Je viens de dire dans quelle position la conquête avait placé la Gaule à l’égard de ses nouveaux maîtres ; je vais dire dans quelle position elle les plaçait les uns à l’égard des autres. Au-dessus de toutes les institutions sociales de la vieille Germanie, Tacite place une aristocratie guerrière, investie du double privilège de conduire la tribu à la bataille, et de la juger dans la paix[1]. Aux âges héroïques, c’est l’élément qui prédomine, et nous le retrouvons chez les Germains, au berceau des nations celtiques[2], dans l’Italie primitive ; et dans la Grèce barbare[3]. C’est en effet le premier qui se développe dès qu’un état se constitue ; car les hommes ne peuvent se rapprocher sans que la supériorité se révèle ; et elle n’a pas plutôt conscience d’elle-même, qu’elle éclate au dehors en prenant ou en acceptant le pouvoir. Dans cet âge des sociétés, la royauté elle-même, lorsqu’elle existe, n’est encore qu’une émanation de l’aristocratie. C’est l’aristocratie qui règne à la fois, et sur le peuple qu’elle réprime pour le maintenir à ses pieds, et sur le roi qu’elle n’élève que pour gouverner par ses mains. Le despotisme n’est possible que lorsqu’il s’appuie sur une abjection fatale et volontaire des sujets, comme dans les monarchies orientales, ou sur un vaste système d’organisation administrative et politique, comme dans l’Europe civilisée. Mais l’aristocratie, chez les Germains de Tacite, était essentiellement mobile, comme leur état social, comme les chances et les hasards de la vie barbare. Un heureux coup de main pouvait, à chaque bataille, y porter le premier venu de la foule : la gloire et l’influence qui la suivait en élargissaient incessamment le cercle. Cependant l’une et l’autre commençaient à devenir également héréditaires[4]. Chose étrange ! la terre n’appartenait encore à personne[5], et la gloire était déjà à l’état de propriété. C’est la première que les institutions germaniques aient consacrée. Chacun des princes de la tribu se créait ainsi une sorte de royauté personnelle par son intelligence, par son courage, ou le succès qui peut toujours en tenir lieu.. Quelques-uns la recevaient de leurs pères ; tous la transmettaient à leurs enfants. Leur réunion formait le sénat de ces nations belliqueuses. La foule se groupait autour d’eux, et chacun choisissait son chef au gré de son caprice on selon ses sympathies[6]. Cette union du chef et du guerrier germain était toujours personnelle, quelquefois temporaire, presque jamais héréditaire[7]. C’est la différence essentielle qui la sépare des clans celtiques et des gentes de l’ancienne Italie, où le patronage et la clientèle, le commandement et l’obéissance se transmettaient du père aux enfants avec le nom patronymique, le cri de guerre, les dieux domestiques, des alliances et des inimitiés séculaires. Tout jeune Germain qui avait reçu ses premières armes en présence des guerriers réunis, quittait dès ce moment le toit paternel, et allait grossir l’une de ces troupes d’élite qui formaient le cortége obligé des chefs de la tribu[8]. La gloire du chef était de paraître à la bataille avec la troupe la plus nombreuse ; celle du guerrier consistait à immoler le plus d’ennemis sous ses yeux, et à le protéger contre toutes les attaques. La honte suprême était de lui survivre[9]. Il s’établissait ainsi, dans les loisirs de la lente et en présence de l’ennemi, entre les membres de cette petite société et celui qui en était le roi, une sorte d’amitié fraternelle que les usages de la nation avaient consacrée sous le nom heureux de vasselage[10], comme dans toutes les associations fondées sur le choix et cimentées par l’estime, les obligations étaient réciproques ; et les devoirs n’étaient que des échanges. Le compagnon du prince, en retour du sang qu’il versait pour sa querelle, recevait de sa main ou un beau cheval de bataille, ou une framée toute sanglante[11]. Après avoir essuyé les mêmes fatigues et couru les mêmes périls, l’un et l’autre venaient encore s’asseoir au même banquet, et buvaient à plaisir dans la même coupe, pour célébrer en commun les mêmes exploits, et chanter en buvant la défaite ou la mort des mêmes ennemis[12]. Malheur au chef qui n’avait point assez d’ennemis pour entretenir cette ardeur, ou assez de bœufs et de bière pour la récompenser ! Chacun se croyait en droit de l’abandonner sens façon ; et un autre, plus populaire ou plus entreprenant, était préféré par la jeunesse barbare, et l’entraînait sur ses pas dans quelque lointaine expédition[13]. Ainsi les innombrables tribus qui peuplaient la Germanie, et qui dans leur merveilleuse diversité n’étaient pourtant que des rameaux détachés d’un même tronc, se subdivisaient encore en autant de petites sociétés qu’il s’y trouvait de chefs assez influents pour se faire une clientèle, assez riches ou assez heureux pour la garder. Dans l’absence d’une autorité centrale dont l’énergie pût agir à distance et ramener à elle toutes les forces qui tendaient à se développer librement en dehors de son action, les influences individuelles, abandonnées à elles-mêmes, restaient sans contrepoids, et constituaient l’anarchie au sein d’une régularité apparente. L’état disparaissait dans ce fractionnement indéfini des peuples dont l’union le constitue, et dans cet éparpillement illimité des forces dont le concours est nécessaire pour sa défense. A peine s’il se retrouvait à de rares intervalles, dans les circonstances les plus importantes ; sur la terre ennemie, dans l’ardeur et les dangers de la bataille ; sur la colline du jugement (Maalberg)[14], lorsque toute la nation, réunie en conseil, venait elle-même élire ses magistrats, condamner les coupables, mettre un terme aux vengeances légales, et statuer en armes sur la paix, la guerre, sur le gouvernement de la tribu[15]. Partout ailleurs on l’aurait cherché en vain. Cet état social, avec ses libres allures, ses formes capricieuses el ses pouvoirs indécis ; se trouva un jour transporté par un orage sur la terre des Gaules. Les peuples germaniques, si longtemps tenus à distance par les eaux du Rhin et la force des légions[16], triomphèrent enfin de ce double obstacle, et s’établirent à demeure au sein de l’Empire. Le faible lien qui unissait au-delà du fleuve les nations diverses connues au milieu du IVe siècle sous le nom générique de Francs, a résisté à la secousse qui, au commencement du Ve, vient de les jeter si loin de leur berceau sur la terre des Gaules. Mais chacune d’elles se meut toujours à l’aise dans le lien qui les rassemble toutes, et garde son individualité, même en sacrifiant quelque chose de son indépendance. Dans la Gaule comme dans la Germanie, la souveraineté reste divisée, et compte encore autant de centres que la confédération compte de tribus. Nous la voyons éparpillée, avec les différents chefs dans lesquels elle se personnifie, sur toute la surface de la terre conquise, à Cologne, à Cambrai, Térouanne, au Mans et à Paris[17]. Mais si la nationalité est restée divisée comme les tribu, et le pouvoir mobile comme les caprices et les hasards de la vie barbare, le commandement et l’autorité qu’il confère ne sont déjà plus livrés exclusivement aux chances des batailles. L’un et l’autre sont désormais héréditaires et passent du père aux enfants avec le patrimoine, et, pour ainsi dire, au même titre que lui. Les chefs de guerre sont devenus des rois, et tous les rois sortent d’une seule famille, que les traditions nationales et une illustration séculaire ont en quelque sorte ennoblie et consacrée. C’était ; en effet, une noble race de princes chevelus, sortie sans doute, avec sa chevelure et sa framée victorieuse, de quelqu’une de ces tempêtes si fréquentes et. si populaires parmi les Barbares. Quoi qu’il en soit, tout porte à croire que chez les Francs l’institution de la royauté était encore d’une date récente à l’époque de l’invasion ; et il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’en général elle était d’autant plus faible chez les peuples germaniques, qu’ils se trouvaient plus rapprochés du Rhin. Au