HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME DEUXIÈME

 

CHAPITRE XXIII. — La décadence des Conseils. (Fin août 1718).

 

 

Disputes dans les Conseils. — Prétentions des conseillers d’État. — Décadence des Conseils. — Invasion de personnages étrangers. — Sévérité de l’opinion publique. — L’œuvre du Conseil de finances. — L’œuvre du Conseil de marine. — L’œuvre du Conseil de la guerre. — L’œuvre du Conseil des affaires étrangères. — Le Conseil des affaires étrangères condamné à disparaître. — Projet de Dubois. — Il se destine la succession. — Intervention de l’abbé de Saint-Pierre. — Apparition du discours sur la Polysynodie. — L’abbé de Saint-Pierre est exclu de l’Académie. — Chavigny poursuit ses intrigues. — Dubois recourt aux étrangers. — Ruse de d’Huxelles. — Alertes de Dubois. — Intervention de Stanhope. — D’Huxelles demeure en place. — Arrivée de Dubois à Paris. — Ses arguments. — Gravité de la situation intérieure. — Manœuvre de lord Stair.

 

Disputes dans les conseils

Avant que de se réunir, les Conseils se disputaient. Une première difficulté surgit. « La difficulté du rang en est cause[1] » et fait retarder la publication des listes. Les conseillers d’État qui sont dans le conseil des finances disputent le rang au marquis d’Effiat, quoiqu’il soit chevalier de l’Ordre. Le duc d’Orléans imagine finir la contestation en le faisant vice-président, les conseillers d’Etat tiennent bon et leur ténacité portera ses fruits dix-huit mois plus tard. Lorsque l’abbé Dubois entra, le 3 avril 1717 au Conseil des affaires étrangères, il était conseiller d’État et, en cette qualité, devait prendre place au-dessus du marquis de Canillac et du comte de Cheverny. « Mais pour ne point causer de jalousie ni de division pour le rang[2] », le Régent fit délivrer à ces deux seigneurs et à l’abbé d’Estrées, des brevets antidatés d’expectative de conseiller d’État. L’abbé d’Estrées avait déjà eu maille à partir avec M. Amelot et M. de Troyes avec M. de Torcy[3]. Le Conseil du dedans se réunit pour la première fois le 5 octobre et il y a « une place distinguée des autres qu’on croit qui sera changée[4] » ; en effet, le surlendemain « tous les sièges sont égaux[5] ». Au Conseil de Marine, Vauvré dispute le rang à Bonrepaux, qui est devant lui, et dit publiquement qu’il ne viendra plus dans ce conseil si on ne lui donne la place qu’il prétend[6]. » Saint-Simon qui lit tout ceci dans le Journal de Dangeau trouve fort mesquines ces querelles où il n’est pas question d’un seul duc et pair. « Ces disputes de rang dans les Conseils particuliers, note-t-il d’un coup de griffe, ne furent qu’entre des subalternes, et point entre des gens de qualité ni d’état distingué[7]. »

 

Prétentions des conseillers d’Etat

Au Conseil de la guerre, qu’enfièvre Villars, on n’est pas plus endurant[8]. Saint-Hilaire, lieutenant-général, est aux prises avec M. de Saint-Contest au sujet de leurs attributions respectives par rapport à l’artillerie[9]. Ce dernier ayant été nommé conseiller d’Etat, ses nouveaux collègues l’obligent à renoncer au Conseil de la guerre, en raison de la préséance que lui donne ce titre sur les lieutenants-généraux. Le procès-verbal qui mentionne cette retraite ne manque pas de mettre en doute la prétention[10] dont Dangeau ne laisse pas que de s’alarmer. Sans doute, dit-il, « ils ont de grandes prétentions fondées sur de bons arrêts et une longue possession ; [mais] il est à craindre que cela ne fasse des embrouillements dans les différents conseils[11]. » Ces prétentions allèrent jusqu’au Conseil de Régence, où l’on fut, dit Saint-Simon, « bien étonné la première fois qu’un maître des requêtes eut à rapporter ; il déclara au chancelier qu’il prétendait rapporter assis, ou que tout ce qui n’était ni duc, ni officier de la couronne ou conseiller d’État, se tint debout tant qu’il serait lui-même debout. On se récria, on hua, mais il n’en fut autre chose ; le Régent n’eut pas la force de commander. On eut recours aux conseillers du Parlement qui répondirent qu’ils ne prétendaient pas moins que les maîtres des requêtes[12]. » Le Régent ne trouva rien de mieux que de faire rapporter les affaires par les chefs et présidents des différents Conseils. D’Antin y excella, mais Villars qui ne pouvait pas lire sa propre écriture, d’Estrées qui exposait ses vues comme une bouteille fort pleine répand son contenu, tantôt goutte à goutte, tantôt rien du tout, tantôt à gros bouillons, les autres, qui n’étaient ni mieux préparés ni plus experts, contribuaient à rendre plus ardu et plus illusoire le travail des Conseils.

 

Décadence des Conseils

« Dans les commencements ces Conseils étaient réellement des Conseils, nous dit Villars. Quoique temps après ils n’en eurent plus que les apparences et enfin il n’y fut plus question que d'entendre lire la Gazette, à la réserve de quelques procès rapportés par des maîtres des requêtes[13]. Les présidents avaient leurs jours marqués pour rendre compte au Régent des détails. Le maréchal d’Huxelles lisait, le duc de Noailles parlait, « mais peu à peu le Régent, pour être le maître de tout plus absolument ne donna plus lieu à aucune délibération ni sur la guerre, ni sur les finances, ni sur les affaires étrangères[14]. » Le Conseil de Régence lui-même deviendra une parfaite sinécure. « On n’y a rien à faire, dit le duc d’Antin, on n’y traite d’aucune affaire d’État, on n’en entend même pas parler, hors qu’elle n’ait mal réussi et qu’il ne faille prendre des partis qu’il faut qui soient autorisez... On peut juger avec cela de l’importance de nos places. Il faut dire, pour la justification de M. le Régent qu’à la manière dont il est composé, et au peu de secret qu’il y a, il aurait grand tort de traiter autrement un ramassis de toutes sortes de caractères et de génies, dont la plupart sont peu versés dans les affaires[15]. » Ce « ramassis » soulève l’impatience de Saint-Simon qui voit s’accroître indéfiniment le Conseil et dont l’humeur éclate un matin. « Une fois, raconte-t-il, que le Roy y vint, un petit chat qu’il avait le suivit et quelque temps après sauta sur lui et, de la, sur la table où il se mit à se promener et aussitôt le duc de Noailles à crier parce qu’il craignait les chats. Le duc d’Orléans se mit en peine pour l’ôter et moi à sourire et à lui dire : « Là, Monsieur, laissez ce petit chat, il fera le dix-septième[16] ».

 

Invasion de personnages étrangers

Chaque conseil devenait une manière de cercle que la faiblesse du Régent ouvrait aux indifférents, aux curieux. Cédant aux instances des ducs de Bourbon et du Maine, il leur avait accordé l’entrée du Conseil de la guerre sous la condition de ne se mêler de rien (janvier 1716), ensuite ce fut le prince de Conti qui vint y distraire son oisiveté (avril 1717). Cette réserve ne dura guère. A peine introduit, M. le Duc voulut diriger et, le février 1716, fut déclaré chef du Conseil, Villars ayant ordre de se retirer dans son gouvernement de Provence[17]. « On attribuait sa disgrâce, rapporte Buvat, au mépris qu’il paraissait avoir pour les personnes qui lui présentaient des mémoires ou placets, les recevant en sifflant, et faisant la même chose lorsqu’on revenait pour en recevoir la réponse. On l’attribuait encore à ce que le maréchal semblait prendre à tache de contrarier S. A. R. lorsque ce prince disait son sentiment sur ce qui se proposait au conseil[18]. » Il ne balança donc pas, s’il faut l’en croire, à quitter la Cour pour quelques mois, laissant au duc de Guiche la présidence[19]. C’est ce qu’attendait M. le Duc qui revendiqua la prérogative de porter chaque semaine la liasse, c’est-à-dire le portefeuille et le rapport, au duc d’Orléans, lequel, pour arranger l’affaire, décida qu’à l’avenir on ne lui porterait plus la liasse mais qu’il se rendrait, de sa personne, au Conseil de la guerre tous les quinze jours[20]. A son retour, Villars apprit qu’on avait profité de son absence pour décider une réforme de troupes à laquelle il était opposé[21].

Les gens de robe n’étaient pas seuls à se rebiffer, les gentilshommes eux-mêmes, qui avaient accepté sans murmurer le style des dépêches de Louvois et de ses successeurs, marquaient de l’humeur en recevant les instructions de Villars qui préférait la discipline à la bienséance, à en juger par ce passage du procès-verbal de la séance du 30 novembre 1716 : « M. le maréchal de Villars a dit que M. le duc d’Estrées s’est plaint de ce qu’il a reçu une lettre du Conseil de la guerre où il n’y avait point de monsieur ; sur quoi il a été délibéré et résolu qu’à l’avenir on en mettra au commencement et à la fin des lettres qu'on écrira à MM. les ducs ; officiers de la couronne, et aux autres personnages de considération et même qu’il n’y aura pas de mal d’en mettre à tout le monde[22]. » Cette précaution ne suffit pas sans doute à plaire aux plus animés, car il arriva au marquis de Bauffremont de répondre à Villars « d’une façon si étrange qu'il fut mis à la Bastille. Mais il y coucha à peine deux ou trois nuits, et en sortit se moquant de plus belle des maréchaux de France, qui étaient assemblés en ce moment sur cette affaire et ne savaient pas un mot de sa sortie[23] ».

