HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME TROISIÈME

 

CHAPITRE LXI. — La dernière année de Dubois (10 novembre 1722-10 août 1723).

 

 

Famille du Régent. — Drapiers. — Boulangers. — Nouvellistes. — Actes notariés. — Maladie du Roi. — Majorité. — Lit de justice. — La dernière phase de Dubois. —L’abbaye de Saint-Bertin. — L’Académie française. — Autres honneurs. — Lutte contre le maréchal de Villeroy et contre le duc de Chartres. — Intervention du chevalier Schaub. — Toute-puissance de Dubois. — Vengeance de Dubois. — Exil de Le Blanc. — Disgrâce de Belle-Isle. — Activité débordante de Dubois. — Sa maladie. — Ses violences de langage. — Crise prochaine. — Dernières journées. — 4 août. — 6 août. — 7 août. — 9 août. — Confession. — Entrevue avec le duc d’Orléans. — Opération. — Agonie et mort. — La succession.

 

Famille du Régent

Au retour du sacre, l’instruction politique du Roi fut suivie avec plus d’assiduité. Dubois ne voyait pas sans inquiétude approcher la majorité, il en prit occasion pour arracher au Régent une décision malaisée à obtenir. Après avoir vécu en public avec la duchesse de Fallary[1] et avec la comtesse de Parabère[2], le duc d’Orléans avait affiché Mme d’Averne, femme d’un officier aux gardes[3] ; mais son « vieux sérail » ne renonçait pas à la lutte[4]. Quoiqu’il eût dit, « Nous ne sommes pas de fer, il faut se ménager[5] », le prince ne parvenait plus à se débarrasser des tracasseries[6] et des débauches[7] dont l’éclat pouvait lui nuire dans l’esprit d’un jeune roi timide et peu disposé à badiner sur ces  matières[8]. Il fallait sacrifier la maîtresse en titre ; le duc d’Orléans, le jour même du retour du Roi à Versailles, dit à Mme d’Averne qu'il n’avait aucun sujet de se plaindre d’elle, qu’il lui ferait plaisir dans toutes les occasions, mais qu’il ne convenait plus de donner au Roi, à son âge, l’exemple d’avoir une maîtresse déclarée[9]. « Comme il est capable de tout, écrit Mathieu Marais, il est retourné avec Mme la duchesse d’Orléans, sa femme ; il y mange, paraît avec elle dans une très grande liaison, et y couche[10]. »

Redevenu mari exemplaire pour un instant, le prince ne cesse pas d’être excellent père. Il vient de conclure le mariage de sa fille, Mlle de Beaujolais, avec don Carlos, second Infant d’Espagne à qui le traité de la Quadruple-Alliance destine les duchés de Parme et de Toscane[11]. La princesse à huit ans et le fiancé en a six, le public s’amuse de tous ces projets de mariage et conclut que « M. le Régent ne s’endort pas sur l’établissement de ses enfants[12] ; voilà encore une fille bien mariée[13]. » Cette charmante enfant, si différente de ses sœurs[14], part le 1er décembre pour l’Espagne après avoir pris congé de son aïeule, Madame, qui l’a fait mettre sur son lit et, après l’avoir embrassée, les larmes aux yeux, lui a fait ses adieux car elle va mourir dans peu de jours. Le 8 décembre, à trois heures du matin, la vieille princesse meurt à Saint-Cloud[15], laissant son fils accablé de douleur[16]. « On perd une bonne princesse, dit le public, c’est chose rare ![17] », mais on se souvient que cette vieille femme fantasque « ne faisait ni bien ni mal à personne[18] » et on se répète l’épitaphe qu’on vient de lui faire :

Ci-gît l’Oisiveté.

Mère de tous les vices ! Ceux qui calculent, supputent qu'à ce deuil le Roi gagne plus de cinquante mille écus de pension[19].

 

Drapiers

Les drapiers de Paris, eux aussi avaient supputé que ce grand deuil leur permettait d’augmenter les draps noirs de près d’une pistole par aune et les marchands de soierie calculaient de même. Mais le lieutenant général de police envoie chez tous, le 8 au lever du jour, les commissaires des quartiers qui dressent procès-verbal des marchandises en magasin et, le surlendemain, on affiche à leurs portes le tarif auquel ils devront vendre les étoffes de deuil : Paignon, Bercy, Ras de Saint-Maur. On dit quelles reviennent plus cher aux marchands, mais peu importe, « ce sont tous des fripons[20] ».

 

Boulangers

Fripons également les boulangers qui haussent le prix du pain jusqu’à 4 sols 6 deniers la livre ou qui vendent à faux poids. Quelques-uns s’en repentiront, mais surtout Lartigue, qui vend le pain à plus de douze sols la livre ; arrêté, il est conduit au Châtelet avec sa femme et ses enfants, et sa boutique sera murée pendant quatre mois. Un autre boulanger, rue de Reuilly au faubourg Saint-Antoine, aura aussi sa boutique murée, mais lui et sa femme y seront enfermés et recevront du pain et de l’eau pour leur subsistance par un trou pratiqué entre les solives du plafond[21].

 

Nouvelliste

Les gazetiers ne sont pas mieux traités. Le lieutenant général de police fait défense aux nouvellistes de répandre dorénavant aucun feuillet de nouvelles à la main sous des peines rigoureuses, en outre il oblige ceux qu’il tolère à lui soumettre deux fois la semaine une double copie de ces nouvelles pour être corrigée et châtiée, avec défense d’y rien ajouter[22].

 

Actes notariés

Mais ne faut-il pas « que cette pauvre France soit toujours tourmentée ?[23] » Au lendemain des « brûlements » qui déterminent l’opération du visa, lorsqu’on a vu des fardes de papiers engloutis dans la cage de fer dont le brasier a été si ardent que les barreaux en sont demeurés tordus[24], après ces maux en voici d’autres : le contrôle des actes des notaires a été établi par tout le royaume[25]. Marais et Barbier ont peine, en y songeant, à garder leur sang froid. « C’est, dit Marais, un travail consommé d’un démon d’homme qui a prévu tous les cas, et prévenu tous les expédients dont il rend l’art inutile. Il n’y a plus ni secrets dans les familles, ni sûreté, ni commerce, et personne ne veut plus faire de contrats parce qu’il en coûte des sommes considérables pour le contrôle[26]. » Le tarif, disposé en ordre alphabétique, fixait les droits suivant cette inégalité flagrante qui fut la règle des administrations monarchiques : ainsi un contrat de vente de dix mille livres était frappé d’une taxe de cinquante livres, alors qu’un contrat de vente de vingt mille livres ne supportait que soixante livres. Le contrat de mariage coûtait cinquante livres au gentilhomme qualifié ; trente livres au gentilhomme ; vingt à l’officier de justice ; trois à l’artisan ; une livre dix sols au journalier de campagne. L’article 94 du tarif stipule que tous les actes non désignés de manière expresse paieront les droits sur le pied de ceux avec lesquels ils auront le plus de rapport. L’édit du 29 septembre 1722 souleva un mécontentement qui ne s’apaisa plus tant que dura l'ancien régime. « Depuis près de soixante ans, écrit à la veille de la Révolution l’économiste Le Trosne, des milliers de travailleurs ont employé tous leurs soins et leur application à interpréter, à étendre, à contourner de mille manières le tarif de 1722[27]. »

 

Maladie du Roi

On prenait patience, on se répétait que, bientôt, le Roi serait majeur et, sans croire que rien fût changé, on se flattait de quelque chimérique soulagement. La date approchait, 16 février. Le 5, le Roi fit une battue de lapins, se fatigua beaucoup, marcha dans les ruisseaux, rentra mouillé et glacé, mais refusa de changer de bas. Le 6, il mangea du bœuf et de la perdrix avec excès ; le 7, qui était le dimanche gras, il se trouva mal pendant la messe et s’évanouit ; on l’emporta, mais il reparut bientôt et dîna à son petit couvert. L’après-dînée on l’empêcha de faire sa promenade, voyant cela il monta sur les toits et dans les gouttières du Château et se divertit à jeter du plâtras dans les cheminées. Le 8, il parut quelques rougeurs sur le corps, avec un mouvement de fièvre et mal à la tête, on craignit la petite vérole et l’alarme fut dans Paris ou chacun faisait déjà son commentaire ; on disait qu’il avait été empoisonné en communiant le jour de la Purification. Le mardi-gras, le Régent se rendit à Versailles de bon matin ; on fit te saignée le 9, on purgea le 10 « et ainsi a fini la maladie[28] ». Elle avait duré assez pour mettre bien des soupçons sur le compte du Régent, aussi envoya-t-on des commissaires dans les maisons dire, par ordre supérieur, que le Roi se portait bien et qu’il n’y avait rien à craindre[29].

 

Majorité

Il n’y avait rien non plus à espérer. Depuis son sacre, l’enfant devenait loquace à ses heures : « Je veux » disait-il. « La volonté du Roi est la loi ». Il refusait d’étudier, se moquait de son gouverneur et mettait l’évêque Fleury, son précepteur, à la porte de son cabinet[30], ou bien il donnait ordre que désormais il n’y eut plus deux lits dans sa chambre[31] ; tout ceci ne dura guère et, à la veille de la majorité, on savait que tout irait après comme devant et que le Roi lui-même avait prié sous-intendant, gouverneur, précepteur, de lui continuer leurs soins, commandé de laisser le deuxième lit dans sa chambre et repris sa taciturnité. Étant né le 15 février 1710 à huit heures du matin, Louis XV entrait le mardi 16 février, dans sa quatorzième année : Attigit annum quatuordecimum, aux termes de ledit de Charles V du mois d’août 1374. « Le 16 au matin, raconte le duc d’Antin, M. le duc d’Orléans vint au réveil du Roi. Il n’y avait que M. le Duc, M. le duc de Tresmes et moi. Il dit à Sa Majesté, qu’il venait lui remettre le soin de l’État qu’il avait bien voulu lui confier ; qu’il avait le bonheur de lui rendre tranquille en dehors et en dedans ; qu’il avait fait de son mieux, et continuerait toute sa vie ses services avec le même zèle et la même affection ; et qu’il était présentement le maître absolu. Le Roi ne répondit rien[32], car il ne répond rien à personne ; il fut même assez sérieux dans son lit ; mais quand il fut levé et retiré dans son cabinet, il parut fort gai et fort content. Une puce l’incommodait ; M. de Fréjus lui dit : « Sire, vous êtes majeur, vous pouvez ordonner sa punition » — « Qu’on la pende » dit-il[33] » — Le soir, il donna l’ordre pour la première fois aux gardes du corps et aux mousquetaires.