contraire, ceux qui touchaient encore à l’Asie et aux Sarmates qui en occupaient la frontière, avaient comme eux gardé ou adopté quelques-unes des formes absolues des royautés asiatiques[18]. Grégoire de Tours, qui avait sous les yeux les longues histoires de Sulpitius Alexander et de Frigeridus Profuturus[19], ne nomme qu’un petit nombre de rois, et il discute même consciencieusement la question de savoir si c’étaient en effet des rois ou de simples chefs de guerre ; puis il va jusqu’à dire que les Franck n’élevèrent de rois chevelus sur le pavois que lorsqu’ils furent déjà fixés dans la Gaule[20]. Il n’établit, en tout cas, aucun lien de parenté entre ceux dont les noms se lisent dans son récit, antérieurement à Chlodion[21], le premier qui se soit établi à demeure en deçà du Rhin. Frédégaire, son continuateur, est, il est vrai, beaucoup plus explicite ; et c’est lui que l’on peut regarder, avec Roricon et Aimoin, dont l’un vivait au VIIIe siècle et l’autre au Xe, comme le véritable auteur de cette généalogie imaginaire de Chlodion, fils de Pharamond, né de Francion, fils de Marcomir, qui remontait, par une chaîne indéfinie de rois anonymes, jusqu’à Priam, leur premier père[22]. Grégoire de Tours nous apprend que de son temps on doutait même que Mérovée fût le fils de Chlodion, et quelques-uns le disaient seulement issu de sa race[23]. L’histoire si connue de Childéric, chassé par ses sujets et remplacé par Syagrius, prouve que, même après l’invasion, les Francs se croyaient toujours en possession du droit, non seulement de choisir leurs princes, mais de les prendre où ils voulaient. Cependant, ce droit tendait à s’effacer de plus en plus avec les souvenirs qu’il rappelait, à mesure que la nation s’éloignait de son berceau. Le privilège, une fois constitué en faveur d’une seule famille, devenait de jour en jour plus exclusif, et restreignait d’autant la liberté des choix. Le principe d’hérédité, dont on a voulu faire un simple accident dans le développement de l’ordre social, est en effet une des tendances les plus invincibles de notre nature, et se confond de bonne heure avec elle. Aussi le voyons-nous, dans l’antiquité comme dans les temps modernes, pénétrer en quelque sorte les sociétés naissantes, et les plier forcément à toutes ses exigences. Une fois que le caprice ou quelque nécessité politique en eut déposé le germe dans la Constitution des tribus franques, il ne cessa d’y fermenter, comme un levain, jusqu’à ce que, de proche en proche, il eût gagné toute la masse. Il commença par s’appliquer au commandement, parce que la gloire du commandement était la première des jouissances dans l’esprit de ces nations belliqueuses. Il fut déféré un jour par le vœu national à une seule famille, ou violemment conquis par elle dans un jour de bataille ; et dès lors tous, ceux qui sortaient de cette race héroïque prétendirent y avoir un droit égal à l’exclusion de tous les autres[24]. Ainsi naquit la légitimité. Ce fut, dans les sociétés barbares, l’une des premières applications du principe d’appropriation, et voilà la raison de l’importance prodigieuse qu’on y attacha dans la suite. Tout l’ordre politique des nations modernes, à mesure qu’il se développa sous la double influence du droit et de la nécessité, vint s’asseoir sur cette première assise, et l’édifice entier ne porta que sur une abstraction. Une crise sociale correspond dans l’histoire à chaque oscillation du principe. Les Carolingiens, en le déplaçant, essayèrent de le sauver par un mensonge, et y réussirent. Après l’avoir renversé dans la personne du dernier Mérovingien, ils reculèrent au loin dans le passé pour renouer la chaîne dans les ténèbres, en se rattachant frauduleusement au vieux tronc de Mérovée[25]. Les Capétiens, à leur tour, se servirent, contre la postérité de Charlemagne, de l’heureux mensonge dont elle avait profité. Le mensonge de la Loi Salique, inventé au XIVe siècle par les jurisconsultes au profit des Valois, fut une variante du premier, à l’aide duquel ils se trouvèrent en mesure d’en recueillir le bénéfice à leur tour. Le principe arriva ainsi à travers les siècles, un peu froissé sans doute, mais encore intact, aux dernières années du XVIIIe siècle. Alors il fut emporté par un orage, et la pyramide, si souvent et si heureusement étayée, s’écroula enfin avec fracas. Il a fallu depuis trouver péniblement une autre base. Clovis, le premier, mit quelque unité dans ce chaos. Trois victoires lui soumirent la Gaule, et quatre assassinats toutes les tribus franques qui avaient franchi le Rhin avec la sienne. Sa gloire absorba toutes les gloires rivales, comme son royaume s’agrandit de tous ceux qui jusqu’alors lui avaient servi de limites, et les vainqueurs n’eurent qu’un chef, comme les vaincus n’eurent qu’un maître. L’unité de territoire et l’unité de dynastie sortirent ainsi des mêmes événements. Mais l’unité de territoire n’était qu’un hasard, et disparut presque aussitôt : l’unité de dynastie seule était dès lors un principe et resta. Le conquérant laissait quatre fils ; il y eut quatre royaumes ; mais il n’y eut qu’une famille royale. La terre conquise était considérée comme un domaine ; on la partagea comme un héritage. Les indigènes furent classés avec la terre, divisés comme un trésor, et appartinrent à celui des quatre princes auquel le sort les livra. Les Barbares seuls, et un petit noyau de Romains dont nous essaierons plus tard d’analyser les éléments, avaient encore le droit de se choisir un chef. Ils en usèrent, et chacun d’eux suivit dans son partage (sortem) celui des quatre rois qu’il préférait. Cette liberté était encore si entière, que plus tard on essaya d’y apporter des restrictions, et je ne veux d’autres preuves de son existence que les entraves mêmes par lesquelles on entreprit à une certaine époque d’en contrarier l’exercice[26]. On n’est donc pas fondé à dire, avec l’abbé Lebeuf[27], que les Francs se partageaient avec la terre, et par conséquent au même, titre. Bien loin d’être partagés comme un bétail ou un revenu, les Francs seuls ; par leurs préférences ou leurs exclusions, faisaient pencher la balance entre les candidats au pouvoir, et c’étaient les princes qui venaient solliciter, et le plus souvent acheter les suffrages qui n’allaient pas s’offrir d’eux-mêmes[28]. Ainsi l’armée de Clovis fut divisée, comme sa conquête, entre ses enfants ; mais ce fut d’après un autre principe. La terre et les Gaulois qui la cultivaient reçurent leur maître du hasard d’un partage ; le soldat franc choisit le sien librement et le suivit sous condition. Chaque roi eut parmi les Romains des sujets qui ne dépendaient que de lui ; et parmi les Francs des leudes[29], qui ne relevaient que de son patronage. En effet, dans les idées germaniques, la royauté n’avait jamais été qu’un patronage, un mundeburd, une mainbournie[30], et les rois eux-mêmes, dans les premiers temps qui suivirent l’invasion, n’y voyaient pas encore autre chose. C’est le sens des paroles adressées par Clovis aux Francs Ripuaires, après la mort de Sigebert le Boiteux, roi de Cologne, et de son fils Chlodéric : Tournez-vous vers moi, pour que vous soyez désormais sous ma protection[31]. Dans la Gaule, comme dans la Germanie, la gloire du prince fut de réunir autour de sa bannière le plus possible de leudes[32], la prétention des leudes d’être les compagnons et non les sujets du prince. En deçà comme au-delà du Rhin ils croyaient que le pouvoir résidait en eux aussi bien que dans leur chef, à un moindre degré, sans doute, mais dans la réalité au même titre. C’était l’esprit du vieux droit germanique, et le soldat de Soissons l’avait résumé en deux mots : nihil hinc accipies, nisi quod tibi sors vera largitur. Comme ils partageaient le butin ils partageaient le pouvoir, et jusqu’à un certain point la terre, qui depuis la conquête en était devenue le symbole. Dans la Germanie, les guerriers délibéraient avec le chef sur tous les intérêts de la tribu, rendaient la justice avec lui dans les assemblées générales, et sans lui dans les assemblées de