 

Sévérité de l’opinion publique

L’opinion publique se prononçait fortement contre ce mode de gouvernement. Dès le 3 février 1716, on lit dans la Gazette de la Régence, qu’« il y a toujours beaucoup de division et encore plus de lenteur dans les Conseils. Les gens éclairés commencent à être convaincus que cette sorte de gouvernement ne peut subsister dans un royaume aussi monarchique que le nôtre et sur un peuple aussi vif ». Vers la mi-janvier 1717, le Parlement se propose de faire au Roi des remontrances entre autres choses v sur l’inutilité des conseils, qui coûtent plus de 500.000 écus par an[24] ». L’année suivante, à la même époque, « le Parlement, écrit Dangeau fera des représentations à M. le duc d’Orléans sur les nouveaux conseils établis depuis la mort du feu Roi. Ils prétendent que ces conseils retardent fort les affaires au lieu de les avancer, et qu’ils coûtent plus que ne) coûtait le ministère[25] ». Voltaire se fait l'interprète de ce sentiment lorsque dans le Puero regnante, il qualifie les conseils d’ignaris et instabilibus consiliis[26].

 

L’œuvre du Conseil des finances

La disgrâce du duc de Noailles et sa retraite du Conseil de finance qu’il avait dirigé pendant deux ans et demi ont été appréciés avec plus de passion que d’équité. Noailles n'avait sans doute pas fait disparaître le péril, mais il avait fait mieux que « de le masquer un moment en inspirant quelque confiance... et justifiant la rigueur de ses mesures par des considérations spécieuses et populaires[27] ». Loin d’être « investi par l’inexpérience de ses collègues d’une direction presque sans contrôle », il avait joui de pouvoirs moins étendus que l’étaient ceux des anciens contrôleurs-généraux[28], néanmoins il avait apporté un zèle infatigable poussé parfois jusqu’à l’abnégation. On a dit l’état lamentable des finances à la mort de Louis XIV et dans un rapport, du 17 juin 1917, au conseil de Régence. Noailles rappelait « le dérangement extrême où se trouvaient les affaires[29] » et il n’exagérait rien puisqu’il fallait, avec 69 millions, faire face à une dépense de 146 millions ; et sur ces 69 millions à encaisser, 64 avaient été consommés par anticipation ; en outre les dettes exigibles atteignaient, si elles ne dépassaient 750 millions. La banqueroute semblait inévitable et imminente, ce fut le mérite du Conseil et de son président de l’avoir évitée.

On recourut à des moyens violents et à des moyens timides, mais il se trouva qu’en résumé beaucoup de dettes foncières avaient été éteintes et des charges onéreuses à l’État supprimées. Noailles ne laissait pas d’y apporter une jolie désinvolture. Il annonçait en ces termes à Mme de Maintenon la création d’une Chambre de justice : « J’aurai l’honneur de vous rendre compte quelquefois des succès quelle aura. Quant à présent tous mes pénitents travaillent à leur examen pour parvenir à faire la confession qu’on leur demande. Je souhaite que la conjonction du temps où nous sommes [le temps pascal] leur inspire une bonne contrition accompagnée cependant de la restitution qui est l’acte le plus essentiel pour l’objet dont il s’agit. Au surplus, comme l'opération est douloureuse, je suis persuadé que l’on criera beaucoup contre les auteurs ; mais j’espère que dans la suite et après que chacun aura eu son absolution, on redeviendra aussi bons amis qu’auparavant[30]. » La refonte des monnaies lui suggérait des considérations analogues : « Nous avons fait de notre mieux, écrivait-il à M. de Châteauneuf, pour tâcher de soutenir les principes et les maximes établis en fait de la monnaie ; mais après avoir bien combattu, il a fallu céder à la nécessité qui est au-dessus des règles et des principes, et se rendre aux instances qui ont été faites de toutes parts pour l’augmentation des espèces[31]. » Malheureusement l’étranger profita de cette mesure plus que la France pour qui le profit, n’excéda pas 90 millions[32].

Dès le mois de mars 1716, l’État avait réduit sa dette de 482 millions, mais restait débiteur de trois milliards et sans moyen de s’en acquitter. Le rapport du 17 juin 1717 offrait un tableau sincère quoiqu’embelli de la gestion du Conseil grâce auquel l’ordre renaissait et permettait d’entrevoir des jours meilleurs. Eu égard à la situation laissée par Louis XIV c’était beaucoup. Un soulagement véritable avait été procuré par la révocation des traités et la remise des quatre sous par livre levés sur tous les droits du Roi ; les pays d’élections avaient reçu 8 millions de remises sur les tailles et 6 millions et demi sur la capitation et le dixième ; quelques mois plus tard (décembre 1717) une Déclaration supprimait le dixième. Ces résultats ne pouvaient être contestés. À l’égard de la dépense des retranchements, des réduction de rentes, de gages et de pensions, à l’égard du bon ordre administratif la création des registres-journaux constituaient des améliorations notables ; enfin par rapport au commerce, l’abrogation des billets payables au porteur[33], l’établissement de la Banque générale, les traités pour le commerce étranger et les règlements établis pour soutenir et perfectionner les manufactures du royaume et la prospérité des colonies[34] témoignaient d’une intelligence avisée. « Plus de cent quinze édits ou déclarations, plus de quatre mille cinq cents arrêts, autant de décisions particulières écrites sur nos registres, disait le rapporteur, font la preuve de ce que j’ai l’honneur de vous dire à ce sujet du zèle et de la louable émulation de tous les membres du Conseil[35]. » Noailles avait encore raison de dire que le Conseil se faisait gloire « de n’avoir jamais voulu souscrire au parti violent qu’on conseillait au commencement de la Régence de déclarer le Roi quitte des dettes contractées par son bisaïeul. La France ne s’en serait jamais relevée ». On cessa de recourir aux affaires extraordinaires, créations d’offices, augmentations de gages, aliénations d’impôts et autres emprunts ruineux faits aux traitants. La liquidation du passé entraînait à recourir a des procédés empiriques comme le visa et la loterie[36], taches légères sur le vaste tableau d’un effort presque surhumain dont l’honneur appartient en grande partie à l’impulsion et à l’aptitude technique du président du Conseil. Son administration fut de trop courte durée et entravée par trop d’obstacles pour qu’au moment de sa démission on put déclarer la situation satisfaisante ; du moins était-elle améliorée et permettait-elle d’espérer, sans trop attendre, le rétablissement de l’ordre financier et de l’équilibre budgétaire. En 1715, le déficit s’élevait à 821.145.827 livres ; en 1716, il n’était plus que de 18.275.306 livres, et en 1717, de 7 millions. La balance se trouvait presque rétablie entre les recettes et les dépenses, et si les 821 millions du déficit de 1716 n’avaient pas été remboursés, ils avaient été du moins classés avec les autres dettes de l’État et avaient cessé d’être une cause permanente de désordre et de danger pour le trésor.

 

L'œuvre du Conseil de marine

Le Conseil de marine avait du à la situation personnelle, à l’influence incontestée de son chef, le comte de Toulouse, peut-être aussi à la spécialité de ses attributions et à la compétence de ses membres, de conserver intacts ses pouvoirs et sa liberté d’action. Son rôle n’avait pas été moins ardu que celui des autres conseils et l’état dans lequel se trouvaient nos escadres, nos ports, nos équipages en 1715 n’était pas moins pitoyable que la situation des finances. Le ministère des deux Pontchartrain avait réduit la marine de Colbert et de Seignelay à n’être qu’une ombre. Une statistique de 1715 ne parle plus que de quarante vaisseaux[37]. L’année suivante, le maréchal de Villars visitant Toulon et Martigues « vit avec douleur la destruction de cette redoutable marine... Il trouva à Toulon près de trente vaisseaux entièrement abandonnés... L’état des galères de Marseille était également déplorable : il y en avait quarante dans ce port dont aucune ne pouvait mettre à la mer[38] ». A Rochefort, l’incurie avait laissé dissiper et perdre plus de la moitié des bois amassés pour la construction des vaisseaux[39]. De toutes parts s’élevaient des malédictions contre le ministre qui avait si longtemps opprimé la marine et l’avait réduite à l’impuissance. A Brest, « le corps de la marine n’a plus aucune ressource pour subsister[40] » ; à Toulon, « les gardiens, canonniers et apprentis canonnière n’ont rien reçu ; quelques-uns sont morts de faim et de misère » et l’intendant voit « les officiers dans une si grande misère qu’il ne croit pas que la plupart puissent prendre le deuil [du feu Roi][41] ». La misère des élèves-officiers « est si grande que quelques-uns ne vont point aux salles faute de souliers et ne vivent que de charité[42] ; » à Rochefort, « le maître d’hydrographie n’a plus de sphère, plus de compas, ni de carte... Le maître d’escrime n’a plus que deux fleurets et point de sandales[43] ». C’est de cet excès d’abaissement qu’il fallait relever la marine.

Le comte de Toulouse et le maréchal d’Estrées, que Pontchartrain avait « anéantis », ne le ménagèrent pas et après l’avoir malmené au Conseil de régence[44] curent la satisfaction de l’en voir chasser[45]. « Cette nouvelle répandit la joie dans Paris, et après dans les provinces[46] ; » restait à réparer le mal, ce serait l’œuvre du Conseil de marine[47], les témoignages qui viennent d’être rapportés laissent entrevoir la situation, lamentable mais pas désespérée. Le corps des officiers demeurait instruit et vaillant, la flotte avait surtout besoin de réparations auxquelles les arsenaux pouvaient suffire. Le rétablissement d’une grande et forte marine dépendait des sommes qu’on y emploierait et de la volonté du Régent. A la plupart des demandes, celui-ci oppose cette réponse : « On y pourvoira le plus tôt qu’il se pourra[48] ; S. A. R. y pourvoira le plus promptement qu’il se pourra. » Or, les fonds destinés aux besoins les plus pressants sont dérisoirement faibles et tardivement expédiés.