Ainsi s’ouvrit le règne ! « Il y a longtemps qu'on parlait de ce jour, enfin arrivé[34]. Dieu veuille, disait-oh, que ce soit pour sa gloire et pour notre bonheur ![35] »

 

Lit de justice

Le 20, Louis XV arriva à Paris sur les six heures du soir, et le lundi 22 se rendit du Louvre au Parlement en grand cortège, entendit la messe à la Sainte-Chapelle et se rendit à la Grand’- Chambre où toute la séance fut bâclée en une heure. Le duc d’Orléans parla, le vice-chancelier complimenta, le Roi prononça trois mots qu’on n’entendit pas et ce fut tout. « On était fou d’attendre dans ce jour autre chose d’un enfant de treize ans[36] », qui ne voulut aller ni à la Comédie, ni à l’Opéra malgré toutes les instances, et ne répondit pas un seul mot à tous les compliments[37].

 

La dernière phase de Dubois

Il n’existait plus de Régence ni de Régent, mais le premier acte que le jeune Roi avait fait de son autorité maintenait le duc d’Orléans à la tête de toute l’administration et confirmait le choix déjà fait du cardinal Dubois pour premier ministre[38]. « Parti très sage, disait le public, n’étant pas naturel de livrer à lui- même un prince si jeune et qui ne sait encore rien[39] » ; mais parti qui livrait le royaume au premier ministre. Celui-ci, croyait-on, « s’emparait furieusement de l’esprit du Roi et les grandes politiques prévoyaient quasi que le duc d’Orléans pourrait être la dupe du gros crédit et de la place » que sa nonchalante complaisance avaient donnés à Dubois[40].

 

L’abbaye de Saint-Bertin

Ce dernier était revenu du voyage de Reims déterminé à ne lésiner sur rien, à ne plus ménager personne. Il avait tenu table ouverte, traité les princes du sang, étonné ses hôtes par son luxe, tellement, écrivait son neveu le factotum, qu’« il est fort a craindre que cela n’ait un peu dérangé les affaires, car il faudra longtemps pour remplacer de si gros frais, aussi notre homme est-il de mauvaise humeur extraordinairement[41]. » Ceci ne dura guère, Dubois détenait la feuille des bénéfices[42] où il était inscrit déjà pour six abbayes ; Nogent-sous-Coucy et Saint-Just, chacune de dix mille livres ; Airvaux et Bourgueil, chacune de douze mille ; Cercamp, de vingt mille ; Bergues-Saint-Vinoc, de soixante mille ; prévoyant la vacance prochaine de l’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer, il s’en fit offrir le titre et le revenu qui était de cent mille francs de rente[43]. Le nonce, instruit de ce nouvel accroc donné aux saints canons, écrivit à Rome de ne pas refuser mais de faire traîner les choses en longueur. Dès que le solliciteur comprit cette tactique, il écrivit à l’abbé de Tencin de pousser cette affaire et de réussir. Que lui opposait-on avec la pluralité des bénéfices ? Richelieu en avait possédé vingt et Mazarin vingt-deux. Et lui, Dubois, n’avait-il pas déployé plus de zèle que ses prédécesseurs pour le service de la religion ? N’avait-il pas été « une colonne inébranlable que nul intérêt, nulle considération et nulle machine n’avait fait chanceler ? » N’avait-il pas exploité pour le service de l’Église la confiance de Son Altesse Royale ? N’avait-il pas soumis le clergé ? Qui plus que lui faisait profession de vénérer le Saint-Père, de se souvenir de ses bienfaits ? Suivant sa méthode constante, qu’un Tencin, un Lafitau, un Chavigny connaissaient bien, Dubois dissimulait la menace afin qu’on sût qu’il saurait y recourir en cas de résistance : « loin que ce soit dans l’intention de faire la moindre violence, c’est au contraire pour témoigner [au Pape] plus de respect », que le ministre sollicitait Sa Sainteté. Non content de forcer les malheureux religieux de Saint-Bertin à solliciter sa nomination, Dubois s’avilissait jusqu’à énumérer ce qu’il appelait ses titres à la nouvelle faveur pontificale, c’était le recours constant à la force pour imposer un chanoine, déplacer un professeur, bouleverser une institution afin de contrarier le cardinal de Noailles et le parti janséniste[44]. Le duc d’Orléans appuyait cette demande et laissait entrevoir au Souverain Pontife qu’en accordant cette grâce, Sa Sainteté ne ferait que faciliter [au premier ministre] les moyens de travailler encore plus efficacement à soumettre les réfractaires à l’obéissance duc au Saint-Siège[45]. » Innocent XIII tarda encore un peu[46], mais il céda et l’annonça lui-même à Tencin « accompagnant cette grâce des expressions les plus touchantes et les plus tendres[47] ».

 

L’Académie française

Pendant cette négociation, le cardinal avait poursuivi d’autres avantages. Non seulement il gratieusait fort Messieurs de la Ville[48], mais il s’attirait la bienveillance des académies. D’abord il jeta son dévolu sur l’Académie française, où il comptait des amis et des compères. Languet de Gergy, évêque de Soissons le haranguait en ces termes : « Formée sous les auspices du cardinal premier-ministre, l’Académie en voit avec plaisir reparaître l’image et elle se flatte de voir bientôt dans la même dignité les mêmes prodiges. Elle se flatte de trouver en vous un second Richelieu[49]. » Dubois répondit assez mal et se contenta « en repassant près du cardinal de Rohan, de lui dire, en lui frappant sur sa bedaine, qui est assez grosse : « Monseigneur, vous m’avez fait rougir[50] ». Ainsi fut posée la candidature. Fontenelle se chargea du reste ; un peu aussi Dacier qui, pour faire une vacance, s’empressa de mourir[51]. Le 16 octobre, on savait que le cardinal avait accepté la place que lui offrait l’Académie[52]. « M. le cardinal de Rohan et M. l’évêque de Fréjus, disait sa lettre, m’ont demandé s’il ne conviendrait pas d’accepter une place à l’Académie française. Je leur ai répondu que c’était la seule dignité qui pouvait être ajoutée à ma fortune. Voilà mes sentiments sur lesquels l’Académie peut régler les siens sans aucune contrainte et sous aucune condition. Je bornais mon ambition à être votre ami, Monsieur, on m’a tenté et je me laisse aller jusqu’à ne pas rougir d’être votre confrère[53] ». Élu le 19 novembre, reçu le 3 décembre par Fontenelle qui le traita de Monseigneur, contre l’usage d’égaliser tous les rangs entre les savants[54]. La harangue de Dubois fut concise et médiocre. Il a « bien prononcé » écrit l’un[55] ; il a une « éloquence digne de son rang » dit l’autre[56].

 

Autres honneurs

Non seulement Dubois est académicien, mais il veut que son secrétaire le soit aussi, propose cet abbé Houteville, et le fait élire, au pied levé, contre l’abbé d’Olivet[57]. Toutes les académies vont se disputer un associé « qui peut tout et ne doute de rien[58] ». Le 15 décembre, l’Académie des Sciences l’élit à la place laissée vacante par d’Argenson[59] et, le 31, elle lui attribue la présidence pour l’année suivante. Le 8 janvier, c’est l’Académie des Inscriptions qui l’élit membre honoraire et surnuméraire[60]. Dubois prenait goût à tous ces hommages. Au sacre du Roi, il avait su arranger toutes choses de manière à se détacher des autres cardinaux pour gagner petit à petit une sorte d’estrade qu’il occupait seul, comme un trône. Au lit de justice de la majorité, le premier ministre avait espéré gagner une nouvelle distinction, et, comme au début de sa carrière officielle, il se fournissait de mémoires et de preuves pour soutenir ses revendications. Au P. Daniel, apoplectique, succédait le P. Tournemine qui disserte doctement et modeste Lancelot qui devine ce qu’on veut lui faire dire. Dubois priait ce dernier de rechercher « depuis quel temps les évêques n’étaient plus appelés aux lits de justice, quelles places ils occupaient quand ils y étaient admis ». Mais la réponse ne pouvait servir de rien et Dubois dut s’abstenir devant la menace d’un scandale : tous les pairs ayant donné parole de sortir s’il entrait[61]. Le cardinal se flatta de pénétrer dans la Grand’Chambre comme représentant du chancelier, ce qui excluait le garde des sceaux, mais il lui fallut y renoncer[62].