cantons[33]. Dans la Gaule ils administrent et gouvernent concurremment avec leurs princes, et règnent en quelque sorte avec eux. Le roi n’avait de leudes et ne les gardait qu’à ce prix. Dans la Germanie il leur donnait de larges et copieux festins où le vin des Romains et la bière nationale coulaient à profusion ; quelquefois une framée ou bien un cheval de bataille, pour enchaîner leur mobile et capricieuse fidélité[34]. Dans la Gaule il leur céda, d’un côté, la propriété des terres qu’ils avaient déjà reçues des empereurs en entrant au service de l’Empire, et peut-être de celles qu’ils avaient sans doute enlevées à leurs ennemis après la victoire — quoique nous tenions pour impossible de donner sur ce point autre chose que des conjectures — ; d’un autre, la jouissance d’une portion de celles qui étaient tombées dans son propre partage. Les premières formaient le lot du Barbare, sors barbarica, son domaine, son proprium, la terre du Salien, terra salica[35]. Cette propriété, nous le prouverons ailleurs, était en effet franche et absolue, comme la ferme du roi : c’est pourquoi le Barbare lui donnait fièrement le nom, d’alleu[36], pour la distinguer, d’un côté, des terres données, et soumises par cela même à toutes les conditions que le donateur voulait attacher à ses dons ; d’un autre, des terres romaines qui, sauf les exceptions établies par le bon plaisir du maître, restaient sujettes aux diverses charges que l’administration impériale leur avait imposées[37]. Quant aux terres concédées, elles ne constituaient encore qu’une possession viagère accordée par le chef à titre de récompense, et comme le prix du sang qu’on versait pour sa querelle. Elles représentaient en ce sens la framée et le coursier de guerre des Germains d’outre-Rhin, les festins larges et abondants que le chef prodiguait à ses compagnons après la victoire. Tout porte à croire que dans la langue des Barbares ces concessions portaient déjà le nom de fiefs[38] ; dans celle des Romains c’étaient des bénéfices. La question des bénéfices a été considérée dès l’origine comme l’une des questions fondamentales de notre histoire ; et c’est en effet sur elle que repose en grande partie le monument. Non seulement la fortune de la première et de la seconde race a roulé tout entière sur ce grand intérêt ; mais on peut dire que le droit public et privé de la vieille France n’y a jamais été absolument étranger, à aucune époque de son développement. Quelle a été l’origine, quelle est la nature du bénéfice ? Est-ce une institution romaine, est-ce une coutume germanique ? Si c’est une institution romaine, par quelle série de métamorphoses a-t-elle passé pour arriver jusqu’à nous, et comment le bénéfice du Bas-Empire est-il devenu le fief du moyen-âge ? Si c’est une coutume germanique, transportée par la conquête sur la terre des Gaules, à quelle profondeur a-t-elle pénétré dans les mœurs, et jusqu’à quel point la terre conquise a-t-elle été soumise à ce nouveau régime ? La Gaule tout entière a-t-elle été considérée par ses vainqueurs comme un immense bénéfice que la victoire venait de placer sous leurs mains ; ou bien y a-t-il eu dès le principe une distinction fondamentale dans la nature des terres, et par suite dans la condition de leurs possesseurs ? Et si cette distinction a existé dès l’origine, a-t-elle fini par disparaître ; et est-il vrai de dire, avec Loyseau[39] et Galland[40], que le régime bénéficiaire, sous le nom de féodalité, a embrassé, à une certaine époque, la totalité des terres du royaume ? Ou plutôt n’est-on pas fondé à soutenir avec Hauteserre[41], Cazeneuve[42], Dominicy[43] et Furgole[44], que ce régime ne subsista jamais en France, même à l’époque de son plus grand développement, qu’à l’état d’exception ; et que la propriété allodiale resta toujours le droit commun de la monarchie ? Quelle que soit d’ailleurs l’opinion que l’on préfère sur l’origine des bénéfices ; qu’elle plonge par ses racines jusque dans les forêts de la Germanie, ou qu’il faille en rechercher les premières traces dans les nombreux expédients de la politique impériale aux abois, quelle était dans ce système la place de la royauté ? Domina-t-elle l’institution dès le berceau, comme elle domina à une certaine époque toutes les institutions féodales ; et dans ce cas quel était son titre ? Ou bien se trouva-t-elle d’abord placée en quelque sorte sur le même plan ; et alors de quels moyens se servit-elle pour abaisser sa rivale, et bientôt pour la ruiner sans retour ? Enfin (car la question a été posée), le fief est-il en effet sorti du bénéfice, et avec lui toute la France féodale telle qu’elle est venue tomber, après treize siècles de transformations incomplètes, entre les mains de l’Assemblée constituante ; ou bien n’existe-t-il entre eux, comme Chantereau Le Fèvre nous l’affirme[45], aucun rapport de généalogie ou même de simple parenté ? On a répondu par des volumes à chacune de ces questions ; et notre intention, ne saurait être de les aborder toutes. Nous ne discuterons que les solutions contestées. Or, il n’y a point de publiciste, il n’y a guère de jurisconsulte qui ne les ait rencontrées sur sa route, et qui ne se soit cru avec raison dans l’obligation de leur en chercher une. Il en est résulté que les écoles sont ici presque aussi nombreuses que les questions ; et toutefois on peut, sur le chapitre des origines, les réduire à deux, en écartant toutes celles qui sont aussi éloignées du sens commun que de la vérité[46]. L’une soutient que les bénéfices, et par suite la part la plus considérable de nos institutions, sont de source romaine ; l’autre prétend qu’il faut en rechercher les premières traces dans le droit barbare, et que tout notre droit public découle aussi de la même source. Le débat, qui depuis sa naissance se freinait péniblement entre des assertions contradictoires également dénuées de preuves, ou étayées de preuves également insuffisantes, se releva tout à coup au XVIIIe siècle, au milieu des passions politiques qui allaient enfin le clore par la solution tant cherchée, et entre les savantes mains qui s’étaient chargées de la préparer. Boulainvilliers, avec la très grande majorité des feudistes, tels que Dumoulin[47], Lemaistre[48], Loyseau[49], Basnage[50], Pocquet de Livonière[51], Furgole[52], etc., demanda cette solution aux Barbares, et essaya de l’imposer à la critique[53]. L’abbé Dubos, qui s’était donné la mission courageuse de venger la science de la mauvaise humeur et de l’érudition plus mauvaise encore du comte de Boulainvilliers, reçut à son tour du président De Montesquieu des démentis sur tous les points ; et sur la question qui nous occupe, l’espèce de châtiment que voici : Une telle opinion (il parle de celle qui rattache les bénéfices mérovingiens aux bénéfices de l’Empire) ne pouvait avoir de crédit que dans les temps où l’on connaissait l’histoire romaine, et très peu la nôtre, et où nos monuments anciens étaient encore ensevelis dans la poussière[54]. Interrogeons donc ces monuments anciens, et voyons ce qu’ils nous disent. Lampride dit, en parlant d’Alexandre Sévère[55] : Le territoire qu’il avait enlevé aux ennemis, il le donna aux ducs et aux soldats des frontières ; et toutefois à la condition que leurs héritiers seraient soldats comme eux, et que ces fonds de terre ne tomberaient jamais entre les mains de personnes privées, disant que les soldats combattraient avec plus de zèle, s’ils combattaient aussi pour la défense de leurs propriétés. Il y ajouta des animaux et des esclaves, pour qu’ils pussent mettre en culture les terres qu’ils venaient de recevoir. Vopiscus écrit dans la vie de Probus : Il donna à ses vétérans toutes les passes des montagnes qui conduisent dans l’Isaurie, en y mettant pour condition que leurs enfants mâles seraient inscrits dans la milice à l’âge de dix-huit ans. Nous avons prouvé ailleurs[56] que cette coutume de distribuer des terres aux vétérans et aux Barbares, sous la réserve du service militaire, n’était pas nouvelle, et qu’elle remontait pour le moins au règne d’Auguste. Nous