HISTOIRE DE FRANCE CONTEMPORAINE

 

LIVRE II. — LES OPÉRATIONS MILITAIRES.

CHAPITRE XI. — L'OFFENSIVE DE 1917.

 

 

I. — LES PLANS D'OPÉRATIONS POUR 1917.

DÈS que l'offensive de la Somme put être tenue pour terminée,  le commandement allié se préoccupa de la campagne de 1917. Le 16 novembre 1916, une conférence réunit à Chantilly le général Joffre, sir Douglas Haig et les chefs de mission de la Grande-Bretagne, de l'Italie, de la Russie, de la Belgique, de la Serbie et de la Roumanie.

L'Allemagne avait formé dans l'été et l'automne de 1916 des unités nouvelles. La classe 1917 avait été appelée, partie en mars, partie en mai, partie en août. Ses derniers éléments furent convoqués, les cultivateurs en septembre après la fin des travaux des champs, les employés d'industrie fin octobre et début de novembre. De cette classe les Allemands, formèrent des divisions nouvelles, où les jeunes conscrits comptaient pour la moitié de l'effectif. Ce furent les divisions 201-204, et la 12e division bavaroise. On constitua d'antre part des régiments nouveaux par divers prélèvements et remaniements, de telle sorte que l'armée allemande qui, au début de 1916, comprenait 173 divisions, en comprenait, six mois plus tard, 208 ; du 1er juin au 1er décembre, le nombre des divisions s'accrut de 20 p. 100, et celui des bataillons de 13 p. 100, passant de 1950 à 2.214. Du 1er janvier au 1er décembre, l'artillerie de campagne s'était accrue de 500 batteries ; l'artillerie lourde de 530. A la fin d'octobre, chaque bataillon d'infanterie possédait sa compagnie de mitrailleuses.

Cette formation d'unités nouvelles montrait clairement chez les Allemands la volonté de reprendre l'initiative. Il importait de l'en empêcher. De leur côté, les alliés s'étaient renforcés. Les armées britanniques comprenaient 62 divisions d'infanterie et 5 de cavalerie ; les armées françaises 109 divisions d'infanterie et 6 de cavalerie. Deux brigades russes étaient en France depuis l'été de 1916 ; deux divisions portugaises renforceraient en juin l'armée britannique. Les alliés disposaient pour la bataille, sur le front occidental, le 23 février 1917, de 1 945 bataillons. C'était, en un an, un accrois-ment d'un quart.

On décida donc que les armées de la coalition seraient prêtes à entreprendre des offensives d'ensemble, avec tous les moyens dont elles disposeraient, dès la première quinzaine de février 1917.

En ce qui concerne le front français, le plan d'opérations est fixé par le général Joffre, dans son instruction du 27 novembre. Il annonce une offensive d'ensemble du groupe d'armées du nord, entre la Somme et l'Oise, pendant que les armées britanniques exécuteront une opération semblable, entre Bapaume et Vimy. L'offensive devra être prête pour le 1er février, la date exacte dépendant de la situation générale. Quinze jours plus tard, une armée du groupe du centre, la 5e, attaquera entre Craonne et Reims.

Entre les deux zones d'attaque, le général Joffre laissait un vaste secteur passif, de l'Oise à Craonne. Cette région était en effet considérée comme inabordable. C'est un plateau de calcaire compact, dont l'Aisne borde le pied sud. Le plateau est subdivisé en deux masses, l'une au sud, l'autre au nord de la coupure est-ouest où coule l'Ailette. Le pays apparait comme une énorme forteresse, faite de deux remparts et de deux fossés, qui donnent à l'ennemi deux positions successives élevées par la nature.

La surface seule est calcaire. Elle repose sur une masse de sable, où les eaux creusent des ravins courts et profonds. Ces ravins évident, dans la masse comprise entre l'Aisne et l'Ailette, c'est-à-dire dans la première position allemande, des indentations comme celles d'une feuille de chêne. Dans la seconde position, au nord de l'Ailette, le travail des eaux a été encore plus complet, et la masse a été morcelée. Au nord de cette seconde position s'étend la plaine ; mais des buttes, fragments détachés du plateau, s'y élèvent encore comme des Iles dans la mer. Telle est la butte de Laon, réduit de tout le système.

Entre l'Aisne et l'Ailette, un chemin se détache de la route de Soissons à Laon à la hauteur de l'Ange gardien, parcourt le grand axe du plateau, puis descend à l'Ailette, et remonte vers le nord pour gagner le château de la L'ove. Ce chemin a été fait pour les filles de Louis XV, quand elles allaient à ce château. Il doit à son origine le nom désormais illustre de Chemin des Dames.

Comme on le voit par le plan d'offensive, l'intention du général Joffre n'était pas d'attaquer ce plateau, mais de le déborder par les plaines qui l'encadrent, à l'ouest entre la Somme et l'Oise, à l'est entre Craonne et Reims.

