HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME PREMIER

 

CHAPITRE XIX. — Les Politiques rivales (22 juillet - 31 décembre 1717).

 

 

Incertitude sur le but de la flotte espagnole. — Épouvante des princes italiens. — Alberoni sème l’alarme. — Georges Ier sème l’argent. — L’Empereur disposé à écouter et à négocier. — Projet de rapprochement des Bourbons de France et d’Espagne. — Le duc de Savoie y serait associé. — Alberoni caresse le Régent et bouscule les Anglais. — Maladie de Philippe V. — Desseins du Régent sur l’Espagne. — La politique de la vieille Cour va l’emporter. Les origines de l’idée d’une conférence. — Dubois y est destiné. — Situation analogue à celle de 1716. — Instructions données à Dubois. — Paix de dupes entre d’Huxelles et Dubois, qui continuent à se contrecarrer. — Départ de Dubois pour Londres. — Incidents de voyage. — Installation à Londres. — Réception à la Cour. — Ressorts et adresses de l’abbé. — Accord de Dubois et de Stanhope. — Les alliés de Dubois. — Le personnage de Pendtenriedter. — Triomphe imminent du parti de la vieille Cour. — Lettre du 11 novembre au Régent. — Conseils à Paris. — Dubois revient à Paris. — Le Régent ramené à l’alliance anglaise. — Dubois rentre à Londres.

 

Incertitude sur le but de la flotte espagnole

Le secret de l’expédition avait été bien gardé, aucune indiscrétion ne se produisit, et la préoccupation fut vive et générale. Le 19 juillet Dangeau apprend qu’avec les vaisseaux envoyés au secours des Vénitiens « les Espagnols veulent faire quelque entreprise[1] » ; le 22, il croit « que les troupes pourraient bien être destinées à attaquer la Sardaigne[2] » ; le 24, « on discourt beaucoup sur la flotte du roi d’Espagne, mais personne ne sait encore à quoi elle est destinée[3] » ; le 30, « il y a nouvelle que la flotte du roi d’Espagne a relâché à Majorque ; on comprend moins que jamais quel est le dessein de cette flotte, ni ce que peut faire le roi d’Espagne en Italie, si le roi de Sicile ne joint point ses forces aux siennes[4]. » En même temps, Dubois écrit à Robethon : « Nous venons d’être informés d’un projet qui nous apporte de nouveaux obstacles : c’est un armement de l’Espagne pour quelque entreprise en Italie. Notre surprise est au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer, et je ne me hâte de vous en écrire un mot que pour vous assurer que nous n’en avons eu aucune notion et que nous n’y participons directement, ni indirectement. Quelle que puisse être la vue de cette équipée comptez sur notre sincérité et sur notre correspondance pour la paix de l’Europe[5]. » L’incertitude persistait. « Il avait couru un bruit que la Hotte d’Espagne avait paru sur les côtes d’Italie, mais, le 11 août, cela ne se confirmait pas, et, au contraire, on disait que la tempête l’avait fait relâcher sur les côtes de l’île de Majorque. On devine moins que jamais quel peut être le dessein de cette flotte et, ajoutait Dangeau, tous les raisonnements là-dessus sont bien différents[6]. »

 

Epouvante des princes italiens

L’incertitude allait prendre fin. Dans un manifeste expédié, le 9 août, à tous les agents de l’Espagne au dehors, Philippe V revendiquait pour lui seul la décision de venger son honneur outragé par l’Archiduc[7]. Deux jours après, le 11, Alberoni déclara au duc de Saint-Aignan que la Sardaigne était le but mais non le terme de l’expédition. Ces rodomontades n'étaient pas de nature à ramener les sympathies des gouvernements pacifiques vers les auteurs de cette politique guerrière. A l’inquiétude de l’abbé Dubois pour l’avenir du plan, Robethon s’était empressé de répondre que « la conduite de l’Espagne déterminerait le Régent à conclure avec l’Empereur, à l’exclusion de l’Espagne, et à pousser l’affaire du plan avec fermeté[8]. L’Empereur y venait à ce plan, lui découvrait des mérites[9] depuis que l’agression espagnole servait ses ambitions en Italie où le Habsbourg comptait s’indemniser largement aux dépens des princes de Parme, de Savoie, de Toscane, du Pape lui-même et de Venise. Le pape Clément éclata. Le nouveau cardinal l’avait joué, la flotte destinée à combattre le Turc, attaquait les provinces impériales, et voici qu’on l’accusait de mauvaise foi sinon de complicité pour avoir accordé à Philippe V la dîme des revenus ecclésiastiques, en vue de cette croisade transformée en agression contre l’Empereur. Celui-ci était redevenu redoutable depuis que, le 16 août, six jours avant le débarquement espagnol en Sardaigne, le prince Eugène avait remporté l’éclatante victoire de Belgrade. A ce coup, autrement formidable que les mousquetades de Cagliari, les princes italiens tremblèrent. Le Farnèse se fit délivrer par Philippe V un certificat d’innocence[10], les autres tombèrent le front dans la poussière devant l’ogre impérial. « C’est un vrai divertissement, écrivait-on de Vienne, que de voir ici les mouvements des ministres des princes d’Italie depuis la victoire de Belgrade, chacun d’eux se peinant à persuader cette Cour que son maître n’a eu aucune part dans l’entreprise du roi d’Espagne, mais insinuant en même temps que l’un ou l’autre de ses voisins y a contribué par ses intrigues[11]. »

 

Alberoni sème l'alarme

Tandis que Philippe V revendiquait la responsabilité de sa décision, Alberoni s’appliquait à montrer le péril que l’ambition autrichienne faisait courir aux puissances. « La résolution que vous savez, d’autres qui suivront, disait-il, arracheront peut-être certains princes à leur indolence... Les mesures qui se prendront au printemps prochain, donneront cet hiver de l’occupation aux cabinets européens. Puissent-elles procurer un équilibre qui donnera la sûreté à l’Italie, et empêcher l’Empereur de commander au genre humain : échéance fatale le jour où on le laissera maître de cette fertile province ! Voilà ce que je viens de dire à la France, à la Hollande et l’Angleterre[12]. »

 

Georges Ier sème l'argent

Mais la France, la Hollande et l’Angleterre avaient chacune leurs raisons de ménager l’Empereur. Le roi d’Angleterre voulait l’amener à la Triple Alliance et le décider à rompre ses attaches avec le parti jacobite. Charles VI se faisait un point d’honneur de ne pas abandonner l’héritier des Stuarts, seulement celui-ci était pauvre et tendait la main tandis que son heureux rival était riche et offrait une grosse somme d’argent ; en outre Charles VI était couvert de gloire et criblé de dettes, il n’hésita pas plus longtemps, s’engagea à interdire au Prétendant les États autrichiens et moyennant cette complaisance reçut cent trente milles livres sterling (3.250.000 frs) qui lui furent payées à beaux deniers comptants[13]. Cette négociation était un acheminement vers la Quadruple-Alliance.

 

L'Empereur disposé à écouter et à négocier

La France aussi devait user de ménagements à l’égard de l’Empereur, mais le Régent ne ressentait aucune animosité contre le roi d'Espagne qu’il souhaitait de bonne foi voir adhérer au plan ; en cas de refus définitif, « vous pouvez regarder comme certain, écrivait lord Stair, que le Régent traitera séparément avec l’Empereur, s’il ne survient pas d’accident en Hongrie ou en Angleterre[14] ». Et de son côté l’Empereur se montrait plus accessible que par le passé. Le 11 août il décidait l’envoi à Londres de M. de Pendtenriedter, muni des instructions nécessaires pour traiter avec les ministres du Régent sous la médiation et par l’entremise du roi de la Grande-Bretagne, touchant les moyens d’établir une paix et une tranquillité permanentes en Europe, et de lier l’Empereur et le Régent de France par une alliance également utile à l’un et à l’autre[15]. Le même jour, le comte de Sinzendorff, ministre impérial, informait lord Stair du départ de Pendtenriedter dès l'instant où l’on apprendrait que l’abbé Dubois se rendait à Londres[16]. Il en coûtait d’autant plus à Vienne de faire ces avances que les soupçons avaient été ravivés par le voyage du Tsar et le projet de voyage du roi de Prusse à Paris ; on savait qu’un traité secret serait signé le 15 août à Amsterdam entre la France, la Prusse et la Russie. « On cherche à comprendre, écrivait de Vienne Saint-Saphorin à lord Stair, de quelle utilité il peut-être au Régent à moins qu’il ne veuille troubler l’Empire. Car pour peu qu’on connaisse les principes de MM. les Russes et de la Cour de Prusse, on doit être persuadé que jamais le Régent ne tirera aucun parti pour la succession de France de ces deux puissances qui ne songent uniquement qu’à se servir des autres pour leurs vues particulières. Si la négociation entre cette Cour [d’Autriche] et Son Altesse Royale n’avait pas été si avancée par les soins de Sa Majesté [Georges Ier] ce traité fait avec la Prusse et avec le Tsar aurait aisément pu la faire échouer ; et encore ai-je eu besoin de faire des représentations bien vives pour retenir la chose dans le bon chemin où elle est[17] ».

 

Projet de rapprochement des Bourbons de France et d'Espagne.