savons aussi que plus tard on ne se contenta pas d’en distribuer suries frontières ; mais qu’on en donna indifféremment dans toutes les provinces de l’Empire, partout où un détachement des troupes impériales était fixé à demeure. Ces concessions étaient appelées beneficia, des bénéfices[57] ; et déjà on les opposait aux propres, c’est-à-dire à la propriété absolue[58]. On avait soin de les inscrire sur un registre particulier qui était le livre des bénéfices[59]. Plus tard, on en accorda non seulement aux vétérans et aux soldats de la milice armée, mais encore aux membres de la milice palatine[60]. Le fonds commun où se puisaient ces largesses du prince se composait originairement des terres qui appartenaient à l’État, et se recomposait incessamment des biens caducs, des terres vacantes, des déshérences et des proscriptions[61]. Le patrimoine du prince, sa fortune personnelle, les biens des villes et ceux des temples du paganisme servaient quelquefois aussi au même usage[62]. Ces concessions faisaient partie des largesses sacrées ; et parmi les quatre scrinia ou bureaux qui travaillaient sous les ordres du comes rerum privatarum, il y avait un scrinium beneficiorum ou bureau des bénéfices[63]. Lei bénéfices militaires étaient tous exempts du tribut ordinaire ; et nous le prouverons avec détail, lorsque nous parlerons de la condition des Francs par rapport au tribut. Il suffira maintenant de renvoyer le lecteur à la loi 6 du titre XIII du livre VII du Code Théodosien, que nous transcrivons au bas de la page[64]. Quant aux bénéfices de la seconde espèce, c’est-à-dire ceux qui étaient accordés aux membres des diverses administrations civiles, il y avait des distinctions. Les uns étaient exempts du tribut[65] et c’étaient le plus souvent ceux que le prince avait donnés de son propre mouvement, ou qui avaient été déclarés trop pauvres pour soutenir le poids de l’impôt[66]. Les autres étaient taxés au-dessous de leur valeur[67] ; d’autres n’étaient assujettis qu’à une prestation particulière, par exemple à fournir de for, du bronze, du fer[68] ; d’autres étaient exemptés de la capitatio humana atque animalium[69] ; d’autres, enfin, étaient assimilés à la res privata[70]. Lorsque les nécessités de l’État obligeaient de recourir à une superindiction ou impôt extraordinaire, ils jouissaient de privilèges analogues. Ainsi Théodose le jeune décida que, dans ce cas si la concession datait de trois ans, le concessionnaire paierait une demi-année ; une année entière, depuis trois ans jusqu’à cinq ; deux années depuis cinq jusqu’à dix ; trois années depuis dix et au-delà[71]. Ces diverses immunités finirent aussi par être appelées des bénéfices[72] ; et ainsi le même mot servit à désigner les concessions elles-mêmes, et les faveurs accessoires qui venaient &ajouter à ce premier don. Après le démembrement de l’Empire romain, nous retrouvons les bénéfices chez les nations barbares qui se le sont partagé. C’est ce qui a fait croire à toute une école de jurisconsultes et de publicistes que les bénéfices de l’époque mérovingienne n’avaient point une autre origine[73]. Et en effet, le nom, et dans un certain sens l’institution elle-même, sont également d’origine romaine, puisque chez les Romains et chez les Francs le bénéfice était également une concession du prince, et que de part et d’autre le motif et le but de la concession étaient les mêmes. Chez les uns comme chez les autres encore, on les donnait indifféremment aux hommes de guerre et à ceux qui étaient chargés de l’administration civile ou politique ; et nous verrons que les privilèges dont ils étaient en possession sous les empereurs, leur furent conservés sous les rois barbares. Et toutefois, il existe entre les premiers et les seconds plus d’une différence essentielle dont il faut tenir compte, et qui ne permet pas de croire que le bénéfice mérovingien dérive sans intermédiaire du bénéfice du Bas-Empire ; 1° les bénéfices des empereurs furent héréditaires dès qu’ils furent créés ; ceux des Mérovingiens ne le devinrent qu’en changeant pour ainsi dire de nature, et au bout de quatre cents ans. 2° L’institution des premiers fut un des mille expédients employés par la politique des empereurs pour étayer l’Empire ébranlé ; l’institution des seconds semble se rattacher à l’esprit même des mœurs germaniques, et devint la conséquence naturelle de ce qui se pratiquait déjà en Germanie avant la conquête. Tacite nous dit en parlant des Germains[74] : Une grande illustration transmise
par héritage, et appuyée sur les services du père, donne aux fils encore
jeunes le rang et la dignité de chefs. Ceux qui ne peuvent point se prévaloir
de cet avantage s’attachent à d’autres plus robustes et déjà éprouvés. Et ce
n’est point un déshonneur que d’être compté au nombre des compagnons. Bien
plus, cette espèce de compagnonnage a lui-même des degrés où les rangs
sont distribués par le chef que chacun a choisi ; et
c’est pour les compagnons un grand sujet d’émulation que de savoir qui
occupera la première place auprès de lui ; c’est pour lui un sujet
d’émulation non moins grand que de réunir le plus possible de compagnons, et
les plus entreprenants.... C’est une infamie
et un opprobre éternel de survivre à son chef dans la bataille. Le défendre,
le couvrir de leur corps, et même sacrifier à sa gloire les belles actions
qui suffiraient à la leur, c’est là le principal serment des compagnons. Les
chefs se battent pour la victoire, les compagnons pour leur chef.... C’est de sa libéralité qu’ils réclament, tantôt un
coursier de guerre, tantôt une sanglante et victorieuse framée. Des festins,
de grossiers, mais copieux repas, tiennent tien de solde ; et le fruit de
leurs rapines pendant la guerre leur sert encore à faire éclater leur
munificence. Ainsi, lorsque les Barbares étaient encore dans leurs forêts d’outre-Rhin, le prince, pour récompenser la valeur et le dévouement des guerriers qui s’étaient attachés à sa personne, leur donnait en récompense un cheval de bataille, la framée toute sanglante qui venait de fendre la tête d’un ennemi, de larges et copieux banquets, une partie des dépouilles qu’il avait lui-même recueillies sur le champ de bataille. Lorsque les Germains se furent mis en possession de la Gaule, le lien qui unissait le chef et les guerriers continua de subsister ; mais si la nature de l’engagement resta la même, celle des récompenses qui en étaient le gage dut se ressentir de la révolution qui s’était opérée dans leur fortune. La terre qui, dans la Germanie n’appartenait à personne, était dans la Gaule le premier des intérêts sociaux, le fondement de la vie civile et politique. Dès lors ce ne furent plus des chevaux, des armes ou des banquets, mais des concessions territoriales des guerriers et du chef. Le chef détacha de son domaine une terre qu’il abandonnait à son fidèle, pour tenir lieu de solde, et pour représenter les framées et les festins d’outre-Rhin aussi longtemps qu’il gardait la foi promise. Le mot beneficium, usité déjà chez les Romains pour désigner une institution de même nature, fut étendu à ces sortes de concessions, qui offraient tant d’analogie avec les premières ; et la coutume germanique se trouva ainsi entée sur l’institution impériale. Il en résulte que l’origine des bénéfices du moyen-âge, et par suite celle des fiefs, n’est ni exclusivement romaine, ni exclusivement barbare. Ici encore la vérité absolue ne se trouve que dans le rapprochement et la combinaison des deux systèmes ; car on peut dire que chacun d’eux n’en possède que la moitié. Et telle est, de part et d’autre, la force des raisons qu’on peut alléguer en sens contraire, qu’il nous parait impossible de motiver une préférence. D’un côté, l’hérédité des bénéfices impériaux ne permet point de les identifier avec les bénéfices mérovingiens qui n’étaient que temporaires ; d’un autre, les obligations sont si parfaitement identiques, qu’il est difficile de ne pas les rapporter à la même source. Et toutefois, le dévouement chevaleresque qui unissait le vassal à son seigneur, et