Après Tibère, Caligula prêta à rire aux Barbares et aux Romains par sa double expédition contre le Rhin et l’Océan. Dans la première, il s’empara de tous les Gaulois dont la taille était assez élevée pour rappeler celle des Germains, et qui d’ailleurs paraissaient propres, par leur barbarie et leur mine germanique, à figurer convenablement dans une pompe triomphale. Il fit teindre leurs cheveux pour rendre l’illusion plus complète[1], et les envoya à Rome avec une lettre qui annonçait la défaite des derniers Germains, et l’entière soumission de la Germanie. Dans la seconde, il se borna à faire ramasser par son armée toutes les coquilles qu’il trouva éparses sur le rivage de Boulogne, et envoya encore à Rome ces dépouilles opimes de l’Océan britannique[2]. Claude fut un peu moins plaisant. Pendant qu’Ostorius Scapula se rendait dans la Bretagne, Corbulon entrait en Germanie. Les Frisons, qui, dans les dernières années de Tibère, avaient battu une armée romaine, et mis en fuite un lieutenant de César[3], furent replacés sous le joug ; et déjà le général, après une première victoire, marchait vers le territoire des Chauques, lorsqu’il reçut inopinément l’ordre de rentrer dans la Gaule. Il obéit, et se contenta de dire que les généraux romains étaient bien heureux autrefois[4]. Sous le règne de Néron, il n’est question d’aucune guerre importante contre les Germains. C’est à la fois l’indice et la conséquence d’une situation nouvelle. La politique romaine, après un siècle entier d’expériences hasardeuses et d’efforts infructueux, semble avoir enfin atteint le but qu’elle s’était proposé en commençant. Elle a déjà enchaîné et amorti peu à peu la férocité et la haine des nations germaniques sous l’influence d’une civilisation supérieure, et pour ainsi dire au contact de ses leçons et de ses idées. Cette force d’assimilation, qui est propre à toutes les organisations vigoureuses, et par laquelle Rome s’était incorporé tant de peuples et d’empires, se faisait sentir déjà de l’autre côté du Rhin, et commençait à entraîner la Germanie elle-même, après l’Espagne et la Gaule, dans le tourbillon de cette grande existence. Presque tous les Barbares qui s’étaient trouvés en relation avec elle depuis que ses légions avaient paru sur le Rhin, avaient fini par accepter son alliance, ou du moins par la subir[5]. Ainsi on les voit dès lors fournir des auxiliaires à ses armées, se soumettre à l’obligation du tribut, et recevoir des rois de sa main[6]. D’autres renoncent volontairement à leur antique indépendance, disent un éternel adieu aux libres forêts de la Germanie, et viennent oublier l’une et l’autre sous la protection des Romains, dans quelques champs incultes et presque stériles, sur la lisière de l’Illyrie ou de la Gaule[7]. Ils y sont consacrés à un double usage : à comprimer les indigènes et à repousser les Barbares. Et de même que les laboureurs et les pâtres du Samnium avaient été employés autrefois par leurs vainqueurs à dompter l’Espagne et la Gaule ; de même les sauvages encore mal disciplinés de la Germanie sont employés maintenant à les tenir l’une et l’autre dans la soumission et la crainte. César semble encore avoir compris le premier toute la puissance de ce nouvel instrument d’oppression entre des mains habiles et vigoureuses ; et après avoir enrôlé des Germains pour vaincre et pour désarmer la Gaule[8], il enrôla pêle-mêle des Gaulois et des Germains pour terrasser ses adversaires et anéantir la République[9]. Il légua, en mourant, ce triste exemple à Auguste, qui le laissa à ses successeurs ; et les Barbares, initiés à tous les mystères comme à tous les intérêts de la politique romaine, prirent en quelque sorte une première fois possession de l’empire sous les aigles des légions, et se préparèrent à le renverser en commençant à le servir. César, qui en remplit ses armées, les fit entrer par centaines dans le sénat[10]. Auguste, qui les chassa du sénat, leur ouvrit la garde prétorienne ; et le vainqueur des guerres civiles ne trouva de sommeil que sous la protection de la foi germanique[11]. Un peu plus tard, on en composa des armées. Lorsque l’empire fut devenu le prix de la lutte, les Germains eurent une immense valeur à ce honteux marché où l’on trafiquait des libertés romaines. Seuls ils savaient frapper les grands coups ; et d’ailleurs, ils n’étaient retenus dans ces guerres fratricides par aucun scrupule de patriotisme ou de respect mal entendu pour la majesté du nom romain. La force athlétique des Barbares, leur fougue impétueuse, contenue et corrigée par la discipline, finissaient presque toujours par assurer la victoire à leur parti et l’empire à leur protégé. Ils envahirent ainsi, sous les drapeaux de Rome, cette terre romaine qu’on avait la prétention de leur interdire ; et les peuples germaniques entrèrent à leur tour dans cette monstrueuse unité qui s’étendait déjà à une partie de la Gaule, et qui, au temps de Caracalla, devait s’étendre à tout l’Empire[12]. Ce recours aux Barbares, qui n’avait été qu’un caprice despotique des premiers Césars, devint une nécessité pour leurs successeurs, lorsque la faiblesse des Romains ne suffisant plus à la grandeur de leurs institutions[13], ils se virent contraints d’y suppléer par une force étrangère. Le fardeau qui les écrasait, ils le placèrent sur les robustes épaules des Barbares, et s’en remirent du reste à la fortune de Rome. Garder ainsi pour soi les jouissances d’une civilisation voluptueuse et insouciante, laisser le soin de là défendre à des Barbares qui la corrompent ou qui s’y perdent ; telle a été la faute ou le malheur de tous les peuples de l’antiquité, à un point marqué de leur histoire. Dans les derniers temps de l’Empire, on compta ces dangereux auxiliaires par armées, et non plus par légions. Probus, qui ne subissait qu’en rougissant cette honteuse alliance, en avait déjà jusqu’à 16.000 à son service[14]. Constantin eut à la fois 40,000 Goths à sa solde, sans compter les Francs, les Huns, les Alains, les Sarmates, etc.[15] Il les transmit à ses successeurs comme une espèce de mobilier devenu héréditaire dans la maison des Césars, et nous les retrouvons sous Théodose. Constance fit la guerre aux Perses avec les Barbares qui avaient proclamé le tyran Magnence dans les Gaules[16] ; Julien conquit l’Empire avec des Allemans et des Francs[17] ; Valentinien se servit des mêmes auxiliaires pour le défendre contre les Quades et les Sarmates[18]. C’est que, dans cette décrépitude incurable des institutions et des hommes, les Barbares seuls paraissaient de taille à résister aux Barbares. Cette luxure asiatique que les légions victorieuses avaient rapportée comme une espèce de contagion de leurs lointaines conquêtes en Orient, s’était de bonne heure établie au coeur de l’Empire, malgré les sénatus-consultes et la note du censeur[19]. La République s’était comme affaissée au milieu de ces souillures ; et sous les empereurs, elles achevaient de consumer en silence ce qui restait encore des mâles vertus des premiers âges. Pendant que Rome étonnée voyait éclore chaque jour une nouvelle superstition et des voluptés nouvelles, l’antique discipline romaine s’énervait à son tour entre des mains inhabiles, et ne suffisait plus pour protéger le camp des légions contre leurs ravages. Les jeunes efféminés de l’armée de Pompée se plaignaient, la