 

Lutte contre le maréchal de Villeroy

Cette ambition, d’où la vanité n’était pas exclue, donna l’alarme à tous ceux qu’elle menaçait d’un sort qui n’avait pas épargné le vieux maréchal de Villeroy, quoiqu’il fut comme « un second roi de France[63] ». A Lyon, le vieillard ruminait encore des espérances de faveur, comptait sur son rappel à la majorité[64], adulait le duc de Chartres, la duchesse d’Orléans, Villars et d’Estrées. Il pensait pouvoir compter aussi sur Noailles, Daguesseau, Torcy, Nocé et Canillac et, sans tout savoir, le duc d’Orléans savait assez pour prendre ses mesures au début de l’année 1723. Il envoyait le chevalier de Marcieu faire une tournée dans le royaume et donner le mot à des hommes sur la vigueur desquels on pouvait s’appuyer en toute circonstance : Médavy, à Grenoble ; Saint-Mars, à Lyon ; Basville, en Languedoc[65]. Dubois avait prescrit cette précaution, mais il lui en fallait d’autres. Voulant, disait-il, travailler « sur h matière première », il cherchait à capter la confiance et l’amitié du Roi. Le jour de l’an 1723, il lui offrit un écureuil dans une cage ayant coûté dix mille écus[66] ; le surlendemain le duc d’Orléans commença la leçon d’instruction politique par une invective contre Villeroy qui dura trois séances. C’était un véritable acte d’accusation dont Dubois avait écrit le texte que lisait docilement son ancien élève. Après avoir remonté aux premières années du maréchal, l’avoir représenté comme un homme gâté par la Cour dont il se fit chasser pour ses vues insolentes sur Mlle de La Vallière, Dubois montrait sans peine, on peut le croire, l’incapacité, l’arrogance, les ridicules de ce vieillard ambitieux qui ne vise qu’à s’établir premier ministre à la majorité. Non sans raison, mais avec une cruelle vérité, on rappelait au jeune Roi les boutades de son gouverneur, ses reproches, « ses corrections déplacées en public, capables de faire croire en France et même à l’étranger que Sa Majesté était remplie de défauts », ses coquetteries « avec le Parlement, le peuple de Paris et des halles, dangereuses en un royaume où l’autorité doit demeurer absolument monarchique. » Ses insolences prodiguées au duc d’Orléans, au cardinal Dubois, au cardinal de Bissy, l’attitude prise dans l’affaire du confesseur où « il ne cessa de conseiller des coups d’autorité, à dessein de causer du trouble et de porter le cardinal de Noailles à quelques excès ». Enfin, le 5 janvier, le prince conclut : « Je puis encore être nécessaire à Votre Majesté pour le maintien des alliances étrangères et pour la restauration des finances ; mais je ne saurais habiter en même lieu avec M. de Villeroy. Je ne suis point haineux ni vindicatif, tout homme le sait ; mais je suis incompatible avec M. de Villeroy, parce que M. de Villeroy est incompatible avec le bien de votre royaume[67]. » Louis XV écoula en silence cette longue diatribe, puis « sur l’article de donner parole de ne pas faire revenir le maréchal, il ne répondit rien[68]. »

 

Et contre le duc de Chartres

Dubois eut peur. Il savait que Fleury, M. le Duc, quelques autres personnes admises dans l’intimité du Roi et au-dessus des atteintes du ministre, défendaient le maréchal et les autres exilés[69]. Un nouvel adversaire plus redoutable se déclarait alors, le propre fils du duc d’Orléans, Louis, duc de Chartres. Ce jeune prince était entré au conseil royal au mois de juin précédent, n’ayant que dix-neuf ans, Dubois, à peine nommé premier ministre exigea que les autres ministres vinssent travailler avec lui et « tout ce qui sera obligé de passer nécessairement par le premier ministre, ne peut, ajoutait-il, échapper à Son Altesse Royale et restera nécessairement dans ses mains[70] ». Le duc de Chartres déclara que si son père l’obligeait à travailler avec le cardinal, il n’irait que pour l’insulter. C’était un allié précieux pour les adversaires de Dubois dont « l’inquiétude, nous dit le chevalier Schaub, le 20 janvier, est montée au plus haut point... Il a des ennemis qui ne s’endorment point, les uns lui sont communs avec le Régent, et les autres s’attachent à lui aliéner ce prince, en quoi ils ne pourraient mieux réussir qu’en lui faisant regarder comme chancelante l’amitié du Roy [d’Angleterre], c’est-à-dire la base de toute la fortune du cardinal. « L’amitié fidèle de lord Carteret soutenait dans cette crise le cardinal, comme autrefois l’amitié de lord Stanhope l’avait réconforté dans des circonstances analogues. Dubois entraînait Schaub dans le cabinet du Régent afin de lui faire lire cette lettre de Carteret, où une lettre de lord Townshend non moins catégorique sur la nécessité de maintenir l’alliance franco-britannique qui « a fait jusqu’à présent la principale force tant du maître que du ministre ». La coterie n’avait donc à espérer aucun appui de l’Angleterre et Dubois s’acharnait plus que jamais à voir le duc de Chartres, le comte de Toulouse venir dans son cabinet et travailler avec lui.

 

Intervention du chevalier Schaub

La journée décisive arrive enfin. Le 23 janvier, le duc de Chartres, en présence de son père, de La Vrillière et de Le Blanc dit au cardinal : « Je suis mécontent de vous, sachant que vous détournez mon père d’une chose qu’il m’avait déjà accordée. » — « Je n’ai jamais parlé à Monsieur votre père de ce qui vous concerne qu’en votre présence, réplique Dubois ; et j’ai parlé pour ce que j’ai cru être le mieux pour vous-même. Si vos intérêts pouvaient être contraires à ceux de votre père, je serais pour les siens contre les vôtres ; mais ils sont inséparables, et ce serait vous couper la gorge à tous les deux que de vous accorder ce que vous demandez. Je ne puis pas vous trahir pour vous complaire, tant que votre père se sert de mes conseils. Toute ma complaisance ne peut aller qu’à vous épargner ma vue ; et je sacrifierai volontiers le plaisir que j’ai à vous servir à la satisfaction que vous auriez de mon éloignement. Mais sachez que cette satisfaction vous serait commune avec tous les ennemis de votre père. » Dubois attendait à la suite de cette leçon discrète des reproches plus sévères que seul le Régent pouvait adresser à son fils, mais le prince se contenta de dire : « Mon fils n’est qu’un enfant ».— C’était trop peu et Dubois s’en plaignait à Schaub, « Comment voulez-vous que je me tue à servir un prince qui donne champ libre à tous ceux qui lui parlent mal de moi et qui excitent contre moi et sa femme et son fils ? Je sais las de lutter contre sa famille, et j’irai plutôt me cacher au bout du monde que d’y rester assujetti davantage. »

Schaub se charge de ménager un raccommodement, en réalité de travailler à implanter définitivement Dubois à la veille de la majorité de Louis XV. Le représentant britannique va trouver le Régent, lui expose les appréhensions que suscite cette majorité survenant presqu’à l’heure où des malintentionnés répandent le bruit que l’Angleterre n’attend que cette circonstance pour abandonner ses liaisons avec la France. Le Régent avait eu vent, lui aussi, de ces rumeurs et souhaitait une franche explication. Schaub lui donna à lire la lettre de lord Carteret qui « couchée avec tant de dextérité, de solidité et d’ingénuité, ne pouvait manquer d’emporter conviction entière. » En effet, tous les traits portèrent coup et le Régent, rassuré, se déclara inébranlablement attaché à l’alliance.

On a, reprit Schaub, une sorte d’inquiétude. L’élévation du cardinal au premier ministère, moyen le plus propre à passer sans risque de la minorité à la majorité, paraissait rester à moitié chemin ; ce que le public ne pouvait attribuer qu’à méfiance ou mésintelligence entre S. A. R. et le cardinal. Bien des gens cherchaient, disait-on, à lui donner de la jalousie contre le cardinal.

— « Je sais, interrompit le Régent, que Von ne manque pas de bonne volonté pour nous désunir, mais il faudrait que j’eusse perdu le sens pour devenir jaloux du cardinal. Après tout, je pourrais encore me soutenir sans lui, mais il ne saurait se soutenir sans moi. Je sais que je puis compter sur lui ; mais je sais aussi qu’il ne saurait me manquer sans se déshonorer et sans se perdre.

— « C’est par cette même attitude, répliqua Schaub, que nous sommes toujours si soigneux de la conservation du cardinal, étant convaincus par notre propre expérience et par la vôtre, qu’il est votre seul instrument auquel vous et nous puissions avoir une entière confiance. Mais votre persuasion ne suffit point ; il ne faut pas que le public la puisse mettre en doute ; et on sait que l’on excite contre lui Mme la duchesse d’Orléans et M. le duc de Chartres.

— « Je ne puis pas répondre de ma femme, qui a toujours ses frères en tête ; mais ce n’est qu’une femme dont les importunités ne me séduiront point ; et mon fils n’est qu’un enfant que je morigénerai bien. Il est vrai que mon fils s’entête sottement du travail direct avec le Roi, et qu’il ne sait œ qu’il veut ; mais je lui ferai entendre raison là-dessus d’une façon ou d’une autre ; vous pouvez y compter. Mais aussi le cardinal Dubois se tourmente plus qu’il n’est nécessaire de ces traits de jeunesse, dont il devait bien croire que je viendrais à bout avec un peu de temps et de peine... Le cardinal a plus d’esprit que moi, mais j’ai plus de courage que lui ; et étant bien unis ensemble, il ne pourra guère nous arriver de mésaventure, pour peu que nous soyons attentifs[71]. »

 