sur lequel reposait toute la société féodale, nous reporte involontairement à la coutume germanique, au vieux compagnonnage des Barbares d’outre-Rhin. Il n’y a là rien de romain ; et si l’arbre tient par quelques-unes de ses racines à l’Empire, il faut avouer que les fruits, par, leur forme et leur saveur, ne nous rappellent que les usages et les souvenirs de la Germanie. En effet, lorsqu’un Franc avait fixé son choix sur le chef qu’il préférait, il venait en personne, et accompagné le plus souvent de tous ceux qui relevaient de lui[75], jurer fidélité entre ses mains et lui engager ainsi sa foi. C’était la forme consacrée, l’usage immémorial des tribus franques[76], et cela s’appelait une recommandation[77]. On se recommandait à un prince, à un roi, et dès lors on était dans sa truste et son mundeburd[78] ; on comptait au nombre de ses fidèles, au rang des leudes qui s’engageaient à vivre et à mourir pour lui. La formule est dans Marculfe[79] : Il est juste que ceux qui nous ont promis une fidélité, inviolable soient en revanche couverts de notre protection. Or, comme un tel, notre fidèle, avec l’aide de Dieu, s’est rendu dans notre palais, et nous a promis secours et fidélité, en mettant sa main dans la nôtre ; pour cette cause, décidons et ordonnons que le susdit, notre fidèle, soit compté au nombre de nos antrustions ; et si quelqu’un ose le tuer, il sera condamné à une amende de six cents sols. Nous voyons ici la société féodale déjà étagée, graduée, pour ainsi dire, en vassaux et en arrière-vassaux, telle qu’elle nous appendit plus nettement dans les monuments postérieurs. Cette arimannia, qui accompagna son chef à la cour du roi dont il va devenir le leude, est formée elle-même de leudes inférieurs, dont chacun commande, sans doute, à d’autres leudes moins puissants encore, et ainsi de proche en proche, d’étage en étage, jusqu’aux premières assises. Voilà la base d’un monument qui a duré quatorze siècles. Voici, dans un récit pittoresque de Grégoire de Tours (Hist., IX, 19), une curieuse application du principe : La guerre entre les habitants de
Tours se réveilla avec une nouvelle fureur, de la manière que voici :
Sicharius, après avoir tué les parents de Chramnisinde, s’était lié avec lui
d’une grande amitié, et ils s’aimaient d’une telle tendresse qu’ils prenaient
presque toujours leurs repas ensemble, et couchaient dans le même lit. Un
soir, Chramnisinde avait préparé à souper et invité à son festin Sicharius, qui
s’y rendit ; et ils se mirent tous deux à table. Comme Sicharius, déjà ivre,
tenait à Chramnisinde beaucoup de fâcheux propos, il en vint jusqu’à lui
dire, si l’on en croit la renommée : Tu dois bien me rendre grâces, frère
chéri, de ce que j’ai tué tes parents ; car, grâce à la composition que tu as
reçue pour cela, l’or et d’argent abondent dans ta maison. Tu serais
maintenant nu et misérable, si cela ne t’avait un peu remonté. Ces
paroles de Sicharius excitèrent une grande amertume dans l’âme de
Chramnisinde, et il se dit en lui-même : Si je ne venge la mort de mes
parents, je mérite de perdre mon nom d’homme, et d’être appelé une faible
femme. Aussitôt, éteignant les lumières, il fendit avec sa dague la tête
de Sicharius, qui tomba sur le coup en jetant un petit cri, et mourut. Les
serviteurs qui étaient venus avec lui prirent la fuite. Chramnisinde
dépouilla le cadavre de ses vêtements, et le suspendit à la haie voisine ;
puis, montant à cheval, il alla trouver le roi. Il le rencontra dans
l’église, et se prosternant à ses pieds : Grand roi, s’écria-t-il,
je te demande la vie ; car j’ai tué ceux qui, après avoir tué mes parents
en secret, ont enlevé tous mes biens. Puis raconta l’affaire en détail. Mais
la reine Brunehaut, qui avait prit Sicharius sous sa protection (eo quod in ejus verbo Sicharius
positus), trouva très mauvais
qu’il eût été tué de cette façon, et commença à s’emporter contre Chramnisinde.
Voyant cela, il se retira à Besages, dans le pays de Bourges, où habitaient
ses parents....... Plus tard, étant retourné
de nouveau vers le roi, il fut condamné à prouver que Sicharius avait tué les
siens, ce qu’il fit. Mais comme Sicharius était sous la mainbournie de
la reine Brunehaut (regina Brunechildis in verbo suo posuerat Sicharium), on ordonna que les biens de Chramnisinde seraient confisqués...
La reine les donna au domestique Flavien. Tous les Francs n’étaient donc pas reçus indistinctement à se recommander au roi ; mais tous ceux qui avaient assez d’importance pour être admis à cet honneur, avaient par cela même un égal droit à sa protection ; et leur vie était placée sous la sauvegarde d’une amende de six cents sols, pendant qu’il était loisible à chacun, pour deux cents sols[80], de tuer un Franc ordinaire. C’était quelquefois, avec la protection du prince, le seul avantage attaché à la recommandation ; car il ne suffisait pas d’être recommandé pour obtenir un bénéfice. Le bénéfice était toujours le prix d’un service rendu, quelquefois une solde et quelquefois un salaire. En outre le bénéficier faisait partie de la domesticité du roi ; aussi l’appelait-on, dans la langue des Germains, vassus, vassallus, un familier[81] ; gasindus, gasindius, un domestique[82]. Ce que les Romains appelaient un bénéfice, les Barbares l’appelaient un feudum, c’est-à-dire une ferme affectée temporairement à la nourriture et à l’entretien du titulaire[83]. Ceci, pour le dire en passant, nous éloigne de plus en plus des traditions romaines, et, à mesure que l’institution se développa, elle nous rapproche d’autant des souvenirs de l’hospitalité germanique. Il faut placer ici un titre très important de la loi des Ripuaires[84] : II. Si quelqu’un a empiété tant soit peu sur le lot de son consort, qu’il rende ce qu’il a usurpé, et qu’il paie quinze sols en sus. III. Mais si quelqu’un fait invasion dans les limites d’une concession royale, qu’il jure avec six autres qu’il n’y a point fait invasion, ou qu’il rende tout ce qu’il aura pris, et qu’il donne soixante sols de plus. IV. Mais s’il se trouve dans les limites de la concession des marques de sa façon, tels que des abattis d’arbres ou des levées, qu’il ne soit même pas admis au serment, mais qu’on le force immédiatement de restituer avec l’amende légale. V. Que s’il entre dans le lot d’autrui en dehors de la marche, qu’il soit contraint de payer telle indemnité qu’il appartiendra. VI. Que s’il argue de faux une charte du roi, sans pouvoir alléguer une charte contraire, que la composition ne soit pas autre que celle de sa propre tête. VII. Que s’il se rencontre deux chartes de deux rois différents, touchant le même bien, que le premier concessionnaire ait toujours une portion double. Il résulte des §§ 2 et 5 qu’il y avait des sortes chez les Francs, comme il y en avait chez les Burgondes, chez les Wisigoths, et en général chez tous les peuples barbares établis dans l’Empire[85]. La Loi Salique emploie le mot allod, qui est synonyme ; et je trouve d’ailleurs ce mot dans Grégoire de Tours[86]. En effet, nous avons vu ailleurs que les Francs, comme les Wisigoths et les Burgondes, ne s’étaient établis dans l’Empire qu’en prenant l’engagement de se battre pour lui[87]. C’étaient ses hôtes, et à ce titre ils y avaient reçu des fonds de terre, des sortes limitaneæ sur les bords du Rhin, où ils avaient dressé leurs pavillons, et qu’ils avaient accepté la mission de défendre. Le § 5 nous apprend que les rois mérovingiens firent à leur tour, par écrit (testamentum), de semblables concessions à leurs vassaux ; et les §§ 6 et 7 prouvent qu’il s’agit de concessions bénéficiaires appartenant au domaine du prince, puisqu’on suppose qu’après la mort du premier donateur, le roi qui lui succède peut de nouveau en disposer, même sans attendre la mort du titulaire qui est en possession. Un passage de la légende de saint Eusicius jette un jour précieux sur tout ceci[88] : Le roi (Childebert I) étant
donc revenu dans les Gaules avec son armée[89], résolut de récompenser chacun selon les services qu’il avait rendus et le rang qu’il occupait.