L’Empereur eut bien plus encore froncé le sourcil s’il eût ajouté foi aux paroles et aux démarches par lesquelles Alberoni s’efforçait de faire croire qu’il était pleinement d’accord avec le Régent. Le mystère soigneusement entretenu sur la destination de la flotte à son départ de Barcelone n’avait pour but que de permettre au roi Très-Chrétien d’affirmer sa complète ignorance du projet et, de le mettre dans l’impossibilité de l’en détourner, ce qui permettait le soupçon d’une sorte de complicité. A l'instant où la nouvelle de la victoire de Belgrade étendait une ombre, et presque l’oubli, sur l’expédition de Sardaigne[18], l’Empereur en lirait un tel supplément de prestige qu’Alberoni ne voyait rien de mieux à faire que d’afficher une extrême modération. Dès la mi-septembre, il s’engageait par écrit à ne pas envoyer de nouvelles troupes en Italie et à s’en remettre au Régent du soin de négocier la paix[19]. Et voici que sur ces entrefaites, un Etrange personnage, milord Peterborough[20], lui faisait proposer un projet de ligue entre les Bourbons de France et d’Espagne réconciliés, associés aux princes italiens pour faire, tous ensemble, échec à l’Empereur. Ce projet avait reçu à Paris un accueil favorable du maréchal d’Huxelles et du Régent lui-même ; à Turin, le duc de Savoie, présentement roi de Sicile, se montrait bien disposé à l’égard de tout adversaire de l’Autriche ; à Parme, le Farnèse régnant ne demandait qu’à se laisser « convaincre que la sûreté de l'Espagne, la liberté des Italiens et sa propre conservation dépendaient de l’amitié à établir entre Philippe V et le Régent » séparés par la seule question de la succession de France. Cette question, au jugement du Farnèse, n’existait pas en réalité. Le traité d’Utrecht, l’avait soulevée, toutes les garanties et toutes les ratifications n’y feraient rien du tout, aucun nouvel engagement ne créerait à son sujet une obligation nouvelle. « La même opposition s’y pourrait faire, avec les forces nécessaires pour la soutenir. Et, en échange d’une concession sans importance sur un événement incertain qui peut arriver ou n’arrivera que dans un délai fort éloigné, on obligerait le Régent à des engagements précis envers le roi d’Espagne. Ce serait tout profit[21]. »

 

Le duc de Savoie y serait associé

Peterborough n’eut pas le loisir de pousser l’affaire entamée par lui ; le pape le fit arrêter à Bologne et mettre en prison sous prétexte de « méchants desseins » contré Jacques Stuart[22]. Mais il suffisait qu’il eût amorcé l’affaire pour qu’Alberoni ne la laissât pas échappera Serait-il assez rusé pour faire entrer le duc de Savoie dans cette ligue italienne. Ce personnage avait lassé tout le monde par sa fourberie, tellement que nul ne lui souhaitait rien d’avantageux et ne se fût affligé de ses déboires. Menacé d’être dépouillé par l’Empereur ou par l’Espagne, il observait, s’avançait, ne se donnait jamais à personne. Victor-Amédée avait pour représentant à Madrid l’abbé Del Maro vers qui Alberoni dirigea son intime ami, le baron de Riperda, ambassadeur de Hollande. Celui-ci était chargé de faire entendre au Sicilien que le roi d’Espagne attaquerait sans doute le royaume de Naples au printemps et associerait volontiers le roi de Sicile à l’entreprise[23]. Victor-Amédée séduit, convaincu, envoya au Régent un ambassadeur extraordinaire, le comte de Provana qui s’entendit aussitôt avec le prince de Cellamare à Paris[24]. Le Régent se montrait favorable à ces ouvertures, faisait rendre la liberté à Peterborough, envoyait au duc de Parme un homme de confiance muni de ses instructions « par rapport aux dispositions... qui n’ont pour objet que le bien public et la sécurité commune[25] ».

A la même date, Monti partait pour l’Espagne (26 octobre) et portait à Alberoni l’avis qu’on laissait traîner à dessein la négociation d’Angleterre sans l’abonner tout à fait, « car elle pourrait encore à un moment donné servir leurs desseins communs[26] ». Une fois de plus le Régent s’était laissé ressaisir par d’Huxelles et la vieille Cour. A ce moment Dubois était à Londres depuis un mois (28 septembre) et les prévisions de Stanhope se réalisaient lorsqu’il refusa à lord Stair la permission de se rendre à Madrid : « Ce serait trop hasarder que Votre Seigneurie s’absentât si peu de temps que ce fût, surtout que très probablement l’abbé Dubois sera également loin de son maître, qui alors resterait entièrement abandonné au vieux Ministère[27]. » Ce fut le colonel Stanhope, cousin du ministre, qui se rendit en Espagne, en qualité d’ambassadeur extraordinaire. »

 

Alberoni caresse le Régent

Il y fut mal reçu. Plus Alberoni s’attachait à gagner la France, plus il affectait de rudesse à l’égard des Anglais, toutes ses caresses étaient réservées à Monti. « La démarche du duc d’Orléans, écrivait-il, n’est pas moins inattendue qu’audacieuse, mais il peut être utile pour leurs Majestés d’en faire usage dans une occasion favorable. Vous pouvez donc lui faire savoir qu’en plaçant sa confiance dans ma personne, elle sera servie au gré de son désir... Comme le Régent a déjà fait une telle proposition, que Votre Altesse lui recommande bien la nécessité du plus grand secret : une fois assurés de l’Italie par l’Espagne, les intérêts du Régent seront assurés, ainsi qu’une union parfaite d’intérêts et de convenances entre les deux couronnes. Et maintenant puisse le Régent dire vrai. Je vous assure que Sa Majesté sera en état de donner à penser aux Allemands, et plus d’une puissance l’y aidera[28]. » Le 4 octobre, Alberoni écrivait au Régent lui-même : J’ai ressenti une véritable joie à l’avis donné... que Votre Altesse Royale a pris le vrai chemin pour assurer ses intérêts présents et à venir... Si Son Altesse Royale voulait entrer dans la ligue, le roi de Sicile se déclarerait contre l’Autriche. Ce serait un bon moyen de rendre votre nom glorieux et immortel[29] » Dubois lui tenait un langage tout pareil et il s’engageait dans une politique contraire ; entre ces deux prometteurs d’immortalité, Philippe d’Orléans, sans doute, aura souri parfois dans son scepticisme amusé.

 

Alberoni bouscule les Anglais

Tout à son espoir de conquérir le Régent, Alberoni ne ménagea pas le colonel Stanhope. L’Anglais arriva à Madrid le 7 octobre, chargé de deux missions ; l’une secrète, offrir à Alberoni un million[30] ; l’autre, officielle, offrir à Philippe V Parme et Plaisance pour l’infant Don Carlos. Sur les instances du Régent et de Dubois, Stanhope avait été autorisé à y joindre, à la dernière extrémité, la Toscane, nonobstant ce que pourrait dire la Cour de Vienne ; car l’Angleterre n’était pas hostile à un agrandissement des Bourbons en Italie faisant compensation aux acquisitions de l’Empereur du côté des Balkans et du côté de l’Apennin[31]. Stanhope, flanqué de Bubb, fut reçu par Alberoni de façon à n'y jamais revenir. Sous la peau du cardinal, crevant de toutes parts, le malotru, l'ancien sonneur de cloches reparaissait, lâchant les injures choisies de son répertoire ; c’était ce qu’il appelait : se conduire « en honnête homme[32] ». Sous cette avalanche de scories et d’immondices, les deux Anglais déconcertés, s’éloignèrent sans avoir exposé tout leur mandat, notamment en ce qui concernait la Sicile[33]. Alberoni pensa n’avoir plus de ménagements à garder lorsque les rapports inexacts de Beretti-Landi lui firent croire à l’hostilité des Provinces-Unies contre l'Angleterre, tandis que le baron de Riperda laissait entrevoir la possibilité de désagréger la Triple-Alliance pour lui substituer une alliance nouvelle entre la France, la Hollande et la Savoie aux frais de l'Autriche qu’on dépouillerait à plaisir dans les Pays-Bas et dans le Milanais.

 

Maladie de Philippe V

Seulement l’Autriche n’était pas d’humeur à se laisser dépouiller. Ajoutant l’orgueil de ses récentes victoires à sa hauteur naturelle, elle ne soupçonnait plus la nécessité de mettre des bornes à ses exigences. Sinzendorff déclarait que « jamais l’Empereur ne renoncerait à l’Espagne », Pendtenriedter réclamait l’abandon de l’île de Majorque en dédommagement de l’attaque contre la Sardaigne[34]. Des prétentions à ce point désordonnées s’expliquaient en partie par le désir de tirer profit du désarroi où un événement inattendu avait jeté la Cour d’Espagne. Elisabeth Farnèse, « vigoureuse et pouvant tout, supporter[35] » avait subjugué son mari « par le moins noble des liens[36] ». Avec du courage, de la droiture, de la vertu, Philippe V n’était guère plus qu’une loque humaine. Passant deux fois par jour des bras de sa femme aux pieds de son confesseur, exténué, flétri, épuisé, la raison chancelante, il fut saisi de la fièvre au mois de septembre. « Le 4 octobre, raconte Alberoni, il fut pris d’une si noire mélancolie qu’on crut qu’il allait mourir d’un moment à l’autre. Les insistances du confesseur, du médecin, les miennes ne furent d’aucun effet. Il s’imaginait, et il n’est pas aujourd’hui désabusé, que sortant à cheval, il avait été atteint par le soleil à cette partie de la tête où il se croit malade. A toutes les raisons qu’on lui opposait, il répondait qu’il était triste de n’être pas cru, mais que sa mort prochaine le justifierait. Et le fait est que le médecin le voyant maigrir à vue d’œil est venu me conseiller de ne pas perdre de temps et de prendre les mesures nécessaires[37]. Et ce jour-là et les jours suivants, jusqu’au 24, on continua de hisser Philippe dans un carrosse, de le jucher sur un cheval, afin de, ne pas perdre une seule chasse. Le 25, il y fallut renoncer ; le 26, on crut la mort imminente. Le Roi voulut faire son testament afin d’y témoigner son « amour pour la Reine qui l’avait mis en cet état ». Celle-ci, avec son compère Alberoni, avait tout prévu, afin que la tutelle avec la régence lui fussent dévolues[38]. Le 27 octobre, à deux heures du matin, le testament était rédigé et signé. Quand Saint-Aignan, toujours aux aguets, apprit cette nouvelle, il vit déjà Philippe V à l’agonie et avertit le Régent que l’Espagne entière l’appelait à la Régence des deux monarchies[39].