Toute puissance de Dubois

La majorité s’étant accomplie suivant les rites et avec les effets prévus, le gouvernement du duc d’Orléans et de Dubois continua. Le prince prit soin de dire à Schaub qu’il n’y aurait nul autre changement, hors qu’à la place du Conseil de Régence, il y aurait un Conseil Royal composé de lui, du duc de Chartres, de M. le Duc, du cardinal Dubois et de l’évêque Fleury. « Nous y mettons ce dernier pour plaire au Roi ; mais vous voyez bien que nous ne laisserons pas pour cela d’être les plus forts[72]. » Ainsi Dubois triomphait de la cabale et de son nouvel adversaire condamné à siéger à ses côtés. Le public ne s’y méprenait pas et disait que « le cardinal avait plus de crédit depuis la majorité qu’auparavant[73] » ; les diplomates en convenaient sans détours. « Nonobstant la majorité, rien n'a changé, écrivait-on au roi de Prusse ; c’est le même esprit ; ce sont les mêmes personnes qui gouvernent, avec cette différence que le gouvernement du Roi pourra être plus nerveux, parce que le Parlement n’aura plus les mêmes prétextes pour arrêter l’exécution des choses. D’ailleurs le propre Conseil du Roi sera plus uniforme dans les sentiments des membres qui le composent. C’est ce qui fait que, malgré la majorité, M. le duc d’Orléans et M. le cardinal sont autant les maîtres qu’ils l’ont été pendant la Régence et avec moins de ménagement parce que tout se fait sous le nom seul du Roi[74]. »

Vengeances de Dubois

La cabale des mécontents ne tarda pas à apprendre ce qu’il en coûte d’être vaincus. Le jour même de la majorité, 16 février, des lettres de cachet invitèrent le maréchal de Villeroy, le duc de Noailles et le chancelier Daguesseau « à rester jusqu’à nouvel ordre où ils sont » et pour qu’ils ne pussent ignorer de qui partait le-coup, il était dit que « M. le cardinal Dubois ferait expédier ces lettres[75]. » Peu de temps après le duc de Chartres reçut l’invitation à résigner sa charge de colonel-général de l’infanterie qui procurait le « travail » avec le Roi7[76]. Le comte de Toulouse, autre mécontent, chef du conseil de Marine, qui avait survécu à la suppression de 1718, apprit qu’il n’était plus rien, le conseil supprimé[77], Morville nommé secrétaire d’État de la marine et Dubois en passe de se faire nommer Surintendant des Mers[78]. Au contraire, le duc du Maine avait fait des démarches pour approcher le cardinal, « le suppliant de vouloir bien lui marquer le jour et l’heure où il importunerait le moins[79] ». Dès la veille de la majorité, Dubois, instruit que le duc du Maine souhaitait occuper de sa personne le premier lit de justice, s’y était refusé, mais avait dit : « Cela viendra[80] » ; et deux mois plus tard, M. du Maine était rétabli dans son titre de prince du sang légitimé, avec rang au Parlement au-dessus des duos et pairs, et interdiction de traverser le parquet, ce qui frappait le comte de Toulouse qui, jusqu’à ce jour, traversait le parquet[81], et plongeait dans les larmes la duchesse d’Orléans[82].

 

Exil de Le Blanc

Un ancien collaborateur de Dubois s’était laissé séduire par le duc de Chartres et le duc de Bourbon, à qui sa capacité était bien nécessaire pour tenter une manœuvre efficace ; c’était Le Blanc. Des bruits fâcheux couraient sur son compte depuis l’assassinat de Sandrier de Mitry, receveur général des finances de Flandres[83], témoin gênant des détournements faits par La Jonchère et Le Blanc sur les fonds du ministre de la guerre. Vers le mois de décembre 1722, la position de Le Blanc s’aggravait. « M. Le Blanc penche beaucoup », disait-on, et rappelant l'assassinat de Sandrier on ajoutait : « Tout cela ne vaut rien, et il n’en faut pas tant pour perdre un ministre[84] ». Aussitôt le duc de Chartres prenait sa défense et déclarait « qu’il ne pourrait travailler avec un autre[85] ». Dubois laissa dire et suivit sa piste ; l’affaire s’assoupit, on n’en parla plus ; tout-à-coup elle se réveilla, le 24 mai, La Jonchère, trésorier de l’extraordinaire de la guerre fut arrêté en revenant de Versailles à onze heures du soir, conduit à la Bastille et le scellé posé chez lui, rue Saint-Honoré[86]. Tout de suite le lieutenant de police d'Argenson procéda aux interrogatoires et confrontations, ainsi qu’à la vérification des registres et l’affaire parut mauvaise. La Jonchère fut décrété de prise de corps[87] et n’épargna pas Le Blanc, accusé « de perdre son temps en cabales, de payer les officiers de révérences et de belles paroles, d’employer la plus grande partie de la caisse militaire pour ses dépenses et pour les vues particulières de lui et de son conseil[88] ». Dubois tenait enfin sa proie, mais le duc d’Orléans la lui disputait. Dans le conseil tenu à ce sujet à Meudon, le prince évoqua le passé : « J’ai beaucoup de peine, dit-il, à con sentir à l’éloignement de M. Le Blanc, qui ma rendu des services essentiels durant les mouvements de Paris en 1721. » — « Monseigneur, interrompit le cardinal, il ne s’agit pas ici des services particuliers rendus à Votre Altesse Royale, il faut préférer le bien public. » Après le conseil, le bruit s’étant répandu de cette disgrâce, les maréchaux de Berwick et de Bezons joignirent le cardinal, et le prièrent, en faveur de Le Blanc ; mais Dubois répondit de façon à être entendu de tout le monde : « Si j’avais suivi mon inclination je l’aurais fait arrêter prisonnier[89] ». Le 2 juillet, Le Blanc partit pour Doué, proche de Coulommiers, où était fixé son exil et Dubois affectait de l’en plaindre : « Je préférerais la mort à tout ce que j’ai essuyé et souffert depuis sept ou huit mois à son occasion[90]... » mais ses amis d’Angleterre le félicitaient un peu lourdement de cette nouvelle victoire remportée sur un adversaire[91].

Le duc d’Orléans apprit au Roi le renvoi et l’exil du ministre :

— « Sire, M. Le Blanc n’est plus en place.

— « Pourquoi donc ?

— « Sire, c’est par des raisons qui regardent votre État ; mais je peux dire à Votre Majesté qu’il est regretté de tous les officiers[92]. » Il fut même regretté du duc de Saint-Simon, au dire de qui « cet événement affligea tout le monde. Jamais Le Blanc ne s’était méconnu. Il était poli jusqu’avec les moindres, respectueux où il le devait et où ces messieurs ne le sont guère, obligeant et serviable à tous, gracieux et payant de raison jusque dans ses refus, expéditif, diligent, clairvoyant, travailleur fort capable ; connaissant bien tous les officiers et tous ceux qui étaient sous sa charge. On peut dire que ce fut un cri et un deuil public sans ménagement, quoiqu’on sentît depuis quelque temps que la partie était faite[93]. »

 

Disgrâce de de Belle-Isle

Le Blanc entraînait dans sa disgrâce le comte de Belle-Isle, qu’on désignait encore au mois de février comme le « favori du ministre[94] » et qui obtenait la faveur des « entrées » chez le Roi au mois de mars[95]. Mais Belle-Isle était plus encore attaché à Le Blanc qu’à Dubois et celui-ci le sacrifiait[96], tandis qu’il s’acharnait sur Le Blanc au point de vouloir paraître empoisonné par les ordres de sa victime et de s’administrer deux vomitifs[97]. Quand il apprit que la Chambre Royale, à une voix de majorité, refusait de décréter Le Blanc, il laissa éclater son indignation[98]. Le Blanc échappait à la Bastille, Belle-Isle et La Jonchère subissaient interrogatoire sur interrogatoire, le duc de Chartres s’avouait impuissant à les défendre[99], la duchesse d’Orléans avait peu de crédit depuis que son mari venait de reprendre une maîtresse[100] ; plus hardie, Mlle de Charolais profitait d’une partie de chasse pour parler hautement au Roi en faveur de Le Blanc et elle s’attirait une réprimande sévère du duc d’Orléans[101].

 

Activité débordante de Dubois

Toutes les résistances avaient été brisées, toutes les coteries dispersées, le triomphe du premier ministre et sa toute-puissance ne pouvaient plus être contestés. Ses ennemis n’existaient plus mais leur calcul survivait à la conspiration. Dubois s’abandonnait à sa frénésie de travail et s’épuisait sous le fardeau des charges qu’il revendiquait pour lui seul. Son fidèle Pecquet était tombé en apoplexie[102] et les affaires étrangères retombaient de tout leur poids sur Dubois, mais rien ne l’arrêtait plus. Son confident Rémond lui avait fait entrevoir le parti à-tirer de la Compagnie des Indes qui le choisirait pour protecteur et lui vaudrait « le plus fort et le plus riche parti du royaume combattant pour lui jusqu’au dernier soupir[103]. » Aussitôt on réorganise la Compagnie et Dubois, nommé protecteur, préside la première assemblée[104]. Et les divers ministres, autant pour lui complaire que pour le détruire lui renvoient toutes les affaires, même les plus futiles, afin de l'accabler sous l’infini détail.

A partir du printemps de 1723, il ressentit les attaques sournoises de la fièvre, expiation des dernières fredaines de l’hiver ; car après une période de modération[105], la fringale des plaisirs d’autrefois l’avait ressaisi. On lui menait en secret, la nuit, des Vénus à juste prix qu’il renvoyait le matin en les faisant passer par une garde-robe[106]. Le 14 janvier, une défaillance le prit au Conseil ; il négligea l’avertissement et redoubla d’activité. Sa famille avait su demeurer dans une pénombre discrète, il acheta pour elle un hôtel à Paris, y fit installer la bibliothèque qui avait appartenu à Law[107] et y logea son frère Joseph, tiré de Brive et promu directeur général des ponts et chaussées[108]. N’ayant plus à s’occuper des siens, Dubois reporta toute son ardeur au travail au service de l’État. Nul détail n’échappait à son inquisition, quoique le plus souvent il n’y entendît rien. Au mois de février, un violent accès de fièvre le força de se coucher, mais il tenait tête à la souffrance et donna à dîner aux ambassadeurs à l’ordinaire[109]. Aidé des frères Pâris qui menaient la campagne contre Le Blanc[110], il entreprenait de faire rendre gorge aux traitants et aux fripons et faisait condamner l’abbé Clément, conseiller au grand Conseil, l’un des commissaires du visa et son collègue, M. de Talhouët, maître des requêtes, convaincus de malversation[111]. En même temps, il faisait étudier un projet de taille réelle et une révision du Terrier général de la Couronne[112], se préoccupant du rétablissement des relations commerciales suspendues par la peste de Marseille ou entravées par la défectuosité des routes du royaume.

