HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME TROISIÈME

 

CHAPITRE XLV. — Law contre Dubois (Janvier-juin 1720).

 

 

Duel de lord Stair et de Law. — Stair rappelé et disgracié. — Lord Stanhope et Dubois contre Law. — Triomphe du duc d’Orléans. — Tactique de l’Angleterre. — Elle cherche à entraîner le Régent. — Attitude de la Turquie. — Attitude de la Prusse. — Avances de Pierre Ier au Régent. — Stanhope acharné à la perte de Law. — Sa disgrâce et son retour de faveur. — Rappel de Daguesseau. — Complot contre Dubois. — Dubois vise à l’archevêché de Cambrai. — Il sonde le Régent. — Fait écrire le roi d’Angleterre. — Lord Stair obtient la nomination. — Noailles refuse le dimissoire. — Ordination per saltum. — Opposition de Law. — Retards apportés à l’Induit. — L’Induit est donné. — Préparatifs du sacre. — Le sacre de Dubois. — Dubois l’emporte sur Law.

 

Duel de lord Stair et de Law

De jour en jour l’accord de Dubois avec Law faisait place à la mésentente, prélude de la brouille. Entre autres torts, Law avait celui d’entretenir d’excellents rapports avec Torcy, le rival toujours redouté ; pis que cela, peut-être visait-il pour lui-même au ministère. Lord Stair n’avait pas dû se faire faute d’insinuer à Dubois ce qu’il écrivait à Craggs : « Considérez dorénavant Law comme premier ministre[1]. » L’inquiète méfiance qui avait présidé depuis quatre ans aux relations entre Dubois et Stair, semblait s’atténuer devant le péril que l’entente de Torcy et de Law faisait courir à la politique de Dubois et à la prospérité de l'Angleterre. Le patriotisme exclusif et hargneux de Stair lui montrait Law et le crédit français comme une menace et presque un attentat permanent à la grandeur de son pays et son insistance irritait lord Stanhope, moins pessimiste et assez justement satisfait du degré de puissance où sa politique avait élevé le royaume britannique. Grâce à lui, la dynastie de Hanovre était définitivement assise sur le trône d'Angleterre ; le Prétendant végétait à Rome, les renonciations qui séparaient à jamais les couronnes de France et d’Espagne s’aggravaient d’une guerre entre ces deux royaumes, Dunkerque et Mardyck étaient ruinés, la marine espagnole anéantie, la marine française disparue, la marine suédoise reconstituée et mise à la remorque de la marine anglaise maîtresse de la Méditerranée, de la mer du Nord et de la Baltique où la marine russe, seule, pouvait encore lui porter ombrage. De semblables résultats valaient bien le prix qu’on avait mis pour les acquérir et Stanhope ne s’effrayait nullement du chiffre de la dette publique s’élevant à cinquante-deux mil" lions de livres sterling. Lord Stair ne partageait pas cette sérénité et ses inquiétudes irritaient le premier ministre au moins autant que l’avaient fait ses disputes toujours renaissantes avec Dubois. On a vu qu’à un moment Stanhope avait offert de rappeler Stair[2], les incidents soulevés à l’occasion de l’entrée solennelle de l’ambassadeur n’avaient pu que confirmer cette velléité, ses incursions maladroites sur le domaine financier ajoutèrent encore à l’aigreur que Stanhope ne prenait presque plus la peine de déguiser, en sorte que, finalement, il prit contre lord Stair le parti du Régent, de Dubois et de John Law. Toujours préoccupé des destinées de la Quadruple-Alliance, son œuvre, Stanhope n’en concevait pas la durée en dehors de l’union étroite des diplomates et des finances. Lors de son passage à Paris, dans l’été de 1718, il avait recommandé à Stair de mettre bien ensemble Dubois et Law ; un an plus tard, leur dissentiment était public et Dubois essayait de donner le change en écrivant à Stanhope : « Milord Peterborough a du être désabusé que je fusse mal avec M. Law par le soin que celui-ci a pris de le mener chez moi, d’abord qu’il a été à Paris. Je n’ai point connaissance que M. Law soit mécontent de moi, et je mérite le contraire[3]. »

Ces protestations ne comptaient pas devant les faits. Stair attaquait la Banque et Law dénonçait Stair au Régent ; Stair s’en défendait comme de « la calomnie du monde la plus atroce et la plus indigne « tendant à brouiller les deux pays ; d’ailleurs, ajoutait-il, « ce n’est pas d'aujourd'hui que je sais les bonnes intentions de M. Law pour sa patrie et les desseins qu’il a de mettre le Roy mal avec S. A. R.» Naturellement le Régent lui donnait raison, le comblait de remerciements[4] et Stair se croyait non seulement disculpé mais rentré en faveur auprès de son gouvernement jusqu’à ce que Craggs l’eût éclairé. « Si V. S. me demande mon opinion, j’aurais souhaité qu’après nous avoir dit si souvent que nous devions considérer Law désormais comme Premier Ministre, vous vous fussiez abstenu de l’attaquer ouvertement sans l’ordre du Roi à cet égard[5]. » Loin d’être calmé, Stair n’en est que plus excité à dénoncer les relations de Law avec les membres du parti jacobite[6], ses sympathies pour l’alliance espagnole et pour l’accord moscovite[7]. Véritable Cassandre, il n’a que de sinistres prédictions à faire entendre et chacune de ses dépêches semble tinter le glas de la Quadruple-Alliance. Se croyant incompris, méconnu, il demande son rappel, car « je prévois, dit-il, par le train que îles affaires prennent (que) je ne serai plus en état de pouvoir rendre aucun service au Roy dans cette Cour[8] ».

 

Stair rappelé et disgracié

La dépêche alarmante de lord Stair expédiée le 27 décembre arriva à Londres le 1er janvier 1720 au matin. A midi, le Roi donnait ordre à lord Stanhope de se rendre à Paris et de converser avec le Régent, avec Dubois et avec Law. Le motif officiel du voyage était de s’entendre sur la conduite à tenir à l’égard de l’Espagne après la disgrâce d’Alberoni ; en réalité les deux problèmes, l’un politique l’autre financier, allaient être approfondis.

Stanhope parti de Londres le 3 janvier, arriva à Paris le 9, et alla aussitôt faire visite à Law à qui il proposa des grâces et des faveurs pour ses proches parents. On ignore l’accueil qui fut fait à ces avances, mais il est certain que le premier ministre anglais promit au nouveau contrôleur général le rappel de lord Stair. Après avoir fait la même promesse au Régent et abordé l’affaire d’Espagne, Stanhope regagna Londres[9] laissant lord Stair suffoqué, abasourdi, puis violent et furieux s’abandonnant aux récriminations sans s’interdire les grossières injures[10]. Cette disgrâce causait en France un véritable soulagement et à peine fut-elle annoncée par lord Stanhope que la Cour et la ville en furent instruites[11], les lettres de rappel furent expédiées au commencement de mars et pendant plusieurs mois l’ambassadeur continua l’expédition des affaires, mais son rappel et sa disparition mettaient fin à des procédés d’une incorrection délibérée et soutenue que Dubois avait hâte de voir abandonner. Dès le mois de février, il réclamait à Londres un prompt départ de cet encombrant diplomate dont l’aigreur menaçait d’un éclat qui serait irrémédiable[12]. Law était plus impatient encore, ayant pensé que le compatriote à qui il avait fait gagner « trois bons millions[13] », (sans parler de ce que l’entourage avait grappillé[14]) lui en aurait su gré.

