HISTOIRE DE LA RÉGENCE PENDANT LA MINORITÉ DE LOUIS XV

TOME PREMIER

 

CHAPITRE XVIII. — L’œuvre d’Alberoni (Juillet 1716 - Juillet 1717).

 

 

La Triple Alliance pacifique. — L’Empereur intéressé. — Alberoni. — Les réformes d’Alberoni. — Il se tourne vers l’Angleterre. — Relèvement de l’Espagne. — Avances réitérées à l’Angleterre. — Désir de revanche à Madrid. — Les vues d’Alberoni sur l’Italie. — Les vues des Parmesans. — Menées pour renverser Alberoni. — Ses véritables adversaires. — Le plan qui lui est opposé. — La combinazione pontificale. — Inquiétude de Farnèse. — Dispositions à Vienne, à Madrid, à Paris. — L’arrestation de Molinès. — Lettre d’Alberoni au duc de Popoli. — Alberoni et le duc de Parme prêts à la guerre. — Impatience des Farnèse. — La guerre.

 

La Triple Alliance pacifique

Pendant qu’en France, Dubois faisait triompher la politique de la Triple Alliance, en Angleterre, Stanhope venait à bout des adversaires de cette même politique. Ses anciens collègues du ministère, Pulteney, Walpole ne l’avaient pas ménagé, néanmoins les bonnes raisons de Stanhope, le vin de Champagne de Dubois et les millions du Régent avaient eu raison de la plus violente opposition dont la Chambre des Communes gardât le souvenir. La Triple Alliance durait, sans qu’on osât encore lui prédire une longue destinée[1], mais ses parrains voulaient quelle vécut et plus rien ne paraissait pouvoir leur résister : Dubois était presque un premier ministre et Stanhope l’était de fait. Maintenant tous deux ne se contentaient plus de l’œuvre accomplie, ils visaient à l’exécution d’un vaste projet embrassant toute l’Europe, réglant, selon les principes posés à Utrecht, les possessions des anciens belligérants. Le passé leur apprenait que l’accord de la France avec l’Angleterre imposait aux Provinces-Unies leur commune volonté ; l’Empereur lui-même devait, tôt ou tard, s’y soumettre ; cependant l’Espagne pouvait se tenir en dehors de leur influence et l’Italie se soustraire à leurs décisions. C’était ce que Dubois ni Stanhope ne sauraient admettre, mais tandis que dans le Nord ils rencontraient Gœrtz, dans le Midi il leur fallait compter avec Alberoni.

 

L’empereur intéressé

L’empereur Charles VI était, moins que jamais, disposé à reconnaître le fait accompli ; il retenait passionnément ses droits sur l’Espagne et se fût laissé assiéger dans Vienne plutôt que de les céder[2]. Faute de pouvoir se saisir de la péninsule, il s’employait à en détacher tout ce qui en constituait la splendeur. Non content de s’être fait attribuer les Pays-Bas espagnols, le Milanais, les Présides de Toscane, Naples et la Sardaigne, Charles réclamait la Sicile, Parme, la Toscane et, au delà des mers, le Mexique et le Pérou[3]. Son rival Philippe V non seulement ne consentait à rien, mais revendiquait tout ce que la force seule avait pu lui arracher, même il étendait ses vues sur les duchés de Parme et de Plaisance et sur le grand-duché de Toscane dont on s’attendait à voir les dynasties, Farnèse et Médicis, s’éteindre dans un avenir prochain. De ces ambitions et de ces avidités pouvait sortir une guerre dans la région méditerranéenne, menaçante pour le reste de l’Europe. Alberoni le sentait et s’y préparait. « Je crois, écrivait-il au duc de Parme, qu’il serait convenable de se mettre en état sans bruit, en douceur et avec prudence de pouvoir agir quand la nécessité et l’occasion le demanderont[4]... pendant ce temps, j’organiserai l’administration, la marine et le commerce des Indes in cui consiste il tutto[5]. »

Philippe d’Orléans et Georges Ier ne montraient un si vif désir de pacifier l’Europe que dans l’espoir d’affermir leur position chancelante qui n’eut pas résisté à une commotion générale. La trêve équivoque existant entre l’Autriche et l’Espagne pouvait être dénoncée à tout instant et mettre l’Europe en feu. Pour éviter ce péril, il fallait étendre la Triple Alliance à l’Empereur, sauf à laisser l’Espagne s’armer en guerre contre un adversaire qui se déroberait. La guerre devenait pour elle plus qu’une chance à courir, c’était une nécessité à subir. Un homme se trouvait là pour lever les scrupules religieux qu’aurait Philippe V à verser le sang, stimuler l’ambition d’Élisabeth Farnèse d’imposer sa politique personnelle, favoriser l’influence du duc de Parme et, mieux que tout cela, réorganiser les forces de la monarchie espagnole : c’était Alberoni[6]. Celui-ci pouvait, à certains égards, rappeler à Dubois. Fils d’un jardinier, élève des jésuites, précepteur, il se frottait au monde, se découvrait des protecteurs, cherchant la fortune, quand il la découvrit sous les traits du duc de Vendôme, s’attacha à ce personnage et devint près de lui l’agent en titre du duc de Parme ; ce qu’il ne cessera d’être pendant trente ans, dans le camp du général français et à la cour de Philippe V. La nature ne l’avait pas mieux traité que Dubois, bien que d’autre façon : c’était un petit homme, rond de partout, roulant sur ses jambes grêles une panse énorme, évoquant l’idée d’une toupie que surmonterait un masque bouffi et grotesque : front dépouillé, nez épaté, lèvres lippues, et dans la masse charnue, luisante et malsaine, des yeux vifs, clairs et gais. Comme pour Dubois, l’écorce déplaisante enfermait une âme de boue, plus vile encore et» plus contaminée chez Alberoni puisque italienne.

Aussitôt que la toupie ronflait, une métamorphose semblait s’accomplir ; le mouvement lui donnait une vie si intense qu’elle se transfigurait, saisissait, charmait, les étincelles sortaient des yeux, la voix enchanteresse trouvait une harmonie si neuve, un éclat si soutenu qu’on ne se lassait pas d’écouter, pas plus que le cabotin ne se lassait de parler. C’était l’exubérance fait homme. La destinée l’avait, semble-t-il, promis aux tréteaux de la foire, au lieu de cette carrière, qui lui convenait à merveille, il aboutit au Sacré-Collège, il y parut déplacé. Son début dans l’histoire fut une bouffonnerie dégoûtante, cri instinctif d’un tempérament porté vers l’ignoble, saillie répugnante d’une nature populacière, car son imagination se barbouillait délicieusement dans tous les cloaques et s’abreuvait goulûment à tous les purins. Le sacerdoce n’était, à ses yeux, qu’une comédie et le cardinalat qu’une carrière. Sordide et dépravé on le vit s’acoquiner à une fille publique et faire accoucher celle-ci dans son propre lit tendu de pourpre ; on lui reprochait de n’avoir pas pendant un an entendu une seule fois la messe et on a lieu de douter qu’il crut à l’existence de Dieu. Quel rôle jouait-il dans le ménage royal ? il importe assez peu de le savoir et mieux vaut, peut-être, l’ignorer !

Ni prélat, ni amant, ni fripon, on ne sait pas même avec certitude s’il était ambitieux, mais il ne l’était pas à la manière d’un Richelieu ou d’un Ximenès. Il aimait moins le pouvoir que l’impunité de tout dire, de tout essayer, de tout risquer, par curiosité et divertissement plutôt que par instinct et goût des grandes choses. Le cabotin qu’il était lançait la plaisanterie salée, la moquerie acerbe, submergeait l’auditeur sous un déluge d’épithètes, d’épigrammes, de lazzi, s'amusait de sa propre verve et de la confusion de sa victime. Tour à tour attendri et impitoyable, laconique et diffus, il ne lui était pas possible d’être obscur ni embarrassé. Cette profusion, ce ruissellement, où il y a plus de mots que d’idées, mais où surnagent quelques idées, donne l’illusion d’une facilité sans mesure, bien que ce ne soit qu’une façon de boniment, — toujours l’homme des tréteaux de la foire. Cela semble à Philippe V profondeur et génie, alors que ce n’est que truculence et comédie.