Quant au mode de l'attaque, il fut fixé par l'instruction du 16 décembre 1916, qui codifiait les expériences de la Somme et de Verdun. Cette instruction rappelle d'abord trois grands principes déjà posés par l'instruction de janvier 1916, parfois perdus de vue dans le cours de l'année, et confirmés définitivement par les laits : 1° il faut attaquer sur un Iront aussi large que possible, pour empêcher l'ennemi de concentrer ses feux et de diriger ses éléments réservés ; 2° il faut viser à l'enlèvement de la ligne d'artillerie ennemie, pour désorganiser la défense par la perte de ses canons ; 3° les attaques doivent se succéder dans le plus court délai, pour exploiter à fond le succès et réduire le temps laissé à l'ennemi pour se réorganiser.

Ces principes rappelés, l'instruction, renonçant aux objectifs limités en profondeur (pli avaient été la règle sur la Somme, pose en maxime qu'une offensive d'ensemble comprend deux phases. la rupture des positions ennemies, l'exploitation énergique et audacieuse du succès. Rupture et exploitation se font d'après mi plan qui contient une idée de manœuvre. On applique les moyens les plus puissants dans les zones de terrain où la progression peut être la plus rapide. On occupe, en marchant vers les objectifs, les lignes du terrain sur lesquelles l'ennemi pourrait se rétablir et les débouchés dont on a soi-même besoin, On enveloppe toute aile créée dans le dispositif adverse, de façon à élargir le front de combat initial et à détruire la plus grande partie possible des forces ennemies. — En d'autres termes, répartition intelligente des forces de l'attaque, choix d'objectifs qui soient des points vitaux, manœuvre enveloppante sur les bords de la brèche, exploitation à fond du succès : nous sommes loin de la bataille d'usure de la Somme.

Trois jours avant que parût l'instruction du 16 décembre, le général Joffre avait été nommé, par décret du 13, conseiller technique auprès du gouvernement en ce qui concerne la direction de la guerre, le commandement des armées du nord-est étant donné le 12 au général Nivelle.

Le nouveau commandant en chef, par ses instructions du 28 et du 30 décembre, élargit le plan de son prédécesseur. Il prévoit au préalable, sur le front britannique, cieux larges rectifications de front, l'une par la 1re armée sur la crête de Vimy, l'autre par la 3e et par la 5e qui réduiraient la poche existant encore sur l'Ancre. Puis une action d'ensemble sera exécutée par les armées britanniques entre Arras et Bapaume et le groupe français du Nord opérant entre la Somme et l'Oise sous les ordres du général Franchet d'Esperey, qui vient de remplacer le général Foch. Enfin, un peu plus tard, une puissante offensive sur l'Aisne et en Champagne sera déclenchée de Vailly à Reims, par un groupe nouveau, le groupe d'armées de réserve (G. A. R.) sous les ordres du général Micheler. Ce groupe comprend : 1° à gauche la 6e armée dont le général Mangin vient de prendre le commandement ; 2° à droite la 5e armée Mazel, qui occupait le secteur d'attaque depuis 1914 et qui a serré sur sa droite pour faire place à la 6e ; 3e en réserve, pour exploiter le succès, la 10° armée Duchêne qui se concentrera au sud de l'Aisne. La 6e armée doit enlever de vive force ce plateau du Chemin des Dames, que le plan Joffre se contentait de déborder ; la 5e armée doit, comme dans le plan Joffre, attaquer entre Craonne et Reims.

 L'opération ne put avoir lieu en février, qui était la date choisie d'abord. Le 25 janvier, le général en chef annonça qu'elle aurait lieu seulement en mars. Le 25 et le 26 février, une conférence interalliée eut lieu à Calais ; l'attaque y fut prévue pour le commencement d'avril ; de plus, le gouvernement britannique, comprenant qu'un commandement unique était presque nécessaire, subordonna pour ces opérations sir Douglas Haig au général Nivelle. C'était là un point capital, a écrit le général Mangin ; pour la première fois les troupes britanniques allaient combattre sous un chef étranger.

 

II. — LE REPLI ALLEMAND.

AU début de 1917, Hindenburg et Ludendorff envisageaient l'avenir sous un jour assez sombre. Ils constataient l'inégalité des forces, et l'accroissement constant de leurs adversaires. Nous ne pouvions songer à une attaque, écrit Ludendorff. Il nous fallait tenir nos réserves disponibles pour la défensive. Nous ne pouvions espérer l'effondrement d'une des puissances de l'Entente. La prolongation de la guerre semblait entraîner inévitablement notre délaite. Il faut ajouter encore les soucis que l'intérieur donnait au Général feld-marlchals et à son quartier-maitre général. Ils voyaient la détresse économique et craignaient h' fléchissement du moral. Des le mois de septembre, ils avaient prescrit la création de grandes positions de repli. L'une, qui s'appelait la position Siegfried, et que les alliés appelèrent la ligne Hindenburg, s'étendait d'Arras à Vailly, et sous-tendait l'are de Noyon. L'autre, qui s'appelait la position Michel, sous-tendait l'arc de Saint-Mihiel.