 

Desseins du Régent sur l'Espagne

Philippe d’Orléans était prêt à tous les dévouements, il n’hésita pas : « Il faut à tout prix, répondit-il, exclure la Reine de la Régence et du gouvernement. La Reine, envers qui je suis bien aise d’ailleurs de ne manquer en rien à ce que je lui dois, comprendra qu’il ne serait ni bienséant, ni raisonnable pour elle de retenir l’administration d’un royaume qui appartient à des princes dont elle est la belle-mère. » Il marqua même l’intention d’en appeler au duc de Savoie « dont ces princes sont les petits-fils, tandis qu’ils sont mes neveux[40]. » Pour plus de sûreté enfin, un gouvernement dit « national », composé de quelques grands d’Espagne, soutiendrait cette politique qu'appuieraient au besoin trente bataillons et cinquante escadrons discrètement rapprochés de la frontière et « à portée d’entrer en Espagne à la moindre réquisition des Espagnols en telle quantité qu’il leur plaira[41]. » Ces mesures, si révélatrices en apparence, n’étaient qu’un divertissement nouveau pour l’esprit tortueux du Régent, qui continuait à protester de la sincérité de ses intentions[42]. Les intrigues s’enchevêtraient dans son cerveau sans brouiller leurs fils, mais le manque de conviction qui réglait toute sa conduite, décidait aussi de la prépondérance d’une intrigue et dune politique sur une autre. Un prince qui n’avait que des velléités au service de son ambition, qui ne s’engageait jamais en rien qu’avec le souci de se pouvoir dégager, qui se sentait contesté en France et qui jetait un œil avide sur l’Espagne, allait de l’un à l’autre, promenant cette ambition inquiète, de Dubois à Alberoni, à d’Huxelles et à Torcy.

 

La politique de la vielle Cour va l’emporter

Vers le 10 novembre, d’Huxelles, Villeroy et les hommes de la vieille Cour avaient reconquis le Régent à leur politique anti-anglaise et anti-autrichienne, contre laquelle se déchaînait le cri public[43]. Ni Habsbourg, ni Hanovre, mais une entente avec l’Espagne. Les hommes qui vantaient cette politique ne manquaient pas de faire valoir la façon plus que cavalière avec laquelle Alberoni avait traité Stanhope et la rapidité avec laquelle il avait enlevé la Sardaigne à l’Empereur. Déjà on croyait sentir à Londres une conviction moins ferme que par le passé chez le duc d’Orléans, on comprenait qu’il ne s’associait aux démarches et aux protestations à Madrid de Stanhope et de Bubb que du bout des lèvres. Si ce sentiment pénétrait le premier ministre anglais, on devine que son confident Dubois en devait être instruit, on sait qu’il n’était pas homme à laisser faire ce qu’il pouvait empêcher.

Les origines Le voyage de Dubois à Londres répondait à un calcul déjà ancien. Dès le 14 novembre 1716, Stanhope écrivait à Dubois qu’on conférence avait pressenti les dispositions de la Cour impériale au sujet d’une réconciliation avec l’Espagne[44]. Le 25 décembre c’était d’Huxelles qui prescrivait à Dubois de sonder Stanhope au sujet des mesures à prendre pour réconcilier les deux princes qui continuaient à se qualifier d’Archiduc et de duc d’Anjou ; le Régent était disposé, le cas échéant, à s’en mêler. « Dites-lui, ajoutait-il, qu’il est bon que cette négociation soit remise entre les mains des contractants de la Triple Alliance, autrement on introduirait peut-être dans le traité des changements inacceptables[45]. »

 

Dubois y est destiné

Dubois entrevit sans doute une seconde étape à fournir dans la carrière où il venait de s’imposer ; il élabora le plan d’une convention et adressa sur-le-champ le mémoire à Paris[46], d’où on lui écrivit de se calmer et de ne rien précipiter[47]. « C’est, lui écrivait d’Huxelles ; une négociation qu’il faut laisser mûrir après que vous en aurez jeté les premiers fondements[48]. » Dubois répondait qu’il n’avait agi que « comme de lui-même[49] ». Cette réserve n’était pas du goût de lord Stair toujours pétulant, mais assez pénétrant pour observer néanmoins que le Régent « d’abord que le roi d’Espagne aurait consenti [à la proposition] concourrait avec empressement et de tout son pouvoir à la conclusion[50] ». Avant que l’expédition de Sardaigne plaçât l’Europe en présence d’un péril imminent de guerre générale, on était revenu à l’idée d’une conférence et il fut question d’envoyer le marquis d’Aligre représenter la France[51]. Ceci n’eut pas plu à Stanhope qui voulait son ami Dubois : « Il serait fort à souhaiter, lui écrivait-il, que vous puissiez faire un tour chez nous[52] » ; promettant de ne l’y retenir pas plus de quinze jours. — « Je suis prêt à partir, répondait Dubois, car votre Excellence aura, je l’espère, si bien préparé les choses du côté de Vienne et du côté de l’Espagne que le succès de la négociation ne sera presque point douteux, et qu’elle ne me fera pas faire un moins bon personnage en cette occasion que dans la conclusion de l’alliance qui en est la source[53]. » Stanhope s’empressa de le tranquilliser : « Nous avons trop d’égards pour ce qui vous touche, pour vous exposer à un succès douteux et pour voua faire rien perdre auprès de Mgr le Régent d’un crédit où nous rencontrons tant d’utilité et qui ne sera jamais si grand que nous le souhaitons[54]. »

 

Situation analogue à celle de 1716

Vers le mois d’août 1717, au moment où la flotte d’Espagne faisait ses derniers préparatifs, une sorte d’accalmie, inspirée peut-être par la crainte d’une fausse démarche, avait comme suspendu la politique active des puissances européennes. Dubois, qui possédait le sens des occasions, conseilla au Régent d’employer cette trêve dans le Nord et au Sud, pour la transformer en une paix stable. Une fois de plus les intérêts de Georges Ier et de Stanhope concordaient avec les intérêts de Philippe d’Orléans et de Dubois. Le roi allemand et le ministère allemand, ainsi qu'on nommait George et ses hommes d’Etat, avaient de fâcheux instants à passer. Si les avantages inouïs du traité de l’assiento venaient à être contestés ou retirés par l’Espagne, l'Angleterre commerçante cesserait peut-être de soutenir le ministre et la dynastie elle-même serait ébranlée. Le prince de Galles, en haine de son père, ne négligeait rien pour affermir et développer l'opposition.

Stanhope, instruit de ce danger, avait été ramené à l’idée de traiter avec Charles VI, sans et même contre Philippe V. Par acquit de conscience et pour échapper aux reproches il avait envoyé en Espagne, n’y pouvant aller lui-même[55], son cousin le colonel Stanhope, chargé d’une mission pacifique quoique légèrement comminatoire puisqu’il devait rappeler qu’en cas de guerre générale, l'Angleterre, garante de la neutralité de l’Italie, serait contrainte à intervenir[56]. Les ministres hanovriens de Georges Ier éprouvaient pour la paix dans la Baltique les mêmes appréhensions que Stanhope pour la paix méditerranéenne. Ils n’ignoraient pas grand’chose des efforts tentés par Gœrtz pour séduire le Tsar, confondre ses intérêts avec ceux de la Prusse et les opposer tous deux, à l’Angleterre et au Hanovre. C’est ce que Dubois avait su découvrir et ce qu’il s'évertuait à montrer : le Régent, le roi d’Angleterre et l’électeur de Hanovre devaient souhaiter la paix à tout prix, la vouloir à toute force et, au besoin, l’imposer à tout risque. Alberoni et Gœrtz, ces boutefeux, l’un au septentrion l’autre au midi, menaçaient tout l’édifice européen que la paix seule pouvait affermir. De là son empressement à se rendre Londres pour y transformer une trêve incertaine en une paix, durable. Les Anglais feraient entendre la modération à Vienne, lui se chargeait de mettre Charles XII à la raison.