D’un comédien, il possède la qualité essentielle, il demeure maître de soi au milieu du trouble de la voix, de l’émotion des traits, de la violence des gestes. Chez Alberoni, la platitude seule est congénitale, tout le reste est acquis, employé, retiré, selon les besoins de l’affaire et du moment. On croit le saisir en flagrant délit de contradiction, mais ni ses actes ni ses paroles n’expriment sa conviction, car il n’en a aucune sinon dominer pour tout oser et se faire applaudir. C’est non seulement par sa fidélité au duc de Parme qu’il reste italien, mais encore par ce besoin morbide d’applaudissements.

Mais s’il est tout cela il n’est pas que cela. Il est un laborieux, un administrateur. Il a des idées et il entreprend de les mettre en œuvre, à force de travail il y réussit. Son immense effort soulève un instant l’Espagne pour laquelle tout ne sera pas perdu de ce qui aura été tenté dans ces années de fièvre. Pour que tout fût fécond, il eût fallu moins d’imagination et, plus de sens commun. On a justement remarqué qu’avant commencé sa fortune par un mot bouffon, il crut toujours à l’efficacité des procédés de la commedia dell’arte, alors si florissante en Italie ; et son âme ne se haussa pas au-dessus de son premier niveau. L’imagination aussi eut trop de part à sa conduite. Impétueuse et démesurée, elle l’empêche de distinguer ce qui est possible de ce qui ne lest pas ; en réalité, il marche à l’aventure, également destiné aux apothéoses et aux culbutes. Ce qui le fait tel, c’est un mélange de trivial et de médiocre, soit dans le bien, soit dans le mal, qui retient ce favori au-dessous de la sphère des grands politiques. Il se venge, mais sans détruire ; il ne sait tromper que par des mensonges ; son goût pour les choses neuves et hardies ne va pas jusqu’à l’amour de la gloire, il a l’insolence de sa fortune sans en avoir le génie.

Cette Fortune, a écrit un de ses biographes, a voulu le conduire à la grandeur par des voies extravagantes. Sa vie entière n’est qu’une suite d’extravagances et un grain de bon sens l’eut mieux servi qu’une pleine mesure d’imagination. Car Alberoni était tout autre chose qu’urî vulgaire brouillon, il avait des vues élevées et lointaines, songeait à fonder une grande puissance méridionale gouvernant l’Espagne et l’Italie, régnant sur la Méditerranée, absorbant la France et dominant l’Europe. Mais le plan était caduc à l’heure même où il était tracé parce que l’Espagne et l’Italie ne peuvent marcher du même pas et servir l’intérêt d’un même maître. Dubois n’eut pas commis cette erreur, lui, du moins, en alliant la France et l’Angleterre ne prétendait nullement les associer « à bille égale » ; il sacrifiait résolument la France à l’Angleterre, il la lui inféodait ; c’était l’action d’un mauvais citoyen, ce n’était pas celle d’un rêveur. Cependant, dans la lutte qu’ils se livrèrent, si l’on ne peut dire lequel des deux poussa le plus loin l’absence de scrupules et la fertilité de moyens, on peut affirmer que le plus chimérique ne fut pas toujours Alberoni. Entre ces deux champions, plus dignes de s’entendre qu’ils n’en étaient capables, s’engagea un assaut qui figure parmi les plus illustres parties de l’escrime diplomatique : tous deux souples, rusés, surprenants, l’un tirant à la française mais plutôt en prévôt de salle qu’en gentilhomme, l’autre tirant à l’italienne avec des feintes de spadassin d’Espagne.

Instrument d’un souverain tel que Louis XIV, éclairé et volontaire, Alberoni eut rendu d’importants services, il eut même aidé à de grandes choses : mais entre Philippe V et Elisabeth Farnèse, atteints de frénésie conjugale, entre la nourrice Laura Piscatori rusée, cupide et brutale et le confesseur Daubenton, cauteleux, sournois et insinuant, Alberoni ne savait à qui et à quoi se prendre pour asseoir durablement sa puissance. En réalité, son unique appui se trouvait être la Reine. Dépositaire des sentiments les plus secrets d’une princesse qui lui devait sa grandeur et de qui il soutenait l’influence, confident des lassitudes et des dégoûts comme des langueurs et des envies d’une épouse excédée par de continuelles grossesses, tenant dans cet intérieur un rôle mal connu, Alberoni y trouvait la source de sa puissance. On lui passait tout et il se permettait tout ; Elisabeth Farnèse crut un jour avoir égaré un paquet de lettres de la dernière importance, elle le chercha longtemps sans pouvoir le trouver et accusa tout le monde ; finalement on les découvrit chez Alberoni. La Reine aima mieux incriminer sa propre sottise, que de laisser un seul instant soupçonner par le Roi la fidélité ou la discrétion de cet impeccable ministre. C’est ainsi, observe Torcy, qu’Alberoni gouvernait les affaires d’Espagne pendant « que les princes qui avaient le plus d’intérêt à la bonne administration de la monarchie paraissaient absolument insensibles au bien de l’État. » L’Espagne n’était d’ailleurs entre les mains du ministre qu’une colonie italienne, de sorte qu’il faut rabattre beaucoup du seul éloge que Lémontey trouvait à faire de lui : d’avoir été « le premier cardinal ministre et... probablement le dernier qui n’ait pas préféré les intérêts de Rome à ceux de son pays[7]. »

 

Les réformes d'Alberoni

Après avoir fait asseoir une princesse parmesane sur le trône d'Espagne, Alberoni avait successivement évincé Mme des Ursins et le cardinal del Judice et entrepris la régénération du royaume. « Dans quelle confusion, écrira-t-il, j’ai trouvé cette Cour ! C’est à faire horreur. Dans quel désordre j’ai vu cette monarchie[8] ! » Il entreprit de relever les finances, tenta des réformes, combattit le gaspillage. On supprima deux compagnies de gardes du corps sur quatre et on annonça d’autres suppressions. Courtisans, fonctionnaires, mirent en circulation les bruits les plus fâcheux, tellement qu’Alberoni douta du succès. « Vraiment je me demande si je pourrai établir ici un système d’ordre et de gouvernement. Tous s’y opposent, et quand bien même il s’établirait, je me demande s’ils ne le détruiront pas, en l’exécutant mal[9]. » Et presque au lendemain du jour où le Régent introduisait en France les Conseils, Alberoni entreprenait la destruction de ceux qui, depuis trois siècles assuraient la décadence de l’Espagne. La grande réforme s’opéra au mois de janvier 1717. Le Conseil d’État perdit son président et ses attributions. Le Conseil de Castille fut également frappé ; le Conseil de la guerre fut ébranlé plus profondément encore ; le Conseil des finances eût exigé des mesures aussi radicales car le désordre y était au comble et la friponnerie générale. Alberoni se désolait du nombre des couvents dont la continence et la paresse privaient l’Espagne de population et d’agriculture. « Quelle nation  fainéante », s’écriait-il[10]. « Il n’y a pas à vingt milles autour de Madrid une maison de campagne, un arbre, un fruit. Voilà une nation qui a gouverné les plus riches pays d’Europe et prétend vivre à la façon des nègres[11]. » Et pour inculquer aux Espagnols le goût du travail, Alberoni fit venir... des Italiens ! D’autres innovations furent plus heureuses, par exemple l’introduction du tissage des draps et toiles fines d’après les méthodes des Hollandais, l’effort tenté pour unifier la monnaie partout dépréciée, les règlements portés en vue d’assurer à dates fixes le départ des flottes et la reconstitution de la marine espagnole. Avec sagesse, le ministre s’attachait à relever la puissance maritime et commerciale de l’Espagne. Des magasins pour la construction et le gréement des flottes s’organisaient au Ferrol et à Cadix, bientôt il ne serait plus nécessaire de se procurer les bois de construction en Norvège, les agrès en Hollande : on en fabriquerait au Ferrol.