 

Sa maladie

Rien n’échappait plus à l'envahissement maniaque de ce vieillard, avide d’hommages et d’honneurs. Il saisit le premier prétexte venu pour se rendre aux Invalides parce qu’on va tirer le canon et battre aux champs pour lui comme pour le Roi[113]. Au mois d’avril il se donne en spectacle, monte à cheval, passe en revue la Maison du Roi, soulevant une risée générale parmi les spectateurs à la vue de cet avorton qui se tord sur la selle ; mais ii ne peut cacher sa souffrance et ses contorsions sont causées par la rupture d’un abcès qui s’était formé au col de la vessie[114]. La nouvelle est publique et, loin de plaindre, on chansonne[115] :

Monsieur de La Peyronie

Visitant le cardinal dit :

C’est à la vessie

Que son Éminence a mal.

De ce moment on l’observe car, « s’il venait à manquer, la Cour prendrait toute une autre face[116] ». On prend note de ses saignées, de ses purges, bref on est attentif sur sa santé. Les correspondances britanniques deviennent pour ainsi dire le journal de cette santé, laissant percer l’inquiétude sur l’avenir de l'alliance quand son premier artisan et son lien vivant viendra à disparaître. Le 26 mai, Crawford écrit à Londres que le cardinal est remis de son accident de cheval à la revue, mais il a tant d’infirmités qu’on ne doit pas compter qu’il supporte longtemps la fatigue des affaires. Il faudrait préparer près du duc d’Orléans un choix qui exclurait M. de Torcy « notre ennemi mortel[117] ». On cherche à le ménager, « sur le manger, sur le parler », à éviter tout ce qui peut lui donner une trop forte application. Le malade ne s’abandonne pas, il se jette dans les remèdes, quinquina, régime lacté ; il se fait expédier des eaux de Bristol, souveraines contre le diabète et la gravelle, et des eaux de Barèges dans des flacons en grès[118]. Il tranquillise ses amis, écrit à Tencin que les crises dont il souffre « n’ont d’autres fondements qu’une trop grande application au travail[119]. Les ministres étrangers l’observent curieusement et reconnaissent que sa lucidité, son courage, son entrain restent intacts. Mais il ne peut consentir au repos, or dès qu’il se lève pour travailler, le frisson et la fièvre le ressaisissent. Bien ni personne ne peut le retenir de travailler, de représenter en public. Il pose devant Bigaud pour son portrait d’apparat[120] ; il reçoit ; et ses algarades, la grossièreté de son langage courent tout Paris.

 

Ses violences de langage

A la marquise de Feuquières il dit : « Je suis accablé d’affaires, et il faut encore que des p…viennent m'embarrasser[121] ; à la princesse d’Auvergne : « Madame, allez vous faire f…[122] ». Il crie, il jure contre ses gens, interpelle un officier, lui demande ce qu’il fait dans son antichambre, et qui il est : « Hélas, monseigneur, répond celui-ci, je suis un capitaine de grenadiers, mais je viens vous remettre ma commission, car je vois que vous êtes plus propre à l’être que moi. » Le cardinal lui arrache le papier qu’il tenait à la main, rentre dans son cabinet, l’expédie, tout en grommelant : « Cet homme-là qui vient encore se moquer de moi ! » et le renvoie en jurant Dieu[123].

Ses dernières forces s’épuisent dans ce travail effréné. Il se fait renseigner sur l’organisation de l’armée prussienne[124], suit attentivement l’affaire de l’apanage italien de Don Carlos, reçoit à dîner à Meudon la duchesse de Montagne. Mais il a trop présumé de lui-même, la chère est magnifique et il n’a pu déplier sa serviette (25 juin). Il pourvoit à tout, envoie des secours à la petite ville de Châteaudun ruinée par un incendie (22 juin)[125], demande des rapports sur l’état de l’infanterie française[126] et expédie des mandements à ses diocésains[127]. Mais le malade n’est pas encore vaincu. Dans un mémoire sur la charge de premier ministre, il a écrit : « M. le cardinal par sa place est en droit et en usage de présider aux assemblées du clergé[128]. » Il se fait donc offrir par l’archevêque d’Aix, M. de Vintimille, la présidence de rassemblée réunie aux Grands-Augustins (30 mai). Il accepte et prononce une harangue[129], disparaît et ne revient plus, car il est déjà frappé à mort et l’évêque de Montpellier, Colbert, écrit le 28 juin : « Il me paraît que la santé du premier ministre devient fort mauvaise ; j’en suis fâché et je lui souhaite de tout mon cœur une meilleure et de longue durée[130]. »

 

Crise prochaine

Presque à cette date, Mathieu Marais écrit : « Le cardinal a toujours son même mal ; il jette du pus par les urines. Les uns disent qu’il ne peut pas vivre ; d’autres disent qu’il vivra, et cependant, il vit et jouit de toute son autorité[131]. » Il court sur sa maladie d’étranges racontars[132] et on fouille son passé au risque d’y rencontrer ce qu’il a cru ensevelir dans l’oubli[133]. Mais on sent approcher l’heure de la crise. Le 10 juillet, Schaub écrit que « la santé de M. le cardinal continue à se soutenir sans aucun incident de fièvre », mais, le 16, on sait dans le public qu’il garde le lit[134]. La maladie commence à détremper le caractère mais respecte l’intelligence. Dubois surveille de près la Cour de Vienne, qui manœuvrait alors pour se lier le moins possible dans la forme à donner par elle aux expectatives des duchés italiens[135]. Il discute le projet impérial et, une fois encore, la dernière fois, c’est pour soumettre humblement la décision à prendre « aux lumières supérieures » du roi d’Angleterre. « Le cardinal, écrit Schaub à lord Carteret, le 12 juillet, attend votre décision et promet de la recevoir avec docilité quand elle serait diamétralement opposée à la sienne. Car vous ne pouvez avoir que de bonnes raisons. Il ne m’a jamais paru plus confiant en S. M. ni plus résolu de vivre et de mourir dans la plus intime union avec elle[136]. » Réconforté, Dubois écrit à Grimaldo, le 15 juillet, qu’il estime nécessaire de s’en tenir strictement au traité et de mettre l’Empereur en demeure d’accorder enfin ou de refuser les investitures[137].

 

Dernières journées - 4 Août

Déjà on parle de la succession du cardinal qui essaie de faire jusqu’au bout bonne contenance. Il mange à peine[138] et ne fait plus illusion à personne. A Paris, on prévoit que Lafitau pourrait devenir premier ministre[139] ; à Rome, le pape proclame Dubois impossible à remplacer : « Je tomberais de bien haut, dit-il à Tencin, si je venais à le perdre[140] ; » et un jour, voyant Tencin larmoyer, Innocent XIII ne croit pouvoir moins faire que de gémir : « Dieu veut me châtier en m’enlevant cet homme-là ![141] » Les jours du patient étaient comptés. Le 30 juillet, il se trouve mal à la fin du Conseil de Régence et sa voix diminuait de jour en jour. Le 1er août, Dubois se fit habiller à six heures du matin et, au bout d’une heure, fut obligé de se remettre au lit. Le 4, il s’alita tout à fait, à Meudon, il n’avait plus que la peau et les os, et point d’appétit[142]. Ce jour-là le président Hénault reçut une lettre de l’abbé Dubois, le neveu, « qui arrivait de Meudon et lui mandait que son oncle l’y attendait avec Mme de Tencin et M. de la Mothe. Nous y allâmes tous les trois, raconte le président, et j’entrai dans sa chambre [avec eux]. Nous le trouvâmes couché, avec sa table de nuit enveloppée dans son rideau, il était environ quatre heures et demie et notre visite dura jusqu’à près de huit heures. Jamais je ne l’avais trouvé si léger ni avec tant de badinage, cela me frappa au point que je fus tenté de croire, qu’il ne gardait son lit que par quelque raison de politique que je ne pénétrais point. Il était plein de ces petites finesses-là, surtout quand il voulait faire faire quelque chose à M. d’Orléans et qu’il y trouvait de la résistance. Notre conversation roula sur toutes sortes de sujets ; nous parlâmes du cardinal de-Richelieu et du cardinal de Mazarin, il me parut qu’il trouvait que ce dernier avait une souplesse dans l’esprit qu’il préférait à la dureté de caractère du cardinal de Richelieu, et sur ce qu’on lui parla de quelqu’un qui était fort méchant et dont il avait sujet de se plaindre, il nous répondit avec vivacité : « Il faut le laisser faire, on a plus tôt fait d’essayer d’éviter les méchantes gens que de les poursuivre ; un ennemi, si petit qu’il soit, quand vous cherchez à vous en venger, vous nuit dans tous les moments de votre vie, et quelque fois il ne faut que cela pour ruiner les plus grandes fortunes. » Nous parlâmes ensuite de M. [le duc] de Richelieu et de M. de la Feuillade... A propos d’une lettre de l’abbé de Tencin, alors à Rome, cela nous donna occasion de parler de la Cour de Rome : « Il n’y a rien de si malheureux qu’un pape, nous dit-il, le sérieux de sa place ne souffre aucun adoucissement. » — « Mais cependant, lui dis-je, il y a tant d’exemples de papes qui ont furieusement égayé le sacerdoce... » — « Cela est vrai, mais les mœurs ont changé, home n’est composé que de gens occupés "de leur intérêt particulier et dont la religion doit faire la fortune. Pas un- deux n’est dévot, mais nul ne se le confie et, l’un pour l’autre, ils affectent une rigidité qui ne permet pas au chef le moindre relâchement. » La Motte lui lut ensuite une épître dédicatoire qu’il lui adressait à la tête de sa tragédie d'Inès de Castro et dont il fut fort content... On parla de l’Académie, où la mort de l’abbé Fleury avait fait vaquer une place ; il dit qu’il désirait que je la remplisse, et qu’il agirait, pour cela... Dans ce moment on vint lui annoncer M. de Fréjus, nous sortîmes. Pendant tout le temps que nous fûmes dans sa chambre, je remarquai qu’il prit son pot de chambre cinq ou six fois, et quoique je l’observasse fort il ne parut aucune altération sur son visage[143]. »