 

Instructions données à Dubois

Car Dubois n’allait pas à Londres comme jadis à la Haye et à Hanovre, il avait une mission officielle, des instructions, un rang. « Non seulement, y était-il dit, Sa Majesté approuve la vue d’engager le roi d’Espagne et l’Empereur à convenir de leurs intérêts et à faire leur paix, mais elle se propose d’y contribuer par ses offices et par le consentement qu’elle donnera aux dérogations qui pourront être faites à cette occasion aux traités d’Utrecht et de Rade. Sa Majesté consent à céder la Sardaigne ru duc de Savoie et à le reconnaître comme roi ; elle veut faire reconnaître les droits de la reine d’Espagne sur Parme et la Toscane, mais croit bon de ne pas parler dans le traité des successions de Parme et de Toscane. En même temps que M. l’abbé Dubois conviendra qu’il serait à désirer que le roi d’Espagne eût oublié les contraventions dont il a lieu de se plaindre de la part de la Cour de Vienne et qu’il les eût sacrifiées au désir de conserver la paix, il ne doit cependant rien négliger pour assurer les avantages de ce prince et pour le rendre le plus considérable qu’il sera possible, soit qu’il entre dans le traité, soit qu’à son refus Von statue pour lui entre les puissances contractantes[57]. »

 

Paix de dupes entre Huxelles et Dubois

Celui qui emportait ces instructions était en passe de devenir un personnage et de faire compter avec lui. Sa faveur était éclatante et la Cour avertie. Le 10 septembre, on lit dans le Journal de Dangeau : M. le duc d’Orléans alla à Saint-Cloud voir Madame et n’y mena dans son carrosse que l’abbé Dubois seul avec lui ; il le fait partir incessamment pour l’Angleterre[58]. » Le 18, nouvelle audience aussi affichée : « L’abbé Dubois entra chez M. le duc d’Orléans qui sortait ; il avait déjà eu une conférence avec lui[59]. » L’abbé prévoyait tout, autant qu’on peut se flatter de tout prévoir. « Je vous supplie, disait-il à son prince, d’examiner toutes les raisons que je puis dire aux Impériaux et aux Anglais, en commun et séparément[60]. » Il partait, disait-il à ses amis pour « conjurer l’orage qui menace toute l'Europe[61] », n’ayant négligé aucune précaution pour neutraliser les influences hostiles auxquelles son départ laisserait le champ libre. Une manière de compromis, un « marché » pour reprendre le mot de celui qui en fut le courtier, Chavigny[62], avait enfin mis d’accord la diplomatie officielle et la diplomatie secrète : d’Huxelles et Dubois ; la première faisait tous les frais de l’entente puisqu’elle adoptait les vues, les plans et, jusqu’à un certain point, les méthodes de la seconde. D’Huxelles recommandait à Dubois « de réclamer à l’Empereur sa renonciation au trône d’Espagne, article aussi important pour Son Altesse Royale que pour le roi d’Espagne : cette condition étant la seule qui puisse assurer les droits de S. A. R. et la déterminer à entrer dans le traité que l’on propose[63]. » Ainsi, le maréchal n’avait pu « se défendre des poursuites et des séductions de l’abbé[64] ». En revanche, il avait obtenu de Dubois l’engagement de faire « tous ses efforts pour assurer et rendre les plus considérables qu’il sera possible les avantages [du roi d’Espagne] qu’il entre ou non dans le traité : Parme, la Toscane et même la Sardaigne[65] ». Il était donc vrai de dire que les instructions données à notre plénipotentiaire n’envisageaient nullement les intérêts du royaume, elles stipulaient au nom du Régent et au nom de Philippe V ; de la France et de Louis XV il n’était pas question. Outre ces précautions, Dubois chargeait quelques créatures éprouvées de le tenir au courant de tout, des faits, des rumeurs, des simples indicés ; c‘étaient son neveu Joseph Dubois, qui n’avait rien à lui refuser[66], Nancré, « valet à tout faire, qui sentant de loin jusqu’où pouvait aller l’abbé Dubois, s’était livré à lui sans mesure[67] », Chavigny, louche personnage, ayant « essuyé des aventures fâcheuses qui n’étaient, pour son honneur, que trop connues du public[68]. »

 

Ils continuent à se contrecarrer

Huxelles et ses amis le maréchal de Tallard, le marquis de Beringhen, le duc d’Aumont comptaient pour rien l’accord conclu avec Dubois auquel ils ne songeaient qu’à ménager un échec retentissant[69]. Tallard, surtout, blâmait la mission de Londres, « si leur sentiment eût prévalu, Dubois aurait passé bien du temps avant de conclure, et l’on eût conclu auparavant avec l’Espagne[70] ». Ils se gardaient cependant d’en rien laisser voir, affectaient de garder le silence sur les Renonciations[71]. Les ministres de France dans les Cours du Nord recevaient des instructions secrètes en contradiction flagrante avec la politique de Dubois. A Berlin, Rottembourg était chargé de former en faveur de la Suède une alliance des princes protestants de l’Allemagne du Nord dont le roi de Prusse aurait la direction et où entreraient les Moscovites[72].

Dubois n’était pas homme à se laisser jouer de la sorte, il avait fait alliance avec Nancré, un des roués du Régent et convenu d’une correspondance secrète où les personnages importants étaient désignés par des noms de guerre ; D’Huxelles s’appelait le poète ; Torcy, Saint-Pierre ; Tallard, Nancré et Nocé, Saint-Brice, Lamarche et Bassigny[73]. Nancré recevait en cachette les lettres de Dubois, donnait ses réponses au neveu de l’abbé[74] et ne pénétrait dans les appartements secrets du prince que sous la conduite du valet de chambre Desbagnets, acheté depuis longtemps[75]. Pas plus que d’Huxelles, Dubois ne se croyait lié par l’engagement pris au sujet de l’Espagne à laquelle il ne songeait qu’à imposer, par intimidation au besoin, les conditions formulées par l’Angleterre. Il employait Nancré à convaincre le Régent que le roi d’Espagne « quelque satisfaction qu’on lui donnât, quelque désir qu’il en eût, n’entrerait pas dans le traité, et qu’on serait obligé de traiter sans lui, tout en lui réservant sa place[76]. » Lors de son départ, Dubois ne songeait à autre chose, il demandait à Nancré des mémoires « sur les projets de paix qui ont été faits sans le concours de toutes les parties intéressées en leur laissant un certain temps pour accéder[77]. » Il interrogeait Torcy « sur l’aversion des Espagnols sur les traités que l’on fait sans eux[78]. »

 

Départ de Dubois pour Londres

« Le 19 septembre, Dubois partit en chaise de poste avec son secrétaire et cinq hommes à cheval. Ses équipages étaient partis huit jours auparavant. Le frère du sieur Law avait eu ordre de lui préparer un hôtel meublé superbement[79]. » Dubois emportait une lettre de créance adressée à Georges Ier et ainsi conçue :

« Monseigneur, il est si juste de concourir aux bonnes intentions de Votre Majesté pour la tranquillité de l’Europe que j’envoie auprès d’elle l’abbé Dubois à qui elle a eu la bonté de confier elle-même ses vues pour conférer avec les ministres des Princes qu’il serait important de réunir et contribuer de ma part autant qu’il sera possible à un bien si nécessaire, et comme personne n’est plus instruit que lui de mes véritables sentiments, je suis ravi qu’il ait occasion de lui rendre compte de nouveau de mon zèle pour sa gloire et pour ses intérêts et de l’attachement sincère avec lequel je suis...[80] » Une autre lettre, adressée au prince de Galles, qui haïssait la France en haine de son père, lui demandait d’appuyer la politique de la paix, et lui rappelait la proximité du sang qui l’unissait au Régent ; son très affectionné frère[81]. »

 

Incidents du voyage

Des incidents fâcheux signalèrent le voyage du diplomate. Près d’Amiens, les commis des fermes, sans respect pour sa qualité, pillèrent ses bagages, paniers de vins, coffres et papiers, en criant : « Voilà des affaires Etrangères ! c’est un homme gagné par les ennemis ! » Le 22, il arrivait à Calais, où « un vent du Nord insurmontable » rendait la traversée impossible. Le 24, dans la soirée, le vent fléchit. « On m’avait fait espérer, écrit l’abbé à Nancré, de pouvoir partir cette nuit à une heure après minuit, et j'ai fait toute la nuit la veillée des armes pour saisir le premier moment où le bâtiment pourrait sortir du port ; mais il s'est élevé un vent du Nord qui a empêché entièrement la sortie. Je suis donc à la merci des vents et, si plusieurs avis qui m’ont été donnés sont véritables, à la merci de la Providence, car on m’a averti que les Jacobites avaient conjuré ma perte. Il en arrivera ce qu’il plaira à Dieu ; je suis dévoué à tout sans réserve pour le service de mon maître qui est celui de l’État[82]. » Ce contretemps parut de bon augure à Paris. On y fit courir le bruit que Dubois, embarqué, avait été jusqu’à Douvres où trouvant les ports fermés et l’Angleterre en pleine révolte, il n’avait eu d'autre parti à prendre que de rentrer[83] ; on ne tarda pas à savoir que tous ces bruits étaient faux[84], mais le séjour se prolongea[85] et l'abbé tua le temps en écrivant force lettres, songeant à son carrosse, à sa provision de bois de chauffage[86], à se procurer une carte d’Italie « divisée, collée, enluminée suivant les possessions[87] », enfin à des mémoires sur différents sujets[88].

