Nous venons de voir sous quels auspices les Barbares ont pénétré dans l’Empire ; nous allons examiner de quelle manière ils se le sont partagé. Ce mot est devenu la source de bien des méprises. On a trop souvent oublié qu’il avait aussi son histoire, comme tous les mots de la langue, et qu’on le trouve dans les auteurs indistinctement appliqué à des situations bien différentes. De là est résultée une grave erreur, que presque tous les historiens du dernier siècle ont partagée, et qui a réussi à se faire jour jusque dans le nôtre. On s’est obstiné mal à propos à confondre les Barbares d’Ammien. Marcellin et d’Orose avec ceux des Commentaires de César ; et pourtant il y a entre les uns et les autres une différence essentielle dont il faut tenir compte, sous peine de fausser toute l’histoire. On trouve peut-être chez les uns et chez les autres les mêmes vices, et si l’on veut la même férocité ; mais les mœurs restent barbares longtemps après que l’esprit a cessé de l’être. Les lumières de l’intelligence, même au sein d’une civilisation avancée, ne réagissent que tardivement sur les tendances de notre nature, et sont quelquefois impuissantes tir les changer. Mais il n’en existe pas moins dans cette espèce de supériorité intellectuelle et politique que l’on appelle civilisation, une sorte d’attraction mystérieuse qui appelle e finit par absorber tout ce qui se trouve placé dans la sphère de son action. C’est ainsi que l’empire d’Alexandre donna une nouvelle civilisation à l’Asie, et que de nos jours la barbarie américaine, la plus rebelle de toutes, tend à se fondre peu à peu dans la civilisation européenne, au lieu de fuir comme autrefois devant elle. Il serait contraire à toutes les lois de l’histoire, que les Germains seuls, c’est-à-dire les plus dociles et les moins farouches de tous les Barbares, fussent parvenus à se soustraire à l’empire de cette nécessité, et qu’ils eussent été pendant cinq cents ans en contact avec à civilisation romaine sans en subir plus ou moins l’influence. Aussi n’en est-il rien. Au temps de César, ce sont encore presque des sauvages[1] ; au temps d’Auguste, ce ne sont plus que des Barbares ; et si nous en croyions le portrait flatté que Tacite nous en fait, nous serions tentés de voir en eux, dès le second siècle de l’ère chrétienne, des peuples policés, et déjà en possession d’une civilisation d’autant plus admirable, qu’on n’y trouvait ni le luxe, ni la tyrannie, ni les débauches de Rome. Mais si nous avons raison de nous tenir en garde contre les artifices dé ce sublime calomniateur, nous aurions tort de nous refuser à l’évidence des faits. A côté de son roman[2] nous pouvons placer, pour en corriger l’effet, les sèches et désolantes compositions des écrivains de l’Histoire Auguste. Or, la barbarie germanique s’y présente partout sous des traits moins farouches. Ce ne sont plus ces Suèves des Commentaires qui vivaient presque nus sous les frimas du Nord, et qui repoussaient loin de leurs frontières les vins de la Gaule avec plus de soins que ses armées[3]. Les Germains du IIe siècle recherchent avec une égale avidité le vin et l’argent des Romains[4] ; ils envient déjà à la civilisation ses jouissances, en attendant que ceux du IVe et du Ve siècle commencent à s’élever jusqu’à l’intelligence de ses ressources[5]. Les uns et les autres comprennent parfaitement l’immense supériorité de cette organisation merveilleuse ; et ils songent moins à la détruire qu’ils ne cherchent à s’y faire une place. S’ils continuent leurs attaques contre l’Empire pendant cinq siècles entiers, c’est moins pour assouvir une prétendue haine nationale qui n’exista qu’à une certaine époque et sous l’influence de causes déterminées, que pour avoir leur part des vins, des olives et des épices du midi. Voilà pourquoi les empereurs ; dans leur égarement, défendaient aux marchands de leur en porter ; voilà pourquoi Alaric demandait pour la rançon de Rome cinq mille livres d’or, trente mille livres d’argent, quatre mille robes de soie, trois mille livres de poivre[6]. Un seul motif a toujours porté les Germains à passer dans les Gaules ; le caprice, l’amour des jouissances et des richesses, le besoin et le plaisir de changer de demeure. Il ne faut pas s’étonner si les Barbares échangent volontiers leurs marais et leurs déserts contre ce sol si fécond, et contre ses possesseurs[7]. D’un côté, l’attrait des jouissances matérielles et des poétiques émotions de cette vie de pillage ; de l’autre, l’espèce de fascination que le spectacle de la grandeur unie à l’habileté et à la force exerça de tout temps sur l’esprit des hommes ; telles furent les causes et les mobiles de cette longue émigration des Barbares du Nord. C’est ainsi que nous voyons ceux qui obtiennent la permission de s’établir sur le territoire de l’Empire, à la condition de le défendre, renoncer volontiers à l’attaquer. C’est ainsi que les Ubiens, les Sicambres, les Nerviens, les Trévires, les Vangions, les Némètes, passent successivement sur la rive romaine. Ainsi les Bataves, les Suèves, les Allemans, les Alains, les Saxons, les Sarmates, entrent à son service, et se retrouvent pour le défendre partout où il est attaqué ; pendant que d’autres Barbares, les Frisons, les Suèves du roi Vannius, les Hermundures, les Quades, les Marcomans, se chargent de couvrir ses frontières sans même obtenir la permission de les franchir. Lorsque l’empereur consent à leur ouvrir les légions, ou les écoles du palais, ils échangent sans façon en y entrant leurs noms teutoniques contre des noms Romains[8]. Ils prennent avec le même empressement, ou si l’on veut avec la même indifférence, le costume, les armes, le langage, la religion du peuple maître. Le suève Arminius parlait, le latin comme sa langue maternelle[9] ; le franc Silvanus se rendait à l’assemblée des Chrétiens, lorsqu’il fut tué par les émissaires de Constance[10]. Cette fierté barbare dont parlent quelques historiens, et dont ils font honneur indistinctement à tous les peuples du Nord, ne se trouve guère que dans leurs livres. Les Cimbres eux-mêmes, qu’on nous représente sous des couleurs si sauvages, envoyèrent s’excuser auprès de Papirius Carbon, lorsqu’ils vinrent heurter sans le savoir contre l’Empire romain, et offrirent à M. Silanus de se battre pour lui si on voulait leur donner des terres en récompense[11]. Les Goths y entrèrent en suppliants. Ecoutons Jornandès[12] : Les Wisigoths, d’un commun avis, résolurent d’envoyer des ambassadeurs au pays des Romains vers l’empereur Valens, frère de l’empereur Valentinien, premier du nom, pour lui demander une partie de la Thrace ou de la Mœsie à cultiver, promettant d’y vivre dans la soumission à ses lois et d’obéir à son commandement. Et pour qu’on ajouta une foi plus entière à leurs paroles, ils offrirent de se faire chrétiens, si on voulait leur donner des docteurs de leur langue... Ils franchirent donc le Danube, et s’établirent avec la permission du prince dans la Dacie riveraine, dans la Mœsie et dans la Thrace. Veut-on savoir maintenant quels étaient les sentiments qu’inspirait aux Barbares le spectacle de cette grandeur romaine, au moment où elle frappait de plus près leurs regards pour la première fois ? Jornandès encore va nous l’apprendre[13] : Athanaric, le roi des Goths, appelé à Constantinople par Théodose, entra dans la ville royale, et plein d’admiration à cette vue : voilà, s’écria-t-il, que je vois enfin de mes yeux ce que j’ai tant de fois entendu raconter sans y croire ! Voilà les merveilles de la grande cité. Et en même temps il promenait ses regards de tous côtés, admirant tantôt la situation de la ville et le mouvement animé de son port, tantôt la hauteur de ses murailles et les nations diverses qui s’y trouvaient réunies comme des eaux jaillissantes dans un réservoir commun, tantôt enfin l’ordre admirable qui régnait dans l’armée chargée de la défendre. Ah ! sans doute, disait-il, l’empereur est un dieu sur la terre ; et qui ose lever la main contre lui, celui-là est coupable de sa propre mort. Tout entier ainsi à son admiration, et comblé chaque jour de quelque nouvel honneur par le prince, il mourut inopinément au bout de quelques mois... Après sa mort, toute l’armée n’en resta pas moins au service de l’empereur Théodose, soumise au joug de l’Empire romain, et ne faisant pour ainsi dire qu’un seul corps avec l’armée impériale... On les traitait d’alliés, et lorsque l’empereur marcha contre le tyran Eugène qui, après avoir fait périr Gratien, s’était emparé de la Gaule, il emmena avec lui plus de vingt mille de ces alliés dont la fidélité et le dévouement lui étaient bien connus ; et après avoir remporté la victoire sur le tyran, il le punit comme il l’avait mérité. Voilà donc des Barbares tout convertis d’avance à cette civilisation dont les prodiges excitent en eux une admiration Si naïve. Ils offrent docilement à l’empereur d’embrasser en même temps la religion et la fortune de l’Empire ; et en effet, ils embrassent presqu’au même instant l’une et l’autre. Après avoir massacré, dans un jour de colère, une armée romaine avec son empereur, dans les plaines d’Andrinople, ils acceptent la paix de la main de Théodose, et le suivent partout pour relever l’Empire et abattre les tyrans. Plus tard Alaric lui-même, dont le nom est resté si terrible, reçut comme une faveur le titre de préfet de l’Illyrie[14] ; et lorsqu’en 409 il vint mettre le siége devant Rome, il songea si peu à renverser l’Empire, qu’il se borna comme tant d’autres à essayer de lui donner un autre chef[15]. Attale, qu’il revêtit de la pourpre pour rendre Honorius plus docile, devait être entre ses mains ce qu’avait été si longtemps Valentinien II entre les mains d’Argobast, Honorius lui-même entre celles de Stilichon ; ce qu’était encore le jeune et faible Théodose sous la tutelle des Goths dont il était entouré. Astaulfe, son successeur, reprit docilement le joug qu’Alaric avait secoué un moment ; et au lieu de continuer la guerre avec les empereurs, il accepta des empereurs la tâche ingrate de purger l’Espagne et la Gaule des usurpateurs et des brigands qui les dévastaient[16]. Il abjura ses projets de conquêtes pour épouser Placidie, la sœur de l’empereur Honorius, la fille de l’empereur Théodose, et parut aux yeux des Goths émerveillés, couvert de la toge romaine à côté de sa jeune épouse[17]. Le langage des contemporains a ici quelque chose de plus expressif que tous les raisonnements. Nous traduisons[18] : Wallia, roi des Goths, fait en