 

6 août

Le vendredi 6, M. le duc d’Orléans eut la bonté de faire tenir le conseil dans la chambre du cardinal qui ne quittait plus son lit[144]. Ses ennemis le plaisantaient, Boudin, médecin du Roi ayant écrit à Noce que la vessie du cardinal était toute percée, Nocé lui répondit : « Vous ne me ferez pas accroire que les vessies sont des lanternes[145]. »

 

7 août

Le samedi 7 août, il écrivit sa dernière dépêche à notre agent à Vienne, lui disant que le Roi ne pouvait accepter les actes et la méthode proposés par la Cour de Vienne, qu’il voulait un acte d’investiture clairement énoncé en faveur de don Carlos et défendait de s’adresser pour cette affaire au vice-chancelier impérial dont l’hostilité était connue. « Quelque chose que vous entendiez, disait la dépêche en terminant, appliquez-vous toujours à ramener et à réduire la question à ce point de l’investiture éventuelle des États de Toscane et de Parme. Il n’est plus question que d’un oui ou d’un non de la part de l’Empereur[146]. » C’était justifier d’une manière éclatante que le roi d’Espagne n’avait pas, en Europe, de meilleur serviteur que lui ; et au moment où Dubois signait cette dépêche Philippe V perdait son confesseur, le P. Daubenton, devenu l’ami et le confident du cardinal qui n’eut pas le temps d’apprendre cette mort[147].

Presque d’heure en heure l’état du malade s’aggravait. Hénault lui devait remettre un mémoire sur la ferme des tabacs, il se rendit ô Meudon avec la Tencin, Fontenelle et Schaub et ne furent pas reçus ; Dubois « avait pris du pavot », mais les visiteurs entretinrent Chirac et la Peyronie qui donnèrent de grandes alarmes, ajoutant toutefois que si le cardinal voulait souffrir l’opération il pourrait se tirer d’affaire[148]. Ils le lui dirent à lui-même, et le trouble de cette nouvelle l’abattit si fort qu’il ne put être transporté en litière à Versailles de toute la journée du lendemain[149]. Ce fut une grande affaire que ce transport : on accommoda dans un large carrosse — de ceux qu’on nomme corbillards — des matelas suspendus par des cordes qui passaient par l’impériale. Quand la machine fut prête, on ne put jamais y transporter le malade ; il fallut attendre que la fièvre fût tombée[150]. Dans la soirée Dubois envoya un courrier à Hénault pour l’avertir de lui apporter sans faute le lendemain lundi à Versailles, « où il serait », le mémoire sur la ferme des tabacs[151].

 

10 août

La nuit du dimanche fut un peu meilleure, le lundi 9 on apporta le malade à Versailles dans la matinée[152] dans une litière du Roi, allant très doucement et quatre gens de livrée se relayaient pour tenir la litière par les côtés et pour en empêcher le mouvement. Suivaient trois carrosses à six chevaux, dans l’un les aumôniers, dans l’autre les médecins et ensuite les chirurgiens. Après l’avoir laissé un peu reposer médecins et chirurgiens lui proposèrent de recevoir les sacrements et de lui faire l’opération aussitôt après. Cela ne fut pas reçu paisiblement ; néanmoins quelque temps après il envoya chercher un récollet de Versailles avec qui il fut seul environ un demi-quart d’heure.

 

Confession ( ?)

« Après l’avoir confessé ( ?) le P. Germain lui proposa de recevoir le viatique. Le cardinal n’en voulut rien faire, disant que cela ne pressait pas, qu’il faudrait voir, et plusieurs autres défaites dont le moine ne se contenta pas. Enfin pour lui fermer la bouche, le cardinal lui dit : « Vous ne savez pas, Père, qu’il y a un cérémonial pour faire recevoir le viatique aux cardinaux, allez vous informer de ce que c’est, et puis après nous verrons. » Le bonhomme sortit avec empressement pour s’instruire de ce cérémonial dont il jurait qu’il n’avait jamais ouï parler.

 

Entrevue avec le duc d’Orléans

« Cependant le mal pressait, chaque minute le rendait incurable, il était midi, on voyait mourir le cardinal à la pendule ; menaces, prières, raisonnements rien ne pouvait le déterminer à l’opération ; enfin Chirac imagina d’écrire à M. d’Orléans, qui était à Meudon, l’état de la maladie et qu’il n’y avait que sa présence qui pût engager le cardinal à la seule chose qui pouvait lui sauver la vie. M. d’Orléans répondit par Lestang, écuyer du cardinal, qui avait porté la lettre, qu’il allait monter en carrosse pour venir ; que cependant il suppliait le cardinal de se laisser faire l’opération, qu’il espérait la trouver faite, et que si elle ne l’était pas quand il arriverait, il le prierait et même lui ordonnerait d’y consentir, cette réponse ne fit rien sur le malade. On vit arriver sur les trois heures et demie, M. d’Orléans avec M. de Biron, M. de Nantes et M. le grand prieur. En entrant dans sa chambre, Son Altesse Royale lui dit :

— « Vous n’avez guère de courage !...

— « J’en ai contre toute autre chose que la douleur, mais je ne saurais me déterminer à ce qu’ils veulent me faire. »

« M. d’Orléans fut attendri de le voir en cet état ; et étant sorti de la chambre en pleurant, il reprocha au médecin et au chirurgien l’extrémité où il le voyait et leur indolence sur son mal. La Peyronie lui répondit, ce qui était vrai, c’est qu’ils s’étaient exposés aux plus durs traitements de sa part pour lui avoir fait connaître le danger où il était.

— « N’y a-t-il plus de ressources, leur dit M. d’Orléans.

— « Nous ne connaissons que l’opération, encore ne répondons-nous de rien.

 

Opération

« M. d’Orléans rentra dans la chambre et l’y détermina enfin, il ressortit aussitôt, on ferma toutes les portes et les chirurgiens s’en emparèrent[153]. Trois ou quatre aides le tenaient, il criait et jurait comme un enragé ; l’opération fut faite en [quatre] minutes[154]. Il était quatre heures. Le duc d’Orléans souffrait, ne pouvait tenir en place, il monta dans la galerie d’en haut et appela M. d’Ons-en-Bray qui était là, à qui il parla bas dans une fenêtre ; dans le moment on courut l’avertir que l’opération était faite le plus heureusement du monde, et qu’elle avait duré quatre minutes ; il rentra dari l’intention de le voir, mais après il dit tout haut qu’il craignait que sa présence ne lui donnât de l’émotion, qu’il aimait mieux ne pas le voir, mais qu’on lui dit bien qu’il n’était reparti qu’après s’être informé du succès de* l’opération. Il laissa des courriers pour lui en venir dire des nouvelles d’heure en heure ; tout le monde le suivit et il ne resta que le président Hénault d’étranger dans son petit cabinet avec le confesseur.

« Comme ceux qui sont auprès des malades s’alarment plus aisément que ceux qui ne les voient pas, aussi sont-ils susceptibles des plus légères consolations. Tous reprenaient un air plus gai d’avoir l’opération faite, cette opération tant désirée, quand, tout à coup, nous vîmes le temps se brouiller et nous entendîmes un fort grand tonnerre. A ce bruit La Peyronie sortit de la chambre du malade et dit à Hénault : « Nous sommes perdus. » Chirac, qui était dans la première antichambre, entra par une autre porte dans la même chambre et parut aussi consterné. Le confesseur demanda à La Peyronie ce qu’il en pensait, et il lui répondit : « Mon Père, il a plus besoin de vos prières que de nos remèdes[155]. » Peu s’en fallut que certains ne vissent dans ce coup de tonnerre accompagné d’une chaleur affreuse l’intervention de la Providence. » Il semble, disait-on, que le ciel vengeur ait voulu rengréger cette plaie, qui s’est tout à coup gangrenée[156].

 

Agonie et mort

Le lendemain, 10 août, Hénault revint à Versailles et entra « tout droit » dans la chambre de l’agonisant. « J’y trouvai, dit-il, le cardinal couché à plat et râlant entre deux valets de chambre qui lui soutenaient la partie où on lui avait fait l’opération, un apothicaire qui lui tenait une cuillère dans la bouche et un prêtre en surplis qui priait Dieu devant un crucifix[157]. » Sur les cinq heures après-midi la mort vint mettre fin à ce spectacle et à celui qu’offrait au monde, depuis quatre ans, l'ambition démesurée de Guillaume Dubois, cardinal-prêtre, archevêque- duc de Cambrai, prince de l’Empire, comte du Cambrésis, abbé de Saint-Just, de Nogent-sous-Coucy, de Bourgueil, d’Airvault, de Cercamps, de Bergues-Saint-Winoc et de Saint-Bertin, principal et premier ministre d’État, ministre et secrétaire d’État ayant le département des Affaires Étrangères, grand-maître et surintendant général des courses, postes et relais de France, l’un des quarante de l’Académie française, honoraire de l’Académie royale des sciences et de celle des Inscriptions et belles-lettres, élu par les prélats et autres députés à l’assemblée générale du clergé de France pour en être premier président et, ci-devant, précepteur de M. le duc d’Orléans.