 

Installation à Londres. Réception à la Cour

Enfin, le dimanche 26, le vent tourna et Dubois leva l’ancre sans attendre le yacht envoyé d’Angleterre à sa rencontre ; il « essuya, raconte-t-il, les incommodités ordinaires à ceux qui ont l’estomac délicat[89] », débarqua à Douvres, coucha à Cantorbéry et, le 28 au soir, arriva à Londres[90]. Aussitôt il donna au maréchal d’Huxelles son adresse : « rue des Ducs à Westminster, Duke’s street in Westminster » ; et à l’ami Basnage, son correspondant à la Haye, il envoya l’adresse du taudis où il lui convenait de se dissimuler : « Vous m’enverrez vos lettres sous une enveloppe au nom de M. Dubuisson, maître à danser, chez M. Hamton, maître charpentier à Saint Martin’s court, derrière l'église, proche Charing-cross, à Londres[91] ». Depuis son voyage écourté de 1698, Dubois n’avait pas revu Londres qu’il retrouvait populeux, bruyant, affairé plus que Paris[92] : « J'ai été étourdi de l’affluence du peuple, comme un provincial qui arrive au Pont-Neuf à Paris, lequel Pont-Neuf paraîtrait une solitude en comparaison de ce que l’on voit ici. Je n’ai encore eu l'occasion de rien observer mais je n’ai pu m’empêcher d’être frappé de la prodigieuse quantité de belles personnes et de leur bonne grâce. » L’abbé était en veine de compliments. A la comtesse de Sandwich, le vieux galantin écrivait : « Quelque objet, Madame, que je puisse avoir dans mon voyage, rien ne m’y peut tant toucher que d'être encore une fois à vos pieds avant de mourir[93]. » Avant de se risquer dans aucune société, Dubois voulait entretenir Stanhope qu'il lit prévenir de son arrivée. Stanhope accourut de la campagne le 1er octobre[94], témoigna un vif désir de cimenter de bonnes relations, bref on se répéta de part et d’autre les banalités d'usage au cours d’une première rencontre. Le lendemain, Stanhope conduisit Dubois à Hampton-Court, résidence royale, où Georges Ier fut poli et empressé, invita le plénipotentiaire à sa table, parla du Régent en termes élogieux et aborda les principales questions : la paix dans la Baltique et dans la Méditerranée[95]. Toujours dépourvu de mesure, Dubois exultait, écrivait à son maître : « On ne saurait désirer des dispositions meilleures. Pour soutenir les droits de Votre Altesse Royale à la couronne, les Anglais mettront jusqu’au dernier sol et au dernier homme. Le Roi est si bien disposé qu'il semble qu'il vous ait mis à la, place de son fils. Quant à M. Stanhope, c'est un philosophe homme de bien qui aime sa patrie, mais qui aime Votre Altesse Royale presque autant qu'elle. »

 

Ressorts et adresses de l'abbé

Vint ensuite la présentation au prince et à la princesse de Galles et, une fois terminées ces corvées solennelles, l’abbé chercha à renouer avec toutes ses anciennes et fidèles relations, s’occupa à les étendre, à en créer de nouvelles. Ce fut une manière de passer le temps sans le perdre tout à fait. Entre deux causeries avec Stanhope, disposé à abandonner l’Empereur si ses exigences allaient trop loin, entre deux visites aux Hanovriens Bernstorff et Bothmar, Dubois prenait confiance dans le succès final du Régent, « mieux servi à Londres qu'à Paris[96] », et il entretenait de son mieux ces bonnes dispositions. Une Vie manuscrite de Dubois conservée à la bibliothèque Mazarine[97], relate le long détail des fêtes célébrées à Londres en l'honneur de l'abbé pendant son ambassade, « Bals, dîners, chasses et concerts », tout y figure, jusqu’aux indigestions de l’abbé, « survenues à la suite de banquet de 800 couverts ». Sur plus d’un point, la correspondance diplomatique confirme les dires du biographe Le Dran : « Je suis allé lundi souper avec le Roi à Hamptoncourt, écrit Dubois au Régent ; le lendemain je l’ai suivi à Guilford pour voir les courses de chevaux. Milord Onslow, chez qui le Roi dîna m'ayant porté à petit bruit la santé de Votre Altesse Royale avec du vin de Chypre de quatre-vingt-dix ans que son frère lui a envoyé de Constantinople, le Roi, s’en étant aperçu, demanda du même vin, et m’ordonna de choquer mon verre avec le sien, et dit tout haut : « A la santé de M. le Régent, le bon ami de l’Angleterre ! » ce qui fut répété par cinq cents voix et bu de la même manière à sept ou huit tables où était la principale noblesse d’Angleterre. »

Ces santés trop fréquentes mirent au lit pour quinze jours l’hôte de la Grande-Bretagne, avec la toux, la fièvre, la goutte au genou et un rhumatisme à la hanche. Menacé « d’une catastrophe dans sa fragile machine », il consulta Chirac. « Le travail et les chagrins, les repas et le vin ne m'ont pas fait un sang fort doux. Incapable de toute occupation suivie, je ne fais plus que souffrir impatiemment. Je prends du lait de vache coupé le matin et le soir, un lavement par vingt-quatre heures et un potage à dîner. » Ce régime d’anachorète n'eut pas convenu à ses invités. Dubois avait laissé à Paris, pour garder la maison, un sien neveu de Brive-la-Gaillarde, qu’il appelle dans ses lettres « un homme de l'autre monde », dévoué à l’oncle protecteur de la famille, tremblant sous la menace de ses terribles vivacités, naïf et madré comme un paysan de comédie.

Au premier rang de ses attributions et de ses multiples responsabilités était la cave, grand objet des sollicitudes de l'abbé et l’un des instruments de sa diplomatie. Sur un signe du maître, les expéditions de vin se succèdent ; le neveu préside, emballe, compte les bouteilles vides, les bouteilles cassées et celles que « la force du vin et de la bière avait fait peter » ; il prévoit que le retour de Saint-Cloud ramènera les « emprunts » de vin de Tokay de la mère du Régent : « Faudra-t-il dire qu’il n’y en a plus ? » demande maître Jacques.

Après la cave, la garde-robe ; autre sujet d’active correspondance et parfois de controverse. Dubois avait débarqué à Londres sans habit et sans carrosse, ne voyant rien arriver il écrit au neveu : « Je vous recommande avec instance mon carrosse ; faites en sorte que tout soit du meilleur et du plus beau. Priez le tailleur, M. Coche de m’envoyer un justaucorps et une culotte de velours violet, avec une veste et des manches qui relèvent sur l’habit, d’une belle étoffe à son choix. Dès qu’il sera fait, il faut mettre un peu de poudre sur les épaules, comme s’il avait été porté. Ne perdez pas de temps. » Le neveu répond : « J’ai remis au messager une boîte couverte de toile cirée qui contient votre habit de velours, avec l’étoffe d’or pour les manches, l’un et l’autre sont très beaux et très chers. On a mis à l’habit des boutons et des boutonnières d’or, quoique vous ne le marquiez pas, parce qu’autrement il aurait été trop simple. Vous trouverez aussi dans la boîte un paquet de cure-dents à la carmeline et votre cachet d’or. » Ce bel habit, dont l’étoffe coûtait 105 francs 12 sous l’aune, ne suffisant pas, l’ambassadeur en demande un autre moins façonné. « Faites-moi faire un habit de camelot violet pour ne pas porter toujours le même. Les souliers que vous m’avez envoyés sont trop pointus, et la semelle en dedans est si raboteuse que je n’ai pu m’en servir... Si vous savez où je prends du tabac à râper, qui est dans une boutique à l’entrée de la place Dauphine, je vous prie de m’en envoyer quatre livres. »

Ensuite vient tout le défilé des gourmandises. « Vos jambons se gâtaient, Monsieur, et les souris les mangeaient, quoiqu’ils soient suspendus à des crochets ; je fis choisir les deux meilleurs que nous enveloppâmes dans du foin et que nous mîmes dans le coffre de votre carrosse.» — « Envoyez-moi, répond l’abbé, un petit panier de fromages de Pont-l’Evêque ou de Marolles et deux fromages de Brie. Dès qu’il fera assez froid pour faire voyager des truffes en sûreté, écrivez à Brive qu’on vous en envoie. » Le premier secrétaire d’ambassade réclame des poires de bon chrétien et des pommes reinettes que le neveu expédie à onze sous pièce, il y joint deux douzaines de pots de marmelade de fleurs d’oranger de madame Duclos, quelques vieilles hardes de Thoinon et un ballot de linge : serviettes communes, tabliers de cuisine, nappes, essuie-mains, torchons, etc.

Rien n’est négligé. Dubois écrit à Mademoiselle Fillion, couturière « de choisir une étoffe riche dont le fond soit blanc pour en faire un habit à la duchesse de Münster, qui est une très grande et très grosse femme qui a des cheveux et des sourcils, noirs et la peau fort blanche. Il faut un autre habit riche pour mademoiselle de Schulembourg, sa nièce, qui a des sourcils noirs et des cheveux châtains. » Puis viennent des avis, des recommandations, des avertissements et la demande adressée à mademoiselle Fillion « de faire fabriquer une grande poupée, laquelle puisse faire voir aux dames anglaises de quelle manière celles de France sont habillées et coiffées et portent le linge ».

Tout le mois d’octobre s’écoula ainsi à attendre l’envoyé autrichien Pendtenriedter qui n’arriva à Londres que le 1er novembre. Celui-ci en passant à la Haye avait dit qu’il écouterait tout mais ne se prêterait à rien avant la restitution de la Sardaigne[98], ce qui donnait à croire que les entrevues de Londres et le savoir-faire de Dubois échoueraient.

 

Accord de Dubois et de Stanhope

Les entretiens avec Stanhope se poursuivaient et Dubois écrivait au Régent qu’il en fallait moins attendre qu’on ne le souhaitait sur l’affaire d’Espagne et plus qu’on ne s’y attendait sur les droits du Régent[99]. Mais le Conseil de Régence pouvait soulever des difficultés aux desseins du prince et de son adroit compère ; il fallait « l’accoutumer à entendre les vérités générales qui servent de fondement au parti que S. A. R. a résolu de prendre et introduire ainsi, malgré les malintentionnés, sans laisser aucune délibération, les conséquences et la conclusion qui en résultent[100]. » Dans une lettre ostensible, l’abbé posait en principe la nécessité d’effrayer l’Espagne pour la mettre à la raison.