veille de la bataille de Pharsale, d’être privés en Thessalie des figues savoureuses de Tusculum, et tournaient le dos à l’ennemi pour ne point recevoir d’égratignure au visage[20]. Tacite nous parle de ces soldats de Corbulon qui allaient voir un retranchement comme une nouveauté[21]. Pline le Jeune nous apprend qu’à la même époque, les jeunes soldats se formaient au maniement des armes, non plus comme autrefois sous la discipline de quelque vétéran, mais à l’école de quelque Grec acheté peut-être dans les marchés de Rome[22]. Corbulon, en arrivant en Germanie, y trouva toutes choses dans un tel désordre, qu’il crut devoir punir de mort un soldat qui travaillait aux palissades sans être muni de son épée[23]. Nous voyons en effet dans Végèce[24] que la première demande qu’ils avaient coutume d’adresser au général avant de marcher à l’ennemi, c’était la permission de marcher sans armure ; et ils commençaient par se débarrasser de la cuirasse et du casque comme d’un fardeau insupportable. Dès le temps d’Auguste, le luxe effréné de Rome avait débordé dans les camps ; et à coté de l’aigle romaine, on voyait le conopeum des femmes d’Alexandrie[25]. Il s’y trouvait déjà presque autant de cuisiniers, de mimes, de baladins et de bouffons que de soldats ; et bientôt il y en eut davantage[26]. C’est en vain que les généraux essaient de purger l’armée de, ces immondices[27] ; elles s’attachent à leurs pas en dépit de leurs efforts, et les suivent jusqu’aux extrémités du monde. L’esprit inculte, mais vigoureux, d’Ammien Marcellin emploie pour caractériser ce désordre ses plus audacieuses, ses plus hyperboliques métaphores, et craint, tout en l’exagérant peut-être, de rester encore au-dessous de la vérité : Ce n’était partout qu’un flux perpétuel de débauches, des précipices et des gouffres d’intempérance ; et au lieu des pompes triomphales, on ne voyait plus à Rome que des triomphes culinaires. Aux turpitudes et aux souillures de la ville venaient se joindre l’opprobre et l’indiscipline des camps. Le soldat occupait ses loisirs à composer des chants d’amour dont la licence aurait paru déplacée dans une partie de débauche. Il ne reposait plus sur une pierre, comme jadis, mais sur la plume, et dans un lit mollement suspendu. Les coupes alors étaient plus lourdes que les épées ; car chacun eût rougi de boire dans un vase d’argile. Chacun aussi eût voulu habiter dans des palais de marbre ; et cependant nous lisons dans les livres qu’autrefois un soldat spartiate reçut des magistrats une sévère réprimande, parce qu’il avait été vu sous un toit en temps de guerre[28]. Les empereurs qui méritaient ce nom commençaient toujours par essayer de porter remède au mal, et finissaient par en être victimes. Les légions, arrachées aux délices et aux loisirs de l’Italie ou de la Gaule, ne marchaient à la frontière qu’en murmurant ; là elles tournaient le dos à l’ennemi, et se jetaient tout d’abord sur leur prince. Le successeur qu’on lui donnait ne recevait le commandement que pour obéir, et se hâtait de venir triompher à Rome des défaites de son armée. Il restait le maître, jusqu’à ce qu’il s’en présentât un autre plus lâche ou plus prodigue ; alors il était précipité à son tour pour faire place à un troisième qui ne tardait pas à le rejoindre ; et le dernier venu était toujours le plus ignoble. Ainsi, après Commode, on tomba jusqu’à Caracalla ; et après Caracalla jusqu’à Elagabal, après lequel il ne fut plus possible de descendre. On remonta donc avec le cyclope Maximin[29]. Au milieu de ces rapides changements, une seule chose restait invariable ; c’était la lâcheté de tous. On ne trouve le courage que dans les métaphores des panégyristes et sur les médailles impériales. Ouvrez le Code théodosien, vous y verrez le législateur essayant d’y suppléer par des menaces, par le bâton, par la torture[30] ; mais la torture et le bâton furent également impuissants. Alors on recourut aux bûchers, et les bûchers ne furent pas plus efficaces[31] : les soldats craignirent moins le feu que l’ennemi, et continuèrent de déserter par milliers. Il fallut donc se résigner à remplir les vides avec des Barbares ; et les bons princes se virent ainsi réduits à employer comme un remède, un mal que les mauvais princes leur avaient légué comme une cause de ruine. Cependant les Barbares, avant de devenir les maîtres, durent se résigner à n’être longtemps qu’un instrument; et semblables à ces affranchis de la cité antique, ils n’arrivèrent à la domination qu’en passant en quelque sorte par les hontes de l’esclavage. Ainsi, lorsqu’ils avaient versé leur sang dans les guerres civiles de Rome, on les envoyait à la frontière pour le verser encore dans d’éternels combats contre leurs frères d’outre-Rhin ; et sur cette ligne immense qui court de la Mer-Noire à l’Océan du nord le long du Danube et du Rhin, on rencontrait partout, à côté des légions de l’empire, les colonies et les cohortes auxiliaires des Barbares. Agrippa, le premier, avait reçu dans la Gaule les Ubii, chassés de la Germanie par les Suèves, et leur avait permis de s’établir sur la rive occidentale du fleuve, à l’endroit où la ville de Cologne commença dès lors à s’élever sous leurs mains[32]. Les Sicambres, et quelques autres tribus de Suèves, obtinrent la même faveur et l’achetèrent par les mêmes sacrifices[33]. On peut en dire autant des Nerviens, des Trévires, des Vangions, des Triboques et des Némètes[34]. Les Mattiaques et les Frisons, quoiqu’ils soient restés constamment sur la rive orientale du Rhin, doivent être rangés dans la même catégorie, puisqu’ils avaient accepté le même joug[35]. Un peu plus tard, Ælius Catus établit dans la Thrace un corps de 50.000 Gètes pour la garde du Danube[36]. La nombreuse et puissante nation des Hermundures avait sans doute contracté le même engagement, puisque de toutes les tribus germaniques c’était, au rapport de Tacite, la seule qui jouit du privilège de passer sur la rive méridionale du fleuve pour les besoins de son commerce[37]. Tibère à son tour abandonna aux Suèves qui avaient suivi Maroboduus et Catualda dans leur fuite, tout le territoire qui s’étend au nord du Danube, entre le Marus (Morawa) et le Cusus (Kisouseh, l’un des affluents du Vag)[38]. Sous le règne de Claude, ces mêmes Suèves, chassés à leur tour par les Hermundures et les Lygiens, vinrent se fixer au midi, dans la Pannonie, sous la conduite de leur roi Vannius[39]. Chaque mouvement de la Germanie rejetait ainsi sur les terres romaines un nouveau flot de Barbares, et les barrières de l’Empire s’ouvraient d’elles-mêmes pour lui laisser un libre passage. Dès ce moment ils mettaient à son service l’énergie et le courage que leurs pères avaient déployés autrefois pour repousser ses attaques, et ils prenaient place à leur rang dans cet immense cordon de légions et d’armées qui le ceignait de toutes parts. Ou bien encore on les envoyait au loin, dans quelque province reculée ; et on les parquait dans les terres désertes pour combler les vides que l’avidité du fisc et la tyrannie impériale laissaient derrière elles[40]. C’est là que commence, pour qui veut rester dans le vrai, la conquête de l’Empire romain par les peuples germaniques ; car je prouverai plus tard que le dernier démembrement, au Ve siècle, ne fut que l’extension naturelle et la conséquence dernière du système adopté