 

Il se tourne vers l’Angleterre

Dès le mois de septembre et d’octobre 1715, Alberoni s’était déterminé à un rapprochement économique avec la Hollande et l’envoyé de ce pays à Madrid, baron de Riperda, lui conseilla une alliance avec l’Angleterre[12] ; elle fut conclue par le traité de décembre qui accordait à l’Angleterre plus de privilèges en Amérique que la France n’en avait jamais obtenus. Alberoni avait «voulu devancer le duc d’Orléans auprès du roi d’Angleterre. Sa politique combattue par le cardinal del Judice avait finalement triomphé et l’influence française était plus qu’ébranlée à Madrid, l'envoyé britannique y travaillant de son mieux[13]. « Les français, écrit-il à son ministre, n’ont plus ici la moindre influence. Ouvrir et achever cette brèche a été la difficulté principale de la négociation (relative au traité de commerce). Cette Cour a depuis peu traité les Français très froidement ; et elle est disposée à les traiter selon qu’il plaira à Sa Majesté, de sorte que je crois qu’ils ne pourront jamais plus lever la tête ici... Le roi d’Espagne a rompu tout à fait avec ses vieux amis en faisant un traité qui les a fort désobligés, sans rien stipuler pour lui-même et en opposition avec tous ses ministres. Si bas que soit l’Espagne, nul autre État n’est capable de se relever aussi vite. Elle le fera aujourd’hui plus rapidement que jamais... En fait, les ressources [de Philippe V] dépassent d’un tiers celles de tous ses prédécesseurs, et ses dépenses sont réduites de moitié ; de sorte qu’avec un peu d’ordre, il saura bientôt se rendre un allié utile[14]. » Non seulement le cabinet anglais résista à ces perspectives, derrière lesquelles il était aisé d’entrevoir les avances d’Alberoni, mais il signa le traité de Westminster avec l’Empereur, qui confirmait à celui-ci ses acquisitions en Italie.

Alberoni fut atterré, mais ne renonça pas à briguer l’alliance anglaise, soutenu par Elisabeth Farnèse « sans laquelle, écrivait l’envoyé britannique, nous ne ferons jamais rien ici. Si elle cessait de soutenir nos intérêts, nous n’aurions plus qu’à prendre congé de l’Espagne. Je suis pleinement persuadé qu’elle est de cœur avec nous maintenant. Elle est ennemie jurée des Français... En un mot, l'influence absolue sur l’Espagne appartiendra au plus offrant et dernier enchérisseur en faveur du fils de la Reine[15]. »

 

Relèvement de l’Espagne

Lorsque le marquis de Louville se présenta à Madrid les mains vides, Élisabeth et Alberoni ne l’y tolérèrent qu’un moment et le conseiller tout puissant et seul écouté de Philippe V ne manqua pas de se prévaloir auprès du Bubb de la déconvenue de Louville, de lui réitérer que l’Espagne était totalement séparée de la France et, comme preuve, il termina la discussion relative au traité régularisant le privilège que l’Espagne avait promis à Utrecht de transférer à l’Angleterre, privilège d’importer en Amérique la main-d’œuvre nègre, traité qui a gardé nom d’assiento. Ces complaisances étaient-elles accompagnées de présents, on ne sait, mais Alberoni ne voyait dans l’assiento, comme dans le rapprochement commercial avec l’Angleterre, qu’un début et une entrée en matière[16]. Tout ceci n’était proposé ou consenti qu’en vue du rôle destiné à Philippe V et aux Farnèse en Italie, le jour où le trésor, la flotte et Farinée du Bourbon d’Espagne seraient de taille à faire reculer l’Empereur dans la péninsule au profit de la grandeur et de la sécurité des princes italiens[17]. Dubois ne s’y méprenait pas, et, dès le mois d’avril 1717, il avertissait Stanhope que les préparatifs d’Alberoni rendraient impossible la réconciliation de l’Espagne avec l’Empereur[18]. Stanhope, averti par Bubb, ne renonçait pas à l’idée d’offrir à Élisabeth Farnèse des compensations en Italie et pendant ce temps un semblant d’ordre se rétablissait dans l’administration, le gaspillage devenait moins effréné, plusieurs entreprises arrivaient à un commencement d’exécution, les travaux entrepris au Ferrol prenaient tournure. Cadix, la Corogne, Barcelone étaient témoins d’une certaine activité. Pampelune complétait son artillerie. Dans la période du premier semestre de l’année 1717, le roi d’Espagne avait vu sa flotte de la Méditerranée passer de l’état de fantôme à la réalité de treize vaisseaux dont un de quatre-vingts pièces de canon[19] ; l’armée de terre avait suivi un progrès analogue. Philippe V n'était, pas en mesure de récompenser par ses propres moyens de si beaux résultats ; ni les titres, ni les richesses dont il disposait ne pouvaient valoir à Alberoni l’autorité que, seul, le chapeau de cardinal lui conférerait. Mais il fallait compter avec Clément XI.

 

Avances réitérées à l'Angleterre

Pour obtenir ce chapeau Alberoni était disposé à mettre en mouvement l’antique machine qu’était la monarchie espagnole. Et d’abord, pour complaire au pape il envoya une escadre procurer la délivrance de Corfou assiégé par les Turcs (août 1716) et reçut la promesse du chapeau. Il importait aux Anglais, pour le bien de leurs affaires, qu’Alberoni l’obtint le plus tôt possible afin que, nanti d’une situation et d’un titre officiels, ils pussent traiter avec lui et non plus avec de vaines ombres, comme Grimaldo, secrétaire du Roi, mais sans pouvoir réel. Pas à pas, le prestolet se rapprochait de l’autorité effective, s’infiltrant tour à tour dans les départements des finances et des Indes. Les ministres adresseront désormais leurs correspondances au cabinet du Roi où siège, omnipotent, Alberoni qui s’empare ainsi de toute la diplomatie étrangère comme il surveille de haut le ministère de la guerre. Ce ne sont encore, là que les avenues du pouvoir, mais le candidat à la pourpre laisse tout espérer de ses futures complaisances. Aussitôt maître des affaires, dit-il à Bubb, il s’emploiera de tout son pouvoir et sans tarder à ce que les Anglais ressentent les bons effets de son désir cordial de les servir[20]. Les Anglais approuvent mais ne dévient pas leur politique d’une ligne pour complaire à un partisan si empressé. Nonobstant les protestations d’Alberoni, ils ont signé avec l’Empereur le traité de Westminster et ils signent avec le Régent la Triple Alliance de la Haye ; le premier avec Charles VI qui revendique la couronne d’Espagne que porte Philippe V, la seconde avec Philippe d’Orléans qui prétend à la couronne de France que réclame le même Philippe V. Celui-ci s’emporte, éclate en reproches contre le malencontreux ministre auquel il reproche de l’avoir séparé de ses anciens amis, mais cette colère s’évanouit dès l’instant où Elisabeth Farnèse prend la défense d’Alberoni dont le prestige est suffisant pour triompher de la répugnance de son maître, superstitieux et bigot, à l’endroit du protestant Georges Ier.

Il n’était pas de pires griefs que ceux qu’il entretenait contre le roi de la Grande-Bretagne, assis sur un trône usurpé, allié à ses adversaires les plus odieux : l’Empereur et le Régent ; cependant Alberoni réussissait à entretenir des rapports cordiaux entre Philippe et George. Au nom de son maître, il protestait contre la pensée d’un accommodement avec l’Empereur par l’intermédiaire du pape auquel il n’hésiterait pas à préférer les bons offices du roi d’Angleterre[21]. Non content de ces protestations, Philippe V, à l’instigation d’Alberoni, sollicitait de Georges Ier l’autorisation de créer un corps de troupes sûres composé de trois mille Irlandais[22]. Cette démarche inattendue et embarrassante ne semble pas même avoir été discutée.