 

Lord Stanhope et Dubois contre Law

Lord Stair succombait à la tâche, mais ses dénonciations venimeuses contre celui qu’il accusait d’avoir promis d’élever la France sur les ruines de l’Angleterre et de la Hollande ne pouvaient manquer de trouver des échos dans un pays profondément jaloux — comme il le serait d’un préjudice — de la prospérité d’autrui. Le cri d’alarme fut entendu, répété, mais le cabinet anglais préféra à une campagne retentissante une guerre sournoise et les coups fourrés de la banque et du commerce. Stanhope si rempli de bienveillance pour Law dans sa lettre du 29 décembre à Dubois[15], ne venait, semble-t-il à Paris que pour y recruter des complices mieux stylés sur la conduite à tenir. « C’est milord Stanhope qui à son dernier voyage a conseillé à Dubois de se mettre au courant des finances d’Angleterre, pour que vous puissiez faire voir à S. A. R. les défauts du système dans lequel M. Law l’avait embarqué. Vous ne devez pas perdra ce moment cet objet de vue, écrit Destouches à Dubois, c’est le plus sûr et le plus noble moyen pour maintenir et augmenter votre crédit, en abaissant celui de M. Law[16]. » Le fidèle secrétaire et ami, panégyriste aussi de Dubois, l’honnête Le Dran, dit de même : « Stanhope vint à Paris. Les Anglais marquaient leur inquiétude de la Compagnie des Indes et de certaines mesures de finances et de commerce. Dubois les tranquillisa. L’union fut définitivement affermie[17]. »

Ainsi, dès le mois de janvier 1720, Dubois guettait Law en qui il voyait le futur surintendant, le premier ministre avec lequel il faudrait composer et sous les ordres duquel il faudrait servir. C’est que Law aussi avait ses vues politiques, opposées à l’alliance anglaise, favorables à l’Espagne et à la Russie. A l’heure où Dubois sollicitait le départ urgent de Stair, dont la présence à Paris excitait l’animosité de Law, Dubois redoutait un esclandre dont les suites seraient irréparables : « M. Law est fort altéré contre l’Angleterre. Il a fait entrer M. Le Blanc dans ses vues. Ils m’attaquent comme prévenu et favorisant l’Angleterre. Son Altesse Royale fort irritée pourrait se jeter en des extrémités[18]. » C’est dans de pareils moments que Dubois sentait le péril de sa situation et la nécessité du chapeau. Plus que par le passé, si c’eût été possible, il se jetait dans les bras de Stanhope, son génie tutélaire. Pendant le séjour du « Premier » à Paris il avait pu lui exprimer sa reconnaissance pour les efforts infructueux et esquisser le plan d’une deuxième campagne. En outre, il avait dû s’entendre avec l’anglais au sujet de la conduite à suivre en Espagne et dans la Baltique.

 

Triomphe du duc d'Orléans

Avant son départ pour Londres, Stanhope avec Dubois et Pendtenriedter signaient une Déclaration à l’issue d’une conférence tenue au Palais-Royal ; en conséquence ils signifiaient à Philippe V « leur volonté de maintenir dans tous ses termes [la Quadruple-Alliance] essentielle à l’équilibre européen[19] ». Schaub porta cette pièce à Madrid[20] où il n’arriva que le 8 février[21] ; mais un courrier de Dubois à Scotti était arrivé dans la nuit du 24 au 25 janvier résumant la décision prise[22]. Philippe V comprit qu’il n’avait plus qu’à se soumettre et, le 26, annonçait son accession à la Quadruple-Alliance. C’était, pour Dubois, un succès qu’il lui était facile de présenter comme une sorte de triomphe pour le duc d’Orléans, puisqu’après tant et de si longues résistances, ses droits au trône de France se trouvaient solennellement reconnus par la renonciation des Bourbons d’Espagne au trône de France[23].

 

Tactique de l’Angleterre

C’est à ce succès personnel qu’avait abouti la diplomatie secrète, puis la diplomatie officielle de Dubois, le Régent était comblé, mais la France n’avait rien. Au moment où la disgrâce d’Alberoni mettait fin à la guerre d’Espagne et où la Triple-Alliance du Nord paraissait couper court à une politique belliqueuse, l’Angleterre ne désespérait pas de provoquer la guerre dans la Baltique. Toutes ses démarches tendaient à grouper les puissances contre la Russie et à procurer la répétition de ce qui s’était fait contre l’Espagne. A celle-ci la bataille de Passaro avait coûté sa flotte, à celle-là quelque action heureuse vaudrait peut- être un pareil désastre.

Le but étant identique, le procédé ne changea pas. L’Angleterre offrit la paix à la Russie comme elle l’avait offerte à l’Espagne. Mais cette Paix était humiliante pour le Tsar, elle ne supposait pas moins que la restitution de Revel à la Suède, de la Finlande, de l’Estonie et de la Livonie, c’est-à-dire le sacrifice des conquêtes dues à vingt années de labeurs et de génie. Il semble que Pierre Ier n’en ait jamais rien su, ses ministres n’osèrent lui proposer ces conditions, il apprit seulement que la négociation était rompue et s’apprêta à faire la guerre. En peu de temps la Livonie se vit inondée de Cosaques, Kalmouks, Bashkirs ; l’Angleterre équipa une flotte dans la Baltique et songea à attirer les Polonais en Livonie au secours des Suédois pédant qu’on déchaînerait Turcs et Tartares dans le sud de la Russie[24]. C’était une nouvelle ligue, et formidable, que l’Angleterre organisait et, en vue de laquelle, elle faisait alliance avec la Suède, alliance défensive, disait-on, bien qu’il n’y parût guère[25]. La France s’y trouvait implicitement comprise. « Aujourd’hui, disait le préambule de l’acte, c’est par la médiation et sous la garantie de S.M.T.C. qui a désigné et chargé de ses ordre M. de Campredon que ce traité a été conclu[26]. »

 

Elle cherche à entraîner le Régent

Georges Ier seconda Stanhope écrivit personnellement au Régent pour lui demander de concourir aux moyens d’entraîner le roi de Pologne[27]. Celui-ci envoyait alors à Londres son ministre, Fleming, qui offrit le concours de la Saxe contre la Russie pourvu qu’on lui versât de larges subsides pour convertir les Polonais fi leur roi et à sa politique. Stanhope approuva et pria le Régent de fournir l’argent nécessaire. Il lui expédia un sieur Lecoq, calviniste réfugié de Saxe à Londres[28], mais le duc d’Orléans refusa, faute d’argent et, malgré toutes les instances les plus pressantes[29], répondit au roi d’Angleterre que « la nécessité de pourvoir aux engagements où le Roi est entré avec Sa Majesté est la seule raison qui suspend, quant à présent, ce qu’il désirerait pouvoir faire pour marquer à Sa Majesté la confiance parfaite dans la solidité de ses projets et pour en partager les événements avec elle[30] ».

Fleming ne pouvant rien gagner profita de la mort du résident de Saxe à Paris pour confier les affaires de son gouvernement à un tout jeune diplomate, Charles-Henri de Hoym, très élégant, très instruit, très mondain et capable d’exercer une réelle influence sur l’entourage du Régent. Hoym reçut pour instructions de décider la France à soutenir la Saxe contre la Russie[31], dès lors son dessein fut de détourner sur la Saxe « les libéralités que depuis un siècle la France, faisait à la Suède, incapable désormais de lui servir[32] ». Outre ce jeune Chérubin, Auguste II envoyait à Berlin un vieux soldat, le général Wackerbarth pour renouer avec la Cour de Prusse et retirer à la France tout prétexte de lui tenir rigueur[33]. En même temps, à la diète de Varsovie, Auguste faisait miroiter les subsides, les conquêtes, les titres, tout ce qui pouvait réduire et entraîner l’aristocratie polonaise.

Attitude de la Turquie

Pour que le succès fut certain il suffirait d’obtenir le concours des Turcs qui occuperaient les armées moscovites sur les côtes de la mer Noire ; mais les Turcs ne souhaitaient alors que la paix. Le traité de Passarowitz les avait laissé épuisés, plus que lassés, et un repos de plusieurs années leur était indispensable[34]. Ils pousseraient la condescendance jusqu’à une sorte de renoncement ainsi qu’en témoignaient des hommes éclairés. « Les Turcs, écrivait le marquis de Bonnac, notre ambassadeur, feront tout pour éviter la guerre avec les Russes. Ils les laisseront, quoi que fassent les Anglais, faire la guerre en Pologne et empêcheront le Khan des Tatars de s'en mêler[35]. » Et l’ambassadeur de Hollande, Theyls, reconnaissait que « tous les ministres étaient d’avis de ménager l’amitié de Sa Majesté Tsarienne..., jusque-là même qu’on devait fermer les yeux sur le séjour des Moscovites en Pologne[36]. Bonnac et Theyls approuvaient et appuyaient cette politique opposée à celle de l’Angleterre, laquelle s'efforçait de faire le jeu des Allemands et, dans ce but, de pousser les Turcs contre le Tsar[37]. Bonnac s’était créé à Constantinople une situation presque indépendante et y demeurait attaché aux maximes de la vieille diplomatie française. C’en fut assez pour que Stanhope, qui avait bouleversé notre personnel diplomatique dans les Cours du Nord, demandât le rappel de cet ambassadeur ou qu’il se conduisît mieux « suivant nos idées[38] ». Bonnac admonesté par Dubois prit bonne note de ce qu’on attendait de lui, s’en écarta absolument et demeura à son poste[39].