Le budget de la marine s’était élevé, en 1705, à trente millions ; en 1707, à quatorze ; dès ces premières séances, le Conseil de marine décida qu’à partir de 1716 les fonds ne seraient plus que de huit millions et qu’il en serait accordé d’extraordinaires pour la mise en état des navires en temps de paix. Sur ce total de huit millions, la moitié n’intéressait pas le budget propre de la Marine, car un million et demi de livres étaient affectés aux galères et deux millions et demi aux colonies. Les quatre millions restants suffisaient à peine aux dépenses indispensables, solde des officiers et des troupes, entretien des hôpitaux, comptabilité des ports, etc. Le Conseil de marine se débattait contre un dessein arrêté de rendre la marine impuissante et « parmi les motifs qui ont pu porter à réduire ainsi la marine, j’ai reconnu, dit Maurepas, que l’économie y avait beaucoup moins de part que le système politique que l'on s’était formé pendant la Régence, de ne point donner de jalousie aux puissances maritimes, surtout à la Grande-Bretagne[49]. »

« Dès qu’il était intérieurement résolu de laisser de plus en plus tomber le peu qu’il restait de marine, le Conseil qui en portait le nom était, fort vide et très inutile. » Les cinquante-six registres manuscrits remplis du détail de ses délibérations[50] justifient cette remarque de Saint-Simon. On n’y rencontre que des questions de détail, des points de vue étriqués parmi lesquelles semblent étouffés une ou deux délibérations consacrées à des points secondaires incapables de donner ombrage à Georges Ier. Cette activité timide ne se signale que par l’institution de la compagnie des gardes du pavillon amiral[51] (1716) et par la création à Paris d’un dépôt pour la conservation et la garde des cartes, plans, journaux, mémoires, etc. concernant la navigation, qui devait être l’origine du Service hydrographique de la Marine.

 

L’œuvre du Conseil de la guerre

Le Conseil de la guerre avait un champ d’action si bien défini qu’il n’eut que peu à faire pour se maintenir dans les termes de son institution primitive. Des réformes considérables furent opérées dans les corps de troupes et dans les cadres, elles réclamaient toute l'attention et toute l’habileté de militaires éprouvés et jouissant de la confiance de leurs camarades. Un Etat des dépenses de la guerre et de tout ce qui y a rapport pour l’année 1715[52], nous fait connaître la situation de l’année au moment où le Conseil en prit la direction.

L’Infanterie était composée de 150 bataillons compris les gardes françaises et suisses, et de 32 bataillons étrangers, soit ensemble. 182 bataillons qui, avec 7 compagnies de mineurs et canonniers, formaient un effectif de 107.915 hommes, dont la dépense annuelle, compris celle des officiers en pied et des états-majors, montait à 18.531.731 livres. En y ajoutant 127 compagnies d’invalides, de 60 hommes chacune, coûtant 982.404 livres, la dépense de l’infanterie s’élevait à 19.514.135 livres.

La Cavalerie comptait 135 escadrons de 128 maîtres chacun, ce qui faisait 16.200 chevaux, dont la dépense annuelle, officiers et états-majors compris, s’élevait à 4.091.868 livres. En outre 42 escadrons de dragons coûtant 970.460 livres. Les fourrages, à 8 sols la ration, faisaient une somme de 3.050.560 livres.

La Maison du Roi : gardes du corps, gendarmes, chevau-légers, mousquetaires, gendarmerie, grenadiers à cheval, en tout 2.260 chevaux portait la dépense à 2.099.000 livres.

Les dépenses nécessaires à la suite des troupes arrivaient au total de 5.483.115 livres ; les pensions au trésor attachées à la teste des troupes, 554.589 livres ; les pensions au trésor aux officiers de guerre, 2.500.000 livres ; les fortifications, 1 million, non compris 500.000 livres imposées sur les Flandres et l’Artois pour l’entretien des casernes, et 250.000 livres pour les fortifications des plans maritimes.

Les 7.192 bouches à feu de tous calibres entraînaient une dépense de 1.500.000 liv. ; les étapes, 3 millions ; les garnisons ordinaires du dedans du royaume, 2.436.933 livres, compris les gages des gouverneurs et lieutenant-généraux des provinces, gouverneurs particuliers des places et autres ; enfin les dépenses du taillon et de l’ordinaire des guerres montaient à 1741.630 livres.

Le budget de la guerre, en 1715, s’élevait donc à 47.950.290 livres.

Les réductions et réformes commencèrent presque aussitôt après la mort du Roi. Huit cents gardes du corps furent réformés avec dix sols par jour afin de les aider à subsister avec exemption de taille et des autres impositions, et avec ordre de se retirer chacun en son pays pour n’en revenir qu’en temps de guerre. Chaque compagnie des deux régiments des gardes françaises et suisses eut vingt sujets réformés ; les deux compagnies de mousquetaires furent réduites de moitié, exceptés les régiments à qui les chevaux furent conservés ; on réduisit aussi tous les capitaines de dragons à la paye des capitaines d’infanterie[53]. Villars, brouillé avec la chronologie, prétend qu’on ne fît passer cette réforme « à laquelle il était opposé[54] » que grâce à son absence ; il prit des mesures pour récupérer une partie des gardes du corps qu’il incorpora dans les régiments de cavalerie et les dragons, « avec une petite distinction dans leurs habits[55] ».

L’ordonnance de 28 avril 1716 ramena tous les régiments à huit compagnies de 25 hommes au pied de pied et 40 hommes au pied de guerre ; organisation qui subsista jusqu’en 1740. Les aumôniers régimentaires étaient invités à se retirer « chez eux ou ailleurs, où bon leur semblera, avec assurance que S. M. est satisfaite de leur conduite[56] ». On voulait par ce moyen couper court à l’agitation religieuse que la création de confréries antijansénistes commençait à introduire dans l’armée[57].

Le Conseil de la guerre eut l'honneur d’achever et d’inaugurer les premières casernes, ce qui permit d’abaisser la solde des troupes sans réduire leur bien-être. L’étude des registres du Conseil pour l’année 1717 montre que jusqu’à la fin de cette année, il fonctionna avec régularité, s'occupant des moindres détails de l’administration militaire, ce qui n’allait pas sans de vives contestations[58]. Toutefois des ordonnances comme celles du 6 et du 15 avril 1718 arrivaient à bon terme et contribuaient utilement à la réorganisation de l’armée[59]. D’autres moins importantes n’avaient pas laissé que de préciser des points de détail tels que police et discipline des maréchaussées[60], levées et enrôlements de gens de guerre[61] ; ordre et discipline des troupes en marche et en garnison[62], casernement[63], déserteurs[64], haras[65], hôpitaux et soldats malades[66], etc. Pas plus que les autres conseils celui de la guerre n’avait été inutile à l’État.

 

L’œuvre du Conseil des affaires étrangères

Le Conseil des Affaires étrangères ne pouvait s’accommoder d'une transformation totale des méthodes diplomatiques et d’un renouvellement complet du personnel auxquels Louis XIV avait accoutumé les principaux cabinets de l’Europe. Tandis que Saint-Simon pressait le Régent d’exclure de tout le ministre Torcy, il n’en avait jamais pu obtenir une réponse nette. « J’espérais pourtant son exclusion, dit-il, et j’y travaillais encore lorsque le Régent me laissa entrevoir que je n’y devais pas compter. Je redoublai mes efforts ; à la fin il m’avoua avec grand embarras qu’il se le croyait nécessaire pour avoir le secret de toutes les affaires étrangères depuis tant d’années qu’il en était le ministre, et par le secret des postes dont lui ne pouvait se passer. Ce fut en effet ce qui conserva Torcy[67]. » C’est ce que lui-même a pris soin de nous apprendre : « Son Altesse Royale, écrit-il, jugea nécessaire de conserver autant qu’il serait possible les correspondances secrètes entretenues exactement sous le règne du feu Roy avec différents étrangers, soit au dedans soit au dehors du royaume. Elle continua d’en laisser le soin à celui des ministres qui en était chargé depuis plusieurs années. Et comme le secret ne pouvait en être gardé trop exactement, qu’il convenait pour ne le pas risquer de brûler les lettres des correspondants, qu’il était en même temps nécessaire de conserver sûrement la mémoire de plusieurs faits importants rapportés dans les avis reçus, celui qui les reçut encore pendant quelques années eut soin de les rassembler et d’en composer comme un corps d’anecdotes qui ne put donner lieu de découvrir ni de soupçonner ceux de qui venaient les avis[68]. »

Le résultat de cette transaction entre le principe et la réalité, fut la coexistence de trois diplomaties souvent contradictoires : celle de Torcy qui conservait le fil des affaires commencées, la confiance des agents et des commis, la connaissance du personnel des cabinets européens ; celle de d’Huxelles qui ne se contentait pas d’un rôle de parade, voulait guider, décider au besoin et ne faisait rien que sous Je contrôle de l’abbé d’Estrées, de Cheverny et de Canillac qui entravaient tout ce qu’ils ne pouvaient empêcher ; enfin, celle du Régent qui aimait les missions secrètes, les agents mystérieux, croyait les guider et s'essayait aux combinaisons souterraines. Entre ces trois rouages, celui de d’Huxelles, appuyé par les bureaux, sournoisement suggestionné par eux, était le principal, pour un temps — jusqu’à ce que Dubois parût sur la scène. Huxelles n’était pas d’humeur a se laisser confisquer, pas plus qu’il n’était de taille à s’imposer ; après s’être vaillamment défendu, ce héros capitulait. « Rusé, égoïste et voluptueux avec une écorce de probité et de vertu feintes, cet étui de sage de la Grèce, ainsi que le décrit Saint-Simon, timide de cœur et d’esprit[69] » en face du Régent et de ses roués, engageait les affaires et les laissait régler par d’autres que par lui. « Toutes les contradictions sont associées dans ce gouvernement pour l’affaiblir[70] » disait l’envoyé de l’Empereur.

