théod., III, tit. 14, loi 1.

[71] Eunape, Excerpta legat., p. 53-54.

[72] Prudence, Lib. II contra Symmach., v. 615 et suiv.

[73] Cassiodore, Var., V, 14.

[74] Gaupp, op. cit., p. 499.

[75] Gaupp, § 31, passim. — Lex Burgundionum, tit. 12, l. 5. — Ammien, l. XXVIII, c. XII. — I. Rip., tit. 60, l. 13. — Chlotarii regis constit. generalis circa. a. 560, c. VII-VIII. — Decret. Childeberti regis circa a. 595, c. II. — Edict. Chlotarii II a. 615, c. XVIII. — Edict. Theod. reg. c. XXXVI-LIV. — Manso, Geschichte des Ostgothischen Reiches in Italien, p. 94, — Luitprandi leg., c. CXXVII.

[76] Walt., Buch 1, c. XI, passim. — Voigt, Jus naturale, II, (111-114).

[77] Tacite, Ann., l. II, c. LXII.

[78] Tacite, Germania, c. XLI.

[79] Tacite, Germania, c. XLI.

[80] Ammien, l. XIV, c. III. — Ibid., XXIII, c. III. On institua plus tard des comtes spéciaux, Comites commerciorum, chargés d’inspecter et de vérifier les échanges des marchandises.

[81] Godefroy, Cod. Theod., VII.

[82] Cod. Theod., VII, tit. 16.

[83] Godefroy, Cod. Theod., VII, tit. 16.

[84] Ozanam, Les Germains, c. VII.

[85] Ammien, passim.

[86] De Ring, t. II, p. 243-244.

[87] Waitz, Die deutsche Verfassung, t. I, passim.

[88] Sybel., Die deutschen Unterthanen, passim. — Opitz, op. laud., passim.

[89] Beck. et Marq., III, 2, p. 376.

[90] Cod. Theod., VII, tit. 4, De erogatione militaris annonæ.

[91] Cod. Theod., VII, tit. 8, De metatis. — Cod. Just., XII, tit. 41. — Novellæ constitutiones Imperatorum Justiniano anteriorum, tit. 5.

[92] Gaupp, Dritter Abschnitt.

[93] Cod. Théod., VII, De metatis. — Gaupp, loc. cit.

[94] Gaupp, Fünfter Abschnitt.

[95] Sybel, Zumpt, Opitz, passim.

[96] V. le chapitre précédent sur les Dedititii.

[97] Ammien, l. XX, c. IV.

[98] Ammien, l. XX, c. IV.

[99] Ammien, l. XX, c. VIII.

[100] Not. Dign., passim.

[101] Cod. Théod., VII, De re militari, Paratitlon. — Naudet, Des changements opérés dans toutes les parties de l’administration de l’Empire romain sous les règnes de Dioclétien, de Constantin et de leurs successeurs, jusqu’à Julien, t. II, 3e partie, c. V.