par Auguste, et suivi jusqu’à la fin par ses plus maladroits comme par ses plus habiles successeurs. On a dit — et je trouve que les princes de la science ont eux-mêmes partagé et répandu ce que je n’hésite point à regarder comme une erreur[41] —, que ce fut Alexandre Sévère qui le premier donna des terres sur les limites de l’Empire (agri limitanei) à des soldats qui se chargeaient de les défendre, et qui devaient les transmettre à leurs héritiers avec la même obligation et sous la même réserve. Il est certain, par un passage de Lampride[42], qu’Alexandre Sévère adopta ce système ; mais je n’ai vu nulle part que le système fût inconnu avant lui. Je trouve au contraire une parfaite conformité entre l’idée que son biographe nous donne de sa politique sur ce point, et les renseignements qui nous sont fournis par Tacite sur l’établissement des Bataves, et sur les conditions qui leur furent imposées par Auguste deux siècles auparavant. Je voie que de part et d’autre l’obligation se transmettait héréditairement du père au fils, comme le bienfait lui-même[43] ; et la seule différence peut-être consiste en ce que, jusqu’au règne d’Alexandre Sévère, ces sortes de concessions ne s’accordaient qu’à des Barbares, tandis qu’Alexandre Sévère parait y avoir admis indistinctement les Barbares et les Romains. Je vois de plus qu’aux deux époques la seule obligation était celle du service militaire, et que sous tout autre rapport les concessionnaires étaient exempts de toute charge ou tribut[44]. Ainsi Alexandre Sévère, loin d’adopter une politique nouvelle à l’égard des Germains, ne fit que rester fidèle à celle que ses prédécesseurs se transmettaient depuis Auguste ; et tout ce que l’on pourrait accorder aux partisans de l’opinion contraire, c’est qu’à partir de son règne, l’institution primitive prit un développement hors de toute proportion avec ce qui s’était pratiqué jusqu’alors, et assez considérable pour expliquer l’illusion de ceux qui prétendent qu’il en fut le premier auteur. Il importe cependant de distinguer dans cette politique des Romains, à l’endroit des nations germaniques, non pas tant deux époques que deux classes de Barbares qui s’engageaient au service du même empire à des conditions bien différentes, et qui, par cela même, jouèrent plus tard des rôles si différents dans ses destinées. Les uns (et dans le principe c’étaient les plus nombreux), chassés de la Germanie par leurs ennemis d’outre-Rhin, on réduits à la dernière extrémité par les armées de l’Empire, recouraient à la clémence des empereurs et obtenaient avec la vie quelques parcelles de terre abandonnée, à la condition de fournir des recrues et de porter les armes pour le service de Rome. Ce sont ceux que la Notice de l’Empire désigne indistinctement sous les noms de gentiles ou de lœti, parce qu’en effet ces deux mots, dont l’un est la traduction latine de l’autre[45], ont la même signification dans la langue ; comme la condition sociale qu’ils désignent est la même dans le Code[46]. Peut-être même (et ce soupçon est partagé par Godefroy, avec quelque indécision il est vrai[47]), ne faut-il voir dans les coloni homologi dont il est question dans une loi d’Honorius et de Théodose-le-Jeune[48], sous la date de 415, que ces gentiles ou lœti sous une troisième dénomination qui rappelle une des obligations qui les liaient à l’Empire[49]. Quelquefois enfin les Romains du Bas-Empire leur donnent un nom plus caractéristique encore parce qu’il réveille en nous une notion plus distincte, celui de dedititii, par lequel les Romains de la République désignaient les nations étrangères qui, après la défaite, s’abandonnaient à la pitié ou à la colère du vainqueur[50]. Un passage d’Ammien Marcellin, et quelques articles du Code, achèveront de mettre ceci dans tout son jour. Les Quades[51], qui jugeaient des malheurs qu’ils avaient à craindre par
ceux qu’ils avaient éprouvés, demandèrent la paix en suppliants, et se
présentèrent avec quelque confiance devant le prince (Constance), dont le
ressentiment se laissait aisément désarmer par ces marques de soumission. Au
jour fixé pour régler les conditions de l’accord, Zizais, qui était encore le
chef de sa nation, et qui se faisait remarquer entre tous par sa haute
taille, rangea ses Sarmates suppliants, comme il l’eût fait dans un jour de
bataille. Mais, dès que l’empereur parut, il jeta ses armes, se prosterna
lui-même, et resta ainsi la face contre terre, dans une complète immobilité.
La crainte lui ôta l’usage de la parole au moment même où il essaya de s’en
servir pour fléchir le vainqueur ; ce qui ajouta à la pitié qu’il inspirait.
Cependant, après plus d’un effort inutile, il parvint quelque peu à étouffer
ses sanglots et à exposer sa requête. Puis il acheva de se remettre, et le
prince l’invita à se relever ; mais il s’obstina à rester sur ses genoux, et
ne recouvra la parole que pour supplier le vainqueur de lui pardonner. La
foule qui avait été admise à joindre ses prières à celle du roi, resta muette
de terreur aussi longtemps que le sort de son chef parut encore incertain ;
mais aussitôt que le roi eut reçu l’ordre de se relever, et leur eût donné le
signal si longuement attendu, ils jetèrent tous ensemble leurs boucliers et
leurs épées, et tendirent leurs mains vers l’empereur, s’étudiant à chercher
des formules de soumission plus humbles encore que celles de leur prince.
Zizais avait emmené avec le reste des Sarmates, Rumon, Zinafre et Fragilède,
dont l’autorité relevait de la sienne, ainsi qu’un grand nombre de chefs de
sa nation, qui venaient faire les mêmes prières, et qui partageaient le même
espoir. Ils offraient tous, dans l’élan de leur joie, de faire oublier leur
conduite passée en portant avec zèle et fidélité le fardeau des engagements
qu’ils allaient contracter, et ils se mirent à la discrétion du peuple
romain, avec leurs biens, leurs femmes, leurs enfants, et la totalité des
terres qu’ils possédaient. Mais la clémence jointe à l’équité prévalut. On
les invita à retourner sans crainte dans leur pays, et ils rendirent nos
prisonniers ; puis ils livrèrent les otages convenus, et promirent d’obéir
désormais avec le plus grand zèle aux ordres qu’ils recevraient. Cet exemple
de clémence produisit son effet : Arahaire et Usafre, tous deux issus du sang
royal, tous deux chefs de leurs tribus et tous deux revêtus du commandement,
se hâtèrent d’en profiter, et arrivèrent avec tous ceux qui relevaient de
leur pouvoir. L’un commandait aux peuples d’au-delà les monts (transjugitani), et à une partie des Quades, l’autre à une partie des
Sarmates ; tous deux étroitements unis par la barbarie de leurs moeurs, non
moins que par le voisinage de leurs états. L’Empereur, craignant que sous
prétexte de conclure un traité, cette multitude ne se jetât sur ses armes,
résolut de les séparer, et ordonna aux députés des Sarmates de s’éloigner un
peu pendant qu’il examinerait l’affaire de Araharius et des Quades. Ces
derniers se présentèrent dans une posture humiliée, le corps à moitié courbé,
selon l’usage de leur nation. Comme ils ne pouvaient se justifier des crimes
qu’on leur reprochait, et qu’ils craignaient la mort qu’ils avaient méritée,
ils livrèrent les otages réclamés, quoiqu’on n’eût jamais pu jusqu’alors les