 

Attitude de la Prusse

A Berlin, Rottembourg se montrait plus docile que Bonnac à Constantinople. Rottembourg y servait de son mieux les Anglais et avait su déterminer le roi de Prusse à rendre visite à son beau-père Georges Ier à Hanovre. Au retour de cette visite, Frédéric-Guillaume Ier adressa au Tsar une note comminatoire rédigée par Witworth et Rottembourg : « La conduite du Tsar, y lisait-on, ses exigences à l'égard de la Suède, inquiétaient toute l’Europe au moment où l’Italie allait être en paix, où la Suède avait retrouvé de nombreux amis, où toutes les grandes puissances avaient pris leurs mesures pour rétablir le repos public dans la chrétienté[40]. » Le Tsar reçut assez mal cette note et l’envoyé prussien Schlippenbach : « C’est dommage, dit-il, que la Prusse se sépare du Tsar ; si elle se joint à l’Angleterre et à la Suède il la traitera en ennemie » ; et cet avertissement plongea le roi de Prusse dans une vive perplexité[41]. Le 1er février il signa un traité d’alliance avec la Suède et, dix jours après, il adressa au Tsar une déclaration de neutralité.

 

Avance de Pierre Ier au Régent

Pierre Ier n'en voyait pas moins l’orage se former contre lui et il était assez perspicace et assez renseigné pour découvrir tous les symptômes d’une coalition ; il ne négligea rien, dès lors, pour la rompre. L’alliance franco-anglaise lui apparaissait comme le noyau solide autour duquel s’amoncelaient d’autres convenances et de vigoureux appétits. Le 15 janvier 1720, il chargea son ministre à Paris, le comte de Schleinitz de demander des explications au duc d’Orléans : «une déclaration par écrit portant que S.M.T.C. n’a aucun engagement ni direct ni indirect avec la Reine et la couronne de Suède, ni avec aucun autre de ses Alliés contraire ou opposé au troisième article secret ou séparé du traité d’Amsterdam. » De plus, le Tsar déclarait savoir à n’en pouvoir douter, la part que les envoyés du Roi avaient prise aux traités du Nord et les envois d’argent à la Suède[42] ». Pour toute réponse, Dubois laissa La Marck offrir au Tsar la médiation de la France. Le Marck n’avait pas oublié ses propres, griefs contre l’Angleterre il s’empressa donc de proposer à Pierre Ier une alliance entre la France, la Suède, l’Espagne et les puissances protestantes à l’exclusion de l’Angleterre. Rien ne convenait mieux au Tsar qui envoya à Paris un plénipotentiaire porteur d’une lettre destinée au duc d’Orléans[43]. Il s’y montrait toujours aussi sévère pour la Suède, réclamait, à l’exception de la Finlande et d’une partie de la Carélie, toutes les provinces conquises ; mais il acceptait la médiation de la France et priait le Régent de lui faire savoir les avantages particuliers qu’il souhaitait. Dubois coupa court à ce commencement de négociation. Une note de sa main fait observer qu’« en paraissant se prêter au plan du Tsar, l’on s’exposerait à mécontenter l’Angleterre et l’Empereur par des liaisons prises à leur insu. S’il est vrai que dans d’autres conjonctures, les liaisons avec le Tsar puissent devenir utiles et même nécessaires, il serait contraire à toutes les règles de la prudence de rechercher, au prix de l’amitié des seuls Alliés qui nous préservent présentement, des engagements que nous ne pourrons soutenir[44]. »

 

Stanhope acharné à perdre Law

Au moment où ils se dérobaient ainsi aux sollicitations de Georges Ier et aux avances de Pierre Ier, le Régent et Dubois étaient accablés d’embarras. Le Système succombait, mais Law ne se rendait pas encore, né voulant pas comprendre que les Anglais avaient juré sa perte. Au mois de janvier, Stanhope avait essayé de le séduire ; le 27 mars il était de nouveau à Paris « pour ses affaires particulières, ayant, disait-il, beaucoup d’actions à la Banque[45] », en réalité pour donner à Law un assaut qu’il croyait décisif ou, comme l’écrit Destouches à Dubois pousser « le contrôleur général à toute extrémité ou le ramener à l’Angleterre[46] ». Dubois était pleinement gagné à tout ce qui pourrait se faire contre Law, mais celui-ci conservait une partie de-son ascendant sur le duc d’Orléans. Ce fut Destouches qui servit d’intermédiaire à cette intrigue destinée à ruiner Law dans l'esprit du Régent. « Appliquez-vous à tout ce qui pourra vous instruire sur les finances et le crédit, lui avait recommandé Dubois[47]. » De son côté, Law traversait de son mieux la diplomatie de Dubois, recourait aux services de Berthelot de Pléneuf, l’envoyait à Londres et, par lui, cherchait à s’emparer de notre ambassadeur M. de Senectère ; pendant ce temps, à Paris, il s’attachait au parti de la « vieille Cour ». Cette, fois c’en était trop ; la coalition de Dubois, d’Argenson et Le Blanc l’accabla et lui fit retirer le contrôle général[48]. Les Anglais triomphèrent. « Ils se réjouissent, écrivait Destouches de la chute de ce ministre qui altérait la bonne intelligence entre les deux Cours et voulait rompre le traité de Londres[49]. »

 

Sa disgrâce et son retour de faveur

L’arrêt du 27 mai mettait Law hors du contrôle, mais le jour même il était nommé secrétaire d’État d’épée, avec l’inspection et direction générale de la Banque. Ce n’était donc qu’une demi- victoire et surtout une victoire douteuse[50]. D’ailleurs Law ne s’abandonnait pas, recevait princes et ducs comme au temps de sa faveur[51] et le public savait qu’« il y avait de grands mouvements au Palais-Royal pour chasser et pour rétablir Law, à qui, suivant le mot de M. Marais, on ne savait quel nom donner[52] ». Ces grands mouvements ne tardèrent pas à aboutir ; le 7 juin, Law était rétabli dans sa charge et son retour allait être marqué par des vengeances. Dans la soirée du 6, Law et le chevalier de Conflans rendirent visite au chancelier Daguesseau exilé à Fresne « et on s’attendit à voir quelques changements considérables[53] ». Le 7, le duc d’Orléans envoya le chevalier de Conflans à Fresne pour en ramener le chancelier[54]. « Joie universelle pour tous les gens de bien[55]. »

 

Rappel de Daguesseau

Dans la journée, Dubois fut chez d’Argenson lui redemander les sceaux de la part du duc d’Orléans. D’Argenson les rapporta le soir même, au Palais-Royal, sans se hâter, donna sa démission de l’air le plus tranquille[56] et se retira chez les Jésuites de la rue Saint-Antoine et ensuite au couvent de la Madeleine de Traîsnel, poursuivi par l’ironie des salons[57], les sarcasmes[58] et bientôt les invectives de la foule[59]. Le chancelier Daguesseau, arrivé à Paris le 8, à deux heures après minuit à l’Hôtel de la place Vendôme fut conduit à neuf heures du matin au Palais-Royal où le Régent lui rendit les sceaux, l’embrassa avec toutes les démonstrations les plus fortes de joie et d’amitié. Ensuite ils eurent une conférence dans l’embrasure d’une fenêtre à la vue de tout le monde et Law y fut en tiers. Le chancelier sortit avec la cassette des sceaux que portait un gentilhomme, il fut accueilli par les acclamations de la foule. Peu après, le Régent le conduisit saluer le Roi au Louvre. Villeroy prit la parole : « Le Roi, dit-il, n’a jamais signé d’ordre et n’en donnera jamais qui lui fasse plus de plaisir que celui de votre rappel. A présent que vous êtes à la tête des affaires, Sa Majesté espère que vous travaillerez à les rétablir. » Le petit Roi ouvrait de grands yeux et garda obstinément le silence. « Comment trouvez-vous le Roi ? » demanda le chancelier. — « Je trouve qu’il se porte bien », répondit le chancelier. — « Combien y a-t-il que vous n’avez vu Sa Majesté ? » — « Il y a un an et demi et je la trouve crû de toute la tête. » Daguesseau baisa la main de l’enfant et se retira. Alors ce furent les visites et les compliments. « Toute la France, grands seigneurs, gens de robe et d’épée » vinrent à l’hôtel du chancelier devant lequel stationnait la foule, prête à l’acclamer. « Tout Paris, dit-encore Mathieu Marais, est charmé de le revoir et content de voir le garde des sceaux chassé[60]. » Ces sentiments ne dureraient pas longtemps. « Tout le monde, écrira bientôt l’avocat Barbier, croit que le chancelier est livré à la Cour et qu’il deviendra aussi méchant que les autres. On afficha la nuit a sa porte, en grosses lettres, un fort joli mot[61] :

ET HOMO FACTUS EST.