D’Huxelles était acquis à la politique du feu Roi, à l’alliance espagnole, aux maximes de la « vieille Cour » et le Conseil qu’il présidait était, de tous, celui où l’influence de la maison de Noailles se faisait le moins sentir. Néanmoins il n’était pas homme à faire plier sous lui les diplomates véreux qui comme Louville à Madrid et Dubois à Hanovre mettaient en déroute le plan officiel. Il n’exerçait sur le Régent pas même l’influence empirique d’un Saint-Simon qui, à force d’insistance, arrachait parfois une concession ; d’ailleurs le Régent supportait à peine la gravité empesée du personnage qui se croyait le front auréolé de l’éclat du traité d’Utrecht. Entre Torcy et Dubois, le président solennel du Conseil des affaires étrangères ne représentait qu’une incapacité majestueuse et encombrante. Un jour, le duc de Brancas s’avisa de dire que « le Conseil des finances était mal réglé et très mal composé, le Régent répondit : « La Régence est toute entière de même, et je ne vois aucun Président, à commencer par moi, où il n’y ait bien des choses à dire », et là-dessus, il fit son portrait et celui de tous les membres de ses Conseils avec un pinceau très fidèle, mais ridicule, donnant à chacun son paquet[71]. »

 

Le Conseil des Affaires étrangères condamné à disparaître

Le Conseil des affaires étrangères était destiné à disparaître à partir du jour où Dubois le jugea contraire à son ambition. Au début, sa mise en branle avait éprouvé quelques difficultés : « Les ministres étrangers, rapporte d’Argenson, ne savaient à qui s’adresser pour toutes les a flaires : l’on fut obligé de commettre, pour les entendre, un homme qui n’était pas du conseil et n’en a jamais été, M. d’Armenonville, qui avait acheté la charge de M. de Torcy, mais à condition de n’en pas exercer les fonctions[72]. » On a vu que la politique espagnole du maréchal d’Huxelles était en contradiction avec la politique anglaise de l’abbé Dubois et du Régent ; dès lors le Conseil des affaires étrangères était condamné à l’impuissance, ses efforts entravés, ses services dénaturés. Ce fut à l’occasion de ce Conseil que se joua la partie décisive qui entraîna la suppression de tous les autres.

 

Projet de Dubois

Au mois de mars 1718, Dubois envoya de Londres au Palais-Royal son confident Chavigny pour y tenir la place de Nancré qui allait partir pour l’Espagne. Quelques jours plus tard, il exposait lui-même ses vues au Régent : Établir dans son gouvernement un ordre qui puisse se soutenir après la majorité du Roi, un arrangement fixe et durable qui ne peut se mieux faire qu’après la conclusion du traité [de la Quadruple Alliance] qui est sur le tapis. Étant alors assuré de la succession où S. A. R. est appelée, Elle n’aura plus personne à ménager par rapport à cet objet capital ; Elle n’aura plus aucun motif de laisser en place quelqu’un sur qui Elle ne puisse pas compter après la majorité. Ce plan devrait être assez semblable à celui du gouvernement du feu Roi, suppression des Conseils, rétablissement des secrétaires d’État[73]. » Maintenant que le mot était lâché, il n’eut servi de rien de déguiser les ambitions personnelles qui visaient cette succession avant qu’elle ne fut ouverte. Il sera bon et sûr ajoutait Dubois que S. A. R. réserve les principales places à des personnes d’un caractère sûr, dévouées à sa personne, et intéressées à ne jamais s’éloigner d’Elle. »

 

Il se destine la succession

Chavigny redoubla de zèle, sonda Nocé avec adresse et le trouva désireux de détacher le Régent du maréchal d’Huxelles, succession ayant besoin d’être stimulé. Chavigny scruta Law, qui sembla bien disposé[74] et le garde des Sceaux, d’Argenson « très présumé, sans doute, pour le gouvernement du feu Roi, mais trop timide pour conseiller au Régent un coup d’autorité tel que la suppression des Conseils[75] ». Sur ces entrefaites, on apprit à Paris, le 9 avril, l’adhésion de l’empereur d’Allemagne à l’alliance et l’occasion sembla propice pour opérer la suppression des conseils et l’exaltation de Dubois. Après plusieurs conférences quotidiennes, Law se chargea d’entamer l’affaire. Le 13 avril, il eut une longue conversation avec le Régent et fit « habilement tomber le discours sur l'intérêt et la vue de disposer le gouvernement de façon que S. A. pût, à la majorité du Roi, être son premier ministre. » Dans cette vue, il ne fallait pas confier les places importantes à des gens d’une si haute volée qu’il craignît avec raison de les voir inspirer au Roi le désir de s’affranchir de l’autorité de son oncle. Le prince abonda dans ce sens et observa qu’il y conformait sa conduite puisque déjà la plupart des affaires essentielles ne passaient plus par le maréchal d’Huxelles. Law ne manqua pas l’occasion d’insinuer la candidature de Dubois, de vanter « son habileté et crédit chez les étrangers » et il trouva le Régent dans les dispositions les plus favorables[76]. Nocé tint à écarter tout soupçon de froideur[77] et insista à son tour. Dubois, mis au courant, joua l’attendrissement. « Je me sens plus touché que je ne saurais vous dire, écrit-il, de la reconnaissance que je dois à M. Law, il m’a gagné pour le reste de ma vie[78] » et « faites mes compliments à M. de Nocé, à qui je n’écris point pour ne pas le fatiguer[79] ». Cependant Dubois appréhendait un excès de zèle, faisait recommander à Law la circonspection. « Je crois, écrit-il à Chavigny, qu’il est essentiel que la personne principale [le Régent] n’en vienne jamais à savoir « que j’aie connaissance des ouvertures qu’on lui a faites... Je persiste à être persuadé qu’il faut que je ne puisse pas être soupçonné d’avoir la moindre influence dans ce que l’on conseillera et proposera. (Ce qui semblerait le plus à propos), ce serait au cas où la personne principale entrât dans ces vues, que M. Law, ou M. de Nocé ou M. le garde des Sceaux engageassent M. le duc d’Orléans à m’ordonner de lui mander naturellement ma pensée sur le projet qu’il pourrait former touchant les affaires étrangères..., j’écrirai avec la modestie qui me convient ce que je pense, mes pensées, Dieu merci., ne sont pas intéressées et sont irrépréhensibles[80]. » Il était si assuré du succès que déjà il composait le personnel de son ministère. « Informez-vous, écrivait-il à Chavigny, des personnes soit d’épée, soit de robe, propres à des ambassades considérables. M. le maréchal de Bezons et M. le Blanc pourront vous indiquer les gens d’épée. En parcourant les gens de robe sur les listes de l’almanach, M. le garde des Sceaux vous désignera aussi les personnes les plus propres aux Affaires étrangères[81]. »

Intervention de l’abbé de Saint-Pierre

Avant l’envoi de son confident Chavigny, Dubois s’était ménagé quelques correspondants assidus qui lui envoyaient régulièrement des nouvelles de Paris. De ce nombre était l’abbé de Saint-Pierre[82], aumônier de Madame ; ils habitaient tous les deux au Palais-Royal mais se livraient à des occupations très différentes. « J’ai vécu trente ans dans la même maison avec le cardinal Dubois et même en quelque société, écrira l’abbé. J’ai vu combien il souffrait, combien il avait à souffrir de ses inquiétudes, de ses jalousies, des dégoûts qu’on lui donnait et des obstacles qu’il rencontrait à son élévation. Ainsi il ne ni est jamais arrivé de lui porter envie dans ses richesses et dans son crédit... Ainsi, ne pouvant par la constitution présente de notre monarchie et par mon peu de talents pour la flatterie, devenir ministre général, je me suis fait une occupation particulière a méditer tous les jours durant cinq ou six heures du matin pour montrer sur divers sujets aux rois et aux ministres futurs le but ou ils doivent tendre et les moyens qu’ils doivent employer pour augmenter leur bonheur, en augmentant le bonheur des familles qu’ils gouvernent[83]. » De ces méditations sortit, en 1718, un Discours sur la Polysynodie, où l’on démontre que la Polysynodie ou pluralité des conseils est la forme du ministère la plus avantageuse pour un roi et pour son royaume[84]. L’auteur s’était fait connaître par un « projet de paix perpétuelle » qui lui avait peut-être obtenu l’honneur d'accompagner aux conférences d’Utrecht l’abbé de Polignac et le maréchal d’Huxelles, négociateurs pour la France[85], son nouvel ouvrage devait attirer sur lui une véritable tempête, qui n’était pas pour déplaire à Dubois, heureux de voir succomber le malencontreux apologiste des Conseils.