Espagne, au nom des Romains, de grands massacres des Barbares. Tous les Vandales Silinges furent
exterminés dans la Bétique par le roi Wallia. Les Alains, qui avaient soumis
à leur domination les Vandales et les Suèves, furent tellement maltraités par
les Goths, que leur roi Atax étant mort, le petit nombre de ceux qui lui
avaient survécu abolirent la royauté, et se mirent sous la protection de Gunderic,
roi des Vandales, qui s’était fixé dans la Galice. Les Goths, faisant trêve aux guerres qui les occupaient en Espagne, furent rappelés dans la Gaule par le général Constance, et reçurent des terres dans l’Aquitaine, depuis Toulouse jusqu’à l’Océan. Thorismond, roi des Goths, méditant de rompre la paix avec les Romains, fut égorgé par ses frères Théodoric et Frédéric. Théodoric lui succéda. Les Bagaudes de Tarragone sont exterminés par Frédéric, frère du roi Théodoric, au nom et par l’ordre des Romains. Rechiarius, roi des Suèves, ayant refusé de faire la paix avec les Romains, Théodoric détruisit son royaume et le tua. Nous pourrions multiplier ces témoignages et montrer que les Goths de Toulouse, loin d’avoir précipité la chute de l’Empire, en ont été, presque sans interruption, les soutiens et les défenseurs, pendant près de soixante ans, depuis le mariage d’Astaulfe (410), jusqu’à l’avènement d’Euric (466) ; encore serait-il facile de prouver qu’Euric lui-même ne l’abandonna que lorsqu’il ne fut plus possible de le sauver. L’histoire des Ostrogoths nous offre des faits analogues. Établis dans la Thrace au même titre que leurs frères les Wisigoths, c’est-à-dire comme alliés de l’Empire et soldats de l’empereur[19], ils le défendent pendant un siècle contre les attaques des Huns, et ne quittent[20] les provinces du Danube que pour aller, sur un ordre de l’empereur, chasser de l’Italie les Barbares d’Odoacre. Théodoric, le plus célèbre et le plus grand de leurs rois, élevé dès sa jeunesse au milieu des splendeurs de la civilisation byzantine, en partagea tous les honneurs, comme il en avait pénétré tous les mystères. L’empereur Zénon le nomma consul et l’adopta pour son fils ; il se forma de lui-même, par une étude enthousiaste et pleine d’admiration, au culte des souvenirs et des arts dont il était entouré. On sait avec quelle religieuse piété il conserva ou rétablit tout ce qui rappelait encore la majesté du nom romain dans cette triste et barbare Italie du Ve siècle. Du moins, il ne tint pas à lui que l’Empire d’Occident ne sortit de ses ruines ; et pendant un règne de trente-quatre ans il n’eut point d’autre pensée que d’en réunir les membres épars. Il y travailla avec tant d’ardeur et un dévouement si passionné, que l’illusion le gagna ; et après sa dernière victoire sur Odoacre, il se crut sérieusement un prince romain et en prit le titre[21]. Cette tentative de reconstruction, qui fait la gloire de Théodoric, et dont on a prétendu faire à tort le caractère exclusif de son gouvernement[22], lui fut commune avec tous les rois barbares de quelque valeur qui régnèrent en Occident avant et après la chute de l’Empire. Les princes Wisigoths de Toulouse y avaient songé avant lui. Théodoric II y travailla longtemps et faillit y réussir. Il fit d’abord un empereur de son maître de rhétorique, en plaçant l’auvergnat Avitus sur le trône d’Occident[23] ; puis, à la chute d’Avitus, il se jeta en même temps sur Arles et sur Narbonne[24]. Arles se défendit avec succès, mais Narbonne lui fut livré ; et peut-être que dès lors le reste de la Gaule aurait succombé, si le roi barbare n’avait trouvé un courageux et habile adversaire dans le gaulois Ægidius, que l’empereur Majorien avait nommé Maître de la milice dans les Gaules[25]. Euric, frère et successeur de Théodoric (466), fut à la fois plus entreprenant et plus heureux. En 470, il s’empara de Pampelune, de Saragosse, et par suite de toute l’Espagne supérieure[26] ; en 475 il était maître de toute la partie des Gaules comprise entre le Rhône, la Loire et les Pyrénées[27]. Les Francs seuls l’empêchèrent de s’étendre jusqu’au Rhin[28]. Les Burgondes, moins puissants que leurs voisins, nourrissaient pourtant les mêmes projets. En 415 ils se jettent sur l’Empire à la suite des Vandales, des Suèves et des Alains[29], et se fixent sur la rive gauche du Rhin[30] ; en 439, Valentinien III, qui venait de les battre par les armes d’Aétius[31], leur cède la Savoie pour prix de leur alliance[32]. Plus tard, ils s’emparèrent eux-mêmes de la Viennoise, d’une partie de l’Aquitaine Ire et de toute la Séquanaise. Chilpéric et Gonderic, deux de leurs princes, furent revêtus successivement du titre de Maîtres de la milice dans les Gaules[33] ; et en 472, Gondebaud, frère de Chilpéric, reçut celui de Patrice de l’empereur Olybrius[34]. Ses successeurs le conservèrent jusqu’au dernier moment comme une éclatante distinction ; et son fils Sigismond écrivait encore au VIe siècle, cinquante ans après la chute de l’Empire d’Occident, à l’empereur Anastase, dans les termes que voici[35] : Le profond dévouement qui a toujours lié mes ancêtres à votre personne et à celle de vos prédécesseurs, fait que de toutes nos dignités, la première et la plus éclatante à nos yeux est celle que votre Altesse nous a octroyée avec le titre de Commandant de la milice ; et nos aïeux ont toujours attaché plus de prix à ce qu’ils ont reçu des empereurs romains, qu’à ce qu’ils ont recueilli de l’héritage de leurs pères. De sorte que, quoique nous paraissions toms mander à notre peuple, nous ne nous regardons dans la réalité que comme vos soldats. Ainsi, les rois des Burgondes, qui avaient reçu des empereurs d’Occident et leur titre et les terres dont ils étaient en possession, continuaient encore à se regarder comme liés envers l’autorité impériale, quoiqu’elle eût cessé depuis un demi-siècle de s’exercer sur la Gaule. Les Vandales eux-mêmes, ses plus implacables ennemis, et les seuls à peu près qui se soient fixés malgré elle sur les terres de l’Empire, n’en consentirent pas moins, à l’exemple des Wisigoths et des Burgondes, à recevoir par un traité de la main des empereurs les pays qu’ils leur avaient enlevés par la guerre, et dont ils étaient déjà les maîtres. C’est ainsi qu’en 455, un premier accord leur livra les deux Mauritanies[36] ; en 442, un second traité leur donna une moitié de l’Afrique romaine[37] ; en 455, à la mort de Valentinien III, ils s’emparèrent du reste[38], et en 476, ils se firent céder le tout par une dernière paix avec l’empereur Zénon[39]. Les paroles de Procope sont fort remarquables[40] : Giseric, après avoir vaincu Aspar et Boniface, réfléchit prudemment sur les vicissitudes des choses humaines ; et craignant qu’on n’envoyât contre lui une nouvelle armée de Rome et de Constantinople, pensant d’ailleurs que ses forces n’étaient pas comparables à celles des Romains, et que les dieux se plaisent quelquefois à renverser les conseils des hommes, il résolut par tous ces motifs d’user avec modération de sa victoire, au lieu de se laisser enfler par elle. Il conclut donc un traité avec Valentinien, s’obligea à lui payer un tribut annuel, et lui livra en otage son fils aîné, Huneric ; mais l’amitié ayant bientôt succédé à la haine, l’empereur ne tarda pas à lui renvoyer son fils. On le voit, les Vandales, comme les Goths et les Burgondes, sont placés sous le charme ; et en dépit de leurs victoires, ils se hâtent de se réfugier dans les négociations et les traités. Ils savent que leurs forces ne sauraient entrer en comparaison avec les forces de l’Empire. Ils ne pensent point à le renverser ; ils ne se préoccupent que du soin de régulariser leur position auprès de lui, en légitimant chacune de leurs conquêtes par un nouvel octroi de l’empereur. Comme les Goths et les Burgondes, ils cherchent à lui donner des maîtres[41] ; comme les Goths et les Huns, ils font effort pour entrer dans le système par des traités avec l’Empire et des mariages avec la famille impériale. Genzo, fils de Giseric, avait épousé Eudocie, fille de Valentinien III[42]. Enfin, le Hérule Odoacre, que l’on accuse si mal à propos d’avoir renversé l’Empire, ne fit pourtant en cela que ce que bien d’autres avaient fait avant lui : il demanda à Romulus Auguste le tiers des terres de l’Italie, et sur son refus il le prit[43]. C’était en effet la seule partie de l’Empire d’Occident qui n’eût pas encore été partagée ; et il ne se passa rien alors qui n’eût été pratiqué déjà par les Goths, par les Alains et les Burgondes. Si