 

Désir de revanche à Madrid

Ainsi toutes les avances d’Alberoni à l’Angleterre et aux Provinces-Unies n’avaient abouti à aucun résultat ; mais le Parmesan était d’une race qui compte pour rien les rebuffades et ignore les humiliations, il ne se découragea pas, il comprit cependant qu’il lui fallait temporiser. La pensée d’une revanche contre les traités qui avaient été signés à Utrecht et à Rastadt était entretenue avec une égale ferveur à Madrid et à Vienne. Autour de Philippe V, d’avides Italiens, Cellamare, Popoli, Judice, Grimaldo entretenaient l’espoir et cultivaient les germes d’un conflit qui rendrait à l’Espagne Naples, Milan et la Sicile. Alberoni ne pouvait moins faire que de s’associer à ces revendications, du moins eut-il la sagesse de vouloir éviter une entreprise trop hâtive, mal concertée et qui ne pourrait être que désastreuse.

 

Les vues d’Alberoni sur l’Italie

Il n’envisageait pas l’indépendance italienne, mais seulement  la libération de l’emprise autrichienne et la restitution de la péninsule à l’Espagne. « L’Italie, disait-il, est un trop bon pays pour que les Allemands la négligent. Et ils la tiennent, hélas ! avec un caporal. » Mais la nation était tellement déchue et avilie qu’il la tenait pour irrémédiablement vouée à une suzeraineté Etrangère, en fait a l’exploitation espagnole. N’était-ce, à ses yeux, qu’un pis aller ? Prévoyait-il une régénération plus complète et une destinée plus haute le jour où il écrivait : « L’Italie souffre d’un mal qui ne pourra se guérir que par le fer et le feu[23] ». Peut-être ? Quoiqu’il en soit, l'Espagne fut dans ses calculs, le levier destiné à soulever l’Italie et l’instrument de sa libération. Pour acquérir le droit de travailler avec une sorte de fanatisme à mettre cet instrument en état de produire ce qu’il en attendait. Alberoni se soumettait à la nécessité de flagorner le ménage royal, lui faisait entrevoir d'éblouissantes perspectives. Tel était le thème des entretiens confidentiels qui assuraient son crédit et « pour disposer de l’Espagne, le jour venu, il se mettait au Ion des ambitions qu’il avait éveillées ; il en soignait et surveillait le cours, de manière à s’en trouver maître à toute heure[24]. »

 

Les vues des Parmesans

La tâche était si vaste et si ardue, les moyens si disproportionnés aux résultats à atteindre qu’Alberoni sentait l’absolue nécessité de gagner du temps pour assurer ses préparatifs : « Je ne crois pas, écrivait-il à la Cour de Parme qu’il faille provoquer des haines et des querelles : mate il serait bon de se mettre en état prudemment, doucement, sans bruit, de pouvoir agir quand la nécessité et l’occasion l’exigeront. Il faudrait abandonner alors toutes les vues lointaines, comme la succession au trône de France, et profiter de ce sacrifice pour entraîner les mieux disposés à fournir une compensation à l’Espagne, pour les obliger et les lier par les engagements les plus étroits à soutenir les intérêts et les droits de l’Italie[25]. » Ces conseils n’étaient pas aisés à faire prévaloir, car si Elisabeth Farnèse frémissait de haine au seul nom de l’Empereur, elle se desséchait de désir à la pensée du trône de France. « Si jamais le petit roi de France venait à mourir, écrit encore Alberoni, le génie et la volonté de la Reine sont entièrement portés à réclamer le trône. C’est un point critique, une matière où il faut se Conduire fort secrètement, fort prudemment : n’a-t-on pas le droit de dire qu’elle abandonnerait le certain pour l'incertain[26] ? » Le duc de Parme, dont Alberoni restait le serviteur docile et inquiet, n’était guère plus patient. « Je me désole, lui écrivait-il, de vous voir si persuadé, si obstiné à croire qu’il faut attendre pour employer l’Espagne au bien de l’Italie[27]. » L’idée de songer au trône de France lui paraissait de la part de sa nièce une sorte de trahison domestique. « Rappelez-lui ce que nous avons fait pour la placer sur ce trône qu’elle voudrait quitter sans égards pour le danger auquel nous nous exposions, pour le sacrifice que nous avons fait à sa grandeur et à sa fortune de tout notre être pour ainsi dire. Elle doit spécialement fixer ses regards sur nos intérêts, les mettre sous la protection de son mari, travailler à notre sûreté d’abord et ensuite au progrès de nos avantages[28]. »

 

Menées pour renverser Alberoni

Alberoni résistait aux impatiences et aux avidités qui eussent compromis sa tentative. Tiraillé ici, attaqué ailleurs, il lui fallait se défendre contre les cabales d’une noblesse qui ne lui pardonnait pas son élévation et contre les intrigues d’une diplomatie qui n’acceptait pas un échec Au lendemain du départ forcé du marquis de Louville, le duc d’Orléans installait à Madrid des agents dirigés de Paris et embrigadés par notre ambassadeur le duc de Saint-Aignan pour combattre l’influence d’Alberoni dont le renvoi devint le premier but assigné à leurs efforts.

Auprès d’Alberoni, personne ne comptait pour rien et ceci n’était pas pour lui concilier tous ceux auxquels il fermait le chemin du pouvoir. Les uns laissaient voir leur humeur, d’autres affectaient l’indifférence ou la satisfaction, mais on ne pouvait ignorer que la France ne comptât parmi eux beaucoup d’amis. « Assurez-les, écrivait le Régent, de l’extrême envie que j’ai de leur rendre le gouvernement et d’en éloigner les Italiens, mais qu’il faut qu’ils y travaillent de leur côté le plus qu’ils pourront. Parmi ceux dont le concours paraissait devoir être le plus effectif se trouvaient Bernardo Tingero, secrétaire du Conseil des Indes, Ronquillo président du Conseil de Castille et le comte d’Aguilar » qu’on ne pouvait estimer, mais si plein de nerf et d’ambition qu’il ne fallait pas le mépriser[29]. » Beaucoup de grands seigneurs se joindraient à eux, qui tous avaient vu avec dégoût l’invasion italiote qui suivit l’arrivée de la reine parmesane ; déçus, aigris, parfois dépouillés de leurs charges, presque besogneux, on pouvait compter sur leurs rancunes et leur zèle plus que sur leur intelligence et leur discrétion[30]. A en croire ces mécontents, l’opinion publique était soulevée, la révolution imminente, et on les croyait beaucoup trop. Saint-Aignan, Torcy, le duc d’Orléans admettaient un peu légèrement que « le Roi catholique après avoir possédé l’affection de ses peuples au plus haut point de perfection s’en trouvait présentement privé[31]. »

Le pouvoir d’Alberoni tenait « à ce qu’il enfermait le Roi et la Reine », mais le pouvoir du confesseur, le jésuite Daubenton, qui à toute heure du jour et de la nuit entretenait Philippe V sans témoins, était presque aussi grand et Alberoni avait partie liée avec Daubenton, non par sympathie, mais par crainte réciproque de leur puissance. Une intrigue bien vile essaya.de les brouiller en les rendant suspects tous deux au Roi, elle échoua[32].