 

Apparition du Discours sur la Polysynodie

L’ouvrage parut dans les derniers jours du mois d’avril et cette coïncidence a fait dire qu’il avait été comme le coup de grâce donné à l’institution condamnée à disparaître. D’Argenson a même prétendu que l’abbé de Saint-Pierre avait été chargé par le Régent de donner aux Conseils une sorte d’extrême-onction, dont on n’aperçoit guère l’utilité. Saint-Simon s’est étendu sur le « furieux bruit » que fit la Polysynodie où l’abbé prétendait instruire les « bons Français » de leurs véritables intérêts. Beaucoup disaient : le gouvernement des Conseils est déplorable, bon tout au plus pour les esprits creux et bâti sur des rêveries. — Le gouvernement actuel est déplorable, j’en conviens, répondait l’abbé, mais vous préconisez le retour de l’ancien état de choses qui est pire que l’état présent. Prenons un autre parti : gardons les Conseils en les modifiant de façon à enrayer les abus. Voici les modifications proposées.

« Il ne faut pas penser, dit-il, que si une Polysynodie particulière est défectueuse, surtout dans les premières années de son établissement et dans un royaume ou presque tout est bouleversé quand elle y a été introduite, la Polysynodie en général ne sait pas infiniment préférable au vizirat », c’est-à-dire au pouvoir ministériel. « Un établissement aussi vaste, qui n’a point encore eu dans le monde d’excellent modèle, ne, peut pas en si peu de temps acquérir la perfection ; et c’est en partie pour donner quelques idées propres à le perfectionner que j’ai entrepris cet ouvrage. » L’abbé propose en conséquence la création de deux nouveaux Conseils : l’un pour la justice, l’autre pour le commerce. Mais à cette modification secondaire s’en ajoutent deux autres que Jean-Jacques Rousseau estime aussi graves qu'une révolution[86]. Le scrutin devait transformer l’institution rendue accessible à tous : noblesse, magistrature, bourgeoisie ; les conseils auraient le droit de se recruter eux-mêmes et l’élection fournirait le-pays de magistrats, d’officiers, de prêtres et même de rois. Le gouvernement issu de ce mécanisme serait non seulement meilleur que les autres, mais excellent à tous points de vue et s’appellerait aristomonarchie. Pour cette raison les mauvais citoyens, les séditieux pouvaient, seuls, lui être hostiles et chercher à ébranler la despoticité qu’il fallait armée, dans l’intérêt de sa propre défense et du bonheur social, des plus larges pouvoirs de répression. C’était déjà la théorie qui condamne les citoyens à être heureux selon la formule du législateur.

Avec une singulière audace, l’abbé de Saint-Pierre instituait un conseil suprême destiné à être « le centre, le soutien, l’âme et le lien de tous les conseils particuliers », c’est-à-dire à tenir la place du Roi, à penser et à travailler pour celui que la maladie, la minorité, le plaisir, ou la paresse détournent de « faire ses fonctions ». « Un conseil n’est point sujet aux défaillances des rois ; il n’est jamais infirme, il ne vieillit point, il est toujours laborieux et intelligent. Il n’y a pas à craindre avec lui ces temps calamiteux si communs dans les monarchies. » Quant au monarque il n’aura à intervenir que « dans les grandes circonstances, dans les affaires extraordinaires », en sa qualité de « dictateur-né ». On trouve ici l’idéal politique du XVIIIe siècle, un despotisme éclairé, qu’ont prôné Voltaire et Daguesseau, Grimm et Turgot, mais avec plus d’audace puisque le monarque n’y obtient plus qu’un rôle purement décoratif. Après l’avoir réduit à l’impuissance, l’abbé fait appel à la noblesse qu’il ne croit pas incapable de labeur intelligent et il compte sur elle pour empêcher le règne des ministres et des maîtresses.

Le Régent avait eu la pensée de faire circuler dans les départements d’un même conseil les membres, divers. L’abbé propose d’étendre cette disposition du Conseil de finance à tous les autres en sorte que « changeant de bureaux avec leurs maîtres, [les commis] n’auront pas le temps de s’arranger pour leurs friponneries aussi commodément qu’ils le font aujourd’hui. » Les présidents des conseils soumis à ce chassé-croisé n’auraient pas le loisir de s’identifier avec leur poste et d’en faire une quasi-propriété.

Enfin la polysynodie devait donner au monarque le goût du travail, l’aptitude aux affaires, l'intelligence des questions et entretenir la prospérité et la félicité, sauf à disparaître dans les moments de crise et lorsque l’état du royaume réclamait la dictature d’un Sully ou d’un Colbert. Au cours de ces pages bizarrement écrites on rencontre bien d’autres surprises. L’auteur réclame l’abolition du droit d’aînesse et de la vénalité des charges ; la réforme de la taille, le développement de l’enseignement primaire, la fondation d’un Moniteur officiel.

Tout ceci eut sans doute passé inaperçu si l’abbé ne s’était avisé de faire la critique la plus rigoureuse de Louis XIV et de son gouvernement. « Quelle opinion, demandait-il, le feu Roi a-t-il laissé de lui à ses voisins ? N’ont-ils pas cru, n’ont-ils pas écrit qu’il était un voisin fâcheux, sans parole, injuste, et d’autant plus digne de leur haine qu’il employait plus de puissance à !es ruiner ?... D’un autre côté, a-t-il forcé ses sujets, par l’abondance qu’il leur a procurée, à regretter son administration ? Plût à Dieu que, pour sa réputation et notre utilité, il eût été durant tout son règne occupé à faire fleurir le commerce, à diminuer tant d’obstacles qui le gênent, à augmenter les facilités qui le multiplient, à paver les grands chemins, à les rendre encore plus sûrs, à rendre les rivières navigables, à rendre nos lois plus propres à diminuer le nombre des procès, à perfectionner la manière de lever des subsides, de sorte que les peuples er payassent moins et qu’il en revint plus aux coffres publics, à perfectionner les établissements qui regardent les pauvres et l’éducation des enfants, à favoriser les arts et les sciences à proportion de leur utilité, à trouver les moyens de faire distribuer les emplois et les récompenses avec justice et sans égard pour les recommandations, à ôter la vénalité des charges, les survivances et les brevets de retenue, à diminuer nos besoins en diminuant nos jeux de hasard, à perfectionner nos mœurs... »

 

L’abbé de Saint-Pierre est exclu de l’Académie

Ce tableau d’un passé trop récent mis en contraste avec l’avenir idéal assuré à la Polysynodie déchaîna les colères du parti d« la « vieille Cour », très mal en point en ce moment et avide de saisir l’occasion inespérée d’atteindre le Régent en frappant un « officier de sa maison ». Le Régent eut passé condamnation sur les attaques contre Louis XIV, il eut peut-être souri des nouveautés introduites dans le Discours subversif si l’auteur n’avait eu la maladresse d’insinuer que le Conseil de Régence était un conseil de parade. Le livre fut saisi et le libraire jeté en prison[87] ; quant à l’abbé de Saint-Pierre il eut, peu de jours après, toute l’Académie française à ses trousses.

Au lendemain de la mort du feu Roi elle s'était vouée à « rendre ses regrets aussi immortels et aussi publics que la gloire de son héros[88] » ; l'occasion s'offrait propice. L'abbé — devenu cardinal — de Polignac paraissait s'être approprié la garde de cette illustre mémoire ; il supplia l'Académie de déférer au Régent l'auteur de la Polysynodie pour « lui témoigner la douleur qu'elle avait qu'un de ses membres se fût porté a un excès si condamnable[89]. » Vingt-quatre heures plus tard, la Compagnie était convoquée pour statuer sur le cas du délinquant et dans la séance du 5 mai. Fleury et Polignac s'évertuèrent à obtenir un châtiment exemplaire de l’« attentat » et obtinrent l'exclusion perpétuelle de l'abbé de l'indignation complaisante de leurs confrères. Le Régent le trouva bon, mais défendit de remplir sa place[90].

 

Chavigny poursuit ses intrigues

Chavigny ne se laissait pas distraire par cet épisode. D'Argenson et Torcy étaient utiles à gagner. Ce dernier avait servi Dubois dans la négociation secrète de l'année précédente, il recevait Chavigny à sa table et recueillait les allusions à un nouvel état de choses où il reprendrait sa place de secrétaire d'État bien qu'il affectât de n'y plus vouloir songer[91]. Saint-Simon recevait à bras ouverts un homme qui ne venait chez lui que pour aviver ses rancunes contre d’Huxelles et protestait de sa tendresse et de son admiration pour Dubois, étant, disait-il, « fort des amis de l’abbé, de ses plus anciens amis dévoués et reconnaissants, adorant sa besogne et la prêchant sans cesse à S.A.R.[92] ». Ensuite c’était le maréchal de. Tallard qui s’entretenait « des six heures durant ». avec l’infatigable Chavigny, toujours aux dépens de d’Huxelles[93] que le maréchal de Bezons ne ménageait pas plus[94], en sorte que le président du Conseil des affaires étrangères paraissait déjà n’exister plus que de nom.