l’usurpation d’Odoacre a fait un peu plus de bruit que celles qui l’avaient préparée, c’est que Rome et l’Italie étaient le centre de la puissance romaine, et que le prestige attaché à ces grands noms subsistait encore longtemps après qu’il eut cessé de les protéger. Du reste, rien n’y parut changé. Odoacre administra comme l’avaient fait ses prédécesseurs, c’est-à-dire avec les maximes romaines, et il n’y eut, en fait, d’autre différence que celle du titre qu’il se donna : l’Italie, au lieu d’avoir un empereur à sa tête, ne fut plus gouvernée que par un roi barbare. Odoacre avait si peu la prétention de renverser l’Empire, qu’il essaya, comme tous les autres, de légitimer sa prise de possession en sollicitant du seul pouvoir qui fût encore debout la confirmation de son titre. Et en effet, il se hâta d’envoyer une ambassade à l’empereur d’Orient pour lui expliquer ses motifs et pour en obtenir son pardon. La démarche réussit ; Odoacre fut reconnut[44]. Zénon ne vit en lui qu’un heureux usurpateur, semblable à tant d’autres qui s’étaient déjà assis sur ce trône chancelant, et qui n’était ni plus coupable que ses prédécesseurs, ni plus digne de colère. En cela il eut raison. Les destinées de l’Empire n’étaient pas plus attachées à la personne de Romulus Augustule qu’à celles des princes qui l’avaient gouverné avant lui, et lorsqu’il tomba, aucune des institutions qui s’étaient maintenues jusqu’alors ne tomba avec lui. Sa chute ne ressembla donc en rien à une catastrophe ; ce fut un simple changement de nom. Il n’y eut point de révolution ; la révolution était accomplie du jour où des nations entières de Barbares avaient reçu des terres dans l’Empire et s’y étaient établies à demeure. D’ailleurs, le règne d’Odoacre ne date point de la déposition de Romulus Augustule, comme on se plaît à le répéter, mais bien de son avènement. C’est ce qui résulte d’un passage fort curieux de Malthus de Philadelphie, extrait par Photius, et cité par Dubos, mais que Dubos rapporte, mal à propos ce semble, à la déposition du dernier des empereurs d’Occident. Nous croyons qu’il faudrait le rapporter plutôt à son avènement. Auguste, fils d’Oreste, n’eut pas
plutôt appris que Zénon avait chassé Basiliscus et recouvré l’Empire
d’Orient, qu’il força le sénat à lui envoyer des ambassadeurs pour lui dire
qu’il n’était pas nécessaire que Rome fût la capitale d’un empire séparé ;
qu’il était plus convenable qu’il n’y eût qu’un seul empire, et que Zénon en
fût le seul et unique maître. Ils devaient
ajouter que l’Italie avait mis à sa tête Odoacre, homme également habile dans
les affaires du gouvernement et dans celles de la guerre, et par conséquent
fort capable de la défendre. On priait donc l’empereur de lui envoyer le
titre de Patrice et de lui abandonner l’administration de l’Italie. Les
députés du sénat partirent de Rome pour se rendre à Byzance chargés de ce
message. Vers le même temps arrivèrent d’autres ambassadeurs de la part de
Julius Nepos, pour faire part à Zénon de ce qui s’était passé en Italie, et
pour le prier, lui qui avait éprouvé les mêmes infortunes que Nepos, de
s’employer avec zèle pour le rétablir sur le trône. Il lui demandait en même
temps de l’argent et des troupes, et tout ce qui était nécessaire pour
faciliter son retour. Zénon répondit d’un côté aux envoyés du sénat que des
deux empereurs que l’Orient leur avait donnés, ils avaient chassé l’un,
Julius Nepos, et tué l’autre, Anthémius ; qu’ils devaient savoir maintenant
ce qu’ils avaient à faire ; qu’il n’y avait pas d’autre parti à prendre, puisque
l’empereur survivait, que de le rétablir et de lui obéir. D’un autre côté, il
fit dire au Barbare qu’il ferait bien de solliciter auprès de l’empereur Nepos
le titre de Patrice qu’il enviait ; mais que néanmoins il le lui enverrait,
s’il n’était point prévenu par Nepos ; qu’il consentait à lui laisser le
gouvernement de l’Empire d’Occident lorsqu’il aurait reçu cette dignité,
persuadé qu’il se hâterait de recevoir à Rome, s’il avait le moindre respect
pour la justice, le prince à qui il serait redevable d’un pareil honneur.
Cependant, dans la lettre impériale où cette réponse était contenue, Zénon ne
laissait pas de donner à Odoacre le titre de patrice. L’intérêt qu’il prenait
aux malheurs de Nepos provenait de ceux qu’il avait lui-même éprouvés ; car
ses propres infortunes lui avaient appris à compatir à celles des autres. Il
était poussé en outre par l’impératrice Verina, qui était parente de la femme
de Julius Nepos, et très zélée pour sa cause. (Malch. Philadelph., Excerpt. ap. Labb.). Il résulte de ce passage, que l’empereur Augustule et le sénat, et par conséquent Oreste, qui en était le chef, étaient déjà dominés par Odoacre et les Barbares qu’il commandait ; que l’empereur comme tant :d’autres de ses prédécesseurs, n’était dès lors qu’un prête-nom chargé de déguiser aux yeux des Romains la domination des Barbares ; qu’Odoacre ne demandait à Zénon que l’administration de l’Italie avec le titre de Patrice, sans prétendre briser pour cela l’unité de l’Empire ; que Zénon, de son côté, n’y voyait pas le moindre inconvénient, pourvu que le Barbare reçût de Julius Nepos lui-même le titre qu’il ambitionnait ; et enfin que si l’unité de l’Empire avait reçu quelque atteinte, ce fut par l’avènement de Romulus Augustule, que Zénon ne reconnaissait point, et non par celui d’Odoacre, que Zénon se bêta de reconnaître. Une chronique anonyme, qui nous a été conservée par Jacques Sirmond, et que Henri de Valois a imprimée à la suite de son Ammien Marcellin[45], confirme merveilleusement ce témoignage. Elle nous apprend que le patrice Oreste, après avoir chassé de Ravenne Julius Nepos, que l’empereur Léon Ier avait choisi pour gouverner l’Occident, proclama en sa place son propre fils Romulus Augustule. Elle ajoute qu’Oreste avait été autrefois employé par Attila en qualité de Notaire ; et nous savons par ailleurs, d’un côté, qu’Odoacre était le fils de cet Edécon, ambassadeur d’Attila, dont le rhéteur Priscus parle plus d’une fois dans les Excerpta qui nous restent de lui ; d’un autre que les Scyres, les Alains et les Hérules dont Odoacre était le chef, avaient d’antiques alliances et probablement quelques affinités d’origine avec les Huns d’Attila. Ainsi, tout porte à croire qu’Odoacre et Oreste se trouvèrent d’accord pour chasser Julius Nepos, et ne se divisèrent que lorsqu’il fut question de s’entendre sur le partage des dépouilles. En tout cas, rien ne ressemble moins à un bouleversement que le paisible récit par lequel Procope nous rend compte d’un fait qui avait déjà tant d’analogues dans cette histoire[46] : Pendant que Zénon régnait à Byzance, le trône d’Occident était occupé par Auguste, que les Romains désignaient habituellement par le diminutif Augustule, parce qu’il était très jeune encore lorsqu’il reçut le pouvoir. Du reste, c’était Oreste, son père, personnage très renommé pour sa prudence, qui gouvernait sous son nom. Or, il se trouvait que les Romains, quelque temps auparavant, avaient conclu un accord avec les Scyres, les Alains et quelques autres nations gothiques, au souvenir des maux qu’ils avaient eu à souffrir autrefois de la part d’Alaric et d’Attila, ainsi que nous l’avons raconté. Mais l’importance des troupes romaines décroissait dans la même proportion que celle des Barbares allait en augmentant, et sous le nom spécieux d’alliance, ces étrangers avaient imposé à l’Empire une véritable tyrannie. Entre autres persécutions qu’ils avaient déjà fait subir aux Romains, leur impudence alla jusqu’à demander un partage des terres de l’Italie. Ils exigèrent qu’Oreste leur en délivrât le tiers incontinent ; et comme il s’y refusa, ils le firent mourir. Or, il y avait parmi eux un certain Odoacre, employé dans les gardes de l’empereur, qui promit de leur accorder leur demande, s’ils voulaient le placer sur le trône. Il s’empara par ce moyen de la tyrannie, et sans faire aucun autre mal à l’empereur, il lui permit de vivre dans une condition privée. Puis ayant distribué aux Barbares le tiers des terres, il se les attacha étroitement par ce moyen, et retint pendant dix ans de pouvoir usurpé. Il est impossible de trouver dans ce récit rien qui ressemble à l’idée qu’on se fait d’ordinaire de l’événement qu’il rappelle. A part le chagrin de Procope, qui appelle Odoacre un tyran, on ne voit pas qu’il ait attaché à ce fait plus d’importance qu’à toute autre usurpation de même nature. Et en effet, celle d’Odoacre était dans l’ordre des faits prévus depuis longtemps et acceptés d’avance : c’était la suite naturelle et la conséquence nécessaire de tout ce qui s’était déjà passé dans les autres parties de l’Empire. Il est même vrai de dire que si l’on veut assigner une date précise, sa véritable date, à la chute de l’Empire d’Occident, il faut remonter un peu plus haut, à la mort de Valentinien III, en 455. On peut dire en effet que dès lors les rois barbares établis sur son territoire, les Wisigoths, les Suèves, les Alains, les Vandales, cessèrent de reconnaître son autorité et de lui obéir[47]. Ni Avitus, ni Majorien, ni à plus forte raison aucun des misérables princes qui les suivirent, ne parvinrent à reporter ses limites de l’autre côté des Alpes. Comme Odoacre, ils ne régnèrent que sur l’Italie ; et s’ils continuèrent néanmoins à porter le titre d’empereurs, c’est qu’ils conservaient toujours l’espoir de reprendre ce qu’on leur avait enlevé, et que les prétentions des hommes survivent toujours