 

La succession

Cette succession énorme était en grande partie distribuée. Lorsque l’agonie commença, le duc d’Orléans fit appeler M. de Morville, lui dit de se rendre à Versailles, de faire main basse sur tous les papiers du mourant et de s’installer à sa place aux Affaires Étrangères[158]. M. de Breteuil conservait la guerre et M. de Maurepas recevait la marine ; il avait vingt-trois ans ![159] Vers cinq heures et demie un exprès arriva de Versailles à Meudon et annonça la mort du cardinal ; le duc d’Orléans se rendit dans le cabinet du Roi et lui dit :

— « Sire, M. le cardinal est mort !

— « J’en suis fâché.

— « Sire, je ne vois personne qui soit plus en état que moi pour rendre service à Sa Majesté en qualité de premier ministre, et sans faire attention à mon rang et à ma dignité de premier prince de votre sang, je prêterai demain le serment de fidélité à Votre Majesté. » Le Roi ne répondit pas un mot[160].

De retour dans son cabinet, à six heures un quart[161], le duc d'Orléans se ressouvint des orgies que depuis peu Dubois empêchait, des roués qu’il avait exilés et il écrivit a Nocé, ces quelques mots : « Morte la bête, mort le venin. Je t’attends ce soir à souper au Palais-Royal[162]. »

 

 

 



[1] M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 72 ; février 1721.

[2] M. Marais, op. cit., t. II, p. 156 ; juin 1721 ; Buvat, Journal, tome II, p. 268, juillet 1721 ; Correspondants de Balleroy, t. II, p. 342.

[3] M. Marais, op. cit., t. II, p. 156-157, 159, 181, 186, 266, 317 ; Buvat, op. cit., t. II, p. 276 ; Les Correspondants de Mme de Balleroy, t. II, p. 310, 344, 346, 376, 390.

[4] M. Marais, op. cit., t. II, p. 217 ; décombre 1721.

[5] M. Marais, op. cit., t. II, p. 221 ; janv. 1722.

[6] M. Marais, op. cit., t. II, p. 122, 216 ; avril, décembre 1721.

[7] De Caumartin à Mme de Balleroy, 23 février, dans op. cit., t. II, p. 427-430.

[8] M. Marais, op. cit., t. II, p. 407, février 1723.

[9] Les Correspondants de Mme de Balleroy, 19 nov. 1722, t. II, p. 497-498 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 367-308 ; novembre 1722.

[10] M. Marais, op. cit., t. II, p. 367-368 ; novembre 1722.

[11] M. Marais, op. cit., t. II, p. 327 ; août 1722 ; Saint-Simon, Mémoires (1858), t. XIX, p. 424.

[12] Barbier, Journal, t. I, p. 233.

[13] M. Marais, op.cit., t. II, p. 327, août 1722.

[14] Voir Lémontey, Les filles du Régent, dans Revue rétrospective, t. I. Elle mourut de chagrin de la rupture de son mariage.

[15] M. Marais, op. cit., t. II, p. 374, 377 ; Barbier, op. cit., t. II, p. 246 ; Buvat, op. cit., t. II, p. 422.

[16] Public Record Office, France, vol. 364 : Schaub à lord Carteret, Paris, 10 décembre 1722. E. de Barthélémy, Inventaire du mobilier de la duchesse d’Orléans, mère du Régent, après son décès en 1722, dans Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques. Section d’Histoire d’archéologie et de philologie, 1882, p. 382 ; C. Stryenski, La mère du Régent, dans Revue bleue, 1906.

[17] M. Marais, op. cit., t. II, p. 378.

[18] M. Marais, op. cit., t. II, p. 378.

[19] M. Marais, op. cit., t. II, p. 378 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 251.

[20] Barbier, op. cit., t. I, p. 246 ; Correspondants de Mme de Balleroy, 14 décembre, t. II, p. 506.

[21] Buvat, op. cit., t. II, p. 422, décembre 1722.

[22] Buvat, op. cit., t. II, p. 433, janvier 1723.

[23] M. Marais, op. cit., t. II, p. 363 ; 10 octobre 1722.

[24] M. Marais, op. cit., t. II, p. 363 ; 10 octobre 1722 ; Buvat, op. cit., t. II, p. 419.

[25] Édit. du 29 septembre 1722.

[26] M. Marais, op. cit., t. II, p. 363 ; 10 octobre 1722.

[27] M. Marais, op. cit., t. II, p. 369-370 ; novembre 1722.

[28] M. Marais, op. cit., t. II, p. 409-410 ; Barbier, Journal, t. I, p. 254-255 ; Buvat, Journal, t. II, p. 434 ; Lémontey, Histoire de la Régence, t. II, p. 81.

[29] M. Marais, op. cit., t. II, p. 410-411, février 1723.

[30] M. Marais, op. cit., t. II, p. 370 ; novembre 1722.

[31] Les Correspondants de la Marquise de Balleroy, février 1723, t. II, p. 518.

[32] Barbier, Journal, t. I, p. 257 : « On dit qu’il ne répondit rien à M. le duc d’Orléans, le mardi 16... »

[33] Mémoires du duc d’Antin, cités par E. Lémontey, cités par Lémontey, op. cit., t. II, p. 81, note 1.

[34] Barbier, op. cit., t. I, p. 256.

[35] M. Marais, op. cit., t. I, p. 413.

[36] Barbier, op. cit., t. I, p. 259.

[37] Barbier, op. cit., t. I, p. 269 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 421. Le procès-verbal du lit de justice, dans Buvat, op. cit., t. II, p. 478-479 et voir Marais, op. cit., t. II, p. 434-435.

[38] Buvat, Journal, t. II, p. 480, procès-verbal du lit de justice.

[39] M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 410 ; février 1723.

[40] Barbier, Journal, t. I, p. 248 ; décembre 1722.

[41] Dubois (neveu), Relation du sacre de Louis XV, dans V. de Seilhac, Dubois, t. II, p. 256.

[42] M. Marais, op. cit., t. II, p. 341 ; septembre 1722.

[43] M. Marais, op. cit., t. II, p. 468 ; juin 1723.

[44] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 648, fol. 254-261 : Dubois à Tencin, 25 juin 1723 ; voir Buvat, Journal, t. II, p. 261 ; 286 ; L. Legendre, Mémoires publiés d’après un manuscrit authentique avec des notes, par M. Roux, in-8°, Paris, 1863, p. 369-393.

[45] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 648, fol. 245 : le duc d’Orléans au Pape, 25 juin 1723.

[46] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 649, fol. 25 : Tencin à Dubois, 6 juillet 1723.

[47] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 649, fol. 121 : Tencin à Dubois, 20 juillet 1723.

[48] Barbier, op. cit., t. I, p. 248, décembre 1722.

[49] Gazette de Hollande, 22 septembre 1722 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 358 ; septembre 1722.

[50] M. Marais, op. cit., t. II, p. 341 ; 5 septembre 1722.

[51] M. Marais, op. cit., t. II, p. 361 ; septembre 1722.

[52] Les Correspondants de Mme de Balleroy, t. II, p. 494.

[53] Bibl. nat., Recueil de Congé, Mélanges historiques, 67 (non folioté).

[54] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 173 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 373, 379, 382, 386.

[55] M. Marais, op. cit., t. II, p. 373, 379, à la lecture, il le trouve « d’un bon style et très noble ».

[56] Les Correspondants de Mme de Balleroy, t. II, p. 503.

[57] M. Marais, op. cit., t. II, p. 379 ; décembre 1722 : Les Correspondants, t. II, p. 507 ; 19 décembre 1722.

[58] M. Marais, op. cit., t. II, p. 379.

[59] Arch. nat., O1 369 ; 20 décembre 1722 ; Les Correspondants, t. II, p. 508.

[60] Les Correspondants de la marquise de Balleroy, t. II, p. 515 ; 15 janvier 1723.

[61] M. Marais, op. cit., t. II, p. 403-404 ; janvier 1723.

[62] M. Marais, op. cit., t. II, p. 404, 410, 416, 418.

[63] M. Marais, op. cit., t. II, p. 414 ; février 1723.

[64] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1253, fol.118 : M. Du Libois à Dubois, octobre 1722.

[65] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1256, fol. 65, 70 : M. de Marcieu au duc d'Orléans, 19 août 1723.

[66] Les Correspondants de la marquise de Balleroy, t. II, p. 515 ; 8 janvier 1723.

[67] C. de Sévelinges, op. cit., t. II, p. 321 ; Lémontey, op. cit., t. II, p. 77-79 : E. Bourgeois, Le secret de Dubois, p. 411.

[68] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1255, fol. 4, Journal inédit de Dubois, 5 Janvier 1723.

[69] Ibid.

[70] G. de Sévelinges, op. cit., t. II, p. 300 : Dubois au Régent, 14 octobre 1722.

[71] Public Record Office, France, vol. 359 : Schaub à lord Carteret, Versailles, 20 janvier 1723 ; Schaub était alors ambassadeur, sur sa carrière, voir Pichon, Histoire du comte d'Hoym, in-8°, Paris, 1880, t. I, p. 230-238 : Le Chevalier Schaub.

[72] Public Record Office, France, vol. 359 : Schaub à lord Carteret, Paris, 24 février 1723 ; M. Marais, Journal et Mémoires, t. II, p. 417, 18 février 1723.

[73] Barbier, Journal, t. I, p. 262, mars 1723.

[74] Arch. des Aff. Etrang., Prusse, t. 70, fol. 369 : Chambrier au roi Prusse, 31 mars 1723.

[75] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1255, fol.65 : ordre du 16 février 1723.