amener à cette extrémité. Le Code théodosien va nous fournir maintenant le commentaire et la suite de ce récit : Que nul habitant de nos provinces, de quelque condition et en quelque lieu qu’il soit, ne puisse contracter mariage avec une femme barbare, et qu’aucune femme des provinces ne puisse choisir un époux parmi les gentiles ; que si de pareilles unions se formaient à l’avenir entre les gentiles et nos sujets des provinces, que les coupables soient punis de mort ; car l’expérience a démontré combien ces sortes d’unions sont dangereuses[52]. Ainsi l’Empire, en accueillant les Barbares, craignait de se livrer à eux, et redoutait une alliance trop intime entre les contribuables des provinces et les étrangers, chargés non moins de les surveiller que de les défendre. Puisque plusieurs d’entre les gentiles, s’attachant à la fortune de Rome, se sont transportés dans notre Empire pour y recevoir des terres létiques, que personne n’obtienne la moindre parcelle de ces terres sans un ordre de notre part ; et comme quelques-uns en ont occupé plus qu’ils n’en ont obtenu, et cela par la collusion des Principaux ou des Défenseurs, et que d’autres se sont fait donner, par des rescrits subreptices, une quantité plus grande que la raison ne le voulait : qu’un inspecteur spécial soit envoyé pour reprendre toutes celles qui ont été accordées mal à propos ou envahies sans raison légitime[53]. Ainsi, malgré les jalouses et impuissantes précautions des empereurs, les sympathies des provinces continuent de favoriser et d’enrichir les Barbares aux dépens de l’Empire, et la solidarité entre le contribuable et le soldat étranger devient chaque jour plus étroite. Nous apprenons que les terres accordées aux gentiles par la sagesse pleine de miséricorde de nos pères, à la charge d’entretenir et de défendre la limite et le retranchement, ont été usurpées par certains. Que s’ils persistent à les retenir par cupidité et avarice, qu’ils sachent qu’ils acceptent avec elles l’obligation de contribuer à l’entretien du rempart et à la défense des limites, comme ceux sur qui nos pères s’étaient reposés de ce soin. Autrement, qu’ils sachent encore que ces terres, comme la justice l’exige, seront rendues ou à des gentiles, s’il s’en trouve, ou du moins à des vétérans ; afin que, par le maintien de cette sage politique, la garde du retranchement et du rempart ne donne lieu à aucune crainte[54]. Ainsi, le poste périlleux que les Romains avaient déserté à la frontière pour en confier la garde aux Barbares, les Barbares le désertent à leur tour, et le laissent exposé sans défense aux attaques des nations d’outre-Rhin. Le plus souvent, nous l’avons vu, les lètes, et particulièrement les Tètes des frontières, n’avaient d’autre obligation que celle de les défendre en cultivant les terres qu’on leur accordait, et qui étaient en même temps le gage de leur fidélité et le prix de leurs services. Mais quelquefois, au lieu d’être placés sur les frontières, ils étaient parqués dans l’intérieur des provinces, et alors ils subissaient indistinctement toutes tes charges qui pesaient sur les autres contribuables au milieu desquels ils vivaient. Il semble que les Francs et les Chamaves, dont parle Mamertin dans le passage du Panégyrique de Constance Chlore que nous avons déjà cité, aient appartenu à cette catégorie ; et c’est particulièrement dans leurs rangs qu’il faut chercher ces coloni homologi du Code qui devaient à la République des liturgi, qui étaient attachés à la glèbe, comme les serfs, et qui, comme eux encore, ne pouvaient ni la vendre, ni la quitter[55]. Les Allemans, nous dit Ammien Marcellin, sous la date de 370[56], chassés de la Germanie par la crainte des Burgondes, se dispersèrent dans les Rhœties ; mais Théodose, qui était alors maître de la cavalerie, les attaqua, les tailla en pièces, et envoya en Italie, sur l’ordre exprès de l’empereur, tous ceux qui tombèrent vifs entre ses mains. Ils sont maintenant employés à cultiver les terres stériles qui leur ont été assignées dans le voisinage du Pô, et ils en paient le tribut à l’empereur. Cette lèpre de la Barbarie se répandit peu à peu, de proche en proche, sur toute la surface de l’Empire. La Gaule en fut couverte ; et la Notice nous la montre, au commencement du Ve siècle, parsemée de colonies franques, suèves, taïfales, sarmates, allemandes, bataves, teutones, etc., qui s’accroissent indéfiniment de tout le terrain que la culture romaine abandonne[57]. Nous rions des vains efforts de la législation impériale pour les chasser de ces terres qu’elle vient de leur livrer, et que la solitude envahissait à défaut des Barbares[58]. Lorsque les empereurs avaient fait une battue heureuse dans ces immenses forêts d’outre-Rhin, ils rentraient en tramant après eux des milliers de captifs, destinés à étayer à leur tour l’énorme colosse qu’ils avaient un moment ébranlé. Le déclamateur qui louait Maximien Hercule de ses atroces cruautés nous les représente entassés pêle-mêle, sous les vastes portiques des villes romaines, hommes, femmes, enfants, vieillards, enchaînés deux à deux, et attendant que le vainqueur ait décidé lequel des déserts de l’Empire sera fécondé par leurs sueurs[59]. Quelquefois les plus courageux et les plus forts étaient réservés pour les plaisirs du peuple, et venaient expirer dans l’arène, sous la dent des bêtes, à côté du gladiateur. Les bêtes en étaient fatiguées ![60] Bientôt les terres de l’Empire ne furent plus cultivées que par des mains barbares, de même que ses frontières n’étaient plus défendues que par elles. Ces coloni, ces inquilini, ces originarii, toute cette plèbe des champs que la législation impériale essaie de fixer au sol par tant de vaines précautions, et qu’elle poursuit dans tous les asiles où elle cherche un abri contre ses atteintes, ne se composent que de Barbares, emmenés en Italie par les légions, et achetés comme esclaves dans les marchés de Rome. C’étaient des auxiliaires tout prêts pour ces bandes germaniques qui devaient franchir une dernière fois le Rhin et le Danube, au Ve siècle, pour aller à leur tour dresser leurs tentes au pied du Capitole, et lui faire expier en un jour quinze siècles d’insolentes prospérités. Mais à côté de ces lètes que la victoire a désarmés, et qui subissent les conditions de leur défaite sans avoir le droit de les discuter, l’Empire employait d’autres Barbares qui traitaient librement avec lui et qui ne contractaient d’autres obligations que celles qui s’accordaient avec leurs intérêts ou leurs préjugés. C’étaient des tribus indépendantes qui, tout en se mettant aux gages des empereurs, prétendaient conserver leur nationalité, et se regardaient moins comme les sujets que comme les alliés des Romains. Et en effet, ils gardaient sous les drapeaux de Rome leurs chefs indigènes, leurs armes, leur cri de guerre, leur organisation nationale, et prenaient le plus souvent, au lieu du nom équivoque de gentiles ou de lœti, le titre plus caractéristique de fœderati ou d’alliés. Les passages suivants d’Ammien et de Jornandès feront mieux comprendre cette différence. L’empereur (Constance), jaloux
de ces beaux exploits de Julien, et craignant qu’il ne fût réservé à une
gloire plus grande encore, envoya, à l’instigation du préfet Florentius,
disait-on, Décentius, qui était Tribun et Notaire, pour enlever immédiatement
à Julien les auxiliaires Hérules et Bataves, avec les Celtes et les