à la puissance qui les légitime. Et en effet, les empereurs d’Orient héritèrent de ces prétentions surannées, et s’obstinèrent à se rendre ridicules en les prenant au sérieux. Ils continuèrent pendant des siècles à se porter héritiers de leurs collègues d’Occident ; et c’était à ce titre que Zénon, en 492, donnait généreusement l’Italie à Théodoric et aux Goths, seize ans après la chute de Romulus Augustule[48]. Ce fut encore à ce titre que Justinien conquit l’Afrique sur les Vandales, l’Italie sur les Ostrogoths, et que ses successeurs essayèrent tant de fois après lui d’enlever l’Espagne elle-même aux Wisigoths[49]. Enfin l’empereur Maurice, dans les dernières années du VIIe siècle, n’avait pas encore complètement renoncé à l’espoir de ramener la Gaule sous son obéissance, et nommait à Constantinople un Patrice chargé de la gouverner en son nom[50] ; tant la notion du droit est inhérente aux choses de ce monde, et fut profondément enracinée de, tout temps dans l’esprit de ce peuple de légistes ! Ainsi, Rome garda jusqu’à la fin cette puissance d’absorption par laquelle elle s’était assimilé tant de peuples et d’empires. A mesure que les Barbares entraient, pour ainsi dire, dans la sphère de son action, ils se voyaient emportés, malgré leur résistance, dans ce vaste tourbillon, et dès lors ils n’en sortaient plus, ou n’en sortaient que brisés. Il est en effet remarquable que ceux-là même qui réussirent à pénétrer dans l’Empire en dépit des empereurs, et qui, à raison de leur force et de la faiblesse de leurs ennemis, semblaient pouvoir tout oser, finirent par se laisser enfermer isolément dans un coin de ce riche territoire qu’ils avaient dévasté en commun, et acceptèrent à titre de solde ou de concession bénévole ce qu’ils auraient pu garder à titre de conquête. C’est- ainsi qu’après la grande invasion de 406, lorsque les Suèves, les Alains, les Vandales eurent inondé la Gaule, pendant qu’Alaric, après Rhadagaise, marchait sur Rome avec les Goths, et que six usurpateurs, pote ne parler que de ceux-là, disputaient la Gaule à l’imbécile Honorius[51], nous voyons l’Empire résister pendant vingt ans à ce terrible choc, exterminer les Barbares avec les Barbares à Pollentia (401), à Fiésole (404), à Arles (409), à Barcelone (414), dans les gorges des Pyrénées, dans toutes les plaines de l’Espagne, et trouver encore assez de force, après une telle crise, pour enchaîner par des traités ceux qui avaient échappé au massacre des champs de bataille. Le secret de cette situation consistait à tenir la balance égale entre les différents peuples dont l’Empire avait accepté les services, et dont, après tout, il n’avait pas plus à craindre qu’à espérer. Ce fut la politique d’ARius, ce fut celle de tous ceux qui, avant ou après lui, eurent à manier cette force aveugle ou meurtrière. Cela ne fut jamais plus sensible qu’après la journée de Châlons (451). Attila venait d’être vaincu ; deux cent mille morts, dit Jornandès, trois cent mille, dit Isidore de Séville[52], jonchaient le champ de bataille, et Thorismond, le roi des Goths, demandait à Aétius s’il n’était pas expédient d’anéantir l’armée des Huns par une dernière charge ; mais Aétius, nous dit Jornandès[53], craignant que si tous les Huns étaient exterminés, l’Empire romain ne se trouvât entièrement à la disposition des Goths, lui donna le conseil de retourner plutôt chez lui, et de s’emparer tout d’abord du royaume paternel, dans la crainte que ses frères ne le prévinssent. D’un autre côté, on sait que Rome ne se dessaisissait
point de la souveraineté des terres qu’elle accordait ainsi aux étrangers ;
elle ne cédait jamais aux nouveaux possesseurs que l’administration du pays,
sous le contrôle de l’autorité impériale, et le domaine utile à titre de
solde ou de récompense. Loin de former au sein de l’Empire une puissance
distincte et séparée, ils devenaient eux-mêmes, à partir de ce moment, partie
intégrante de cet Empire, et figuraient à leur rang dans le cadre administratif
qui le gouvernait[54] : Venez au secours de la République, dont vous tenez un des
membres, écrit Valentinien III à Théodoric, le roi des Goths de Toulouse,
en l’exhortant à prendre les armes contre Attila, qui venait d’envahir la
Gaule[55]. Leur condition
à cet égard ne différait pas essentiellement de celle des milites limitanei d’Alexandre Sévère et de
Probus. Les uns et les autres, nous le répétons, étaient également à la solde de l’empereur ; les faits le prouvent, et
des textes positifs ne nous permettent pas d’en douter[56]. Les terres qui
leur étaient accordées ne leur étaient accordées qu’à ce titre, et en les
acceptant, ils acceptaient aussi toutes les obligations attachées au titre
même de leur possession. Aussi les voyons-nous obéir aux ordres de l’empereur
comme les légions elles-mêmes, défendre les frontières de l’Empire contre les
Barbares qui n’ont pas encore réussi à les franchir, et exterminer, au profit
du maître qui les paie, ceux qui, après y être entrés, refusent de se
soumettre à son pouvoir. Ainsi les Goths de Wallia n’obtinrent la seconde
Aquitaine de l’empereur Honorius qu’après avoir enlevé l’Espagne aux Suèves,
aux Alains, aux Vandales et aux Bagaudes, qui se l’étaient partagée[57]. Ainsi les Huns
de Rugilas furent pendant plus de vingt ans comme une espèce de fléau entre
les mains d’Aétius, pour châtier tous les Barbares qui essayaient de se
révolter contre l’Empire, et pour obliger les Goths eux-mêmes à se renfermer
dans les limites de leurs concessions[58]. Le titre de
rois, que les Barbares donnaient à leurs chefs, et que la chancellerie
impériale ne refusait pas de leur accorder, n’impliquait alors, ni dans l’idée
de ceux qui le recevaient, ni dans l’opinion de ceux qui le donnaient, cette
plénitude de pouvoir qu’il suppose de nos jours. Il ne désignait, surtout
dans les idées romaines, qu’une autorité subordonnée, analogue à celle des prœsides, des duces,
des comites de la Notitia ; et
voilà pourquoi les Grecs le traduisent toujours par ceux de Άρχων, Άρχηγος, qui
n’ont pas une signification plus relevée dans leur langue. Il est même
remarquable qu’après la chute de l’Empire d’Occident, les rois barbares qui
se l’étaient partagé conservèrent le même protocole dans leurs chancelleries,
en prenant pour eux-mêmes les qualifications secondaires de Potestas, de Gloria,
de Celsitudo, et en laissant au seul
empereur d’Orient le titre sacré de Majestas[59]. C’est que, même dans leurs idées, ils n’avaient jamais joué auprès de lui qu’un rôle très secondaire, le rôle de serviteurs à gages, dont la loi est d’obéir alors même qu’ils commandent. Ils ne s’étaient jamais considérés que comme ses soldats, selon l’expression de l’un d’entre eux[60], alors même qu’ils étaient en pleine révolte contre lui, et qu’ils faisaient la loi dans l’Empire au lieu de la recevoir. Ils ne faisaient en cela que ce que les légions elles-mêmes étaient en possession de faire depuis Auguste : ils cherchaient à se donner un maître qui leur convint, et à lui vendre l’obéissance aux conditions les plus favorables. Dans le principe, lorsque Rome commença pour la première fois à se servir des Barbares, elle ne les considérait en quelque sorte que comme une annexe, un appendice de son état militaire, et elle les plaçait sur la frontière, dans des postes séparés à côté de ses légions[61]. Plus tard, à mesure que les guerres contre les Germains devinrent plus meurtrières et les ressources de l’Empire plus insuffisantes, on les mêla aux troupes romaines, on tâcha de les confondre avec elles. C’était déjà le système de Probus au IIIe siècle[62] ; c’était encore au IVe celui de Théodose[63]. Ou bien, pendant que les uns restaient sur la frontière, dans les castro et les burgi dont elle était parsemée, les autres étaient colonisés par petits détachements au fond des provinces, dans les solitudes de l’Empire, selon l’expression d’un panégyriste[64] ; et là, au milieu des travaux sédentaires de la vie agricole, ils finissaient par se confondre avec la population indigène dont ils partageaient le labeur[65]. Enfin, lorsque ce ne furent plus quelques tribus isolées, mais des nations entières qui vinrent réclamer cette hospitalité du territoire romain, l’Empire, au lieu de quelques champs stériles, céda des provinces. Mais, quelle que fût la diversité des circonstances, la nature de la concession restait la même, et toute la différence des situations consistait dans celle du nombre des donataires. Les premiers, presque ton, jours trop faibles pour exiger des conditions, étaient forcés de respecter celles qu’on voulait bien leur offrir. Tels furent ces Francs dispersés par Probus dans toutes les provinces de l’Empire[66] ; tels furent ces Sarmates, à qui Constantin accorda des terres en Illyrie et dans les autres provinces du Danube[67]. Les autres, trop forts pour rester longtemps fidèles à leurs engagements, se réservaient toujours de les enfreindre, et n’y manquaient presque jamais. Ainsi les Wisigoths, qui en 419 voulaient bien encore se contenter de la deuxième Aquitaine, s’emparent, en 462, de Narbonne et de toute la Narbonnaise Ire, et en 474, de l’Auvergne et du territoire de Bourges. Ainsi les Burgondes, qui en 413 n’avaient obtenu que la première Germanie[68], essaient en 453 d’y ajouter toute la première Belgique, et y ajoutent un peu plus tard toute la Savoie. Mais s’ils continuent de s’agrandir aux dépens de l’Empire, ils ne manquent jamais de faire légitimer chacune de leurs usurpations