 

Dubois recourt aux étrangers

Non content d’agir par lui-même ou par Chavigny, Dubois avait recours à des influences qu’il tenait pour irrésistibles. Deux jours après la disgrâce de Noailles et Daguesseau, le roi d’Angleterre s’était empressé de féliciter le Régent « d’avoir pris le bon chemin », Stanhope approuvait lui aussi et Schaub, profitait de son passage à Paris pour conseiller au prince le renvoi des « gens mal intentionnés ». Le duc d’Orléans avait répondu à Georges Ier avec une déférence nuancée de platitude : « Je reçois volontiers ce conseil du Roi comme d’un ami et d’un père... Sitôt le traité conclu je m’y rendrai[95]. » Dès son arrivée au Palais-Royal, Chavigny avait jugé la partie belle, sinon gagnée et avait écrit à Dubois : « Je suis persuadé qu’à votre retour, vous serez le maître absolu de cette Cour[96]. » En attendant le retour de Schaub, lord Stair pouvait donner un utile appui[97]. C’étaient tous les principaux pions de l’échiquier des Affaires étrangères, aussi doit-on s’attendre à voir le vigilant Pecquet éventer l’intrigue. Dès le 1er avril, ce commis entretenait Chavigny de « la prochaine suppression des Conseils[98] » et, un mois plus tard, Canillac tenait le même langage[99] rattachant ce dessein au renvoi de Noailles et Daguesseau ; enfin d’Huxelles pressentait que Dubois « voulait prendre à son retour l’administration des Affaires étrangères[100] ».

 

Ruse de d’Huxelles

Sa crainte fut assez vive pour l’entraîner à une démarche maladroite. Comprenant que son antagoniste tirait sa force du succès de l’alliance franco-anglaise, le maréchal imagina de se l’approprier et se répandit en louanges au point de s’en rendre ridicule. « Rien de plus comique, écrit Chavigny à Dubois, que ses jurements, ses protestations pour prouver à Stair, par exemple, son approbation du traité, jusqu’à traiter la reine d’Espagne de p... et Alberoni de j...-f...[101] » Dubois ne voyait dans tout cela rien de comique, mais seulement une noirceur abominable de l’homme qui « a fait profession de cet art toute sa vie » et qui après avoir traversé de toute sa force la négociation de la Triple-Alliance, en a « reçu les compliments en robe détroussée[102] ».

 

Alertes de Dubois

En ce moment, le Régent semblait revenir à la politique espagnole sous l’influence de Nancré et peut-être aussi de Torcy, mais Chavigny réconfortait son patron découragé[103], lui rendait confiance : « Vos forces augmentent tous les jours », lui écrivait-il[104], Law et Nocé défendaient Dubois pendant que Stair obtenait du Régent l’abandon de toute complaisance pour l’Espagne et, jugeant du coup ainsi porté, rappelait à Dubois la nécessité de rentrer promptement à Paris « recueillir la gloire et le fruit que ses grands services méritaient[105] ». Une autre crise s’ouvrait à quelques jours de là. Le 18 juin, Schaub arrivait de Vienne à Paris porteur du projet de traité franco-anglais sérieusement retouché sur divers points où le Régent se trouvait dans l’impossibilité morale de faire aucune concession, ce qui avait pour résultat de le replacer sous la dépendance du parti espagnol et de d’Huxelles. Dubois se crut perdu sans ressource et simula le découragement. « Je vous conjure de laisser tomber, dit-il à Chavigny, tout ce qui pourra me regarder, je ne vaux pas la peine qu'on se donne pour moi et c’est grêler sur le persil que de traverser un homme qui est si peu de chose[106]. » En l’absence de ses cautions ordinaires, Law et Saint-Simon, ce fut Nocé qui entraîna le Régent et le décida à soutenir jusqu’au bout Dubois et sa politique[107].

 

Intervention de Stanhope

De son côté, Dubois obtenait de Georges Ier l’envoi de lord Stanhope à Paris. Avant son départ, les deux compères étaient convenus de tous leurs faits et gestes. Le premier ministre anglais exigerait du maréchal d’Huxelles la signature de la convention particulière qui devait lier le Régent à l’Angleterre, « pour le forcer, s’il la refusait, à se démasquer et à se retirer au besoin sur le champ ». On espérait ainsi « lui faire montrer la corde[108] ». Stanhope, doublé de Stair, n’hésita pas à aborder avec le Régent la question du renvoi du maréchal qu’« il n’y a aucune sûreté à laisser la tête des Affaires étrangères[109] ». Dubois, enfin, touchait le but et n’hésitait plus à se découvrir. « Il fallait, selon lui, que S.A.R. rétablît la charge de secrétaire d’État des Affaires étrangères, et en revêtit quelqu’un de si dévoué à sa personne, et si intéresse à ne s’éloigner jamais d’elle, qu’il borne son ambition à travailler sous ses ordres. On lui adjoindrait au besoin un Conseil d’Affaires étrangères, composé des maréchaux de Villeroy, d’Huxelles, et surtout de Torcy dont le caractère est tel qu’il choisit mieux qu’il n’imagine et n’invente. » Quelques grâces arrangeraient l’affaire, « à d’Huxelles, un brevet de duc, à Torcy la survivance, pour son fils, de la charge de secrétaire d’État des Affaires étrangères. Je ne refuserai jamais aucun emploi où S.A.R. croira que je puis la servir avec plus d’attachement que personne. Mais lorsque quelqu’un lui pourra rendre ou mieux ou aussi bien le même service, j’aimerais encore mieux île repos que le poste le plus brillant. Je vous supplie, dit-il au Prince, de ne pas considérer cette déclaration comme un jargon faux, mais comme un aveu très sincère[110]. »

 

D’Huxelles reste en place

L’incartade de d’Huxelles refusant de signer la convention semblait consommer sa perte. Torcy et Saint-Simon s’indignaient, Chavigny chantait victoire. « Pour nous, écrivait-il à Dubois, M. le maréchal d’Huxelles ne pouvait rien faire de plus avantageux. Il se déshonore aux yeux de tous et vous justifie selon toutes règles, il ne peut plus conserver sa place[111]. » Ce cri de triomphe était poussé le 17 juillet, et, le 18, le maréchal signait la convention. Nocé s’était entremis[112], car le trop grand succès de Dubois l’inquiétait. Il « veut bien avoir en vous un compagnon de sa faveur et de ses privautés, écrivait Chavigny, mais il ne voudrait peut-être pas vous voir dans un état si supérieur[113] ». D’Huxelles ne l’appréhendait pas moins et sa complaisance le sauvait : il garda sa place. Nocé jugea inutile de présenter au Régent le plan de Dubois pour éliminer Torcy et d’Huxelles, quant à l’abbé il s’en remit aux desseins de la Providence[114], ce qui était sa manière de dire qu’il ne comptait désormais que sur lui-même. Lord Stair pensait de même qu’on n’obtiendrait jamais sans lui le renvoi de d’Huxelles. « Pour le débusquer, écrit-il, on aura besoin de l’abbé Dubois au plus tôt[115]. » Celui-là demanda son rappel dans le plus bref délai[116].

Le renfort de l’Angleterre avait peu servi. Stanhope n’avait pas caché son désir « que M. l’abbé Dubois fut mis à la tête des Affaires étrangères[117] », Craggs avait pris la peine de convaincre Stair de la nécessité « d’affermir ce petit homme, fort bien intentionné, et qui n’a d’autre appui que nous[118] », Sunderland prévenait Stair que l’heure d’agir vigoureusement allait sonner et quoique « la déception de l’abbé fut telle qu’il méditât une fois de plus — de se séparer de tout[119], l’ambassadeur devait l’aider de toutes façons et, imposant une sourdine à ses sentiments personnels, « persuader au Régent de ne pas laisser ses affaires entre les mains de ses ennemis[120] ».

 

Arrivée de Dubois à Paris. Ses arguments

Le Régent continuait à tergiverser entre les partis qui s’offraient à lui. Il ne lui déplaisait pas d’entendre les uns colporter le bruit qu’il allait créer trois secrétaires d’État : Dubois, Le Blanc et Law ; en même temps il se gardait de démentir la rumeur, accueillie par d’Antin, d’Huxelles et Noailles, du maintien des Conseils, bien plus il y faisait des nominations nouvelles[121]. C’est sur ces entrefaites que Dubois arriva à Paris (16 août). « Votre retour, venait de lui mander Chavigny ne fut jamais si nécessaire et vous ne pouviez trop le précipiter[122]. » L’instant était grave et n’admettait plus les réticences. « Je n’examine pas, disait Dubois au Régent, la théorie des Conseils. Elle fut, vous le savez, l’objet idolâtré des esprits creux de la vieille Cour. Humiliés de leur nullité sur les fins du dernier règne, ils engendrèrent ce système sur les rêveries de M. de Cambrai. Mais je songe à vous, je songe à votre intérêt. Le Roi deviendra majeur ; ne doutez pas qu’on ne l’engage à faire revivre la manière de gouverner du feu Roi, si commode, si absolue, et que les nouveaux établissements ont fait regretter. Vous aurez l’affront de voir détruire votre ouvrage. Mais ce n’est pas tout : les grands du royaume approchent le monarque par le privilège de leur naissance ; si à cet avantage ils joignent celui d’être alors à la tête des affaires, craignez qu’ils ne vous surpassent en complaisances et en flatteries, qu’ils ne vous représentent comme un simulacre inutile et ne s’établissent sur votre ruine. Supprimez donc les Conseils si vous voulez être toujours nécessaire, et hâtez-vous de remplacer des grands seigneurs qui deviendraient vos rivaux, par de simples secrétaires d’État qui, sans crédit et sans famille, resteront forcément vos créatures[123]. »

 

Gravité de la situation intérieure

Outre cette grave raison d’agir, le Régent en avait une autre plus immédiate. Entre le Parlement et lui les hostilités étaient ouvertes depuis le 12 août et l’opinion publique fort émue se détournait du prince. Déjà, à l’étranger on parlait d’une révolte à Paris. « Tout tendait à l’extrême » dit Saint-Simon qui reprochait la situation à la « léthargie » du prince, lequel sentait la gravité de la situation et, le 20 août, confiait a son ami qu’il s’agissait de tout pour lui en cette occasion[124] ».