[76] M. Marais, op. cit., t. II, p. 417, 434 : Barbier, Journal, t. I, p. 260. févr. 1723 ; M. Marais, op. cit., t. III, p. 56 ; décembre 1723 (sous le ministre de M. le Duc).

[77] M. Marais, op. cit., t. II, p. 433, 16 mars 1723 ; Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1255, fol. 150 : Clairambault à Dubois, 13 mars 1723.

[78] M. Marais, op. cit., t. II, p. 433 ; Barbier, Journal, t. I, p. 203, mars 1723.

[79] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 318, fol. 222 : le duc du Maine à Dubois, 18 janvier 1722.

[80] M. Marais, op. cit., t. II, p. 418, février 1723.

[81] M. Marais, op. cit., t. II, p. 446-448, avril 1723 ; Barbier, Journal, t. I, p. 269.

[82] M. Marais, op. cit., t. II, p. 447, avril 1723.

[83] M. Marais, op. cit, t. II, p. 275-276, avril 1722 ; Buvat, Journal, t. II, p. 377 ; Barbier, Journal, t. II, p. 212.

[84] M. Marais, op. cit., t. II, p. 376, décembre 1722.

[85] M. Marais, op. cit., t. II, p. 381, décembre 1722.

[86] M. Marais, op. cit., t. II, p. 458 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 277, juin 1723 ; L. de Lavergne, Une émule de Law, dans Comptes-rendus de l’Académie des sciences morales et politiques, 1863, 4e série, t. XIII, p. 5-27.

[87] M. Marais, op. cit., t. II, p. 463 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 284, juin 1723 ; A. Babeau, Un financier à la Bastille sous Louis XV. Journal de La Jonchère, dans Mémoires de la Société d’Histoire de Paris et de l'Ile-de-France, 1898, t. XXV, p. 1-46.

[88] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1255, fol. 110.

[89] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1256, fol. 10 : Dubois à Le Peletier des Forts, 7 juillet 1723.

[90] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1256, fol. 10 : Dubois à Le Peletier des Forts, 7 juillet 1723.

[91] R. Walpole à Schaub, Whitehall 18 (= 29) juillet 1723, dans W. Coxe, Memoirs of R. Walpole, t. II, p. 253.

[92] Barbier, Journal, t. I, p. 287 ; M. Marais, Journal, t. II, p. 474, juillet 1723.

[93] Saint-Simon, Mémoires (1858), t. XIX, p. 450.

[94] M. Marais, op. cit., t. II, p. 416, février 1723.

[95] Ibid., t. II, p. 427 ; P. d’Échérac, La jeunesse du maréchal de Belle-Isle, 1908, p. 87-88.

[96] M. Marais, op. cit., t. II, p. 473 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 287 ; juillet 1723.

[97] Public Record Office, France, vol. 368 : Crawford à R. Walpole, 7 juillet 1723.

[98] Buvat, Journal, t. II, p. 441 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 478, juillet 1722 ; Ravaisson, Archives de la Bastille, t. XIII, p. 355, 390, 393, 407, 408.

[99] M. Marais, op. cit., t. II, p. 477.

[100] Mlle Houel, nièce de Mme de Sabran, M. Marais, op. cit., t. II, p. 464, 467, 476 ; Buvat, Journal, t. II, p. 464.

[101] Relazioni degli ambasciadori veneziani, 1723.

[102] M. Marais, op. cit., t. II, p. 433 ; mars 1723.

[103] C. de Sévelinges, op. cit., t. II, p. 312.

[104] M. Marais, op. cit., t. II, p. 436, 8-9 mars 1723 ; Buvat, Journal, t. II. p. 437.

[105] Barbier, op. cit., t. I, p. 237, août 1722.

[106] [Le Dran], Vie anonyme de Dubois, confirme ce renseignement donné par M. Marais, op. cit., t. II, p. 400, janvier 1723. « Sa santé s’était usée par certains excès qu’il avait toujours faits en les dissimulant sous le voile de la pudeur ».

[107] [J. Charavay], Catalogues de livres curieux... in-8°, Paris, 1855.

[108] Arch. nat., O1, 275, f. 28.

[109] M. Marais, op. cit., t. II, p. 416, février 1723.

[110] M. Marais, op. cit., t. II, p. 428, mars 1723.

[111] J. Buvat, op. cit., t. II, p. 441, 444, 446, 455, 458 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 475, 479, 480, 490, Barbier, op. cit., t. I, p. 269-270-272.

[112] [Le Dran], Vie anonyme de Dubois, p. 422, 425, 431 ; Lémontey, op. cit., t. II, p. 82-84.

[113] Barbier, Journal, t. I, p. 247 ; M. Marais, Journal, t. II, p. 379 ; décembre 1722.

[114] Gazette de France, 7 avril 1723.

[115] Buvat, op. cit., t. I, p. 443 ; M. Marais, Journal, t. II, p. 475 ; juillet 1723.

[116] M. Marais, op. cit., t. II, p. 450, mai 1723.

[117] Public Record Office, France, vol. 368, Crawford à lord Carteret, 26 mai 1728.

[118] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 344, fol. 210 ; t. 345, fol. 3 ; 245 : Dubois à Chammorel, 24 avril 1723 et Chammorel à Dubois, 10 juin 1723.

[119] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 648, fol. 261 : Dubois à Tencin, 25 juin 1723.

[120] Les Correspondants de Mme de Balleroy, t. II, p. 521 ; 15 février 1723.

[121] M. Marais, op. cit., t. II, p. 398, janvier 1723 ; à Mme de Conflans : « Allez à tous les diables », Saint-Simon, Mémoires, 1858, t. XX, p. 17.

[122] M. Marais, op. cit., t. II, p. 448 : Barbier, op. cit., t. I, p. 272, mai 1723.

[123] M. Marais, op. cit., t. II, p. 445, avril.

[124] Arch. des Aff. Etrang., Prusse, t. 69, fol. 76 : Dubois à Michel, 14 mai 1723.

[125] Buvat, op. cit, t. II, p. 439 ; J. P. Note sur l'incendie de Châteaudun en 1723, dans Bulletin de la Société dunoise, 1870-1874, t. II, p. 218 ; voir Anonyme, Plan de la ville et des faubourgs avant l'incendie de 1723, in-fol. plano 1884.

[126] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 1256, fol.35, 39, 46 : mémoires du marquis de Fénelon, datés des 24 et 31 juillets1723.

[127] M. Marais, op. cit., t. II, p. 223 ; Poulbrière, Titres et documents intéressant le Bas-Limousin, dans Bulletin de la Société scientifique, historique ci archéologique de la Corrèze, 1889, t. XI, p. 569.

[128] Bibl. Nat., ms. 25135, fol. 9.

[129] C. de Sévelinges, op. cit., t. II, p. 353 ; M. Marais, op. cit., t. II, p. 486-487

[130] Œuvres, t. III, p. 110.

[131] M. Marais, op. cit., t. II, p. 467 ; juin 1723.

[132] Barbier, op. cit., t. I, p. 287 ; juillet 1723.

[133] Ibid., t. I, p. 287 ; Saint-Simon, Mémoires (1858), t. XIX, p. 451 ; M. Marais, op. cit., t. III, p. 4.

[134] Buvat, op. cit., t. II, p. 444 ; 16 juillet 1723.

[135] A. Baudrillart, Philippe V et la Cour de France, t. II, p. 531-536.

[136] Public Record Office, France, vol. 359 : Schaub à lord Carteret, 11 juillet 1723.

[137] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 330, fol. 42 : Dubois à Grimaldo, 15 juillet 1723.

[138] Buvat, op. cit., t. II, p. 447 ; 28 juillet 1723.

[139] Barbier, op. cit., t. I, p. 288.

[140] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 649, fol. 121 : Tencin à Dubois, 20 juillet 1723.

[141] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 649, fol. 311 : Tencin au Régent, 31 août 1723.

[142] Buvat, op. cit., t. II, p. 448-449.

[143] Hénault, Mémoires, dans L. Perey, Le Président Hénault et Madame du Deffand, in-8°, Paris, 1803, p. 125-128.

[144] Buvat, op. cit., t. II, p. 449, août 1723.

[145] M. Marais, op. cit., t. III, p. 5.

[146] Arch. des Aff. Etrang., Autriche, t. 142, fol. 205-209 : Dubois à Dubourg, 7 août 1723, dans A. Baudrillart, op. cit., t. II, p. 536-537.

[147] A. Baudrillart, op. cit., t. II, p. 546-549 : C. Sommervogel, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, t. II, p. 1835.

[148] Hénault, Mémoires, dans op. cit., p. 128-129.

[149] Saint-Simon, Mémoires (1858), t. XX, p. 4.

[150] Barbier, op. cit., t. I, p. 293.

[151] Hénault, op. cit., p. 129.

[152] Marais, op. cit., t. III, p. 3 : Saint-Simon, op. cit., t. XX, p. 4 ; Barbier, op. cit., t. I, p. 294 ; Buvat, op. cit., t. II, p. 449, dit à tort que le transport se fit le dimanche 8 ; p. 452, il rectifie ; le 9.

[153] Hénault, op. cit., p. 130-131.

[154] M. Marais, op. cit., t. III, p. 3 ; Buvat, op. cit., t. II, p. 452 ; Hénault dit quatre, Buvat cinq, Marais six minutes pour l'opération.

[155] Hénault, op. cit., p. 131-132.

[156] M. Marais, op. cit., t. III, p. 3.

[157] Hénault, op. cit., p. 131-132.

[158] Hénault, Mémoires, p. 123 ; M. Marais, op. cit., t. III, p. 4.

[159] Barbier, op. cit., t. I, p. 297.

[160] Buvat, op. cit., t. II, p. 451.

[161] M. Marais, op. cit., t. II, p. 7.

[162] Mouffle d’Angerville, Vie privée de Louis XV, édit. A. Mayrac, Paris, 1921, p. 23.