 

Complot contre Dubois

Law n’était pas satisfait encore. D’Argenson ne succombait pas, il battait en retraite laissant son fils lieutenant de police, voyant en cachette le Régent[62], laissant supposer une entente secrète entre le prince et lui[63]. Law en prit ombrage. Bientôt on apprit que M. de La Vrillière, secrétaire d’État, s’était rendu à la Madeleine du Traîsnel et que le jeune d’Argenson était remercié et remplacé[64] ; M. de Trudaine, prévôt des marchands, l’était lui aussi[65] ; les quatre frères Paris, exilés en Dauphiné[66] ; plusieurs autres étaient frappés et « toutes ces mutations prouvaient incontestablement que Law était mieux que jamais dans l’esprit du Régent[67]. » L’abbé Dubois échapperait-il à la vengeance de Law ? Le contrôleur général ne manquait pas de complices dans l’assaut qu’il menait contre le secrétaire d’État des affaires étrangères. Le duc de Bourbon croyait conduire l’intrigue bien qu’il ne fut capable d’autre chose que de la faire manquer, Valincour groupait des recrues et s’adressait à Saint-Simon : « Il me semble, lui écrivait-il, que ce qui vient d’arriver à M. le Chancelier devrait rapprocher et réunir pour jamais deux personnes qui se conviennent, si fort l’une et l’autre par leur vertu, leurs manières de penser et leurs sentiments pour le bien de l’État[68]. Saint-Simon feignit d’autres préoccupations ; à l’en croire il n’était venu à Paris que rappelé par la santé de sa femme. Le 12 juin cependant, il sollicitait une audience du Régent, car « le point des points, disait-il, est d’ôter l’abbé Dubois. Il ne faut compter sur rien s’il demeure. On peut compter que le fort et le faible seront employés de ma part sous toutes sortes de faces. » Il pria nettement le prince « de renvoyer son ministre à Cambrai », et employa « tous, ses moyens pour renverser cet honnête homme tandis qu’il était ébranlé[69]. ». Il croyait toucher le but : « Je l’ai cru perdu l’autre semaine et encore celle-ci[70]. » Voyons où il en était.

 

Dubois vise à l’archevêché de Cambrai

Le cardinal de La Trémoille était mort à Rome, le 9 janvier 1720, « assez méprisé et à peu près banqueroutier ». Il avait cependant en traitement, pensions et bénéfices des sommes importantes. « Son ignorance, ses mœurs, l’indécence de sa vie, sa figure étrange, ses facéties déplacées, le désordre de sa conduite, ne purent être couverts par son nom, sa dignité et son emploi, la considération de sa sœur la fameuse princesse des Ursins » qui avait imposé sa promotion. « C’était un homme qui ne se souciait de rien et qui pourtant craignait tout, tant il était inconséquent, et qui, pour plaire ou de peur de déplaire, n’avait sur rien d’opinion à lui[71]. » Cette mort faisait vaquer le plus riche archevêché, Cambrai, estimé à cent cinquante mille livres de rente ; Dubois en fut tenté. Après l’échec de la campagne pour le cardinalat, il voulait sa revanche ; cet archevêché encore illuminé de la gloire de Fénelon, ce bénéfice dont l’opulence permettait tant d’entreprises, ce poste qui créait son titulaire prince d’Empire était un degré providentiel pour s’élever au cardinalat.

 

Il sonde le Régent

«Quelque imprudent qu’il fût, quel que fût l’empire qu’il avait pris sur son maître, il se trouva fort embarrassé et masqua son effronterie de ruse, il dit au duc d’Orléans qu’il avait fait un plaisant rêve, et lui conta qu’il avait rêvé qu’il était archevêque de Cambrai. Le Régent, qui sentit où cela allait, fit la pirouette et ne répondit rien. Dubois, de plus en plus embarrassé, bégaya et paraphrasa son rêve ; puis, se rassurant d’effort, demanda brusquement pourquoi il ne l’obtiendrait pas ; Son Altesse Royale de sa seule volonté pouvant ainsi faire sa fortune. Le duc d’Orléans fut indigné, même effrayé, quelque peu scrupuleux qu’il fût au choix des évêques, et d’un ton de mépris, lui répondit : « Qui ! toi, archevêque de Cambrai ! » en lui faisant sentir sa bassesse et plus encore le débordement et le scandale de sa vie. Dubois s’était trop avancé pour demeurer en si beau chemin, lui cita des exemples[72] », mais comprit que l’affaire était à reprendre. Il n’hésita pas à adopter la méthode qui lui avait réussi déjà pour vaincre la résistance du prince, l’intervention des diplomates étrangers. Cette fois, pour gagner du temps, après avoir chargé Destouches d’agir à Londres auprès de Stanhope, Dubois mit en campagne l’ambassadeur impérial, M. de Pendtenriedter qu’il avait sous la main.

 

Fait écrire le roi d’Angleterre

Aussitôt informé, celui-ci demanda audience au Régent et postula l’archevêché vacant pour Dubois. Il motiva son intervention par ce fait que la plus grande partie du diocèse était située hors le France, dans les terres de l'Empereur ; ainsi Dubois se trouverait en mesure d’entretenir l'harmonie et la bonne intelligence entre les alliés. Le Régent l’écouta sans le décourager et au sortir du Palais-Royal, l’ambassadeur impérial se rendit chez lord Stair le priant d’obtenir l’intervention personnelle de Georges Ier. Stair rendit compte à Dubois qui stimula l’ardeur toujours prête de Destouches, pendant que le ministre impérial à Londres ne voulut pas moins faire que son collègue de Paris et donna lecture au roi d’Angleterre d’une lettre de Pendtenriedter qui produisit l’effet désiré. Moins heureux ou moins respecté, Destouches, que le Roi admettait à une sorte de familiarité, n’avait recueilli qu’un éclat de rire : « Sire, lui dit-il, je sens comme Votre Majesté, la singularité de la demande ; mais il est de la plus grande importance pour moi de l’obtenir. — Comment veux-tu, répondit le Roi en continuant de rire, qu’un prince protestant se mêle de faire un archevêque en France ? Le Régent en rira lui-même et n’en fera rien. — Pardonnez-moi, Sire ; il en rira, mais il le fera ; premièrement par respect pour Votre Majesté ; en second lieu, parce qu’il le trouvera plaisant. D’ailleurs, l’abbé Dubois est mon supérieur ; mon sort est entre ses mains ; il me perdra, si je n’obtiens de Votre Majesté une lettre pressante à ce sujet : la voici toute écrite, et les bontés dont Votre Majesté m’honore me font espérer qu’elle voudra bien la signer. — Donne, puisque cela te fait tant de plaisir », dit le Roi et il la signa[73]. La voici :

« Le Sr de Pendtenriedter m’a fait savoir que vous aviez à disposer de l’archevêché de Cambrai, et m’a fait remarquer que dans l’incertitude d’obtenir un chapeau de cardinal pour M. l’abbé Dubois, ce bénéfice ferait le même effet et lui donnerait la considération et la sûreté que tous vos alliés lui souhaitent par reconnaissance et pour le mettre en état ide contribuer longtemps au maintien de la bonne correspondance. D’ailleurs l’Empereur, l’Angleterre et la Hollande ont un intérêt égal qu’il y ait à Cambrai un sujet prudent qui ait à cœur d’entretenir la bonne intelligence entre ces puissances et la France, de sorte que vous épargneriez beaucoup d’inquiétudes, et peut-être des inconvénients si vous y placiez un homme dont nous connaissons toutes les bonnes intentions et la sagesse. L’amitié avec laquelle vous avez reçu ma lettre au sujet du chapeau de cardinal me fait espérer que vous n’aurez pas moins d’égard à celle-ci pour une grâce qui dépend entièrement de vous. Il s’agit de l’intérêt commun et de votre gloire, et je puis vous assurer que mon empressement dans cette occasion est l’effet de l’attachement sincère que j’ai pour vous[74]. »

 