par l’empereur. La limite recule toujours, les conditions posées la veille sont renversées le lendemain ; mais le principe ne varie pas, et la base reste immobile. Et néanmoins il est juste de faire observer que si les Wisigoths et les Burgondes des IVe et Ve siècles ressemblaient aux loti dont il est question dans Eumène et dans le Code Théodosien, en ce que les uns et les autres étaient assujettis envers l’Empire à la double obligation de la milice et de la culture des terres, ils différaient complètement par le nom qu’ils se donnaient, et jusqu’à un certain point, par l’idée qu’ils avaient de leurs devoirs envers lui. Les Wisigoths et les Burgondes ne se considéraient pas seulement comme les soldats ou lœti des empereurs, mais comme les alliés (fœderati), comme les hôtes (hospites) de l’Empire[69]. La différence des noms indique celle des situations et des prétentions qui en naissaient. Les fœderati et hospites de la seconde époque, au lieu de cultiver eux-mêmes les terres qu’on leur accordait, comme les loti de la première, les faisaient cultiver pour leur compte par les colons qui ‘y étaient attachés, comme ils le faisaient lorsqu’ils étaient encore de l’autre côté du Rhin, et se réservaient pour des occupations plus nobles à leurs yeux, pour la guerre et les combats[70]. De plus, tout en versant leur sang dans l’occasion pour la défense de l’Empire, ils n’en laissaient échapper aucune de s’agrandir à ses dépens, en versant aussi celui des Romains. Mais, encore une fois, leur établissement sur les terres romaines ne fut que l’extension naturelle et nécessaire du principe qui en avait autrefois ouvert les barrières à quelques-unes de leurs tribus ; et la chute de l’Empire romain ne fut autre chose que l’envahissement progressif de toutes les provinces dont il était composé, par les divers peuples qui avaient primitivement reçu et accepté la mission de le défendre. L’Empire romain, la cité privilégiée des dieux et des génies, est donc devenu un lieu de campement pour les Barbares[71] ; mais les Barbares tiennent à l’aise dans sa vaste étendue. Ils s’agitent, il est vrai, avec une singulière violence ; mais ils se classent pourtant et se disciplinent sous la main qui les domine. Ainsi, selon la belle et poétique expression d’un historien presqu’aussi barbare que les événements qu’il raconte[72], Rome, dépouillée de l’empire que la force lui avait conquis autrefois sur presque toutes les nations du monde, continuait de les maîtriser encore par l’éternel prestige que l’admiration des4hommes semble avoir attaché à son glorieux nom. Du reste, la Rome impériale, en continuant à combler avec des Barbares les vides de sa population, ne faisait, pour ainsi dire, que rester fidèle à sa propre histoire. C’est ainsi que le Latium autrefois, puis l’Italie entière, puis la Gaule, puis enfin l’univers romain, avaient été incorporés à la République et admis au droit de cité. L’admission des Germains sur les terres romaines n’était, à le bien considérer, que la continuation de cette politique aussi ancienne que la cité de Romulus, aussi durable que son Empire. Il est même remarquable qu’ils ont passé, avant d’arriver à la plénitude des droits de la cité romaine, par des phases ana- logues à celles que les peregrini de la Rome républicaine avaient eu à traverser avant eux. Ils furent d’abord enrôlés en qualité de simples auxiliaires, comme l’avaient été les Latins avant la guerre sociale, comme l’avaient été les Gaulois avant que la Gaule eût été admise à ce précieux droit de cité. Puis ils furent enrôlés dans les légions de l’Empire, et par suite élevés indistinctement à toutes les dignités militaires et civiles. Mais les peuples de l’Italie, et jusqu’à un certain point ceux de l’Espagne et de la Gaule, soumis depuis des siècles à l’action des mœurs, des idées et de la civilisation romaines avaient à peu près fini par s’identifier avec elles ; et quoique cette assimilation n’ait jamais été ni la même pour toutes, ni complète pour chacune, on peut dire néanmoins que la force de cohésion qui les tenait attachées était plus que suffisante, puisqu’elle a résisté cinq cents ans. Les Barbares, au contraire, alors même qu’ils se comptaient parmi les hôtes et les sujets de Rome, ne purent jamais oublier entièrement leur origine. Leur obéissance était encore trop récente pour ne point laisser trace de l’état qui avait précédé ; et leur nombre croissant de jour en jour avec les calamités publiques et les désastres de l’État, chaque jour leur rappela les circonstances au milieu desquelles ils avaient été admis dans l’Empire, et le besoin qu’on avait toujours de leurs services. De plus, les peuples de l’Italie et de la Gaule s’étaient trouvés en contact avec Rome à une époque où le génie organisateur de la vieille cité conservait encore toute son énergie ; mais les Germains, qui venaient à peine de franchir le Rhin et le Danube, ne trouvèrent plus dans l’Empire qu’un corps affaibli et mourant. Tout en subissant l’influence de ses idées et de ses mœurs, ils y conservèrent facilement leur individualité ; et au lieu d’être absorbés à leur tour par l’unité impériale, ce fut l’unité impériale qui finit par se briser en autant de blocs qu’elle renfermait de nationalités encore intactes. Et en effet, ces essaims de Barbares, établis dans l’Empire, morcelaient le territoire, et avec le territoire l’autorité des empereurs, tout en jurant de la respecter. Ils constituaient, dans le cercle immense de la puissance romaine, autant de petits centres distincts et séparés dont la circonférence se dilatait de jour en jour, et qui à force de s’étendre devaient à la longue finir par se toucher. Chaque année quelque nouveau pagus, avec ses villæ, ses castella et ses cités, venait s’y perdre, en dépit des armées et des prétentions impériales, et laissait en se détachant une plaie nouvelle sur l’Empire. La force centrale dépérissait à mesure, et s’appauvrissait de toutes les pertes qui venaient s’ajouter incessamment à ces créations parasites. Bientôt elle ne put plus suffire à relier le faisceau ; mais au lieu d’éclater avec violence, comme on aime à le répéter, il se dénoua pour ainsi dire de lui-même, et par la seule vertu des forces divergentes qui s’y trouvaient réunies et comprimées. C’est alors que les cités armoricaines se constituèrent, pour échapper à l’Empire, en une vaste et puissante république qui s’étendait depuis la Somme jusqu’à la Loire[73] ; comme un siècle auparavant de simples villages avaient recherché la protection de quelque puissant personnage, pour se soustraire aux violences et aux persécutions des officiers de l’empereur[74]. C’est alors que les individualités, que le relâchement de tous les liens sociaux a rendues à elles-mêmes, et qui, ayant cessé d’appartenir à la forme impériale, refusent de s’emprisonner dans une autre, recommencent ; sous le nom de Bagaudes, la vie barbare dans la Gaule civilisée, et présentent par leurs excès et leur indépendance même, le symptôme le plus effrayant de la désorganisation générale[75]. Ceux qui sont en même temps et trop amis de l’ordre pour se jeter dans cette extrême licence, et trop faibles pour s’y soustraire, en formant avec leurs seules ressources une nouvelle agrégation politique, se livrent d’eux-mêmes aux Barbares cantonnés dans leur voisinage, ou du moins se laissent prendre presque sans résistance. Les indigènes, abandonnés par un pouvoir impuissant, et forcés de renoncer à une unité politique qui n’est plus depuis longtemps qu’une fiction onéreuse, sont réduits à pourvoir eux-mêmes à leur salut, et traitent avec les Barbares des conditions de leur nouvelle servitude. Les sénateurs et les évêques, c’est-à-dire les dépositaires de tous les pouvoirs de la cité et les représentants des vieilles nationalités que Rome avait si longtemps comme étouffées dans la sienne, devenaient les négociateurs ordinaires et presque obligés de ces sortes de transactions. C’est ainsi que les peuples de la Galice se donnent aux Suèves par l’entremise de leurs évêques[76] ; qu’un citoyen de Lisbonne les introduit dans les murs de cette ville[77] ; que les sénateurs de la Gaule traitent avec les Burgondes[78] ; qu’un sénateur de Trèves livre aux Francs les portes de cette puissante cité[79] ; qu’un citoyen de Narbonne ouvre aux Wisigoths celles de sa patrie[80] ; que le préfet Arvandus et le préfet Seronatus conspirent pour leur soumettre toute l’Auvergne[81]. Ainsi, l’Empire romain fut démembré et non détruit. J’attache à cette distinction plus d’importance que n’en comporte un simple jeu de mots. Tous les Barbares qui l’envahirent et qui finirent par se le partager, y entrèrent avec l’idée qu’il était plus fort, plus grand que ses ennemis, et déjà familiarisés en quelque sorte avec l’éternité de sa durée. Chacun bornait son ambition à obtenir une part à ses faveurs. Loin de songer à le renverser, les plus entreprenants essayaient de se faire une place plus large et plus commode sur son territoire, quelquefois de lui donner des maîtres, et tout au plus de le devenir eux-mêmes ; mais nul ne portait plus loin ses prétentions ou ses vues ; nul surtout ne pensait à abolir l’Empire ou même le titre d’empereur. Tous les Barbares qui se sont successivement trouvés en mesure de l’entreprendre, ou n’en ont jamais conçu l’idée, ou y ont renoncé spontanément. C’est ainsi qu’après l’extinction de la postérité de Théodose en Occident, Avitus fut proclamé par les Goths de Toulouse[82], Majorien