« Si l’Espagne faisait des difficultés insurmontables, et que l’Empereur continuât à vouloir bien traiter avec les membres de la Triple Alliance, Sa Majesté Britannique supplie Sa Majesté d’examiner s’il faudra laisser le repos de l’Europe à la merci du  ministère espagnol[101] » ; et faisant la leçon indirectement à son maître, Dubois écrivait le même jour à Nancré : « Si j’étais le Régent, j’aurais une telle contenance en lisant cette lettre que personne n’oserait desserrer les dents pour combattre le projet qu’il a formé, et cela lui donnerait occasion d’observer la contenance de chacun[102]. »

 

Les alliés de Dubois

Dubois savait trop bien son élève pour ne craindre pas les défaillances ; aussi avait-il gagné Torcy à ce plan, et chargeait-il Nancré d’obtenir l’aide de Nocé, tandis qu’il grondait son prince et lui recommandait « de ne pas laisser traîner ses billets quand il les avait lus[103] ». En même temps, il glissait dans la main du réfugié protestant Robethon, « conseiller privé d’ambassade de S. M. Britannique » une lettre de change de quinze mille livres « pour inspirer à M. de Bernstorff, ce qui pourra nous être favorable[104] » et, non content de cela, il enveloppait de tentation l’envoyé autrichien Pendtenriedter, « l’argent ayant, dit-il, de l’ascendant sur lui » ; Basnage et Duywenworden à la Haye l’entameraient et il ne tiendrait pas à Robethon que Stanhope ne l’achevât dès son débarquement.

 

Le personnage de Pendtenriedter

Pendtenriedter débarqua. « C’était une manière de géant qui avait plus de sept pieds de haut, de la corpulence à peu près de sa taille, pétri des maximes et des hauteurs autrichiennes[105] », convaincu que sur un signe de lui l’Angleterre et les Provinces-Unies déclareraient la guerre à l’Espagne coupable d’avoir manqué à l’Empereur à qui elle restituerait la Sardaigne et livrerait Majorque. Stanhope et Dubois répondirent tout net qu’il fallait que l'Empereur renonçât formellement à l’Espagne ; le petit présent ajouterait sa persuasion à leur parole insinuante et on allait voir, sans doute, le colosse autrichien entrer un accommodement quand un nuage s’éleva.

Triomphe imminent du parti de la vieille Cour

A la fin d’octobre, Alberoni était parvenu à impressionner le Régent et à l’attirer à l’idée d’une alliance espagnole. N’ayant pas le courage d’avouer ce revirement à Dubois, il espaça les lettres à son confident ; le maréchal d’Huxelles qui sentait le parti vieille Cour près du triomphe, jugea Dubois perdu et cessa de lui écrire ; Torcy soignait sa femme gravement malade et ne voyait quelle au monde. L’abbé, pris de frayeur, crut qu’on a voulait le mettre à sec, lui faire faire des fautes », écrivit à Nancré : « Aidez-moi de tout ce que vous pourrez, renseignez-moi, dirigez-moi[106]. » Il ne tarda pas à être instruit de l’intrigue ménagée par Peterborough, le duc de Parme et d’Huxelles. Un mot du Régent à lord Stair qui l’avait répété à Stanhope avait mis sur la voie : on jouait une partie d’où Dubois était exclu. « Il est étonnant, écrivait-il encore à Nancré, que Monseigneur ait reçu des lettres d’Espagne qui signifient quelque chose et écouté le comte de Provana, envoyé de Sicile, et que je ne sois en rien informé[107]. » Une fois de plus, le plaisir morbide des tractations secrètes avait emporté le Régent dans une aventure qui pouvait le perdre. Toujours hanté par le désir de faire reconnaître ses droits à la couronne de Louis XV, il songeait à en solliciter la confirmation de Philippe V au lieu de la lui imposer après son alliance conclue avec Georges Ier et Charles VI. Le duc de Parme et Alberoni, renforcés du duc de Savoie et servis par d’Huxelles allaient donc triompher de Dubois. La cabale, renforcée du maréchal de Tallard, prônait l’alliance espagnole par dessus tout le reste. Torcy l’appelait la « cabale du roi d’Espagne[108] » et n’en voulait pas entendre parler, mais d’autres s’agitaient, familiers du Palais-Royal[109], ayant ou prenant le droit de tout dire, luttant maintenant à découvert contre Dubois dont l’éloignement permettait de tout entreprendre. A Londres, on suivait les phases de ce revirement avec inquiétude. Pareil au renard qui s’accroupit en guettant une poule[110], Dubois flairait l’embûche, devinait la manœuvre, éventait la malice de ses adversaires et soudain, bondissait sur sa proie. C’était le 11 novembre 1717, jour décisif dans l’histoire de la politique française.

 

La lettre du 11 novembre au Régent

Dubois écrivit au Régent[111] :

« C’est un point bien délicat, Monseigneur, que les nouvelles ouvertures que l’on a faites à Votre Altesse Royale. J’ay frémi à la vue de ce qu’on lui propose qui ne peut être que très pernicieux, s'il n’est pas très bon, c’est-à-dire s’il n’est pas possible, heureux et sûr. Quand je serai instruit du détail de ce projet, je consulterai mon sixième sens qui me donne quelque instinct pour ce qui regarde votre A. R., et je lui dirai pour lors mon sentiment. Cependant sans m’arrêter au proverbe qui dit qu’il ne faut courir en même temps deux lièvres, sur l’idée générale que ces lettres m’offrent, je ne crois point que ce soit une ruse, mai» un parti forcé de gens outrés et dans le dernier embarras. Malheureusement ceux avec qui il s'agit de s’embarquer ne peuvent que vous être très suspects par leur caractère, par leur mauvaise foi qu’ils ont montrée dans tous les engagements qu’ils ont pris, par leurs sentiments particuliers à l’égard de V. A. R. Quand on a affaire à des fous, des fripons, des ennemis personnels et des concurrents, la prudence veut que l’on ne prenne aucun engagement avec eux ou qu’on prenne de grandes précautions avant que de s’engager, et on a raison de craindre que passato il pericolo, gabbato il santo. Le lion qui a une épine au pied se la laisse tirer avec toute douceur, mais lorsqu’il a repris ses forces, il n’y a que dans la fable qu’il se souvient du bienfait. Vous allez armer ces gens-là, les ameuter, augmenter leur puissance, les établir de plain pied dans la France, et les mettre à portée de vous prendre de tous côtés, et de vous embarrasser et vous nuire, dans l’occasion même en faveur de laquelle vous les écoutez. Il serait beau au Roy d’Espagne de joindre l’Italie à sa couronne, mais quelque jour on trouvera plus magnifique encore et indispensable d’y joindre le royaume de France lorsqu’on sera en état de le faire ; et la seule modération dont on se piquera, sera d’en céder quelques provinces à ceux qui pourraient y apporter obstacle, Une aussi grande puissance, avec un droit direct à la Couronne de France, est plus à craindre en Italie, que l'Empereur avec tous ses succès, et tout ce qu’on vous faisait craindre de lui pour l'avenir, s’il violait le traité. C’est une guerre à laquelle il faut vous engager par le nouveau projet et l’attirer au Royaume, d’entrée de jeu. On a fait appréhender à V. A. R. que si elle traitait avec l’Empereur, elle donnerait atteinte à ses droits par quelque petite dérogation qu’il faudrait faire au traité d’Utrecht, quoi que cette dérogation dut avoir pour motif le maintien de la tranquillité publique et être réparée par des indemnités. Mais ne risquerait-elle pas davantage par une violation formelle du traité de Bade, qui renverserait entièrement celui d’Utrecht ? On ne voit aucun inconvénient essentiel pour votre A. R. dans un traité avec l’Empereur. Il peut y en avoir d’infinis pour Elle dans les nouveaux engagements proposés, et il faudrait acheter tous ces dangers par une dépense sans bornes qui achèverait d’épuiser le royaume, et par une guerre en Italie, en Alsace et en Flandres dont l’homme le plus pénétrant ne pourrait prévoir les suites pour le royaume et pour nous. Pour bien juger de ce qu’on lui a proposé nouvellement qu’elle ait la bonté de comparer les trois partis quelle peut prendre, qui sont : 1° « le projet nouvellement proposé ou 2° un traité avec l’Empereur ou 3° de ne prendre d’engagement avec personne et de ne se mêler de rien. Qu’elle choisisse celui où il y aura plus de sûreté et de solidité, et moins d’inconvénients, ce qu’il ne sera pas difficile de calculer. Ce qu’on désire par le système nouveau serait à souhaiter sans doute pour la liberté de l’Italie, et pour établir un équilibre plus égal dans l’Europe, mais ce n’est pas votre faute si le feu Roy a été forcé de consentir aux établissements que l’Empereur à conservés en Italie, et ce serait une gloire mal placée que de vouloir être le libérateur de l’Italie aux dépens du repos et des forces du Royaume, et en lui suscitant un ennemi redoutable, au lieu que par le traité avec l’Empereur nous pouvons n’avoir personne ni contre le Royaume, ni contre vous. Le pas est si glissant qu’il n’y a qu’à prier Dieu qu’il inspire sa sagesse à V. A. R. et je la conjure de ne point prendre de résolution sur une affaire aussi importante, sans l’avoir examinée de tous sens avec une grande attention, et de ne consulter qu’elle-même ou, si elle en veut parler à quelqu’un, qu’elle n’écoute que ceux de ses serviteurs en qui elle a reconnu plus de droiture et d’attachement et qui ne sont dans aucune intrigue. M. de Torcy est bon par son expérience dans les affaires, et parce qu’il n’est point mêlé dans les manèges du Ministère. M. de Nocé est fidèlement attaché à V. A. R. et a très bon esprit, et mon correspondant est fort sensé, et je le tiens bien intentionné. A l’égard ce qui se pourra mesnager ici, quelque parti que V. A. R. prenne, je ferai de mon mieux, mais je ne puis pas la flatter qu’elle conservera l’estime et la confiance du Roy et des ministres d’Angleterre s’ils croient qu’elle les a employés pour amuser l’Empereur. »

Le lendemain, Dubois revenait à la charge[112] ; en même temps il écrivait à Nancré : « Par trop de facilité pour ceux dont il connaît les travers et la mauvaise volonté, il perdra l’Angleterre et la Hollande, qu’il devait conserver à quelque prix que ce fût. Ne voit-il pas qu’il se forme une cabale, et contre qui, si ce n’est pas contre lui-même ? Ce qui est pitoyable et unique, c’est que ceux qui ont à travailler pour les intérêts de S. A. R. aient plus à craindre de la France que de tout le reste de l’Europe[113]. » Le Régent eut perdu l’alliance anglaise si George Ier qui l’avait conclue principalement en raison de la menace qui planait sur le Hanovre, ne s’était trouvé dans une position presque identique. Contre les mouvements des puissances du Nord, l'électeur n’avait pas de meilleur appui que le Régent, aussi prodiguait-il les traitements les plus aimables à Dubois qui, seul de tous les ministres Etrangers, était logé à Hampton-Court[114].