Lord Stair obtient la nomination

Destouches expédia cette lettre à l’instant, ne manquant pas d’ajouter qu’il lui « serait impossible d’exprimer l’empressement de Milord Stanhope à exécuter ce que vous avez souhaité, et la joie avec laquelle le roi de la Grande-Bretagne s’est employé en cela pour votre satisfaction[75]. » Armé de cette lettre, lord Stair se présenta chez le Régent, le 4 février 1720. L’instant était propice ; on venait d'apprendre l’accession définitive de Philippe V à la Quadruple-Alliance[76]. Stair y fit allusion et ajouta que cette coïncidence ne lui permettait pas de croire au refus de la demande qu’il présentait. Le duc d’Orléans répondit que le jour était vraiment favorable, qu’il accordait la demande du Roi, mais demandait quelques jours de silence parce qu’il pensait que raccommodement très prochain de la Constitution lui fournirait l’occasion d’une déclaration publique[77]. Averti par Stair, Dubois accourut chez le Régent qui lui dit : « Mais tu es un sacre, et qui est l’autre sacre qui voudra te sacrer ? — Ah ! s’il ne tient qu’à cela, reprit vivement l’abbé, l’affaire est faite ; je sais bien qui me sacrera, il n’est pas loin d’ici — Et qui diable est celui-là qui osera te sacrer ? — Voulez-vous le savoir ? et ne tient-il qu’à cela encore une fois ? — Eh bien ! qui ? dit le Régent. — Votre premier aumônier qui est là dehors, il ne demandera pas mieux, je m’en vais le lui dire. » Il sort, tire l’évêque de Nantes à part, lui dit qu’il a Cambrai, le prie de le sacrer, qui le lui promet à l’instant ; rentre, caracole, dit que l’affaire est faite, remercie, loue, admire et scelle la promesse à ne s’en plus dédire[78]. » Puis on s’en va dîner à Saint-Cloud, la Fare, Brancas, Noce et le Régent dans un carrosse. Tout-à-coup, Nocé, pour égayer la conversation, dit : « Monseigneur, on prétend que ce coquin de Dubois veut être archevêque de Cambrai ? — Cela est vrai, répondit le prince, et cela peut convenir à mes affaires. » On se tut[79]. Dubois rejoignit les soupeurs et pendant le repas, le Régent dit : « J’ai nomme à l’archevêché de Cambrai ; je ne crois pas que Dieu m’en sache beaucoup de gré, car j’ai nommé le plus grand coquin, le plus grand athée, le plus grand scélérat et le plus mauvais prêtre qu’il y ait au monde. » L’abbé sans attendre qu’on le nommât, se leva, alla baiser la main du Régent et le remercia[80]. »

 

Noailles refuse le dimissoire

Dubois ne fut pas moins reconnaissant aux solliciteurs d’Angleterre et remercia avec effusion le roi Georges, les lords Stanhope et Sunderland[81]. Dès le 6 février, il fit charger Lafitau, chargé d’affaires à Rome, de demander au pape l’induit nécessaire pour la nomination[82]. La nomination était ébruitée et faisait « un étrange bruit[83] ». Il fallut se précautionner et mettre en état de recevoir cette éclatante dignité. L’abbé n’était pas dans les ordres, il s’agissait de conférer la prêtrise à l’homme le plus taré de France. Les contemporains pensaient avoir tout vu, ils ne laissèrent pas d’être surpris ; ils se croyaient blasés en fait de turpitudes et on allait leur montrer qu’ils avaient à peine effleuré le scandale. Dubois avait songé à se faire ordonner dans la chapelle du Palais-Royal, mais il lui fallait l’autorisation de l’Ordinaire. Massillon, évoque de Clermont ; l’alla demander au cardinal de Noailles, il n’en rapporta qu’un refus. « Les vices d’esprit et de cœur et les mœurs si publiques de l’abbé Dubois lui étaient connus. Il eut horreur de contribuer en rien à le faire entrer dans les ordres sacrés. Il sentit toute la pesanteur du nouveau poids dont son refus l’allait charger de la part d’un homme devenu tout puissant sur son maître qui sentirait dans toute l’étendue l’insigne affront qu’il recevrait et quelles en seraient les suites pour le reste de leur vie. Rien ne l’arrêta, il refusa le dimissoire pour les ordres avec un air de douleur et de modestie sans que rien le pût ébranler, et garda là-dessus un parfait silence[84]. »

 

Ordination per saltum

Il fallut se tourner ailleurs. Massillon ne laissait pas que d’offrir quelques prises à la calomnie, ou à la médisance[85], piqué de son échec, il offrait ses services, mais Clermont en Auvergne était trop loin. Dubois se rabattit sur mi ancien protecteur de Lafitau, Bezons, transféré depuis peu de Bordeaux sur le siège de Rouen. Ce dernier diocèse poussait des pointes jusqu’auprès de Paris, l’archevêque accorda le dimissoire et, sous prétexte des affaires dont il était chargé, Dubois partit un matin, pour Chanteloup, dans le vicariat de Pontoise à quatre ou cinq lieues de Paris, pour y recevoir tous les ordres mineurs et le sous-diaconat, des mains de Tressan, évêque de Nantes et premier aumônier du duc d’Orléans (samedi 24 février)[86]. Le lendemain dimanche, il reçut le diaconat et huit jours plus tard la prêtrise (3 mars). Ce fut l’affaire d’une matinée, au retour il se rendit au Louvre et se présenta au Conseil de régence[87]. On fut surpris de l’y voir arriver. Il n’avait pas perdu de temps en actions de grâces. Il venait, à ce que dit plaisamment le duc de Mazarin, de faire sa première communion. Tout le monde se trouvait dans le cabinet du conseil, mais encore debout et épars. Quand l’abbé entra quelques-uns se récrièrent, il tourna la tête et voyant le prince de Conti venir à lui, ricanant, de ces ordres, de ce sacre, et qui fit un pathos avec tout l’esprit et la malignité possible. « Dubois qui n’avait pas eu l’instant de placer une seule parole, le laissa dire, puis répondit froidement que, s’il était un peu plus instruit de l’antiquité, il trouverait ce qui l’étonnait fort peu étrange, puisque lui abbé ne faisait que suivre l’exemple de saint Ambroise, dont il se mit à raconter l’ordination qu’il étala. Cette impie citation de saint Ambroise courut bientôt le monde avec l’effet qu’on en peut penser[88]. »

 

Opposition de Law

Cette comédie sacrilège de l’ordination n’avait pas même comporté la messe célébrée par l’ordinand, Dubois s’étant réservé de la dire pour la première fois le jour de son sacre, après qu’il aurait reçu les bulles de Rome ; en attendant, il se faisait instruire par son neveu, chanoine de Saint-Honoré, dans une chambre de son appartement où il avait fait dresser une espèce d’autel[89]. On l’entendait jurer et sacrer, suivant son habitude, en apprenant de mémoire les versets de l’introït : « Mordieu, je n’apprendrai jamais ce b… de verset-là[90]. » Simple distraction entre de plus graves soucis ! Law n’abandonnait pas la lutte contre le prestolet, il s’associait Le Blanc, ministre de la guerre, afin de le faire exclure du Conseil sous prétexte que la dignité archiépiscopale était incompatible avec les occupations ministérielles. Dubois le savait et portait ses plaintes à Stair. A l’entendre, il ne s’en mettait pas autrement en peine, si ce n’est qu’il voyait que ces messieurs allaient embarquer le duc d’Orléans dans des mesures qui le perdraient et l’Etat en même temps ; mais lui, l’abbé était obligé de se contenir et de tout « avaler », jusqu’à ce qu’il fut en possession de l’archevêché[91].

Ce n’était pas chose facile. En sollicitant l’induit nécessaire, le Régent avait fait savoir au Pape qu’il était nécessaire « de cimenter les fondements de l’union étroite et de la correspondance parfaite qu’il était si nécessaire de conserver entre le chef et le fils aîné de l’Église[92]. » L’instruction envoyée à Lafitau s’efforçait de pallier la réputation infâme de Dubois en le représentant comme constitutionnaire. « Vous connaissez par vous-même quelles sont ses dispositions par rapport à la bulle Unigenitus. L’application qu’il apporte sous mes ordres à la faire recevoir dans tout le royaume... est un bon garant de la conduite qu’il tiendra.