Pétulants, et en outre trois cents hommes choisis dans les autres corps, avec
l’ordre de les faire partir au plus vite, sous prétexte qu’il en avait besoin
pour marcher, à l’entrée du printemps, contre les Parthes..... Julien se tut,
et dut se résigner, laissant un libre champ aux volontés impériales. Mais, ce
qu’il ne put ni taire, ni dissimuler, c’est qu’il ne fallait user d’aucune
contrainte envers des Barbares qui n’avaient abandonné leurs demeures d’outre-Rhin
pour entrer dans la Gaule, que sous la réserve qu’ils ne seraient jamais
contraints de marcher au-delà des Alpes. Il ajouta que l’on devait craindre
par là de dégoûter à l’avenir du service de la République des Barbares qui ne
contractaient que des engagements volontaires, et qui étaient habitués à ne traiter
avec nous qu’à ces conditions[61]. Le passage de Jornandès n’est pas moins explicite. Pendant que Constantin bâtissait
la cité qui depuis est devenue si fameuse sous son nom, il s’appuya sur le
concours des Goths, qui, ayant fait alliance avec le fondateur, lui offrirent
un secours de quarante mille hommes contre différentes nations et aujourd’hui
encore on les trouve dans les armées de l’Empire, avec le même chiffre et le même
nom, c’est-à-dire celui de fœderati. Toute cette même armée resta de
nouveau au service de Théodose, finit par accepter le joug de la domination
romaine, et ne fit plus, en quelque sorte, qu’un seul corps avec les soldats de
l’Empire[62]. On le voit, les fœderati avaient, par la nature même de leurs engagements avec Rome, et presque toujours par leur puissance et par leur nombre, une importance qu’on ne saurait accorder aux lètes proprement dits, quoique les uns et les autres aient peut-être également contribué à la ruine de l’Empire. Les premiers, en consentant à le servir, faisaient leurs conditions, exigeaient des garanties et se réservaient toujours de rompre l’engagement lorsqu’il cesserait de leur convenir ; les seconds, admis seulement à titre de suppliants ou de vaincus, ne pouvaient avoir de semblables prétentions, et se partageaient arbitrairement, au gré du peuple maître, entre la glèbe et l’armée. Mais il était fa cite de prévoir que cette distinction tendait de jour en jour à disparaître dans la même proportion que les lètes se multipliaient, et devait cesser au moment où l’équilibre entre eux et les Romains serait définitivement rompu. Dès lors et lètes et fédérés, déjà réunis sans le savoir dans un intérêt commun de secrète hostilité contre Rome, devaient se réunir encore pour lui faire la loi au lieu de continuer à la recevoir, et pour se partager ses dépouilles le jour où elle ne serait plus assez forte pour les défendre. Alors aussi, et tètes et fédérés, au lieu de se contenter de la position qui leur avait été faite ou qu’ils avaient acceptée, seraient conduits, par le seul sentiment de leur force et la faiblesse des Romains, à se faire par la violence ou la ruse une position selon leur fantaisie, et à augmenter indéfiniment, selon la passion ou l’intérêt de chaque jour, la récompense primitivement affectée à leurs services. Ainsi les lètes, distribués sur toute la surface de la Gaule, continuèrent d’usurper arpents sur arpents, villages sur villages, pendant que les fœderati, changeant de condition à leur tour, s’établissaient à demeure sur cette terre romaine qui d’abord n’était pour eux qu’un lieu de campement, et s’emparaient de la moitié des provinces de l’Empire sous prétexte de défendre l’autre. Dès lors la distinction primitive n’eut plus de sens ni de valeur ; les lètes et les fœderati, devenus propriétaires au même titre, renoncèrent à des dénominations qui ne répondaient plus ni à leur condition ni à l’idée qu’ils en avaient, et remplacèrent les noms d’auxiliaires et d’alliés par le titre plus expressif d’hôtes (hospites) du peuple romain. En effet, les Alains, les Suèves, les Wisigoths, les Burgondes, qui au Ve siècle se partagèrent l’Espagne et la Gaule, étaient, nous le verrons, les hôtes de l’Empire et les soldats de l’empereur. Ainsi Rome, an lieu d’éloigner le danger, ne fit peut-être que le rapprocher d’elle. A force de solder et d’acheter des Barbares, elle finit par transporter la barbarie dans son sein ; et ce n’est plus sur le Rhin, mais dans la Gaule qu’elle devra désormais la combattre. Autrefois, du temps de la République, elle avait livré des batailles à ses esclaves révoltés : elle dut se résoudre à recommencer la lutte contre ses fœderati, le jour où il plairait à ceux-ci de changer tes rôles. La tentation était trop violente ; elle l’emporta dès avant la mort de Néron. Les Barbares s’étaient comptés. Ils ne voyaient d’autre force dans cet empire que celle qu’il leur empruntait[63]. Les provinces, qui n’avaient jamais accepté sans réserves le joug de la domination romaine, le portaient en frémissant, et continuaient à s’agiter sous la main qui les tenait renversées. Les factions qui déchiraient l’Empire et la guerre civile qui allait l’ensanglanter de nouveau, venaient en aide à leur vengeance, et semblaient l’avoir déjà commencée. Le monstrueux gouvernement des princes avait dégradé le pouvoir sans rien ôter à la haine qu’il inspirait. Les légions, après l’avoir corrompu, le rendaient impossible en prétendant le réformer. Trois empereurs s’étaient succédé en deux ans, et l’Italie avait vu des spectacles inouïs, d’étranges vicissitudes, des triomphes d’un jour et d’irréparables revers. La tête du vieux Galba avait été promenée dans les rues de Rome par ses soldats révoltés ; deux centurions avaient suffi pour placer l’Empire entre les mains d’Othon[64]. Vitellius, saisi et enchaîné par un simple tribun dans son palais désert, venait d’être jeté aux gémonies ; et le Capitole, deux fois pris et repris par les factions opposées, avait été brûlé par des mains romaines[65]. Alors les Druides, au fond de leurs forêts, annoncèrent que le moment marqué par les destins était enfin venu, et que l’empire du monde allait passer aux nations transalpines[66]. Velléda, la vierge barbare, fit parler du haut de sa tour le dieu inconnu dont elle était l’organe, le batave Civilis appela la Gaule à la liberté et la Germanie au pillage ; et, pour la première fois, les deux forces dont le concours semblait nécessaire pour achever la ruine de l’Empire, les attaques des Germains et le soulèvement des provinces, se trouvèrent réunies pour la commencer. Les Bataves étaient une des nombreuses tribus de la Germanie qui avaient accepté le joug de Rome, et n’avaient pas cru aliéner leur liberté en l’acceptant, parce qu’elles s’étaient réservé le droit de régler les conditions de leur servitude. Ils appartenaient à la grande famille des Cattes, l’une des plus belliqueuses de la Germanie. Une sédition domestique les en avait détachés, et ils étaient venus demander aux Romains un asile et des terres à cultiver. On leur céda la petite île comprise entre les deux bras du Rhin, qui devint dès lors l’île des Bataves ; et ils se chargèrent du soin de la défendre au profit de ses anciens maîtres[67]. Placés sur les frontières de l’Empire, et enrôlés sous ses drapeaux, ils purent à la fois observer de plus près les ravages du mal intérieur dont il était rongé, et en hâter habilement les progrès en intervenant dans toutes les crises. Ils avaient pris une part active aux révolutions qui venaient d’en ébranler les