 

Conseils à Paris

Au moment même où il écrivait au Régent, celui-ci rassemblait deux conseils et leur faisait part de ses hésitations. Le 10 novembre au matin, première réunion où se trouvent Daguesseau, Villeroy, Torcy ; dans l’après-dînée Saint-Simon, Noailles et Amelot. La sottise de Villeroy faisait courir risque de quelque maladresse, aussi Torcy, « inimitable pour ces sortes de choses » l’endoctrina et « lui ferma la bouche ». Le plus dangereux était d’Huxelles.

Torcy et Nancré, partisans de Dubois exposèrent sa négociation, réfutèrent les objections des « malicieux » et se plaignirent de la notoriété donnée à des négociations « qui valaient surtout par leur caractère secret » ; ils s’indignèrent enfin « contre l’âme qui faisait mouvoir tous ces personnages et leur distribuait les rôles, qui avait bien compris que plus il y aurait de gens consultés, plus il serait aisé de faire tomber la négociation[115]. » Ainsi visé, d’Huxelles tint bon, appela à son aide ses adhérents, parla au Conseil, clabauda dans les compagnies, assez pour laisser le Régent indécis sur le parti à suivre. Le 12 novembre, Monti partit pour l’Espagne où l’attendait Alberoni[116], tandis que Saint-Aignan pensait faire merveille en combinant de son chef un mariage entre le prince des Asturies et une fille du Régent. A Paris, le parti espagnol ne ménageait plus rien, croyait la victoire gagnée et le voyage de Dubois compromis, sinon sans objet désormais.

 

Dubois revient à Paris

Lord Stair s’inquiétait. Le 2 novembre, il avait écrit à Stanhope : « M. le Régent aurait bien besoin ici de M. l’abbé Dubois. » L’abbé ne tenait plus en place, il sentait sa présence nécessaire auprès de ce prince blasé d’intrigues comme de plaisirs, au point de sacrifier les intérêts les plus graves à la distraction présente, « Est-ce ainsi que l’on traite les affaires de l’État ? s’écriait Dubois, Monseigneur pleurera des larmes de sang, s’il perd cette occasion, la seule qui pouvait le rendre indépendant et sauver le royaume : Quant à lui, il ne peut plus servir S. A. R. avec ces oppositions et sans secours. Si S. A. R. ne lui permet pas de venir lui rendre compte, il abandonne tout, et la vie même, plutôt que d’être témoin de la perfidie de gens qui jettent S. A. R. dans le précipice[117]. » Et voici que le 22 novembre, le duc d’Orléans envoyait l’autorisation demandée pourvu que l’abbé « fit prendre un tour à sa course qui ne pût donner d’ombrage à Pendtenriedter et lui faire croire à une rupture de la négociation[118]. » Le 5 décembre Dubois arriva à Paris où sa présence fut remarquée et commentée. A peine entré au Palais-Royal, il courut chez le duc d’Orléans et ils demeurèrent enfermés deux heures[119] ; le public ne mettait pas en doute que ce voyage ne fût provoqué par les affaires d’Espagne[120].

 

Le Régent revenu à l’alliance anglaise

Il semble que Dubois ait eu peu de frais de raisonnement à faire pour ramener le Régent à la politique de la Triple-Alliance. La maladie de Philippe V avait pu le détourner du projet de Peterborough en lui suggérant une intervention, qui eût fort ressemblé à une intrusion, afin d’exclure de la régence Elisabeth Farnèse, mais vers la fin du mois de novembre Philippe V se portait « de mieux en mieux[121] » ; et par-dessus tout l’esprit volage de Philippe d’Orléans ne trouvait plus dans une intrigue, vieille de deux mois au moins, le ragoût qui l’y avait attiré et retenu quelques moments. Dès le 24 novembre, l’entente avec l’Espagne ne l’intéressait plus. « Il faut mâcher, écrivait-il à Dubois, la besogne à prendre ou à laisser aux Espagnols. Il ne s’agit donc plus que des conditions du plan ; l’Espagne y viendra, soit le gouvernement subsistant, soit qu’il arrive des changements. Si vous venez ici je vous parlerai plus en détail[122]. » Tel fut le sujet de l’entretien de deux heures, au sortir duquel il écrivait : « Bien loin, Milord, d’avoir trouvé la moindre variation dans les résolutions de Mgr le Régent, j’ai été très édifié de sa fermeté pour résister aux offres les plus avantageuses et les plus séduisantes qui lui ont été faites et que l’on renouvelle tous les jours, ainsi qu’aux représentations des plus habiles et des plus honnêtes gens du Royaume, et à une espèce de clameur publique qui s’est élevée contre notre projet... Mgr le duc d’Orléans n’a point changé de sentiment et ne sera ébranlé par aucune proposition contraire si avantageuse qu’elle puisse être, pourvu que l’Empereur consente à une Renonciation pour toujours, et accorde la Toscane. Je tiens le parti que S. A. R. a pris, au cas que ces deux points soient accordés, si ferme, si assuré, qu’il me paraît inutile que je reste ici plus longtemps et cela me fait prendre la résolution de m’en retourner incessamment en Angleterre pour ne pas apporter le moindre retardement à la conclusion de cette affaire, d’abord que l’Empereur aura pris les résolutions que je prie Dieu de lui inspirer pour le salut de toute l’Europe et pour la gloire qui reviendra à Sa Majesté Britannique d’avoir, au milieu de la tempête, donné le calme à toute la chrétienté[123]. »

 

Dubois rentre à Londres

L’abbé avait regagné le Régent à l’alliance anglaise et à l’alliance impériale. Cette dernière était certaine et prochaine si l’Empereur accordait les conditions posées ; auquel cas on se passerait de l’Espagne : « Je m'en retournerai bien autorisé à conclure avec l’Empereur sans attendre personne[124]. » Le 25, l’abbé quitta Paris[125] et il rentrait à Londres le 31 décembre[126].

 

 

 



[1] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 132 ; 19 juillet 1717.

[2] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 133 ; 22 juillet 1717.

[3] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 136 ; 24 juillet 1717.

[4] Dangeau, Journal, t : XVII, p. 139 ; 30 juillet 1717.

[5] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 140, fol. 189 : Dubois à Robethon, juillet 1717.

[6] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 146 ; 11 août 1717.

[7] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 259 ; Grimaldo à Cellamare, 9 août ; Torcy, Mémoires, t. II, p. 603 ; W. Coxe, Histoire de l’Espagne sous la maison de Bourbon, t. II, p. 343.

[8] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 378. Robethon à Dubois, 2 août 1717.

[9] Arch. de Hanovre, Saint-Saphorin à Robethon, 1er septembre 1717 ; Weber, Die quadrupel Allianz von Jahre 1718, p. 43.

[10] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 27 août 1717.

[11] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. X : Saint-Saphorin à lord Stair, Vienne, 8 septembre 1717.

[12] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 16 août 1717.

[13] Public Record Office, Germany, vol. 202 ; L. Wiesener, Le Régent, l'abbé Dubois et les Anglais, in-8°, Paris, 1893, t. II, p. 47-49.

[14] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. III, B. Stair à Stanhope, Paris, 7 juillet 1717.

[15] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. X : Saint-Saphorin à Stair, Vienne, 11 août 1717.

[16] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. X : Sinzendorff à lord Stair, Vienne, 11 août 1717.

[17] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. X : Saint-Saphorin à Stair, Vienne, 8 septembre 1717.

[18] Bibl. nat., ms. franc. 10670-10672, Torcy, Mémoires, t. II, p. 653.

[19] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 259 ; Saint-Aignan à D’Huxelles, 13 septembre 1717 ; Torcy, op. cit., t. II, p. 683.

[20] Stebbing, Peterborough, in-8°, London 1890 ; E. Bourgeois, Le secret des Farnèse, p. 268, suivantes. ; Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIV, p. 123, 132, 142, 143, 241, 264, 457.

[21] Arch. de Naples, Farnesiana, fasc. 59 : Le duc de Parme à Alberoni, 10 septembre 1717.

[22] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 166 ; 26 septembre 1717 ; Buvat, Journal, t. I, p. 305-306.

[23] D. Carutti, Relazioni sulla Corte di Spagna del’abbate Doria, dans Memorie della reale Accademia di Torino, série 2, t. XIX, 1861, p. 151 ; La Lumia, La Sicilia sotto Vittorio Amedeo di Savoia, dans Archivio Storico italiano, Firenze, 1874, t. I, p. 77, 282 ; t. II, p. 95, 256.