 

Retards apportés à l'induit

Tous ces motifs doivent dissiper entièrement les inquiétudes que le Pape « aurait pu avoir sur les sentiments du sujet[93]. » Dubois renchérissait sur ce plaidoyer. « Le nom de celui que S.A. R. destine à cet archevêché, écrivait-il, pourra lever, je m’en flatte, toutes les inquiétudes du Pape[94], et il parlait de sa nomination comme « du plus grand fléau » qui pût atteindre le jansénisme[95]. Malgré l’extrême impatience qu’avait Clément XI de hâter le triomphe de la Constitution, les garanties que lui présentait un pareil candidat ne pouvaient le convaincre, il atermoyait, il lambinait et Dubois s’irritait, il écrivait à Lafitau. « On a été fort surpris que vous ayez fait partir de Rome votre courrier sans qu’il fut chargé de l’induit. Vous deviez dire ou faire dire à Sa Sainteté que vous ne pouviez vous résoudre à lui rendre ce mauvais office que de renvoyer les mains vides un homme que le Roi vous avait dépêché pour demander une grâce qu’on ne doit pas lui refuser et qu’il est extraordinaire de différer... Le délai du Pape est étonnant surtout dans le temps que S. A. R. se donne des mouvements incroyables pour les intérêts du Saint- Siège et que je travaille avec un zèle qui est remarqué de tout le monde[96]. » Il rappelait la maladroite provocation qu’avait été la promotion de M. de Mailly au cardinalat. Dix jours plus tard, nouvelles récriminations sur un ton plus chagrin encore. « N’y avait-il pas lieu d’être surpris qu’on mit le marché à la main pour un induit que le pontife n’est pas en droit de refuser... Pourquoi le Pape veut-il nous imposer des conditions sur tout ce que nous lui demandons, et non recevoir aucune sur tout ce qu'il exige de nous ? Si donc le courrier qui part aujourd’hui revient sans porter l’induit, on peut chercher à Rome quelque autre qui les serve[97]. » Cette humeur hargneuse, ces menaces à peine déguisées, donnaient la mesure de l’impatience de Dubois qui, à la nouvelle que la santé du Pape déclinait, écrivait à son compère : « Si Dieu nous privait de Sa Sainteté, dans quels inconvénients ce malheur nous jetterait par le délai de l’induit et à combien d’accidents je serais exposé ![98] »

 

L'induit est donné

Devant le public, il dissimulait ces inquiétudes. « Le 3 avril, écrit Jean Buvat, M. l’abbé Dubois, nommé à l’archevêché de Cambrai, ministre et secrétaire d’État, favori de M. le Régent, donna splendidement à dîner à M. le maréchal de Villeroy, à M. le maréchal de Tallard, à M. le maréchal d’Estrées, à milord Stair ambassadeur d’Angleterre, à M. Hop ambassadeur de Hollande, à l’envoyé de l’Empereur M. de Pendtenriedter et à d’autres ministres étrangers, où rien ne fut épargné pour la bonne chère et pour la délicatesse des mots. Parmi le fruit qui fut servi, il y avait des poires de bon chrétien qu’on assurait avoir coûté quinze et vingt francs la pièce[99]. » Le 5 avril l’induit fut accordé[100]. Clément XI ne s’y était résigné qu’après avoir consulté l’ancien nonce Bentivoglio ; celui-ci prononça : dignissimus, et l’induit fut signe « en considération de Dubois, était-il dit, et pour l’amour de lui[101]. » Tant il est vrai de dire que l’amour est aveugle !

 

Préparatifs du sacre

Le 14 avril, l’induit arriva à Paris[102] ; les bulles, le pallium et le gratis vinrent un mois plus tard[103] et le sacre fut fixé au dimanche 2 juin[104], mais une indisposition le fit retarder de huit jours. Ce sacre — que les petites gens appelaient un massacre[105] — était la fable de tout Paris. Les polissons s’étaient emparés du mot du duc de Mazarin sur cette première messe qui serait une première communion[106], certains attribuaient à l’évêque Tressan cette autre épigramme : « Ne lui faudrait-il pas aussi le baptême ? » La rue rivalisait d’esprit avec les salons. Une dispute s’éleva entre le laquais de Dubois et celui de l’archevêque de Reims, ils disputaient de la prééminence, des prérogatives de leurs maîtres. Le laquais de l’archevêque de Reims disait : « Tu es un plaisant faquin ; ton maître n’est qu’un archevêque, le mien est archevêque, duc et pair, et de plus sacre les rois. — Beau privilège ! réplique l’autre, en cinquante ans un archevêque de Reims sacre un roi et  l’archevêque de Cambrai, mon maître, sacre Dieu tous les jours[107]. » On ne se divertissait pas moins de cet étrange billet d’invitation[108] :

Vous êtes prié de la part de M. l'abbé Dubois, ci-devant précepteur de M. le duc d'Orléans, ministre et secrétaire d'Etat nommé par le Roi à l’archevêché de Cambrai, de lui faire l'honneur d'assister à !a cérémonie de son sacre, qui se fera dimanche 9 juin 1720, à neuf heures précises du matin, dans l'église de l'abbaye royale du Val-de-Grâce, faubourg Saint-Jacques.

Le Régent, qui s’amusait à bourrer son ministre de coups de pied dans le derrière quelques jours avant ce sacre, lui disait qu’il n’enverrait pas à Rome pour avoir battu un prêtre indigne[109] et ne voulait pas assister au sacre. Saint-Simon l’était venu trouver la veille et lui avait dit courageusement qu’y aller « c’était, à la vie que tous deux menaient..., s’aller moquer de Dieu et de la religion dans ses plus saints mystères et dans la plus auguste cérémonie, à la face de l’univers. Le prince, malgré la promesse faite à Dubois, se laissa persuader et promit qu’il n’irait point. La nuit suivante, il coucha avec Mme de Parabère chez lui, au Palais-Royal ; il lui conta la conversation de Saint-Simon et dit qu’il n’irait point au sacre. A cela Mme de Parabère répondit que Saint-Simon avait grande raison, mais que pourtant il irait, et qu’elle le voulait ainsi. Dispute entre eux deux, la maîtresse ne démordant point, mais sans alléguer aucune raison ; le duc d’Orléans la pressa tant qu’enfin elle lui dit qu’il n’y avait pas quatre jours qu'elle était raccommodée avec l’abbé Dubois, qu’il savait minute par minute qui il voyait, et tout ce qu’il faisait ; qu’il ne manquerait pas de savoir aussi, dès en se levant qu’ils avaient passé la nuit ensemble, et que n’allant point le matin à son sacre, il ne douterait jamais que ce ne fut elle qui l’en eut empêché ; qu’il en serait outré contre elle ; qu’il ferait si bien qu’il les brouillerait tous deux, et qu’en deux mots elle voulait qu’il fût à son sacre, et, en effet, il y alla[110]. »

 

Le sacre de Dubois

Tout y parut également superbe et choisi pour faire éclater la faveur démesurée d’un ministre éperdu d’orgueil et d’ambition sans bornes. Le Val-de-Grâce fut choisi comme étant un monastère royal, le plus magnifique de Paris et l’église la plus singulière. Le cardinal de Rohan, grand aumônier, évêque de Strasbourg, donna la consécration épiscopale, flanqué de Tressan qu’on n’osa éliminer et de Massillon qui sentit l’indignité et l’excès du scandale, balbutia et n’osa refuser. Il fut blâmé néanmoins et beaucoup dans le monde, surtout des gens de bien de tout parti. Les plus raisonnables le plaignirent et on convint assez généralement d’une sorte d’impossibilité de s’en dispenser et de refuser[111]. L’église fut superbement parée, « toute la France » s’y trouva[112], personne n’osant hasarder de ne s’y pas montrer. Il y eut des tribunes à jalousies préparées pour les ambassadeurs et autres ministres protestants. Il y en eut une autre plus magnifique pour le duc d’Orléans et son fils le duc de Chartres qu’il y mena. Il y en eut pour les dames et le monastère fut littéralement envahi et livré à un désordre qui dura toute la journée, par le grand nombre de tables qui furent servies pour tout le subalterne de la fête et pour tout ce qui s’y voulut fourrer. Les premiers gentilshommes de la chambre de M. le duc d’Orléans et ses premiers officiers firent les honneurs de la cérémonie, placèrent les gens distingués, les reçurent, les conduisirent, et d’autres de ses officiers prirent les mêmes soins à l’égard des gens moins considérables, tandis que tout le guet et toute la police était occupée à faire aborder, ranger, sortir les carrosses sans nombre avec tout l’ordre et la commodité possible. Pendant le sacre qui fut peu décent de la part du consacré et des spectateurs, surtout en sortant de la cérémonie, le duc d’Orléans témoigna sa satisfaction à ce qu’il trouva sous sa main des gens considérables de la peine qu’ils avaient prise. Tous les prélats, les abbés distingués, et quantité de laïques considérables furent invités pendant la cérémonie par les premiers officiers du duc d’Orléans à dîner au Palais-Royal où le festin fut servi avec la plus splendide abondance et délicatesse, apprêté et servi par les officiers du Régent et à ses dépens[113]. Dubois reçut de son ancien élève un anneau pastoral de la valeur de quarante mille écus. La populace but et mangea, elle aussi, à tables ouvertes dans la rue Saint- Jacques.