C’est pourquoi Vulfinus, homme très illustre parmi les Francs et remarquable
entre tous les autres par ses mœurs et sa probité, attendait comme tous les
autres la récompense qui lui était destinée. Mais comme la réputation du bienheureux
était parvenue jusqu’à lui, il ne demanda qu’un honneur qui appartenait au
roi sur le cours du Cher. Le roi lui accorda aussitôt, et d’un cœur pur, tout
ce qu’il demandait. En revenant de là, Vulfinus se rendit en toute hôte
auprès de l’homme de Dieu, se mit lui-même à sa discrétion, et lui accorda du
fond du cœur une grande partie des bénéfices que le roi venait de lui donner. Nous voyons ici de quelle manière les Francs ont dû agir à la suite de toutes leurs conquêtes dans les Gaules ; ce que nous ne voyons aussi nettement nulle part ailleurs. Il semble qu’il s’agisse, dans ce passage, d’une concession bénéficiaire faite à perpétuité par le prince au vassal qui l’avait bien servi ; car sans cela comment le vassal aurait-il pu en céder une partie ? C’est qu’en effet (et ceci nous ramène à l’institution impériale), dès la première époque de l’histoire des Mérovingiens, il se rencontre des concessions de bénéfices à titre héréditaire ; ce qui renverse la célèbre distinction que l’on a coutume d’établir à cet égard. M. Guizot en a déjà fait la remarque[90], et il cite le traité d’Andlaw, en 587, une formule de Marculf[91], et comme symptôme de la tendance générale des peuples, une loi des Wisigoths[92]. Ajoutons-y, avec la légende de saint Eusicius, une autre formule de Marculf, qu’il a négligée[93], et qui nous révèle une circonstance intéressante, savoir : que ceux-là même qui avaient reçu du roi un bénéfice héréditaire avaient soin de faire confirmer la donation par sou successeur. Nous trouvons ici, en quelque sorte, le point de suture des deux institutions : Un tel, homme illustre, a représenté à notre royale clémence que le roi notre père, il y a quelques années, lui avait accordé par un præceptum signé de sa main, en récompense de sa fidélité et de ses bons services, avec toutes ses appartenances et dépendances, en toute immunité, et avec défense aux juges d’y entrer pour exiger l’amende pour quelque motif que ce soit, une terre appelée de tel nom, située dans tel pagus, laquelle avait jadis appartenu au fisc, et que le roi notre père avait possédée. C’est pourquoi l’exposant a mis sous nos yeux le præceptum dudit prince, en nous priant de vouloir bien le confirmer de notre pleine autorité dans toutes ses dispositions. Ainsi il y avait des bénéfices viagers, et il y en avait d’héréditaires ; mais quelle était la règle à cet égard, et sur quoi reposait la distinction ? Sans vouloir introduire dès lois générales et absolues dans des choses où La part de l’imprévu est toujours si considérable, on peut supposer que les concessions viagères étaient le prix des services domestiques, ou bien, en termes plus généraux, celles qui ne reposaient que sur des relations personnelles. Et comme ces services finissaient avec la vie du fidèle, ou par sa félonie, la terre, qui en était la récompense, retournait au prince, qui n’en avait cédé que l’usage, et qui l’avait cédé sous condition. C’est pour cela que nous lisons dans Grégoire de Tours[94] : Wandelinus, nourricier du roi Childebert, étant mort..., tout ce qu’il avait obtenu des terres du fisc fit retour au fisc. Et ailleurs[95] : Siggo le référendaire, qui avait tenu l’anneau du roi Sigebert, et qui, à la mort de ce prince, avait été appelé auprès du roi Chilpéric pour remplir les mêmes fonctions à sa cour, abandonna Chilpéric pour retourner auprès du roi Childebert, fils de Sigebert, et tout ce qu’il avait obtenu dans le Soissonnais (c’est-à-dire dans le royaume de Chilpéric), fut donné à Ansoalde. Et encore[96] : Godin, qui, du partage de Sigebert, s’était retiré auprès de Chilpéric, et qui en avait reçu de grands présents, eut le commandement dans cette guerre ; mais, vaincu en rase campagne, il fut le premier à prendre la fuite ; et les terres fiscales que le roi lui avait données dans le pays de Soissons lui furent enlevées. Cette sorte de bénéfices étant la seule qui établit des relations personnelles, fondées sur la foi donnée et reçue, entre le seigneur et le vassal, a été le premier et le véritable noyau de la société féodale. Les bénéfices héréditaires tombaient, dès la seconde génération, dans la classe des alleux ; et dès lors toute relation personnelle entre le donataire et le donateur disparaissait. On peut ajouter que ces relations n’existèrent jamais entre les bénéficiers qui avaient reçu des bénéfices lorsque l’Empire était encore debout, et les empereurs qui les leur avaient conférés. Toutes les obligations étaient contractées en vue de l’Empire, aucune en vue de la personne de l’empereur. On peut donc dire que la féodalité est une institution purement germaine, quoiqu’on ne puisse pas en dire autant du régime bénéficiaire qui en a été le berceau. Lorsqu’il est parlé dans les monuments des obligations des possesseurs de bénéfices, il n’est question que de cette classe particulière de bénéficiers ; les autres n’étaient pas distingués du reste des hommes libres, et avaient par conséquent les mêmes obligations. Les premiers étaient les seuls qui engageassent leur foi, par cela seul qu’ils acceptaient un don, et le plus souvent même ils ne l’engageaient que pour obtenir quelque chose. Tous les autres n’engageaient la leur qu’autant qu’ils prêtaient le serment de fidélité, comme le reste des hommes libres. Ce serment de fidélité était exigé indistinctement de tous les Gaulois[97] ; parmi les Francs, ceux qui obtenaient un bénéfice, ou qui se recommandaient pour en avoir, étaient les seuls qui fussent obligés de le prêter. Mais le système de la recommandation était tellement dans les idées et les habitudes nationales, qu’il n’y avait guère de Franc qui ne fût recommandé à quelqu’un. De là une situation pleine de périls et d’embarras. Comme la force des princes dépendait surtout du nombre et de la qualité des leudes, chacun s’efforça d’en avoir le plus possible, et employa, pour y parvenir, tous les genres de séduction. Les leudes, ainsi sollicités en sens contraires par une surenchère continuelle d’avantages présents et de promesses encore plus magnifiques, ne virent qu’un moyen de tirer de la situation tout le parti qu’on pouvait en tirer : ce fut de se tenir toujours à la disposition du plus offrant. Il en résulta des trahisons sans nombre ; et bientôt les princes eux-mêmes, instruits par une cruelle expérience, furent contraints d’établir un véritable système de garantie et d’assurance mutuelle, non moins contre eux-mêmes que contre les infidélités de leurs