et Sévère par les Suèves de Ricimer[83], Olybrius par Genséric[84], Glycerius par Gondebaud[85]. Ces rois Barbares, qui prolongeaient ainsi la vie de l’Empire en créant des empereurs, ne s’en regardaient pas moins comme les héritiers présomptifs du mourant, et agissaient en conséquence. A mesure qu’ils le voyaient défaillir, ils portaient plus hardiment la main sur ses dépouilles ; et au moment de la mort, chacun resta naturellement en possession de ce qu’il avait obtenu par faveur ou enlevé par violence. Il se passa à la chute de l’Empire romain en Occident quelque chose d’analogue à ce qui arriva à la chute de l’empire carolingien. Les Goths, les Burgondes, les Alains, les Suèves du Ve siècle, comme les ducs, les comtes et les marquis du siècle de Charlemagne, faisaient partie intégrante du système dont ils travaillaient à napper les fondements ; mais s’ils travaillaient à le détruire, c’était moins par réflexion que par instinct, moins pour en changer les éléments que pour y conquérir une destination supérieure et en quelque sorte une place plus commode. Les premiers, aussi bien que. les seconds, formaient les rouages de ce rude et laborieux mécanisme qu’on appelle le gouvernement impérial ; les uns et les autres, placés à divers intervalles sur les rayons, ne firent que retenir la force qu’ils étaient chargés de transmettre. Ils paralysèrent le mouvement central en devenant centres à leur tour, et le système entier s’arrêta ; car les proportions et les rapports étaient détruits, l’harmonie avait disparu. Lorsque l’Empire romain eut été ainsi coupé en lambeaux[86], l’esprit qui avait si longtemps animé ce grand corps déserta l’ensemble, et ne se retrouva plus tout entier dans les parties. Il continua quelque temps encore de respirer pour ainsi dire dans ces tronçons isolés, mais de jour en jour plus intermittent et plus débile, s’affaiblissant ainsi de jour en jour et par degrés, jusqu’à ce qu’il s’évanouit enfin dans un dernier souffle. Ainsi les diverses provinces dont la réunion avait formé le système impérial tombèrent en partage aux Barbares qui le servaient. Il se forma de ses débris autant d’États séparés qu’il se trouva de chefs de bandes sur son territoire, et l’Empire romain disparut ; mais les institutions romaines restèrent debout avec les populations dont elles avaient gouverné les destinées pendant tant de siècles. Elles se trouvèrent à l’épreuve plus fortes que les conquérants, plus résistantes que la colossale construction qu’elles avaient étayée si longtemps, plus durables que les révolutions qui l’ébranlaient depuis cinq siècles. C’était là cette éternité dont Rome avait si orgueilleusement nourri la pensée, que les dieux avaient autrefois promise à son Empire, mais qui n’était réservée en réalité qu’à l’esprit qui avait animé ses législateurs. Et en effet, la loi romaine seule a été impérissable. Les formes politiques éprouvèrent, sous l’influence immédiate de la conquête, une profonde et durable altération ; mais les institutions civiles, c’est-à-dire celles qui embrassent et enveloppent de tous côtés la personnalité humaine, en éprouvèrent à peine le contrecoup. C’est sur cette limite que s’arrêta la barbarie. Elle ne descendit, ni dans la cité, ni dans la famille. Elle se superposa, pour ainsi dire, au monde romain, sans le pénétrer : ce fut comme une alluvion barbare sur un sol civilisé ; de sorte que, par un phénomène jusqu’alors à peu près unique dans l’histoire des hommes, on vit deux sociétés bien distinctes, se mouvant en quelque sorte dans le même plan, mais dans deux sphères différentes, quoique contiguës, sans qu’il y eût d’autres points de contact que ceux qui résultaient de cette position même. Jusqu’alors la conquête, en Europe comme en Asie, n’avait guère été qu’une sorte d’extermination qui portait en, même temps sur les institutions et sur les hommes. Ou elle ne reconnaissait aux vaincus aucune garantie civile et politique, ou elle substituait aux anciennes formes les formes nouvelles de la cité conquérante. Le premier système était en général celui des conquérants asiatiques ; l’autre peut être appelé la méthode romaine. Alexandre seul était sorti de cette alternative ; et au lieu d’imposer les mœurs grecques à l’Asie vaincue, il trouva plus sage de lui emprunter les siennes. Mais cela même n’était dans sa pensée qu’un nouveau moyen d’assurer sa victoire, et il n’empruntait pour un temps les usages de l’Asie que pour mieux affermir dans sa conquête l’empire de la civilisation et des idées de la Grèce. La conquête germanique ne ressembla à aucune de ces combinaisons. Les populations se mêlèrent sans se confondre, les institutions se touchèrent sans se mêler. Chacune avait sa sphère à part, et vivait à sa guise. Les Barbares, qui avaient toujours porté les armes, soit pour attaquer l’Empire, soit pour le défendre, dédaignèrent longtemps toute autre occupation. Ils attachaient à ce rôle une idée de supériorité qui tenait à la fois et à leurs souvenirs d’outre-Rhin, et aux traditions de l’Empire. En effet, depuis Dioclétien, toutes les forces vives des institutions romaines et du gouvernement impérial s’étaient concentrées dans la double milice chargée de les soutenir et de les défendre. L’administration, qui, dans un état régulier, ne représente que les veines et les artères par lesquelles la vie circule jusqu’aux extrémités du corps social, avait fini par la retenir, au lieu de la distribuer. Elle était restée la seule partie vivante de l’Empire ; tout ce qui n’était pas elle s’était peu à peu débilité, atrophié, et enfin avait été frappé de mort. La milice armée protégeait les frontières contre les Barbares, et les agents de l’autorité impériale contre les révoltes et la vengeance des opprimés ; la milice palatine étendait sur tout l’Empire un lourd et étouffant réseau de fonctionnaires chargés de l’exploiter. Et comme la force s’était retirée tout entière dans ces puissantes et monstrueuses nervures, tous les privilèges et toutes les distinctions sociales s’y arrêtèrent avec elle. Ainsi se forma la noblesse impériale, entée en quelque sorte sur les deux branches d’une même tige, l’administration civile et l’administration militaire. Les Barbares, admis dans l’Empire et enrôlés à son service, étaient compris par cela même dans son état militaire, et en avaient les privilèges comme ils en portaient les marques[87]. Et comme les deux administrations avaient été complètement séparées dès le temps de Dioclétien, cette séparation se maintint jusqu’à un certain point après la ruine de l’Empire, les Barbares se contentant de garder les positions militaires qu’ils occupaient, et laissant les autres, sous leur autorité, aux Romains qui en étaient investis : Ils dominaient ainsi l’administration politique des Romains sans y prendre part. Elle marchait en leur nom, et sous leur surveillance, mais presque jamais par leurs mains. C’étaient en général les Romains qui administraient les finances et la justice ; et quant à l’administration des municipalités et de tous les intérêts qui venaient y aboutir, elle était plus exclusivement encore leur partage. Le pouvoir n’y était représenté que par un comte dont la mission était de surveiller et d’empêcher, mais rarement d’agir[88]. Ainsi, deux sociétés distinctes juxtaposées, ou si l’on veut superposées l’une à l’autre, mais sans aucune confusion. II eût été difficile de se rendre compte alors de la manière dont le mélange s’accomplirait, quoiqu’il fût facile de le prévoir. Nul d’ailleurs n’en éprouvait le désir, ou n’en admettait la nécessité. Cette fusion des deux peuples entrait si peu, par exemple, dans les prévisions ou dans les vœux des conquérants, que quelques-uns y mirent obstacle, et voulurent ériger en système ce que la force même des choses avait accompli. Tel fut en particulier le système de Théodoric en Italie[89], celui des Vandales en Afrique[90], et jusqu’à un certain point celui des Wisigoths dans la Gaule[91]. Mais cette éternelle séparation entre les races n’était pas plus possible que celle des institutions dans les conditions où les Romains et les Barbares étaient placés les uns à l’égard des autres. Les antipathies religieuses n’étaient point radicales ; celles de race et d’origine l’étaient bien moins encore. La conquête elle-même, malgré ses violences, pouvait ressembler, dans le plus grand nombre de cas, à une prise légitime de possession ; car les Barbares avaient été les alliés et les hôtes de l’Empire avant de devenir ses maîtres. La fusion était donc une des nécessités de l’avenir, et en effet elle commença sous les yeux de ces mêmes princes qui en avaient rassemblé les éléments sans le savoir ; mais elle s’accomplit quelquefois an dépit de leurs efforts, presque toujours sans qu’ils eussent rien fait dans le dessein de la hâter[92]. Ils y contribuèrent cependant beaucoup plus qu’ils ne le croyaient, et ils furent à leurs insu les instruments d’une résolution qu’ils n’avaient ni acceptée ni prévue. Avant même qu’elle ne s’annonce, il est possible d’entrevoir quel est l’élément qui prévaudra dans le mélange. Le génie de Rome, qui s’empara si promptement de tous les peuples qu’elle soumit, était destiné à exercer le même empire sur ceux qui venaient de renverser sa puissance. La construction impériale n’a pas pu résister à tant de chocs ; mais l’esprit qui l’a animée est encore debout au milieu de ses ruines. Déjà il a presque dompté les conquérants. Tous ces rois barbares qui siègent