 

Les véritables adversaires

Saint-Aignan pensa découvrir autre chose : répondre aux avances de Daubenton de façon à mettre le ministre en défiance sur cette intimité ; il y réussit en partie et crut toucher le but. Louville le détrompa sans ménagements[33] et sans pouvoir le détourner de chétives intrigues et de bas espionnages[34]. En même temps, une brigue dans laquelle entraient le maréchal d’Huxelles et Mme des Ursins se formait pour rappeler Orry et n’aboutit à rien. Le Régent n’en voulait pas entendre parler[35] et Louville croyait y découvrir la façon des Jésuites[36]. Alberoni n’eut aucune peine à triompher d’adversaires si peu redoutables ; le 22 janvier 1717, son pouvoir n’avait plus rien à appréhender[37]. Ses craintes étaient ailleurs. Elisabeth Farnèse semblait toujours à l’instant de donner sa confiance à son entourage de serviteurs et de familiers accourus de Parme derrière elle et attachés comme des parasites à une proie : guitaristes, histrions, danseurs, mimes, tous ces saltimbanques que la courtoisie italienne qualifie d’artistes et leur coryphée, cette Laura Piscatori, la nourrice, personnage tel à peu près qu'il nous a été transmis par les peintres des mœurs antiques[38]. Alberoni avait fort à faire pour retenir cette jeune femme avide d’amusements plus effectifs que les dissertations politiques du favori et les caresses brutales de son mari. Odieuse aux Espagnols, qui ne le lui cachaient pas, Alberoni ne lui demandait pour l’instant que cette forme de dissimulation qu’on nomme patience. Trois ans seulement et l’Espagne posséderait une flotte, des finances, un commerce, une place en Europe qu’il ne serait au pouvoir de personne de lui arracher. « Trois ans, ce n’est pas une éternité disait Alberoni. Pourvu qu’un accident inopiné ne vienne pas bouleverser nos mesures[39] ! »

 

Le plan qui lui est opposé

L’accident se produirait sans attendre trois ans, parce que Alberoni était fatalement entraîné vers la guerre et qu’à ses vues s’opposait un plan pacifique élaboré par Dubois et Stanhope. Ce plan tendait à imposer un règlement définitif, selon les principes posés à Utrecht, aux puissances dont les possessions territoriales s’étaient accrues aux dépens de l’Espagne. L’Empereur accepterait le traité d’Utrecht dans toute sa teneur et recevrait pour prix de cette concession la Sicile en échange de la Sardaigne dont le duc de Savoie aurait à se contenter[40]. La Toscane, Parme et Plaisance, à l’extinction désormais prochaine de leurs dynasties, seraient déclarées fiefs impériaux, c’est-à-dire remis à l’Empereur qui disposerait en temps voulu de Parme et Plaisance pour le premier né d’Élisabeth, don Carlos. Dubois s’était emparé de cette dernière combinaison qu’il paraissait tenir pour immanquable[41], à ce prix il ne doutait pas que la paix ne se conclut entre Philippe V et Charles VI : « Le meilleur usage que l’on pourrait faire de l’alliance entre la France, l’Angleterre et les Etats-Généraux, écrivait Dubois à Stanhope, et le plus grand fruit que l’on en pourrait tirer, serait de travailler incessamment à procurer une paix fixe, et permanente entre l’Empereur  et le roi d’Espagne[42]. » Dès qu’on put tenir l’alliance franco-anglaise pour certaine, Georges Ier fit des ouvertures à Vienne, qui envoya M. de Pendtenriedter s’aboucher à Hanovre avec Stanhope, lord Sunderland et M. de Saint-Saphorin[43] (décembre 1716). On ne s’entendit pas, mais on se garda de rompre. De son côté, le Régent, à peine signé le traité de la Triple Alliance, fit des avances au roi d’Espagne[44] et chercha à atténuer l’impression que devait faire à Philippe V la nouvelle d’une alliance franco-anglaise[45].

 

La combinazione pontificale

Cette alliance rencontrait un adversaire peu traitable dans la personne du pape Clément XI, très animé contre le roi d’Angleterre et contre le Régent à qui il reprochait de ne pas persécuter les jansénistes. Afin de leur nuire, il « travaillait avec beaucoup d’ardeur à réunir l’Empereur, le roi d’Espagne et celui de Sicile dans la même cause contre le roi de la Grande-Bretagne et contre le Régent. Sa Sainteté tâchait pour cet effet d’engager Philippe V à convenir avec l’Empereur d’un partage en Espagne, moyennant quoi Sa Majesté Impériale concourrait à assurer le royaume de France à ce prince, en cas que le jeune Roi vint à mourir, et même à en ôter dès lors l’administration au duc d’Orléans que l’on regardait à Rome comme fauteur d’hérétiques ; que ces princes devaient travailler en même temps à établir le Prétendant sur le trône de la Grande-Bretagne[46]. » La combinazione pontificale n’aboutit pas, ainsi qu’on pouvait le prévoir, et c’était encore une chance de guerre en Europe qui s’évanouissait et le plan pacifique s’en trouvait affermi.

 

Inquiétudes des Farnèse

Cette alliance franco-anglaise avait d’ailleurs inquiété, dès qu’ils avaient pu en soupçonner l'existence, les patrons d’Alberoni. Les Farnèse, mis au courant du voyage de Dubois à Hanovre avaient dépêché dans cette ville un agent à toutes fins utiles[47], ils interrogeaient leur ministre à Madrid, stimulaient son obligeance[48], pressentaient quelque piège, quelque traité secret[49]. Or c’était le moment où le plan pacifique suggérait à Vienne le remaniement territorial en Italie. Ce plan favorisait l’Autriche au détriment de l’Espagne, l’Autriche n’en doutait pas et s’en trouvait flattée. C’était leurs anciens alliés impériaux que les Anglais voulaient ménager non seulement en souvenir du passé, mais en prévision de l’avenir, sans trop se préoccuper de ce qu’en penseraient ou diraient les Espagnols, à qui on ferait accroire que ce mauvais procédé était l’ouvrage des Français[50]. Au contraire tout ce qui paraîtrait flatterie ou déférence pour l’Empereur ou pour l’Espagne serait porté au compte de l’Angleterre. Le Régent et Dubois étaient inquiets ; Dubois ne voulait pas que l’Angleterre pût nous jouer de la sorte. « Il serait très important, selon lui, que le roi d’Angleterre parût agir de son propre mouvement à Madrid et à Vienne. » Le ministère anglais répugnait non seulement à un engagement formel, mais à une proposition trop claire, et il trouva dans Saint-Saphorin un diplomate avisé, entreprenant qui osa attacher le grelot. S’adressant au marquis de Rialp, un des principaux membres du parti espagnol qui entourait l’Empereur et entretenait ses prétentions, Saint-Saphorin lui exposa le plan, si avantageux pour l’Autriche. Rialp releva l’exigence de la renonciation au trône d’Espagne qu’il qualifia de a morceau dur à avaler[51] » ; les ministres allemands Sinzendorff et Staremberg allèrent jusqu’à accorder que l’Empereur n’entreprendrait rien contre l’Espagne si Philippe V s’abstenait de toute entreprise en France et en Italie. C’est sur cette base que Pendtenriedter était venu s’entretenir à Hanovre avec Stanhope. Après une honnête résistance, l’Autriche transmit à sa Cour le plan de Stanhope[52].

