DES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS

DES ANNALES DES PONTIFES OU GRANDES ANNALES

 

INTRODUCTION.

 

 

LE grand pontife, aidé de ses quatre collègues[1] jusqu'à l'an de Rome 453, et, depuis lors, des quatre nouveaux pontifes créés par la loi Ogulnia[2], fut pendant plusieurs siècles le seul historien romain.

Les Annales des pontifes étaient aussi nommées grandes Annales, non à cause de leur étendue, mais parce qu'elles avaient pour auteur le grand pontife[3]. On les nommait encore Annales publiques[4], ou comme Annales de la nation, ou parce que le grand pontife était appelé quelquefois pontife public du peuple romain, formule employée dans le récit du dévouement du consul Decius[5].

Telles étaient les différentes manières de les distinguer, soit des Annales particulières des villes et des familles, soit des nombreux ouvrages composés sous le titre d'Annales, en vers, par Ennius, Attius, Furius d'Antium ; en prose, par Fabius Pictor, Fannius, Cn. Cellius, Pison Frugi, Célius Antipater, Valérius Antias, Claudius Quadrigarius, Licinius Macer, et, plus tard, par Hortensius, Varron, Atticus. Lorsque Tacite donna le nom d'Annales à son tableau historique de Rome depuis la mort d'Auguste jusqu'à celle de Néron, il n'annonçait pas l'intention d'y reproduire la simplicité et la sécheresse chronologique des anciens annalistes : il obéissait seulement à l'usage qui s'était peu à peu introduit dans la langue, usage constaté par Verrius Flaccus dans Aulu-Gelle[6], par Servius[7], par Isidore[8], de nommer Annales le récit des faits qu'on n'avait point vus, et Histoire, celui des événements contemporains.

Ce mot d'Annales avait alors perdu depuis longtemps le caractère presque sacré qu'il avait eu autrefois, quand les grands pontifes écrivaient seuls l'histoire, et qu'il ne conserva que dans le souvenir de quelques doctes interprètes de l'antiquité, qui allaient jusqu'à dire, comme Macrobe[9] et Servius[10], que c'est en qualité de souverain pontife que le héros de Virgile, le pieux Énée, s'exprime ainsi :

Et vacet annales nostrorum audire laborum.

Il ne s'agira, dans ces recherches, que des Annales pontificales. Déjà les divers historiens de la littérature latine, G.-J. Vossius, Nic. Funck, Fabricius, J.-G. Walch, Harless, Bernhardy, Fél. Bæhr, Dunlop ; la plupart de ceux qui, depuis trois cents ans, ont combattu pour ou contre les premiers temps de Rome, Glareanus, Cluvier, Perizonius, Bochart, Ryckius, Beaufort, Sax, Hooke, Niebuhr, Wachsmuth ; et, dans la collection de nos Mémoires, M. de Pouilly et l'abbé Sallier, M. Lévesque et M. Larcher, ont rassemblé sur ce point quelques témoignages. Mais leurs indications sont loin d'être complètes, surtout à présent ; ils ne distinguent pas toujours assez le siècle des auteurs qu'ils citent, le sens précis des mots ; plusieurs ne touchent cet important sujet qu'en passant ; et on reconnaîtra sans doute que de nouvelles controverses historiques qui se sont élevées depuis eux, des textes nouveaux qui nous ont apporté de nouvelles lumières, invitent aujourd'hui à reprendre dans tout son ensemble cette ancienne question.

Il faudra examiner d'abord l'origine et la composition des Annales des pontifes ; puis, leur durée, et les différentes formes qu'elles ont pu prendre avec le temps ; enfin, leur valeur historique.

 

 

 



[1] Cicéron, de Rep., II, 14.

[2] Tite-Live, X, 9.

[3] Macrobe, Saturnales, III, 2 ; Paul Diacre d'après Festus, au mot Maximi ; mot oublié ou supprimé dans l'édition des grammairiens latins de Lindemann, Leipzig, 1832, t. II, p. 95.

[4] Diomède, liv. III, p. 480, Putsch.

[5] Tite-Live, VIII, 9. Voyez Marini, Atti degli Arvali, p. 211.

[6] V, 8.

[7] Ad Æn., I, 373.

[8] Etymol., I, 43.

[9] Saturn., III, 2.

[10] Ad Æn., I, 373.