à Toulouse, à Ravenne, à Lyon, à Vienne, à Genève, etc. se modifient, se transforment, se métamorphosent chaque jour sous cette puissante influence. Chaque jour les éloigne un peu de la barbarie et les rapproche d’autant de la civilisation. Leur cour (car ils en ont une), est déjà modelée sur celle des empereurs ; et l’on trouve à Toulouse presque toute la domesticité de la cour de Byzance : un comte du palais, un comte des trésors, un comte des spathaires, un comte des notaires, un comte des échansons, de l’étable, de la chambre, du patrimoine[93]. C’est dans les anciens cadres de l’administration romaine que les nouveaux maîtres vont encore chercher leurs conseillers et leurs ministres. Avitus, Aridius, Léon, Anian, Cassiodore, etc., étaient tous d’origine romaine ; et avant de mettre leur habileté au service de Gondebaud, d’Euric, de Théodoric, ils l’avaient sans doute exercée dans des emplois analogues à la cour des empereurs. Ils portèrent avec eux et conservèrent dans leur nouveau rôle les traditions et les usages du régime sous lequel ils s’étaient formés, et que les Barbares avaient maintenu. C’est ainsi que dans les rapports officiels entre le prince germain et ses sujets de la Gaule, ce sont toujours les formules de la chancellerie romaine qu’on emploie[94]. Lorsque ces mêmes princes veulent combler les lacunes ou réformer les vices de leur propre législation, c’est au Code théodosien qu’ils empruntent[95]. L’esprit de la loi romaine s’infiltre ainsi goutte à goutte, par une sorte d’absorption lente, intermittente, mais efficace, dans la constitution des peuples qui viennent de la détrôner. Elle s’insinue peu à peu dans leurs idées, dans leurs mœurs, dans les relations de leur vie civile, et à la longue dans celles de leur vie politique ; et elle finira par les dominer un jour du haut de leurs propres lois. Ainsi, les institutions germaniques, loin de gagner avec le temps le terrain qu’elles ont respecté d’abord, reculent de plus en plus et se laissent envahir de tous côtés. Ainsi la civilisation des Romains, plus forte et plus durable que leur Empire, s’empare rapidement des Barbares qui l’ont démembré ; elle les subjugue, elle les pénètre, elle les transforme, et remonte enfin par sa propre vertu au rang que sa supériorité lui assigne. Les Barbares se défendent mal d’ailleurs contre ses séductions, et se laissent aller doucement au penchant qui les entraîne vers l’élégante et facile corruption des vaincus. On les voit, pleins d’une admiration naïve et d’une ardente curiosité, essayer de pénétrer tous les mystères de cette civilisation romaine qui vient de les adopter. Ils sentent qu’il y a là, outre le plaisir qui les attire, une force mystérieuse dont ils ne comprennent pas encore toute la portée, mais qu’ils jugent déjà supérieure à celle de leurs haches d’armes. En présence même des ruines qu’ils ont entassées autour d’eux, ils font plus ou moins ce remarquable raisonnement que l’historien Orose met dans la bouche du goth Astaulfe[96] : Il disait que lorsqu’il était
encore plein de confiance dans sa force son courage et les ressources de son
intelligence, il avait ardemment souhaité d’abolir le nom romain, et de faire
du territoire et de l’Empire romain l’Empire et la terre des Goths ; de telle
sorte que le roi Astaulfe devint ce qu’avait été autrefois César Auguste.
Mais lorsqu’une longue expérience lui eut démontré que les Goths ne
pourraient jamais se soumettre aux lois, à cause de leur barbarie effrénée,
il résolut de mettre sa gloire à rétablir le nom romain et à l’élever plus
haut que jamais par les armes des Goths.... C’est
pourquoi le roi Astaulfe conclut une paix très sincère avec l’empereur
Honorius. Il lui offrit en même temps de se dévouer tout entier à la sécurité
de l’Empire, en réservant pour lui-même le danger des batailles contre les
autres Barbares, et pour l’empereur le profit et l’honneur de la victoire. Du
reste, les rois des Alains, des Suèves et des Vandales nous avaient fait les
mêmes propositions, disant à l’empereur : Sois en paix avec tous, accepte des
Stages de chacun, et laisse-nous nous déchirer à plaisir : la mort sera pour
nous, la victoire pour toi. Ainsi Rome continuait de conquérir, lorsqu’elle n’était plus capable de se défendre, et d’attirer par une sorte de fascination intellectuelle les génies les plus vigoureux et les plus indépendants de la barbarie. Il y eut en effet parmi les Barbares qui venaient d’envahir l’Empire un partage d’opinions qu’il serait absurde de méconnaître, et que nous n’avons nul intérêt à dissimuler. Nous savons que la politique qui finit par prévaloir ne fut ni uniformément adoptée par tous les peuples, ni unanimement acceptée par tous les individus d’une même nation. Aucune des grandes questions qui touchent aux intérêts et aux passions des hommes, et à plus forte raison aucune des résolutions de la barbarie, n’est susceptible d’une pareille unanimité de sentiments. Ici d’ailleurs les monuments parlent ; et il faudrait fermer volontairement les yeux à la lumière pour ne point voir les deux tendances principales dont ils constatent l’existence. Ainsi, pendant que la majeure et la plus saine portion des Barbares se ralliait avec leurs chefs à la politique, et par suite aux institutions de Rome, une minorité turbulente et belliqueuse protestait énergiquement contre ces tendances pacifiques, et recourait au poignard pour les neutraliser. La mort tragique du roi Astaulfe, selon la version la plus vraisemblable[97], n’eut pas une autre cause. Ce qui le prouve, c’est que Sigeric, qui lui succéda, fut promptement mis à mort par les siens, parce qu’il était trop enclin à la paix[98]. Wallis lui-même, le pacificateur de l’Espagne, ne fut élu que pour recommencer la guerre contre les Romains[99]. Il serait facile de retrouver la trace de ces mêmes divisions dans l’histoire des Ostrogoths et dans celle des Vandales[100]. Le contraire seul aurait le droit de nous surprendre. Nous savons aussi que si les Barbares échangeaient chaque jour leurs mœurs et leurs idées contre les idées et les mœurs romaines, il y avait des Romains qui abjuraient pour ainsi dire leur origine, et essayaient de se confondre avec les Barbares. Grégoire de Tours nous parle de ces Gaulois qui laissaient croître leurs cheveux pour se faire mieux venir des Francs, et nous trouvons que d’autres prenaient des noms barbares pour le même motif[101]. Mais, nous le répétons, ce sont là des anomalies qui portent avec elles leur explication, et qui ne troublent en rien la loi que nous venons d’établir, et que nous maintenons, savoir : que le mouvement général des esprits se faisait en sens contraire, et que l’humanité, au lieu de reculer vers les ténèbres du nord et de la barbarie, marchait sans s’arrêter vers la lumière qui brillait toujours au front de Rome. Dans l’espèce de triage qui se fit alors des hommes et des idées, on peut dire que les esprits les plus vigoureux et les plus sains faisaient effort pour s’élever à la hauteur du nouveau rôle qui leur était départi ; tandis que les âmes vulgaires ou corrompues restaient attachées à la terre ou y retombaient par leur propre poids. C’était l’observation du grand Théodoric, et en quelque sorte l’axiome qu’il avait recueilli des spectacles si variés qui avaient passé sous ses yeux : Le Goth qui a quelque valeur, disait-il, imite le Romain ; et le Romain qui n’en a aucune imite le Goth[102]. Du reste, le roi Astaulfe, en désespérant de la barbarie des Goths, se trompait sur leurs véritables dispositions, et semblait méconnaître les hautes destinées qui leur étaient réservées au moment même où elles s’annonçaient déjà avec tant d’éclat. En effet, ils ne devaient pas rester plus fidèles que leur prince lui-même à cette barbarie effrénée qui ne craignait pas de recourir au poignard pour échapper à l’alliance et à la civilisation des Romains. Au Ve siècle la métamorphose était déjà fort avancée. Théodoric II, ce goth farouche qui faisait trembler la Gaule, était un admirateur passionné des vers de Virgile[103]. Un siècle plus tard le goth Jornandès écrira en latin l’histoire des longues migrations de la horde, pendant que le goth Rotherius composera dans la même langue une histoire du monde[104]. Il faut bien se garder en effet de confondre le génie éminemment disciplinable des races germaniques avec l’instinct destructeur et l’incurable férocité de quelques-unes des populations de la haute Asie. L’impression différente que produisit sur les uns et sur les autres l’aspect de la civilisation romaine, permet déjà de deviner les destinées différentes qui les attendent dans le développement de leur histoire. Le Hun brûle et ravage par besoin de détruire et pour le plaisir qu’il y trouve. Le temps en passant sur lui changera peu de chose à sa nature, et au bout de mille ans il brûlera et ravagera encore. Attila, Gengis-Khan, Tamerlan, Kouli-Khan nous présentent pendant un intervalle de quatorze cents ans un type à peu près immobile. Mais l’Ostrogoth, dont le nom dans la langue de Voltaire, et par suite dans celle de l’Europe, est resté synonyme de stupidité sans remède et de barbare ignorance, se prendra, au milieu des ruines de Rome, d’un saint amour pour ses merveilles, et Amalasonthe lira Platon dans cette même Italie où moins d’un siècle auparavant Alaric répandait à flots le sang romain. Examinons maintenant jusqu’à quel point ces principes sont applicables aux Francs en particulier. |
[1] Cæsar, Comment., IV, VI.