 

Dubois l’emporte sur Law

Du sein de cette apothéose, Dubois surveillait son ennemi et travaillait à le perdre. Le parti de Law se composait de princes du sang enrichis par l’agiotage et d’hommes de la vieille Cour hostiles à la politique anti-espagnole. Des repus et des évincés. Dubois comprit que l’amitié anglaise lui avait donné, sauf le cardinalat, tout ce qu’il en pouvait attendre, il revint aux « vieille Cour », se rapprocha des légitimés, donna des espérances à Torcy et à d’Huxelles. Ce fut l’affaire de peu de jours. Une semaine après le sacre, Saint-Simon écrit n’avoir jamais vu à quel point l'ancienne Cour est maintenant liée au Garde des Sceaux et à l’abbé Dubois, et eux aux bâtards qui est l’angle qui les unit[114]. Dubois avait une autre ressource, l’amitié du Régent, qui le tenait au courant des démarches les plus secrètes tentées auprès de lui. « Il a eu la bonté, écrit Saint-Simon, de lui raconter de point en point tout ce que je lui ai dit, tant pour l’empêcher d’aller à son sacre que pour le renvoyer à Cambrai[115] ». Villeroy, qui conseillait de cacher certaines ouvertures de peur que Dubois ne les communiquât aux Anglais[116], était trahi de même. La cabale de Law n’en était que plus impatiente de réussite ; du 12 au 17 juin elle tenta les derniers efforts. Elle se réunissait chez le duc de Chaulnes, fils du duc de Chevreuse, ami intime de Saint-Simon ; on s’y répartissait les rôles. Saint-Simon, toujours à l’avant-garde obtint, le 16, une audience du Régent qui l’écouta avec bienveillance, l’encouragea, sourit finement lorsqu’il parla de Dubois, le « ministre des étrangers, l’allié de la vieille Cour », le laissa dire et le remercia. Au sortir de cette entrevue, Saint-Simon chanta victoire, il se trompait fort. Le Régent était résolu dès lors de garder Dubois, de sacrifier Law[117] et de revenir à l'alliance espagnole. Le 19 juin, la victoire était gagnée, Dubois écrivait à Destouches : « L’intérieur est encore plus parfait que les apparences[118]. »

 

 

 



[1] Hardwicke Papers, t. II, p. 589 : lord Stair à J. Craggs, 1er septembre 1719 ; ibid., t. II, p. 593, 594 ; lord Stair à J. Craggs., 9 septembre 1719.

[2] Public Record Office, France, vol. 358 ; J. Craggs à Dubois, 20 (=31) janvier 1719.

[3] Public Record Office, France, vol. 354 : Dubois à lord Stanhope, Paris, 20 octobre 1719.

[4] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. III B : lord Stair à Craggs, Paris, 11 décembre 1719.

[5] The Stair Annals, vol. II, p. 184 ; J. Craggs à lord Stair, Cockpit, 18 (=29) décembre 1719.

[6] Il pensionnait le Prétendant, voir Lémontey, op. cit., t. I, p. 326, note 1.

[7] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. II, p. 395 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 27 décembre 1719.

[8] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. III B : lord Stair à Craggs, Paris, 7 janvier 1720 ; reproduite en partie dans The Stair Annals, t. II, p. 141 ; Hardwicke Papers, t. II, p. 602.

[9] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 204, 210 ; 10 et 20 janvier 1720.

[10] L. Wiesener, Le Régent, l’abbé Dubois et les Anglais, in-8°, Paris, 1899, t. III, p. 260-270.

[11] Lord Stair à Craggs, 20 janvier 1720, ibid., t. III, p. 260 ; Dangeau, op. cit., t. XVIII, p. 249 ; 9 mars 1720.

[12] Dubois à Destouches, 24 février 1720, dans C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 311, 312.

[13] Madame à la raugrave Louise, 27 janvier 1720, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 216 ; voir la lettre du 20 février, ibid., t. II, p. 221.

[14] Buvat, Journal, t. I, p. 458.

[15] Lord Stanhope à Dubois, 18 (=29) décembre 1719, dans Mahon, History of England, t. II, p. 380.

[16] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 331, fol. 145-149 : Destouches à Dubois, 30 mai 1720.

[17] Bibl. Mazarine, n° 2354 ; Vie anonyme de Dubois, p. 202.

[18] Dubois à Destouches, 24 février 1720, dans C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 311.

[19] Wien Staatsarchiv., dans Weber, op. cit., p. 102 : Pendtenriedter à l'Empereur, 22 janvier 1720.

[20] Lenglet-Dufresnoy, Mémoires de la Régence, t. IV, p. 86 ; Dangeau, op. cit., t. XVIII, p. 210 ; 20 janvier 1720 ; W. Coxe, Histoire des Bourbons d'Espagne, t. III, p. 6.

[21] Arch. des Aff. Etrang., Parme, t. VI, fol. 141 : Landi à Dubois, 26 janvier 1720.

[22] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 294, fol. 36 : Scotti à Dubois, 26 janvier 1720.

[23] Arch. d’Alcala, liasse 2555.

[24] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 326, fol. 104 : lord Stanhope à Dubois, 8 octobre 1719.

[25] Rousset, Actes et Négociations, t. II, p. 476, suivantes : Traité d'alliance entre les couronnes de la Grande-Bretagne et de Suède, conclu à Stockholm, le 27 janvier 1720.

[26] Rousset, op. cit., t. II, p. 477.

[27] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 327 : fol. 27 : Georges Ier au Régent, 7 novembre 1719.

[28] J. Pichon, Vie de Charles-Henry Comte de Hoym, 1694-1736, in-8°, Paris, 1880, t. I, p. 67, note 2.

[29] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 327, fol. 118, 144 : Destouches à Dubois, 11 et 14 décembre 1719.

[30] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 327, fol. 218 : le Régent à Georges Ier, p, 6 janvier 1720.

[31] Les Instructions sont datées de Leipzig, 28 avril 1720 ; J. Pichon, op. cit., t. I, p. 27.

[32] Arch. de Dresde, t. 646, I : Réponse du comte d’Hoym à ses instructions, Leipzig, 29 avril 1720.

[33] Droysen, Geschichte der Preussischen Politik, in-8°, Berlin, 1855-1886, t. IV, 2e partie, I, p. 281.

[34] A. Vandal, Une ambassade française en Orient sous Louis XV. La mission du marquis de Villeneuve, 1728-1741, in-8°, Paris, 1887, p. 62.

[35] Arch. des Aff. Etrang., Turquie, t. 61, fol. 202, 209, 213 : Bonnac à Louis XV, 5, 25 juin et 21 juillet 1719.

[36] Theyls, Mémoires, dans Zinkeisen, Geschichte des Osmanischen Reichs, t. V, p. 584.

[37] Arch. des Aff. Etrang., Turquie, t. 61, fol. 277 : Bonnac à Louis XV, 28 janvier 1720.

[38] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 326, fol. 104 : lord Stanhope à Dubois, 8 octobre 1719, Ibid., t. 332, fol. 63, 93, Destouches à Dubois, 16 juillet, 2 août 1720, contenant de nouvelle plaintes très vives de Stanhope.

[39] E. Bourgeois, Le Secret de Dubois, cardinal et premier ministre, p. 132.

[40] Droysen, op. cit., t. IV, 2e partie, I, p. 279.

[41] Droysen, op. cit., t. IV, 2e partie, I, p. 279, 295.

[42] Mémoires de la Société Impériale d’Histoire de Russie, t. XL, p. 74, suivantes.

[43] Arch. des Aff. Etrang., Russie, t. 10, fol. 99 : Pierre Ier au Régent, 29 mai 1720.

[44] Arch. des Aff. Etrang., Russie, t. 10, fol. 103 : Dubois, Observations sur la lettre de S. A. R., dans A. Rambaud, Instructions, Russie, t. II, p. 202-204.

[45] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 258, 27 mars 1720.

[46] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 330, fol. 205 : Destouches à Dubois, 19 mars 1720.

[47] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 331, fol. 59 : Dubois à Destouches, 3 mai 1720.

[48] Barbier, Journal, t. I, p. 36-37 ; mai 1720.

[49] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 330, fol. 38 : Destouches à Dubois, 3 juin 1720.

[50] M. de Balleroy à sa femme, 31 mai 1720, dans Les correspondants, t. II, p. 166-167.

[51] Barbier, Journal, t. I, p. 37 ; 30 mai 1720.

[52] M. Marrais, Journal et Mémoires, t. I, p. 269, juin 1720 ; M. de Balleroy à sa femme, 3 juin, op. cit., t. II, p. 168.

[53] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 299 ; 6 juin 1720.

[54] Ibid., t. XVII, p. 299 ; 7 juin 1720.

[55] M. Marais, Journal et Mémoires, t. I, p. 270 ; 7 juin 1720.