vassaux. C’est l’une des conditions les plus importantes du traité d’Andlaw entre Gontran et Childebert[98] : Conformément aux conditions arrêtées entre le seigneur Gontran et le seigneur Sigebert d’heureuse mémoire, les leudes qui, après la mort du seigneur Chlotaire, avaient d’abord engagé leur foi envers le seigneur Gontran, et qui sont convaincus de l’avoir engagée ailleurs depuis, seront, d’un commun accord, expulsés des terres qu’ils occupent. Semblablement seront expulsés ceux qui, après la mort du seigneur Chlotaire, avaient donné leur foi au seigneur Sigebert et qui depuis l’ont donnée à un autre.... Il est convenu également que l’un ne cherchera pas à débaucher les leudes de l’autre, ni ne les accueillera lorsqu’ils viendront se présenter d’eux-mêmes. Que si, par aventure, le leude de l’un croit devoir, pour quelque faute, se réfugier auprès de l’autre, qu’il soit rendu à son seigneur après avoir obtenu son pardon, selon la qualité de l’offense. Mais il y a là une cause de ruine contre laquelle les traités ne peuvent rien. Elle continua d’agir, de tout dissoudre, de tout ruiner autour d’elle ; et nous la retrouverons ailleurs. Il résulte de tout ce que nous venons de dire que l’institution bénéficiaire des Romains et l’institution germanique coexistaient chez les Mérovingiens. Les bénéfices héréditaires représentaient la première ; et l’analogie est d’autant plus exacte, que les bénéficiers de cette classe étaient astreints, comme les veterani et les milites limitaneii de l’Empire, à l’obligation du service militaire. C’était là le motif de la concession, et pour ainsi dire la clause du contrat ; car les concessions n’étaient perpétuelles que parce que le service qui y était attaché était perpétuel de sa nature. Cela est si vrai que si le bénéficier ne laissait en mourant que des filles, le bénéfice appartenait au plus proche parent mâle ; et c’est ce que veut dire le fameux titre 62 de la Loi Salique : De la terre salique, aucune portion ne pourra appartenir aux filles ; les hommes seuls seront habiles à y succéder[99]. La terre salique n’est ici autre chose que le bénéfice militaire du Franc Salien[100] ; et ce qui prouve qu’il ne saurait être question d’un simple bénéfice à vie, c’est que le titre dans lequel cette disposition se rencontre est relatif à la succession des alleux, de alodibus[101]. Voilà pourquoi encore, lorsque les filles elles-mêmes furent universellement admises à la succession des terres saliques[102] ; c’est-à-dire lorsque tous les bénéfices furent devenus des fiefs, le seigneur de la terre réclama le droit de marier l’héritière, pour que le service du fief ne restât pas en souffrance. Au contraire, les bénéfices accordés temporairement ou à vie n’avaient ce caractère que parce que les services domestiques auxquels ils étaient affectés étaient eux-mêmes variables et temporaires de leur nature. Ceux-ci n’établissant que des relations d’homme à homme, devaient finir avec ces relations ; ceux-là imposant des obligations permanentes, non plus envers un homme, dais envers la chose publique, devaient être permanents et invariables comme elles. Il est vrai que l’hérédité, qui d’abord avait été restreinte aux bénéfices et aux fonctions militaires, finit aussi par s’établir dans les fonctions domestiques, et dès lors elle s’appliqua naturellement aux bénéfices qui y étaient affectés ; mais cette seconde hérédité est bien postérieure à la première, et elle ne devint générale que lorsque le principe féodal, comme un puissent levain, eut fermenté dans toute la masse. il nous semble que cette distinction, qui n’avait pas encore été faite, résout d’une manière satisfaisante la principale difficulté de la question si controversée des bénéfices, en faisant à chacun des deux grands systèmes qui se l’étaient partagée la part légitime qui lui revient. Nous aurions voulu parler encore des diverses espèces de juridictions : 1° de la juridiction royale ; 2° de la juridiction allodiale ; 3° de la juridiction bénéficiaire. C’est un des côtés intéressants du sujet que nous traitons. Mais nous devons attendre, pour l’aborder, que nous ayons conquis le droit de dire toute notre pensée. |
[1] Tacite, Germania, 12. — Et 14.
[2] Cæsar, Comment., VI.
[3] Aristote, Πολιτικ.
[4] Tacite, Germania, 13.
[5] Tacite, Germania, 26.
[6] Tacite, Germania, 13.
[7] Tacite, Germania, 13, 14.
[8] Tacite, Germania, 18.
[9] Tacite, Germania, 18.
[10] L’étymologie la plus probable est geisel, hôte, compagnon, camarade.
[11] Tacite, Germania, 14.
[12] Tacite, Germania, 14.
[13] Tacite, Germania, 14.
[14] V. Leg. Sallic. antiq., passim.
[15] Tacite, Germania, 11, 12, 13.
[16] Robur legionum (Tacite).
[17] Greg. Turon, Histor., 40, 41, 42. — Malbranch., Belgium roman., II, 38.
[18] Tacite, Germania, 43.
[19] Greg. Turon, Histor., II, 8 et 9.
[20] Greg. Turon, II, 9.
[21] Greg. Turon, II, 9. Il est évident que l’historien n’établit ici aucune relation de parenté entre Chlodion et Théodemer.
[22] Greg. Turon, Histor. Francor. epitomata, per Fredegar scholastic., 2, 3.
[23] Greg. Turon, Histor., II.
[24] Greg. Turon, Histor., III, 14.
[25] Voir Duchesne, I, p. 793.
[26] Au traité d’Andlaw, par exemple.
[27] Dissertations sur l’histoire de France, Paris, 1738, 2 v. in-12.
[28] Greg. Turon, IV, 22. — Après la mort de Thierry I, Théodebert, son fils, est obligé, pour se maintenir, d’acheter de nouveau la fidélité de ses leudes (Greg. Turon, III, 23.) — Cela n’empêche pas que les Romains n’eussent aussi leurs préférences ; mais leurs prétentions n’étaient jamais qu’un fait, ce n’était pas un droit.
[29] C’est le mot germain leute, bande. — Lide, dans la Voluspa, des gens de guerre. — Lid, dans la Hialmarsaga, une armée. — Vid. Olai Wormii dictionnar. runicum. — Le Comites de Tacite (Germania, 13 et 14) en est la traduction latine. — Grégoire de Tours, II, 42, l’emploie déjà en parlant de Ragnachaire, contemporain de Clovis.
[30] Marculf, I, 24 : Charta de Mundeburde regis vel principis.
[31] Greg. Turon, II, 40.
[32] Leude et soldat sont synonymes, Frédégaire, chronic., 87.
[33] Tacite, Germania, XI, XII.
[34] Tacite, Germania, XIV.
[35] Terra salica est synonyme de sors salica, et désigne la terre accordée jadis par les empereurs aux Francs Saliens qui entraient à leur service. J’hésite à y voir autre chose ; et par exemple, les terres enlevées aux vaincus par les Francs leurs vainqueurs, comme on l’a dit si souvent. Le mot à coup sûr rappelle moins la victoire des Francs que leur dépendance ; il n’est pas né à la suite des victoires de Clovis, il est contemporain du premier établissement fait par les Saliens dans la Gaule, avec la permission et sous l’autorité des empereurs.