La ligne Hindenburg, considérée sur un point où elle était parfaite, par exemple dans la région de Bullecourt, couvrait toute la pente d'une colline. Au pied du versant s'étendait une avant-ligne : puis venait une première ligne ; catin, vers le sommet, la ligne principale était composée de deux tranchées. La première de ces deux tranchées était bastionnée de fortins en ciment, armés de mitrailleuses. Des descentes coffrées menaient à lui couloir souterrain percé de chambres, et d'on un second escalier descendait à un second étage d'abris plus profonds encore. De celte seconde cave partaient des couloirs, dont les uns, dirigés vers l'arrière, allaient rejoindre les abris de la tranchée suivante, tandis que les autres, dirigés vers l'avant, menaient à des nids de mitrailleuses isolés dans la campagne et noyés dans les fils de fer. — Enfin une cinquième tranchée, abritée à contre-pente, servait de position de repli, et balayait l'assaillant quand il apparaissait sur la crête.

Cette description ne comprend qu'une position : mais en réalité l'ensemble du système était formé de positions successives : entre Lille et Cambrai, 3 positions, sur une profondeur de 13 kilomètres ; entre Cambrai et l'Oise, 4 positions. Cambrai faisait partie de la troisième position.

Ces lignes furent construites par la main-d'œuvre civile, et l'armée fut instruite à la guerre défensive. La création de 13 divisions nouvelles augmenta sa capacité de manœuvre. Le commandement aurait voulu le service obligatoire pour tous, hommes et femmes, jusqu'à soixante ans. Le gouvernement lui donna une demi-satisfaction en instituant le service auxiliaire, par la loi du 2 décembre 1916. Des travailleurs belges et polonais furent transportés eu Allemagne. La fabrication des munitions et celle des gaz fut encore activée. L'infanterie reçut une mitrailleuse légère, une balle à noyau d'acier, de nouvelles armes à tir rapide, un fusil antitank. Les chevaux devenant de plus en plus rares, on développa la construction de voitures automobiles, dont on voyait l'Entente user avec tant de bonheur pour déplacer ses troupes. On accrut encore l'aviation. Et l'ensemble de ces mesures prit le nom de programme Hindenburg.

Enfin, réduite à se défendre sur terre, l'Allemagne prit l'offensive sur mer. Le 30 janvier, elle notifia la guerre sous-marine à outrance. La guerre sous-marine entraina la rupture avec les États-Unis. Dès le 3 février, le président Wilson déclara au Congrès que les relations avec l'Allemagne étaient rompues. Le 5 et le G avril, le Sénat et la Chambre des représentants reconnurent l'état de guerre avec l'Allemagne.

Mais, tandis que la rupture avec les États-Unis s'accomplissait, la révolution éclatait en Russie, du 7 au 12 mars. Le nouveau gouvernement promit fidélité à l'alliance, mais, la force militaire disparaissant avec la discipline, il fut évident qu'il ne fallait plus compter sur une offensive russe au printemps.

Pour attendre l'exécution du programme Hindenburg, les effets de la guerre sous-marine et ceux de la révolution russe, l'Allemagne avait intérêt à gagner du temps. La Direction suprême de l'armée, au lieu de recevoir l'offensive des Alliés sur le front occidental, décida de la disloquer d'avance en se repliant spontanément sur la ligne Hindenburg. L'ensemble des travaux d'évacuation et de destruction avait, été étudié par le groupe d'armées du prince Rupprecht sous le nom de programme Alberich. Le 4 février, l'ordre fut donné d'exécuter ce programme, le premier jour de l'exécution étant le 9 mars. Le mouvement de retraite devait commencer le 16. Sous la pression des Alliés, des reculs partiels furent effectués le Il au nord, et le 13 au sud. Mais le grand mouvement de repli, écrit Ludendorff commença conformément à nos plans le 16 mars, et fut exécuté d'un seul mouvement effectué par bonds successifs.

Cependant, dès le 1er mars, un repli local sur l'Ancre, devant la 5e armée britannique, avait déterminé le maréchal Haig à envoyer, le 2, au comité de guerre anglais une note où il examinait l'hypothèse d'une retraite allemande de grande envergure, prélude, croyait-on, d'une attaque allemande. Le maréchal envisageait le cas ou l'offensive des Alliés devrait être abandonnée. Il craignait en particulier pour son aile gauche, c'est-à-dire pour la 2e armée, en Flandre. Un double de cette note fut envoyé à l'état-major français. M. Briand, président du Conseil, répliqua le 6 par une note très vive à M. Lloyd George, ou il se plaignait de la mauvaise volonté de sir Douglas Haig. M. Lloyd George proposa la réunion d'une Conférence à Londres. Elle eut lieu le 12 et le 13. Le général Nivelle et sir Douglas Haig se mirent d'accord. Sur ces entrefaites, le général Nivelle reçut le 13 à Londres la nouvelle que les lignes allemandes étaient évacuées dans la région de Lassigny. Revenu le 14 à son quartier général, il ordonna la poursuite.