 

Manœuvre de Stair

Dubois, à peine débotté, était dispensé de se jeter en pleine mêlée, il affecta de ne s’y point exposer, restant le négociateur des Affaires étrangères. Il pouvait s’abstenir, ses complices agissaient pour lui. Le jour même où le Régent faisait à Saint-Simon l’aveu de son embarras, lord Stair se rendait au Palais-Royal porter un nouveau coup à d’Huxelles, mais il se gardait d’en dire plus. Sans doute « il serait très important, écrit-il à Craggs, que M. l’abbé Dubois fût mis à la teste des affaires étrangères. Car certainement tant que M. le maréchal en a le maniement, nous sommes en danger de voir bouleverser ou saper notre grand ouvrage. Mais en même temps, il faut éviter avec grand soin de faire aucune démarche qui pourrait donner de la défiance ou de la jalousie à M. le duc d’Orléans. Il est naturellement susceptible de telles impressions[125]. »

Stair commença par s’excuser d’incommoder le prince si souvent, mais c’est qu’on ne peut avoir aucune communication avec ses ministres, ni prendre aucune confiance en eux : situation fâcheuse, suspecte à ses alliés, et pouvant être très dangereuse à lui-même. Le duc en convient ; il assure que cette situation ne se prolongera pas. Pourtant, ajoute-t-il, il aimera toujours à avoir le secret des affaires étrangères entre les mains, afin qu’à la majorité du Roi personne ne puisse être en état de le lui livrer. Et il rappelle que le cardinal de Richelieu agit ainsi et s’en trouva bien. Quand Louis XIII songea à le congédier, il dut y renoncer à cause que le cardinal savait tout et lui rien. Stair répliqua que rien n’est plus aisé à S. A. R. de garder la haute direction tout en ayant un homme à lui pour les détails et les dépêchés. Et Stair, enchanté de sa finesse, conclut le récit de son audience par ces mots : « Si j’avais nomme l’abbé Dubois, je ne lui aurais pas rendu si bon service[126]. »

Tout occupé à se faire valoir, l’ambassadeur ignore et ne se doute pas que l’abbé, arrivé le 16 août à Paris, a été reçu à Saint-Cloud, le 18. La plus grande partie de la journée, presque jusqu’à la nuit, s’est passée à entretenir le Régent[127]. De cette conférence sortit un coup d’État.

 

 

 



[1] M. Caumartin de Saint-Ange à Mme de Balleroy, Paris, 11 octobre 1715, dans E. de Barthélémy, Les correspondants de la Marquise de Balleroy, in-8°, Paris, 1883, t. I, p. 48.

[2] Buvat, Journal de la Régence, t. I, p. 258 ; M. d’Argenson à Mme de Balleroy, Paris, 7 avril 1717, op. cit., t. I, p. 142.

[3] M. de Caumartin à Mme de Balleroy, 11 octobre 1715, op. cit., t. I, p. 48.

[4] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 205.

[5] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 206.

[6] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 209, 214.

[7] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 209.

[8] M. de Guitaut à Mme de Balleroy, Paris, 18 octobre 1715, op. cit., t. I, p. 51 ; Dangeau, Journal, t. XVI, p. 226.

[9] Dépôt de la Guerre, t. 2520, fol. 91-92 : Mémoire pour régler les fonctions de MM. Saint-Hilaire et de Saint-Contest.

[10] De Luçay, Les secrétaires d’Etat depuis leur institution jusqu’à la mort de Louis XV, in-8°, Paris, 1881, p. 205, note 1.

[11] Dangeau, Journal, I XVI, p. 498 ; Additions de Saint-Simon, p. 499 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 233.

[12] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 237.

[13] Villars, Mémoires, t. IV, p. 76.

[14] Villars, Mémoires, t. IV, p. 78.

[15] Mémoires du duc d’Antin, dans Mélanges de la Société des bibliophiles français, 1822, t. II, p. 138-139, voir comment les vingt-cinquième et vingt-sixième membres du Conseil de Régence y sont introduits, dans M. de Balleroy à sa femme, 22 août 1718, dans op. cit., t. I, p. 344-345, et comment le maréchal de Tessé sort du conseil de marine, M. de Caumartin Saint-Ange à Mme de Balleroy, 6 août 1717, op. cit., t. I, p. 195-196.

[16] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 362.

[17] Dépôt de la Guerre, t. 3520 : Registre des délibérations du Conseil de la guerre, fixe le départ du maréchal au 28 février et son retour au 26 juillet 1716.

[18] Buvat, Journal, t. I, p. 116-117, 122-123 ; Gazette de la Régence, p. 72 ; 11 février 1716.

[19] Villars, Mémoires, t. IV, p. 78.

[20] M. d'Argenson à Mme de Balleroy, Paris, 22 février 1718, op. cit., t. I, p. 254.

[21] Villars, Mémoires, t. IV, p. 78, 92.

[22] Dépôt de la Guerre, t. 2520 : Registre, séance du 30 novembre 1716.

[23] Saint-Simon, Mémoires, I. XV, p. 314 suivantes. M. de Balleroy à sa femme, 9 avril 1718, op. cit., t. I, p. 300-301, Gazette, p. 249-250 ; P. d’Estrées, Le Pot Pourry de Menin, dans Souvenirs et Mémoires, 1900, t. V, p. 329.

[24] M. d’Argenson à Mme de Balleroy, Paris, 19 janvier 1717 dans E. de Barthélémy, op. cit., t. I, p. 103.

[25] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 230, 244, 13 janvier et 7 février 1718 ; M. d’Argenson à Mme de Balleroy, Paris, 2 février 1718, op. cit., t. I, p. 254 ; Remontrances du Parlement de Paris au XVIIIe siècle, publiées par J. Flammermont, in-4°, Paris, 1888, t. I : Les représentations adressées au Régent, le 7 février 1718, sur les inconvénients des Conseils.

[26] Revue rétrospective, 1833, 1ère série, t. II, p. 125.

[27] L. de Carné, La Régence et le Régent, dans Revue des Deux-Mondes, 1858, 2e période, t. XV, p. 543.

[28] Arch. nat., ms. franc, supplém. 2313, t. I : Le duc de Noailles au duc de Caderousse, Paris, 26 février 1716.

[29] Mémoire concernant les finances et les charges de l'Etat, conservé à la Bibl. nat., ms. franç., 11.152 ; Forbonnais, Recherches et considérations sur les finances de la France, in-4°, Bâle, 1758, t. VI, p. 112-154.

[30] Arch. nat., ms. franç. supplém. t. I : Le duc de Souilles à Mme de Maintenon, Paris, mars 1716.

[31] Arch. nat., ms. franç. supplém. 2232, t. I : le duc de Noailles à M. de Châteauneuf, Paris, 28 septembre 1715.

[32] Isambert, Recueil, t. XXI, p. 121, n. 92 : Déclaration, du 29 août 1716.

[33] Isambert, Recueil, t. XXI, p. 114, n. 69 : Édit, mai 1716.

[34] Isambert, Recueil, t. XXI, p. n. 129 : Édit, avril 1717.

[35] Arch. nat., ms. franç. suppl. 3640 à 3653, depuis la création du Conseil jusqu’au 22 janvier 1718.

[36] Isambert, Recueil, t. XXI, p. 149, n. 142 : Déclaration, du 21 août 1717.

[37] [Bajot], Revue de la marine française, an IX, tableau à la fin du volume.

[38] Villars, Mémoires, édit. de Vogüé, 1891, t. IV, p. 84-85.

[39] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 202.

[40] Arch. de la Marine, B1, 1, fol. 8 : L'intendant de la marine à Brest au Secrétaire d’Etat. 18 septembre 1715.

[41] Arch. de la Marine, B1, 1, fol. 296 : L'intendant de la marine à Toulon au Secrétaire d’Etat, 15 septembre 1715.

[42] Arch. de la Marine, B1, 1, fol. 322 : Le bailli de Vattan, commandant des gardes-marine à Toulon au Secrétaire d'Etat.

[43] G. Lacour-Gayet, La marine militaire de France sous le règne de Louis XV, in-8°, Paris, 2e édit., 1910, p. 26.

[44] Dangeau, Journal, t. XVI, p. 203 ; Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 252 ; Jérôme de Pontchartrain composa une défense de son administration, elle est conservée aux Arch. de la Marine, G, 127, fol. voir G. Lacour-Gayet, op. cit., p. 28.

[45] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVI, p. 230, et Mémoires, t. VIII, p. 288-290.

[46] Saint-Simon, Mémoires, t. VIII, p. 292.

[47] Arch. de la Marine, A1, 51 ; B1, 7, fol. 24-32 : Ordonnance du 3 novembre 1715 et du 11 juillet 1716.

[48] Arch. de la Marine, B1, I, fol. 325.

[49] Arch. de la Marine, G, 127, fol. 29, suivants : Maurepas, Réflexions sur le commerce et sur la marine (en 1745).

[50] Arch. de la Marine, B1, 1-56, de novembre 1715 à décembre 1721.

[51] Isambert, Recueil, t. XXI, p. 126, n. 100 : Ordonnance du 18 novembre 1716.

[52] Dépôt de la Guerre, t. 2520, fol. 117 ; voir de Luçay, Les secrétaires d'Etat, p. 219, note 1.

[53] Buvat, Journal, t. I, p. 111-112.

[54] Villars, Mémoires, t. IV, p. 78.

[55] Villars, Mémoires, t. IV, p. 92.