[36] Alliodium, rac. loos, lot, lozzan, lotir. — C’est l’équivalent du latin sors que l’on rencontre si souvent dans le Code Théodosien et dans les lois barbares, sauf toutefois dans celle des Francs. Le mot allod, qui s’y trouve, en tient la place ; ce qui nous parait important à noter. — Il ne faudrait cependant pas en conclure que l’on tirait ces terres as sort ; et sur ce point le préjugé vulgaire est une erreur historique. Depuis longtemps le judicieux et savant J. Godefroy en a fait la remarque ; mais il ne sera peut-être pas inutile de reproduire ses observations et ses preuves, car je vois que cette fausse interprétation a conduit quelquefois à de faux systèmes. (Hervé, Théorie des matières féodales et censuelles, VI, p. 62), et tout récemment encore un auteur justement accrédité s’y est laissé tromper (Laboulaye, Histoire de droit de propriété, p. 252.) — Je lie dans Godefroy, ad l. 15, Cod. Theodos., XI, tit. 1 : Sortes non dicuntur quasi sorti commissæ, vel quæ per sortem contigerunt in urne forte ductam ; verum sunt possessiones et moduli agrorum certa mensura comprehensi. — Fragmentum agrarium DE LIMITIBUS, p. 331 : Duo jugera juncta in unum quadratum, agrum efficient, quod sint in omnes actus bini. Hunc modum quidam appellatum dicunt sortem, et centies ductum centuriam.
[37] Voir plus haut le chapitre des impositions publiques.
[38] Je sais que le mot ne se rencontre pour la première fois que dans une Constitution de Charles-le-Gros, qui mourut en 888 ; encore l’authenticité du monument est-elle contestée. — V. Ducange, v° feudum. Mais il est unanimement reconnu, excepté toutefois par Chantereau Le Fèvre et par Mably, qui ne pouvait manquer d’embrasser ce paradoxe, que le fief n’est pas autre que le bénéfice devenu héréditaire. (V. Hervé, Théorie des matières féodales et censuelles, I, 7.) — De toutes les étymologies qu’on en a données, une seule me satisfait pleinement. C’est celle de Stiernhielm, Glossar. ulphilo-gothic., p. 46 : Feudum a föden, nutrire. — Le bénéfice, dans les idées germaniques, n’était en effet qu’une extension de la table du chef : Et quamquam, incompti, largi tamen apparatus pro stipendiis cedunt. — Le mot foderum, qui désigne dans le Code les prestations en nature imposées aux provinciaux pour la subsistance des troupes, vient de la mente racine et a la même signification.
[39] Traite des seigneuries. —1614.
[40] Traité du franc-alleu et origine des droits seigneuriaux. —1699, in-4°.
[41] De origine et statu feudorum pro moribus Galliæ, liber singularis. —1619, in-4°.
[42] Traité du franc-alleu en Languedoc. — 1641, in-fol.
[43] De prærogativa allodiorum in provinciis Narbonensi et Aquitanica. — 1645, in-4°.
[44] Traité de la seigneurie féodale universelle et du franc-alleu naturel. —1767, 1 vol. in-12.
[45] Traité des fiefs et de leur origine, avec preuves. — 1662, in-fol. (dédié au prince de Condé.)
[46] On nous sera permis de compter dans ce nombre ce M. de Basmaison, qui prétendait que les fiers sont aussi anciens que le monde, et que la Judée fut donnée en fief par l’Eternel an peuple juif. — Nous ne disons ceci que pour nous faire pardonner la sévérité de notre expression.
[47] Préface au titre des fiefs dans la Coutume de Paris.
[48] Des fiefs, hommages et vassaux (dans le recueil de ses œuvres, Paris, 1680, in-4°).
[49] Loc. cit.
[50] Sur la Coutume de Normandie.
[51] Traité des fiefs. —1733, 1 vol. in-4°.
[52] Loc. cit.
[53] Histoire de l’ancien gouvernement de la France, avec quatorze lettres historiques sur les Parlements et États-Généraux. La Haye, 1727, 3 vol. in-12. (V. lett. IV, t. I, p. 293.)
[54] Esprit des Lois, XXX,12.
[55] Lampride, in Alex. Severus.
[56] Voir liv. I, c 3.
[57] Lampride, in Alex. Severus.
[58] XI. Cod. Theod., XX, 1.
[59] Hyginus, de limitibus constituend. et Lampride, in Alex. Severus.
[60] X. Cod. Theod., 2.
[61] X. Cod. Theod., X : De petitionibus, et ultrodatis, et delatoribus.
[62] XI. Cod. Theod., XX, 6.
[63] Notit. utriusq. imper.
[64] Si oblatus junior fuerit qui censibus tenetur insertus, ex eo tempore quo militiæ sacramenta susceperit, proprii census caput excuset.
[65] XI. Cod. Theod., XX, de conlation. donat., 5. — V. in extenso Novellam 33 Theodos. et Valentin. AA.
[66] Cod. Theod., XX, 5. — Ibid., leg. 6.
[67] Cod. Theod., XX, 6.
[68] Cod. Theod., XX, 6.
[69] Cod. Theod., XX, 6.
[70] Cod. Theod., XX, 6.
[71] XI. Cod. Theod., XX, 5.
[72] XI. Cod. Théod., I, 9, et alias passim.
[73] Gerardus Niger et Obertus de Orto, les premiers qui aient écrit sur les fiefs, les firent dériver des bénéfices, et la foule des commentateurs se rattacha à cette doctrine. — Ils étaient Consuls de Milan et écrivaient vers 1480, sous Frédéric Barberousse.
[74] Tacite, Germania, 13, 14.
[75] Marculf, formul., I, 14, 18.
[76] Vit Ludov. Pil per Anonym., 21. Le serment prêté dans cette circonstance se nommait leudesamium. — Marculf, formul., I, 40.
[77] Charta privilegior Hispanis concess., ap. Baluze, t. I.
[78] Marculf, form. I, 24.
[79] Marculf, form. I, 18.
[80] Lex. Salic., tit. 44.
[81] Vassus et vassalus qui n’en est que le diminutif, correspondent au gast des Allemands de nos jours, et signifient hôte, familier, domestique. Concil. Cabillon, II, 63. — Capitular. Karol. M., lib. II, 24. — Et lib. IV, 4. — Voyez Cangium.
[82] Gassindus, Gasindius ; autre forme, même racine. C’est l’allemand gesind, hof-gezinde, familiares, aulici. — Lex Langeb. I, tit. 9, § 21. — Marculf, form., I, 23. — Præcept. Childebert. I. R., ad ann. 530, ap. Martenn. Ampliss. Collect., I, p. 5.
[83] Voir plus haut l’étymologie du mot feudum. — Cela est si vrai que les mots bénéfice et usufruit étaient synonymes. Marculf, form. II, 39. Baluz, t. I, p. 264.
[84] Lex Ripuar., LX, de traditionibus et testibus adhibendis.
[85] Lex Burgund., VI, 1. — Cod. Wisigoth., VIII, 5. — Sidon. Apollinaire, VIII, epist. 3. - Vint. Uticens, III.
[86] Greg. Turon, Histor., IV, 19.
[87] V. supra, liv. I, c. 11.
[88] Ex Vit. S. Eusicii confessor., ap. D. Bouquet, III, p. 429.
[89] Après une expédition contre les Goths.
[90] Essais sur l’histoire de France, IVe essai, c. 2.
[91] Marculf, form. I, 14.
[92] Lex Wisigoth., LV, tit. 2, § 2. — La loi est de Chindasuinthe.
[93] Marculf, form. I, 17.
[94] Greg. Turon, VIII, 22.
[95] Greg. Turon, V, 3.
[96] Greg. Turon, V, 3.
[97] Greg. Turon, Histor., VII, 28. — Et alias passim.
[98] Greg. Turon, Histor., IX, 20.
[99] Lex Salic., tit. 62.
[100] C’était le sentiment de Pithou, de Beatus-Rhenanus, de Lindembrog, etc. Eccard le premier, dans son commentaire sur la Loi Salique, y a substitué cette autre explication que Montesquieu (Esprit des Lois, XVIII, 22) lui a empruntée, et qu’il a rendue célèbre. — M. Guizot (IVe Essai sur l’histoire de France, c. 1) est revenu avec raison à l’ancienne.
[101] V. Leg. Salic., tit. LXII, de alodibus.
[102] Voir dans Marculf, II, formul., II, 12, la formule usitée pour cela.