Mais la retraite de l'ennemi changeait les conditions de l'offensive. Le 17, le général Nivelle adressa aux commandants de groupes d'armées une note sur la situation nouvelle. L'ennemi s'étant dérobé au nord de l'Oise, l'attaque principale aura lieu on partie contre le formidable massif qui s'étend de Soissons à Craonne, en partie plus à l'est, dans la plaine de Champagne et sur les collines qui entourent Reims. Au nord de l'Oise, le groupe d'armées du nord se contentera de suivre les Allemands jusqu'à la ligue Hindenburg, qu'il n'attaquera point. Le front se rétrécissant au cours de cette poursuite, le groupe se trouvera en fin de course réduit à une seule armée, la 3e. La 1re armée, doyenne ainsi disponible, fut constituée en armée de réserve derrière la 10e.

Le 4 avril, le général Nivelle précisa ses intentions dans une  instruction générale. Le but à atteindre étant la destruction de la masse principale des forces ennemies sur le front occidental, les opérations comporteraient deux phases : 1° une bataille prolongée dans laquelle nos armées d'attaque devront rompre le front adverse, puis battre les disponibilités ennemies : 2° une phase d'exploitation intensive à laquelle participeront toutes les forces disponibles des Alliés. La phase de rupture devait être exécutée par des attaques combinées d'un groupe d'armées britanniques entre Givenchy et Quéant, du groupe d'armées du nord sur Saint-Quentin, du groupe d'armées de rupture entre l'Oise et Reims, enfin de la Fie armée enlevant à l'Est de Reims le massif de Moronvilliers.

Le lendemain 5, une note du général en chef aux commandants  d'armées justifiait l'opportunité d'une offensive immédiate. Cette note constatait qu'à la veille de l'offensive, le commandement, à certains échelons, montre la petite hésitation de rigueur. En réalité, les appréhensions des exécutants étaient plus graves. Elles amenèrent, le h avril, la convocation à Compiègne d'un Conseil de guerre, où prenaient part le Président de la République, le président du conseil, les ministres de la Guerre, de la Marine et de l'Armement. le général Nivelle et les quatre généraux commandants de groupes d'armées. Le général Nivelle exposa les raisons qui rendaient l'offensive urgente, avant que l'ennemi fut à même d'exploiter la défaillance de la Russie, et de l'aire intervenir les 22 divisions qu'il créait en ce moment. Quant à la l'orme de la bataille, il se défendit de pouvoir la décrire d'avance, et posa seulement le principe de l'exploitation à fond.

Les généraux furent consultés sur l'opportunité de l'offensive. Le général Franchet d'Esperey se tint sur la réserve ; le général Micheler reconnut que l'offensive était nécessaire, et déclara que l'enlèvement des trois premières lignes allemandes pouvait être considéré comme certain ; le général Pétain, tout en se ralliant à l'opinion générale sur l'opportunité de l'offensive, insista pour qu'elle fût limitée à des objectifs définis, les forces françaises n'étant pas suffisantes pour pousser plus loin l'opération. Quand les commandants de groupes d'armées eurent donné leur avis, le général Nivelle reprit fa parole, mais pour offrir sa démission. Puis, sur l'insistance de tous, il revint sur cette résolution. On décida enfin d'arrêter l'offensive, si elle ne réussissait pas dans un bref délai. D'après des témoignages verbaux, le succès immédiat avait été défini par le général Nivelle lui-même comme la condition de la victoire.

 

III. — L'OFFENSIVE DU 16 AVRIL.

L'ARMÉE britannique s'engagea la première le 9 avril et enleva brillamment la falaise de Vimy, mais sans pouvoir déboucher dans la plaine de Douai. L'attaque française eut lieu le 16 avril, la 6e armée à gauche jusqu'à Heurtebise, la 5e armée à droite, de Heurtebise à Reims. Elles avaient devant elles à l'ouest la VIIe armée Bœhn, et à l'est la Ire armée Fritz von Below.

La 6e armée attaquait sur un front de 15 kilomètres, la 5e sur un front de 25. La dotation en artillerie lourde était d'une pièce par 19 mètres à la 6e armée, une par 22 mètres à la 5e ; mais le terrain à battre, ce calcaire dur percé de cavernes, était très difficile. D'une part, les destructions ne furent pas faites ; d'autre part, l'artillerie française ne domina pas l'artillerie allemande, qui, disposant d'excellents observatoires terrestres, et servie par ses avions, tira comme à la cible. La difficulté de la préparation fut encore augmentée par le temps, qui fut très mauvais. Enfin l'aviation se montra insuffisante, et les transports furent très défectueux.