[2] Il est inutile d’avertir que cette expression ne s’applique qu’a la partie morale, pour ainsi dire, de son tableau. Personne plus que nous n’admire sa merveilleuse exactitude dans tout le reste.
[3] Cæsar, Comment., VI, 22.
[4] Tacite, German., 23. — Ibid., 41.
[5] Voir plus bas le raisonnement d’Astaulfe, successeur d’Alerte, dans Orose.
Ammien Marcellin, XVII, 1.
Voir dans Zosime, IV, 34, l’impression produite sur l’esprit d’Athanaric par le spectacle de Constantinople. — V. Sidon. Apollinaire, Epist. III, l. 8, v. 260.
[6] Zosime, Histor., V.
[7] Tacite, Histor., IV, 73.
[8] Témoins Magnence, Silvanus, Proculus, etc. Presque tous les rois wisigoths, quelques-uns des rois lombards, prirent le surnom de Flavius, parce que c’était le nom patronymique de la dynastie de Constantin.
[9] Tacite, Annal., II, 10.
[10] Ammien Marcellin, XV, 5.
[11] Florus, III, 4.
[12] Jornandès, de Reb. Getic., 25.
[13] Jornandès, de Reb. Getic., 28.
[14] Olympiodore, ap. Photius, Biblioth.
[15] Olympiodore, ap. Photius, Biblioth., Prosper Aquit., Chronic., ap. Duchesne, t. I, p. 203.
[16] Prosper Aquit., Chronic., 19.
[17] Prosper Aquit., Chronic., 19. — Jornandès., de Reb. Getic.
[18] Idatius, Chronic.
[19] Jornandès, de Reb. Getic. — Zosime, Histor. nov., I, 1.
[20] Procope, de Bell. Goth, I. — Anonym. Valesian.
[21] Cassiodore, Variar., IV, epistol., I.
[22] Montesquieu, Esprit des Lois.
[23] Idatius, Chronic., ad ann. 455.
[24] Idatius, Chronic., ad ann. 462. — V. Paulin Petragoric., de vit. S. Martini, l. VI.
[25] Greg. Turon, Histor., II, 11.
[26] Isidore Hispal., Histor. Gothor.
[27] Dubos en a fourni la preuve, au L. III. C’est l’un des morceaux les plus remarquables de son livre.
[28] Greg. Turon, Histor., II, 18.
[29] Prosper Aquit., Fast., ad ann. 406.
[30] Prosper Aquit., Fast., ad ann. 423.
[31] Prosper Aquit., Fast., ad ann. 435.
[32] Prosper Aquit., Fast., ad ann. 439.
[33] Sidon. Apollinaire, Epist. V, 6.
[34] Chronolog. Caspinian., ad ann. 472.
[35] Avit. Viennens., Epistol. XXIII.
[36] Procope, de Bell. Vand., I.
[37] Vict. Vitens., I, 4. — Prosper Aquit., Chronic.
[38] Vict. Vitens., I, 4.
[39] Procope, de Bell. Vand., I.
[40] De Bell. Vand., I.
[41] Genséric portait Olybrius dès avant la mort de Sévère. Il ne put le faire prévaloir qu’à la mort d’Anthemius. (Procope, de Bell. Vand., I, 8. )
[42] Idatius, Chronic.
[43] Jornandès, de Reb. Get. — Procope, de Bell. Goth, I, 1.
[44] Candidus Isaurus, Histor., II, apud Photius, Biblioth. — C’est ce qu’on appelait l’unanimité, comme on le voit dans ce passage de la Chronique d’Idace : Per Avitum, qui a Romanis et evocatus et susceptus fuerat imperator, legati ad Marcianum pro unanimitati mittuntur imparii.
[45] Paris, 1681, in-fol.
[46] Procope, de Bell. Goth., I, 1.
[47] Jadis, en effet, l’année de la mort de Valentinien III était regardée comme la véritable date de la chute de l’Empire. Bède le Vénérable, Histor. ecclés. gent. Angl., 21. — Prospère Aquit., Chronic., ad ann. 465.
[48] Procope, de Bell. Goth., I.
[49] Greg. Turon, Histor., IV, 8.
[50] Frédégaire, Chronic. 6, ad ann. 587.
[51] Constantin et son fils Constans, Attale deux fois proclamé et deux fois de posé par les Goths ; Jovin et Sébastien son frère, proclamés à Mayence par les Burgondes, et Maxime qui succéda malgré lui à Constantin et à Constans. (V. Prospère Aquit., Chronic.)
[52] Isidore Hispal., Histor. Goth. — Idatius, in Chronic.
[53] Jornandès, de Reb. Getic.
[54] Isidore Hispal., Histor. Goth.
[55] Jornandès, de Reb. Getic.
[56] Jornandès, de Reb. Getic.
[57] V. supra.
[58] Isidore Hispal., Histor. Goth. Aétius n’avait pas laissé dans l’Empire une seule peuplade barbare qui n’eût point reconnu l’autorité des empereurs. Voir pour les Burgondes, Idace, Chronic. Olymp., CCCIII, et Prosper, Chronic., ad ann. 485 ; pour les Alains, Prosper Aquit., Ibid. et alias passim.
[59] Voir plus bas le chapitre où nous parlerons de l’Influence de la conquête sur les mœurs et la politique des Francs.
[60] V. supra la lettre de Sigismond à l’empereur Anastase.
[61] Voir chap. III l’histoire des Bataves.
[62] V. supra, cap. VII.
[63] V. supra, cap. X.
[64] Mamertin, Panegyr. Maxim. Aug.
[65] Mamertin, Panegyr. Maxim. Aug.
[66] V. supra, cap. VII.
[67] V. supra.
[68] Prospère Aquit., Chronic.
[69] Hospites. Voir les lois barbares.
[70] C’est ainsi que nous les voyons partager les esclaves en même temps que la terre avec les indigènes. — V. Legg. Burgund. et Wesegoth.
[71] L’expression est de Zosime, Histor., IV, sub fin.
[72] Jornandès, de Reb. Getic. ad Virgil., in Prœfat.
[73] Voir dans Dubos, l. II, c. 2, et l. III, c. 10, l’histoire de cette confédération, que Montesquieu l’accuse à tort d’avoir inventée.
[74] Voir plus haut, ce que nous avons dit sur les patrocinia.
[75] Prosper Aquit, Chronic. Un autre passage de la Chronique de Prosper prouve qu’il y avait là autre chose qu’une conspiration d’esclaves fugitifs.
[76] Idatius, Chronic., olymp. CCCIII. — Et sub olymp. CCCIV.
[77] Idatius, Chronic., olymp. CCCXII.
[78] Mar. Avent, Chronic. ad ann. 455.
[79] Frédégaire, Hist., epitom. VII.
[80] Idatius, Chronic., olymp. CCCXI. — Ægidius l’avait déjà accusé auprès de l’empereur de trahir l’Empire et de favoriser les Barbares. (Vit. S. Lupicini, 3 ; ap. Rolland. 21, Mart.)
[81] Sidon. Apollinaire, Epistol., I, 7. — V, 13.
[82] Sidon. Apollinaire, Panegyr. Avit. imperator.
[83] Marii Aventicens., Chronic.
[84] Prisc. Rhet., Hist. Goth. (in excerpet. Legat.)
[85] Cassiodore, Fast., ad ann. 475.
[86] Mamertin, Paneg. Maxim. A.
[87] Le cingnium ou ceinture. V. Pancirol., Comment. in Notitiam utriusque imperii.
[88] Voir plus bas le livre qui traite du gouvernement des Mérovingiens.
[89] V. Cassiodore, Variar. passim. Procope, de Bell. Goth., I, 2.
[90] Procope, de Bell. Vandal., II.
[91] Ce fut pour empêcher les Goths de subir peu à peu l’empire de la loi romaine, par l’effet d’une longue habitation parmi les Gaulois, qu’Euric leur donna un code barbare.
[92] Chintasuinthe fait exception. Il abolit la distinction des lois, et ordonna que tous ses sujets n’en eussent plus d’autre que celle qu’il venait de leur donner. (Cod. Wisigoth., II, t. 1, l. 9.)
[93] V. Cod. Wisigoth. passim, et Sidon. Apollinaire, Epist. passim.
[94] V. Cassiodore, Var. passim, et Ecdic. Avit., Epistol. passim.
[95] Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter les yeux sur les codes des Wisigoths et des Burgondes. Ce point a été récemment mis en lumière, avec une grande érudition, par M. V. Foucher, dans ses savantes notes sur les Assises de Jérusalem.
[96] Orose, Histor., VII, 43.
[97] Isidore Hispal., Histor. Goth.
[98] Isidore Hispal., Histor. Goth.
[99] Isidore Hispal., Histor. Goth.
[100] Pour les Ostrogoths. V. Procope, de Bell. Goth., I, 2. — Et pour les Vandales, Procope, de Bell. Vand., passim.
[101] Je ne retrouve plus le passage.
[102] C’est le sens de ces paroles : Romanus miser imitatur Gothum, et utilis Gothus imitatur Romanum. (Anonym. Sirmond., apud Henrici Valesii Amm. Marcell., 1681, ad calcem.)
[103] Sidon. Apollinaire, in Paneg. Aviti A., v. 455.
[104] Histoire littéraire, t. III, p. 403.