[24] Brit. Mus., n° 8756 ; Mémoires inédits de Cellamare, part. II, fol. 172 ; Bibl. nat., ms. franc. 10670-10672, Mémoires de Torcy, t. III, p. 423.

[25] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 263, fol. 48 : le Régent au duc de Parme, 30 octobre 1717.

[26] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 263, fol. 58 : le Régent à Alberoni, 26 octobre 1717.

[27] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. IX : lord Stanhope à lord Stair, Thistleworth, 5 (= 16) septembre 1717.

[28] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 22 septembre 1717.

[29] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 260, fol. 126, 127 : Alberoni au Régent, 4 octobre 1717.

[30] Oxenfoord Castle, Stair Papers, vol. IX : lord Stanhope à lord Stair, Thistleworth 5 (= 16) septembre 1717 ; Wiesener, op. cit., t. II, p. 109, note 1.

[31] Weber, Die Quadrupel Allianz vom Jahre 1718, p. 46.

[32] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 26 novembre 1717.

[33] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Saint-Aignan à D’Huxelles, 18 octobre 1717.

[34] Archives de Hanovre, Robethon à Saint-Saphorin, 9 novembre 1717.

[35] Lettre de Louville du 10 août 1716 ; Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 253, fol. 42 : Mémoire de Saint-Aignan, octobre 1716.

[36] Lémontey, Histoire de la Régence, t. I, p. 122.

[37] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 12 octobre 1717.

[38] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 1er et 22 novembre 1717.

[39] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Supplément, t. 144, fol. 294, 299 : Saint Aignan au Régent, 20 et 27 octobre 1717.

[40] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Supplément, t. 144, fol. 301 : le Régent à Saint-Aignan, 8 novembre 1717.

[41] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Supplément, t. 144, fol. 34 ; t. 145, fol. 3 : le Régent à Saint-Aignan, 18 et 29 novembre 1717.

[42] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 263, fol. 48 : le Régent à Alberoni, 26 octobre 1717.

[43] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 200 : Nancré à Dubois, 19 octobre 1717.

[44] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 311, fol. 257 : Stanhope à Dubois, 14 novembre 1716.

[45] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 303, fol. 173, 212 : D’Huxelles à Dubois, 25 décembre 1716.

[46] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 303, fol. 237, suivantes. Mémoire de Dubois, décembre 1716.

[47] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 303, fol. 288 : D’Huxelles à Dubois, 4 janvier 1717.

[48] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 303, fol. 289 : D’Huxelles à Dubois, 4 janvier 1717.

[49] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 313, fol. 90 : Dubois à D’Huxelles, 12 janvier ; ibid., t. 323, fol. 106 : Dubois à D’Huxelles, 19 janvier 1717.

[50] John Murray Graham, The Stair Annals, in-8°, Edinburgh, 1875, t. II, p. 19.

[51] Gazette de la Régence, p. 136 ; 15 janvier 1717 ; p. 205 ; 10 septembre.

[52] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 323, fol. 131 : lord Stanhope à Dubois, 28 janvier 1717.

[53] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 323, fol. 169, 160 : Dubois à Stanhope, 19 février 1717.

[54] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 323, fol. 225 : Stanhope à Dubois, 15 mars 1717.

[55] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 140 : Dubois au Régent, 4 octobre 1717.

[56] E. Bourgeois, Secret du Régent, p. 228, note 1 ; référence inexacte à Wiesener.

[57] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 298, fol. 181 : Instructions données à l’abbé Dubois.

[58] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 160 ; 10 octobre 1717.

[59] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 163 ; 18 septembre 1717.

[60] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 298, fol. 225.

[61] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 45 : Dubois à Basnage, 17 septembre 1717.

[62] Arch. des Aff. Etrang., France, Mém. et Docum., t. 457, fol. 1-32 : Mémoires de Chavigny : « J’entrai pour quelque chose dans le marché ».

[63] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 225 : D’Huxelles à Dubois, 22 octobre 1717.

[64] Mémoires cités de Chavigny.

[65] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 84-92 : Instructions pour l’abbé Dubois.

[66] Troisième fils du frère de l’abbé, devint chanoine de Saint-Honoré à Paris.

[67] Saint-Simon, Additions au Journal de Dangeau, t. XVII, p. 183.

[68] Torcy, Mémoires inédits, t. II, fol. 991 ; M. Marais, Journal, t. I, p. 364 ; Saint-Simon, Mémoires, édit. de Boislisle, t. XIX, Appendice, notice sur les Chavigny.

[69] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 52-54 : Nancré à Dubois, 22 septembre 1717.

[70] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 120-121 : Nancré à Dubois, 5 octobre 1717.

[71] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 259, fol. 169 : d’Huxelles à Saint-Aignan, 15 septembre 1717.

[72] Arch. des Aff. Etrang., Prusse, t. 57 : instructions à Rottembourg et lettres, juillet-octobre 1717.

[73] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 50 : Dubois à Nancré, 20 septembre 1717.

[74] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 88 : Dubois à Saint-Prest, 26 septembre 1717.

[75] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 87 : Dubois à Nancré, 26 septembre 1717.

[76] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 95 : Nancré à Dubois, 1er octobre 1717.

[77] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 88 : Dubois à Saint-Prest, 26 septembre 1717.

[78] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 87 : Dubois à Nancré, 26 septembre 1717.

[79] Buvat, Journal, t. I, p. 303 ; le mot « superbement » manque dans le ms. 13691 de la Bibl. nat.

[80] Public Record Office, France, vol. 346 : le Régent à Georges Ier, 14 septembre 1717.

[81] Ch. Aubertin, L'Esprit public au XVIIIe siècle, in-8°, Paris, 1873, p. 95.

[82] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 298, fol. 222 : Dubois à Nancré, septembre 1717 : Ch. Aubertin, op. cit., p. 96.

[83] Buvat, Journal, t. I, p. 305 : M. de Balleroy à sa femme, 29 septembre, dans Les correspondants, t. I, p. 213.

[84] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 166 ; 25 septembre 1717.

[85] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 168 ; 30 septembre 1717.

[86] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 71 : Dubois à son neveu, 24 septembre 1717.

[87] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 83 : Dubois à son neveu, 26 septembre 1717.

[88] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 86 : Dubois à M. de Saint-Prest, 27 septembre 1717.

[89] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 122 : Dubois à Molé, 30 septembre 1717.

[90] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 295, fol. 109 : Dubois à d'Huxelles, 30 septembre 1717.

[91] Ch. Aubertin, op. cit., p. 96.

[92] Ibid., p. 97 ; The Stair Annals, t. II, p. 27 ; Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 151 : Dubois à Oppenort.

[93] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 181 : Dubois à Mme de Sandwich, 9 octobre 1717.

[94] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 296, fol. 111 : Dubois au Régent, 4 octobre 1717.

[95] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 140-149 : Dubois au Régent, 4 octobre 1717 ; Ch. Aubertin, op. cit., p. 97-98 ; Gazette de la Régence, p. 209 ; 25 octobre 1717.

[96] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 10, 15 : Dubois au Régent, 18 octobre 1717.

[97] Bibliothèque Mazarine, ms. H 2354.

[98] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 316, fol. 130, 134 : Châteauneuf à d’Huxelles, 28 et 29 octobre 1717.

[99] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 45 à 48 : Dubois au Régent, 25 octobre 1717.

[100] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 16 à 18 : Dubois à Nancré, 18 octobre 1717.

[101] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 4 à 7 : Dubois au Roi, 18 octobre 1717.

[102] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 20 : Dubois à Nancré, 18 octobre 1717.

[103] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 20 : Dubois à Nancré, 18 octobre 1717.

[104] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 2 : Dubois au Régent, 18 octobre 1717.

[105] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIII, p. 74.

[106] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 122 : Dubois à Nancré, 1er octobre 1717.

[107] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 173 : Dubois à Nancré, 4 novembre 1717.

[108] Bibl. nat., ms. franç. 10670-10672, Mémoires inédits de Torcy, t. II, fol. 995 ; Saint-Simon, Mémoires, t. XIV, p. 259.

[109] Il y a un personnage désigné sous le nom de « l’homme du bassin des Tuileries » dont l’anonymat n’a pu être découvert.

[110] Madame à la raugrave Louise, dans Correspondance, édit. G. Brunet, t. II, p. 4.

[111] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 317 : Dubois au Régent, 11 novembre 1717.

[112] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 239, 251 : Dubois à Nancré, 11 et 12 novembre 1717.

[113] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 239, 254 : Dubois à Nancré, 11 et 12 novembre 1717.

[114] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 254 : Dubois à Nancré, 13 novembre 1717.

[115] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 179 : Nancré à Dubois, 12 novembre 1717.

[116] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 263, fol. 82 : D'Huxelles à Saint-Aignan, novembre 1717.

[117] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 195, 293 : Dubois au Régent et Dubois à Nancré, 17 novembre 1717.

[118] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 296-297 : Nancré à Dubois, 22 novembre 1717.

[119] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 206 ; 5 décembre 1717.

[120] Gazette de la Régence, p. 210 ; 10 décembre, Buvat, Journal, t. I, p. 310.

[121] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 202 ; 29 novembre 1717.

[122] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 302, fol. 309 : le Régent à Dubois, 24 novembre 1717.

[123] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 303, fol. 110 : Dubois à Stanhope, 8 décembre 1717.

[124] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 303, fol. 125 : Dubois à Robethon, 11 décembre 1717.

[125] Dangeau, Journal, t. XVII, p. 219 ; 26 décembre : Gazette de la Régence, p. 213.

[126] Arch. des Aff. Etrang., Hollande, t. 324, fol. 223 : Châteauneuf à La Marck, 8 janvier 1718.