La 6e armée avait en ligne, de gauche à droite, le ter corps colonial, le 6e corps, le 20e et le 2e corps colonial. L'armée était en équerre, le 1er corps colonial, à gauche, de Vauxaillon à Laffaux, faisant face à l'est, tandis que les trois corps de droite, de Soupir à Heurtebise, faisaient face au nord. A l'angle de l'équerre, entre le ter corps colonial et le 6e corps se trouvait, devant Soissons, depuis Laffaux à l'ouest jusqu'à Soupir à l'est, un secteur passif, tenu par deux brigades territoriales.

D'une façon générale. la première position allemande couvrait d'un lacis de tranchées, de bretelles, de cavernes organisées, le plateau du Chemin des Dames ; la seconde position couvrait le plateau symétrique, mais plus découpé et rompu, qui redouble le premier au nord de l'Ailette. Par la gauche, la tir armée était, au contact de la position Hindenburg, qui faisait un retour d'équerre juste au nord de Soissons, et qui était puissamment organisée sur l'étendue plaie et dominante où s'élevait, entre Soissons et Laon, le moulin de Laffaux.

L'attaque l'ut déclenchée à six heures du matin par un temps couvert et brumeux. A gauche, le 1er corps colonial débouche bien ; mais, après une première progression, il est arrêté. Le village de Laffaux est pris et repris. L'avance en fin de journée n'est que de 500 mètres, et, dans la nuit, une contre-attaque allemande ramène le corps sur ses tranchées de départ. Au centre, le 6e corps enlève rapidement les deux premières lignes ennemies ; mais les Allemands démasquent des mitrailleuses qu'ils ont abritées dans les cavernes du plateau calcaire, et l'avance est arrêtée. Il en est de même an 20e corps, qui, après. un bon débouché, est arrêté par les mitrailleuses. Le 2e corps colonial, remporte d'abord un brillant succès : la 10e division Marchand qui forme l'extrême droite, conquiert à l'ouest d'Heurtebise toute la largeur du plateau, crève la première position allemande en entier, et des éléments du :33e régiment colonial descendent dans la vallée de l'Ailette jusqu'au village d'Ailles ; mais les Allemands ont conservé à l'est le plateau de Californie, à l'ouest le plateau de la Bovelle. Non seulement leurs feux écrasent les occupants d'Ailles, mais ils leur interdisent le retour. Bien peu ont pu remonter sur le plateau et rejoindre les lignes françaises. Le 2e corps colonial est si abîmé, que, le 17, le lie corps, tenu en réserve, reçoit l'ordre de le relever.

Le 17, la situation change peu. Le 13, les Allemands se replient devant le centre de la 6e armée, où les progrès de la droite les mettaient en saillant dangereux : ils évacuent Vailly, Aizy, Sancy et Jouy, et se retirent sur le Chemin des Dames. Au témoignage de Ludendorff, cette évacuation se fit avec de grosses pertes. En même temps qu'ils se refusent au centre devant le 6e et, le 20e corps, les Allemands essaient de se dégager aux ailes, et ils attaquent avec violence à l'est le lie corps, à l'ouest le 1er colonial, qui occupe néanmoins Nanteuil-la-Fosse et Sancy.

La 5e armée, depuis Heurtebise à gauche jusqu'à Courcy (au nord de Reims) à droite, comprenait le 1er corps, le 5e, le 32e, et le 7e.

Le 1er corps fut rapidement arrêté par les mitrailleuses devant le plateau qui domine Craonne, et qu'on appelle le plateau de Californie ; sa division de droite, la 2e, avait à enlever, à l'est du plateau, la forte position du bois de Chevreux ; la préparation avait été très insuffisante : du côté français 32 batteries, dont, 6 lourdes seulement, contre 38 batteries allemandes, dont les deux tiers de pièces lourdes ; des munitions arrivant au compte-gouttes ; les avions allemands réglant librement le tir et repérant les positions. Le matin de l'attaque, l'artillerie allemande commence à cinq heures un tir violent sur les tranchées ; cependant l'attaque débouche bien : mais les mitrailleuses ennemies se démasquent, sur le front, sur les flancs, et la division est ramenée sur ses tranchées avec d'énormes pertes. Plus à droite, le 5e corps enleva le bois des Buttes ; le 32e, entre l'Aisne et la Miette, pénétra jusque dans la deuxième position ennemie ; le 7e enleva Courey, Loivre et Bermericourt, c'est-à-dire les villages qui encadrent la butte de Brimont, la plus septentrionale des collines de Reims. Mais, après ces combats, vers midi, l'infanterie était épuisée.