[56] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 300 ; 8 juin ; Buvat, Journal, t. I, p. 98 ; 7 juin 1720.

[57] M. Caumartin de Boissy à Mme de Balleroy, 10 juin 1720, dans op. cit., t. II, p. 170-171 ; 172 ; M. Marais, Journal et Mémoires, t. I, p. 272 ; Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVIII, p. 299 ; Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVIII, p. 19-20.

[58] Barbier, Journal, t. I, p. 42-43 ; juin 1720 ; Buvat, Journal, t. I, p. 102, juillet.

[59] Barbier, Journal, t. I, p. 127 ; 10 mai 1721.

[60] M. Marais, Journal et Mémoires, t. I, p. 272 ; 8 juin 1720.

[61] Barbier, Journal, t. I, p. 44 ; 2 juillet 1720. M. Marais, op. cit., t. I, p. 308.

[62] M. de Balleroy à sa femme, 24 juin, dans op. cit., t. II, p. 175 ; Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVIII, p. 299.

[63] Le marquis d’Argenson à Mme de Balleroy, 27 juin, dans op. cit., t. II, p. 176.

[64] Barbier, Journal, t. I, p. 43 ; juillet ; Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 308 ; 26 juin ; M. Marais, op. cit., t. I, p. 308 ; M. de Balleroy à sa femme, 3 juillet, op. cit., t. II, p. 176.

[65] Barbier, Journal, t. I. p. 45 : Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 809 : M. Marais, op. cit., t. I, p. 304 ; M. de Balleroy à sa femme, dans op. cit., t. II, p. 176, 180.

[66] Barbier, Journal, t. I. p. 43 : Dangeau, Journal, t. XVIII. p. 300 : M. Marais, op. cit., t. I, p. 305 ; Buvat, Journal, t. I, p. 111 ; M. de Balleroy à sa femme, dans op. cit., t. II, p. 179.

[67] M. de Balleroy à sa femme, 3 juillet, dans op. cit., t. I, p. 178-179.

[68] Valincour à Saint-Simon, 9 juin 1720, dans E. Bourgeois, op. cit., p. 198.

[69] Saint-Simon à Millain, 15 juin 1720, dans A. Baschet, Le duc de Saint- Simon, son cabinet et l’historique de ses manuscrits, in-8°, Paris, 1874, p. 421-422 ; P. Chéruel, dans Revue historique, t. I, p. 149, note 5.

[70] Saint-Simon à Millain, 15 juin 1720.

[71] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel. 1858, t. XVIII, p. 389 ; Additions au Journal de Dangeau, t. XVIII, p. 210. Lafitau n’en écrivait pas moins à Dubois le 10 janvier : Dieu vient de nous enlever Mgr le card. de la Trémoille qui a vécu et est mort comme un prédestiné. Arch. des Aff. Etrang., Rome, 606, fol. 134.

[72] Public Record Office, France, vol. 361 : lord Stair à J. Craggs, Paris, 25 janvier 1720.

[73] Duclos, Mémoires secrets, in-8°, Paris, 1864, t. II, p. 67 ; il tenait ce récit de Destouches lui-même.

[74] Public Record Office, France, vol. 361 : Georges Ier au Régent, Saint-James, 18 (=29) janvier 1720.

[75] Destouches à Dubois, 29 et 30 janvier 1720, dans G. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 297.

[76] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 227 ; 4 février 1720.

[77] Public Record Office, France, vol. 361 : lord Stair à lord Stanhope, Paris, 5 février 1720.

[78] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVII, p. 422.

[79] Duclos, Mémoires secrets, 1864, t. II, p. 68 ; il tenait cette anecdote du maréchal de La Fare.

[80] Le chevalier de La Cour à Mme de Balleroy, 3 juin 1720, dans op. cit., II, p. 169.

[81] Dubois à Destouches, Paris, 5 février 1720, dans C. de Sévelinges, op. cit., t. I, p. 299.

[82] Cambrai, conquis par Louis XIV, en 1677, restait soumis au Concordat en vigueur en terre germanique ; la nomination nécessitait un induit.

[83] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVII, p. 422.

[84] Ibid., t. XVII, p. 423.

[85] Nous n’adoptons pas ce qui s’est dit alors contre Massillon, nous le rappelons seulement. Le talent chez lui s’élevait plus haut que le caractère ; voir M. Marais, op. cit., t. I, p. 275 ; Les Correspondants de la marquise de Balleroy, in-8°, Paris, 1883, t. I, p. 221, 222.

[86] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 240 ; 27 février 1720 ; Dorsanne, Journal, 1753, t. I, p. 509.

[87] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 246 ; 3 mars 1720 ; Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVII, p. 424.

[88] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVII, p. 424-425.

[89] Buvat, Journal, t. II, p. 43, mars 1720.

[90] M. Marais, Journal et mémoires, t. I, p. 276, juin 1720. Un hagiographe a tenté de transformer cet épisode de la vie de Dubois en récit d’édification. Le refus du cardinal de Noailles est « un prolongement de la querelle » de la bulle, car il « ne connaissait guère ces scrupules de conscience ». Cet hagiographe ignore qu’on donne le nom d'introït aux versets récités au pied de l'autel, et qu'une messe d’ordination extra tempora n’est pas une expression, dépourvue de sens ; il prend Barbier pour un anecdotier et M. Marais pour un pamphlétaire, il prend le premier pour le second, étant avocats tous deux ; enfin, il envoie Dubois se préparer « par quelques jours de prière et de réflexion » à la consécration épiscopale, et il omet de dire que cette retraite fut prêchée par la Tencin, sa maîtresse ; voir P.-M. Masson, Une vie de femme au XVIIIe siècle, Mme de Tencin, 1682-1749, in-12, Paris, 1909. C’est sans doute par inadvertance (?) qu’il laisse entendre que Duclos invente les propos qu’il prête à Destouches, alors que Duclos écrit dix lignes plus bas qu’il les tient de Destouches lui-même.

[91] Hardwicke Papers, t. II, p. 608 : lord Stair à J. Craggs, Paris, 28 février1720.

[92] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 606, fol. 271 : Le Régent à Lafitau, 6 février 1720.

[93] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 606, fol. 271 : Le Régent à Lafitau, 16 février 1720.

[94] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 607, fol. 437 : Dubois à Lafitau, 19 février 1720.

[95] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 607, fol. 60 : Dubois à Lafitau, 28 février 1720.

[96] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 607, fol. 344 : Dubois à Lafitau, 14 mars 1720.

[97] Arch. des Aff. Etrang., t. 608, fol. 83 : Dubois à Lafitau, 24 mars 1720.

[98] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 608, fol. 87 : Dubois à Lafitau, 21 mars 1720.

[99] Buvat, Journal, t. I, p. 70 ; 3 avril 1720.

[100] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, 1570, fol. 172-174.

[101] Arch. des Aff. Etrang., Rome, t. 610, fol. 103 : Lafitau à Dubois, 17 avril 1720.

[102] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 268, 14 mai ; Buvat, Journal, t. I, p. 72 ; 14 mai 1720.

[103] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 289, 17 mai ; Buvat, Journal, t. I, p. 83 ; 16 mai 1720.

[104] Dangeau, Journal, t. XVIII, p. 297, 1er juin 1720.

[105] M. Marais, Journal et Mémoires, t. I, p. 276.

[106] Barbier, Journal, t. I, p. 39, juin 1720.

[107] Le chevalier de la Cour à la marquise de Balleroy, 3 juin 1720, dans Les correspondants, t. II, p. 169 ; Barbier, Journal, t. I, p. 39, juin 1720.

[108] M. Marais, op. cit., t. I, p. 276.

[109] Ibid.

[110] Saint-Simon, Addit. au Journal, t. XVIII, p. 301-302 ; Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVII, p.426-429.

[111] Saint-Simon, Mémoires, t. XVII, p. 432.

[112] Marais, Journal et Mémoires, t, I, p. 275 ; Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, 1858, t. XVII, p. 432.

[113] Saint-Simon, Mémoires, t. XVII, p. 433.

[114] Saint-Simon, samedi 15 juin 1720, voir E. Bourgeois, op. cit., p. 200.

[115] Saint-Simon, samedi 15 juin 1720, dix heures du soir ; ibid., p. 200.

[116] Fragment de Journal de Dubois, 16 juin 1720. (Vente de Frémont, Catalogue Laverdet, p. 852).

[117] Dangeau, Journal, t. XVIII, t. 302 : 10 juin 1720 : « M. Law paraît être mieux que jamais avec M. le duc d’Orléans ».

[118] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 331, fol. 180 : Dubois à Destouches, 19 juin 1720.