fondements. Les cohortes auxiliaires des Bataves avaient favorisé en secret le mouvement de Vindex[68], et se préparaient à marcher sur l’Italie avec les Gaulois leurs alliés ; lorsque la victoire inattendue et peut-être involontaire de Virginius Rufus arrêta les uns et les autres[69]. L’insurrection un moment comprimée se releva avec Galba, et triompha avec lui. La monstrueuse tyrannie de Néron fut enfin renversée ; mais sa chute commença la dissolution de l’Empire, en préparant l’affranchissement des peuples qu’il tenait courbés sous son joug. C’était l’esprit des provinces insurgées contre la domination de l’Italie qui venait de placer le vieux Galba sur le trône, et son avènement signale une réaction qui doit se terminer par la ruine de Rome et la délivrance du monde ; mais l’effort durera quatre cents ans. Le vieil esprit de l’Italie, appuyé sur les institutions impériales et sur cette force de cohésion qui reste encore aux empires mourants, tua Galba en quelques jours ; et les prétoriens, en proclamant Othon, le plus fidèle et le plus débauché des amis de Néron, proclamèrent de nouveau là suprématie des vainqueurs sur les vaincus, de la cité conquérante sur les nations conquises. Un second effort des provinces renversa Othon à son tour, et mit Vitellius à sa place. Vitellius, proclamé sur le Rhin, par les légions de la Germanie, vainquit à Bédriac avec les soldats de la Gaule[70]. Mais un orage qui s’était lentement formé en orient, vint tout à coup fondre sur l’Italie, et emporta en un instant cette création éphémère : Vespasien avait succédé à Vitellius, et jeté les fondements d’une autre maison impériale. Mais c’était encore le principe hostile à la domination de l’Italie qui triomphait à la fois à l’orient et au nord ; le grand secret de l’Empire éclatait partout en même temps, et il était prouvé désormais qu’ on pouvait créer des empereurs partout ailleurs que dans la cité souveraine[71]. Ainsi se trouva déjouée la puérile et vaine précaution d’Auguste, qui avait cru enchaîner la révolte et rendre pour l’avenir les révolutions impossibles, en défendant aux sénateurs de sortir de l’Italie sans la permission du sénat[72]. Ce n’était plus le sénat qui était à craindre, mais bien la force aveugle qui venait de l’asservir, et dont l’heureux Auguste était resté le seul dépositaire. L’avènement de Vespasien termina la guerre civile ; mais la guerre des Gaules venait de prendre un immense développement. Il ne s’agissait plus, comme au temps de Néron, de renverser un tyran, mais de démembrer l’Empire, et d’établir sur ses ruines cet autre empire des peuples du nord que les destins avaient promis. Le signal était donné ; et pendant que les légions s’exterminaient à Crémone et se poursuivaient jusqu’à Rome, pour y vider leur querelle au milieu de l’embrasement de la ville ; le batave Civilis appelait de nouveau ses frères à la révolte, y entraînait après lui les Tongres, les Bructères, les Canninéfates, les Frisons, les Trévires, et soulevait en même temps toutes les tribus de la Germanie et toutes les nations de la Gaule[73]. L’impétuosité gauloise devait essayer la première de secouer le joug de cette lourde domination qui écrasait tant de peuples. La politique romaine, qui avait pu abaisser les cimes des Alpes pour achever la conquête de César, et qui la renouvelait chaque jour en inondant la Gaule de ses armées, de ses moeurs, de ses vices, échoua devant la haine héréditaire, insurmontable des deux races[74]. En vain le sénat avait-il étendu jusqu’à elle ce précieux droit de cité que le reste du monde lui enviait[75] ; en vain Claude venait-il de rouvrir aux familles nobles de la Gaule ce même sénat d’où la mesquine prudence d’Auguste les avait une première fois écartées[76] ; la Gaule s’obstinait dans sa résistance et restait fidèle à toutes ses rancunes. Depuis les victoires du dictateur elle ne cessait de protester en faveur de son antique indépendance par de vaines séditions et des complots impuissants. On peut dire que la Gaule a été pendant douze siècles le perpétuel, l’indestructible ennemi du nom romain. Leur inimitié commence presque avec la fondation de la ville, et ne finit que lorsque la cité souveraine a cessé d’être quelque chose dans le monde. La République se fatigue à couper les têtes de cette hydre qui renaissent toujours en-deçà comme au-delà des monts ; et l’Empire ne l’a pas plutôt abattue à ses pieds, qu’elle se redresse devant lui plus menaçante que jamais[77]. Lorsque Auguste, après la journée d’Actium, entreprit pour la première fois de soumettre la Gaule aux formes de l’administration romaine, elle courut aux armes en tumulte et ne les déposa qu’en présence d’Agrippa[78], pour les reprendre à l’avènement de Tibère[79]. La mort de Germanicus amena une autre crise ; et une insurrection générale éclata à la voix de Julius Florus et de l’Eduen Sacrovir[80]. Le mouvement fut encore étouffé et tout rentra dans le silence. Un siècle d’apparente soumission aboutit enfin à l’insurrection de Vindex, puis à cette guerre des Bataves qui les résumait toutes. Celle-ci paraissait devoir être la dernière. Déjà deux armées romaines avaient été mises en fuite, et Civilis en assiégeait les restes dans leur camp de Vetera[81]. Les vaincus, dans leur égarement, tournèrent leur fureur contre eux-mêmes, trempèrent leurs mains dans le sang de leurs propres chefs, et semblèrent conspirer avec l’étranger pour la ruine de Rome. Le vieux Hordéonius Flaccus se vit arraché de sa tente et égorgé par ses soldats[82] ; Herennius fut meurtri de coups, chargé de chaînes, abreuvé d’outrages[83] ; Vocula fut poignardé en descendant du tribunal du haut duquel il venait de rappeler les légions au devoir[84]. Alors le Gaulois Classicus s’avança revêtu des insignes du commandement, et en présence du cadavre il força les Romains à prêter serment à l’empire des Gaules[85] ; pendant qu’un autre Gaulois, Sabinus, prenait à la fois la pourpre des empereurs et le nom de César[86]. D’un autre côté, Civilis venait d’entrer à Cologne, la dernière des cités gauloises restées fidèles à la fortune de Rome[87] ; et on annonçait que tous les Barbares de la Germanie se mettaient en marche, à la voix de Velléda, vers le Danube et le Rhin[88]. Mais la trahison des Rhèmes[89] et l’arrivée soudaine des légions qui avaient vaincu à Crémone changèrent la face des affaires. Petitius Céréalis eut la gloire d’éteindre ce vaste incendie. Quelques mois lui suffirent pour disperser tant d’armées. La Gaule, encore une fois, fut remise dans les fers, et les Germains rejetés de l’autre côté du fleuve[90]. Civilis demanda grâce et l’obtint[91] ; Sabinus, resté caché pendant neuf ans au fond d’un souterrain, n’en sortit que pour aller mourir à Rome sous les yeux de Vespasien[92] ; et Velléda, la vierge sacrée des Bructères, y vieillit dépouillée de son auréole, dans le silence et l’oubli[93]. Ainsi cette formidable insurrection, où, pour la première fois, la Gaule et la Germanie avaient agi de concert, échoua comme toutes celles qui l’avaient précédée. L’Empire, un moment ébranlé, s’était de nouveau raffermi sur sa base ; et Céréalis, après avoir désarmé les Gaulois, les réunit pour leur faire la leçon d’histoire que voici[94] : Je n’ai jamais fait un métier de
la parole, et c’est par les armes que j’ai prouvé la valeur du peuple romain.