Deux cents chars d'assaut, sur le front de la 5e armée, devaient participer à l'action. D'après le règlement du 1er janvier 1917, leur action était réservée pour l'attaque de la seconde position. Ils formaient deux groupements, Bossut et Chaubès. Le groupement Bossut avait mission de pénétrer dans la deuxième position ennemie entre la Miette et l'Aisne, avec le ne corps. Le groupement Chaubès, à l'ouest de la Miette, devait marcher avec le 5e corps ; mais, dès la sortie des bois de Beaumarais, il fut pris sous le feu et ne put avancer ; presque tous les chars furent détruits. Le groupement Boussut, après avoir traversé le terrain bouleversé de la première position allemande, atteignit à onze heures la ligne des batteries. Le commandant Boussut est tué au passage de la seconde position. A midi, cinq chars, qui ont débordé Juvincourt, se trouvent à mi-chemin entre ce village et l'Aisne. Ils nettoient le terrain, écrit le lieutenant Lestringuez, et font désespérément appel l'infanterie, en manœuvrant le panneau signal qui se dresse à l'arrière du char. Vains efforts ! L'infanterie, décimée, éparpillée, est à bout de souffle ; de petits groupes de tirailleurs tiennent çà et là dans des trous d'obus, mais la grande vague est brisée, et ses efforts dispersés se heurtent à la résistance allemande qui, le premier désordre passé, s'organise solidement. Les chars iront seuls de l'avant vers leur objectif, inutile sacrifice qu'ils accomplissent en soldats, comme un honnête ouvrier achève consciencieusement la tâche commencée.

Cependant les Allemands ouf adopté dans l'hiver un procédé de défense nouveau : ils tiennent prêtes des divisions dites divisions d'intervention, qui, au lieu de renforcer le défenseur, tomberont sur l'assaillant désuni. Ces divisions d'intervention exécutent dans l'après-midi des contre-attaques très énergiques ; l'une d'elles, qui part de la région de Prouvais, est prise sous des feux d'artillerie lourde ; mais une autre, près de Juvincourt, arrête la progression des tanks ; une troisième, contre le 7e corps, reprend Bermericourt.

Il y avait eu dans cette journée de terribles mécomptes. Si la première ligne allemande avait été détruite par l'artillerie de tranchées, si l'attaque avait, en général, bien débouché, la conquête des autres lignes de la première position, quand elle avait pu être faite, avait été très pénible. La seconde position n'a été abordée que par un seul corps, le 32e. L'artillerie allemande n'a pas été  dominée. Les réserves allemandes ont réagi avec vigueur. Les  armées assaillantes, écrit M. Bérenger dans son rapport au Sénat, durent s'arrêter dès les premières heures ; et les encombrements, les embouteillages, les confusions de toute sorte aggravèrent encore la déception d'un arrêt aussi brusque. Le 16 au soir, au quartier général du général Micheler, l'impression était que l'offensive était manquée, et qu'il fallait l'arrêter ; seul, le général Mangin affirmait le succès et demandait que l'attaque fût poursuivie.

Le général Nivelle se rendit, le 17 au matin, chez le général Micheler, se fit rendre compte, et décida, par un ordre daté de dix heures quinze, de renoncer à l'offensive sur le front de la 6e armée, qui se bornera à achever la conquête des hauteurs du Chemin des Dames. Au contraire, la 5e armée continuera son attaque en direction du nord-est, en prenant pour base le terrain conquis la veille.

Le même jour, la 4e armée Anthoine attaquait, en Champagne, l'aile droite de la IIIe armée von Einem. L'attaque, menée avec trois corps sur un front de 8 kilomètres, avait lieu en direction du nord, de façon à converger, au delà du massif de Reims, avec les efforts de la 5e armée.

La 4e année avait devant elle une longue file de hauteurs de craie très abruptes, couvertes de sapinières. Vues de profil, de l'observatoire de Verzy, elles semblent une île escarpée sur la mer. Vues de face, elles découpent une crête livide et dentelée sur le ciel nuageux de Champagne. Les sommets se nomment, de l'ouest à l'est, le Cornillet, le mont Blond, le mont Haut, le Casque et le Téton. Au sud-est du Téton, vers les lignes françaises, s'avance un avant-mont, une coupole surbaissée de craie, que les Français appelaient le mont Sans Nom.

Par sa gauche, la 4e armée s'empara, le 17 au matin, du Cornillet et du mont Blond ; à la droite, une avance de deux kilomètres lui donna le mont Sans Nom. Pour exploiter ce succès, le 10e corps, qui était à la 1re armée, vient renforcer la 4e. Le 22, la crête du mont Haut fut enlevée ; mais elle ne fut pas dépassée. D'autre part, les attaques de la 5e armée n'obtinrent que des résultats insignifiants.