 

Dispositions à Vienne

A Vienne, le conseil secret décida de prolonger la conversation avec Stanhope, mais de tout marchander. A la renonciation demandée il substituait la garantie de l’uti possidetis, consentait à excepter le Mexique et le Pérou de ses revendications, à condition que le roi de Sicile perdît, outre la Sicile, le Montferrat et vit annuler ses droits de succession à la couronne d’Espagne[53]. Une maladresse de Pendtenriedter permit à Saint Saphorin de prendre connaissance, en même temps que lui, des instructions impériales. Il se hâta d’en avertir Stanhope[54] qui le répéta de vive voix à Dubois, en passant à la Haye. En même temps Stanhope instruisit l’ambassadeur espagnol en Hollande, Beretti-Landi, des offres de médiation qui allaient partir à l’adresse de l’Empereur et du roi d’Espagne. Beretti-Landi se crut en chemin pour surpasser Alberoni, rêva d’une grande alliance entre l’Espagne et les puissances occidentales, conseilla à Madrid de s’appuyer sur les Provinces-Unies, mais ne put, quelque envie qu’il en éprouvât, supplanter Alberoni de qui tout dépendait en Espagne. Alberoni captivé et accablé par les questions financières, maritimes, commerciales et autres n’était peut-être pas mécontent de délaisser quelques instants la diplomatie, aussi confia-t-il ses pleins pouvoirs à Beretti-Landi pour traiter avec les puissances maritimes ; celles-ci feignirent d’entrer avec empressement dans ses vues, Stanhope se plut même, abusant des secrets de l’abbé Dubois, à exciter le ressentiment d’Alberoni contre la France afin de lui faire mieux sentir le prix de l’amitié des Anglais[55].

 

à Madrid

A Madrid, ces mêmes Anglais se sentaient mal à l’aise. Dubois leur conseillait d’amorcer l’entretien par la promesse de la Sardaigne, mais comment promettre ce que l’Empereur retenait d’une main qui ne s’entrouvrait jamais que pour saisir et non pour rendre. Aux propositions qui lui furent adressées, Philippe V répondit qu’il « ne les croyait pas suffisantes pour rétablir l’équilibre, alors même que les duchés [de Parme et de Plaisance] seraient cédés par un traité à un fils de la Reine [sa femme] ; car tant que l'Empereur serait puissant en Italie, il serait toujours le maître de tenir ou non sa parole. Le Roi serait d’ailleurs forcé par cet arrangement de renoncer pour jamais à toutes ses justes prétentions en Italie, pour des droits dont il ne jouirait que trop tard, peut-être jamais[56]. » On pouvait d’autant moins espérer modifier ce point de vue qu’il était fondé en raison et recommandé par de grands intérêts.

 

à Paris

A Paris, on souffrait de la contradiction où jetait cette politique de la Triple Alliance qui avait garanti le traité d’Utrecht pour affermir la paix et qui risquait de faire naître la guerre en ne confirmant pas le traité de Rastadt. Dubois n’apercevait à cette situation qu’une seule issue, la dotation de la Sardaigne à Philippe V ou à son fils Carlos et l’admission du roi de Prusse dans la Triple Alliance[57]. Stanhope refusait, il destinait la Sardaigne à la Savoie, en dédommagement de la perte de Sicile, et écartait le roi de Prusse de l’alliance, « trouvant plus simple et plus logique, au lieu d’abandonner ses alliés anciens, d’abandonner Philippe V et son ministre : pour ne pas renoncer à ses alliances, il proposait à la France au mois de mai le sacrifice des siennes, celles que Louis XIV avait formées et soutenues au prix de tant d’efforts[58]. » Il s’en fallait d’ailleurs que cette aveugle politique, qui restaurait la coalition qu’avait détruite Louis XIV, en nous y faisant une place peu enviable, ne jetât point l’alarme parmi les serviteurs vigilants formés aux traditions nationales. Dans un mémoire adressé au Régent, le maréchal d’Huxelles donnait au prince ce grave avertissement : Le seul fruit que la France et Son Altesse Royale elle-même remporteraient d’une pareille alliance, si elle n’était pas précédée ou du moins accompagnée d’un traité entre le roi d’Espagne et l’Empereur, serait le reproche d’avoir consenti à l’infraction des traités solennels qui ont rendu la paix à l’Europe, uniquement pour procurer les avantages d’un prince [Charles VI], dont l'ambition ne peut être retenue par les liens les plus forts, d’avoir augmenté sa puissance enfin de s’être assuré le juste ressentiment du roi d’Espagne et du roi de Sicile. Ce serait de tristes, mais cependant d’inévitables effets d’une démarche aussi inconsidérée[59]. »

 

L’arrestation de Molinès

Tous sentaient les affaires si incertaines, la paix si branlante, qu’on attendait l’événement qui déchaînerait la crise» attendue, lorsqu’on apprit que le grand inquisiteur don José Molinès, vieillard octogénaire, se rendant de Rome en Espagne par le Milanais pour éviter le voyage par mer, muni d’un passeport de Clément XI visé par le cardinal de Schrattenbach, ministre impérial, avait été, dès ses premiers pas sur le territoire autrichien, arrêté par le lieutenant de Charles VI, jeté dans la prison de Colmenero où il mourut peu de jours après pendant que ses papiers étaient dirigés sur Vienne. L’infortuné, à qui une vanité sénile avait fait échanger un titre respecté contre celui qu’il eût dû repousser avec horreur, était victime d’un guet-apens longuement prémédité[60] ; de semblables éclats n’étant jamais exécutés par l’effet d’un zèle indiscret. Sous cet outrage, Philippe V se redressa, résolut la guerre immédiate, la Reine se fût bien gardée de le contredire, Alberoni fut d’un avis différent et un courrier partit de l’Escurial pour Madrid dont le gouverneur, duc de Popoli, ne fut pas moins ardent que les souverains, réclamant la guerre tout de suite et partout : en Sardaigne, en Sicile, à Naples et « qu’on se mît entre les mains de la Providence dont les voies dépassent l’entendement humain ». Alberoni laissait dire, souriait, décochait à Molinès ses meilleurs traits, ne l’appelant que la solennissima bestia qui s’allait fourrer dans le guêpier préparé pour elle[61]. Pour guider l’opinion, si tant est qu’il existât une opinion publique en Espagne, Alberoni écrivit le 10 juin au duc de Popoli, une « lettre si forte qu’elle dut, semble-t-il, convaincre celui-là même qui l’écrivit, à supposer qu’en prenant la plume il ne fût point encore persuadé des dangers que l’Espagne allait courir » avant d’être en état de les affronter[62].

 

Lettre d’Alberoni au duc de Popoli

« Je n’ai pas le courage de dire ni de penser avec Votre Excellence qu’il faille s’abandonner à la Providence. Il ne me paraît pas que nous soyons en état d’opposer la force à la force. J’ai dit tout cela à leurs Majestés dès les premiers mots qu’elles me firent l’honneur de m’adresser sur cette matière, et je serais très content, quand même l’affaire réussirait de la manière la plus heureuse, que tout le monde sût que mon très court entendement ne l’avait pas approuvée. » Le succès même ajouterait aux maux et aux périls d’un royaume abattu, épuisé. En somme, de quoi s’agissait-il ? D’un mauvais procédé de l’Archiduc à l’égard du roi d’Espagne et non d’un acte hostile lésant les stipulations d’Utrecht ou attentant à la neutralité de l’Italie.

En fût-il ainsi, sur quels vaisseaux, se rendrait-on à Naples ? quelles troupes s’y établiraient ? quelles excuses fournirait-on au Pape du manquement à la parole donnée de ne pas attaquer l’Archiduc en Italie pendant qu’il guerroierait contre les infidèles ? On irait à Naples, on s’y établirait et, pendant ce temps, les Allemands s’installeraient à Parme, à Plaisance, en Toscane. Que diraient l’Angleterre et les Provinces-Unies ? Qu’adviendrait-il du projet de réconciliation entre le Roi catholique et l’Archiduc ? Que retirerait à ce jeu le petit infant Carlos à pourvoir ?[63]

 