[56] Pajol, Les guerres sous Louis XV, in-8°, Paris, 1881, t. I, p. 33-34 ; Dépôt de la Guerre, t. 2520, séance du 19 juillet 1716.

[57] On parlera plus loin de ces confréries introduites par le zèle de plusieurs jésuites.

[58] Villars, Mémoires, t. IV, p. 105-111 ; De Luçay, op. cit., p. 221.

[59] Dépôt de la Guerre, t. 2545 ; Pajol, op. cit., t. I, p. 35-37.

[60] Isambert, Recueil, t. XXI, p. 120, n. 79 : Ordonnance, du 1er juillet 1716.

[61] Isambert, Recueil., t. XXI, p. 120, n. 80 : Ordonnance, du 2 juillet 1716.

[62] Isambert, Recueil., t. XXI, p. 120, n. 81 : Ordonnance, du 4 juillet 1716.

[63] Isambert, Recueil., t. XXI, p. 122, n. 101 : Ordonnance, du 25 octobre 1716.

[64] Isambert, Recueil., t. XXI, p. 127, n. 113 : Ordonnance, du 2 janvier 1717.

[65] Isambert, Recueil., t. XXI, p. 132, n. 120 ; Ordonnance, du 22 février 1717.

[66] Isambert, Recueil., t. XXI, p. 142, n. 129 : Ordonnance, du 20 avril 1717.

[67] Saint-Simon, Mémoires, 1906, t. VIII, p. 228.

[68] Bibl. nat., ms. franç. 19670-10672 : Mémoires diplomatiques concernant les affaires étrangères de l’Europe dans les premières années qui suivirent la mort de Louis XIV... rédigés par Torcy de 1715 à 1718 et qu’il communiqua à Saint-Simon qui dit : « Ils méritent tous d’être lus d’un bout à l’autre ; on y trouvera une instruction infinie et beaucoup de plaisir dans une grande simplicité. Je les ai fait copier tout entiers comme les meilleures pièces originales qu’il soit possible de ramasser ». Mémoires, t. VIII, p. 316. M. A. Baudrillart, op. cit., t. II, p. 13-14 ; E. Bourgeois, Le secret du Régent et la politique de l’abbé Dubois, p. XXVI ; La collaboration de Saint-Simon et de Torcy, dans Revue historique, 1905, t. LXXXVII.

[69] Saint-Simon, Mémoires, édit. A. de Boislisle, t. XI, p. 40.

[70] Pendtenriedter à la Cour de Vienne, 4 janvier 1716, dans O. Weber, Die Quadrupel Allianz, p. 13.

[71] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 17 : Bonneval à Stanhope, 10 février 1717.

[72] D’Argenson, Mémoires, édit. Janet, t. I, p. 28.

[73] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 316, fol. 133 : Dubois au Régent, 23 mars 1718.

[74] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 316, fol. 189 : Chavigny à Dubois, 1er avril 1718.

[75] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 17 : Chavigny à Dubois, 8 avril 1718.

[76] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 77 : Chavigny à Dubois, 14 avril 1718.

[77] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 107 : Chavigny à Dubois, 15 avril 1718.

[78] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 251 : Dubois à Chavigny, 28 avril 1718.

[79] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 259 : Dubois à son neveu, 28 avril 1718.

[80] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 251 : Dubois à Chavigny, 28 avril 1718.

[81] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 251 : Dubois à Chavigny, 28 avril 1718.

[82] Cette correspondance semble avoir été anéantie, on n’en peut juger que d’après une pièce publiée par Ch. Aubertin, L’esprit public au XVIIIe siècle. Etude sur les Mémoires et les Correspondances politiques des contemporains, 1715 à 1789, in-8°, Paris, 1873, p. 114 : J. Drouet, L’abbé de Saint-Pierre. L’Homme et l'Œuvre, in-8°, Paris, 1912, p. 62-63.

[83] Bibl. de Rouen, ms. 950, Documents généalogiques et biographiques, Annales de Castel, à l’année 1721, voir J. Drouet, op. cit., p. 36.

[84] Bibl. Mazarine, ms. 2649. Le Discours a été édité à Londres 1718, chez Tousson, in-4°, et la deuxième édition, à Amsterdam, chez du Villard et Changuion, 1719, in-12.

[85] Le Mémoire pour rendre la paix perpétuelle en Europe parut à Cologne, en 1712, voir J. Drouet, op. cit., p. 60.

[86] J.-J. Rousseau, Extrait du discours sur la polysynodie de M. l’abbé de Saint-Pierre, édit. Houssiaux, t. I ; Jugement sur la Polysynodie de M. l’abbé de Saint-Pierre, même édition, t. I.

[87] Procès-verbal de la séance de l’Académie française, du 7 mai1718 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 300, 30 avril 1718.

[88] Procès-verbal de la séance de l’Académie française, du 2 septembre 1715.

[89] Procès-verbal de la séance de l’Académie française, du 28 avril 1718.

[90] Procès-verbal de la séance de l’Académie française, du 7 mai 1718 ; Dangeau, Journal, t. XVII, p. 303, 6 mai et Additions de Saint-Simon, p. 304 ; Lémontey, op. cit., t. I, p. 192, note 1, dit qu’il n’eut ni messe ni éloge ; il eut la messe et non l’éloge, voir J. Drouet, op. cit., p. 105.

[91] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 224 : Chavigny à Dubois, 28 avril 1718 ; ibid., fol. 285. Chavigny à Dubois, 3 mai, c’est le récit d’un long entretien avec Torcy, qui cherche à découvrir les intentions de Dubois et proteste avoir quitté par goût les Affaires Étrangères et n’y être plus possible.

[92] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 285 : Chavigny à Dubois, 3 mai 1718 ; Chéruel, L'abbé Dubois et Saint-Simon, dans Revue historique, 1876, t. I, p. 142.

[93] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 817, fol. 285 : Chavigny à Dubois, 3 mai 1718 ; t. 318, fol. 67, Chavigny à Dubois, 11 mai.

[94] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 260 : Dubois à Chavigny, 28 avril 1718.

[95] Bothmar, Memoiren des Grafen von Bothmar über die Quadrupel Allianz, dans Forschungen zur deutschen Geschichte, 1886, t. XXVI, p. 238.

[96] Ch. Aubertin, L'esprit public au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1878, p. 112-113.

[97] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 224 : Chavigny à Dubois, 28 avril 1718.

[98] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 316, fol. 189 : Chavigny à Dubois, 1er avril 1718.

[99] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 49 : Chavigny à Dubois, 5 mai 1718.

[100] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 316, fol. 197 : Chavigny à Dubois, 5 avril ; ibid., t. 317, fol. 140-145 : Chavigny à Dubois, 22 avril 1718.

[101] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 67 : Chavigny à Dubois, 11 mai 1718.

[102] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 317, fol. 260 : Dubois à Chavigny, 28 avril 1718.

[103] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 32 : Dubois à Chavigny, 2 mai 1718.

[104] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 171 : Chavigny à Dubois, 27 mai 1718.

[105] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 318, fol. 185 : Chavigny à Dubois, 31 mai 1718.

[106] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 319, fol. 18 : Dubois à Chavigny, 3 juin 1718.

[107] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 319, fol. 172 : Dubois à Nocé, 22 juin 1718.

[108] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 192 : Dubois au Régent, 13 juillet 1718.

[109] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 195 : Dubois à Chavigny, 13 juillet 1718.

[110] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 178 : Dubois à Nocé, 13 juillet 1718.

[111] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 203 : Chavigny à Dubois, 17 juillet 1718 ; De Seilhac, L’abbé Dubois, premier ministre de Louis XV, in-8°, Paris, 1862, t. II, p. 32.

[112] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 156, 160 : Dubois, neveu, à l’abbé Dubois, 12-13 juillet 1718.

[113] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 333 : Chavigny à Dubois, 24 juillet 1718.

[114] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 323 : Dubois à Chavigny, 23 juillet 1718.

[115] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stair à Craggs, Paris, juillet 1718.

[116] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 282 : Dubois à Chavigny, 19 juillet 1718.

[117] Public Record Office, France, vol. 352 : lord Stanhope à Craggs, 6 juillet 1718.

[118] J. Murray Graham, The Stair Annals, in-8°, Edimburgh, 1875, t. II, p. 378 : Sunderland à Stair, 26 juillet 1718.

[119] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 310 : Dubois à son neveu, 23 juillet 1718.

[120] J. Murray Graham, The Stair Annals, t. II, p. 378 : Sunderland à Stair, 26 juillet 1718.

[121] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 320, fol. 66 : Chavigny à Dubois, 30 juillet 1718.

[122] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 321, fol. 173 : Chavigny à Dubois, 10 août 1718.

[123] Dubois au Régent, août 1718, dans P.E. Lémontey, op. cit., t. I, p. 193 ; Arch. nat., K 676, 1re partie : Mémoire du cardinal Dubois à M. le Régent sur les Etats-généraux que ce prince avait envie de convoquer quand le système eut mis tout l'État dans le désordre (1720).

[124] Saint-Simon.

[125] Public Record Office, France, vol. 352 : Lord Stair à Craggs, Paris 20 août 1718.

[126] Public Record Office, France, vol. 352 : Lord Stair à Craggs, Paris 29 août 1718.

[127] Bibl. Mazarine, ms. 2354, fol. 91 : Vie manuscrite de l’abbé Dubois. On citera, pour mémoire et cette fois seulement, le ms. 3858 de la Bibl. de l’Arsenal, qui contient une Vie de Dubois, par La Houssaye-Pegeault.