 

IV. — LA FIN DE L'OFFENSIVE.

ON a vu que, dès le 16 au soir, un mouvement d'opinion s'était manifesté pour l'arrêt de l'offensive. Le 18, M. Albert Thomas, ministre de l'Armement, déclarait au premier ministre anglais que le cabinet de guerre français était déterminé à ne pas s'engager dans une lutte prolongée avec l'ennemi, comme celle qui eut lieu pendant la bataille de la Somme, à moins que les opérations françaises en cours ne donnent pendant les quelques premiers jours de combat une promesse de gains matériels importants à une date rapprochée. L'impression de M. A. Thomas était que l'état des effectifs français ne permettait pas de consentir aux lourdes pertes d'une bataille d'usure, et qu'il fallait attendre du temps qu'il rétablit les Russes et amenât les Américains.

M. Lloyd George consulta sir Douglas Haig, lequel répondit, le 19, que l'arrêt de l'offensive serait très contraire à la sagesse. Le ministre anglais eut, le 20, au quai d'Orsay, un entretien avec M. Ribot et le général Nivelle. Il fut nettement d'avis que l'offensive fût continuée. Le Conseil des ministres français avait entendu le général Nivelle le matin ; celui-ci avait exposé les ordres qu'il avait donnés les jours précédents ; aucune objection n'avait été faite.

Le 21, le général Nivelle écrivait au général Wilson : Bien que la progression des armées d'attaque soit moins rapide que nous l'avions escompté, je ne change rien aux instructions générales pour l'offensive.... En particulier, aucun arrêt des opérations n'est à envisager. Les armées du groupe d'armées de réserve et du groupe d'armées du centre poursuivent activement la préparation des prochaines attaques devant tout leur front. Celles-ci seront déclenchées à des dates très rapprochées.... Le commandant en chef français demandait que l'armée britannique profitât des attaques françaises pour augmenter l'ampleur des siennes, menacer l'adversaire et, le contraindre à engager des réserves. Il est visible que, dans sa pensée, la bataille, conçue d'abord comme une rupture de vive force, a maintenant le caractère d'une lutte d'usure. Le 25 avril, à l'Élysée, il fait valoir, pour prolonger l'offensive, que les réserves allemandes, fortes d'abord de 52 divisions, n'en comprennent plus que 12.

Le 26, MM. Ribot et Painlevé déclaraient encore à sir Douglas Haig, que la bataille devait être poursuivie. Mais les idées du gouvernement français changeaient aussitôt. Le 9.8, le général Pétain, notoirement hostile à la poursuite de l'offensive stratégique, était nominé chef d'état-major général de l'armée auprès du ministre de la Guerre, et, le 29, le commandant en chef recevait l'ordre de surseoir à l'attaque de la 5e armée au nord de Reims, sur Brin-mut. Le 30 au soir, une conversation eut lieu à Châlons entre le général Nivelle et le général Pétain. Le second demanda et obtint que l'attaque des hauteurs de Brimont, qui effrayait le gouvernement, fût distraite de l'offensive projetée.

Le 4 mai au matin, une conférence eut, lieu à Paris entre les deux chefs d'état-major, général Robertson et général Pétain, et les deux commandants en chef, sir Douglas Haig et général Nivelle. On décida à l'unanimité de poursuivre les opérations offensives sur le front occidental. Toutefois il ne s'agissait plus de rompre l'adversaire, mais de l'user. Il ne peut plus être question, dit le procès-verbal, de viser à rompre le front ennemi et à atteindre des objectifs éloignés. La question est maintenant d'user et d'épuiser la résistance ennemie.... Nous sommes unanimement d'avis que notre but ne saurait être atteint qu'en attaquant sans répit, avec un objectif limité. Le général Nivelle se ralliait donc à l'opinion du général Pétain, et on revenait aux doctrines de la Somme et de 1916.

Dans l'après-midi, une conférence eut lieu entre les chefs des gouvernements. M. Lloyd George insista pour la continuation de l'offensive. M. Painlevé la promit. Ce que nous voulons, dit-il, c'est une méthode quasi scientifique pour obtenir le rendement maximum. La bataille devra continuer avec tous les moyens en notre pouvoir et toute l'énergie possible. Le gouvernement n'a jamais dévié de cette ligne. M. Ribot promit, d'une façon plus vague, que nous saurions occuper l'armée allemande sur notre front.

Le lendemain 5, l'offensive recommençait sur le plateau du Chemin des Dames. Elle donnait à l'ouest l'importante position du moulin de Laffaux, et à l'est le plateau de Californie, enlevé par la 10e armée, qui, primitivement réservée, était entrée en ligne, avec quatre corps, entre la 6e et la 5e. Le 10 mai, le général Nivelle fut mandé à Paris par M. Painlevé, qui lui apprit que son remplacement était décidé. Pendant cinq jours, le gouvernement essaya d'obtenir la démission du général en chef, qui la refusa. Enfin, le 16 mai, le général Nivelle fut averti qu'il était remplacé par le général Pétain.