Mais puisque les mots ont une si haute importance à vos yeux, et que vous
jugez du bien et du mal non d’après leur nature, mais par ce que les
séditieux vous en disent, j’ai résolu, maintenant que la guerre est terminée,
de vous donner quelques conseils qui sont plus dans votre intérêt que dans le
nôtre. Les généraux et les empereurs romains sont entrés dans votre pays,
comme dans celui des autres Gaulois, non par aucun sentiment de convoitise,
mais à la prière de vos aïeux, fatigués de leurs discordes et menacés par
elles d’une prochaine destruction ; car les Germains dont ils avaient imploré
le secours n’avaient apporté que la servitude à leurs amis comme à leurs
ennemis. Quels combats nous avons livrés aux Teutons et aux Cimbres, au prix
de quelles fatigues et avec quel succès nous avons fait les guerres de
Germanie, le monde entier s’en souvient. Et certes, ce n’est pas pour
protéger l’Italie que nous sommes venus camper sur le Rhin[95], mais bien pour empêcher qu’un autre Arioviste ne s’emparât
de la souveraineté des Gaules. Vous croyez-vous donc plus chéris de Civilis,
des Bataves et des nations transrhénanes, que vos pères et vos cieux ne l’étaient
de leurs ancêtres ? C’est toujours le même motif qui pousse les Germains à passer
dans la Gaule ; le libertinage, l’avidité, l’amour du changement ; prêts à
échanger volontiers leurs marais et leurs déserts contre ce sol si fertile et
la possession de ses maîtres. Du reste, ils mettent en avant des promesses de
liberté et de belles paroles ; mais jamais personne n’a désiré la servitude
pour autrui et la domination pour lui-même, sans usurper les mêmes mots. Il y eut toujours des tyrannies
et des guerres dans les Gaules, jusqu’au moment olé vous avez commencé à
faire partie de notre Empire. Pour nous, malgré tant de provocations, nous n’avons
usé de notre victoire que pour vous demander ce qui est indispensable pour
maintenir la paix ; car le repos des peuples est impossible sans armée. Une
armée entraîne une solde, et la solde le tribut. Tout le reste est commun
entre vous et nous. Le plus souvent, c’est vous qui commandez nos légions,
vous qui gouvernez ces provinces et les autres. Pour nous point de
privilèges, pour vous aucune exclusion. Quand le pouvoir est clément, vous en
jouissez comme nous, quoique vous viviez loin de lui ; quand il est
tyrannique, il ne frappe que nous, qui sommes toujours à sa portée. Apprenez
à supporter les désordres et la cupidité de vos maîtres, comme la stérilité
de vos champs, l’intempérie des saisons et les autres maux naturels. Il y
aura des vices aussi longtemps qu’il y aura des hommes ; mais leur action n’est
point continue, et elle se trouve compensée par l’effet des vertus contraires
; à moins toutefois que vous n’espériez un gouvernement plus modéré sous le
règne de Tutor et de Classicus, ou qu’il faille moins d’argent que nous ne
vous en demandons pour rassembler des armées capables de tenir en respect les
Germains et les Bretons. Car supposez (et puissent les dieux épargner au monde un tel malheur !), supposez que les Romains soient chassés de leurs
conquêtes : qu’en peut-il résulter, sinon une mêlée générale de toutes les
nations de la terre ? Huit cents années de bonne fortune et de sage politique
ont affermi les pièces de cette vaste machine ; et le téméraire qui
essaierait de l’ébranler périrait lui-même sous ses débris. Mais à vous en
reviendrait le principal dommage, à vous qui avez de l’or et des richesses,
les premières et les plus puissantes causes des guerres entre les hommes.
Aimez donc, respectez la paix, et cette cité dont nous sommes citoyens au
même titre sans distinction de vainqueurs ou de vaincus. Jugez par l’événement
des avantages des deux conditions, et ne préférez point un entêtement qui
vous perdrait à une obéissance qui assure votre repos. Les Gaulois écoutèrent cette rude leçon en silence, et se retirèrent pour songer à de nouvelles révoltes. |
[1] Suétone, in Caligula, 44, 45, 47. — On connaît les vers de Perse, Satyr. VI :
Missa
est a Cæsare laurus
Insignem
ob cladem Germanæ pubis, et aris
Frigidus excutitur cinis........
Essedaque ingentesque locat Cœsonis Rhenos.
[2] Suétone, in Caligula, 46.
[3] Tacite, Annal., IV, 62, 63.
[4] Tacite, Annal., XI, 19, 20 : Beatos quondam duces romanos.
[5] Tacite, Germ., 29 : Protulit enim magnitudo populi romani ultra Rhenum ultraque veteres terminos imperii reverentiam.
[6] Tacite, Annal., IV, 72. XI, 16. XII, 29. — Germanie, 42.
[7] Tacite, Annal., XI, 19. — In Germanie, 20.
[8] Cæsar, Comment., VII, 33.
[9] Cæsar, Comment., VII et VIII. — Il avait aussi des Germains dans l’armée de Pompée. — On les trouve en Afrique, combattant sous les drapeaux de Scipion contre César. — Hirtius, de bell. Afric.
[10] Suétone, in Cæsar, 80.
[11] Suétone, in Auguste, 35. — Dion Cassius, LI, LIV, LV. — Après le désastre de Varus, Auguste les renvoya (Suétone, in Auguste) ; mais ses successeurs les rappelèrent. Dion Cassius témoigne que de son temps on les retrouvait encore à Rome.
[12] Dion Cassius, excerpt. per Vales, p. 745. — St. Augustin, de civit. Dei, lib. V, 17.
[13] Præ valetudine romana. (Prosp. Aquitan., Chronic. ann. 409.) — Fesso imperio subventum. (Tacite, Annal., XI, 24.)
[14] Flavius Vopiscus, in Probus.
[15] Jornandès, de rebus Getic.
[16] Ammien Marcellin, XVIII, 9.
[17] Ammien Marcellin, XVII, 8, et passim.
[18] Ammien Marcellin, XXIX, 6.
[19] Voir au livre 39 de Tite-Live l’admirable peinture des Bacchanales.
[20] Plutarque, in Pompée.
[21] Tacite, Annal., XIII, 35.
[22] Pline, in Panég. Trajan, 13.
[23] Tacite, Annal., II, 18.
[24] Végèce, de re milit., I, 20.
[25] Q. Horat. Flaccus, Epod. VIII.
[26] Tacite, Histor., II, 87. Et 71.
[27] Ælius Spartien, in Adrian : Tricilnia de castris, et porticus, et cryptas et topia diruit.
[28] Ammien Marcellin, XXII, 4.
[29] Remarquons en passant qu’on a grand tort de dire le Thrace Maximin. Il est vrai que Maximin était né dans la Thrace, mais d’un père goth et d’une mère qui appartenait à la nation des Alains : Alexandro Cæsare mortuo, Maximinus ab exercitu factus est omperator, ex infimis parentibus in Thracia natus a patre Gotho, nomine Mecca, matre Alana, quæ Ababa dicebatur. (Symmachus ap. Jornand., de reb. get., I.)
[30] Hieronym., Chronic., ad ann. 379. Valens data lege ut monachi militarent, nolentes fastibus jussit interfici.
[31] Cod. Theod., l. VII, t. 18, in De desertoribus et occultatoribus eorum.
[32] Tacite, Annal., XII, 28. — German., 28. — Voir Strabon VII, 3, § 7, et IV, 3, § 4.
[33] Strabon, Géog., VII, 3, § 7. — Suétone, in Auguste, 21.
[34] Tacite, German., 28.
[35] Tacite, Annal., XI, 19. — Id., in German., 29.
[36] Strabon, Géog., VII, 3, § 7.
[37] Tacite, German., 41.
[38] Tacite, Annal., II, 63.
[39] Tacite, Annal., XII, 80. Acceptis agris in Pannonia locati sunt.
[40] Eumène, Paneg. Constant. Chlor. Sicut postea tuo, Maximiane Auguste, nutu Nerviorum et Treverorum arva jacentia lœtus postliminio restitutus et receptus in leges Francus excoluit : ita nunc per victorias tuas, Constanti Cæsar invicte, quidquid infrequens Ambiano, et Bellovace et Tricassino solo Lingonisque restabat, barbaro cultore revirescit.
[41] Dubos, Monarchie française. J. Godefroy. Cod. Théod.
[42] Lampride, in Alex. Sever. : Sola quæ de hostibus capta sunt, limitaneis ducibus et militibus donavit, ita ut eorum ita essent, si hæredes Illorum militarent, nec unquam ad privatos pertinerent ; dicens attentius hos militatures, si etiam sua rura defenderent. Addidit sane his et animalia et servos ut possent colere quod acceperant.