Alberoni et le duc de Parme prêts à la guerre

Popoli était napolitain, chez lui les ardeurs guerrières duraient peu de temps. Il écrivait au Roi pour se dédire, le dissuader de l’expédition et lui rappeler la gloire qui l’attendait dans le Levant. Philippe V, peu soucieux de la croisade, ayant eu connaissance de la lettre d’Alberoni à Popoli, chargea le P. Daubenton de faire connaître son mécontentement à Popoli et à Alberoni ; à ce dernier, le jésuite dit ces mots : « Je suis pour la guerre ; et je dois vous faire observer sans détour que votre refus exaspérera le Roi et qu’il peut vous exposer à la disgrâce[64]. » L’avertissement était trop clair pour que l’hésitation fût possible. Alberoni ignorait l’embarras des palinodies. S’il fallait l’en croire, il aurait proposé au Roi de porter la guerre contre Oran[65]. Pareille aventure eut déridé, même dans la patrie de don Quichotte. Il est fort possible et tout à fait vraisemblable que, dans tout ce récit, dont Alberoni est l’auteur, il se trouve plus de mensonge que de vérité. Partageant une ivresse commune aux parvenus, le ministre-novice prit quelques bataillons pour une armée, des vaisseaux radoubés pour une flotte et risqua joyeusement l’aventure dans laquelle l’Espagne pouvait périr. Ce n’est jamais à Madrid, c’est à Parme qu’il faut chercher les raisons d’agir du ministre de Philippe V. Or, dans la nuit du 27 mai, quelques heures après l’arrestation du vieil inquisiteur, un courrier emportait de Plaisance à Madrid, une dépêche chiffrée ainsi conçue : « A vous de considérer s’il n’y aurait pas là une occasion bien opportune de faire partir pour Gênes la flotte et de répondre à ces provocations par des marques effectives de ressentiment. Sans doute une telle affaire demande bien des réflexions : nous nous en remettons à votre prudence[66]. » Cette lettre arrive le 7 juin entre, les mains d’Alberoni qui, dès le lendemain, répond : « Qu’on en vienne à l’idée que vous suggérez de marquer par l’envoi d’une escadre le ressentiment du Roi, il faudra donc abandonner l’entreprise du Levant. Cela ferait un bien vilain effet dans le monde : nous aurions l’air d’avoir fait cet armement comme un prétexte[67]. » Voilà l’aveu de l’imposteur pris eu flagrant délit. L’entreprise du Levant, simple prétexte !

 

Impatience des Farnèse

Ainsi s’expliquaient les préparatifs poussés avec une activité fébrile dans le port de Barcelone depuis qu’on voyait l’Empereur aux prises avec les Turcs. La grande victoire remportée à Peterwardein l’année précédente n’avait pas découragé le futur agresseur ; au contraire elle lui avait appris la nécessité de créer une flotte imposante, de fabriquer des munitions abondantes, de réunir une armée nombreuse. Au nonce Aldobrandi et au Vénitien Mocenigo, leur compatriote trouvait le moyen de persuader que l’Espagne allait combattre les Infidèles ; il ne pouvait empêcher Saint-Aignan, Bubb, l’abbé del Maro de pressentir la véritable destination de cette armada : un débarquement en Italie. Enfin, aux Hollandais, qu’il croyait ses amis, le ministre ne cachait pas son dessein de rétablir l’équilibre entre la puissance impériale et le prestige espagnol dans la péninsule[68]. Bien que, jusqu’à ce jour, on n’ait pas découvert la trace d’une collusion entre Alberoni et l’Empereur et qu’on doive hésiter à admettre que l’arrestation de Molinès ait été concertée entre eux, il n’est pas possible de douter que cet incident ou tout autre destiné à rendre la guerre inévitable ait été machiné à Parme. Alberoni tremblait à l’idée que cette origine pût être découverte.

« Pour l’amour de Dieu, écrivait-il au duc, que Votre Altesse Sérénissime se garde bien de donner à l’Empereur la moindre ombre de prétexte à querelles[69] ». Une provocation trop évidente pouvait tout compromettre, réveiller la défiance et l’hostilité de Clément XI dont il avait obtenu, par ses promesses de secours, contre les Turcs, l’engagement de sa promotion imminente au cardinalat. Provoquer l’Empereur, l’attaquer, le battre ou l’affaiblir c’était faire le jeu des Turcs, c’était relever le pacte de son engagement. A tout prix il fallait gagner du temps, c’est-à-dire atteindre la date du consistoire[70]. Mais les Farnèse étaient hors d’eux, ils craignaient que leur machination n’aboutît pas. « Vous ne devez pas abandonner l’Italie à vos ennemis ! » s’écriait le duc de Parme[71].

 

La guerre

Alberoni n’y songeait pas. Aux objurgations trop pressantes, il répondait : « J’obéirai à ce que Votre Altesse Sérénissime m’ordonne[72] ». Cette docilité lui obtiendrait, sans aucun doute, un nouveau répit nécessaire. Au reste, il ne s’agissait plus du bon vouloir du pape, de qui Jacques Stuart avait la parole et qui ne pouvait la reprendre[73], la promotion était acquise si elle n’était déjà faite. Le consistoire se tint le 12 juillet et, dès le 9, Alberoni envoya à Parme ce billet chiffré, non signé, mais écrit de sa main : « L’escadre que vous savez partira le 17 courant de Barcelone pour la conquête de la Sardaigne : on a jugé cette île plus facile à conserver. C’est l’unique motif pour lequel on a renoncé à l’entreprise de Naples. Ce sera un prétexte pour l’Empereur de faire la paix avec les Turcs et de porter toutes ses forces en Italie. On vous recommande le secret[74]. »

Et à l’heure marquée, c’est-à-dire cinq jours après la proclamation cardinalice en consistoire, la flotte mit a la voile sous les ordres du marquis de Lède. On forma deux escadres, l’une prenant par les Baléares, l’autre par les côtes de France et la Corse, elles arrivèrent le 20 août devant Cagliari, débarquèrent neuf mille hommes qui, par quelques sièges entremêlés d’escarmouches, s’emparèrent de toute la Sardaigne en moins de deux mois.

 

 

 



[1] Cobbet’s Parliamentary History of England, t. VII, p. 437-438.

[2] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 301, fol. 84 : Mémoire joint à la lettre de Dubois à Stanhope, 7 novembre 1716.

[3] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 107 : Mémoire de mai 1717 ; ibid., t. 300, fol. 323 : Mémoire pour le Régent.

[4] Arch. Napl., Farnesiana, fasc. 58 : Alberoni au duc de Parme, 29 juillet 14 décembre 1716.

[5] Arch. Napl., Farnesiana, fasc. 58 : Alberoni au duc de Parme, 14 décembre 1716.

[6] Un essai de réhabilitation par E. Bourgeois, Le secret des Farnèse, Philippe V et la politique d'Alberoni, in-8°, Paris, s. d. [1911]. Voir De Mazade, Alberoni, dans Revue des deux mondes, novembre 1860 ; G. Professione, Alberoni, 2 vol. in-8°, Padova, 1890-1897.

[7] P. E. Lémontey, Histoire de la Régence, t. I, p. 128 ; E. Bourgeois, Le secret des Farnèse. Philippe V et la politique d’Alberoni, p. 206.

[8] Alberoni à Rocca, 9 mars 1716, dans Lettres intimes de J.-M. Alberoni adressées au comte J. Rocca, ministre des finances du duc de Parme, publiées par E. Bourgeois, in-8°, Paris, 1893, p. 444.

[9] Alberoni à Rocca, 27 avril 1716, dans Lettres intimes, p. 433.

[10] Alberoni à Rocca, 8 juin 1716, dans op. cit., p. 471.

[11] Alberoni à Rocca, 25 mai 1716, dans op. cit., p. 461.

[12] Bubb à Stanhope, 20 septembre 1715, dans W. Coxe, L’Espagne sous la maison de Bourbon, t. II, p. 261-265.

[13] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 242, fol. 238 et 270 : Saint-Aignan au Régent, 13 octobre 1715 ; le même à Louis XV, 26 octobre 1715 ; Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 58 : Alberoni au duc de Parme, 20 avril 1716.

[14] Bubb à Stanhope, 19 février 1716, dans W. Coxe, op. cit., t. II, p. 121.

[15] Bubb à Stanhope, 15 juin 1716, dans W. Coxe, op. cit., t. II, p. 139.