La bataille était nettement perdue. La rupture du front ennemi, qui était la raison de l'action, .n'avait pas été obtenue. Partout la seconde position allemande restait intacte et, sur beaucoup de points, la première position n'avait pas été emportée. Soixante-cinq divisions françaises avaient été engagées. Les pertes avaient été, du 16 au 25 avril, de 32.000 morts, 5.000 prisonniers, et 80.000 blessés, dont 20.000 légèrement.

En France, une propagande pacifiste aux armées s'exerçait ouvertement et, dès longtemps. Dans un rapport du 28 février 1917, le général Nivelle écrivait au ministre de la Guerre : Depuis plus d'un an, des tracts, brochures, journaux pacifistes, parviennent aux Armées. Il en sévit maintenant une véritable épidémie. Le général Nivelle signalait encore les réunions où, sous couleur de traiter les questions corporatives, les chefs syndicalistes et socialistes exposaient devant les permissionnaires les théories pacifistes ; enfin quelques soldats étaient en correspondance suivie avec les meneurs.

L'échec du 16 avril fut désastreux pour le moral de l'armée. D'après le rapport d'un officier de la section d'information du grand quartier, les troupes enlevées du 1er corps et du 2e colonial traversent en convois automobiles la région d'Épernay et de Château-Thierry et mettent au courant de la situation les troupes qu'elles rencontrent. A Château-Thierry, des cris de Vive la paix ! se font entendre. Les hommes disent couramment : On nous a fait assassiner ! Toutefois il ne se produit aucune scène de désordre. Les troupes sont en proie à la tristesse ; quelques-unes manifestent leur fureur de l'échec ; mais aucune insubordination. Dans les hôpitaux, les blessés sont tous dans un morne découragement. Ils disent qu'on s'est heurté à des défenses non détruites.... Un train chargé de troupes fraîches portait sur ses wagons ces inscriptions à la craie : Vive la paix ! A la boucherie !

Les premières mutineries éclatèrent après le 20 mai dans des corps d'armée au repos depuis plusieurs mois. C'est par leurs dépôts divisionnaires, situés à l'arrière, écrit le général Mangin, que les troupes du front sont contaminées ; la marche de la contagion de l'arrière vers l'avant est très nette, et elle s'exerce d'abord sur les troupes stationnées le plus près de Paris, qui doivent y venir proclamer la révolution ; le mouvement est d'autant plus actif que la troupe est restée plus longtemps au repos, soumise aux impressions délétères de l'arrière.

Certains corps refusèrent de monter aux tranchées ; d'autres saisirent des trains ou des camions pour marcher sur Paris. Les mutins forment des soviets à l'exemple des Russes et élisent des délégués. Ces délégués proclament que la guerre a assez duré. Souvent ils se bornent à déclarer qu'ils se défendront si les Allemands attaquent, mais qu'ils ne veulent plus d'offensive nouvelle. En général, ils restent respectueux de leurs officiers ; ils affectent une tenue correcte : une exagération des signes de respect précède souvent la mutinerie.

Le général Pétain s'efforça de faire disparaître les causes particulières de mécontentement : irrégularité des tours selon lesquels les troupes montaient aux tranchées ; irrégularité des permissions, etc. ; il s'efforça de soustraire les permissionnaires aux influences dangereuses ou à l'abandon oh ils étaient laissés ; il s'efforça de rétablir la confiance entre les exécutants et le commandement. A partir du 17 mai 1917, écrit M. Bédier, par une série de notes et de mesures appropriées, le Commandement s'ingénie à les mieux persuader qu'ils peuvent, an contraire, et qu'ils doivent dire à leurs chefs leurs doutes, et qu'à tout échelon leurs chefs doivent leur savoir gré de les dire ; que l'attitude bienveillante du chef en de tels cas est conformé aux traditions les plus nobles de l'armée française ; que le confident professionnel de l'officier, c'est son chef ; que le chef doit justifier cette confiance, qui repose sur l'estime réciproque et le commun dévouement an pays. Le général en chef visita lui-même toutes ses divisions. Il groupe les officiers en cercle autour de lui, dit un témoin, il les interroge avec simplicité. Les chefs de corps et de bataillon s'enhardissent alors ; ils dépeignent en toute sincérité l'état physique et moral de leurs hommes : ils disent leur fierté des résultats obtenus et leur angoisse des épreuves endurées : ils demandent pour les soldats des permissions, des décorations, des fourragères. Ainsi, par des remèdes plutôt que par des répressions — le nombre des condamnations capitales ne dépassa pas une vingtaine —, le trouble, qui aurait pu devenir très grave, disparut. L'ennemi n'en eut pas connaissance sur-le-champ. Au milieu de juin, l'armée, française était remise en main.