[43] Nam nec tributis contemnuntur, nec publicanus atterit, exempti omnibus et collationibus, et tantum in usum prætiorum sepositi, velut tela atque arma, bellis reservantur. — (Tacite, German., 29).
[44] Voir la note précédente pour les Bataves, et pour les autres, le Cod. Théod., Novell. 31 : Agros etiam limitaneos... quos ex prisca diapositione limitanei, milites ab omni munere vacuos curare... atque arare consueverant. — Nous reviendrons sur ce point, quand nous traiterons la question du tribut public sous les Mérovingiens.
[45] Les deux mots sont indistinctement employés et presque toujours rapprochés dans le Code. Les citations que nous faisons un peu plus bas dans le texte le prouvent. Aujourd’hui encore le mot leuts signifie peuple, gentes, en Allemagne ; et c’est de là, sans contredit, que vient le mot lœti. Mais je ne vois, quoi qu’on en ait pu dire, entre ces lœti et les liti des lois barbares, d’autre rapport que celui d’une simple consonance. Les lètes portaient les armes et possédaient, les lites ne faisaient ni l’un ni l’autre, ou du moins ils ne possédaient que jure colonatus. V. Legg. barber. antiq.
[46] C’est aussi l’opinion de Godefroy, quoiqu’il n’ait pas reconnu l’identité des deux mots. Læti et gentiles vicini, dit-il, ad lib. VII, Cod. Théod., tit. 13, l. 16, — et lib. VII, tit. 15, l. 1. Quid inter hos et illos intersit, nondum video. — Le mot leude, qui vient aussi de leuts, se traduisit en latin par homo, et l’on dit indifféremment l’homme du roi ou le leude du roi. — Voir Lindenbrok, Glossaire, v° Leudes.
[47] Cod. Théod., XI, Ut 24. De patrociniis vicorum.
[48] Cod. Theod., lib. XI, tit. 24, l. 6 : Functiones publicas et liturgos quos homologi cetoni præstare debent...
[49] Functiones publicas et liturgos præstare debent.
[50] Epist. Julian. Cæs. ad Constant. A. ap. Ammien Marcellin, XX, p. 182, Valois : Equos præbeto curules hipanos, et miscendos gentilibus atque scutarlis adolescentes letos quosdam, eis Rhenum editam barbarorum progentem, vel certe ex deditiis qui ad nostra desciscunt.
[51] Ammien Marcellin, XVII, 12.
[52] Cod. Theod., l. III, tit. 14, l. 1 (Valentin. et Valent. Coss. 370.)
[53] Cod. Theod., l. XIII, tit. 11, l. 9 (Honorius, 399.)
[54] Cod. Theod., l. VII, tit. 14, l. 1 (Honorius, 409.)
[55] Cod. Theod., l. XI, tit. 24, l. 6 : Functiones publicas et liturgos quos coloni homologi præstare noscuntur... His sane qui, vicis quibus adscripti sunt, derelictis ad alios seu vicos, seu dominos transierunt, ad sedem desolati ruris, constrictis detentatoribus, redire cogantur.
[56] Ammien Marcellin, XXVIII.
[57] Deserta pars agri Valentini Alanis traditur cum incolis dividenda. (Prosp. Aquit., chronic. ad ann. 440.) V. Cod. Theod., XI, tit. 1, l. 1, 4, 12 et 31. — XIII, tit. ultim., l. 14.
[58] Cod. Theod., XIII, tit. 4, l. 9 : Et quoniam amplius quam meruerant occuparant, etc. V. supra.
[59] Claud. Mamert., in Paneg. Maximian A. : Totis porticibus civitatum sedere captiva agmina Barbarorum, viros attonita feritate trepidantes, respicientes anus ignaviam filiorum, nuptas maritorum, copulatas vinculis, pueros ac poellas familiari murmure blandientes, atque hos omnes provincialibus vestris ad obsequium distributos, donec ad destinatos sibi cultus solitudinum ducerentur.
[60] Eumène, Rhet. Pana. Constant. Cæs. : Puberes, quorum nec media erat apta militiæ, nec ferocia servituti, sœvientes bestias multitudine fatigarunt.
[61] Ammien Marcellin, XX.
[62] Jornandès, De reb. Get.
[63] Tacite, Annal., III, 40 : Quam inops Italia, quam imbellis urbana plebes, nibil validum in exercitibus nisi quod externum. — C’était un des arguments de Janus Florus aux Gaulois qu’il voulait soulever contre Rome.
[64] Tacite, Histor., I, 25 : Suscepere duo manipulares imperium romanum transferendum et transtulerunt.
[65] Tacite, Histor., III, 71.
[66] Tacite, Histor., IV, 54 : Possendonem rerum humanarum transalpinis gentibus portendi, superstitione vana Druidæ canebant.
[67] Tacite, German., 29, et Histor., IV, 12.
[68] Tacite, Histor., IV, 13 : Julius Paullus ci Claudius Civilis, regia stripe, multo cœteros anteibant. Paullum Fonteius Capito faiso rebellionis crimine interfecit, injectæ Civili catenæ, missusque ad Neronem.
[69] Dion Cassius, Histor.
[70] Tacite, Histor., II, 69 : Reddita civitatibus Gallorum auxilia, ingens numerus.
[71] Tacite, Histor., I, 4 : Evulgato imperii arcano, posse principem alibi quam Remæ fieri.
[72] Dion Cassius, LX.
[73] Tacite, Histor., IV, 15-25-54-55-66.
[74] Depuis qu’elles se sont rencontrées en Italie, elles n’ont cessé de se combattre. Les romains savaient d’avance ce qu’ils pouvaient en attendre. Sed præcipuum robur Rhenum juxta, commune in Germanos Gallosque subsidium, octo legiones (Tacite, Annal.)
[75] Tacite, Histor., I, 8.
[76] Tacite, Annal., XI, 23.
[77] Les Romains s’en sont vengés par des épigrammes à une époque où ils n’avaient plus guère d’autres armes. Trébellius Pollion, in Gallien : Galli quibus insitum est leves esse ac degenerantes a civitate romana et luxuriosos principes ferre non posse. — Ælius Lampride, in Alex. Sever. : Gallicanæ mentes, ut sese habent, duræ ac retrograde et sæpe imperatoribus graves. — Flavius Vopiscus, in Saturn. : Saturninus oriundus fuit Gallis, ex gente hominum inquietissima et avida semper vel faciendi principes, vel imperii.
[78] Dion Cassius, Histor., XLVIII.
[79] Tacite, Annal., I.
[80] Tacite, Annal., III, 40-47.
[81] Tacite, Histor., IV, 16, 18.
[82] Tacite, Histor., IV, 36.
[83] Tacite, Histor., IV, 27.
[84] Tacite, Histor., IV, 59.
[85] Tacite, Histor., IV, 59. Sumptis romani imperii insignibus. — Juravere qui aderant pro imperio Galliarum.
[86] Tacite, Histor., IV, 87. — Dion Cassius, Suétone, in Vespas.
[87] Tacite, Histor., IV, 66.
[88] Tacite, Histor., IV, 58, 61.
[89] Tacite, Histor., IV, 69.
[90] Tacite, Histor., IV, 71-79, et V, 14-25.
[91] Tacite, Histor., V, 28.
[92] Tacite, Histor., IV, 67. — Suétone, in Vespas.
[93] On peut le présumer d’après ces paroles de Tacite, German., 8 : Vidimus sub divo Vespasiano Velledam, diu apud plerosque numinis loco habitant.
[94] Tacite, Histor., IV, 73.
[95] César, nous l’avons vu, dit précisément le contraire, et c’est César qui a raison.