[16] Alberoni à Rocca, 8 avril 1716, dans Lettres intimes, p. 454.

[17] E. Bourgeois, Le secret des Farnèse, Philippe V et la politique d’Alberoni, in-8°, Paris, s. d. [1891], p. 193.

[18] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 61-62 ; Dubois à Stanhope, 28 avril 1717.

[19] Bibl. nat., ms. fr. 10670-10672, t. II, fol. 276, 745 ; De Saint-Hilaire, Mémoires pour servir à l’histoire d’Espagne sous le règne de Philippe V, in-12, Amsterdam, 1756, t. III, p. 175, Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIV, p. 38 suivantes.

[20] Bubb à Stanhope, 25 janvier 1717, dans W. Coxe, op. cit., t. II, p. 151.

[21] Bubb à Methuen, 12 avril 1717, dans W. Coxe, op. cit., t. II, p. 154, 155.

[22] Bubb à Stanhope, 7 juin 1717, dans W. Coxe, op. cit., t. II, p. 156.

[23] Alberoni à Rocca, 8 mai et 21 août 1713, dans Lettres intimes, p. 217, 243.

[24] E. Bourgeois, Le secret des Farnèse, p. 201-202.

[25] Arch. Nap., Famesiana, fasc. 58 ; Alberoni au duc de Parme, 29 juillet 1716.

[26] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 58 : Alberoni au duc de Parme, 5 octobre 1716.

[27] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 58 : le duc de Parme à Alberoni, 31 janvier 1716.

[28] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 58 : le duc de Parme à Alberoni, 30 octobre 1716.

[29] Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XVIII, p. 85.

[30] Arch. Aff. Etrang., Espagne, t. 252, fol. 270-275 : Instruction secrète de Saint-Aignan.

[31] Arch. Aff. Etrang., Espagne, t. 253, fol. 83 : Le Roi à Saint-Aignan, 27 octobre 1716.

[32] E. Bourgeois, Le secret des Farnèse, p. 229-232 ; Baudrillart, Philippe V et la Cour de France, t. II, p. 247-248.

[33] Louville à Saint-Aignan, novembre 1716, dans Louville, Mémoires, t. II, p. 225.

[34] Arch. Aff. Etrang., Espagne, t. 253, fol. 272 : Saint-Aignan au Régent, 22 décembre 1716 ; Louville, Mémoires, t. II, p. 221.

[35] Arch. Aff. Etrang., Espagne, t. 257, fol. 27 à 30 : Le Régent à Saint-Aignan ; 11 janvier 1717.

[36] Arch. Aff. Etrang., Espagne, t. 144, fol, 200 ; Le Régent à Saint-Aignan ; Louville, Mémoires, t. II, p. 228.

[37] Louville, Mémoires, t. II, p. 219, 225.

[38] Lémontey, Histoire de la Régence, t. I, p. 123.

[39] Alberoni à Rocca, 21 septembre 1716, dans E. Bourgeois, Le secret des Farnèse, p. 239.

[40] Weber, Die Quadrupel Allianz vom Jahre 1718, in-8°, Leipzig, 1887, p. 29-31.

[41] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 85 ; Mémoire joint à la lettre de Dubois à Stanhope, 7 novembre 1716 ; Ibid., Hollande, t. 311, fol. 263 ; Plan de Stanhope touchant les affaires d’Italie pour S. A. R. toute seule.

[42] Arch. des Aff. Etrang., France, Mémoires et Documents, t. 140, fol. 79.

[43] Weber, op. cit., p. 29 : Saint-Saphorin à Robethon, 10 octobre et 4 novembre 1716. Ce personnage se nommait François-Louis de Pesmes, né en 1668, à Saint-Saphorin, canton de Vaud (Suisse), il servit successivement la Hollande, l’Autriche, la Suisse et l’Angleterre. En 1717, il était représentant du roi Georges Ier à Vienne.

[44] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, t. 257, fol. 62 : Louis XV à Saint-Aignan, 9 février 1717.

[45] Bibl. nat., mss. franç. 10670-10672, t. I, p. 958 ; t. II, p. 79.

[46] Arch. des Aff. Etrang., Espagne, Mémoires et Documents, t. 140, fol. 114.

[47] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 4 janvier 1717.

[48] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 58 : le duc de Parme à Alberoni, 13 novembre 1716.

[49] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : le duc de Parme à Alberoni, 12 mars 1717.

[50] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 323.

[51] Arch. de Hanovre, Saint-Saphorin à Robethon, 10 octobre 1716.

[52] Arch. de Vienne, Rapport de Pendtenriedter, Hanovre, décembre 1716 ; Weber, op. cit., p. 31.

[53] Weber, op. cit., p. 33 : Baudrillart, op. cit., t. II, p. 271.

[54] Arch. de Hanovre, Saint-Saphorin à Stanhope, 21 janvier 1717.

[55] Bibl. nat., ms. franc. 10670-10672 : Mémoires de Torcy, t. II, p. 109, 187.

[56] Bubb à Methuen, 12 avril 1717, dans W. Coxe, op. cit., t. II, p. 323.

[57] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, fol. 107, Mémoire de Dubois, mai 1717.

[58] E. Bourgeois, Le secret du Régent, t. 199.

[59] Arch. des Aff. Etrang., Angleterre, t. 300, p. 323 : Mémoire de d’Huxelles au Régent, mai 1717.

[60] Bibl. nat., ms. franc. 10670-10672, Mémoires de Torcy, t. II, p. 415 ; Saint-Simon, Mémoires, édit. Chéruel, t. XIII, p. 69.

[61] Lémontey, Histoire de la Régence, t. I, p. 135.

[62] A. Baudrillart, Philippe V et la Cour de France, t. II, p. 374-375.

[63] Rousset, Storia del cardinale Alberoni, Amsterdam 1720, appendice, p. 131 ; Saint-Philippe, Mémoires, t. III, p. 197 ; cette lettre se trouve au British Museum, Addit. mss. 20425, Papiers du cardinal Gualterio, fol. 26-27 ; W. Coxe, op. cit., t. II, p. 158-161.

[64] W. Coxe, op. cit., t. II, p. 161, ces paroles ne se trouvent pas dans les papiers de Gualterio. Dans ces papiers, loc. cit., fol. 25, on voit que Daubenton rendit à Alberoni la lettre à Popoli que, sans doute, le secrétaire Grimaldo avait fait parvenir entre les mains du Roi. Le jésuite écrivit ces mots : « Par ordre du Roy j’ai rendu cette lettre à M. le comte Alberoni, le 12 juin 1717, Daubenton ».

[65] Brit. Mus., Addit. mss. 20425. Alberoni adjoignit toute la correspondance relative à cet incident à son mémoire justificatif envoyé de Sestri, le 28 mars 1720 au cardinal camerlingue Paulucci, publié par Rousseti par Bersani, par Wiesener.

[66] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : le duc de Parme à Alberoni, 27 mai 1717.

[67] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 8 juin 1717.

[68] Relation de l’abbé del Maro, publiée par D. Carutti, dans Memorie della Academia reale di Torino, 2e série, t. XIX, 1861, p. 128-131.

[69] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 14 juin 1717.

[70] Weber, Die Quadrupel Allianz vom Jahre 1718, p. 39-40 ; Bibl. nat., ms. franc. 10670-10672, Mémoires de Torcy, t. II, p. 511.

[71] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : le duc de Parme à Alberoni, 2 juillet 1717.

[72] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : Alberoni au duc de Parme, 9 juillet 1717.

[73] Brit. Mus., Addit. mss. 20.295 : le cardinal Gualterio à la reine d’Angleterre, Marie d'Este, 1er  juin, 6, 13 juillet 1717.

[74] Arch. Nap., Farnesiana, fasc. 59 : billet d’Alberoni conservé dans la minute d’une lettre du duc de Parme, écrite le 23 juillet 1717.